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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 28 novembre 1996

.0915

[Français]

Le président: Conformément aux articles 108 et 110 du Règlement, nous recevons aujourd'hui M. Juneau, qui est notre ambassadeur auprès de l'Union européenne.

Je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie d'être venu au comité ce matin. Les membres du comité sont très intéressés par nos relations avec l'Union européenne. Je vais vous demander de bien vouloir nous donner un bref aperçu de votre travail, que vous avez commencé il y a trois mois, je crois. Ensuite, les membres pourront vous poser quelques questions.

M. Jean-Pierre Juneau (chef de mission, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Canada auprès des Communautés européennes): Si vous me le permettez, monsieur le président, je vais faire une présentation liminaire, qui a été préparée, et ensuite je serai heureux de répondre à vos questions.

Monsieur le président, distingués membres du comité, je suis naturellement heureux d'être ici aujourd'hui à votre invitation et de pouvoir répondre à vos questions. Mais avant, permettez-moi quelques remarques liminaires sur les relations que le Canada entretient avec l'Union européenne.

Depuis 40 ans, l'Union européenne progresse. Le processus ralentit parfois, mais n'a jamais reculé. Dans peu de temps, l'Union européenne comptera plus de 20 membres, son produit intérieur brut dépassera largement celui des États-Unis, et elle sera, de loin, le plus important importateur et exportateur de produits, capitaux et services au monde.

En plus de l'intégration et de l'élargissement, l'Union européenne travaille aussi à la définition d'une politique étrangère et de sécurité commune. C'est un projet ambitieux qui va ajouter encore au rayonnement de son influence à travers le monde.

[Traduction]

L'Union européenne revêt une importance économique et commerciale capitale pour le Canada. Après les États-Unis, elle est notre plus important partenaire économique et commercial. En 1995, le volume de nos échanges commerciaux - exportations et importations - s'est chiffré à 39 milliards de dollars. L'Europe est aussi notre deuxième source d'investissements directs étrangers. En 1995, ces investissements se sont établis à environ 36 milliards de dollars. La hausse annuelle moyenne au cours des dix dernières années a été de 13 p. 100.

Le marché européen prend encore de l'expansion. Il représente un débouché extraordinaire pour les exportateurs canadiens. Les exportations canadiennes vers l'Europe et les investissements européens au Canada sont une grande source d'emplois pour les Canadiens.

L'union monétaire européenne aura des répercussions économiques importantes pour le Canada. Il est encore difficile d'en définir la nature, mais nous ne pouvons pas simplement choisir de les ignorer.

Nous partageons avec l'Union européenne des valeurs et des langues communes. Ensemble le Canada et l'Union européenne peuvent beaucoup promouvoir la démocratie, les droits de la personne et la stabilité dans le monde. Afin d'atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés pour réformer les grandes institutions internationales chargées de nous mener vers un nouvel ordre mondial, le Canada et l'Union européenne doivent travailler ensemble. Le Canada a indiqué que la réforme des grandes institutions internationales lui tient à coeur. Si nous voulons que ces institutions fonctionnent bien et s'acquittent de leur responsabilité de nous mener vers ce nouvel ordre mondial, nous devons collaborer avec l'Union européenne pour atteindre ces objectifs. Nous avons uni nos efforts pour atteindre les mêmes objectifs dans l'ex-Yougoslavie, en Europe centrale et en Europe de l'Est, et maintenant au Zaïre. Nous sommes du même avis en ce qui concerne la loi Helms-Burton.

[Français]

Nous serons marginalisés par l'Union européenne et les décisions qu'elle prendra à moins d'être actifs et présents à Bruxelles. Le processus décisionnel de l'Union européenne est extrêmement complexe. Les Européens ont un programme très chargé pour les quelques années à venir et le Canada est une préoccupation mineure en comparaison des intérêts formidables qui sont en jeu en Europe.

Nous devons nous faire entendre, sinon nous serons tout simplement ignorés, ce que le Canada ne peut se permettre. Le programme formalisé de contacts fonctionne très bien. Nous avons eu un sommet auquel a participé le premier ministre, M. Chrétien, à Rome en juin dernier. Les directeurs politiques des ministères des Affaires étrangères se sont rencontrés à Dublin au mois d'octobre dernier, les ministres des Affaires étrangères se sont rencontrés à New York, et les ministres du Commerce international à Seattle en novembre dernier. Enfin, les rencontres entre experts et fonctionnaires se multiplient et sont productives.

.0920

Mais il faut passer au niveau supérieur et insuffler une nouvelle énergie à notre relation, sous peine de la voir dominée par un dialogue entre les États-Unis et l'Europe dont nous pourrions être exclus.

[Traduction]

Si nous ne réussissons pas à insuffler une nouvelle énergie à notre relation et à nous faire entendre, nous aurons du mal à obtenir un plus grand accès au marché européen pour les exportateurs canadiens. Nous aurons aussi du mal à faire respecter nos priorités et nos préoccupations dans des domaines d'intérêt commun où les décisions de l'Union pourraient nous toucher, dans des domaines comme l'immigration, la criminalité et l'environnement.

J'aimerais enfin attirer votre attention sur le rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères intitulé L'intégration européenne: Son importance pour le Canada. Il porte sur certains des thèmes que nous avons abordés.

[Français]

Je vais m'arrêter ici pour le moment. Je suis prêt à répondre à vos questions. Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur l'ambassadeur.

M. Bergeron (Verchères): J'aimerais d'abord remercier la présidence et mes collègues d'avoir bien voulu m'attendre tout à l'heure. Vous savez, la biologie a ses impératifs que l'esprit ne saurait contrôler.

Cela dit, monsieur l'ambassadeur, bienvenue parmi nous. J'ai cru comprendre que vous étiez un peu perplexe à l'idée de cette convocation devant le Comité des affaires étrangères et du commerce international. Vous n'êtes pas sans savoir que nous avons la prérogative de convoquer les gens qui ont été nommés par décret par le gouvernement au niveau du Service extérieur. Nous voulons, bien sûr, nous prévaloir de cette prérogative, mais pas du tout dans l'esprit de mettre en doute la qualité des gens qui représentent le Canada à l'étranger. Je pense d'ailleurs que votre feuille de route est on ne peut plus éloquente. Mais ce n'est pas le but de la rencontre de ce matin, bien au contraire.

Il s'agit simplement de faire état de l'importance que nous accordons à l'Union européenne, qui est la deuxième puissance économique au monde. Il s'agit non seulement de l'importance que nous accordons à l'Union européenne, mais également de l'importance que nous accordons à la personne qui représente le Canada à l'Union européenne.

Cela dit, j'aimerais revenir sur un point qui a causé une certaine commotion entre le Parlement européen et le gouvernement canadien il y a un certain nombre de mois. Vous en avez inévitablement entendu parler. Je parle de l'affaire Berthu. Vous savez que durant le référendum de 1995,M. Berthu, le président de la Délégation européenne pour les relations avec le Canada, est venu au Canada sur une base personnelle pour voir un peu comment se déroulait le processus référendaire, et je pense que sa visite avait un but tout personnel.

Mais il a participé, à un moment donné, à une rencontre où il y avait des journalistes. Au terme de cette rencontre, on lui a posé une question sur le fédéralisme et ses chances de survie au Canada. À cela il a répondu qu'à son avis, le fédéralisme n'avait aucune chance de survie dans un État qui comptait plus d'une communauté nationale, plus d'une nation.

M. Berthu n'a sûrement pas dit cela pour embarrasser le gouvernement canadien ou pour embarrasser le Canada, mais il faut comprendre que M. Berthu faisait partie d'un groupe, au Parlement européen, qui s'appelle l'Europe des nations. Ce groupe s'oppose à la vision d'une Europe fédérale, compte tenu justement du caractère national des différents pays qui composent l'Europe. C'était donc une réponse qui allait tout à fait dans le sens de la pensée de M. Berthu, mais à la suite cette déclaration, le ministre des Affaires étrangères de l'époque a fait une montée de lait et est intervenu violemment par l'intermédiaire de son ambassadeur auprès de l'Union européenne,M. Jacques Roy, demandant la destitution de M. Berthu.

.0925

Vous savez que le principe de la séparation des pouvoirs est très important en démocratie, quoique la séparation entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif ici, au Canada, soit plutôt théorique, dans la mesure où l'exécutif émane de la majorité parlementaire. Mais dans la plupart des pays européens, le principe de la séparation des pouvoirs est absolument fondamental.

Il était non seulement inapproprié que l'exécutif intervienne dans les affaires du législatif, c'est-à-dire qu'un gouvernement intervienne dans les affaires du Parlement européen, mais il était d'autant plus irritant pour les Européens qu'un gouvernement étranger cherche à intervenir dans les affaires internes d'un Parlement, en l'occurrence le Parlement européen.

Vous connaissez les méandres de cette histoire. N'ayant pu obtenir la destitution de M. Berthu par l'intermédiaire de l'ambassadeur, le gouvernement canadien a procédé via l'Association parlementaire Canada-Europe pour demander cette même destitution, empêchant même la visite de parlementaires européens l'année dernière, en février, sous prétexte que la délégation parlementaire pour les relations avec le Canada ne respectait pas le caractère fédéral du Canada et ainsi de suite. On connaît toute l'histoire.

Ce qui me préoccupe dans cette histoire, monsieur l'ambassadeur, c'est que nous avions, et nous avons toujours je pense, parmi les personnes qui composaient à ce moment-là et qui composent encore la délégation pour les relations avec le Canada, des alliés sûrs dans des dossiers aussi difficiles que celui du piégeage ou de la fourrure, et je pense que nous nous les sommes aliénés par cette attitude un peu intransigeante à leur égard, l'année dernière.

Nous sommes intervenus à plusieurs reprises auprès du gouvernement pour demander que cette chasse aux sorcières cesse et, en conséquence de cela, il y a eu un changement de ministre ici, à Ottawa, et un changement d'ambassadeur également à l'Union européenne.

La question que je veux vous poser, monsieur l'ambassadeur, est de savoir quel est l'état de la situation dans l'affaire Berthu au moment où l'on se parle. Quelle est l'attitude du gouvernement canadien dans l'affaire Berthu? Est-ce que nous poursuivons sur cette même lancée un peu inquisitrice qui, je pense, est nuisible aux intérêts du Canada et du Québec sur la scène européenne?

[Traduction]

M. Assadourian (Don Valley-Nord): Je ne comprends pas la question. Pouvez-vous expliquer le but de cette question, monsieur le président?

Le président: Je dirai d'abord que M. Juneau a été convoqué conformément aux articles 108 et 110 du Règlement, qui permettent essentiellement d'examiner ses compétences à titre d'ambassadeur.

Je comprends l'objet de cette séance, étant donné qu'elle s'écarte un peu de la portée qui était prévue au départ. Nous profitons de la présence de M. Juneau pour examiner en profondeur nos relations avec la Communauté européenne.

M. Bergeron demande si les problèmes découlant de la visite de M. Berthu au Canada empoisonnent encore l'atmosphère et nos relations avec le Parlement européen. Je pense que c'est une question très intéressante. Je suis convaincu que M. Juneau n'aura pas de mal à y répondre. Je crois qu'elle respecte l'esprit de ce que nous essayons de faire ici aujourd'hui.

J'allais moi-même poser quelques questions sur la nature de l'Association parlementaire et de ses membres, alors voyons où cette première question nous mènera. Si nous nous écartons trop de l'objet de la séance, nous nous arrêterons, mais pour le moment je ne vois pas d'objection à la question.

M. Assadourian: Je suis venu ici parce que vous êtes allés en Europe il y a quelques semaines pour discuter du Conseil de l'Arctique. C'était ce qui m'intéressait dans cette séance. Je ne suis pas ici pour débattre du séparatisme. C'est ridicule.

[Français]

M. Bergeron: On ne parle pas de séparatisme du tout. Vous n'y êtes pas du tout. Il n'est pas question de séparatisme, mais des relations entre le Canada et le Parlement européen.

[Traduction]

M. Assadourian: Il n'est pas ici pour discuter de l'unité non plus. C'est un séparatiste. Il défend le séparatisme. Il coûte aux contribuables...

[Français]

M. Bergeron: Non, cela n'a rien à voir. Ça n'a absolument rien à voir.

[Traduction]

M. Assadourian: J'en ai assez.

[Français]

Le président: Monsieur Juneau.

M. Juneau: Merci. Je voudrais répéter que je suis heureux de comparaître devant le comité. Je me suis posé quelques questions, effectivement, sur les raisons pour lesquelles on me demandait de comparaître, ce qui est assez nouveau pour les ambassadeurs désignés.

Je suis arrivé à Bruxelles voilà trois mois ce matin. Depuis mon arrivée, une partie importante de mon temps a été consacrée à rencontrer les individus avec lesquels je dois travailler là-bas, et on peut les regrouper en trois catégories: d'abord la Commission européenne à Bruxelles, dont les commissaires et les directions générales qui s'occupent de la gestion de la Communauté européenne, ensuite le Conseil européen, que l'on peut qualifier de «grand secrétariat» et qui appuie les présidences permutantes de l'Union européenne - actuellement, c'est la présidence irlandaise jusqu'à la fin du mois prochain - , et enfin, le Parlement européen, une institution que j'ai visitée pour la première fois il y a 15 jours pour me présenter et rencontrer les parlementaires qui traitent de dossiers qui nous tiennent à coeur.

.0930

Je dois dire que, pour éviter d'entrer dans des questions relatives au débat concernant l'affaire Berthu, j'ai surtout cherché à avoir des contacts avec des parlementaires qui travaillent dans des commissions qui s'occupent de questions qui nous intéressent.

Vous avez mentionné la question de la fourrure, le Comité sur l'environnement, la question de l'amiante, qui est une question importante, et la question du nématode du pin. J'ai vraiment axé ma première visite en fonction de nos dossiers plutôt qu'en fonction de cette ébauche du dossier surM. Berthu.

À mon avis, il faut dire que M. Berthu est une personnalité relativement peu importante, aussi bien en France qu'au Parlement européen. Naturellement, on ne pouvait pas faire autrement que de m'en parler, bien que je n'aie pas cherché à avoir de contacts avec M. Berthu pour la bonne raison que M. Berthu ne s'est pas exprimé ainsi en Europe, au sein du Parlement européen, mais à Montréal, chez nous, ce qui est tout à fait différent. On peut donc comprendre que nous ayons été un peu indisposés à l'égard de ce monsieur-là.

J'ajouterai que ce monsieur appartient à un courant politique pour lequel bien peu de Canadiens ont de la sympathie. En effet, M. Berthu appartient pratiquement à l'extrême droite française, et je dois dire que ce n'est pas mon rôle, en tant qu'ambassadeur du Canada, de fréquenter ce genre d'individu.

Je pense que le mandat de M. Berthu va se terminer bientôt. D'ailleurs, le groupe qu'il avait formé n'existe plus, semble-t-il, puisqu'il y a un député du groupe qui a démissionné pour une raison que j'ignore. Il va y avoir l'élection d'un nouveau président du Parlement européen au début de l'année 1997, et un nouveau chef de groupe pour les relations avec les pays étrangers sera désigné.

Je pense que, dans le cas du Canada, il y aura certainement un nouveau parlementaire. Je peux vous dire que je ne fais pas de lobbying pour choisir une personne plutôt qu'une autre. De toute façon, je ne connais pas beaucoup les 626 parlementaires du Parlement européen. Mais vous comprendrez qu'en tant qu'ambassadeur du Canada, il est normal que j'espère voir nommer quelqu'un qui voudra bien nous accepter tels que nous sommes pour le moment. Quant à l'avenir, on verra comment on réglera cela entre nous.

Le président: Monsieur Bergeron, je vous demanderais d'orienter les questions et les réponses vers les relations Canada-Europe au lieu de la personnalité des gens.

M. Bergeron: Je pense que c'est ce que je suis en train de faire.

Le président: D'accord.

M. Bergeron: J'allais justement dire, monsieur le président, que...

Le président: Je voudrais préciser qu'il ne faudrait pas que notre comité se lance trop dans les affaires internes de l'Association parlementaire, car c'est autre chose. Mais s'il s'agit des rapports Europe-Canada, ça va.

L'affaire dont vous parlez concerne plutôt l'Association parlementaire Europe-Canada, et vous êtes vous-même membre du comité exécutif, n'est-ce pas?

M. Bergeron: Il ne faut pas voir dans mon intervention la défense d'un individu qui s'appelle Georges Berthu ni de la formation politique qu'il représentait, puisque l'Europe des nations n'existe plus au Parlement européen.

.0935

La formation politique qu'il représentait au Parlement européen, indépendamment des individus en place, indépendamment de ce que ces individus ont pu dire, n'est pas la question, et cela répondra peut-être aux appréhensions excessives de M. Assadourian. Là n'est pas la question.

Il n'est pas question de séparatisme ou de non-séparatisme. Ce qui me préoccupe, c'est que nous nous sommes brouillés avec l'association parlementaire qui est responsable des relations avec le Canada. Nous avions, dans cette association parlementaire, des gens qui étaient des défenseurs de la position canadienne sur la question du piégeage et de la fourrure, par exemple.

Ma préoccupation est celle-ci: Est-ce que nous attendons simplement que les gens de la délégation soient remplacés pour rétablir les contacts avec l'Association parlementaire ou si nous essayons de maintenir les contacts avec l'Association parlementaire, appelée aussi Délégation pour les relations avec le Canada, dont les membres, indépendamment des individus comme tels et des formations qu'ils représentent, sont de loyaux défenseurs de nos intérêts là-bas?

Est-ce qu'on maintient des contacts avec ces gens de telle sorte que nous puissions conserver ces alliés jusqu'à ce que le groupe soit remplacé? Comme vous le disiez à juste titre, ces gens risquent d'être remplacés d'ici quelques jours. Je n'entends pas, par mon intervention, défendre ou ne pas défendre M. Berthu et son groupe. Il n'en est pas du tout question. Ma question s'attache principalement à la qualité des relations que nous avons avec la Délégation pour les relations avec le Canada, de telle sorte que nous ayons toujours, au Parlement européen, des gens qui défendent les positions qui sont en relation avec nos intérêts économiques, particulièrement sur la question de la fourrure.

M. Juneau: Très bien. J'ai rencontré des membres de la délégation canadienne, mais comme je le disais tout à l'heure, je n'ai pas rencontré M. Berthu. Ma stratégie, au début, a été d'aller auprès de ces comités sur une base fonctionnelle. J'ai un certain nombre de dossiers qui sont d'ailleurs assez immédiats, comme celui la fourrure. J'ai mentionné aussi la question du nématode du pin. On se prépare à aller à la conférence ministérielle de Singapour pour parler de la question de la libéralisation des échanges dans le domaine de l'information, de la technologie et des télécommunications.

C'est donc à cela que j'ai consacré la majeure partie de mon temps jusqu'à présent. Je pense que les parlementaires européens qui appartiennent à ce groupe pour les relations avec le Canada appartiennent également, pour la plupart, à d'autres comités fonctionnels. Il y a des comités qui sont très importants comme, par exemple, le Comité sur l'environnement.

C'est un comité important pour nous, parce qu'on est un peu vulnérables. En effet, les initiatives qui ont été nuisibles pour le Canada, au niveau de la Commission européenne, émanaient souvent du Parlement. L'histoire du problème du commerce de la fourrure et des pièges à mangeoire a commencé par une résolution auprès du Parlement européen. Nos méthodes de gestion des forêts sont également une préoccupation au sein du Parlement européen.

Les gens qui appartiennent à la Commission sur l'environnement sont des parlementaires qui s'intéressent à cet aspect. Vous voyez que c'est une question de jugement personnel parce que je dois dire que je ne fonctionne pas sur instructions. J'y suis allé pour deux jours et j'ai organisé mon emploi du temps autour de ce genre de rencontres et de quelques rencontres individuelles axées sur des parlementaires particuliers qui ont un rôle important à jouer dans des dossiers qui nous touchent de près.

Je vous mentionne quelques personnes: le député de Vries, le député portugais Pimenta, qui est un des députés les plus actifs dans le domaine des questions qui nous intéressent, des députés britanniques et naturellement des députés français.

Puisque j'ai passé plusieurs années de ma vie professionnelle en France, je tenais également à établir un contact rapide avec ces gens-là qui, incidemment - pour terminer sur le point deM. Berthu - , ont tous manifesté un certain embarras. C'est une chose qui a gêné tout le monde. Tout le monde a hâte que ce soit réglé et qu'on continue avec ce qui nous préoccupe. Je ne crois pas, sincèrement, que cela ait pu nuire de quelque façon que ce soit à nos intérêts.

.0940

[Traduction]

Le président: Monsieur Assadourian.

M. Assadourian: Merci beaucoup. C'est bon de vous revoir ici. Nous avons discuté ensemble hier. J'ai été très ravi de vous rencontrer.

Monsieur l'ambassadeur, il y a quelques semaines, une délégation de notre comité s'est rendue en Russie et une autre en Europe de l'Ouest et en Scandinavie. L'objet de notre visite était le Conseil de l'Arctique. Je voulais savoir quelle était la situation dans la région circumpolaire.

Ils ont indiqué qu'ils avaient déjà organisé le Conseil nordique, un groupe de nations du Nord qui se sont unies. Quand nous étions à Copenhague, ils nous ont dit que le Conseil nordique existait déjà et qu'ils ne voyaient pas l'utilité du Conseil de l'Arctique. D'ailleurs, huit pays, dont le Canada ont signé l'entente. Pour citer mon collègue ici présent, un bébé était né. Pouvez-vous donner des explications sur ces deux aspects et expliquer pourquoi ils pensent que le Conseil nordique devrait l'emporter sur le Conseil de l'Arctique?

En ce qui concerne mon autre question, cela ne se fera peut- être pas, mais 1999 est la date cible pour la création de l'eurodollar, une monnaie commune pour l'Europe. Quelle sera l'incidence sur notre économie? Nous sommes tellement liés à l'économie américaine. Si vous pouviez apporter des précisions à ce sujet, je l'apprécierais beaucoup.

M. Juneau: Merci beaucoup.

Au sujet de la première question, je ne sais pas trop dans quelle mesure je peux vous donner une réponse satisfaisante. La réalité, maintenant, est que dans l'Union européenne élargie, après l'intégration de la Finlande et de la Suède, il y a désormais trois pays nordiques - le Danemark, la Suède et la Finlande - mais ils ont toutes sortes d'organisations régionales entre eux. Ils ont un conseil baltique, avec les États baltes. Il y a la coopération du Nord... À un moment donné, par exemple, lorsque nous avons commencé à nous occuper de la crise au Zaïre, un haut placé d'un de ces pays a communiqué avec nous et nous a affirmé qu'il téléphonait au nom des pays scandinaves. Il y a donc divers mécanismes de coopération.

Le Conseil de l'Arctique n'est pas une nouveauté dans ma carrière, je m'y intéresse depuis quelques années. Le principal objectif consistait à regrouper tous les pays dont les frontières touchent l'Arctique au sein d'une organisation chargée de promouvoir les échanges et la coopération entre les populations septentrionales.

L'un de nos objectifs consistait à nous assurer que nos amis américains se joindraient à nous. Quand nous avons commencé à discuter de ce conseil, l'Union soviétique existait encore. Maintenant, la situation est changée, avec la Russie, et, si je ne m'abuse, il n'existe pas d'autre équivalent dans le monde, pas d'autre organisation qui regrouperait tous les pays bordant l'Arctique. Je pense donc qu'il s'agit d'une nouvelle tribune.

C'est une tribune utile et j'espère qu'elle favorisera la coopération entre les populations du Nord. Comme nous le savons tous, il n'y avait pas beaucoup de contacts entre les populations septentrionales du Canada et celles de la Russie ou de la Scandinavie, alors c'est un aspect qui sera certainement important pour ces populations.

Ai-je répondu à votre question?

Il n'y a pas de rapport particulier avec l'Union européenne, mais je tiens à apporter une précision. L'an dernier, nous avons signé avec l'Union européenne un accord en matière d'éducation, et six projets ont été approuvés depuis. L'un d'eux, que je peux vous décrire, si cela vous intéresse, porte sur la coopération entre des établissements d'enseignement de la Suède, de la Finlande et du Canada. C'est relié au Conseil et à la préoccupation que vous venez d'exprimer.

.0945

En ce qui concerne l'union monétaire, il se passe évidemment des choses importantes dans ce domaine. J'aimerais souligner d'entrée de jeu qu'il ne fait aucun doute que le processus de l'union monétaire démarrera le 1er janvier 1999 et culminera avec l'obligation d'utiliser une monnaie unique le 1er janvier 2002.

J'ai mentionné une étude effectuée par le Sénat. L'une des recommandations de cette étude était de bien examiner toutes les implications de la mise en oeuvre d'une union monétaire en Europe pour les relations avec le Canada. J'aimerais vous indiquer que notre ministère vient de commander au professeur Patrick Crowley, de l'Université Saint Mary's, de Halifax, une étude qui portera sur les incidences de l'union monétaire européenne sur les intérêts économiques du Canada.

Lorsque nous examinons ces effets, nous pouvons voir qu'il y aura quelques problèmes et aussi des avantages. Je n'en mentionnerai que quelques-uns pour illustrer mon propos.

Il est assez évident qu'une union monétaire au sein de l'Union européenne regroupant sept, huit ou neuf pays, pas tous au début, exercera une force d'attraction sur les investisseurs étrangers. Nous pouvons nous demander si les investisseurs qui viennent au Canada ne trouveront pas plus avantageux pour eux d'investir dans l'Union européenne que dans d'autres pays. C'est la première question.

Le deuxième aspect problématique est qu'une union monétaire signifie la disparition des banques centrales des pays participants. Comme vous le savez, les banques centrales sont tenues de maintenir un certain pourcentage de monnaies fortes dans leurs réserves pour garantir les prêts et les opérations financières. En règle générale, on croit que, dans une union monétaire de sept ou huit pays, les banques centrales de ces pays vendraient pour environ 50 milliards de dollars américains de devises, parce qu'elles n'auraient plus besoin de ces réserves. Elles garderaient encore des dollars américains mais se débarrasseraient naturellement d'une partie de leurs réserves libellées en d'autres monnaies.

Il faut aussi se souvenir des conséquences sur notre participation au sein d'organisations monétaires internationales. Si tout va bien, il y aura le dollar américain, le yen et l'eurodollar. Le dollar canadien se retrouverait dans une catégorie différente.

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Mais il peut y avoir des avantages. Ainsi, nous pensons que les pays européens décideront probablement de continuer à diversifier leurs portefeuilles. Ils garderont des dollars américains, pourraient décider de garder des yens, mais voudront aussi garder autre chose. Le dollar canadien serait très bien placé pour servir de monnaie de réserve dans ces pays. Si tout va bien - si la situation économique reste bonne en Europe - alors une monnaie unique dans sept, huit ou neuf pays favoriserait nos exportations. Cela pourrait aider nos entreprises à faire de meilleures affaires, parce qu'elles ne seraient pas touchées par les taux de change de diverses monnaies.

Ce serait peut-être bon aussi pour nos investissements. On investit dans un pays et on a accès, avec la même monnaie, à l'ensemble du marché de l'Union européenne. C'est un marché de370 millions de personnes. Alors s'ils sont sept, huit ou neuf, nous pouvons toucher 270 millions de personnes, ce qui n'est pas à dédaigner.

Mais nous envisageons maintenant la situation de manière plus systématique, par des analyses et par nos consultations avec la Commission européenne. Le ministre des Finances David Dodge s'est d'ailleurs rendu à Bruxelles il y a un mois et demi pour entamer les pourparlers, et nous savons que des représentants de la commission viendront ici pour discuter de ces questions avec nous.

Ce qui importe pour l'instant - et je pense que votre question est très pertinente à cet égard - c'est qu'on en a parlé pendant longtemps tout en laissant entendre que cela ne se ferait pas. Désormais, je crois que les gens comprennent que cela se fera - cela se fera, c'est certain.

Les quinze pays ne participeront pas tout au début. Il y aura un noyau de sept ou huit pays: l'Allemagne, évidemment; la France; le Benelux; peut-être l'Irlande, en nous rappelant que nous avons des investissements importants en Irlande qui seraient avantageux à cet égard; le Danemark; la Finlande.

Pour le reste, il y a toutes sortes d'interrogations. Comment vont-ils jouer avec les critères? Il suffit d'ouvrir les journaux en Europe actuellement pour voir qu'on se demande si l'Italie sera du nombre, si l'Espagne sera du nombre elle aussi. Ils veulent tous participer, mais je ne pense pas qu'ils y réussiront tous au début.

Le cas de la Grande-Bretagne nous intéresse parce que ce pays est évidemment notre plus grand partenaire économique en Europe. Certains croient que les Britanniques ne seront pas là au début, en 1999, mais qu'ils se joindront aux autres peu après.

Il y a donc des avantages et des inconvénients et nous devons maintenant analyser la situation de façon plus systématique.

M. Assadourian: Monsieur le président, j'aimerais faire une observation. Compte tenu des réponses que nous avons reçues de l'ambassadeur, je suggère que nous participions à cet échange. Chaque fois qu'une délégation européenne vient au Canada, nous pourrions les inviter, afin de les interroger.

Je suggère également...

Le président: Pensez-vous à votre portefeuille de retraite, monsieur Assadourian? Voulez-vous savoir quelle monnaie est la plus sûre, pour investir votre pension?

M. Assadourian: Il s'appelle Patrick, de l'Université...

M. Juneau: Patrick Crowley.

M. Assadourian: Si nous pouvons l'inviter à comparaître avant que tout débute, je pense que c'est important.

Le président: Vous avez raison. Je suis d'accord avec vous. Cela devient un enjeu géopolitique. Quand nous étions en Europe, nous avons entendu dire que les relations commerciales entre l'Europe et les États-Unis pourraient bien être touchées. Si l'euromonnaie remplace effectivement le dollar américain dans les transactions pétrolières, les répercussions sur l'économie canadienne pourraient dépasser largement...

M. Assadourian: C'est ma crainte, ce qui pourrait nous arriver.

Le président: C'est une bonne question pour lancer le débat et nous devons en tenir compte. Je suis d'accord avec vous, monsieur.

M. Assadourian: Merci.

[Français]

Le président: Monsieur Paré.

M. Paré (Louis-Hébert): Dans votre réponse à M. Bergeron, vous avez fait un peu allusion au débat constitutionnel canadien qui, forcément, devra se régler à l'interne. Vous disiez qu'il fallait attendre la suite des choses.

.0955

Je pense que vous êtes philosophe à ce sujet. Cependant, je ne suis pas naïf. Je sais bien que, dans les contacts et les relations que vous avez avec des collègues parlementaires européens, cette question refait sûrement surface, et je pense qu'il ne serait pas normal que l'ambassadeur du Canada dise qu'il ne peut pas parler de ces choses-là. Je pense donc que vous abordez forcément ces questions-là et que vous devez sans doute donner un point de vue et répondre aux questions qui vous sont posées.

Sans aucune arrogance et en tout respect, j'aimerais poser une question qui me semble aller dans le sens des articles 110 et 111 qui nous ont permis de vous inviter à comparaître ce matin.

Au fond, vous êtes mon ambassadeur à la Communauté européenne. Vous êtes aussi l'ambassadeur d'au-delà de deux millions de Québécois qui, au dernier référendum, ont voté en faveur d'un éventuel Québec souverain. Ma question est la suivante: est-ce que votre mandat d'ambassadeur à la Communauté européenne vous permet de présenter objectivement les choses telles que vous les percevez vous-même?

Ma deuxième question sera plus technique. Vous avez fait un petit peu allusion tout à l'heure à la question de la gestion des forêts. Stéphane avait un petit peu parlé de la question du piégeage et je voudrais ajouter, parmi tous les sujets sur lesquels j'aimerais vous entendre, toute la question de la chasse au phoque, la question du traitement de ses autochtones par le Canada, la question de l'amiante et la question des pêches. Est-ce que vous avez un plan d'intervention par rapport à ces problèmes-là, où l'image du Canada n'est pas toujours véhiculée d'une façon très positive?

M. Juneau: Je vous remercie. Concernant la première question, il faut avoir à l'esprit que, pour le moment, en Europe, la question de l'indépendance du Québec n'est pas une question d'actualité. Donc, quand les gens me voient arriver, ils ne voient pas arriver quelqu'un qui représente un pays qui est en train de se démembrer. Mon premier point est donc que, même si cette question est de première importance pour nous, il n'en est pas de même pour nos partenaires Européens.

Mon deuxième point est que, naturellement, je suis l'ambassadeur du Canada. Je représente donc un pays qui, lorsqu'il agit sur la scène européenne, est une entité politique et économique qui a une importance relative.

Mais je traite avec des individus qui sont tout à fait obsédés par leur propre développement interne, par le développement de leur monnaie commune, par tout débat au sujet de la réforme de leurs propres structures politiques avant d'élargir leur union européenne aux pays d'Europe et de l'Est, des pays qui sont confrontés à des crises sociales qui sont pas mal importantes, du genre18 millions de chômeurs, des pays qui ont tous des problèmes politiques assez importants, comme la crise en Irlande, le terrorisme au Pays basque, en Corse, etc.

Je dois dire que je n'engage pas le dialogue sur ces questions-là, naturellement. Quand je vois un Irlandais devant moi, je ne pense pas d'abord à la crise en Irlande du Nord. Mon mandat, c'est de promouvoir les relations économiques et commerciales entre le Canada et les pays de l'Union européenne. J'ai un mandat qui est très politique, commercial et économique. Mais je crois qu'il est important pour le Canada de maintenir une masse critique pour être efficace dans ses démarches là-bas.

.1000

Depuis mon arrivée, j'ai fait un effort particulier pour travailler assez étroitement avec les gens de la délégation du Québec. Je trouve, en effet, qu'on s'adresse à des interlocuteurs qui représentent une entité quand même importante. Comme je le mentionnais tout à l'heure, il y a 15 pays,310 millions d'habitants et un produit national brut qui est déjà plus important que le produit national brut aux États-Unis.

Si on veut maintenir notre crédibilité, il faut avoir une certaine masse critique de ce que nous représentons pour établir notre dialogue avec eux.

On verra ce que l'avenir nous réserve sur ce plan-là. Les Anglais nous ont enseigné une expression que j'utilise souvent: We will cross that bridge when we come to it.

Avant de partir, je suis allé rencontrer les autorités québécoises et je leur ai dit bien naturellement qu'il ne fallait pas qu'on s'attende à ce que je me fasse le propagateur de l'idée de l'indépendance du Québec. Ils l'ont tous bien accepté et ont reconnu que ce n'était pas le rôle de l'ambassadeur du Canada. Donc, si un député européen me parle de la situation politique au Canada, je peux la décrire avec objectivité.

En ce qui concerne les questions que vous avez soulevées concernant les forêts, les phoques, les autochtones, l'amiante et les pêches, je vais essayer de vous faire part de ma stratégie. Je vais prendre deux exemples assez concrets, l'amiante et les pêches, pour vous en faire la démonstration.

Les pêches, depuis longtemps déjà, c'est-à-dire depuis que l'Espagne s'est jointe à l'Union européenne, sont une cause de tension entre le Canada et les pays de l'Union européenne. Mais des progrès majeurs ont été accomplis au cours des dernières années, c'est-à-dire depuis l'accord que nous avons signé avec les Européens en avril 1995, après la crise de l'Espagne.

Nous avons, à la suite de cela et dans la foulée de la discussion d'un plan d'action avec l'Union européenne, décidé de rouvrir nos ports aux bateaux de pêche européens au mois de juin dernier, alors que nos ports canadiens étaient restés fermés pendant plus de 15 ans.

Nous avons aussi décidé que nous étions disposés à développer une plus grande collaboration avec les pays européens dans le cadre de projets commerciaux conjoints, comme des investissements dans le domaine de l'industrie de la pêche.

Nous nous sommes également mis d'accord sur la mise sur pied d'un groupe de travail qui verrait à instituer un mécanisme de règlement des conflits qu'on pourrait avoir dans le secteur de la pêche.

Je mentionne tout cela parce que ces objectifs étaient inscrits dans l'accord de 1992 que nous avions négocié avec les Européens, mais que nous n'avons pas ratifié et qui est maintenant désuet, parce que dépassé par d'autres accords que nous avons eus. Tout cela a été entériné à l'occasion de la rencontre de l'OPANO, qui a eu lieu à Saint-Pétersbourg au début du mois de septembre dernier.

Un autre point qui est important pour nous est de faire reconnaître par les Européens que, dans le TAC, c'est-à-dire le quota pour les poissons qui sont pêchés dans la zone du 2J-3K-3L, 95 p. 100 de ce quota soit alloué au Canada, 5 p. 100 aux non-Canadiens, et 63,4 p. 100 de ce 5 p. 100 aux pays de l'Union européenne.

Vous voyez donc que les choses évoluent. J'aurais dû commencer par préciser une chose très importante: nous avons maintenant un programme d'observation sur tous les bateaux de pêche européens qui opèrent au large de nos côtes. C'est une couverture à 100 p. 100 puisque chaque bateau a au moins un observateur européen.

.1005

Si les opérations de ces bateaux ne sont pas satisfaisantes à la lumière des observations faites par ces observateurs, elles peuvent être revues par les gens de la commission, et les bateaux peuvent être inspectés par des inspecteurs européens et, le cas échéant, également canadiens, lorsque ces bateaux reviennent dans les ports.

Vous voyez la logique de nos travaux. Notre logique, dans le domaine de la pêche, c'est de resserrer les boulons de contrôle des bateaux de pêche qui opèrent au large de nos côtes. Comme je le mentionnais avant le début de la séance, il faut comprendre qu'il y a une mentalité de très grande liberté parmi ces opérateurs-là, mais compte tenu du fait que la ressource a diminué considérablement au cours des dernières années à cause de la surpêche, il est important que les activités de ces bateaux-là soient bien réglementées. Voilà notre stratégie.

Je vais maintenant vous parler de l'amiante.

[Traduction]

Le président: Je suis désolé de vous interrompre, monsieur l'ambassadeur.

Lorsque M. Bergeron et moi-même étions en Europe, deux aspects touchant directement à nos relations avec l'Europe ont été soulevés. Le plan d'action entre le Canada et l'Europe, qui est important pour nous, est bloqué en grande partie à cause du contentieux de la pêche. Au coeur de ce différend se trouve notre loi qui porte notre zone économique à plus de 200 milles au large des côtes. Je me demande si vous pouvez expliquer au comité l'incidence de ce problème... si c'est vrai et s'il y a des chances de faire débloquer le plan d'action et dans quelle mesure les pourparlers concernant la pêche ont des chances de régler ce différend. Tous les membres du comité en ont beaucoup entendu parler et nous aimerions savoir où en est ce dossier.

[Français]

M. Juneau: Lorsque le premier ministre a rencontré la présidence européenne, la présidence italienne, à Rome, au mois de juin dernier, nous n'avons pu conclure ce plan d'action. Je voudrais partir de ce point-là pour vous expliquer les progrès qui ont été accomplis depuis ce moment-là.

[Traduction]

Le ministre des Affaires étrangères, M. Axworthy, a rencontré le ministre des Affaires étrangères de l'Irlande et le commissaire van den Broek, de la Commission européenne, à New York le 25 septembre dernier. Il y avait plusieurs questions à l'ordre du jour, mais lorsqu'ils ont discuté du plan d'action, nos partenaires européens ont indiqué qu'ils aimeraient que nous proposions un document afin de régler les deux questions qui restent en suspens. La première touche à une disposition sur l'extraterritorialité. La deuxième, un paragraphe sur les pêches.

Nous avons fini par découvrir qu'il y avait un troisième problème. Le Québec voulait que le plan d'action parle du rôle des provinces dans sa mise en oeuvre. Ils ont indiqué qu'ils aimeraient proposer eux-mêmes le texte. C'était le 25 septembre. Nous avons attendu jusqu'à il y a trois semaines environ. Nous avons reçu leur texte il y a trois semaines.

Entre-temps, nous avons réglé le problème qui préoccupait le Québec.

[Français]

On a défini une clause qui était acceptable pour les autorités québécoises, dans laquelle on dit que dans la mise en place de ce plan d'action, les autorités provinciales et autres entités subnationales auront un rôle dans la mise en application des activités qui concernent leur secteur de compétence. Tout le monde était d'accord. Pour la question de...

Le président: Donc, de notre régime constitutionnel?

M. Juneau: Cela a été réglé.

Deuxièmement, il y a le paragraphe sur les poissons et le paragraphe sur les pêches. Le paragraphe sur les pêches a aussi été réglé.

.1010

Il reste donc le paragraphe sur l'extraterritorialité.

[Traduction]

Je dois préciser que le plan d'action comporte en réalité deux documents. Le premier est le plan d'action proprement dit et le second, la déclaration politique qui l'accompagne.

Le paragraphe sur l'extraterritorialité devrait figurer dans la déclaration politique, ce qui veut dire qu'au moment où nous parlons, il y a entente sur toute la ligne en ce qui concerne le plan d'action.

La Commission européenne n'aime pas que nous décrivions la situation ainsi, parce que tout est lié... Oui, les deux documents sont liés, mais essentiellement, le plan d'action est achevé. Nous examinons donc maintenant la déclaration politique et le texte sur l'extraterritorialité.

Je vais être très franc avec vous. Nous n'avons pas aimé le texte que nous avons reçu. Nous avons rédigé le nôtre et en avons discuté. Ils ont proposé des modifications, que nous avons acceptées. À un moment donné, les gens avec qui nous, comment dirais-je, discutions - pour ne pas employer le mot «négocier» - ont déclaré que nous avions la base... Alors, je me suis présenté devant le ministre des Affaires étrangères, je lui ai expliqué ce que nous avions et lui ai demandé s'il était d'accord. Il a répondu oui.

Nous avons dû faire accepter le texte par les États membres. Nous avons évidemment commencé par l'Espagne - je n'allais pas leur dire comment diriger leur système - et tout a bloqué là parce que, selon les Espagnols, nous devions déclarer dans ce texte que nous allions renoncer à recourir à la loi C-29. Ils estimaient que la nouvelle loi sur les pêches renforçait les mesures législatives qui avaient été prises dans le projet de loi C-29.

Nous en avons discuté et avons essayé de leur expliquer encore et encore qu'il n'avait jamais été question de renoncer à la loi C-29. Nous avons expliqué que nous en avions besoin comme mesure dissuasive. L'histoire a d'ailleurs démontré son efficacité, puisque, dès que nous avons adopté le projet de loi C-29, tous les bateaux de pêche qui battaient pavillon de complaisance - des navires affrétés essentiellement par des sociétés espagnoles - sont disparus et ne sont pas revenus.

Voilà donc où nous en sommes. Est-il possible de régler ce dernier différend? Je le crois, mais pour ce faire, les Européens devront reconnaître que nous sommes sérieux quand nous affirmons vouloir bien protéger les stocks chevauchants. S'ils voulaient faire un petit effort intellectuel, ils comprendraient aisément que la loi C-29 et la loi Helms-Burton ne sont pas de la même eau. C'est ce qu'ils affirment tout le temps, que c'est le même genre de loi. Ils disent cela parce qu'ils n'ont pas vraiment lu la loi C-29.

C'est le principal argument que j'emploie avec eux quand je leur en parle. Je dis que c'est une loi dissuasive. Elle vise à dissuader ces navires et à s'assurer que les navires qui font la pêche dans ces eaux vont respecter les engagements négociés entre nous à l'OPANO.

Le président: Merci.

Je sais que M. Paré s'intéressait aussi à l'amiante. Je l'ai interrompu et je le prie de m'en excuser.

Monsieur Juneau, je voudrais attirer l'attention des membres sur le fait que la sonnerie qui nous appelle à voter se fait entendre. Il nous reste 23 minutes. Nous en avons besoin de 10 pour mettre fin à nos travaux, alors il nous en reste environ 13. Nous entendrons la réponse à la question de M. Paré. M. Flis et M. Bergeron ont demandé à poser quelques questions eux aussi. Si nous condensons nos propos, nous aurons assez de temps. Au retour, nous devrons passer à un autre sujet.

.1015

[Français]

M. Paré: Pour moi, comme je l'ai dit à M. Juneau, la question de l'amiante est close.

[Traduction]

Le président: Les autres membres du comité aimeraient peut- être le savoir. La question de l'amiante est-elle close?

M. Juneau: Non, elle ne l'est pas. La question de l'amiante doit être abordée avec beaucoup de soin. C'est une question délicate, parce que la plupart des pays de l'Union européenne ont déjà banni l'utilisation de l'amiante.

À l'heure actuelle, en ce qui concerne la Commission européenne, je pense que nous avons pu éviter un problème majeur lorsque la DG3, essentiellement l'industrie, a examiné la possibilité de se diriger vers un règlement interdisant, à quelques exceptions près, toute utilisation de l'amiante dans l'Union européenne, comme on l'a fait en France. Mais ils n'ont pas pu obtenir l'appui de tous les États membres. Nous pensons actuellement qu'il peut encore y avoir une utilisation contrôlée de l'amiante dans certains pays européens. Ainsi, l'Espagne nous appuie bien dans ce dossier, tout comme l'Irlande et la Grèce.

J'aimerais mentionner quelque chose dans un autre ordre d'idées. En ce qui concerne les pièges à ressort, un accord est sur le point d'être signé. Je regarde Fred, parce que nous avons envoyé une équipe de négociation à Bruxelles. Je leur ai parlé hier et quand je leur ai demandé quel compte rendu je devais vous faire, ils m'ont dit que nous aurons un accord. Cela se fera.

Le président: Il y a une ébauche, prête à être signée.

M. Juneau: Oui.

Le président: D'accord.

M. Juneau: Ce sera un vrai exploit, parce que nous nous acharnons sur ce dossier depuis 1980.

Le président: Ce sont des nouvelles très encourageantes. Merci, monsieur l'ambassadeur.

Très brièvement, monsieur Flis et monsieur Bergeron.

M. Flis (Parkdale - High Park): J'ai trois questions. Je ne sais pas si je pourrai les poser toutes les trois, mais voici la première.

Il y a à Ottawa l'Association parlementaire Canada-Europe. Nous nous réunissons assez régulièrement. Nous invitons les diplomates européens, et c'est très utile. Mais certains ont l'impression, à tort, que le Canada se tourne vers l'Amérique latine à cause de l'ALÉNA et du Chili, qu'il se tourne vers l'Asie-Pacifique. Nous accueillerons la prochaine conférence de l'APEC dans notre pays en novembre prochain. Certains ont donc l'impression que le Canada délaisse l'Europe. Nous aurions oublié l'Europe. Ils sortent des chiffres et affirment que nos échanges commerciaux diminuent avec l'Europe.

À titre d'ambassadeur plénipotentiaire, que ferez-vous pour dissiper cette fausse impression et pour continuer à accroître le commerce entre le Canada et l'Union européenne?

M. Juneau: Merci, monsieur Flis.

Je pense que c'est facile pour eux de faire de telles affirmations. Ils aiment faire ce genre de déclarations parce qu'ils voudraient nous faire sentir coupables de les avoir délaissés d'une façon ou d'une autre. Je ne suis pas du tout d'accord. Vous vous souviendrez peut-être d'ailleurs que, lorsque Roy MacLaren était ministre du Commerce international, les ambassadeurs allaient se plaindre à lui que nous accordions plus d'attention à nos relations avec l'Amérique latine, à cause de l'accord de libre-échange. Ils prétendaient que nous devions faire quelque chose parce que nous ramenions nos troupes de l'Allemagne.

C'est l'une des principales raisons pour lesquelles l'ancien ministre MacLaren a proposé de conclure un accord de libre-échange avec l'Union européenne. Vous vous souviendrez peut-être qu'en décembre 1994, au cours d'une allocution importante prononcée au Sénat français, le Premier ministre a proposé d'envisager la possibilité de négocier un accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne, afin que notre politique économique à l'égard de l'Europe soit sur un pied d'égalité avec celle que nous poursuivons en Amérique latine et en Asie.

.1020

Vous connaissez les résultats. Certains pays, dont la Grande- Bretagne et l'Allemagne, ont réagi très positivement. D'autres, comme la France, ont résisté davantage, pour des raisons très compréhensibles, en indiquant que nous devions d'abord digérer l'Uruguay Round et faire démarrer la nouvelle Organisation mondiale du commerce du bon pied.

Ils ont indiqué également qu'étant donné que l'Union européenne doit se préparer à son élargissement et qu'elle devra donc modifier sa politique agricole en conséquence, l'un des premiers dossiers que nous mettrions sur la table lors de négociations en vue d'un accord de libre-échange serait la politique agricole commune. Tout cela pour dire qu'ils n'étaient pas très chauds à notre idée.

Vient ensuite le plan d'action. Ce plan d'action sur lequel nous travaillons actuellement est le fruit du labeur d'un groupe de travail auquel nous avons participé avec l'Allemagne, à la demande du ministre des Affaires étrangères de l'Allemagne, M. Winkel, qui avait manifesté le désir de travailler avec nous dans ce dossier. Nous avons rédigé un document, les Allemands l'ont fait parvenir aux autres membres de la Communauté européenne et il a servi de base à la communication que l'Union européenne a préparée sur le plan d'action.

S'ils pensent vraiment ce qu'ils disent, je ne comprends pas pourquoi ils ne peuvent pas accepter simplement le plan d'action - malgré leurs nombreuses difficultés - et c'est ce que je leur ai dit. Je leur ai dit qu'ils avaient des difficultés avec la loi Helms-Burton, mais qu'ils ne bloquaient pas pour autant le plan d'action avec les Américains. Je leur ai demandé s'ils allaient interrompre la négociation des accords qui vont découler du plan d'action. Bien sûr que non. Alors, pourquoi mettre des bâtons dans les roues?

Le président: Je veux attirer l'attention des membres sur le fait que l'échéancier est modifié. La mise aux voix se fera à 10h30. Je pense que M. Gaffney voudrait quitter, mais monsieur Flis, avec votre permission, M. Bergeron a une dernière question. À moins que vous ne soyez désespéré...

M. Flis: Je pensais que l'opposition officielle avait une heure et quinze minutes.

Le président: Je le sais. Je ne laisse pas entendre que...

M. Flis: Étant donné que nous n'avons pas le temps, j'aimerais tout de même poser ma question pour que nous puissions obtenir une réponse par écrit. Elle porte sur les pays en transition.

M. Juneau: J'aimerais faire une observation sur les relations économiques, parce que votre question... Je voudrais seulement mentionner une chose.

Quand ils affirment que le commerce n'augmente pas autant, vous devriez leur répondre que les investissements étrangers directs de l'Union européenne au Canada ont augmenté de 135 p. 100 entre 1985 et 1995, tandis que les investissements étrangers directs des États-Unis n'ont augmenté que de 66 p. 100. Alors, il y a une croissance. Une belle croissance.

C'est la même chose pour nos investissements chez eux. Ils augmentent de 87 p. 100 environ, si je ne m'abuse. Nous savons que l'investissement est primordial actuellement pour promouvoir l'expansion du commerce.

M. Flis: Ce sera très utile dans nos rencontres futures.

L'autre question que j'aimerais vous poser porte sur les pays en transition.

Pourriez-vous donner au comité - et si le comité n'est pas intéressé, moi je le suis - la liste des pays en transition qui ont demandé à faire partie de l'Union européenne, ceux qui ont été acceptés, ceux qui sont sur le point de l'être et ceux qui devront probablement attendre encore longtemps avant d'être acceptés. Quand nous croisons les ambassadeurs, c'est la question qu'ils nous posent. Que fait le Canada pour les aider à entrer dans l'Union européenne?

Le président: M. Veenema, de la Direction de l'Union européenne, pourrait répondre à cette question plus tard. Nous pourrions discuter rapidement de toute question précise que M. Bergeron voudrait poser à l'ambassadeur. Puis, il faudra nous dépêcher.

[Français]

M. Bergeron: Excellence, vous me voyez désolé de vous voir partir si vite. Je pense que les relations entre le Canada et l'Union européenne sont tellement importantes que nous aurions pu encore passer plusieurs minutes ensemble pour en discuter.

Vous avez dit tout à l'heure que, selon vous, l'affaire Berthu n'avait pas eu d'impact sur les relations entre le Canada et l'Union européenne. Permettez-moi d'avoir une opinion différente.

.1025

Vous avez, à juste titre je pense, souligné que l'affaire Berthu avait embarrassé un peu tout le monde. C'est vrai. D'abord, les déclarations mêmes de M. Berthu étaient embarrassantes, tout comme la réaction un peu soupe-au-lait du Canada, qui a tellement embarrassé les Européens qu'ils ont insisté pour introduire, dans l'Accord transatlantique, une clause portant sur le respect des sous-entités nationales et des provinces.

J'ai également une opinion différente concernant ce que vous dites sur le fait que les Européens ne sont pas vraiment intéressés à la question nationale, canadienne et québécoise. Au contraire, les Européens veulent savoir à quel genre d'intervenant ils ont affaire lorsqu'ils parlent avec le Canada. Est-ce qu'il s'agit d'un pays qui est uni ad vitam aeternam ou est-ce que c'est un pays qui verra, dans les prochains mois ou les prochaines années, un nouveau référendum sur la souveraineté et, éventuellement, l'émergence d'un nouveau pays souverain sur la scène internationale? Je pense que c'est inévitablement le genre de question qu'on vous pose.

J'aurais deux questions par rapport à ces commentaires préliminaires. D'abord, lorsqu'ils vous posent des questions sur la souveraineté ou sur le dernier référendum - et je ne doute pas de votre objectivité - , êtes-vous en mesure de leur tracer un portrait assez fidèle de ce qui se passe, à savoir qu'il y a effectivement un mouvement qui représente à peu près 50 p. 100 de la population, ou si vous dites simplement que les gens ont mal compris la question et que cela ne devrait pas se représenter dans le futur? Ou est-ce qu'on dit qu'on essaie de régler ces problèmes à l'interne, de telle sorte que le Canada demeure uni? Je ne sais pas trop ce que vous leur répondez.

Deuxièmement, je voudrais vous poser une question plus large concernant l'Accord transatlantique, qui est très important. Où en sont, à ce jour, les négociations sur l'Accord transatlantique? Par ailleurs, compte tenu de la clause dont on a convenu, de quelle façon les provinces, particulièrement le Québec, sont-elles associées aux négociations et éventuellement à la conclusion de l'Accord?

M. Juneau: Vous parlez de la question «nationale». J'ai simplement dit qu'il ne s'agissait pas d'une question d'actualité pour le moment. Je n'ai pas dit que cela ne les intéressait pas. Ce n'est pas à l'ordre du jour pour le moment, mais ça le deviendra peut-être plus tard. De mon côté, comme je viens d'arriver, vous comprendrez que mon programme vise les crises au fur et à mesure de leur arrivée.

Je voudrais vous faire remarquer que ce ne sont pas les Européens qui ont exigé la clause provinciale. La clause provinciale a été établie à la suite de représentations qui ont été faites par les autorités québécoises auprès du ministre des Affaires étrangères, M. Axworthy. À ce moment-là, on avait été un peu surpris de voir leurs préoccupations à cet égard, mais nous nous sommes dit qu'il devait y avoir une bonne raison. Alors, nous avons commencé à leur parler et finalement, peu après mon arrivée à Bruxelles, j'en ai parlé au délégué général du Québec. On s'est mis d'accord pour travailler sur un petit texte qui a été approuvé par les autorités ministérielles.

M. Bergeron: C'est positif.

M. Juneau: En ce qui concerne le point sur l'Accord transatlantique, je l'ai soulevé tout à l'heure lorsque vous étiez absent. Je l'ai expliqué assez précisément. Quand les gens me demandent de parler de la situation politique au Canada, je dis toujours - et j'y crois - que le Canada sera en mesure de régler ses problèmes de façon interne.

Le président: Je vous remercie beaucoup. Nous avons deux minutes pour aller en Chambre. Je vous remercie d'être venu. Je sais qu'on peut poursuivre avec vos collègues sur les questions concernant l'Union européenne. Merci beaucoup.

.1030

.1112

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Excellence, nous sommes heureux de vous accueillir ce matin. Je vous prie d'excuser la confusion, mais vous m'avez indiqué que vous avez vous-même présidé un comité, alors vous êtes bien au courant des exigences de la vie parlementaire. Les mises aux voix ont la priorité sur toute autre activité. Malheureusement, cet animal est ainsi fait.

Vos propos nous intéresseront au plus haut point, parce que notre comité, de concert avec le Sénat, a rédigé au début de son mandat un rapport sur l'orientation future de la politique étrangère canadienne. L'un des chapitres clés de ce rapport portait sur ce que nous avons appelé la culture et les valeurs, et sur leur influence sur notre politique étrangère.

Je pense que les membres du comité y voient un processus par lequel notre culture et nos valeurs canadiennes sont diffusées dans les institutions internationales, puis nous reviennent par l'entremise de ces institutions. Dans la mondialisation en cours actuellement, je pense que le rôle de l'UNESCO revêt une importance extraordinaire.

Nous sommes très heureux de vous accueillir parmi nous aujourd'hui. Je le répète, je suis désolé que tant de nos membres soient retenus à la Chambre, mais je vous souhaite la bienvenue au comité et je vous remercie d'avoir pris le temps de venir nous voir.

Son Excellence M. Federico Mayor (directeur général, Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO)): Monsieur le président, je me sens chez moi dans un parlement parce que j'ai eu l'honneur d'être élu au Parlement espagnol, puis, par la suite, au Parlement européen.

À titre de directeur général de l'UNESCO, je sais que les parlements sont la seule solution pour assurer notre avenir commun. C'est de cette façon que nous pouvons, par des discussions et des débats, redresser la situation actuelle. Il n'y a pas d'autre force que celle des mots - la force des parlements où s'expriment des gens comme vous. C'est le sens profond du parlementarisme.

.1115

Nous sommes extrêmement intéressés à promouvoir la démocratie dans le monde, parce que seul le développement durable nous permettra d'instaurer la paix dans le monde. La paix est une condition préalable. Souvent, nous trouvons tout naturel de vivre dans la paix et d'avoir droit à l'éducation, au logement, au gouvernement et à la justice. Tous ces droits s'étiolent cependant quand n'existe pas ce climat de liberté dans lequel les hommes et les femmes peuvent s'exprimer.

On dit très souvent que ce qui importe, c'est l'empire de la loi. Ce n'est pas vrai, parce que la loi peut ne pas être juste. Je me rappelle très bien qu'au cours de notre siècle il y a eu, précisément en Europe, un empire de la loi dans lequel les plus belles lois étaient injustes, parce que les gens ne pouvaient pas s'exprimer. Par conséquent, les lois ne peuvent être justes que si l'on est libre de s'exprimer, que si tous les citoyens peuvent participer.

Je tiens à déclarer qu'une démocratie ne devient une démocratie véritable que dans la mesure où tous les citoyens participent. Il y a tant de pays où les gens ne sont pas préparés. Ils n'ont pas eu accès à l'éducation. Leur participation est donc très limitée. En tant que citoyens, nous devons dire: je participe, donc je suis. Si je ne participe pas, je n'existe pas en tant que citoyen. On me compte dans les sondages et aux élections, mais je ne compte pas pour mon pays.

Tout cela pour vous dire à quel point je me sens chez moi. Je suis heureux de me retrouver dans un parlement, parce que nous ne pouvons avoir une démocratie que dans la mesure où tous les citoyens sont pleinement représentés dans un parlement. Si nous faisons appliquer ces principes de la démocratie, nous aurons un développement durable, moins asymétrique.

Il existe actuellement un grand fossé, creusé par l'extrémisme, le fondamentalisme et le terrorisme. L'écart entre les riches et les démunis est si grand que nous devons tout faire pour le combler et la seule façon d'y parvenir consiste justement à instaurer la démocratie dans le monde.

À l'UNESCO, nous avons étudié les racines des conflits, parce que nous faisons partie du système des Nations unies visant à bâtir la paix grâce à un développement endogène, à l'éducation, à la science, à la culture et à la communication. Nous devons atteindre cet objectif, de façon à ce que tous les citoyens soient des citoyens à part entière et ne soient pas exclus.

Quelles sont les causes de l'exclusion? Quand nous nous sommes penchés sur la question, nous avons constaté qu'il y a des causes économiques, sociales et culturelles, ainsi que des causes liées au sexe - très importantes dans certains pays - et à l'éducation.

Nous nous rendons compte que, dans le système d'éducation structuré, bien des gens sont exclus dès qu'ils y ont passé cinq, six ou sept ans, et le train de l'éducation ne repasse plus jamais devant leur porte. Nous avons donc conclu que, pour que l'éducation s'adresse à tout le monde, il faut y avoir accès tout au long de sa vie. Car c'est la seule façon de rattraper ce train, celui qu'on a perdu parce qu'on ne vivait pas dans un village ou une ville où il y avait une école ou un établissement d'enseignement supérieur. On peut toujours rattraper ce train perdu s'il y a une éducation permanente. C'est une dimension que nous jugeons très importante.

Ces problèmes et ces défis dans le monde sont liés à la croissance démographique. Tous les jours, il y a 250 000 personnes de plus sur notre planète. C'est un vrai problème.

Aujourd'hui, nous pouvons annoncer qu'il y a déjà un déclin. Depuis le début de 1991, grâce à une éducation accrue, la croissance démographique diminue sur la planète. Ce n'est possible que par l'éducation, peu importe le contexte. Que l'on soit chrétien, musulman, juif, hindou, animiste, shintoïste ou confucianiste, peu importe la croyance, lorsque l'éducation augmente, la population, la fertilité diminuent.

.1120

Nous avons compris que ce n'est qu'en permettant à chaque femme et à chaque homme de maîtriser sa vie que nous pourrons atteindre ces objectifs très importants de modération démographique dans les années qui viennent.

En ce qui concerne l'immigration, le Canada est un pays particulièrement important au niveau mondial, à mon avis, parce que vous êtes une société multiculturelle, pluraliste, à cause des flux d'immigration. Mais nous devons faire attention, parce que ces flux d'immigration peuvent devenir cruciaux dans les années qui viennent.

En Europe, comme vous le savez, nous payons déjà le prix parce que nous n'avons pas tenu notre promesse. En 1974, dans une résolution des Nations unies, nous avons déclaré aux pays du monde entier que nous leur donnerions 0,7 p. 100 de notre PIB pour promouvoir leur développement endogène. De nos jours, il pourrait même y avoir des clients dans ces pays, mais la qualité de vie dans les régions rurales est très déplorable. Ce n'est que par l'éducation qu'on peut accroître la capacité des régions rurales, afin que la qualité de vie augmente et que les flux d'immigration diminuent.

Nous en avons de bons exemples à l'UNESCO, tout comme à la Banque mondiale, au PNUD, à l'UNICEF et au Fonds des activités relatives à la population. Nous avons une très grande alliance depuis 1990, et nous avons choisi neuf pays. Nous appliquons notre programme dans le monde entier, mais nous avons concentré nos activités dans neuf pays. Ils représentent 72 p. 100 des illettrés de 15 à 60 ans et 53 p. 100 de la population de la planète.

Les résultats sont très bons après cinq ans d'application de ce principe de l'éducation permanente pour tous, chaque pays réorientant ses budgets. Avec un soutien externe, on peut promouvoir ou déclencher des activités, mais l'éducation est un droit fondamental. Les pays doivent réorienter leurs budgets en fonction des nouvelles priorités.

En Chine, en Inde, au Bangladesh, au Pakistan, en Indonésie, en Égypte, au Nigeria, au Brésil et au Mexique, nous essayons par cet effort d'approcher 6 p. 100 du PIB d'ici l'an 2000. Les résultats sont déjà très encourageants. Il y a une baisse des flux d'immigration dans ces pays, une baisse de la fertilité et, ce qui est très important à mon avis, une amélioration de la qualité de vie dans les régions rurales.

Il faut acquérir de manière intensive des compétences dans leur propre langue, parce que la langue est un autre problème. Parfois, nous faisons passer l'alphabétisation avant les compétences. Nous devons changer cette attitude et faire passer les compétences avant l'alphabétisation, si possible, dans leur propre langue. Nous devons offrir une éducation multilingue.

Là encore, le Canada est un bon exemple pour nous, comme vous l'êtes par votre vision globale des problèmes mondiaux. Pendant la plus grande partie de ma vie, je suis allé dans les pays les plus pauvres au monde et je peux vous assurer que vous avez bonne réputation. Le Canada a une bonne réputation parce que vous croyez que la paix et la sécurité n'existeront pas au Canada si vous ne tenez pas compte de la paix et de la sécurité dans d'autres régions du monde.

À mon avis, dans les années soixante, soixante-dix et quatre-vingt, le monde ne portait attention qu'à la croissance économique. La stratégie du développement international, approuvée tous les dix ans aux Nations unies, a toujours reposé sur la croissance économique. Elle reposait d'abord et avant tout sur la croissance économique.

Les idées actuelles dans la stratégie du développement de 1990... Nous avons travaillé très fort. Personnellement, j'y ai mis beaucoup d'énergie. Pour la première fois, il y a deux autres piliers en plus de la croissance économique: le soulagement de la pauvreté et les ressources humaines. Cela veut dire l'éducation - l'éducation par les médias, l'éducation pour atteindre ceux qui ne l'ont jamais été et pour inclure les exclus. Ce sont les deux très grands facteurs qui, selon moi, peuvent corriger certaines tendances actuelles.

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Ce sont quelques facteurs que je pourrais vous décrire brièvement. Je connais les problèmes que vous éprouvez aujourd'hui parce que vous devez voter en même temps que vous poursuivez vos travaux. Je vous répète que j'ai déjà vécu la même situation au Parlement espagnol et je sais que les événements de tous les jours au Parlement chambardent parfois les plans de la journée.

Je suis très heureux de vous laisser un rapport très récent. Il s'agit du rapport de la commission présidée par l'ancien président de l'Union européenne, M. Jacques Delors. Il est très important parce que nous sommes ici pour apprendre ensemble. C'est l'un des aspects les plus importants de cette fin de siècle.

Voici le rapport de la Commission Javier Perez de Cuellar sur la culture. Lui aussi est très important. Le Canada peut transmettre ses valeurs et son caractère distinctif à cause de son multiculturalisme. C'est très important.

J'ai aussi un examen des réformes que j'ai proposées à l'UNESCO, afin que l'UNESCO puisse être un vrai instrument de paix au niveau mondial.

Je vous laisserai tous ces documents.

Le président: Merci beaucoup.

Je vous suis très reconnaissant de votre compréhension. Vous savez bien que le problème de la mise aux voix ne porte nullement atteinte au respect que nous avons envers vous ou envers votre institution. Il s'agit tout simplement des exigences de la vie parlementaire. Nous devrons vraiment interrompre nos travaux, parce que notre whip insiste pour que nous allions voter cette fois-ci.

Excellence, j'aimerais déclarer en terminant que nous veillerons à ce que tous les membres du comité reçoivent le compte rendu de votre déclaration. Elles vont dans le droit fil de ce que nous essayons de réaliser au sein de notre comité. Nous sommes très sensibles au fait que les affaires étrangères et le commerce international sont liés de manière inextricable à la culture, à la connaissance et à l'éducation. Nous débattons régulièrement d'un grand nombre de questions que vous avez soulevées et nous sommes privilégiés d'avoir pu vous accueillir parmi nous aujourd'hui.

Merci beaucoup d'être venu.

M. Mayor: Très bien. Si vous le voulez, je peux peut-être vous envoyer de Paris un résumé de ce que j'avais l'intention de dire en détail.

Le président: Ce serait utile.

M. Mayor: Vous pourrez le distribuer aux membres du comité.

Le président: Ce serait formidable. Merci beaucoup.

M. Mayor: Avant de partir, j'aimerais vous remettre cette très belle médaille de l'UNESCO.

Le président: Merci beaucoup, monsieur.

M. Mayor: L'un des monuments que nous avons restaurés est le Parthénon, à Athènes. Vous avez ici une très belle cariatide qui soutient le Parthénon sur sa tête.

Le président: N'y voyez pas d'allusion politique, cela n'a rien à voir avec la partie de la frise du Parthénon conservée au British Museum. Je n'y vois rien de politique.

Des voix: Ah, ah!

M. Mayor: Non, rien de politique.

Le président: Nous avons un petit cadeau, que je vous ferai parvenir.

Merci d'être venu, excellence.

La séance est levée.

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