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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 4 juin 1996

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[Traduction]

Le vice-président (M. English): La séance est ouverte.

J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins ce matin au Comité permanent des Affaires étrangères et du commerce intérieur.

Je m'appelle John English, je suis le vice-président du comité. M. Graham, le président, a dû se rendre à Toronto cet après-midi.

Nous sommes très heureux que vous ayez accepté de venir nous rencontrer.

Nous avons passé la semaine dernière à visiter l'Arctique. Un groupe s'est rendu dans l'ouest de l'Arctique tandis qu'un autre a visité l'est de l'Arctique. Je suis certain que nous revenons de cette visite avec de nombreuses questions et commentaires sur des sujets d'un grand intérêt pour vous.

J'aimerais maintenant présenter les témoins aux membres du comité. Du Sierra Club,Louise Comeau; de Greenpeace Canada, Kevin Jardine; et du Fonds mondial pour la nature,Sarah Climenhaga.

La greffière m'informe à l'instant que nous avons ici aujourd'hui un groupe d'observateurs du Programme de coopération législative entre le Cambodge et le Canada. J'aimerais souhaiter la bienvenue à cette délégation également. Ses membres sont à l'arrière de la salle; pourraient-ils se lever? Merci beaucoup.

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Je pense que nous allons procéder comme l'indique l'ordre du jour. Nous entendrons donc d'abord M. Jardine de Greenpeace Canada.

M. Kevin Jardine (Atmosphère et Énergie, Greenpeace Canada): C'est un honneur d'être ici cet après-midi. Je m'appelle Kevin Jardine, je suis militant pour l'atmosphère et l'énergie à Greenpeace Canada. Ma collègue, Louise Comeau, et moi-même vous parlerons aujourd'hui de l'effet du changement climatique sur l'Arctique et sur la politique circumpolaire du Canada.

Greenpeace fait quatre grandes campagnes internationales. Le changement climatique, ou campagne de l'atmosphère, en est une. Nous avons environ 70 employés répartis dans 40 pays qui travaillent à la question du changement climatique. Nous examinons activement l'impact du changement climatique dans l'Arctique, le Subarctique et l'Antarctique, car le changement climatique se fait ressentir de façon assez dramatique dans les régions polaires, et ses effets ont des conséquences pour la planète entière, comme je vous l'expliquerai dans mon exposé.

Permettez-moi tout d'abord de vous présenter quelques tableaux que la plupart d'entre vous ont déjà vus, je pense. Le premier montre les concentrations de gaz carbonique. Comme vous pouvez le constater, elles ont augmenté. Les concentrations de gaz carbonique sont mesurées directement depuis 1958. Vous voyez qu'elles sont passées de 310 ppm à 340 ppm. D'ailleurs, une quantité considérable d'autres preuves scientifiques indiquent que le niveau d'émission de gaz carbonique a augmenté d'environ 30 p. 100 au cours des cent dernières années. Les concentrations de méthane ont augmenté d'environ 100 p. 100 et celles d'oxyde nitreux, d'environ 15 p. 100.

Ce sont tous des gaz à effet de serre qui retiennent la chaleur que dégage la terre sous l'effet de la lumière du soleil. La situation est très inquiétante, car le niveau projeté de gaz à effet de serre dans l'atmosphère devrait atteindre le double des niveaux préindustriels d'ici environ l'an 2030.

En même temps que le niveau de gaz à effet de serre augmente dans l'atmosphère, la température moyenne dans le monde a elle aussi augmenté de façon dramatique. On constate en particulier que la température a augmenté au cours de deux grandes périodes, soit entre 1910 et 1940 et entre 1975 et 1995.

Pendant bien longtemps, les communautés scientifiques environnementales se sont demandé s'il y avait un lien direct entre l'augmentation des gaz à effet de serre, qui retiennent la chaleur, et cette augmentation de la température moyenne de la planète. Du point de vue de la science, la question a été en grande partie tranchée en décembre dernier lors d'une réunion cruciale du groupe d'experts intergouvernemental pour l'étude du changement climatique, qui avait lieu à Rome. Selon le groupe d'experts, qui réunit des spécialistes du climat d'un peu partout dans le monde, les données scientifiques laissent entendre que le mode de vie humain a un effet certain sur le climat du globe. En d'autres termes, il y a un lien entre ces deux tableaux. Les gaz à effet de serre ont commencé à affecter le climat du globe.

Et le climat de l'Arctique et de la zone subarctique est plus particulièrement touché. Voici une carte provenant de la University of East Anglia, qui garde un registre détaillé de la température du globe. On peut voir ici qu'il y a eu une augmentation importante de la température dans tout l'hémisphère nord, mais plus particulièrement dans les régions situées plus au nord, sauf au Groenland et dans l'Atlantique Nord, et je vous en parlerai un peu plus tard au cours de mon exposé.

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Par ailleurs, il est assez intéressant de constater que c'est dans l'Arctique et dans la zone subarctique que les températures ont le plus augmenté: dans le nord-ouest du Canada, en Alaska et en Sibérie, autour du lac Baïkal.

Le changement de température le plus marqué s'est en fait produit en hiver, et à l'échelle du monde, c'est le Canada qui est la zone chaude. Le nord-ouest du Canada a connu des augmentations dramatiques des températures de surface en hiver, jusqu'à 2,5 degrés Celsius, ou cinq fois l'augmentation de la température moyenne mondiale. Ce n'est pas surprenant. En fait, les climatologues affirment depuis assez longtemps que c'est dans les régions polaires que l'effet du changement climatique sera le plus grand.

On commence déjà à le constater, avec l'augmentation extrême de la chaleur dans les Territoires du Nord-Ouest et, ce qui est assez intéressant, la diminution des températures très froides dans la région du Groenland. On peut donc voir que ces deux changements extrêmes de température dans le monde se produisent soit au Canada soit juste à côté.

Toute une série de conséquences ont été associées à l'augmentation de la température, et j'aimerais examiner certaines d'entre elles.

La première est une chute de neige plus abondante. Les océans plus chauds envoient davantage d'eau dans l'air, et dans le nord du Canada, surtout sous forme de neige. Des précipitations plus abondantes ont été observées dans le nord canadien, surtout sous forme de neige en hiver. Les modèles climatiques suggèrent une augmentation de 30 à 50 p. 100 des chutes de neige circumpolaires.

Les herbivores, notamment le caribou et le boeuf musqué, doivent creuser dans la neige pour trouver de quoi s'alimenter, et ils doivent donc parfois abandonner leur habitat et consacrer beaucoup plus d'énergie à chercher une nourriture qui se fait plus rare. La pluie verglaçante, qui est habituellement beaucoup plus fréquente lorsque les hivers sont plus doux, peut former une couche de glace et les empêcher de se nourrir. Par exemple, au cours de l'hiver 1973-1974, 40 p. 100 des boeufs musqués et 60 p. 100 des caribous de Peary dans le sud-ouest des îles de la Reine-Elizabeth sont morts de faim parce que la température plus douce et la pluie verglaçante avaient formé une épaisse couche de glace.

Cependant, malgré le fait qu'on avait prévu une augmentation des chutes de neige, augmentation qui s'est effectivement concrétisée, les températures plus chaudes de l'été, du printemps et de l'hiver ont aussi causé une plus grande évaporation. On prévoit donc que les températures chaudes feront plus que compenser les chutes de neige plus abondantes de l'hiver. Par conséquent, nous aurons davantage de neige en hiver et - comme on l'a déjà constaté - davantage de sécheresses en été.

L'an dernier, les niveaux du Grand lac des Esclaves n'ont jamais été aussi bas. On constate une tendance semblable dans le Grand lac de l'Ours. Il s'agit du niveau d'eau annuel moyen, et l'on peut voir que 1995 se classe troisième parmi les plus mauvaises années de toute l'histoire, et qu'en fait, aux mois d'août et de septembre, on a enregistré les niveaux d'eau les plus bas dans le Grand lac des Esclaves.

Cet état de choses se répercute sur la quantité d'hydroélectricité qui peut être produite dans le Nord, et aussi sur les transports; il a fallu suspendre à deux reprises la navigation des chalands sur le bas du fleuve Mackenzie en août dernier parce que les niveaux d'eau étaient trop bas. Cela pourrait également avoir de graves retombées sur les pêches. Dans le Grand lac des Esclaves, un grand nombre de poissons sont morts, et on attribue ce phénomène aux changements climatiques, mais d'autres recherches doivent être effectuées à cet égard.

Par ailleurs, lorsqu'il y a sécheresse en été, le nombre de feux de forêt augmente. L'année 1995 a été la deuxième au Canada pour le nombre des feux de forêt et, d'ailleurs, elle a aussi été l'année la plus chaude dans les annales mondiales. L'année 1994 vient ensuite. La pire de toutes a été 1989. Vous pouvez voir ces très grandes pointes en rouge sur le tableau. On a également constaté une augmentation des pullulations d'insectes depuis 1975.

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Les incendies de 1995 ont eu une très forte incidence sur le Nord. Les localités de Norman Wells et de Fort Norman ont toutes deux été évacuées. Les incendies ont augmenté la pollution atmosphérique de la région et ont détruit les territoires de piégeage et l'habitat du caribou.

Ce qui est peut-être plus inquiétant que simplement l'augmentation du nombre d'incendies est l'effet que ce plus grand nombre d'incendies a sur les forêts. Le tableau que vous voyez ici montre la quantité de carbone qui est emmagasiné dans la forêt boréale. On voit que jusqu'en 1975, la forêt absorbait le gaz carbonique, le carbone d l'atmosphère, et aidait à ralentir le changement climatique. Après 1975, en raison d'une augmentation énorme de la pullulation d'insectes et des incendies, on a en fait constaté une diminution de la quantité de carbone emmagasiné dans la forêt.

Par conséquent, ce carbone se retrouve maintenant dans l'atmosphère et contribue aux changements climatiques. À l'heure actuelle, la quantité de carbone émise lors des incendies de forêts boréales et en raison des pullulations d'insectes est supérieure à la quantité de carbone émise par toutes les voitures et toutes les centrales électriques au Canada, qui représente en moyenne57 millions de tonnes pour les dix dernières années.

Donc, la destruction des forêts n'a pas seulement des conséquences pour les habitants de la région, elle n'est pas seulement nuisible à l'environnement, elle a également un impact mondial car elle contribue à augmenter le niveau de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. La destruction des forêts entraîne d'autres changements climatiques, qui, naturellement, causent à leur tour une plus grande destruction des forêts, et ainsi de suite, et le cycle mortel continue.

Plus au nord, la glace de mer a aussi changé. En fait, depuis 1980, la quantité de glace de mer a diminué en moyenne d'environ 5,5 p. 100. La proposition peut paraître relativement peu élevée, mais elle représente en fait près d'un million de kilomètres carrés.

Naturellement, cette glace de mer a surtout changé de façon plus remarquable près de la côte de l'océan Arctique, dans des régions où cela pourrait avoir de graves conséquences pour l'environnement. Il en résulte un habitat des phoques et des ours polaires diminué, et des pressions considérablement accrues sur le style de vie traditionnel des Inuit. Sans glace, les phoques et les ours polaires n'ont pas d'habitat, et on n'a pas d'endroit pour les chasser.

Par ailleurs, on s'inquiète de plus en plus d'inquiétude concernant de toute la chaîne alimentaire de l'Arctique, car les microorganismes qui croissent en dessous de la glace de mer sont à la base de la chaîne alimentaire dans l'Arctique. S'il n'y a pas de glace, la productivité de l'océan Arctique risque de diminuer de façon dramatique. Il y aura également une diminution du nombre de poissons et de mammifères marins qui y habitent.

Je devrais souligner que selon les études faites dans le cadre de certains projets scientifiques crédibles, si les gaz à effet de serre doublent, il ne restera plus de glace de mer en été dans l'océan Arctique. Les conséquences en seraient tragiques, plus particulièrement pour l'habitat.

Enfin, j'aimerais parler un peu de la dégradation du pergélisol. Les températures au sol se réchauffent encore plus rapidement que les températures de l'air. Au cours des 50 dernières années, la température au sol dans l'Arctique ou la zone subarctique a augmenté de trois degrés, et cette augmentation est associée à ce que l'on appelle le thermokarst, phénomène qui consiste en un affaissement du sol provoqué par le dégel du pergélisol, qui se traduit par la formation irrégulière de petits lacs, de marécages et de fossés. Par conséquent, s'il y a un immeuble ou une infrastructure à cet endroit, il s'écroule également. Le nombre de glissements de terrains a augmenté dans les régions du fleuve Mackenzie et des monts Mackenzie.

La dégradation du pergélisol est par ailleurs associée à une augmentation des émissions de méthane, et le méthane est le deuxième gaz à effet de serre en importance. Donc, tout comme les incendies des forêts boréales et les pullulations d'insectes détruisent la forêt et émettent du gaz carbonique, la dégradation du pergélisol augmente les émissions de méthane.

On craint réellement, par exemple, l'écroulement du terrain dans les régions riches en glace, comme celle de Norman Wells où toute la raffinerie de pétrole est construite sur une couche de pergélisol qui est imprégnée de glace. Si la glace fond, toute la structure pourrait s'écrouler. Il en est de même du pipeline qui relie Norman Wells au Grand lac des Esclaves.

La dégradation du pergélisol est également associée à l'érosion le long du littoral de l'Arctique. Voici une carte de Tuktoyaktuk et des changements qui se sont opérés là-bas le long de la côte au cours des dernières années. La réduction de la glace marine en pleine mer favorise la formation de tempêtes. Il y a davantage d'eau qui vient frapper le littoral. Le pergélisol le long de la côte se dégrade à cause du réchauffement, et le niveau de la mer s'élève graduellement. Ces trois éléments combinés ont causé une érosion massive de la côte de l'Arctique.

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Tuktoyaktuk, par exemple, a perdu 100 mètres de littoral depuis 1946, et c'est une région qui en fait a été bien protégée contre l'érosion du littoral. Des sacs de sable ont été installés le long de la côte pour essayer de la protéger. Le fait que le littoral de la région de Tuktoyaktuk a subi une érosion aussi importante laisse entendre que l'érosion est peut-être encore plus importante dans des régions moins établies le long de la côte de l'Arctique.

Enfin, une dernière chose. J'ai parlé du réchauffement, mais je voudrais dire quelques mots au sujet du refroidissement de l'Atlantique Nord. Le changement climatique, ce n'est pas nécessairement uniquement le réchauffement de la planète. Il peut y avoir des effets de refroidissement local, et à l'heure actuelle, la mer du Labrador n'a jamais été aussi froide ni aussi douce - c'est-à-dire aussi peu salée. La mer du Groenland est beaucoup plus chaude qu'auparavant.

Un certain nombre de choses pourraient avoir contribué à ce phénomène, notamment des précipitations plus élevées. Comme je l'ai mentionné, on constate déjà de plus grandes précipitations sous forme de pluie, ce qui contribue à adoucir l'eau sur la côte du Labrador.

Par ailleurs, le glacier continental du Groenland est en train de fondre et cette eau très froide se déverse dans la mer du Labrador. Si cette tendance se maintient, l'eau de la mer du Labrador migrera autour de la pointe du Groenland pour se déverser dans l'Atlantique Nord. Cela réduira la formation d'eau profonde, et cette région absorbe beaucoup de carbone. S'il y a moins de formation d'eau profonde, moins de carbone sera absorbé, ce qui accélérera le réchauffement de la planète.

Cela aura en outre des conséquences graves pour le Gulf Stream dont la force sera réduite. Ainsi, en même temps que le carbone augmentera dans l'atmosphère, la température baissera dans la région, ce qui causera un refroidissement.

Ce qui pourrait en fait arriver dans un avenir très crédible, c'est que le reste de la planète se réchauffera tandis que l'Atlantique Nord refroidira, ce qui aura de graves conséquences pour l'est de l'Arctique, la Scandinavie, le Royaume-Uni, etc.

Je vous ai donné un bref aperçu dans le peu de temps dont je disposais. Je pourrai vous en parler davantage pendant la période des questions. Merci.

Le vice-président (M. English): Merci beaucoup, monsieur Jardine.

Le deuxième témoin est Louise Comeau, du Sierra Club.

Mme Louise Comeau (directrice de campagne, Énergie et Atmosphère, Sierra Club): Je vous remercie d'avoir invité des représentants de la communauté environnementale à venir vous parler aujourd'hui de certaines questions dont nous espérons que le Conseil de l'Arctique et le Comité des affaires étrangères tiendront compte dans leurs recommandations.

Le Sierra Club est un organisme environnemental qui s'occupe surtout d'éduquer et de sensibiliser le public en ce qui concerne les questions atmosphériques, la biodiversité et les forêts. Le club a plus de 100 ans. Il a été créé aux États-Unis, et nous avons trois bureaux ici au Canada.

Je suis directrice de la campagne de l'énergie et de l'atmosphère. Je m'intéresse surtout aux changements climatiques, car le club est d'avis qu'en réaction aux changements climatiques, on assistera à une réforme mondiale des systèmes énergétiques, réforme qui est fondamentale pour la durabilité et la protection atmosphérique.

Nous nous réjouissons de la création ou de la création éventuelle du Conseil de l'Arctique et du rôle que le Canada a joué dans ce dossier. Cependant, il est très inquiétant de constater que l'on s'est attaché principalement jusqu'à présent à faire une évaluation scientifique du changement climatique dans l'Arctique plutôt qu'à participer aux processus politiques international et national qui sont essentiels à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

À la troisième conférence sur la protection de l'environnement dans l'Arctique qui a eu lieu en mars dernier, les ministres en sont arrivés à la conclusion que les effets du réchauffement de la planète seront plus dramatiques dans l'Arctique, plus considérables que dans les latitudes inférieures, et que les répercussions sur la glace de mer, sur le ruissellement des rivières et sur le pergélisol seront importantes. Les ministres ont par ailleurs reconnu l'importance de la collaboration internationale, quoique dans le communiqué, rien n'indiquait comment ils participeront davantage au débat sur le changement climatique ou comment ils y soulèveront les problèmes et les préoccupations de l'Arctique.

Les ministres ont en outre demandé que l'on évalue de quelle façon les effets biologiques possibles du changement climatique et d'une augmentation des rayons ultra-violets pourraient être suivis de plus près dans le cadre du programme d'évaluation et de surveillance de l'Arctique. Bien qu'il soit essentiel de faire une évaluation scientifique et d'en communiquer les résultats, il est néanmoins nécessaire que les gouvernements du Conseil de l'Arctique et leurs représentants participent au processus politique.

La convention cadre sur le changement climatique a été signée lors du Sommet de Rio en 1992 par plus de 150 pays. Depuis, on a continué de mettre au point des détails opérationnels et la convention est entrée en vigueur en décembre dernier après 50 ratifications.

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Tel qu'exigé par la convention, les gouvernements se sont rencontrés pour la première fois à Berlin en avril dernier. Cette réunion avait pour objectif de déterminer si les engagements actuels aux termes de la convention étaient suffisants pour atteindre l'objectif, qui est d'empêcher une interférence anthropogénique dangereuse dans le système climatique. Cet objectif devrait pouvoir être atteint dans un délai qui permette aux écosystèmes de s'adapter naturellement, tout en s'assurant que la production alimentaire n'est pas menacée, et tout en permettant un développement économique durable.

Les gouvernements qui doivent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre - c'est-à-dire les pays de l'OCDE et les économies en transition - sont arrivés par consensus à la conclusion que l'objectif selon lequel on stabiliserait d'ici l'an 2000 les émissions de gaz à effet de serre au niveau de 1990 est inadéquat. Le mandat de Berlin a donc alors été négocié et les parties sont convenues d'adopter un processus en vue d'élaborer des politiques et des mesures et d'établir des objectifs et des échéanciers. Un instrument juridique sera définitivement mis au point à l'automne 1997 au Japon.

Pour faciliter la prise de positions du Canada au cours des négociations, un comité consultatif non gouvernemental réunissant les intervenants a été mis sur pied par Environnement Canada et le ministère des Affaires étrangères, qui agissent comme coprésidents. Le comité comprend des représentants des secteurs des combustibles fossiles, des véhicules, des produits chimiques, de l'assurance, des forêts, de l'agriculture et de l'énergie renouvelable, des municipalités et des groupes environnementaux. Il n'y a aucun représentant du ministère des Affaires indiennes et du Nord. Le Sierra Club est d'avis que l'intérêt du Nord doit être représenté par l'intermédiaire du ministère des Affaires indiennes et du Nord, de la Commission polaire ou de l'ambassadeur des affaires circumpolaires.

À l'échelle internationale, aux négociations comme telles, il n'y a aucune représentation politique des intérêts de l'Arctique, soit en tant qu'unité particulière soit par l'intermédiaire des gouvernements circumpolaires. Pour le Canada, les États-Unis, la Russie et la Norvège en particulier, la raison en est que notre intérêt national continue d'être défini par les intérêts des combustibles fossiles.

Il est absolument essentiel que le Conseil de l'Arctique détermine où se trouvent ses intérêts prioritaires en matière de changements climatiques. De toute évidence, le Sierra Club est d'avis que cet intérêt doit être défini par les effets circumpolaires du changement climatique, non par la défense de la mise en valeur des combustibles fossiles.

Le Conseil de l'Arctique doit alors commencer à faire part de ces intérêts aux gouvernements respectifs, afin que notre gouvernement, dans ses positions de négociation, tienne davantage compte de la prévention. Jusqu'à présent, ces positions ont été dominées par des évaluations, parfois plutôt mythiques, selon lesquelles les réductions des émissions de gaz à effet de serre nuiront aux économies des pays.

Bon nombre des mythes entourant le changement climatique ont été abordés dans le rapport d'évaluation scientifique que le groupe d'experts intergouvernemental pour l'étude du changement climatique a publié en 1996. J'ai apporté des exemplaires de deux documents, le premier consistant en certains détails de l'évaluation scientifique, document de référence et document technique-clé, pour ceux qui veulent l'avoir, et le deuxième étant un document d'information sur des recherches qui ont été effectuées récemment dans le bassin du Mackenzie et qui révèlent un réchauffement très important dans cette région. Ces documents sont donc à la disposition des députés qui voudraient en avoir un exemplaire.

Il a fallu deux ans et demi pour faire cette évaluation scientifique à laquelle ont participé2 000 scientifiques de plus de 130 pays. Les principales conclusions démontrent clairement qu'étant donné les projections actuelles, on ne pourra empêcher une interférence dangereuse dans le système climatique, les écosystèmes ne s'adapteront pas naturellement, la production alimentaire sera menacée et le développement économique risque d'être plus touché par le changement climatique qu'il ne le serait si des mesures étaient prises.

Des efforts de la part du Conseil de l'Arctique pourraient influencer les positions de négociations circumpolaires d'ici la conférence de 1997. Malheureusement, ce conseil attend que le programme d'évaluation et de surveillance de l'Arctique publie son rapport sur l'état de l'environnement au début de 1997, et il sera peut-être alors trop tard.

Les gouvernements se rencontreront pour la deuxième fois en juillet prochain à Genève. L'ordre du jour de la deuxième conférence des parties sera dominé par l'étude des conclusions de la dernière évaluation scientifique et par la prise de décisions politiques sur l'objectif de la convention. Il est absolument essentiel que les ministres Marchi et Axworthy tiennent compte de l'Arctique lors de cette conférence. À cette fin, il est crucial que le changement climatique soit à l'ordre du jour à la première réunion du Conseil de l'Arctique qui doit avoir lieu le 9 juillet ici, à Ottawa. Il est essentiel que le ministre Marchi, en préparation de la réunion ministérielle qui aura lieu du 16 au 18 juillet à Genève, présente une résolution du conseil affirmant que le changement climatique pourrait avoir des conséquences dangereuses pour l'Arctique et que ces conséquences devraient être évitées.

À plus long terme, de véritables négociations vont commencer aux sessions de décembre et d'octobre. Ces réunions vont permettre de négocier le libellé du texte juridique qui fixera les objectifs et les échéanciers des réductions d'émissions de gaz à effet de serre au-delà de l'an 2000. Il est absolument essentiel que des intérêts représentant l'Arctique participent à la définition du point de vue canadien sur les niveaux de réduction qui devraient figurer dans ce document.

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Les changements climatiques suscitent également un intérêt croissant de l'administration américaine. De récents discours du Secrétaire d'État Warren Christopher et de la Secrétaire d'État adjointe Eileen Claussen attestent de ce regain d'intérêt pour les changements climatiques et pour leurs incidences éventuelles sur la sécurité nationale. Les États-Unis ont par ailleurs placé des jalons au cours de la session de négociations de février dernier et ont fermement appuyé les dernières évaluations scientifiques, déclarant qu'il fallait agir dans ce domaine, qui constitue «le problème environnemental le plus grave qu'affronte l'humanité aujourd'hui».

Dans un discours prononcé à l'Université Stanford le 9 avril, et dont j'ai ici des copies pour ceux d'entre vous qui souhaitent en obtenir, Warren Christopher a déclaré:

Comme le savent les membres du comité, l'administration américaine actuelle ne bénéficie pas d'un très fort soutien du Congrès sur les questions d'environnement. L'appui du Conseil de l'Arctique devrait renforcer la position de l'administration américaine dans les négociations concernant les changements climatiques.

Le Sierra Club se préoccupe également du fait que le mandat du Conseil de l'Arctique parle d'atténuer les conséquences environnementales locales éventuelles des exploitations de pétrole et de gaz, mais ne comportent aucun engagement d'évaluer le rôle que joue l'exploitation du pétrole et du gaz dans une stratégie de développement durable. Il est indispensable que l'on détermine, dans le cadre de cette stratégie, s'il faut ou non exploiter les ressources de combustible fossile.

Je voudrais terminer en rappelant aux membres du comité le programme assigné au Conseil de l'Arctique lors de la dernière rencontre ministérielle. Le Conseil devra s'intéresser de près aux questions environnementales dans le contexte de l'actuelle stratégie de protection de l'environnement de l'Arctique et du projet d'initiative de développement durable de l'Arctique. En outre, comme l'a indiqué l'ambassadrice Mary Simon, les autres questions de coopération circumpolaires comprennent les éléments suivants:

Tous ces objectifs sont louables, et tous sont menacés par les changements climatiques.

Je vous remercie d'avoir écouté notre exposé.

Le vice-président (M. English): Merci beaucoup.

Le dernier témoin est Sarah Climenhaga, du Fonds mondial pour la nature.

Mme Sarah Climenhaga (coordonnatrice des espèces, Fonds mondial pour la nature): J'ai rédigé mon exposé à partir du résumé des questions clés et des thèmes de discussion; j'aborderai donc plusieurs sujets.

Le Fonds mondial pour la nature partage des intérêts communs avec les gouvernements de l'Arctique et les habitants du Nord, comme l'éthique d'une vie durable, la méfiance envers tout développement industriel à grande échelle et non réglementé, l'engagement envers un aménagement du territoire planifié, qui comprennent la désignation de zones de conservation et de zones de développement.

Le Fonds mondial pour la nature a des bureaux au Canada, aux États-Unis, en Suède, en Finlande, en Norvège, au Danemark et en Russie ainsi que des représentants en Islande. Il est donc dans une situation idéale pour intervenir sur les politiques et les projets circumpolaires.

Notre programme de l'Arctique a été lancé en octobre 1992 par la création d'un bureau de coordination de l'Arctique à Oslo. Le programme vise à apporter une réponse stratégique aux questions de l'Arctique en harmonisant les efforts des différentes sections nationales du Fonds et en établissant des partenariats avec d'autres organismes dans la région circumpolaire. La collaboration avec les organismes représentant les populations autochtones, avec le milieu scientifique, avec les autorités gouvernementales et les organismes non gouvernementaux est essentielle dans cette démarche. À ce titre, nous sommes très heureux de comparaître devant vous aujourd'hui.

Au cours des cinq années qui se sont écoulées depuis le lancement de la stratégie de protection de l'environnement arctique en 1991, on a mis l'accent sur l'échange d'information et l'évaluation de l'environnement arctique. Comme d'autres organismes, le Fonds mondial pour la nature estime que la SPEA doit maintenant donner des suites concrètes à ces évaluations et mettre en oeuvre des stratégies plutôt que d'en créer.

Dans notre déclaration devant la troisième conférence ministérielle de la SPEA, le Fonds mondial pour la nature a exprimé certaines préoccupations concernant les objectifs envisagés pour le Conseil de l'Arctique. Le Fonds approuve le principe d'une tribune intergouvernementale de l'Arctique et y voit l'occasion de renforcer les engagements politiques envers cette région. Le Conseil créera des occasions et prendra des mesures importantes pour la santé environnementale à long terme de l'Arctique et pour les perspectives d'avenir de ses habitants. Néanmoins, il reste, à notre avis, quelques questions fondamentales à régler avant de créer le Conseil de l'Arctique.

Le Canada a un rôle déterminant à jouer dans la politique circumpolaire. Au cours des prochaines minutes, j'essaierai d'aborder les questions que le comité s'efforce de résoudre dans ce domaine.

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Le premier thème de discussion concerne l'orientation que le Canada devrait donner à sa politique nordique. Dans ce domaine, où la collaboration circumpolaire est en pleine effervescence, le Canada devrait faire de la paix et de la coopération dans l'Arctique une priorité centrale. Le principal obstacle à l'élaboration d'une politique cohérente dans ce domaine est le manque de participation des peuples autochtones et des groupes régionaux, y compris des organismes de conservation, au processus décisionnel sur les questions concernant l'Arctique.

Les initiatives arctiques entreprises dans le cadre de la SPEA donnent au Canada l'occasion de favoriser ses objectifs de politique étrangère. Le Canada a déjà pris d'importantes mesures de mise en oeuvre de sa stratégie environnementale de l'Arctique. Nous sommes maintenant en état d'utiliser l'information recueillie à l'occasion de ces études pour intervenir sur le plan international de façon à empêcher que les contaminants n'atteignent l'Arctique.

Le Fonds mondial pour la nature attend la publication du rapport d'évaluation de l'Arctique en 1997, qui formulera des propositions et pourra servir de base à une action concertée. Parmi les autres grandes initiatives concernant l'Arctique figurent les activités du groupe de travail circumpolaire sur la flore et la faune de l'Arctique, qui est en train de constituer un réseau de régions circumpolaires protégées. Le Canada devrait établir son propre système de zones protégées dans l'Arctique.

Le fonds mondial pour la nature a fait campagne pour la mise en place d'un réseau de zones protégées et a obtenu la création de nouvelles zones protégées, dont celle de Vuntut Gwitchin au Yukon, où se trouve le secteur d'Old Crow Flats qui présente une importance écologique, culturelle et économique exceptionnelle pour la population. Le régime canadien des zones protégées permet au Canada de donner l'exemple et de faire pression auprès des autres pays pour qu'ils mettent en oeuvre des réseaux semblables.

Il convient de maintenir et de renforcer d'autres initiatives relevant de la SPEA, comme le programme de surveillance et d'évaluation de l'Arctique et les groupes d'urgence, de prévention ou de protection civile

L'un des sujets clés dans les travaux du comité est le Conseil de l'Arctique. En tant que président de ce conseil, le Canada doit réaffirmer et renforcer l'engagement des gouvernements envers la SPEA tel qu'il figure dans la Déclaration Nuuk, en ce qui concerne la conservation, la protection et la restauration des écosystèmes de l'Arctique. Les gouvernements doivent s'entendre sur le fait que le conseil aura pour objectif suprême d'assurer la protection de l'environnement et l'utilisation durable des ressources et de permettre une mise en valeur qui soit socialement souhaitable et écologiquement saine. Le Canada doit intégrer ce principe dans la déclaration du Conseil de l'Arctique et dans son mandat d'étude de l'utilisation et du développement durables.

En tant que président du conseil, le Canada doit veiller à ce que les principes directeurs du conseil soient conformes à ceux qui ont déjà fait l'objet d'accords internationaux comme la déclaration de Rio sur l'environnement et le développement durable.

Le Canada doit également veiller à ce que le Conseil de l'Arctique ne s'écarte pas de son mandat. Certaines questions, comme l'utilisation des mammifères marins, risquent d'être extrêmement difficiles à résoudre à cause des points de vue divergents des gouvernements de l'Arctique; le Conseil ne devrait pas s'en saisir s'il veut respecter son mandat coopératif. En se limitant aux questions clés, le Conseil s'assurera une efficacité maximale.

Nous ne sommes pas convaincus que les structures actuelles d'organisation et de représentation du Conseil lui permettent de s'acquitter de son mandat de protection de l'environnement et d'utilisation durable de l'Arctique. Le Conseil doit permettre la représentation des intérêts des groupes autochtones qui n'ont pas participé jusqu'à maintenant au processus de la SPEA.

En ce qui concerne les observateurs, la déclaration devrait définir les critères d'octroi du statut d'observateur aux termes de la Charte, et des procédures d'accréditation devraient permettre l'octroi du statut d'observateur permanent à des pays extérieurs à l'Arctique, à des organisations internationales et à des organismes non gouvernementaux qui pourraient apporter une contribution importante et constructive au processus.

Le conseil devrait être organisé de façon que le développement durable ne soit pas considéré indépendamment de la protection de l'environnement. La charte du conseil devrait comporter des mécanismes d'intégration des deux éléments.

Le rôle des populations nordiques dans l'Arctique est fondamental. Les peuples autochtones canadiens et les autres groupes autochtones internationaux devraient pouvoir participer pleinement aux travaux du conseil. Il est essentiel que tous les groupes autochtones intéressés soient en mesure de prendre part aux délibérations et aux prises de décisions du Conseil de l'Arctique. Il faudrait réévaluer le nombre des participants permanents actuellement proposés de façon qu'on puisse l'augmenter par la suite, ou trouver d'autres mécanismes permettant une plus large participation.

Il devrait être possible d'intégrer les connaissances traditionnelles des peuples autochtones en s'inspirant de démarches comme le projet Gwitchin sur les connaissances écologiques traditionnelles, qui bénéficient de l'appui de la section canadienne du Fonds mondial pour la nature.

.1615

Je voudrais maintenant aborder le thème des questions juridiques concernant l'Arctique. Voici quelques exemples des recommandations du Fonds concernant les accords internationaux.

Il faudrait prévoir des mécanismes juridiques régissant les activités terrestres de façon qu'elles soient conformes aux normes des conventions d'Oslo et de Paris en matière de prévention de la pollution marine et qu'elles respectent les principes de précaution dans l'action, du pollueur-payeur et des meilleures pratiques environnementales en fonction des sources localisées et diffuses. Par ailleurs, il faudrait amener la Russie à signer l'OSPAR.

Tous les membres du conseil devraient appliquer la convention sur la pollution marine appelée MARPOL. Les gouvernements de l'Arctique devraient inviter le groupe de travail sur la protection de l'environnement maritime arctique à proposer la désignation de l'océan Arctique en tant que zone spéciale aux termes des conventions MARPOL de 1973 et de 1978, compte tenu de l'augmentation du trafic maritime dans l'Arctique. En tant que président de ce groupe de travail, le Canada a un rôle déterminant à jouer dans cette question.

La mise en oeuvre d'initiatives spécifiques dans le cadre de la stratégie de protection de l'environnement arctique devrait aider le Canada à faire face à ses obligations juridiques découlant de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement durable et d'autres accords internationaux, comme la convention climatique, la conférence de Washington sur les activités terrestres, Action 21, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et l'accord de conservation et de gestion des stocks de poissons limitrophes et migratoires.

Finalement, je voudrais parler de la nécessité de la coopération en vue du développement durable et de la dépollution. Des pressions importantes sont exercées en faveur de la mise en valeur économique de l'Arctique. En fait, cette question est abordée de façon assez paradoxale. La mise en valeur durable de l'Arctique implique qu'il n'y ait pas, au départ, de dégradation de l'environnement, et non pas que l'on prenne des mesures d'atténuation ou de dépollution une fois qu'un dommage s'est produit.

On ne sait pas comment régler les conflits éventuels entre la préservation des ressources et des modes de vie traditionnels et la promotion de nouvelles formes de développement à plus forte intensité de capitaux. C'est là une question importante et difficile à résoudre.

Actuellement, la charte du conseil précise que les pays participants doivent coopérer de façon à maintenir ou à élever le niveau de vie des habitants de l'Arctique. Les Esquimaux Inupiat du versant nord de l'Alaska revendiquent l'ouverture de la plaine littorale de l'Arctic National Wildlife Refuge à la prospection pétrolière et gazière de façon à maintenir leur niveau de vie, tandis que les Gwitchin affirment que leur survie dépend du caribou, qui vient se reproduire dans cette plaine littorale, et ils considèrent que le caribou est plus important que l'argent.

Le Conseil de l'Arctique ne pourra résoudre ce genre de discussion que s'il met l'accent sur la qualité de vie plutôt que sur le niveau de vie. La qualité de vie comprend la santé et la culture et ne se limite pas à la mesure plus conventionnelle de la richesse matérielle.

Les procédures d'évaluation environnementale actuelles ne permettent pas de protéger efficacement l'environnement particulièrement vulnérable de l'Arctique. Le projet d'ouverture d'une mine de diamant au centre de l'Arctique illustre bien cette incapacité, puisqu'on ne tient pas compte de l'effet cumulatif des activités minières qui pourraient être entreprises dans les Territoires du Nord-Ouest au cours des prochaines années.

Les évaluations d'impact doivent tenir compte des effets que les activités de développement proprement dites ont sur l'environnement, et également des infrastructures supplémentaires que nécessitent ces activités. Par exemple, il va falloir construire des routes et aménager des installations hydroélectriques pour satisfaire l'augmentation des besoins en électricité.

Le développement doit être considéré dans un contexte régional plus vaste, et non pas uniquement au cas par cas. Les conséquences transfrontalières doivent être également prises en compte, comme dans le cas de l'Arctic National Wildlife Refuge.

Le tourisme fait aussi partie des activités économiques dont les effets n'ont pas été mesurés assez soigneusement. Actuellement, le tourisme dans l'Arctique constitue un problème intérieur pour chaque pays de la région. Compte tenu de la fragilité du milieu arctique, il faudrait des lignes directrices internationales, comme celles que le Fonds mondial pour la nature a entrepris d'élaborer avec différents intervenants.

La deuxième Conférence ministérielle sur la stratégie de protection de l'environnement arctique des huit pays de l'Arctique, qui s'est tenue à Nuuk, au Groenland, a affirmé la nécessité de définir les règles à suivre en matière d'évaluation d'impact environnemental.

Finalement, le Conseil de l'Arctique ne devrait-il pas se doter de la capacité d'appliquer des normes multilatérales de durabilité environnementale à des situations intérieures de ses États membres? L'Arctique a besoin de normes internationales. Il conviendrait d'identifier les secteurs prioritaires de ces normes, qui devraient comprendre l'exploitation pétrolière et gazière et l'exploitation forestière.

Il faudrait définir et mettre en oeuvre de toute urgence des lignes directrices strictes concernant les activités pétrolières et gazières.

.1620

En ce qui concerne l'exploitation forestière, les gouvernements de l'Arctique devraient accepter la mise en place d'un mécanisme indépendant et volontaire de certification des forêts, qui pourrait être confié, par exemple, au Forest Stewardship Council, de façon à assurer la gestion durable des forêts du Nord.

La prochaine décennie sera déterminante pour l'avenir de l'Arctique. Selon que les nations de l'Arctique parviendront ou non à coopérer et à coordonner leurs activités, on pourra aborder le prochain siècle en profitant d'un écosystème Arctique préservé et sain, doté d'une faune abondante permettant de préserver les structures traditionnelles de développement social et économique des autochtones, ou bien on aura alors laissé les intérêts économiques à courte vue abîmer l'Arctique.

En ce qui concerne particulièrement le Conseil de l'Arctique, si les questions fondamentales de la protection de l'environnement, de l'utilisation durable du territoire et de la pleine participation des peuples autochtones ne sont pas résolues de façon satisfaisante, le Fonds mondial pour la nature estime que le conseil risque de n'appliquer qu'un programme fragmentaire incapable de proposer un avenir durable à la région.

La création du Conseil de l'Arctique est un événement historique. Nous devons espérer que le conseil renforcera et précisera les initiatives circumpolaires actuelles comme la SPEA. Il est essentiel d'affirmer que le développement durable doit être un développement qui préserve l'environnement arctique et sa population.

Finalement, toutes les parties doivent être les bienvenues dans un processus ouvert.

Si tous ces problèmes sont réglés, le Canada et les autres nations de l'Arctique pourront être fiers d'avoir progressé et d'avoir consacré à la région arctique l'attention particulière qu'elle mérite.

J'espère que ces commentaires vous seront utiles et qu'ils vous aideront à formuler vos recommandations. N'hésitez pas à prendre contact avec moi si vous avez d'autres questions à me soumettre. Je vous remercie de l'intérêt que vous accordez aux points de vue de groupes très divers.

Le vice-président (M. English): Merci. Vos commentaires nous seront très utiles. Je tiens à vous remercier pour la qualité de vos rapports. Vous avez formulé de nombreuses recommandations très précises sur lesquelles nous pourrons nous prononcer ou dont nous pourrons nous inspirer.

Le membres du comité ont-ils des questions à poser? Madame Debien.

[Français]

Mme Debien (Laval-Est): Bienvenue à notre comité. Ma question s'adresse aux trois représentants, mais je voudrais, dans un premier temps, faire un constat que confirmeront possiblement les collègues qui sont allés tout dernièrement dans l'Arctique, tant du côté est que du côté ouest.

Vos exposés sont beaucoup plus complexes que ceux que nous avions pu entendre jusqu'à maintenant, mais il reste que, de façon globale, la préoccupation principale des gens que nous avons rencontrés, surtout ceux de la communauté inuit, a trait aux questions environnementales, simplement parce qu'ils subissent les effets de la détérioration environnementale dans la chaîne alimentaire et dans leur propre alimentation.

Personnellement, j'ai été presque abasourdie à Resolute Bay, un soir où nous avons assisté à une remise de diplômes, de voir les mamans donner le biberon à leurs petits enfants. Cela m'a beaucoup étonnée. On nous a dit que le lait maternel était fortement contaminé par les polluants chimiques, par le mercure ou quelque autre minéral.

Cela m'a beaucoup beaucoup impressionnée. Ici, c'est tout le contraire. On cherche à promouvoir l'allaitement maternel chez les jeunes mamans alors que là-bas, c'était un geste tout à fait normal et naturel. Maintenant, on a tellement peur d'allaiter son bébé qu'on l'allaite avec du lait du Sud, peut-on dire.

.1625

Ce que vous avez dit m'a personnellement touchée, parce que c'est aussi ce que sont venus nous dire les représentants des communautés inuit de là-bas. Ce sont les questions environnementales qui les préoccupent davantage.

On sait qu'il y a des projets de développement à grande échelle qui se préparent dans l'Arctique. Par exemple, la Falconbridge s'installe à Kuujjuaq très bientôt pour l'ouverture de mines de nickel.

On sait qu'il y a aussi des sites qui sont déjà fortement contaminés par d'anciens projets miniers et qui ne sont pas restaurés.

Il y a tellement de choses à faire dans l'Arctique que je me demande par où le Conseil de l'Arctique devrait commencer. Vous semblez mettre beaucoup, beaucoup d'espoir dans le Conseil de l'Arctique, mais compte tenu de ce qu'on a observé, de ce que vous nous dites et de ce que d'autres personnes sont venues nous dire lors des audiences, je me demande par où le Conseil de l'Arctique doit commencer.

Quelles sont les principales tâches ou les principaux objectifs que devrait se donner le Conseil de l'Arctique face à cette problématique énorme? Je vous avoue que je me sens un peu démunie devant l'ampleur de cette tâche. Donc, quelles priorités devrait se donner l'Arctique? Je vous pose la question bien naïvement.

Le Conseil de l'Arctique devrait-il commencer par la dépollution des sites contaminés ou par accepter de nouveaux projets de développement économique, toujours pour le bien-être des populations du Nord, nous dit-on, mais souvent au profit des populations du Sud?

Je vous jette tout cela pêle-mêle. Donc, quelles sont les priorités du Conseil de l'Arctique?

[Traduction]

M. Jardine: Il y a deux catégories de problèmes environnementaux dans l'Arctique. La première est celle des problèmes que le Sud impose à l'Arctique. Ce sont des problèmes de dimension planétaire, comme les changements climatiques ou les polluants organiques persistants, qui s'accumulent dans le lait maternel et dans la chaîne alimentaire. Le Conseil de l'Arctique peut jouer un rôle de premier plan pour expliquer l'effet qu'exercent les autres régions du monde sur la région polaire. Chacun doit comprendre qu'il existe des problèmes environnementaux de dimensions véritablement planétaires et que lorsque l'on conduit sa voiture de Toronto à Ottawa, ce geste a une incidence sur le climat mondial. Il peut provoquer un feu de forêt dans les Territoires du Nord-Ouest. Voilà les rapports de cause à effet qui existent à l'échelle mondiale. Lorsqu'on incinère des détritus ici, les résidus peuvent se retrouver dans la chaîne alimentaire à Iqaluit.

Voilà pour le premier élément, sur lequel le Conseil de l'Arctique peut jouer un rôle majeur.

Le deuxième, qui intéresse particulièrement le Fonds mondial pour la nature et sur lequel il peut s'exprimer davantage, concerne les propositions portant directement sur l'Arctique et qui visent à créer des normes environnementales crédibles auxquelles tout le monde pourrait adhérer.

Mme Climenhaga: Vous avez parlé des contaminants. Ils posent effectivement l'un des problèmes les plus graves de l'Arctique.

Pour ce qui est des priorités du conseil, elles ont déjà fait et font encore l'objet de travaux dans le cadre de la stratégie de protection de l'environnement arctique. Nous pensons que le Conseil de l'Arctique pourrait mettre en oeuvre et renforcer les mesures qui relèvent actuellement de la stratégie.

Par exemple, l'un des groupes de travail de la stratégie applique le programme de surveillance et d'évaluation de l'Arctique. Au cours des cinq dernières années, il a recueilli des données sur la présence de contaminants dans l'Arctique et a identifié ces contaminants. Il faut maintenant que le conseil tire parti des recommandations du groupe de travail et qu'il y donne suite en application des accords internationaux.

Nous pensons donc que plutôt que d'entreprendre de nouveaux projets, il vaudrait mieux tirer parti du travail qui a déjà été fait.

.1630

Mme Comeau: Je souhaite que le Conseil de l'Arctique prenne la défense de cette région et y assure une présence politique - c'est ce qui fait défaut actuellement. Il n'y a pas de représentation de l'Arctique ou des populations indigènes sur la question mentionnée par Kevin, à savoir l'influence du Sud sur le Nord, pour exiger que le Sud assume ses responsabilités et pour demander la conclusion de protocoles internationaux sur les polluants organiques persistants, le dioxyde de soufre et la réduction des émissions des gaz à effet de serre. Une présence politique est indispensable à ce niveau.

Il est donc très important de traiter des questions locales, des problèmes de contaminants et autres, mais à mon avis, le véritable rôle du Conseil de l'Arctique consiste à assurer une présence politique, à cerner les problèmes et à défendre les intérêts de la région de toutes les façons possibles. À mon avis, c'est ce qui fait défaut actuellement.

On le remarque lorsque le ministre Marchi fait une intervention sur la scène internationale. Il en va de même pour Anne McLellan. On ne remarque pas de présence politique. J'espère donc que le Conseil de l'Arctique servira de tribune à l'expression de ces intérêts.

Si aucune entité publique n'invoque la responsabilité envers l'Arctique ou n'exige de compensations dans certains cas... Par exemple, la convention sur les changements climatiques prévoit une entité environnementale mondiale. Si les communautés du Nord se trouvaient dans des pays en développement, elles pourraient faire appel à fonds pour s'adapter aux changements climatiques ou pour financer des projets d'investissement dans les énergies durables. Les communautés du Nord du Canada ne peuvent pas y faire appel bien qu'elles soient victimes de ces problèmes environnementaux au même titre que les pays des Antilles ou de l'Afrique, alors même qu'elles n'y sont pour rien.

Je pense donc qu'il faudrait que le conseil invoque la responsabilité des communautés du Sud au niveau du gouvernement.

Le vice-président (M. English): Monsieur Assadourian.

M. Assadourian (Don Valley-Nord): Monsieur le président, je vous prie tout d'abord de m'excuser de mon retard. J'avais une autre séance de comité.

Lorsque nous nous sommes rendus dans le Nord-Ouest la semaine dernière, comme l'a indiqué mon honorable collègue, je crois que c'est à Yellowknife que quelqu'un nous a dit que quoi qu'on fasse, tous les travaux de construction provoquent des dommages environnementaux. Cette personne a même signalé que lorsque l'immeuble dans lequel nous nous trouvions avait été construit, il y avait eu des dommages environnementaux. Lorsque l'édifice où nous nous trouvons actuellement a été construit, il y a 80 ou 100 ans, l'environnement du secteur s'en est trouvé endommagé.

Comment peut-on mesurer les avantages et les inconvénients des activités de mise en valeur étant donné, comme vous l'avez indiqué, que les Autochtones souhaitent non pas une amélioration de leur niveau de vie, mais plutôt une amélioration de leur qualité de vie? Comment assurer l'équilibre entre les deux éléments? Quelle forme de mesures peut-on utiliser? Pour les Autochtones, qu'est-ce qui est acceptable et qu'est-ce qui ne l'est pas?

Mme Comeau: On suppose au départ qu'il faut faire un compromis. Je travaille intensivement sur cette question depuis six ans et j'ai fait de l'analyse économique en profondeur sur les conséquences de toute activité. On entend toujours dire, par exemple, que si l'on réduit les émissions de gaz à effet de serre, on va anéantir l'économie.

La réalité est bien différente. Les groupes d'intérêt partisans du statu quo, qui ne veulent pas qu'on change quoi que ce soit à leur façon de faire des affaires, entretiennent bien des mythes. La réalité, c'est que les services doivent être assurés de façon durable.

Parlons par exemple d'énergie. On suppose que tout le monde a droit à une certaine quantité d'émission de substances polluantes per capita. C'est complètement faux. Nous avons droit à des services énergétiques. Aussi bien dans le Nord que dans le Sud, l'objectif est d'assurer des services qui auront le moins d'effets possibles sur l'environnement local ou mondial. Et c'est réalisable. On peut maintenant construire des immeubles qui peuvent satisfaire intégralement leurs besoins énergétiques par des sources internes.

Le problème est le même partout, y compris dans le Nord: on construit des immeubles selon certaines normes, mais ils fuient comme des passoires. Sur la question des changements climatiques, la plupart des effets dont nous parlons - et je sais que c'est généralement vrai pour presque tous les problèmes environnementaux, mais je ne parlerai ici que des problèmes énergétiques - la plupart de l'énergie que nous utilisons est gaspillée. Le moteur à combustion interne de nos voitures n'a qu'une efficacité de 25 p. 100. Les centrales électriques au charbon n'ont qu'une efficacité de 30 p. 100. Nous pouvons produire l'énergie dont nous avons besoin avec des taux d'efficacité bien supérieurs à ceux-là, qui peuvent atteindre 80, 90 ou même 100 p. 100.

.1635

Pour nous, la question n'est donc pas de faire des compromis sur la qualité de vie. Il s'agit en fait de garantir la qualité de vie et de faire en sorte que chacun puisse avoir accès à des services sans risquer de provoquer de l'asthme chez ses enfants ou de les exposer à des polluants sous forme de particules ou autres. Notre analyse comporte un effort de démystification, car tout cela n'est pas conforme à la réalité.

Par exemple, nous avons entendu le premier ministre annoncer hier la création d'un projet d'exploitation des sables bitumineux de 4 milliards de dollars à Fort McMurray. Tout le monde était bien fier des 44 000 emplois ainsi créés. J'ai fait faire une analyse pour le Climate Action Network, dont Kevin et moi faisons partie, par la firme Informetrica, qui avait fait l'analyse des sables bitumineux. Nous avons constaté que le même investissement dans l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables au Canada aurait permis de créer 1,5 million d'emplois sur la même période.

Ce n'est donc pas une question de compromis. Il s'agit de savoir quel genre de développement nous souhaitons, comment nous voulons y parvenir et comment faire en sorte que ce développement ait le moins de conséquences négatives possible.

M. Jardine: Je voudrais revenir sur l'opposition entre les considérations locales et les considérations globales. Je pense qu'il est vrai que la plupart des dommages environnementaux causés dans l'Arctique proviennent du Sud. Ils ne résultent pas de la mise en valeur de l'Arctique. Il faut donc commencer à modifier nos comportements ici, dans le sud, pour prévenir ce genre de dommages.

L'Arctique peut également jouer un rôle très important dans la recherche des solutions. Pour en revenir au changement climatique, la plus grande partie de l'électricité consommée dans l'Arctique et dans la région subarctique provient de l'utilisation très coûteuse et très polluante de génératrices diesel. Il y a quelques mois, un gigantesque déversement s'est produit à Igloolik: 100 000 litres de combustible diesel très polluant se sont déversés dans la communauté. Il y a donc eu des dommages environnementaux d'origine locale.

Il existe de nombreuses possibilités d'utilisation expérimentale de sources d'énergie renouvelables, comme l'électricité éolienne ou solaire, qui est extrêmement rentable. Bien des gens se représentent l'Arctique comme une région dans l'obscurité six mois sur douze. En réalité, il y fait jour en permanence pendant la moitié de l'année et en été, cette région a un taux d'ensoleillement supérieur à celui de la Californie du Sud. Le Canada a donc la possibilité de se lancer dans l'exploitation de ressources énergétiques renouvelables très rentable dans l'Arctique et la région subarctique, ce qui lui permettrait ensuite d'exploiter cette technologie dans le monde entier.

Un des souhaits les plus chers à Greenpeace serait que le Conseil de l'Arctique assume la responsabilité d'un projet visant à introduire la technologie de l'énergie renouvelable dans le Nord, à mettre cette technologie à l'essai dans les huit pays de l'Arctique pour ensuite la transférer au Sud quand elle aura fait ses preuves et qu'elle sera donc devenue plus rentable. Plus on l'utilisera, plus le prix baissera.

Mme Climenhaga: Comme dernier point à ce sujet, je dirais que nous avons beaucoup insisté sur le fait qu'il faudrait élaborer des lignes directrices très rigoureuses en ce qui concerne l'évaluation des impacts environnementaux, qui seraient utiles pour permettre d'évaluer les conséquences d'un projet en particulier. Dans le cas dont vous parlez, il faudrait examiner quel serait l'impact de la construction d'un bâtiment.

Il faudrait également que la population locale ait une participation importante, car c'est elle qui ressentirait les effets de la construction du bâtiment.

Par ailleurs, il faut tenir compte des effets cumulatifs. La construction du bâtiment entraînera-t-elle la construction de cinq autres bâtiments de soutien? Devra-t-on aussi construire une route?

Il faut vraiment examiner tous les aspects du projet et ne pas s'en tenir à la question de savoir si le fait de construire un bâtiment permettra de créer des emplois. Il y a beaucoup de facteurs qui entrent en ligne de compte.

Le vice-président (M. English): Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Paré.

M. Paré (Louis-Hébert): D'abord, j'aimerais vous dire que je vous trouve bien courageux d'entreprendre et de poursuivre la lutte contre la pollution. C'est tout à fait évident que ce sont les pays du Sud, les pays industrialisés ou en voie d'industrialisation, qui sont responsables de la pollution.

Premièrement, concentrez-vous vos efforts à la bonne place quand vous voulez cerner la problématique de la pollution dans le Nord, puisque c'est le Sud qui en est responsable?

Deuxièmement, et cela n'ajoute pas à mon optimisme qui est à peine présent, avec le vent de néo-libéralisme qui flotte sur la planète, qui prône la compétitivité envers et contre tous et qui vend la mondialisation, d'une part, et, d'autre part, avec le désengagement des gouvernements de tous les secteurs, ne se prépare-t-on pas à livrer l'environnement au torpillage des multinationales?

Troisièmement, s'il est vrai que nous voulons rendre les autochtones responsables de leur développement, eux qui sont sans doute plus conscients du développement durable que nous, croyez-vous que le fait de leur accorder un droit de veto sur tout projet à réaliser dans le Nord pourrait être un pas dans la bonne direction? Ceux qui voudraient alors réaliser des projets seraient obligés de tenir compte de ce droit de veto qu'auraient les populations du Nord.

.1640

[Traduction]

Mme Comeau: Je commencerai par la dernière question. Les négociations relatives aux revendications foncières exigeront effectivement que les entreprises négocient avec les collectivités autochtones avant qu'elles puissent obtenir le feu vert pour leur projet, de sorte que ce serait là un des avantages du processus de règlement des revendications foncières. Les Autochtones devraient certainement avoir un droit de veto. Cela ne fait aucun doute. Les développements qui se font chez eux ne devraient pas leur être imposés, mais ils devraient plutôt en être les maîtres.

Pour ce qui est de votre question concernant le Nord et le Sud, nous concentrons nos énergies sur le travail que nous faisons auprès des gouvernements du Sud. C'est de là que viennent les émissions et c'est là que les problèmes se posent. Je soutiens toutefois que le Nord doit défendre ses intérêts en ce qui a trait à l'impact. Ce sont les pays du Nord qui subissent tous les effets, mais ils ne défendent pas leurs intérêts.

Quand j'ai participé à Yellowknife à l'atelier sur le bassin du fleuve Mackenzie, où l'on a publié les résultats d'une étude portant sur six années, j'ai constaté que l'attitude des participants était très fataliste: «Encore une fois, nous n'avons pas pu l'empêcher et nous ne pouvons rien faire maintenant. Il faut simplement accepter la situation et tenter de s'y adapter.»

J'essaie d'encourager l'adoption d'une attitude plus positive - et j'espère pouvoir me rendre dans le Nord à l'automne pour tenter de sensibiliser les collectivités au problème. Je veux inciter les populations à se dire que le problème n'est pas inévitable, comme c'était le cas pour bien d'autres problèmes qu'elles doivent affronter maintenant, et à commencer à défendre leurs intérêts politiques. Ainsi, dans le Nord, nous concentrons notre attention sur les impacts, mais nous voulons sensibiliser les populations afin qu'elles puissent aussi contribuer à trouver des solutions.

Comme l'a dit Kevin, c'est une façon un peu indirecte de faire les choses. S'agissant par exemple de la situation mondiale en ce qui concerne les changements climatiques, c'est dans les pays en développement que nous avons vraiment la possibilité de modifier les systèmes énergétiques mondiaux. Même si, à l'heure actuelle, nous contribuons plus qu'eux à la pollution de l'atmosphère, les pays en développement finiront par y contribuer encore plus que nous si nous ne les aidons pas à assurer leur développement d'une manière plus durable. Ils doivent en quelque sorte sauter par-dessus l'étape des combustibles fossiles que nous avons connue.

Il en va de même au Canada pour ce qui est des changements climatiques. C'est dans le Nord que les initiatives de développement seront sans doute les plus nombreuses et c'est là que nous avons vraiment la possibilité, compte tenu par exemple du prix du combustible diesel, d'introduire les énergies solaires sur une base rentable et d'en abaisser le coût. Le temps est donc venu d'assurer le développement durable du Nord et de commencer à défendre ses intérêts.

Évidemment, les multinationales posent un problème. Toute la question de la mondialisation pose un problème. Toute la question de la tendance à s'éloigner de l'établissement de normes à l'échelle nationale pour favoriser plutôt la conclusion d'accords volontaires pose un problème.

Nous travaillons à divers niveaux. À mon avis, la situation n'est pas impossible. Ainsi, il y a50 multinationales dans le monde qui sont responsables de 50 p. 100 des émissions de gaz carbonique dans le monde. Il y a de huit à dix fabricants de véhicules automobiles dans le monde. La plupart se trouvent dans les pays du G-7. Il serait donc possible, au moyen d'accords qui pourraient être négociés entre ces pays du G-7 - je reviens là au rôle de notre monde industrialisé - , d'établir des normes qui pourraient avoir un impact sur les 800 millions de véhicules automobiles qui sont fabriqués dans le monde.

Il faut poursuivre les efforts en ce sens, et c'est ce que nous faisons. Les négociations sur les changements climatiques portent notamment sur des accords d'évaluation qui pourraient être signés en vue d'assurer la coopération internationale. Nous examinons, entre autres, les normes de consommation de carburant et les changements qui pourraient être apportés dans le secteur de l'électricité. Nous examinons également la possibilité d'établir des normes dans le cadre des accords qui pourraient être négociés.

M. Jardine: Le Conseil de l'Arctique a un rôle unique à jouer à cet égard, car il représente non pas seulement le Nord, mais aussi le Sud. Il ne faut pas oublier que les huit pays qui en font partie, que ce soient la Russie, les États-Unis, le Canada ou les divers pays de l'Union européenne, comptent parmi les principaux responsables des émissions de gaz à effet de serre. Ce sont ces pays qui émettent des polluants organiques rémanents, etc.

Si Greenpeace est très intéressée par le Conseil de l'Arctique, c'est donc parce qu'il s'agit d'une organisation qui non seulement représente les intérêts d'une région durement touchée par la destruction de l'environnement mondial, mais qui est composée des pays qui sont eux-mêmes les principaux responsables du problème.

Le vice-président (M. English): Monsieur Speller.

M. Speller (Haldimand - Norfolk): Merci, monsieur le président. Je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps. J'ai une courte question à poser et je voudrais aussi faire une observation.

.1645

Je veux simplement dire à quel point j'ai apprécié les exposés des trois témoins, surtout celui de Mme Comeau, qui a insisté sur le rôle que le Conseil de l'Arctique pourrait jouer à l'échelle internationale pour faire connaître certains de ces problèmes.

On pourrait toutefois soutenir que, si le Conseil devient effectivement une force politique, les pays qui le composent pourraient avoir tendance à se retirer de certains domaines. Certains des plus grands et des plus puissants pays du monde, comme le Canada, les États-Unis et la Russie, pourraient décider de laisser les questions de ce genre au Conseil de l'Arctique et de se retirer de certains de ces dossiers. C'est une préoccupation qu'il faudrait avoir à l'esprit.

Il me semble que ce dont s'occupait Greenpeace Canada ne rejoint pas vraiment les problèmes relatifs à l'environnement dont on nous a parlé dans le Nord. Les populations du Nord pourraient même s'imaginer que vous vous servez du Nord comme prétexte pour mettre de l'avant certains de vos dossiers et de vos objectifs.

Je me demande s'il existe une certaine coordination et coopération entre vous et les populations du Nord. Je sais que, quand nous nous sommes rendus dans la partie est de l'Arctique, nous avons beaucoup entendu parler de Greenpeace Canada en particulier. Les propos n'étaient pas favorables. Je dirais même que si nous avions été accompagnés de quelqu'un de Greenpeace Canada, je suis sûr qu'on nous aurait montré la porte.

Kevin, je me demande quelles sont les activités de coordination et de coopération que vous avez avec les populations du Nord, car elles ne semblent pas être préoccupées par les mêmes problèmes que vous.

M. Jardine: Tout d'abord, j'ai passé pas mal de temps ces derniers mois à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest, ainsi que dans la partie ouest de la Vallée du Mackenzie. J'ai pu constater que les gens sont très préoccupés par les changements climatiques. Bien souvent, ils n'en parlent pas en ces termes. Ils parlent plutôt de sécheresse, de baisse des niveaux d'eau. Ils parlent de feux de forêt. Ils parlent d'une multitude de changements qui ne sont pas nécessairement liés à l'impact global qui retient notre attention. Ils n'en sont pas moins très préoccupés par le problème.

Les gens de Fort Norman et de Norman Wells qui ont été évacués l'été dernier sont très préoccupés par l'impact des changements climatiques, même s'ils n'en parlent peut-être pas en ces termes.

Par ailleurs, je crois que vous avez raison de dire que Greenpeace est considérée comme le démon dans l'Arctique de l'Est. C'est en partie à cause d'erreurs que Greenpeace a peut-être commises par le passé. Le plus souvent, cependant, c'est qu'on blâme Greenpeace pour ce que font les organismes de défense des droits des animaux en Europe.

Greenpeace est pour la chasse et le piégeage autochtones. Greenpeace est pour la chasse à la baleine et aux phoques par les Autochtones. Nous ne nous y opposons pas. Nous ne nous y sommes jamais opposés. Il n'en reste pas moins que, parce que nous sommes l'organisme environnemental le mieux connu du Canada et parce que nous sommes au nombre des organismes environnementaux les mieux connus du monde, les mesures et les préoccupations environnementales d'une foule de groupes nous sont souvent attribuées.

Je voulais simplement rétablir les faits à ce sujet. Je crois d'ailleurs qu'il faut corriger cette fausse impression chaque fois que l'occasion s'en présente. Nous ne nous opposons pas à l'utilisation durable des ressources dans l'Arctique. Un de nos employés a déjà dit: on ne peut pas cultiver de pommes de terre dans le Nord. Impossible de cultiver quoi que ce soit dans le Nord; impossible d'avoir un potager. Il faut donc s'en remettre à la nature pour assurer cette subsistance. Bien souvent, il faut compter sur les phoques et les autres animaux qu'on trouve dans le Nord pour assurer cette subsistance.

Mme Climenhaga: Si vous me permettez d'ajouter à ce que dit mon collègue, je suis entièrement d'accord avec lui. Parmi les gens que je rencontre, beaucoup ont une attitude très négative à l'endroit des groupes environnementaux, parce qu'ils les associent aux problèmes liés à la défense des droits des animaux et à la lutte contre la chasse aux phoques.

Les contaminants sont une préoccupation importante. J'imagine que vous l'avez entendu dire bien souvent. Certaines des questions auxquelles nous nous intéressons sur le plan plutôt des grandes orientations touchent en fait au problème des contaminants dans l'Arctique. Certaines des mesures pour lesquelles milite le Fonds mondial pour la nature en ce qui concerne la prévention de la pollution marine et la surveillance et l'évaluation de l'environnement arctique rejoignent les préoccupations relatives aux contaminants.

Enfin, je tiens à ajouter quelque chose qui répond en quelque sorte à l'autre question au sujet d'un droit de veto pour les Autochtones. À l'heure actuelle, le Conseil de l'Arctique ne comprend que trois groupes autochtones. Il s'agit, je crois, de la Conférence circumpolaire Inuit, du Conseil Saami et de l'Association des peuples indigènes de l'Extrême-Orient de la Fédération russe. Le Fonds mondial pour la nature s'emploie notamment à obtenir la pleine participation des autres groupes autochtones qui ne sont pas encore représentés au Conseil. Ce sera là un pas important, à mon avis, pour entendre les préoccupations de ceux qui vivent dans ces régions et régler les problèmes qui s'y posent.

.1650

Mme Comeau: Je veux simplement dire rapidement quelque chose en réponse à la question que vous avez posée au sujet de la possibilité que nous nous servions du Nord pour poursuivre nos propres objectifs.

Oui, les problèmes avec lesquels ils sont aux prises concernent d'abord et avant tout les polluants organiques rémanents, les contaminants attribuables à l'exploitation minière, les contaminants radioactifs, etc. - c'est sûr. Nous nous sommes toutefois rendus dans le Nord et les gens avec qui je travaille, les Métis, les Dénés, les Gwitchin, l'Inuit Tapirisat, la Conférence circumpolaire Inuit et la Commission polaire savent tous que les changements climatiques sont au nombre de leurs préoccupations. Ils n'ont toutefois pas les compétences nécessaires. Je dirais même que quand je leur ai parlé de la possibilité d'une visite dans le Nord, ils étaient très heureux que quelqu'un veuille venir leur parler.

Mon rôle consiste, non pas à leur dire quelles doivent être leurs préoccupations, mais à leur fournir de l'information. L'objectif visé est qu'ils s'attaquent aux problèmes et qu'ils défendent leurs intérêts. J'essaie simplement de leur fournir l'information que j'ai. C'est à eux de décider s'ils veulent s'attaquer aux problèmes. J'espère qu'ils le feront, mais ils doivent s'y intéresser de leur propre initiative avant de pouvoir commencer à intervenir sur le plan politique.

Le vice-président (M. English): Merci beaucoup.

Monsieur Bergeron.

[Français]

M. Bergeron (Verchères): J'allais intervenir dans le même sens que M. Speller. CommeM. Paré, j'admire grandement votre enthousiasme et votre détermination à défendre les causes environnementales dans le Grand Nord, et votre détermination à combattre toute forme de pollution et à prévenir les changements climatiques.

Vous avez parlé également de préserver les ressources pour les populations autochtones. Mais les réactions dans le Nord ont été plutôt négatives à l'égard de l'intervention des différents groupes environnementaux et des conséquences que cela a eu pour les modes de vie traditionnels comme la chasse et la trappe, particulièrement la chasse aux phoques. Les Inuit qu'on a rencontrés étaient très méfiants et même, jusqu'à un certain point, arrogants à l'égard des groupes environnementaux.

Donc, j'abonde dans le même sens que M. Speller. Il y a peut-être des ponts à rétablir entre les groupes environnementaux et les populations autochtones, qui ont souvent l'impression d'être utilisées par les groupes environnementaux pour le bénéfice de ces groupes et non pas pour le bénéfice des populations inuit.

Cela dit, puisque la question a déjà été posée par M. Speller, je vais passer à autre chose.

On est tout à fait conscients qu'il n'y a pas, à proprement parler, de pollution inhérente dans le Nord. Cette pollution-là est conséquente à l'intervention du Sud, que ce soit par le transport dans le Nord du mode de vie du Sud ou par le transport dans l'air d'un certain nombre de polluants produits dans les pays du Sud.

Ces polluants-là proviennent de sources d'énergie traditionnelles: le charbon, l'énergie nucléaire, la fission nucléaire.

Il faut penser à développer de nouvelles sources d'énergie pour éviter que les habitats très fragiles du Nord soient affectés par les développements énergétiques du Sud.

J'ai parlé du charbon, du pétrole et de la fission nucléaire. On a, au Canada et un peu partout dans le monde, des formes d'énergie en développement. On parle de fusion nucléaire.

Il y a un projet de recherche au Canada, le projet du tokamak de Varennes, et le gouvernement fédéral se propose de couper sa contribution à ce développement énergétique.

Dans cette perspective, comment envisagez-vous le développement de nouvelles sources d'énergie pour prévenir le transport de polluants atmosphériques qui entraînent des changements climatiques?

[Traduction]

Le vice-président (M. English): Qui veut commencer?

M. Jardine: Il y a un mois et demi ou deux mois environ, j'ai participé à un atelier très important à Yellowknife. Tous les grands acteurs du secteur énergétique des Territoires du Nord-Ouest y étaient réunis: le président du service public d'électricité, le président de la régie des services publics, des représentants du ministère de l'Énergie et des représentants du secteur des énergies renouvelables.

.1655

J'ai trouvé des plus encourageant de constater tout l'intérêt qu'on portait à l'exploitation de sources d'énergie renouvelable, en raison des économies qu'elle permettrait de réaliser et aussi du fait qu'elle permettrait de réduire la dégradation environnementale. Déjà, un certain nombre d'éoliennes ont été installées à Cambridge Bay. Les vents peuvent être très puissants dans l'Arctique de l'Est, d'où le potentiel énorme de cette source d'énergie.

Le Conseil de l'Arctique pourrait jouer un rôle très important dans la mise sur pied de l'infrastructure nécessaire à l'aménagement d'installations productrices d'énergie renouvelable dans tout l'Arctique, parce qu'il serait rentable de le faire et qu'on pourrait ainsi accroître la demande de sources d'énergie renouvelable dans le monde et en abaisser le prix partout.

Ainsi, le Canada comprend à lui seul quelque 300 localités qui ne sont pas branchées sur le réseau électrique, la plupart étant dans la région subarctique et dans l'Arctique et leur population totale atteignant 200 000 personnes. Bien que l'hydroélectricité y soit présente en petite quantité, on utilise surtout du combustible diesel, qui est très polluant et qui est à l'origine d'une part importante des gaz à effet de serre. L'énergie éolienne, et dans bien des cas l'énergie solaire, serait une solution rentable pour ces localités. Il faudrait s'engager dans cette voie dès maintenant.

M. Dupuy (Laval-Ouest): Vous avez parlé avec beaucoup d'autorité et avec force document à l'appui de questions comme le réchauffement de la planète, les déchets toxiques et la détérioration de l'environnement arctique, et l'un de vous a conclu que si rien n'est fait, dans deux, trois ou quatre ans, il sera trop tard.

Il est intéressant de noter que certaines des personnes que nous avons rencontrées dans le Nord, tant chez les Inuit que chez les chercheurs, nous disent - si je commence par les chercheurs que nous avons rencontrés au projet relatif au plateau continental polaire - que nous savons très peu de choses. Ces chercheurs travaillent là, de façon intermittente, depuis 30 ans, avec tout ce que la science a de mieux à offrir. Ils ont avoué en toute franchise leur manque de connaissances. Même dans vos propres documents, il y a un trou énorme. Il y a beaucoup de choses que nous ne savons pas. Comment pouvons-nous être si sûrs que, dans deux ou trois ans, la situation sera catastrophique? C'est ce que disent les scientifiques.

Par ailleurs, quand on s'entretient avec les Inuit - et je rejoins là ce que disait M. Speller - , de quoi parlent-ils? Ils parlent de logement, du coût élevé du logement dans l'Arctique, des impôts, de la décentralisation - et je songe en particulier aux Nunavut - et du fait que le pouvoir est concentré à Iqaluit, alors qu'ils se trouvent éparpillés sur d'immenses surfaces.

Bien sûr, ils parlent indirectement de l'environnement quand ils font état des inquiétudes qu'ils ont au sujet de leur santé après vous avoir entendus. Puis, ils disent: «Le plus troublant dans tout cela, c'est que nous ne savons vraiment pas ce qu'il en est. Nous ne savons pas si tel aliment est bon ou nocif. Nous ignorons si tel scientifique a raison ou s'il se trompe.» Il est d'ailleurs évident qu'il y a beaucoup de... le terme «méfiance» est peut-être trop fort, mais de doute, d'interrogation au sujet des groupes environnementaux. Les gens disent: «Nous n'avons vraiment confiance qu'en notre expérience, en celle de nos anciens, en notre savoir traditionnel. De cela, nous sommes sûrs.»

Qu'en pensez-vous? Comment pouvez-vous être si sûrs de ce que vous avancez et comment pouvez-vous lancer un cri d'alarme aussi pressant en ce qui concerne les besoins de ces gens et les échéances qui nous guettent?

Mme Climenhaga: Je vais parler la première, car c'est moi qui ai dit que les dix prochaines années seraient cruciales pour déterminer l'avenir de l'Arctique.

.1700

Si nous parlons d'échéance assez courte, c'est que l'Arctique suscite actuellement beaucoup d'intérêt sur le plan du développement, étant donné les différents projets pétroliers et gaziers qui doivent y être mis sur pied. L'avenir de l'Arctique sera déterminé par la façon dont nous traiterons ces projets de développement économique.

Alors, je ne dis pas que, d'ici deux ans, le réchauffement de la planète aura fait fondre toutes les glaces de mer. Je ne veux quand même pas tomber dans l'eschatologie. Nous estimons toutefois que la façon dont nous traiterons les projets de développement détermineront l'avenir de l'Arctique et l'état dans lequel la région survivra.

M. Dupuy: Si vous le permettez, je voudrais soulever un point d'interrogation à ce sujet. Je ne prétends pas en savoir beaucoup au sujet de l'Arctique, mais je connais assez bien le sujet du pétrole. Je serais extrêmement surpris, à moins d'une nouvelle hausse catastrophique du prix du pétrole, que d'ici une dizaine d'années la demande de pétrole dépasse à tel point l'offre que ces gisements, qui existent et qui font l'objet de travaux d'exploration, soient exploités. La raison en est simplement le coût élevé du transport et l'état de développement des technologies nécessaires pour extraire le pétrole de l'Arctique.

Je comprends donc votre préoccupation et je l'accueille favorablement - il faut être préoccupé dans le contexte actuel - , mais je doute que l'industrie pétrolière constitue la principale menace ou inquiétude, puisque la pollution du Sud monte vers le Nord.

M. Jardine: J'ai passé deux ans à Calgary à m'occuper de questions relatives à l'industrie pétrolière et je suis avec beaucoup d'intérêt le développement qui se fait le long de la vallée du Mackenzie. Les localités de Fort Liard et de Fort McPherson sont le site de forages d'exploration, et je sais que les Gwitchin sont particulièrement préoccupés par les travaux qui se font autour deFort McPherson, parce qu'ils sont très conscients de l'impact de l'industrie pétrolière sur le versant nord en Alaska. D'après les projections de l'Office national de l'énergie, le prix du gaz naturel doublera d'ici dix ans, car les réserves canadiennes de gaz naturel sont en fait très restreintes - elles sont même beaucoup plus restreintes que bien des gens se l'imaginent. L'industrie pétrolière a donc beaucoup de bonnes raisons de s'implanter dans l'Arctique.

Il n'a pas encore été démontré que les projections de l'Office national de l'énergie sont exactes. Il se pourrait qu'on trouve de nouvelles réserves de gaz naturel dans le bassin sédimentaire de l'Ouest du Canada. Il se pourrait aussi, cependant, que les projections soient exactes, que nous soyons en train d'épuiser nos ressources pétrolières et gazières dans le Sud et que nous devrions nous tourner vers l'Arctique si nous continuons à consommer des combustibles fossiles au même rythme qu'à l'heure actuelle.

Je voudrais réagir à l'autre point que vous avez soulevé, au sujet de la méfiance des Autochtones à l'égard de la science occidentale. Je crois que cette méfiance est parfaitement naturelle et compréhensible et que c'est une bonne chose. Par ailleurs, le savoir traditionnel est extrêmement important, non seulement pour ceux qui vivent là-bas, mais pour les peuples du monde entier. Le Conseil de l'Arctique pourrait notamment s'employer à recueillir ce savoir traditionnel.

Ces derniers mois, j'ai parcouru quantités de témoignages de la part de bien des intervenants, et plus particulièrement des Gwitchin, qui observent l'impact des changements climatiques sur leurs collectivités, l'incidence de la sécheresse, des feux de forêt, etc. et qui parlent de façon inquiétante des conséquences qui en découlent pour eux. Je vous ai montré aujourd'hui divers tableaux scientifiques qui prédisent un avenir très lugubre, mais il est tout aussi important, sinon plus important, de recueillir le savoir traditionnel, d'obtenir le témoignage de ceux qui subissent les conséquences des changements climatiques et qui comprennent beaucoup mieux que les scientifiques quel sera l'impact pour les populations du Nord des changements climatiques que prévoient les climatologues. C'est là un rôle que le Conseil de l'Arctique pourrait jouer et qu'il devrait jouer.

Mme Comeau: Puis-je revenir à ce que vous disiez au sujet de l'incertitude? J'ai ici un document d'information que j'ai préparé au sujet de l'étude d'impact sur le bassin du Mackenzie. Je me suis fondée pour cela sur l'atelier auquel Kevin et moi avons assisté à Yellowknife. L'étude en question est une des premières du genre à inclure le savoir traditionnel. Pendant les trois jours qu'a duré l'atelier, il y a eu une demi-douzaine de tables rondes, auxquelles participaient des représentants des Gwitchin, des Dénés, des Métis, des Inuit et des Inuvialuit. Ils ont expliqué en leurs mots ce qu'ils voyaient. Voilà ce que j'ai inclus dans les documents d'information.

.1705

Pour ce qui est des groupes environnementaux et de notre travail dans le Nord, c'est là notre mandat, et nous nous en acquittons. Vous pourrez le constater dans le document d'information. Chacune des personnes qui figurent sur la liste des personnes contacts a accepté de jouer ce rôle et de parler du problème dans l'optique de la collectivité qu'elle représente.

Pour ce qui est du travail que je fais moi-même dans le Nord, de la visite que je prévois y faire à l'automne, les Dénés m'aident à organiser ces visites. Rosemarie Kuptana travaille avec moi à l'organisation de la visite.

Voilà donc en quoi consiste notre travail, et nous continuons à le faire. Je crois toutefois qu'il faut bien comprendre que nous apportons ce que nous avons, et nous avons beaucoup d'informations scientifiques. Il appartient ensuite aux collectivités de prendre les décisions qui s'imposent.

La question de la certitude ou de l'incertitude est bien évidemment une question importante. Non, nous ne pouvons pas prédire l'avenir. Nous ne savons pas de façon certaine ce qui va se produire. Nous avons toutefois de bonnes raisons de croire que, compte tenu de certains phénomènes qui se produisent dans l'atmosphère, la situation deviendra grave, comme le disent les climatologues. Les chercheurs n'hésitent d'ailleurs pas à le dire dans la dernière évaluation scientifique qui a été faite. Chacune des trois évaluations qui ont été faites jusqu'à maintenant a fait monter d'un cran l'inquiétude des scientifiques au sujet des problèmes qui se posent.

Ainsi, quand nous nous sommes rendus dans le Nord et que nous nous sommes entretenus avec les collectivités autochtones, on nous a dit: «Nous savons qu'il se passe quelque chose, mais nous ne savons pas quoi.» Elles étaient très contentes de recevoir l'information que nous leur avons apportée.

Alors, oui, il existe certainement des problèmes avec les Inuit. Je ne pense pas que ce soit le cas de tous les groupes environnementaux. Pour notre part, nous n'en sommes que plus conscients de notre obligation d'être prudents, d'être respectueux, d'être informés et de jouer le rôle de personnes-ressources au lieu d'aller leur dire quels sont leurs problèmes. Je crois que nous en sommes très conscients et que nous tentons d'être très circonspects.

Le vice-président (M. English): Monsieur Sauvageau.

[Français]

M. Sauvageau (Terrebonne): J'ai deux questions. La première s'adresse aux trois excellents témoins qui sont venus nous présenter leurs points de vue aujourd'hui. Elle a trait à l'élément clé de vos présentations: la pollution.

Vous semblez tous trois mettre beaucoup d'espoir dans le Conseil de l'Arctique, et j'ose espérer que tout le monde ici partage cet espoir. Cependant, depuis le début, on entend dire que les décisions vont se prendre de façon consensuelle, que les sujets à discuter et les priorités seront adoptés de façon consensuelle et que parmi les pays membres du Conseil de l'Arctique, on va retrouver les États-Unis, le Canada et la Russie.

Pensez-vous que, de façon consensuelle, les Américains ont avantage à faire la promotion de la protection environnementale parce qu'ils craignent, comme les Russes, une dépollution et une démilitarisation de l'Arctique, etc.? Le processus de fonctionnement du Conseil de l'Arctique peut-il en lui-même miner le mandat du Conseil?

Ma deuxième question s'adresse plus particulièrement aux représentants de Greenpeace qui, si j'ai bien compris l'interprétation, auraient avoué une certaine erreur dans leur lobby antifourrure, surtout en Europe. On a lu un rapport du gouvernement qui datait de 1986 et qui disait qu'à la suite d'une consultation dans le Nord, les représentants du gouvernement s'étaient fait dire: «On aimerait que le gouvernement fédéral fasse une certaine promotion dans le but de lever le boycott de la fourrure en Europe». Le gouvernement a répondu: «Étant donné l'expertise des peuples autochtones, on va leur laisser cela». Je me rappelle avoir vu deux publicités assez «punchées» de Greenpeace. Connaissant le lobby que possède Greenpeace un peu partout dans le monde et surtout en Europe, la campagne a fait fureur.

Si on arrivait consensuellement à une décision, comme Nellie Cournoyea nous l'a demandé lors de notre visite à Yellowknife, un des buts du Conseil de l'Arctique serait de tenter d'éliminer le boycott des produits de la fourrure en Europe.

Étant donné que vous avez dit que vous aviez peut-être fait une erreur dans le passé, peut-on compter sur l'appui de Greenpeace pour aider les autochtones à faire lever le boycott en Europe? Ai-je bien compris que votre intervention allait dans ce sens-là?

[Traduction]

M. Jardine: Mon domaine d'activité, c'est le climat, alors je devrais bien mesurer ce que je vais dire. Nous avons des gens qui s'occupent de biodiversité et nous en avons aussi qui s'occupent des mammifères marins.

Je dirai qu'au début des années 1980, Greenpeace Royaume-Uni a brièvement lancé une campagne anti-fourrure. Cette campagne a soulevé un tollé parmi les organismes Greenpeace du monde entier. Notre organisation est gouvernée par un conseil interne appelé Stichting Greenpeace Council. Le conseil a décidé que Greenpeace ne s'occuperait pas de la fourrure, que nous n'étions pas une organisation de défense des droits des animaux et que nous ne nous opposions pas à l'industrie de la fourrure. On a donc mis fin à la campagne de Greenpeace Royaume-Uni et un certain nombre de personnes qui y avaient participé ont quitté l'organisation.

.1710

Depuis, je crois que c'était en 1984, Greenpeace n'a participé à aucune campagne anti-fourrure. Nous avons toutefois fait campagne contre la chasse aux phoques à cause des Norvégiens qui la pratiquaient à grande échelle et de manière industrielle et qui venaient embaucher des Terre-Neuviens pour recueillir les peaux de phoques au large de Terre-Neuve. Nous avons fait campagne contre cette activité pour de bonnes raisons. Nous n'avons pas, à ma connaissance, fait campagne contre la chasse aux phoques dans quelque autre endroit que ce soit, et certainement pas au Canada. Il y a une dizaine d'années que nous n'avons pas fait campagne contre la chasse aux phoques à Terre-Neuve.

Le gouvernement canadien, ou peut-être le Conseil de l'Arctique, pourrait essayer de faire connaître la vérité. Le Fonds mondial pour la nature et Greenpeace sont allés en ondes à de nombreuses reprises depuis un an environ pour parler de la chasse aux phoques au Canada. Je me souviens que Steve Shallhorn, notre directeur de campagne au Canada, et un représentant du Fonds mondial pour la nature ont participé à une émission du réseau anglais de la SRC et que tous deux ont dit en termes bien sentis que nous ne faisions pas campagne contre la chasse aux phoques au Canada - nous ne faisons d'ailleurs plus campagne contre la chasse aux phoques nulle part ailleurs non plus, à ma connaissance.

J'espère avoir bien rétabli les faits. Nous sommes certainement prêts à discuter de cette question de façon plus approfondie avec le Conseil de l'Arctique ou d'autres organismes.

Mme Comeau: Je suis prudente, car le Conseil qui est en voie d'être mis sur pied sera bien sûr guidé par le principe de la coopération. Je suis aussi membre du Comité consultatif public mixte de la Commission de la coopération environnementale qui a été créée aux termes de l'accord corollaire sur l'environnement de l'ALÉNA. Cette commission doit, elle aussi, travailler principalement de façon consensuelle. Cela n'est pas pour faciliter son travail, mais la commission a quand même une position de repli qui permet de faire avancer un dossier avec l'appui de deux des trois ministres. L'objectif principal est toutefois de travailler de façon consensuelle.

Je crois que sous de nombreux rapports nous n'avons pas le choix. Je ne suis absolument pas qualifiée pour parler des questions de démilitarisation ou de leurs applications éventuelles, je m'abstiendrai donc. Mais il y a, si vous voulez, des intérêts publics et privés qui sont en jeu. Il est important que les gouvernements travaillent par consensus et trouvent des terrains d'entente. À mon avis, cependant, ce n'est pas une excuse pour opter pour le plus petit commun dénominateur ou pour l'inaction.

La participation du public et le caractère public de ces discussions sont d'une importance critique car si le conseil fonctionne en autarcie, sans consultation, sans participation externe et sans être soumis à des pressions, il ne sera pas incité à parvenir à un consensus. Il faut donc que tous les intéressés, aussi bien publics que privés, soient présents à la table si on veut obtenir des résultats. La technique du consensus ne permet pas d'elle même d'obtenir tous les résultats recherchés mais elle oblige à penser en termes de participation, de consultation, etc.

La Commission pour la coopération environnementale... En tant que membre du CCPM, nous avons fait tout notre possible pour que le public soit au courant de ce que fait la Commission, du genre d'information ou de programmes sur lesquels nous travaillons, et qu'il nous dise en retour ce qu'il en pense. À mon avis, c'est ce genre de dialogue et de transparence qui est d'une importance critique.

Donc, oui, bien entendu, cette découpe du consensus est porteuse de problème mais à mon avis nous pouvons l'éviter.

[Français]

M. Sauvageau: Pour le Canada, ce pourrait être le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien ou le ministre des Affaires étrangères. En tout cas, on peut trouver un intervenant, mais quand on parle de la voix autochtone, je suis porté à demander à qui on fait allusion. Comment va-t-on trouver une représentation autochtone adéquate?

.1715

[Traduction]

Mme Climenhaga: Actuellement, comme je l'ai dit tout à l'heure, il y a la Conférence circumpolaire Inuit, le Conseil Saami et l'Association des minorités indigènes du Nord, de la Sibérie et de l'Extrême-Orient de la Fédération russe. Ce sont les trois groupes représentés à l'heure actuelle au conseil.

Un certain nombre d'autres groupes n'y sont pas encore représentés. Deux exemples en sont les Athabaskans et les Aleuts de l'Alaska. Certains groupes indigènes devraient être représentés. Il faudrait s'inquiéter un peu plus de la manière dont leur participation sera assurée s'ils ne sont pas des participants permanents. Trop eu d'efforts ont été faits sur ce plan, à notre avis.

Mme Comeau: La consultation est tellement importante qu'elle devrait être dictée par les consultés, si vous voulez. Ce n'est pas moi qui devrais déterminer la procédure de consultation. Elle devrait être déterminée par les groupes du Nord qui devraient dire au conseil comment ils veulent participer. Le conseil a la responsabilité de contacter les communautés pour s'assurer que ceux qui y vivent dans ces communautés sont pour le moins mis au courant des possibilités. Il y a un rôle d'intermédiaire à remplir.

Il faut qu'au départ ce soit le conseil qui fasse les travaux d'approche, mais ce devrait être ensuite aux communautés contactées de dire comment elles veulent participer. Si on leur impose quoi que ce soit, elles ne participeront pas.

Le vice-président (M. English): Laissez-moi vous poser une dernière question. Nous entendons souvent parler de «sécurité environnementale». Je me demandais si vous utilisiez aussi cette expression et quelle signification vous lui donnez. Ou vous en servez-vous simplement parce qu'elle est très générale et manque de spécificité?

M. Jardine: Greenpeace utilise certainement l'expression «sécurité environnementale». Il nous faut comprendre que les problèmes d'environnement sont une menace pour la sécurité de la planète de la même manière que la course aux armements nucléaires en a été une, par exemple, et qu'en fait elle continue à l'être.

La dégradation de l'environnement n'est pas seulement une menace pour la santé humaine et pour la structure des collectivités, c'est une menace pour la survie de nombreux peuples sur la terre. La dégradation de l'environnement et les changements climatiques ont de graves conséquences pour le Nord.

C'est aussi une menace pour la sécurité au sens plus traditionnel. La montée du niveau de la mer est susceptible de transformer des millions d'êtres humains en réfugiés environnementaux. Les épidémies, les maladies peuvent aussi contribuer à des désordres dans la société. Nous pouvons nous attendre à des conséquences économiques, des conséquences sociales, des conséquences démographiques, etc.

Toutes les conséquences que la guerre, que les guerres traditionnelles imposent aux populations peuvent également résulter d'une dégradation de l'environnement. Qu'il s'agisse de guerre ou d'environnement, la menace sur la sécurité est en réalité la même.

Mme Climenhaga: Nous sommes tout à fait d'accord, mais nous n'aimons pas trop que le conseil parle de «sécurité de l'environnement» plutôt que de «protection de l'environnement». Il est nécessaire de définir ce qu'on entend par «sécurité de l'environnement» plutôt que de simplement réclamer une sécurité de l'environnement pour l'Arctique.

Le vice-président (M. English): Monsieur Speller, pour une dernière toute petite question.

M. Speller: Ma question s'adresse à Sarah, la représentante du Fonds mondial pour la nature.

Je suis en train de lire votre communiqué de presse intitulé «Des lignes directrices régiront le tourisme dans l'Arctique». Vous y dites vouloir entre autres «une classification des communautés locales de l'Arctique, qui leur permettra de se faire valoir comme destination touristique écologiquement responsable». Comment se fera cette classification? Quand on considère les problèmes environnementaux, beaucoup d'entre eux échappent à leur contrôle, et surtout au contrôle de ces communautés qui se trouvent près d'une mine ou d'un site de décharge de matériel militaire, ou que sais-je encore. Comment ferez-vous cette classification?

Mme Climenhaga: Je n'ai pas la charge de ce dossier et je ne peux vous répondre que d'une manière très générale.

Pour l'essentiel, il s'agira d'un système d'accréditation avec des critères que les communautés devront satisfaire pour obtenir le label d'écologiquement responsable. Ces critères ne seront pas fonction de ce qui les entoure. Ils ne tiendront pas compte du fait que l'eau autour de la communauté est contaminée ou qu'une mine est dans les environs ou de ce genre de problèmes extérieurs qui échappent au contrôle de la communauté. Ils tiendront plutôt compte des efforts touristiques de la communauté.

Par exemple, si la communauté organise des sorties pour observer les baleines, dans quelles conditions se font ces sorties? Est-ce que les membres de la communauté gênent les baleines avec leurs bateaux ou est-ce qu'ils restent à une certaine distance pour ne pas les gêner? S'assurent-ils que les touristes eux-mêmes n'ont pas d'effet négatif sur l'environnement? Il sera donc tenu compte de ce que font les communautés elles-mêmes et non pas des conséquences d'un problème sur lequel elles n'exercent aucun contrôle.

.1720

M. Speller: Je me demande un peu si un groupe extérieur peut vraiment...

Mme Climenhaga: C'est la raison pour laquelle ces directives ne sont pas rédigées par le Fonds mondial de la nature. On sollicite la participation de ces communautés. Je suis donc tout à fait d'accord avec vous, il faut absolument que...

M. Speller: Merci.

Mme Climenhaga: D'accord.

Le vice-président (M. English): Merci.

[Français]

M. Sauvageau: Des autochtones sont-ils représentés lorsque vos différentes associations procèdent à des études environnementales dans le Nord, oui ou non?

[Traduction]

Mme Climenhaga: Quelques membres du Conseil de l'administration du Fonds mondial de la nature sont autochtones. Il n'y en a pas parmi le personnel, mais nous avons de fréquentes consultations et nous essayons de multiplier les contacts grâce à des conférences, des visites, etc., dans le Nord.

M. Speller: Avez-vous des Inuit?

Mme Climenhaga: Y a-t-il des Inuit à notre Conseil?

M. Speller: Oui.

Mme Climenhaga: Oui. Je ne peux pas vous donner son nom maintenant. Nous avons invité d'autres personnes comme Rosemarie Kuptana.

M. Speller: Il s'y trouve beaucoup de différents Autochtones.

Mme Climenhaga: Oui.

M. Jardine: Nous n'avons pas de dossier ethnique sur nos adhérents. Nous en avons à peu près 200 000 au Canada, mais il ne nous est pas possible de savoir lesquels sont Inuit, Dénés ou autre chose. Nous pouvons vous dire par contre combien d'adhérents nous avons dans telle ou telle région du pays. Nous comptons un certain nombre de membres dans les Territoires du Nord-Ouest. Sont-ils tous autochtones, je n'en sais rien.

Mme Comeau: C'est la même chose pour le Sierra Club. Kevin et moi-même faisons partie d'un réseau intitulé Réseau d'action climatique, qui est représenté par des groupes un peu partout dans le pays, y compris des groupes dans le Nord et les Inuit Tapirisat.

M. Sauvageau: Merci.

Le vice-président (M. English): Je tiens à remercier nos témoins d'aujourd'hui. Leur déposition est très utile pour notre travail. Nous aurons probablement d'autres questions à vous poser que nous vous ferons parvenir. Nous vous remercions d'avoir apporté tous ces documents supplémentaires que nous consulterons également. Au nom du comité, permettez-moi de vous remercier de nous avoir rendu visite. Merci beaucoup.

La séance est levée.

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