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3 - Recommandations budgétaires


«... je partage le consensus de mes collègues, à savoir que 2 p. 100 du PIB pour l'année subséquente est un bon objectif.»
Clément Gignac, économiste en chef et stratégiste, Levesque Beaubien Geoffrion Inc.

La cible de 2 p. 100

Le ministre a recommandé de fixer à 2 p. 100 du PIB, c'est-à-dire à environ 17 milliards de dollars, le niveau cible du déficit pour 1997-1998. Le Comité considère que ce niveau s'insère dans une stratégie réaliste, responsable et équilibrée de réduction du déficit.

De modestes nouvelles mesures budgétaires devraient suffire d'ici à 1997-1998 pour atteindre cet objectif. L'on s'attend, à la suite de la phase I de l'Examen de programmes du gouvernement et des mesures annoncées dans le Budget de 1994 et plus spécialement dans celui de 1995, que les dépenses de programme seront ramenées à 108,6 milliards en 1996-1997, puis à 106,3 milliards en 1997-1998. Les principales incertitudes ont trait à la réalisation de nos hypothèses prudentes au sujet des taux d'intérêt et de la croissance économique pendant les deux prochaines années.

Hypothèses économiques prudentes

Le gouvernement se fonde sur les prévisions moyennes du secteur privé, en y appliquant par prudence un facteur de pondération pour tenir compte des incertitudes dont les prévisions économiques s'accompagnent toujours, pour établir ses hypothèses au sujet des taux d'intérêt et de la croissance.

Les prévisions du secteur privé pour 1996, établies entre la mi-septembre et la mi-octobre, situaient en moyenne les taux d'intérêt à court terme à 6,3 p. 100 et les taux des obligations d'État de 10 ans à 7,8p. 100.

Cela se traduit, à des fins budgétaires, une fois pondéré d'environ 50 points de base, par des taux d'intérêt de 6,8 p. 100 pour le court terme et de 8,3 p. 100 pour les obligations de 10 ans.

Étant donné la période où les prévisions du secteur privé ont été établies, la moyenne des prévisions du secteur privé concernant les taux d'intérêt n'est pas indicative de l'incertitude qui a suivi le référendum québécois. L'évolution de la situation économique depuis lors, dont celle du marché du crédit, a toutefois compensé en partie l'incidence négative de l'incertitude créée au sujet de l'unité du pays. De toute manière, le Budget lui-même reposera sur des hypothèses mises à jour le plus près possible de son dépôt à la Chambre des communes pour tenir compte de la situation de l'heure.

RECOMMANDATION

Le Comité estime toutefois que le ministre des Finances devrait se montrer encore plus prudent dans ses hypothèses, et ajouter un facteur de pondération non pas de 50 points de base, mais de 50 à 100 points de base, aux prévisions moyennes du secteur privé.

Avec les taux d'intérêt prudents proposés par le ministre, la moyenne des prévisions du secteur privé concernant la croissance nominale du produit intérieur brut se traduirait par une hypothèse de croissance non pas de 4,3p. 100 mais de 4,1 p. 100. Au lieu de 814 milliards, que le secteur privé prévoit pour 1996, le PIB nominal atteindrait alors 812 milliards.

Le facteur de pondération accru recommandé par le Comité se traduirait par des hypothèses de taux d'intérêt plus élevés et de croissance moindre que celles retenues par le ministère au début de décembre.

Incertitudes pour l'avenir

Il est, dans le meilleur des cas, difficile de tenter de prévoir l'évolution de la croissance et des taux d'intérêt sur deux ans. L'expérience montre que, comme elles se trompent souvent, ces prévisions donnent lieu à des erreurs dans les extrapolations budgétaires. C'est pourquoi l'idée qu'il vaut mieux pour le gouvernement de pécher par prudence est l'un des grands principes qui guident nos recommandations. Aussi avons-nous recommandé de pondérer la moyenne des prévisions du secteur privé en y ajoutant un facteur de 50 à 100 points de base. Malgré cela, le Comité craint que les prévisions ne soient débordées par trois événements éventuels, à savoir une hausse inattendue des taux d'intérêt à l'échelle internationale, une récession, et les événements politiques au Canada.

A. Taux d'intérêt

Étant donné l'incertitude qui plane sur la dette du pays, les futurs budgets sont extrêmement vulnérables aux fluctuations des taux d'intérêt. Une hausse de 100 points de base augmenterait le déficit de 1,5 milliard la première année, et aurait en quatre ans une incidence cumulative de plus de 10 milliards.

B. Récession

Bon nombre d'experts ont signalé au Comité que les risques d'un fort ralentissement économique ou d'une récession avant la fin du siècle sont élevés. Ils craignaient que le cycle économique en cours, qui est loin d'être robuste, ne subissent d'autres fléchissements sous l'effet de facteurs étrangers ou internes.

C. Incertitude politique au Canada

L'incertitude politique causée par le problème québécois a coûté très cher aux Canadiens jusqu'ici. En augmentant le risque qu'il y a à investir dans des valeurs canadiennes, elle a augmenté la prime de risque sur les taux d'intérêt. Les préoccupations qui ont refait surface sur le marché financier à la fin de la dernière campagne référendaire ont causé une brève remontée des taux d'intérêt et affaibli le dollar. L'écart des taux entre les bons du Trésor à trois mois du Canada et des États-Unis a bondi une semaine avant le référendum pour atteindre 177 points de base (le 1er novembre, deux jours après le référendum, il était retombé à 44 points de base. Le différentiel des taux entre les obligations d'État de 10 ans du Canada et des États-Unis a atteint 193 points de base le 23 octobre. Le dollar canadien, extrêmement volatile, a chuté de près d'un cent US la semaine avant le référendum. Même la Caisse de dépôt et de placement du Québec est intervenue pour soutenir le dollar. Cette volatilité des taux d'intérêt a entraîné des coûts considérables.


«Il y a quelques semaines, le Ca nada tel que nous le connaissons est presque arrivé au bout du rou leau quand le Québec a été à deux doigts de se décider à tenter sa chance tout seul. Ce comité ne peut pas, ne doit pas, donner raison à ceux qui, dans cette province, pré tendent que le système fédéral leur coûte plusqu'il ne leur rapporte.»
Ross Healy, président et directeur général, The 2% Solution Network Solvency Analysis Corporation.

Depuis le référendum, les investisseurs continuent de s'inquiéter de la possibilité que le Canada n'éclate. Étant donné la marge victorieuse extrêmement faible au référendum et l'incertitude qui en résulte, Barton Biggs, un analyste spécialiste des investissements internationaux, a éliminé de son portefeuille mondial modèle sa pondération de 3 p. 100 en valeurs mobilières canadiennes. Le différentiel des taux entre les obligations d'État de 10 ans demeure élevé, ce qui porte à croire que les inquiétudes concernant non seulement la dette mais aussi l'avenir politique du pays persistent. Un autre référendum entraînerait à nouveau des coûts élevés de service de la dette.

La réserve pour éventualités

Établie dans le Budget de l'an dernier, la réserve pour éventualités constitue un coussin financier en cas d'événements imprévus. Elle est là au cas où des hypothèses économiques déjà prudentes ne s'avèrent pas. Le ministre des Finances en a fixé le montant à 2,5 milliards pour 1996-1997 et à 3 milliards pour 1997-1998.

RECOMMANDATIONS

Le Comité convient de la nécessité de maintenir cette réserve, mais uniquement à titre de précaution additionnelle, étant entendu qu'il ne s'agit pas d'une caisse dans laquelle on peut puiser librement pour financer de nouveaux programmes. Le Comité estime que la réserve a grandement contribué à maintenir la confiance de la communauté internationale en l'aptitude du pays à atteindre ses objectifs financiers.

Le Comité convient également que, comme une incertitude plus grande plane sur la situation économique la deuxième année d'un cycle de planification budgétaire de deux ans que la première, il y a donc lieu de prévoir une réserve plus élevée pour la deuxième année. Il est cependant possible que la fin du cycle économique actuel et un nouveau référendum soient plus imminents au Canada en 1997-1998. Le Comité invite en conséquence le gouvernement à se demander si une réserve pour éventualités de 3 milliards sera alors suffisante.

Enfin, le Comité craint qu'une ou plusieurs des menaces économiques qui pèsent sur nos objectifs budgétaires ne se concrétisent d'une manière qui n'est pas prévue dans le processus budgétaire normal. Il recommande donc non seulement que l'on suive de près tous les facteurs économiques, mais aussi que le gouvernement demeure prêt, soit à réviser ses prévisions économiques, soit à augmenter le fonds pour éventualités selon les besoins, et à prendre au besoin d'autres mesures financières pour atteindre ses objectifs.


«... en tant qu'économiste - ... je sais que notre groupe ne peut pas faire de prévisions économiques exactes au moment où l'économie est à un tournant; autrement dit, lorsque nous entrons dans une pé riode de récession. Vous constate rez toutefois que pratiquement tous les économistes canadiens, collec tivement, sont conscients de l'exis tence d'un risque considérable, d'une forte probabilité de réces sion d'ici la fin de la présente dé cennie. Pour cette raison, il impor te de redresser nos affaires finan cières de sorte que si les résultats économiques n'atteignent pas les objectifs escomptés, les finances publiques puissent s'y adapter.»
Don McIver, président, Comité de la politique économique, Board of Trade of Metropolitan Toronto.

Autres options fiscales

Dans la mesure où le gouvernement devra peut-être pallier plus tôt que prévu à des situations économiques extraordinaires résultant de l'incertitude politique ou d'une récession, les mesures relatives aux impôts et aux dépenses présentées ici offrent d'autres possibilités d'action.

A. Possibilités de hausser les impôts

Taxes sur le tabac

Dans son rapport de l'an dernier, le Comité recommandait de hausser les taxes sur les cigarettes dès que la situation de la contrebande le permettrait. Le 18 février 1995, la taxe d'accise sur les produits du tabac a été haussée de 60 cents la cartouche au Québec et en Ontario sans augmentation apparente de la contrebande.

RECOMMANDATIONS

Le Comité recommande de hausser encore la taxe d'accise sur les cigarettes dans la mesure où la situation de la contrebande le permet. Une hausse de 1 $ par cartouche (0,5 cent par cigarette) pour l'ensemble du Canada augmenterait les recettes de l'État de 150 millions par an. Cela réduirait probablement la consommation de tabac à un moment où des enquêtes récentes révèlent que la prévalence de l'usage du tabac s'est accrue au Canada.

Le Comité recommande en outre que le gouvernement envisage, sous réserve de considérations liées à la contrebande, des mesures fiscales destinées à égaliser le plus possible les taxes fédérales sur le tabac dans l'ensemble des provinces et territoires. Sous le régime actuel, les taxes varient de 6,45 $ à 10,85 $ par cartouche de 200 cigarettes selon la province de résidence.

Sous réserve encore de considérations liées à la contrebande, le gouvernement devrait aussi envisager de hausser la taxe sur le tabac à rouler (tabac à coupe fine ou bâtonnets, par exemple) pour la rapprocher de celle sur les cigarettes fabriquées.

Le Comité recommande enfin que la surtaxe sur l'industrie du tabac et la taxe à l'exportation sur les produits du tabac soient maintenues.

Loteries

Le Comité recommandait l'an dernier d'imposer les sommes gagnées dans les loteries et les casinos. Les collectivités frontalières ont par la suite fait ressortir que l'imposition des sommes gagnées dans les casinos éliminerait un grand avantage compétitif dont le Canada jouit par rapport aux États-Unis où ces gains sont imposés.

RECOMMANDATION

Le Comité recommande toutefois, à l'égard des loteries d'État, de frapper les gains de plus de 600 $ d'une taxe uniforme de 15 p. 100 par une retenue à la source. Cela ne viserait pas les loteries organisées par des oeuvres de charité et ne serait pas suffisant pour avoir des répercussions négatives sur les ventes de billets de loterie. Une telle mesure assurerait des recettes de 200 millions de dollars par an à l'État.


«... je dois vous dire que je suis comptable agréé. J'ai une petite clientèle. La majorité de mes socié tés clientes ne paient pas d'impôt parce qu'elles n'ont tout simple ment pas réalisé de profits au cours des dernières années. Celles qui ont réalisé des profits récemment ont des pertes accumulées qu'elles peu vent déduire pour cette année et pour un certain nombre d'années à venir.»
Cleve Myers, membre, Chambre de commerce de la région métropoli taine de Charlottetown.

Taxes sur l'essence

RECOMMANDATION

S'il semble que les autres mesures budgétaires ne lui permettront pas d'atteindre l'objectif de 2 p. 100, le gouvernement devrait, mais seulement dans ce cas, envisager une hausse des taxes sur l'essence. Une taxe de 1,5 cent le litre ajouterait 500 millions de dollars par an à ses recettes. Les autres carburants, comme le diesel, ne seraient pas touchés.

Reports de pertes d'entreprises

Le régime actuel d'impôt sur les sociétés permet à une entreprise qui a subi des pertes au cours d'une année de les reporter, pendant sept ans en aval et trois ans en arrière, et de les déduire de ses revenus au cours d'une ou de plusieurs années où l'entreprise a été rentable de manière à obtenir un remboursement d'impôts pour ces années. Il s'agit, en réalité, d'une forme d'étalement du revenu des sociétés dont les particuliers ne peuvent pas se prévaloir. Aux États-Unis, les pertes d'entreprises peuvent être reportées pendant 15 ans.

RECOMMANDATION

Le Comité recommande que le gouvernement envisage, en tenant compte de la nécessité de maintenir un climat d'investissement compétitif au Canada, de réduire le nombre d'années pendant lesquelles les pertes d'entreprises peuvent être reportées. Cette question devrait être abordée dans le contexte d'une étude plus vaste portant sur l'imposition des sociétés.

B. Autres possibilités de réduction des dépenses

Défense

RECOMMANDATION

Une réduction des dépenses au titre de la défense de 10,7 milliards en 1994-1995 à 9,2 milliards pour 1997-1998 est prévue. Bon nombre de témoins ont fait valoir au Comité que de nouvelles compressions sont non seulement possibles mais nécessaires. Comme le ministère de la Défense nationale est, de tous les ministères, celui dont le budget est le plus élevé, le Comité recommande que le gouvernement envisage de nouvelles compressions des dépenses en matière de défense, à condition que la capacité de nos forces armées à s'acquitter des importants nouveaux rôles qui leur sont confiés tant au pays qu'à l'étranger n'en soit pas amenuisée.

Revenu de retraite

La plus forte dépense de programme du gouvernement a trait aux «prestations aux personnes âgées» dont la sécurité de vieillesse et le supplément de revenu garanti. Ces dépenses, qui totalisaient 20,5 milliards en 1994-1995, atteindront 22,6 milliards en 1997-1998. En dehors du programme des Indiens et des Inuit, c'est le seul programme public qui augmentera d'ici à 1997-1998. Ces chiffres n'englobent pas le Régime de pensions du Canada (qui ne pourra plus, à moins de changements profonds, répondre à ses besoins avant longtemps), des «dépenses fiscales» de près de 15 milliards pour encourager la population à investir dans des régimes de pensions de retraite, et des crédits d'impôt pour revenu de pension et en raison de l'âge de 1,6 milliard. Les personnes âgées jouissent en outre de diverses autres déductions fiscales.


«Il y a des personnes âgées dans des coopératives qui ne dorment pas la nuit. Parfois elles pleurent de crainte, de frustration et de colère parce qu'elles pensent s'être rebâti un avenir et que maintenant elles ne sont plus sûres de rien.»
Judy Bayliss, membre, conseil d'administration, «Co-operative Housing Federation of Canada», Île-du-Prince-Édouard.

L'an dernier, le Comité recommandait de ne pas modifier les programmes qui ont trait au revenu de retraite des Canadiens en attendant de savoir à quels besoins il faudrait répondre à l'avenir pour assurer à une population canadienne vieillissante une retraite sûre et digne. Il s'attendait à voir des études sur la question surgir.

RECOMMANDATION

Le Comité est déçu qu'on n'ait pas encore terminé une étude globale sur les besoins de retraite des Canadiens. La première vague de Canadiens nés après la guerre atteindra l'âge de la retraite en 2011. Le Comité, craignant que les programmes actuels ne puissent pas perdurer, recommande le plus vivement possible au gouvernement d'entreprendre des études et de se lancer avec les Canadiens dans des consultations approfondies nécessaires pour asseoir ses programmes de retraite sur une base durable et sûre pour l'avenir.

Subventions aux entreprises

RECOMMANDATION

Les subventions aux entreprises, qui ont atteint 3,2 milliards en 1994-1995, auront été ramenées à 1 milliard en 1997-1998. Certains groupes d'entreprises ont préconisé leur élimination totale lors de leur comparution. Le Comité incite pour sa part le gouvernement à examiner de près la viabilité et la valeur de deux catégories de subventions aux entreprises :

RECOMMANDATION

Le PPIMD permettait, dans le passé, d'aider les industries du matériel de défense à se lancer dans de nouvelles entreprises manufacturières. Le programme, qui ne fait plus que remplir les engagements pris dans le passé, n'accepte plus aucune nouvelle demande. L'industrie aérospatiale du Canada y faisait beaucoup appel. Dans un climat international très compétitif, où les gouvernements étrangers offrent de grosses subventions, le Comité craint que beaucoup d'emplois de haut niveau disparaissent si notre industrie aérospatiale ne peut pas concurrencer sur un pied d'égalité. Il incite donc le gouvernement à envisager des façons d'uniformiser les règles du jeu. Tout nouveau programme de partage du risque à l'égard de nouvelles entreprises devra toutefois, de la part du gouvernement, prévoir le recouvrement total des coûts.

Il existe des organismes d'expansion régionale pour le Canada atlantique, le Québec, le Nord de l'Ontario et l'Ouest canadien. Le Comité recommandait l'an dernier de convertir toutes les subventions et contributions de ces organismes en prêts remboursables. Nous croyons toutefois comprendre que certains continuent d'accorder des contributions à des entreprises à des conditions inférieures aux taux d'intérêt commerciaux.

RECOMMANDATION

Les dépenses des organismes d'expansion régionale auront été ramenées de 499 millions à 254 millions en 1997-1998. Le Comité reconnaît la nécessité d'aider les entreprises à créer des emplois dans les régions les plus démunies du Canada. Par contre, il ne dispose pas de suffisamment d'informations pour déterminer si cet objectif est atteint et, s'il l'est, à quel coût. Le Comité recommande donc au gouvernement d'examiner chaque organisme afin de déterminer à la fois leur efficacité sur le plan de la création d'emplois et dans quelle mesure chacun pourrait recouvrer une plus grande partie de ses coûts.

C. Réductions d'impôt envisageables

Bien qu'à ses yeux le Canada ne puisse pas encore envisager des réductions globales d'impôt et qu'il ait recommandé de ne pas en accorder, le Comité souhaite toutefois présenter les mesures de réduction limitée d'impôt qui suivent pour examen.

Étalement du revenu des particuliers

Une personne dont le revenu fluctue fortement d'une année à l'autre (comme un artiste ou un écrivain) sera souvent imposée au taux marginal le plus élevé pour une année, même si elle n'avait pas de revenus au cours de l'année précédente. Si son revenu total avait été réparti également sur ces deux années, elle aurait été imposée à un taux moindre. Les règles actuelles permettent aux sociétés de reporter leurs pertes pendant dix ans avant de les déduire de revenus imposables.

RECOMMANDATION

Le Comité recommande que le gouvernement envisage une mesure d'étalement du revenu qui réduirait le fardeau fiscal global des personnes dont le revenu est généralement faible, comme les artistes ou les écrivains, afin de leur éviter une imposition indue à la suite de fortes fluctuations du revenu d'une année à l'autre. Il ne recommande pas ce genre de mesure d'étalement du revenu pour l'ensemble des contribuables.

Le Comité est bien conscient que l'étalement du revenu, dont tous les Canadiens pouvaient se prévaloir au début des années 70, a été supprimé à cause de la perception d'abus. Tout en reconnaissant la nécessité de maîtriser l'abus de l'évitement fiscal, il estime que des mesures adoptées depuis, comme la règle générale anti-évitement (RGAE), permettent d'y arriver.

Dons de charité

Des témoins ont fait valoir au Comité que les oeuvres de charité canadiennes étaient mises à rude épreuve sous trois rapports : non seulement les fonds publics diminuent, mais les réductions des programmes les obligent à servir plus de Canadiens et elles doivent de plus faire concurrence aussi aux administrations publiques pour les dons de charité.

Le Comité est fortement d'avis qu'il incombe aux gouvernements, lorsqu'ils réduisent les programmes de dépenses valables, d'aider les organisations bénévoles et les oeuvres de charité à substituer des contributions privées aux fonds publics qu'on leur enlève.

Dans son rapport préalable au Budget de l'an dernier, le Comité recommandait que la question des dons de charité fasse l'objet d'une nouvelle étude. Ses rapports préliminaires indiquaient que les changements apportés aux mesures fiscales actuelles en matière de dons de charité ne seraient pas appropriés puisque celles-ci sont aussi généreuses que celles des États-Unis. Bien que ce soit vrai des dons en espèces, d'autres chiffres communiqués au Comité par Donald K. Johnson et Ernst & Young au cours de l'année indiquent que les Américains obtiennent de gros avantages fiscaux lorsqu'ils font don de biens dont la valeur s'est accrue.

Sous le régime canadien, une personne qui fait don de biens dont la valeur s'est appréciée, comme des actions dans une société, est réputée les avoir vendus à leur juste valeur commerciale et doit acquitter des taxes sur les gains en capital réalisés. Un donateur ne peut déduire, chaque année, que 20 p. 100 de la juste valeur marchande de ses autres revenus.

Aux États-Unis, les personnes qui font ainsi don de biens ne sont toutefois pas assujetties à l'impôt sur les gains en capital, et peuvent déduire de leur revenu jusqu'à 50 p. 100 de leur juste valeur marchande. Les auteurs de l'étude arrivent à la conclusion que ces mesures fiscales sont l'une des principales raisons pour lesquelles beaucoup d'oeuvres de charité des États-Unis ont réussi à obtenir de nombreux dons élevés pour leurs fonds de dotation, augmentant ainsi grandement leur sécurité financière et leur indépendance à ce titre vis-à-vis du secteur public.

RECOMMANDATION

Le Comité exhorte le gouvernement à envisager les mesures suivantes en vue de donner aux oeuvres de charité canadiennes la possibilité de compenser la baisse des fonds publics par des dons privés :

Selon M. Johnson, ces mesures permettraient aux gouvernements de réduire leurs contributions directes aux oeuvres de charité d'un montant au moins égal sinon supérieur aux recettes fiscales ainsi abandonnées. Elles ne devraient donc avoir aucune incidence sur les recettes publiques. M. Johnson estime, en se fondant sur l'exemple suivant, que les oeuvres de charité feraient bon accueil à de telles mesures :


«Voici qu'on nous dit qu'il faut se décharger de nos responsabilités sur les bénévoles. En même temps, on coupe les structures permettant aux gens de s'organiser, qu'il s'a gisse du développement écono mique communautaire, de la prestation des services sociaux ou du soutien pur et simple.»
Gordon Moorewood, Conseil onta rien des organismes de service aux immigrants.

Supposons qu'un contribuable détienne des actions d'une valeur d'un million de dollars dont le coût, à des fins fiscales, est nul. À terme, lorsque le contribuable finit par vendre ses actions ou meurt, les divers paliers de gouvernement peuvent espérer des recettes fiscales d'environ 500 000 $. En supposant que le contribuable fasse don de ces actions à une oeuvre de charité sous le régime fiscal proposé, les gouvernements n'encaisseraient pas les 500 000 $ à une date ultérieure, mais pourraient immédiatement réduire d'autant les fonds qu'ils versent à l'oeuvre en cause. Celle-ci obtient un million qu'elle n'aurait pas eu autrement, mais reçoit 500 000 $ de moins des gouvernements; elle y gagne néanmoins 500 000 $. En réalité, même si le gouvernement réduisait de plus de 500 000 $ les fonds qu'il lui verse, l'oeuvre y gagnerait toujours, et les déficits gouvernementaux s'en trouveraient réduits immédiatement plutôt qu'à un moment indéterminé dans l'avenir où les actions seraient vendues à des fins fiscales.

Certains témoins se sont plaints de l'avantage fiscal injuste dont jouissent les oeuvres de charité ayant le statut d'organisme d'État puisqu'elles ne sont pas visées par la limite de 20 p. 100. Les mesures qui précèdent réduiraient les inégalités entre ces organismes et les autres.

RECOMMANDATION

En plus de recommander que le gouvernement envisage de donner suite aux mesures exposées ci-haut, le Comité lui recommande d'envisager de relever le crédit d'impôt accordé à l'égard des dons versés aux organismes de charité financés par l'État de manière à le rendre aussi généreux que le crédit d'impôt auquel donnent droit les contributions politiques de faible montant.

Régimes d'assurance-maladie et soins dentaires de l'employeur

Selon les témoignages entendus l'an dernier par le Comité, environ 20 millions de Canadiens font partie de régimes d'assurance-maladie et soins dentaires offerts par leurs employeurs. La non-imposition de ces avantages se traduit par un manque à gagner fiscal d'environ 1,1 milliard par an.

Au lieu que le gouvernement frappe les employés d'un impôt sur ces avantages, le Comité recommandait que les industries de l'assurance et des soins médicaux lui fassent des propositions en vue d'étendre ces avantages aux Canadiens qui ne sont pas déjà assurés.

L'industrie s'est plutôt représentée devant le Comité cette année avec de nouveaux chiffres sur le nombre des Canadiens qui ne sont pas couverts par des régimes complémentaires d'assurance-maladie et de soins dentaires, lesquels seraient bien moins nombreux qu'on ne le supposait.

D'après les chiffres établis par l'industrie, 1,95 million de Canadiens seraient admissibles aux régimes, mais leurs employeurs n'en n'offrent pas. En outre, 1,08 million de travailleurs autonomes qui ne sont pas constitués en société et leurs personnes à charge n'ont pas de régime complémentaire. Contrairement à ceux qui sont constitués en société, ces travailleurs autonomes ne peuvent pas déduire le coût de leur propre régime complémentaire comme frais professionnels.

Le Comité recommande au gouvernement d'examiner la possibilité de permettre à ces travailleurs de déduire les cotisations aux régimes complémentaires d'assurance-maladie et soins dentaires. Selon l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes, cela coûterait environ 35 millions au gouvernement fédéral.

RECOMMANDATION

Les chiffres établis par l'industrie révèlent en outre que, en plus de ces 3,03 millions de personnes qui ne sont pas assurées, 570 000 Canadiens n'ont pratiquement pas de liens d'emploi, ne sont pas admissibles aux programmes spéciaux du gouvernement et ne sont pas assurés comme personnes à charge dans le cadre de régimes privés ou publics. Le Comité demande de nouveau que l'industrie cherche des moyens d'aider les personnes qui ne sont pas admissibles aux régimes publics et privés actuels.

Le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux

Le gouvernement fédéral a, pendant nombre d'années, apporté une aide financière aux provinces dans trois grands domaines de compétence provinciale, à savoir les soins de santé, l'enseignement postsecondaire et l'assistance sociale. Cet appui prenait la forme tant de paiements en espèces que de transferts de points d'impôt, le fédéral réduisant ainsi ses impôts pour permettre aux provinces d'accroître les leurs. Les transferts au titre de l'enseignement postsecondaire et des soins de santé se faisaient dans le cadre du Financement des programmes établis (FPE), tandis que ceux destinés à l'assistance sociale se faisaient dans le cadre du Régime d'assistance publique du Canada (RAPC).

Le Budget de 1995 a changé tout cela. À partir du 1er avril 1996, les transferts effectués dans le cadre du FPE et du RAPC seront réunis pour former le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Le montant total des transferts, y compris ceux effectués en espèces et sous forme de points d'impôt, baisseront de 29,9 milliards en 1994-1995 à 25,1 milliards en 1997-1998. Comme la valeur des points d'impôt déjà transférés aux provinces continuera d'accroître pendant cette période, c'est au titre des transferts en espèces que le gouvernement fédéral réalisera toutes ses économies.


«... nous sommes saisis aujourd'hui de ce qu'on appelle le Transfert ca nadien en matière de santé et de programmes sociaux, qui est une sorte de grosse masse d'argent avec laquelle on aura réussi à mettre en opposition les soins de santé, les services sociaux et l'enseignement. ... On a créé beaucoup de malaise et de conflits au niveau provincial, sinon dans la population.»
Carol Clemenhagen, présidente, Association canadienne des soins de santé.

Lorsque le Comité s'est penché sur le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux dans le cadre du projet de loi C-76 au printemps dernier, plusieurs témoins craignaient, à mesure que la composante des paiements en espèces diminuerait, que le gouvernement fédéral ne puisse plus exercer autant de pressions sur les provinces pour les obliger à respecter les normes nationales d'enseignement postsecondaire et de services de bien-être, et les dispositions de la Loi canadienne sur la santé. Du même avis, le Comité n'a adopté le projet de loi C-76 qu'à condition qu'une composante suffisante de paiements en espèces soit maintenue pour réaliser ces objectifs. Le gouvernement s'est engagé à maintenir un niveau continu de paiements en espèces dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.


«Ma seule objection à la décentra lisation de ce genre de programme, c'est que nous savons que les pro vinces n'ont pas toutes le même ni veau de richesse ni les mêmes possi bilités de rentrées fiscales. Ce qui m'inquiéterait, c'est le fait qu'une province comme Terre-Neuve ris querait de se retrouver avec des programmes sociaux plutôt mai gres comparativement à une pro vince comme la Colombie-Britan nique, par exemple, où il y a beau coup d'argent et où l'on pourrait avoir un excellent ensemble de pro grammes sociaux. Je ne suis pas sûr d'avoir envie de voir le Canada di visé de cette manière.»
Marvin Painter, professeur adjoint, University of Saskatchewan.

Lors des audiences, des témoins ont fait valoir au Comité qu'il y aurait lieu de diviser les transferts en espèces effectués dans le cadre du Transfert en trois composantes, l'une pour les soins de santé, l'une pour l'assistance sociale et l'autre pour l'enseignement postsecondaire. Le Comité n'est pas d'accord. Le gouvernement aurait beaucoup moins de moyens de pression pour imposer des objectifs nationaux si l'on créait trois entités distinctes de transferts monétaires en baisse, chacune axée sur un programme précis. Cela entraînerait une forte réduction des fonds dont le gouvernement peut se servir, par exemple, pour faire respecter les dispositions de la Loi canadienne sur la santé, comme il l'a fait récemment en Alberta, et les conditions d'admissibilité des non-résidents à l'assistance sociale comme ce fut le cas en Colombie-Britannique.

D'autre part, l'un des principaux buts du Transfert était de donner aux provinces plus de souplesse pour établir leurs propres priorités à l'intérieur du cadre général des normes nationales. Tout effort de la part du gouvernement fédéral pour déterminer les montants dépensés dans chaque secteur irait à l'encontre de cette démarche.

RECOMMANDATION

Les gouvernements provinciaux sont toutefois libres d'indiquer comment ils entendent utiliser les points d'impôt et les paiements en espèces reçus dans le cadre du Transfert, et ils pourraient être disposés à le faire si les groupes de chaque province qui voudraient que les fonds soient ciblés le demandaient. L'important c'est qu'il appartient maintenant aux provinces d'en décider. En conséquence, tout en reconnaissant que les compressions des transferts aux provinces, si pénibles soient-elles, sont nécessaires pour rétablir la santé financière du Canada, le Comité appuie la formule de transferts globaux établie dans le Transfert et recommande au gouvernement fédéral de ne pas diviser les fonds versés à chaque province en des montants destinés à des volets précis.

La taxe sur les produits et services


«La TPS doit être arrangée... La TPS est injuste, complexe à l'excès et inutilement coûteuse. Elle est in juste à cause de ses exemptions. C'est à cause de ces exemptions que le taux de cette taxe est plus éle vé que nécessaire, c'est à cause des exemptions que cette taxe est com plexe et facile à éviter. Cette boîte de caviar de 720 $ n'est pas taxée. ... Ce lait que boivent les enfants est taxé dans nos restaurants. Est-ce que c'est logique?»
Michael Ferrabee, vice-président des affaires gouvernementales, As sociation canadienne des restaura teurs et des services alimentaires.

Dans son rapport de juin 1994 intitulé «Remplacer la TPS : options pour le Canada», le Comité recommandait que la TPS fédérale et les taxes de vente de chacune des neuf provinces soient remplacées par une taxe à la valeur ajoutée nationale gérée par une même entité.

Depuis lors, le gouvernement a entrepris des pourparlers avec les provinces en vue d'atteindre cet objectif. Le nouveau gouvernement de l'Ontario a promis d'harmoniser sa taxe de vente avec la TPS et les consultations se poursuivent.


«Nous croyons également qu'il faut harmoniser la TPS, et nous sommes convaincus qu'il faut étudier de très près le programme de recouvre ment des coûts. Personne ne s'op pose au principe de l'utilisateur- payeur, mais on ne nous demande pas maintenant d'être utilisateur- payeur mais simplement des payeurs.»
Sally Rutherford, directeur, Fédéra tion canadienne de l'agriculture.

Plusieurs témoins ont exhorté le gouvernement à redoubler d'efforts pour harmoniser la TPS. Ils faisaient valoir les énormes économies qui en résulteraient pour le gouvernement et le secteur privé, et notamment les petites entreprises, si l'on remplaçait dix lois et administrations fiscales différentes par une seule. C'est un exemple de double emploi que nous ne pouvons pas nous permettre. Les témoins faisaient aussi ressortir l'avantage compétitif dont jouissent les entreprises américaines du fait que leurs intrants d'entreprise ne sont pas imposés. L'harmonisation favoriserait la création d'emplois en soulageant les entreprises canadiennes de ce désavantage.

RECOMMANDATION

Le Comité recommande que le gouvernement poursuive ses efforts en vue d'harmoniser les taxes de vente provinciales et la TPS. Même s'il est évident que les provinces n'accepteront pas toutes dans un avenir rapproché, le gouvernement devrait conclure sans tarder des ententes avec autant de provinces que possible, en laissant aux autres la possibilité de se rallier plus tard.


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