[Enregistrement électronique]
Le jeudi 28 novembre 1996
[Traduction]
Le président: Nous allons maintenant passer à la mission de la Force de mise en oeuvre du plan de paix (IFOR).
Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui le contre-amiral King. Je vous remercie d'avoir accepté de revenir au comité, contre-amiral. Vous êtes accompagné du capitaine Brown et deM. Court. Je vous remercie d'être venus, messieurs.
Avez-vous l'intention de faire un exposé vous-même, distinct de celui du ministre, ou voulez-vous passer aux échanges de vues?
Je signale aux membres du comité qu'un projet de résolution a été distribué. M. English voudrait commenter le texte. Je pense qu'il vaut mieux avoir quelque chose sous les yeux pour alimenter les échanges de vues, au lieu de tenir une discussion tous azimuts. Nous pourrons ainsi nous concentrer sur des propositions précises.
Vouliez-vous ajouter quelque chose, monsieur Bergeron?
[Français]
M. Bergeron (Verchères): J'ai deux questions. La première est de savoir si le secrétaire parlementaire sera présent pour nous présenter une résolution. Je vois que M. English agit en lieu et place du secrétaire parlementaire et, au nom du gouvernement, nous remet bien aimablement la proposition de résolution que nous avons sous les yeux actuellement.
Deuxièmement, avons-nous défini un cadre pour le déroulement du débat ou est-ce qu'on y va comme à l'habitude? Est-ce qu'on reprend un peu le modèle que nous avions utilisé en juin pour Haïti?
Le président: Je proposerais qu'on permette à M. English de présenter sa motion et, à ce moment-là, je donnerai aux députés de l'opposition l'occasion de répliquer, comme on l'a fait en juin dans le cas d'Haïti.
M. Bergeron: Des questions et réponses.
Le président: Des questions et réponses. N'oublions pas que nous avons la chance d'avoir avec nous nos experts, mais à un certain moment, s'ils n'étaient plus nécessaires pour les délibérations du comité, je suis certain qu'ils auraient d'autres choses à faire. On ne veut pas les retenir ici pendant un long débat si on n'a pas besoin d'eux.
Nous avons aussi avec nous Mme Parrish, qui s'est rendue à Bruxelles et à Paris pour la réunion de l'OTAN la semaine dernière.
[Traduction]
Mme Parish (Mississauga-Ouest): Je suis aussi allée en Bosnie en septembre.
[Français]
Le président: Elle s'est aussi rendue en Bosnie récemment. Donc, elle ajoute à sa perception intellectuelle toujours très pertinente une récente expérience en la matière.
[Traduction]
Monsieur English.
M. English (Kitchener): Merci, monsieur le président.
Avec la permission des membres du comité, je vais m'abstenir de lire le texte que je présente. Il est assez long. Entendons-nous, si vous le voulez bien, pour dire que le texte a été distribué et que tout le monde en a un exemplaire.
La résolution reprend le témoignage antérieur du ministre à propos de l'IFOR. On y trouve certaines recommandations précises; notamment la création d'une force de deuxième échelon pour succéder à la mission actuelle. Je ne développerai pas les motifs exposés par le ministre puisque de toute façon les témoins d'aujourd'hui pourront le faire de façon plus détaillée.
Deuxièmement, il est question de collaboration et de certaines des questions soulevées par l'opposition et d'autres membres du comité lors des échanges qui ont suivi l'exposé du ministre. Je pense en particulier au point 4 relatif aux crimes de guerre. Pour ce qui est des autres questions qui ont été soulevées, il est fait mention des limites du mandat et du risque opérationnel.
Il n'y a pas lieu pour moi, je crois, d'ajouter quoi que ce soit d'autre pour l'instant. Nous pouvons débattre de la motion, comme il l'a été suggéré par M. Bergeron tout à l'heure et par vous-même, monsieur le président. Merci.
Le président: Comme le contre-amiral King et ses collègues sont ici, j'aimerais demander à mes collègues s'ils ont des questions précises - qui font peut-être suite à la rencontre précédente - qu'ils aimeraient poser à nos experts avant de lancer la discussion entre nous.
Monsieur Paré.
[Français]
M. Paré (Louis-Hébert): J'ai simplement une question portant sur un mot du deuxième considérant. On dit:
- Considérant que la Présidence collégiale de Bosnie a fait savoir qu'elle approuvait...
- En ce qui a trait à «approuvait», subit-elle, est-elle contente ou a-t-elle demandé? Y a-t-il eu
une demande de la part de la Présidence collégiale ou si elle tolère la présence d'une force? Pour
moi, il est important qu'on ait une vision là-dessus.
Le président: Monsieur Court.
[Français]
M. Charles Court (analyste de la politique de l'OTAN, Direction des relations de sécurité et défense pour l'Amérique du Nord et de région Euro-Atlantique, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Lors de la conférence à Paris, il y a une semaine, le président de la Bosnie-Herzégovine a indiqué qu'il souhaitait une présence militaire internationale.
M. Paré: Il la souhaite.
M. Court: Il la souhaite.
[Traduction]
M. Assadourian (Don Valley-Nord): En ce qui concerne la deuxième question soulevée par mon collègue, je vous renvoie au projet de résolution. Il est question d'une force sous commandement de l'OTAN composée de contingents membres de l'OTAN et d'autres non-membres. J'aimerais savoir s'il y a en Bosnie, sous commandement de l'OTAN, des contingents de pays qui n'appartiennent pas à l'OTAN. Est-ce que c'est normal? Est-ce ainsi que cela se fait?
Cam J. King (sous-ministre adjoint associé, Politiques, ministère de la Défense nationale): Monsieur le président, ce n'est pas normal. Un des aspects authentiquement impressionnants de la mission de l'IFOR - et cela a un lien avec tout le débat sur l'élargissement de l'OTAN - c'est que nous avons réussi à rassembler des pays aux vues semblables aux nôtres, y compris une dizaine qui n'appartiennent pas à l'OTAN, et qui sont rassemblés sous le commandement de l'OTAN et qui dans l'ensemble suivent les procédures et la doctrine de l'Organisation dans l'exécution de la mission et, évidemment, dans le cadre du mandat de l'ONU.
M. Assadourian: Merci.
Le président: Contre-amiral King, parmi les non-membres de l'OTAN, il y a des Russes et des Tchèques, je crois, mais y en a-t-il d'autres?
Cam King: Oui. Je vais demander au capitaine Brown de vous les désigner, puisqu'il le sait mieux que moi, je crois. On m'a dit qu'il y a à peu près 17 pays qui participent à la mission actuelle et qu'il y en aurait une dizaine dans la force de deuxième échelon.
Effectivement, il y a des Russes et des Tchèques. Le plus étonnant, je crois, c'est qu'il y a environ 2 000 soldats russes sous commandement américain, car il va sans dire que les États-Unis n'auraient accepté rien de moins. Ils effectuent des patrouilles conjointes jusqu'au niveau le plus bas; soldats russes et américains travaillent ensemble quotidiennement. Il en va de même pour les autres, comme les Tchèques.
Le président: Vouliez-vous ajouter quelque chose, capitaine Brown?
Capt B.R. Brown (ministère de la Défense nationale): Parmi les autres pays, il y a la Malaysia et l'Egypte. Il y a bien sûr les Russes et il y a eu les Polonais et les Estoniens. Chacun des pays baltes a contribué des troupes à ce qui constitue une organisation multinationale sous la direction des pays nordiques.
Comme le disait l'amiral, il y a entre 12 et 14 autres pays qui contribuent à cet effort et la plupart d'entre eux ont fait savoir qu'ils souhaitaient participer à une nouvelle mission, si le besoin s'en faisait sentir.
Le président: On peut donc dire que les éventuels problèmes opérationnels, causés par la langue ou le matériel, ont été réglés. De l'extérieur, cela ressemble à une tour de Babel, mais j'imagine que les problèmes opérationnels ont été en grande partie réglés jusqu'ici, n'est-ce pas?
Capt Brown: Oui, les formations de haut niveau ont fourni des officiers de liaison aux formations du niveau inférieur pour régler les problèmes linguistiques. Par exemple, dans le secteur canadien, là où nous commandons une brigade dans laquelle il y a des Tchèques, nous avons un certain nombre d'officiers canadiens qui assurent la liaison avec la brigade tchèque. On leur a expressément confié des tâches de communication pour veiller à ce que les commandements soient correctement traduits et transmis tout au long de la chaîne de commandement.
Le président: Voilà qui est intéressant.
[Français]
Monsieur Bergeron.
M. Bergeron: J'ai une question très technique.
D'abord, serait-il possible d'obtenir la liste complète et exacte des 33 pays qui participent à la mission?
Ensuite, j'aimerais savoir si parmi les pays qui participent à la mission, il y en a beaucoup qui contribuent plus que le Canada en termes d'effectifs et, si oui, lesquels et pour combien.
Ensuite, j'aimerais savoir s'il est toujours vrai que le Canada n'est pas membre du comité de liaison.
M. Court: Le groupe de contact?
M. Bergeron: Le groupe de contact, oui.
Le président: On a reçu ce document-là mardi dernier. Si vous voulez l'avoir, il contient une liste de tous les participants.
[Traduction]
Capitaine Brown, pourriez-vous nous dire où se situe la contribution du Canada dans ce contexte?
[Français]
Capt Brown: Je peux confirmer que nous ne sommes pas membre du groupe de contact.
Parmi les autres pays, il y a le Portugal, qui compte environ le même nombre de soldats que nous, et l'Espagne et la Turquie qui comptent environ 1 500 soldats chacun. En ce qui a trait à la République tchèque, elle a presque 800 soldats.
M. Bergeron: Capitaine Brown, combien de soldats le Canada compte-t-il?
Capt Brown: Nous en avons 1 030.
Le président: La GRC est-elle toujours présente dans l'ancienne Yougoslavie?
Capt Brown: Très peu.
Le président: Très peu. À certains moments, il y avait quelque 60 membres de la GRC, je crois.
M. Court: Il y avait, à un moment donné, à peu près 100 membres de la Gendarmerie royale, mais actuellement, il s'agit d'une très petite équipe.
[Traduction]
Cam King: Il y a également aussi des agents de la GRC qui prêtent leur concours à la Force internationale de police, qui relève de l'OSCE, dans la même mission. On me dit qu'il y en a cinq.
[Français]
M. Bergeron: Donc, de façon bien évidente, à moins que j'aie mal suivi, il n'y a pas de pays qui contribuent plus en termes de troupes que le Canada.
Cam King: Non. Je pense qu'en ce qui a trait aux pays de l'OTAN, le Royaume-Uni et la France comptent à peu près 10 000 soldats et les États-Unis, 17 000. Pour ce qui est des autres pays, ils en ont à peu près le même nombre que le Canada.
Pour les autres nations, la Malaisie compte à peu près 1 500 personnes, la Nouvelle-Zélande, 12 et l'Ukraine, 400. Tous ces pays ont moins de soldats que le Canada.
M. Bergeron: C'est un peu cela que je voulais dire, monsieur le président. Serait-il possible d'obtenir des données précises là-dessus?
Le président: D'accord. On va obtenir les chiffres sur la participation.
[Traduction]
Monsieur Flis.
M. Flis (Parkdale - High Park): J'imagine que nous n'examinons pas seulement le prolongement de la participation canadienne à l'IFOR, mais aussi l'élargissement de l'OTAN.
Le président: Pas cet après-midi. On ne fera pas les deux. Nous allons d'abord nous occuper de l'IFOR, puis nous passerons à l'OTAN.
M. Flis: Pendant que les témoins sont ici, j'en profite pour citer l'avis de convocation, qui dit bien que conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous sommes ici pour procéder «à un examen de la participation du Canada à la mission IFOR en Bosnie et à un examen de l'expansion de l'OTAN».
Le président: C'est vrai. Nous pensions aborder la deuxième question si nous pouvions régler la première, mais non faire les deux en même temps. Si cela convient aux membres du comité, je crois que c'est préférable.
M. Flis: Ma question porte sur l'élargissement de l'OTAN. Dans ce cas, continuons donc le débat sur l'IFOR.
Le président: M. Morrison et Mme Debien.
M. Morrison (Swift Current - Maple Creek - Assiniboia): Monsieur le président, au stade où nous en sommes de nos délibérations, pouvons-nous passer à l'examen de la résolution ou préférez-vous attendre?
Le président: J'essayais de voir si des questions allaient être posées à nos témoins, parce que s'il n'y en a pas, j'allais proposer au comité que nous les libérions. Ce sont des gens occupés et il n'est pas utile de les laisser assister à nos discussions si leur présence n'est pas nécessaire. Si les membres du comité pensent qu'ils peuvent contribuer au débat, je veux bien les inviter à rester. Je ne voulais pas passer au débat avant d'avoir terminé la période des questions.
Je pense que Mme Debien veut poser une question. Après quoi nous pourrons peut-être passer...
[Français]
M. Bergeron: Si je peux me permettre un commentaire là-dessus, on se souviendra que tout au long du débat sur Haïti, la présence de M. Cousineau auprès de nous avait été très importante. Il nous a fourni des données au fur et à mesure du déroulement du débat. Je ne sais pas si nos témoins doivent rester, mais on pourrait au moins avoir une ressource pour aider M. English dans la défense de la résolution du gouvernement.
Le président: Je n'y vois pas d'objections.
[Traduction]
M. Assadourian: Avez-vous besoin de quelqu'un pour vous défendre?
[Français]
M. Bergeron: Pas pour le défendre, lui. Il y a une nuance.
Le président: Madame Debien.
Mme Debien (Laval-Est): J'ai une question technique.
Dans le dépliant qu'on nous a remis, on décrit très bien, à la page 2, le mandat et le rôle des troupes canadiennes actuellement en Bosnie. C'est en relation avec le résolution, où on dit, à la page 1, au premier paragraphe:
- 1) Que le Canada souscrive à la création d'une force de deuxième échelon...
Je m'excuse de ne pas connaître le vocabulaire militaire, mais est-ce l'équivalent de la description qu'on fait à la page 2 du feuillet? Qu'est-ce qu'une force de deuxième échelon?
Je reprends. Dans le petit dépliant, à la page 2, au quatrième paragraphe, on définit le mandat et le rôle actuels de l'IFOR. On assure des services de communication, de reconnaissance, de logistique, etc. D'accord?
La résolution gouvernementale, en bas de page 1, dit:
- 1) Que le Canada souscrive à la création d'une force de deuxième échelon pour succéder à la
mission en cours de l'IFOR;
- Qu'est-ce qu'une force de deuxième échelon?
Des voix: Ah, ah!
Le président: Cela n'a rien à voir avec la terminologie militaire, si je comprends bien. C'est plutôt une question de traduction. En anglais, c'est follow-on force. Je ne suis pas certain que ce soit une bonne traduction.
Mme Debien: Il faut le savoir.
Le président: La question est très légitime. Je crois que c'est une traduction un peu...
Mme Debien: Pour le moins.
Le président: Si j'ai bien compris, il n'y a rien de technique dans le terme «force de deuxième échelon».
[Traduction]
Madame Parrish.
Mme Parrish: J'aimerais faire une observation avant de poser ma question.
J'étais en Bosnie en septembre comme observatrice de la consultation électorale. On nous avait très bien préparés et mis en garde contre les mines terrestres antipersonnel. Je dois dire que le film dont on se sert pour l'instruction, le film canadien, doit être refait. Il est magnifique, mais il a été projeté tant de fois que la pellicule casse et que les couleurs sont délavées. Je pense que nous avons les moyens de leur en envoyer un autre.
Nous sommes très respectés là-bas pour les compétences de nos artificiers et de nos démineurs. Si le Canada devait se retirer de la mission, y a-t-il suffisamment de soldats qui pourraient prendre la relève ou sommes-nous toujours les experts?
Cam King: Tout le monde a certaines compétences dans ce domaine, en fonction du type de matériel employé sur divers théâtres. Notre atout, c'est le large éventail de situations auxquelles nous avons été confrontés, qu'il s'agisse de l'Afghanistan ou du Cambodge ou, comme vous le savez sans doute, de notre vaste expérience en Bosnie.
L'élimination des mines terrestres antipersonnel est l'une de nos plus grandes priorités en matière de recherche et de développement, et nous continuons d'y travailler. Le problème est si vaste là-bas que si nous partions, il y aurait un groupe très expérimenté de moins pour participer à l'effort collectif. Je n'irais pas jusqu'à dire que nous sommes les seuls experts dans le domaine, mais nous nous rangeons parmi les meilleurs.
Mme Parrish: Monsieur le président, au cas où vous décideriez de libérer les témoins, je tiens à les féliciter à nouveau. Nos soldats sont très bien vus là-bas. On dit toujours du bien de notre efficacité et de notre amabilité.
J'étais très fière de vous, là-bas. Je suis très fière d'être Canadienne.
Capt Brown: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose.
Mme Parrish: Vous êtes fier d'être Canadien vous aussi?
Capt Brown: Non, je voulais répondre à votre première question. Le film a été remplacé. Il a été transféré sur CD-ROM...
Mme Parrish: Merci.
Capt Brown: ... et maintenant toute l'instruction est disponible sur CD-ROM dans les théâtres d'opération.
Mme Parrish: La pellicule était vraiment très vieille.
Le président: Capitaine Brown, je pensais que vous alliez profiter de l'occasion pour dire combien vous étiez fier des parlementaires qui se sont rendus là-bas et que l'on pourrait conclure une sorte d'accord de réciprocité.
Capt Brown: J'ai raté ma chance, monsieur le président, je m'en excuse.
Le président: Monsieur Flis.
M. Flis: Au début du texte que l'on nous a donné sur l'IFOR, il est dit que le Canada participe sans réserve aux efforts internationaux destinés à instaurer une paix durable dans l'ex-Yougoslavie et à venir en aide aux victimes du conflit.
Beaucoup des victimes ont des séquelles physiques et psychologiques des traitements que leur ont infligés des criminels de guerre. Nous avons constitué un tribunal pénal. Quelles instructions le Canada a-t-il données à ses forces de maintien de la paix? Si, dans son travail de maintien de la paix et d'aide aux victimes, un soldat reconnaît un criminel de guerre dont la culpabilité a été établie, que fait-il? Est-ce qu'il l'arrête? Est-ce qu'il le signale à son supérieur?
Il faut mettre en pratique ce que l'on dit en pareil cas.
Cam King: Merci, monsieur le président.
Je pourrais peut-être d'abord vous dire où nous en sommes et vers quoi nous nous dirigeons.
À l'heure actuelle, il n'a pas été accepté de poursuivre de façon active les criminels de guerre aux termes des accords de Dayton ou conformément au mandat de l'IFOR. Cela ne signifie pas que les forces sur place n'apportent pas tout leur concours à la Force internationale de police et aux corps policiers locaux dans l'exécution de ce mandat, mais ils ne participent pas directement et activement à l'arrestation des criminels de guerre.
Même si, aux termes du nouveau mandat, on ne fera ni l'un ni l'autre, le Canada, commeM. Axworthy l'a dit, collabore vigoureusement avec ses alliés en périphérie pour voir à ce que les militaires canadiens, ainsi que tous ceux qui sont là, participent le plus activement possible à l'effort global de poursuite des criminels de guerre.
Autrement dit, dans toute la mesure du possible, nous participons indirectement à cet effort, soit en signalant les mouvements de ces personnes, en les identifiant s'ils sont aperçus à certains endroits ou, comme je l'ai dit, en n'apportant pas les secours qui iraient normalement dans les zones connues pour abriter des criminels de guerre.
M. Axworthy a dit, je crois, que dans la mesure du possible, nos compatriotes allaient faire tout en leur pouvoir pour leur rendre la vie difficile, ce qui devrait favoriser la poursuite de ces individus. Toutefois, nous n'irons pas jusqu'à participer activement à ce qui est essentiellement une activité policière.
M. Flis: Merci.
Le président: Monsieur Morrison.
M. Morrison: Amiral King, j'aimerais poursuivre dans cette veine un instant.
Qu'arrive-t-il si ces gens-là vous tombent entre les mains, à un poste de contrôle, par exemple? Mettons que le type est juste devant vous et vous savez qu'il s'agit d'un criminel de guerre qui a été condamné. Que faites-vous? Ou, à un niveau plus bas, que faites-vous si quelqu'un va voir un de vos soldats et dit: «Il y a un type dans cette maison là-bas qui a assassiné ma famille. Je vais l'identifier pour vous. Je sais qui il est. Il n'y a personne qui le protège actuellement. Vous n'avez qu'à le ramasser.» Que faites-vous?
Cam King: Encore une fois, monsieur Morrison, sans préjuger la décision que l'OTAN prendra quant à son mandat final, ce qui est envisagé du côté canadien - et Charles, intervenez si je me trompe - c'est que toute l'aide possible sera accordée à la police, à qui il revient d'appréhender les criminels de guerre. Autrement dit, les militaires qui recevraient de l'information concernant un criminel de guerre avéré vont collaborer avec la police, leur transmettront l'information qui leur a été communiquée. Ce que cela veut dire, c'est qu'ils n'iront pas jusqu'à prendre des mesures pour appréhender eux-mêmes ces individus.
M. Morrison: Même s'ils sont entre vos mains?
Cam King: Oui.
Le président: Mais vous allez prévenir la police.
Cam King: Oui.
M. Court: Au cours des 11 derniers mois, pendant la présence de l'IFOR là-bas, beaucoup de choses ont été faites pour séparer les forces et stabiliser la situation pour faire de la paix une réalité. Pendant cette période, les habitants ont fini par croire que la paix était redevenue une réalité quotidienne.
L'IFOR a fait énormément pour éviter tout acte propre à rompre l'équilibre et a donc usé de beaucoup de modération vis-à-vis des criminels de guerre, parce qu'il s'agit d'une question très délicate.
Aujourd'hui, nous connaissons la stabilité. Il n'y a eu aucun acte de guerre depuis un an. Le ministre est convaincu, comme M. Flis l'a dit, que la réconciliation exige de cicatriser les blessures et d'apaiser les craintes créées par les actes commis par des individus qui ont été trouvés coupables, et nous voulons aujourd'hui isoler ces individus.
S'ils travaillent dans un gouvernement local, nous voulons attirer l'attention sur ce fait. Nous disons qu'il n'est pas possible que cette personne fasse partie du gouvernement local et que la communauté reçoive des crédits pour sa reconstruction ou d'autres travaux, réalisés par nos forces ou par d'autres. Pour faire ce que vous recommandez, pour permettre aux soldats en patrouille de reconnaître les criminels de guerre, de dire que l'individu est là, qu'il a toujours été là... Dire à la police serbe qu'il est là et qu'il doit sortir; qu'il ne peut plus se cacher. Il doit être arrêté et traduit devant un tribunal. Ça s'appelle resserrer les mailles du filet et commencer à les isoler et à les déloger.
À mesure que les gens s'habituent à la paix, cela devient leur mode de vie, et ces individus deviennent des sources de problèmes pour eux. Comme ils les identifient à l'oppression et aux privations, ils commenceront à coopérer.
Cam King: Mon personnel vient tout juste de m'apprendre qu'il existe un protocole d'entente entre les forces actuelles de l'IFOR et la Force internationale de police. Ainsi, si un criminel de guerre se trouve en présence de nos forces, il pourrait arriver qu'il soit détenu par celles-ci jusqu'à ce que la Force vienne le prendre en charge.
Nous allons examiner cela et vous faire rapport pour que vous sachiez exactement ce que renferme le protocole d'entente.
Le président: La Force internationale de police est le tribunal international chargé de... Autrement dit, c'est l'organe d'exécution du tribunal.
Cam King: C'est exact.
M. Morrison: Si vous l'avertissez de la présence de criminels de guerre, a-t-elle la capacité d'intervenir concrètement?
Cam King: Je pense que c'est l'un des problèmes liés au processus. Cet organe ne compte que 2 000 personnes qui ne sont pas lourdement armées, si tant est qu'elles le soient. Dans la plupart des cas, cela cause certainement un problème.
Le président: Cependant, j'en déduis de votre réponse qu'à mesure que sera restaurée la société civile, cette opération s'intensifiera. On ne peut permettre que ce volet de l'opération entrave la réalisation de l'objectif ultime, qui est d'établir les paramètres de base de la paix et de la sécurité dans la région.
Cam King: En tant que Canadiens, nous sommes extrêmement sensibles à l'importance qu'il y a de maintenir une approche équilibrée entre les ex-parties belligérantes, entre les entités qui sont sur place. On ne saurait faire preuve de favoritisme, dans un sens ou dans l'autre. En outre, notre travail consiste à les garder séparées, et à assurer un climat stable qui permette aux agents de la paix dûment accrédités de faire leur travail comme le ferait la police.
On n'a pas recours à des soldats pour s'acquitter de cette mission. Ils n'ont pas les compétences pour le faire, et ce n'est pas ce à quoi ils devraient servir. La situation est difficile car cela complique d'autant leur mission. Voilà essentiellement pourquoi notre rôle consiste à laisser la police assumer cette tâche.
Le président: Monsieur English.
M. English: Merci, monsieur le président.
Je n'étais malheureusement pas ici lorsque M. Axworthy a comparu, mais étant donné que j'étais absent, j'ai eu la bonne idée de lire son discours ce matin. La motion dont nous sommes saisis reflète ses propos devant le comité. À ses yeux, la présence de criminels de guerre représente une menace sérieuse à la viabilité du processus de paix.
Deuxièmement, à titre de participant à l'IFOR, le Canada est tout à fait disposé à exercer des pressions pour que l'on adopte une approche «plus énergique» - pour reprendre le qualificatif que j'emploie dans la résolution - , pour appréhender les personnes accusées de crimes de guerre. Dans son témoignage, M. Axworthy a parlé de ce problème assez longuement. Il a été plutôt catégorique à ce sujet. Il n'accepte pas le genre de situation qui risque de survenir, selon M. Morrison. Cela devrait être noté.
Le président: Madame Gaffney.
Mme Gaffney (Nepean): Si nous approuvons la résolution dont nous sommes saisis aujourd'hui, et qu'elle est renvoyée aux pays participants, doit-on nécessairement en conclure que ces pays seront visés par l'élargissement de l'OTAN?
Cam King: Non, pas du tout. Il n'y a absolument aucun rapport entre les deux. Cela dit, il importe de savoir que certains de ces pays qui souhaitent l'élargissement de l'OTAN considèrent indéniablement cela comme une occasion de faire leurs preuves dans un théâtre d'opération et d'apporter de l'eau à leur moulin pour mousser leur candidature de futurs membres de l'OTAN.
J'aimerais ajouter que nous souhaitons vivement que la participation russe à cet effort de l'OTAN soit de bon augure pour nos relations futures avec ce pays dans la foulée de l'expansion de l'OTAN.
Mme Gaffney: Quant à savoir quelle position le Canada adoptera concernant l'expansion de l'OTAN et les pays qui devraient en faire partie, cela relève complètement d'un autre débat.
Cam King: Oui.
Mme Gaffney: Merci.
Le président: Chers collègues, après les questions de M. Paré, je propose que nous passions à l'étape du débat.
[Français]
Monsieur Paré, vous avez une question? Nous passerons ensuite au débat.
M. Paré: J'aimerais savoir s'il y a des relations de collaboration et de soutien entre les organisations non gouvernementales et les militaires, les organisations non gouvernementales étant là principalement pour acheminer l'aide humanitaire.
Deuxièmement, vous êtes nombreux, à l'IFOR. C'est quand même 60 000 militaires. Ces militaires sont-ils impliqués dans des travaux de reconstruction en lien avec les autorités civiles?
Cam King: En ce qui a trait à votre première question, oui, il y a une coopération entre les organisations non gouvernementales et les militaires, non seulement en Bosnie, mais dans toutes les opérations, par exemple en Somalie ou au Zaïre.
En ce qui a trait au nombre de soldats, on a commencé avec 55 000 personnes. Par la suite, dans un effort en vue de réduire le nombre de troupes, on est passé à 53 000 ou 51 000. Pour la SFOR, le successeur de l'IFOR, le plan prévoit à peu près 35 000 ou 36 000 personnes.
M. Bergeron: Ces 30 000 ou 35 000 militaires, qui ne sont pas nécessairement affectés à du travail de militaire, peuvent-ils participer avec les autorités civiles à des travaux de reconstruction?
Cam King: Oui. Il y a un mandat pour l'IFOR qui précise le rôle militaire et, à l'occasion, il y a des ressources de disponibles pour poursuivre des projets dans la construction, et ils le font.
Par exemple, dans le secteur canadien, il y a un fonds de 375 000 $ pour de petits projets de reconstruction en liaison directe avec les ONG. Il s'agit de projets d'encadrement des épouses des soldats qui ont trouvé la mort dans le conflit afin de les préparer pour rentrer dans les forces de travail comme la construction des écoles, l'assistance dans des polycliniques et des centres de santé. Il s'agit toute une série de projets comme ceux-là.
C'est un programme très actif. D'autres contingents nationaux comme les Britanniques font la même chose.
M. Paré: La semaine passée, je suis allé en Haïti, et les militaires canadiens réalisaient des projets humanitaires. Cependant, ils devaient le faire pendant leur temps de loisir.
J'essaie de voir si, dans les interventions professionnelles des militaires, on reconnaît qu'ils peuvent apporter, dans le cadre de leur travail, une contribution matérielle à la reconstruction. C'est le sens de ma question.
Capt Brown: Il y a deux sortes de projets. Il y a des projets officiels et, pour cela, l'OTAN ou les Nations unies accordent un montant d'argent pour que les soldats canadiens ou ceux des autres pays puissent faire ce travail.
Il y a également de projets non officiels, comme ceux que vous avez décrits, que les soldats font pendant leur temps libre. D'habitude, ces projets portent sur les orphelinats. Les projets officiels consistent habituellement à faire des réparations aux édifices. Mais il est possible de faire les deux.
[Traduction]
Le président: Je recommanderais maintenant aux députés de passer à la phase de discussion. M. English a proposé la motion.
Nous voudrons peut-être garder les questions pour la fin, après les exposés, après les déclarations, si celles-ci peuvent se limiter à cinq minutes, comme nous l'avons fait pour le débat sur Haïti. Si nous travaillons d'arrache-pied, nous serons peut-être en mesure de voter et de terminer à 17 h 30.
Monsieur Flis, invoquez-vous le Règlement?
M. Flis: Oui. Sachant à quel point nos témoins sont occupés, est-il vraiment nécessaire de les garder ici?
Le président: Monsieur Morrison.
M. Morrison: Essayons de poursuivre nos travaux en présence des témoins. Si M. English peut poursuivre sans eux, très bien, mais s'il ne le peut pas, je m'en voudrais qu'ils passent la porte au moment où nous posons une question pertinente.
Le président: Peut-être que M. Court ou d'autres témoins pourraient rester.
M. Court: Bien sûr.
Le président: Si vous avez des engagements pressants, dites-le-nous et nous ferons de notre mieux pour vous obliger. Merci beaucoup.
Cam King: Nous resterons aussi longtemps que nous le pourrons.
Le président: Merci beaucoup, monsieur.
Monsieur Bergeron.
[Français]
M. Bergeron: Mon intervention sera brève. Je ne crois pas devoir revenir ultérieurement, à moins que se produisent des problèmes comme ceux que nous avons eus cette semaine dans le cas de la résolution sur Haïti.
D'abord, comme premier commentaire, nous sommes évidemment en accord, pour toutes les raisons que nous avons déjà définies. Au fur et à mesure que progressait la situation yougoslave et à chaque fois que nous avons été appelés à tenir des débats sur cette question en Chambre, nous avons expliqué les raisons pour lesquelles nous étions d'accord, de la même façon que nous sommes d'accord sur l'intervention au Zaïre ou en Haïti.
Lorsqu'on regarde le privilège qu'on a de vivre dans une région du monde relativement stable et aisée et qu'on voit des gens, des congénères, vivre des situations beaucoup plus difficiles, on a le devoir moral de leur venir en aide et de faire partager un peu ce privilège qu'on a par le biais de nos organisations humanitaires, de notre aide humanitaire et de nos militaires qui maintiennent la paix et qui le font toujours de façon professionnelle.
Je me surprends toujours de voir ce gouvernement, sachant qu'il peut compter sur l'opposition, faire les choses de manière à irriter l'opposition. Nous aurions pu d'emblée travailler ensemble à la rédaction d'une résolution, et c'est la raison pour laquelle je présumais que cette motion ne venait pas de M. English, mais bien du gouvernement. M. English est un gentilhomme, et je sais fort bien qu'il aurait pris la peine de discuter avec nous avant d'arriver en comité. Donc, en le voyant arriver avec une résolution toute préparée d'avance, déjà toute mâchée, déjà toute digérée d'avance, je savais fort bien qu'elle ne venait pas de lui, mais du gouvernement.
Cela dit, en dépit de l'insistance du gouvernement à vouloir susciter l'antagonisme de l'opposition, nous nous entêtons à être coopératifs lorsqu'il s'avère que les décisions qu'il prend sont tout à fait appropriées. Dans le cas qui nous intéresse, la décision nous apparaît tout à fait appropriée.
Je me réjouis de voir, au quatrième dispositif, la préoccupation de mettre la main sur les criminels de guerre. J'avais soulevé cette question auprès du ministre des Affaires étrangères lorsque nous l'avons rencontré mardi. Je ne voudrais surtout pas paraître présomptueux en présumant de quelque façon que j'ai pu suggérer cela au ministre pour qu'il l'inclue dans la recommandation. De toute façon, même si c'était le cas, il ne l'admettrait jamais.
Le président: Je présume que ce quatrième point y est précisément inclus à la suite des observations qu'ont émises les membres de ce comité, lors de la comparution du ministre.M. English le confirme.
[Traduction]
Y a-t-il des observations ou des questions que l'on veut poser à M. Bergeron à la suite de sa déclaration? Monsieur Flis.
M. Flis: J'ai examiné très attentivement chaque «considérant que» et tous les points, de un à quatre. Je pense que cela inclut le débat que nous avons eu lorsque le ministre a comparu ici, les débats antérieurs sur l'IFOR et l'OTAN et le débat d'aujourd'hui.
Je voudrais signaler à mon collègue du Bloc qu'il ne s'agit pas d'une résolution du gouvernement. Ce n'est pas la résolution de John English, c'est la résolution du comité. Voilà pourquoi nous en sommes saisis. Si vous voulez proposer des amendements, si vous voulez ajouter un point cinq ou six, allez-y, mais je pense qu'il faut qu'il soit bien clair qu'il s'agit d'une résolution du comité et qu'elle fera l'objet d'un vote.
Le président: Merci beaucoup.
[Français]
M. Bergeron: Il est très gentil de la part de M. Flis de présumer que c'est une résolution du comité. Ce ne sera vraiment une résolution du comité que lorsqu'elle aura été adoptée par le comité.
Au moment où on se parle, elle n'est pas le fruit du travail des différents membres ou des différentes formations politiques présentes à ce comité. En conséquence, je ne la considère pas comme étant une résolution préparée par M. English car, comme je le disais tout à l'heure,M. English étant un gentilhomme, je sais qu'il m'aurait donné un coup de fil avant de l'apporter au comité.
Le président: D'accord.
[Traduction]
Monsieur Assadourian, je sais que vous allez faire une déclaration au sujet d'un échange poli de...
M. Assadourian: En fait, je tiens à féliciter mon collègue d'avoir pris l'initiative de rédiger cette ébauche. Je suis sûr que chacun d'entre nous aurait pu le faire. Personnellement je ne l'ai pas fait. Mon collègue, John English, a saisi l'occasion et a rédigé cette résolution et je suis tout à fait en accord avec son principe. Si moi-même et d'autres membres du comité ne l'avons pas fait nous-mêmes, nous ne saurions blâmer nos collègues d'avoir fait preuve d'à-propos et d'efficacité au comité.
J'ai certaines réserves au sujet du numéro deux de la résolution, comme je l'ai dit tout à l'heure... On mentionne dans le préambule...
Le président: Monsieur Assadourian, je m'excuse de vous interrompre, mais la structure du débat suit le modèle de la Chambre des communes. Après avoir entendu les observations deM. Bergeron et les observations et questions qui en découlent, nous donnons la parole à un autre intervenant. J'allais donner la parole à M. Morrison, et ensuite, à un représentant du gouvernement. De cette façon, nous suivrons la procédure de la Chambre des communes. Je pense que vous êtes sur le point de vous lancer dans des observations de fond vous-même. Vous figurez sur ma liste d'intervenants. Pourrais-je vous demander d'attendre votre tour?
M. Assadourian: D'accord.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Morrison.
M. Morrison: Merci, monsieur le président.
Ce qui m'inquiète le plus dans cette résolution, ce n'est pas tant ce qui y figure que ce qui n'y figure pas. J'aimerais obtenir certains renseignements au sujet des délais proposés: quand allons-nous commencer? Quand allons-nous finir? Combien de personnes envisageons-nous d'envoyer pour la deuxième phase? Quelle sera leur tâche une fois arrivées là-bas? Et combien cela va-t-il coûter? Autrement dit, j'aimerais avoir certains détails pratiques. Comment se traduira cette résolution dans les faits? N'importe qui peut répondre.
M. English: Peut-être les témoins pourraient-ils...
Cam King: Je pourrais peut-être répondre à cette question. Nous envisageons de créer une force de deuxième échelon. Permettez-moi de vous en faire la description: environ 1 200 soldats, un escadron de reconnaissance, trois compagnies d'infanterie mécanisée, une compagnie de soutien au combat, qui compte environ 145 soldats armés de mortiers et d'armes antichar, un escadron de génie de campagne, un hôpital de campagne, un élément de soutien national pour fournir du ravitaillement et un peloton de police militaire.
À l'heure actuelle, notre organisation compte un peu plus de 1 000 personnes et consiste surtout à fournir des quartiers généraux ou un élément de commandement dans la division. Il va de soi que nous réduisons maintenant tout l'effectif en Bosnie. Nous envisageons donc une entité qui s'apparenterait davantage à une brigade d'armée. Au sein de cette brigade, dans ce cas-ci, nous ne fournirions pas d'éléments de quartiers généraux - cela serait probablement fourni par les Britanniques - mais plutôt l'un des groupements tactiques qui en relèveraient. Il y aurait probablement deux autres pays participants. Peut-être la Tchécoslovaquie et les Pays-Bas et peut-être des soldats de la Malaysia. Évidemment, il faut régler tous ces détails. Mais voilà le genre d'organisation que nous envisageons à la suite des discussions préliminaires avec nos alliés.
Nous pensons assumer essentiellement le même mandat et les mêmes tâches qu'à l'heure actuelle, c'est-à-dire surveiller les déplacements des gens, assurer le maintien de la ligne de démarcation entre les entités et fournir le soutien nécessaire pour établir un environnement sûr, comme nous l'avons fait pour la tenue des élections précédentes. Évidemment, si des élections municipales devaient avoir lieu, nos effectifs seraient là pour s'assurer que tout fonctionne bien, ce qui ne veut pas dire qu'ils organisent les élections comme telles, mais ils s'assurent que les gens peuvent circuler librement pour participer au processus électoral.
En ce qui a trait à l'échéancier, pouvez-vous nous en dire plus long? Quelle est la date précise?
Capt Brown: Si cela était approuvé, le créneau pour la rotation de notre personnel serait de la première semaine de janvier au 15 janvier. Les soldats stationnés là-bas rentreraient alors au pays. Ils arriveraient ici aux alentours de la troisième semaine de janvier.
M. Morrison: Pendant combien de temps encore serons-nous en Bosnie? C'est cela que je veux savoir, et non pas la date du début de la rotation.
Cam King: En ce qui nous concerne, si l'on se fonde sur la planification et les entretiens que nous avons eus avec nos alliés, on parle d'un mandat d'environ 12 mois. Certains alliés, notamment les États-Unis, proposent que ce mandat soit prolongé jusqu'à 18 mois. Je pense que notre position serait d'appuyer en principe l'idée d'un mandat de 18 mois, sans signer pour autant d'engagement au-delà de 12 mois. En effet, comme le ministre Axworthy l'a dit l'autre jour, compte tenu de nos engagements en Haïti et possiblement en Afrique centrale, il nous serait difficile de rester au-delà de l'année prochaine. Mais chose certaine, nous serions tout à fait disposés à nous engager pour l'an prochain et nous planifions de le faire dès maintenant.
Le président: Puis-je faire suite à cette question, monsieur Morrison?
Amiral King, je suppose que nous ne serions pas les seuls à prendre un engagement de 12 mois. Les autres participants à cet effort conviendraient d'y consacrer le même temps, n'est-ce pas? Vous parlez d'une période d'un an pour tous les participants, je suppose.
Cam King: Oui. Lorsque les ministres des Affaires étrangères se réuniront à Bruxelles le10 décembre prochain, il leur faudra définir le mandat de cette force, l'engagement de chaque participant et la période d'exécution. Aux fins de la planification, en nous fondant sur les discussions que nous avons eues jusqu'à maintenant avec nos alliés et sur nos exigences nationales, nous estimons qu'un mandat d'environ 12 mois serait acceptable. Si ce mandat devait aller au-delà de cela, je pense que nous nous engagerions pour les 12 premiers mois.
Le président: Par ailleurs, si les Britanniques, les Français et les Américains décidaient tous de s'engager uniquement pour 8 mois, je suppose que nous ferions la même chose. Est-ce de cette façon que les choses vont se faire?
Cam King: C'est juste.
Le président: Et cela se passera le 10 décembre.
Cam King: Oui, c'est à ce moment-là que se rencontreront les ministres des Affaires étrangères pour approuver le mandat. Les ministres de la Défense se rencontreront plus tard pour arrêter les détails de la mise en oeuvre du mandat. C'est à la réunion des ministres des Affaires étrangères prévue pour le 10 décembre - je pense que c'est à ce moment-là que M. Axworthy se rendra à Bruxelles - que les pays membres de l'OTAN devraient s'entendre sur l'orientation future, sur la construction d'une autre IFOR et sa configuration générale.
M. Morrison: On n'a pas répondu à une partie de ma question. Combien nous en coûtera-t-il pour garder une unité de la taille d'une brigade en Bosnie pendant un an?
Cam King: D'après les calculs que nous avons effectués, nous pensons que cela tournera autour de 90 millions de dollars, selon l'établissement des coûts différentiels, monsieur Morrison.
Le président: C'est une expression que l'on entend beaucoup dans notre comité. Pour être précis, lorsque vous parlez de coûts différentiels, cela signifie qu'il nous en coûtera 90 millions de dollars en sus de ce que cela nous coûterait pour cette brigade si elle demeurait ici au Canada. Est-ce exact?
Cam King: C'est exact.
Le président: D'accord. Merci.
Monsieur Morrison, avez-vous terminé?
M. Morrison: Ça va pour le moment, oui.
Le président: Monsieur Bergeron, un commentaire? Quelqu'un d'autre veut-il commenter les observations de M. Morrison?
[Français]
M. Bergeron: Je suis toujours surpris d'entendre ce genre de questions, tout à fait légitimes par ailleurs, de la part des députés réformistes quant à la durée et au coût des missions de paix. J'estime effectivement que ces questions sont tout à fait légitimes et je remercie le contre-amiral King d'avoir apporté ces précisions. Je rappellerai tout simplement aux membres de ce comité qu'après de longs débats cette semaine, on a donné des réponses à toutes les questions posées par les réformistes sur les coûts et la durée de la mission.
Nous avons même apporté des modifications à la résolution comme ils le demandaient. En dépit de tous ces efforts, ils ont quand même voté contre. Je me surprends toujours de les voir demander les mêmes questions quand, en bout de ligne, ils votent contre.
[Traduction]
M. Morrison: Je voudrais bien savoir de quoi il parle. Il confond avec le débat sur Haïti. Je peux lui donner l'assurance que nous ne venons pas ici avec une opinion toute faite. Je trouve le commentaire plutôt déplacé.
[Français]
M. Paré: J'aimerais parler de la durée de la mission. Je lisais aujourd'hui dans le journal que bien que les Américains proposent une période maximale de 18 mois, on procédera à une révision ou une évaluation après 6 et 12 mois. S'il s'avérait qu'il n'est pas nécessaire de prolonger la mission jusqu'à 18 mois, elle serait écourtée. Je ne sais pas si ces renseignements sont exacts, mais c'est ce que rapportait l'article du journal. C'était un commentaire; j'aurai ensuite une question.
Le président: D'accord, on l'accepte comme commentaire.
M. Paré: J'aimerais proposer une toute petite modification au quatrième paragraphe de la résolution.
Le président: Nous en sommes à la période des questions et commentaires sur les observations de M. Morrison. Je ne voudrais pas être trop formel, mais après avoir entendu Mme Parrish, nous pourrions vous demander de proposer votre modification, si c'est acceptable.
[Traduction]
J'ai sur ma liste Mme Parrish et M. Assadourian. Madame Parrish.
Mme Parrish: Merci, monsieur le président.
J'appuie la résolution sans réserve parce que ce qu'il y a en Bosnie, ce n'est pas la paix, mais une trêve. Compte tenu de ce que j'ai vu lorsque j'étais là-bas, dès que la force internationale partira, les hostilités reprendront. Par conséquent, pour revenir à la question du coût soulevée par M. Morrison, on aurait aussi bien pu jeter par la fenêtre tout l'argent que nous avons dépensé jusqu'à maintenant parce qu'il l'aura été en pure perte. À l'heure actuelle, ce n'est certainement pas la paix qui règne là-bas. On est simplement en présence d'une trêve armée, et je pense qu'elle dure uniquement grâce à la présence des troupes de l'IFOR.
Permettez-moi de vous donner un petit instantané de ce que nous protégeons là-bas. Il n'y a pas d'eau courante, ni chaude ni froide. Il n'y a pas de soins dentaires. J'ai deux filles, âgées respectivement de 19 et de 22 ans, qui sont à l'âge des fréquentations. Les jeunes là-bas ne peuvent pas prendre de douche. S'ils ont mal aux dents, on les leur arrache. Ils ne peuvent les faire soigner. Là où j'habitais, il n'y avait pas d'installations sanitaires. On tire la chasse d'eau en versant dans la cuvette de l'eau de pluie recueillie dans un seau. Personne ne sait où vont les eaux usées ni si elles sont purifiées. Il faut boire de l'eau embouteillée et se laver également avec de l'eau embouteillée. L'électricité fonctionne deux heures sur 24, et de façon irrégulière. Elle peut commencer à fonctionner à 2 heures du matin et vous réveiller d'un sommeil profond ou encore à 2 heures de l'après-midi.
Le président: Et vous réveiller aussi d'un sommeil profond.
Mme Parrish: C'est exact.
Il y a des quantités raisonnables de nourriture et il est assez facile d'y avoir accès, mais il s'agit d'aliments faibles en protéines - énormément de légumes, de pommes de terre et d'autres aliments qui bourrent. Il y a 4,5 millions de mines terrestres dans un pays qui compte environ 2 millions d'habitants. Le jour où je suis arrivée à Gorazde, là où j'étais stationnée, un petit garçon qui avait ramassé une boîte à lunch rouge sous un pont a perdu le bras à la hauteur de l'épaule. Les médecins de Médecins sans frontières ont cautérisé la plaie et l'ont envoyé à Sarajevo, et je ne sais pas ce qui lui est arrivé. Il avait huit ans.
Tous les immeubles sont sérieusement endommagés. Or, les habitants ne peuvent reconstruire si nos soldats et les autres ne sont pas là pour maintenir la trêve qui permet aux effectifs de l'ONU d'avoir accès aux zones dévastées et de recommencer la reconstruction. On ne peut vivre ainsi indéfiniment. Je pense qu'il est absolument essentiel que la reconstruction se fasse en l'absence d'attaques. Je pense que si nous adoptons une perspective humanitaire, les coûts importent peu. En effet, de nombreux organismes partout dans le monde sont prêts à aller sur les lieux, à fournir de la main-d'oeuvre et des matériaux et à faire le travail de reconstruction, mais ils ne veulent pas qu'on tire sur les bénévoles pendant qu'ils travaillent.
Je crois que ce pays ne connaîtra pas la sécurité ni la paix pendant au moins deux générations, parce que les adolescents et les jeunes adultes dans la vingtaine qui vivent dans ces conditions sont tout à fait désespérés et je crois que leurs enfants n'auront pas plus d'espoir. Il incombe au monde d'intervenir là-bas, ne serait-ce que pour maintenir la trêve en vigueur, pour nettoyer le gâchis, déminer le terrain et faire tout ce que nous pouvons pour rétablir une forme de normalité, parce que la paix n'existera pas tant que les gens souffriront du matin au soir.
Je suis venue aujourd'hui expressément pour vous donner cette photo couleur. Si vous avez des questions, vous n'avez qu'à me les poser.
Je suis très fière de nos soldats, je suis fière de notre pays et je suis fière du travail qui se fait là-bas. Il y avait aussi des agents de police américains sur place, et ils font un travail extraordinaire. La situation tout entière ne peut continuer d'exister que si nos troupes sont présentes. On s'assoit au restaurant et l'on voit les chars d'assaut et les camions défiler sous la fenêtre. On a nettement le sentiment qu'ils sont constamment visibles et que s'ils ne l'étaient pas, aucun progrès ne serait accompli.
C'est donc une magnifique résolution et j'espère que nous l'appuierons tous.
Le président: Merci, madame Parrish.
Monsieur Morrison.
M. Morrison: Peut-être avez-vous mal compris ma question, madame Parrish. Je ne disais pas nécessairement que nous ne devrions pas le faire, mais je n'aime pas les résolutions bâclées qui ne donnent pas de détails. Ce que demande le MAECI ou le MDN ou les deux, c'est un chèque en blanc et je n'aime pas ça.
Pour ce qui est du coût annualisé de 90 millions de dollars, c'est normal, c'est entendu, mais combien cela va-t-il coûter au bout du compte? Vous êtes allés sur place et avez observé cela. Combien de fois encore aurons-nous cette même discussion? Et pendant combien d'années?
Mme Parrish: Monsieur le président, j'espère qu'on n'a pas mal interprété mes propos. Je ne voulais pas dire que le coût n'est pas un problème. Il l'est. Ce que j'ai dit, c'est que les 90 millions de dollars qui ont déjà été dépensés l'auront été en pure perte si nous n'investissons pas encore90 millions de dollars.
Pour répondre à votre question, j'espère que chaque fois où l'on se penchera de nouveau là-dessus, les conditions se seront améliorées considérablement là-bas. Si nous devons nous remettre à la tâche dans un an et engager un petit nombre de soldats et 20 millions de dollars, j'espère que nous n'hésiterons pas. La guerre a duré pendant tant d'années, je ne crois pas qu'on puisse tout régler du jour au lendemain. J'ai vu de mes yeux la souffrance humaine, j'ai vu ce qu'a subi toute une génération de jeunes et j'espère que, quel que soit le coût, il sera jugé raisonnable et l'on maintiendra notre présence. Nos efforts valent bien chaque sou dépensé.
Le président: Merci.
Monsieur English.
M. English: Je vais répondre à l'intervention de M. Morrison. Je crois que ces préoccupations sont légitimes, comme on l'a déjà dit. À mon avis, ce que l'on demande dans cette résolution, ce n'est pas un chèque en blanc, mais un énoncé de la position du Canada avant la réunion du 10 décembre et avant que l'on se soit entendus sur les mandats. Comme le président l'a dit, si les Américains s'engagent pour six ou huit mois, cela influera naturellement sur la décision canadienne. Et comme l'amiral King l'a dit tout à l'heure, le nombre exact de soldats et la nature de la contribution canadienne seront également modifiés en fonction des négociations. C'est donc une résolution préliminaire qui intervient avant les considérations que vous avez énoncées.
Le chiffre de 90 millions de dollars que l'on nous a donné a été très utile. Voilà l'estimation compte tenu de la durée présumée du mandat et de notre contribution. Mais dans le cadre de cette résolution, ce que je veux, c'est que l'on dise que nous appuyons la mission.
Pour donner suite à ce que disait Mme Parrish, je crois que la situation là-bas est meilleure que ce que l'on était en droit d'espérer il y a deux ans. Nous étions présents à la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe en juillet dernier et l'on était très pessimistes au sujet des élections. On se demandait même si elles devraient avoir lieu. Or les élections ont eu lieu dans des conditions qui étaient loin d'être irréprochables, mais sur le terrain, c'est beaucoup plus tranquille que ce que l'on avait prévu.
En 1994-1995, cette question a beaucoup occupé mon bureau de circonscription, en partie parce qu'on y trouve une importante communauté ethnique et en partie parce qu'il y a beaucoup de réfugiés. Cela a beaucoup diminué depuis la fin du conflit, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas encore beaucoup de préoccupations à cet égard. Il y a encore beaucoup de difficultés et de tragédies, mais nous avons progressé et cette résolution recommande de poursuivre dans la même voie.
Je ne demande donc pas un chèque en blanc, mais plutôt l'expression de l'appui à cette mission précise à ce moment-ci.
M. Morrison: John, dois-je interpréter cela comme voulant dire que nous nous pencherons de nouveau sur cette question après les réunions qui auront lieu en Europe, ou bien cela va-t-il s'arrêter là? Tout sera décidé et tout ce que nous pourrions vouloir dire à ce moment-là ne servira plus à rien.
M. English: Nous reviendrons peut-être sur la question, selon ce qui se passera à ces réunions. Mais nous donnons aux deux ministres compétents, ceux de la défense et des affaires étrangères, une indication que le comité appuie l'envoi de ce que l'on appelle une force de deuxième échelon pour succéder à l'actuelle mission de l'IFOR. Outre cela, je ne pense pas que l'on puisse prédire l'avenir.
M. Morrison: Très bien.
J'ai appuyé notre intervention en Bosnie depuis le début, mais la prochaine fois que nous serons saisis de la question, si nous ne voyons pas la lumière au bout du tunnel, ou si les Européens ne commencent pas à s'occuper de ce qui est essentiellement un problème européen, vous ne conserverez probablement pas mon appui indéfiniment.
M. English: Il y a un progrès à cet égard. Les Allemands commencent à s'impliquer. C'est une nouveauté pour les Allemands de participer au maintien de la paix, et nous nous en félicitons, compte tenu de la taille et de l'importance de ce pays en Europe. Il est évident que des raisons historiques expliquent les difficultés éprouvées au début dans cette région, mais dans l'ensemble, les choses vont probablement mieux que l'on était en droit d'espérer. Deuxièmement, cette mission semble porteuse d'améliorations sur le terrain.
Le président: Merci.
Monsieur Paré.
[Français]
M. Paré: Je me permets de faire un bref commentaire à la suite des propos de M. Morrison, qui disait qu'il n'accordera pas toujours son appui et qu'il faudra que l'Europe finisse pas régler ses problèmes. Je voudrais juste rappeler que ce n'est pas seulement le problème de l'Europe; c'est le problème de toute l'humanité, entre autres le nôtre.
En fin de semaine dernière, j'avais le plaisir d'assister à une fête organisée pour une enseignante de quatrième année à mon ancienne école. Elle me disait que sa classe de 28 élèves comptait cinq enfants qui provenaient de Bosnie. Cinq enfants sur 28, ce n'est pas le problème des autres; c'est un problème qui est nôtre. À chaque fois qu'éclate une guerre dans le monde, nous sommes susceptibles d'accueillir des gens qui sont déplacés, des réfugiés. C'est pourquoi nous ne pouvons nous détacher de cette question. Ce problème nous concerne tous.
Le président: Pourrais-je ajouter quelques mots? Ce matin, le directeur général de l'UNESCO nous livrait exactement le même message, soit que le Canada est bien perçu dans le monde parce que nous adoptons une attitude semblable à la vôtre. Finalement, de grands problèmes d'immigration vont surgir dans les années à venir si nous ne réglons pas ce genre de guerres partout dans le monde. Ça devient un problème pour tout le monde. C'est exactement le point que le directeur a soulevé ce matin devant le comité.
M. Paré: J'avais annoncé que je souhaitais proposer une modification mineure au paragraphe 4 de la résolution. Dans la version française, à la toute fin, on dit:
- ...une approche plus énergique pour appréhender les personnes accusées de crimes de guerre en
Bosnie-Herzégovine, étant entendu que cette question constitue une grave menace à la viabilité
du processus de paix.
Le président: «Étant entendu que la question de l'impunité constitue...» Si je comprends bien, vous ne voulez qu'ajouter une précision. Dans la version anglaise, nous lirions
[Traduction]
que l'expression «this outstanding issue» renvoie évidemment à «appréhender les personnes accusées de crimes de guerre».
Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de changer la version anglaise.
M. Bergeron: Puis-je voir la version anglaise?
[Français]
Le président: Dans la version anglaise, il n'y a pas de confusion possible. L'allusion à this outstanding issue ne peut se rapporter qu'à la question de l'appréhension des criminels de guerre.
M. Bergeron: Comment traduit-on «impunité» en anglais?
[Traduction]
Le président: «Impunity».
[Français]
M. Bergeron: Pourrions-nous également le préciser en anglais?
[Traduction]
Le président: De l'impunité. Je ne crois pas que M. English ait des objections à ajouter une précision dans la version anglaise au sujet de l'impunité, si les députés le jugent utile.
Ai-je raison, monsieur English?
M. English: Cela me va.
M. Bergeron: Est-ce conforme à votre résolution?
M. English: Oui.
Le président: Cela permet au comité d'en faire sa résolution.
Avez-vous des observations sur l'amendement proposé?
M. Morrison: Non, plutôt sur les propos du député.
Le président: Questions et observations sur les propos de M. Paré, après quoi je vais vous donner la parole, monsieur Assadourian.
M. Assadourian: J'ai des observations à faire sur les propos de M. Morrison.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Vous êtes le suivant sur ma liste. Je vais donner la parole à M. Morrison, après quoi ce sera votre tour.
Monsieur Morrison.
M. Morrisson: J'ai le plus grand respect pour la compassion, le grand coeur de M. Paré. Je crois qu'il est injuste de laisser entendre que le Canada ait jamais fait moins que sa part dans les dossiers de ce genre. Je pense que nous avons donné l'exemple au monde en la matière. Il est absurde de dire que l'on puise être le numéro d'urgence 911 universel, avec notre population de seulement 30 millions d'habitants. À un moment donné, il faut que tous ces programmes aient un début et une fin. Nous devons être réalistes et pratiques et c'est ce que je voulais dire.
Le président: Monsieur Assadourian, vous avez la parole pour présenter vos observations sur la question principale.
M. Assadourian: Monsieur le président, M. Morrison a laissé entendre que nous ne devrions même pas en être saisis parce qu'il s'agit essentiellement d'un problème européen. Vingt-sept pays sont sur la liste. Deux d'entre eux sont en Amérique du Nord, le Canada et les États-Unis, et il y a deux pays d'Afrique et un d'Asie. Donc, sur ces 27 pays, seulement cinq ne sont pas européens et les deux pays nord-américains sont de toute façon membres de l'OTAN. Par conséquent, nous ne sommes pas présents là-bas tout le temps, nous y sommes parce que nous participons à un effort aux côtés des autres. Voilà l'observation que je voulais faire.
Monsieur le président, j'ai interrogé tout à l'heure le témoin au sujet des pays qui sont membres de l'OTAN et de ceux qui ne le sont pas. Si l'on lit toute la page, le deuxième paragraphe précise que cette force IFOR a été autorisée par le Conseil de sécurité des Nations Unies, mais il n'est nulle part fait mention de l'ONU dans toute la recommandation. Si mon collègue est d'accord, je propose que l'on dise au deuxième paragraphe «le Canada offre de participer, par l'entremise de l'ONU, à une telle force sous la direction de l'OTAN». C'est une opération de l'ONU, et non pas de l'OTAN. On ne le dit pas clairement dans le texte, qui donne plutôt l'impression que c'est une opération de l'OTAN.
Le président: Monsieur Court, étant donné l'évolution des rôles de ces différentes opérations, peut-être pourriez-vous répondre à cela.
M. Court: La résolution de l'ONU adoptée en décembre dernier remettait expressément à l'OTAN la conduite de l'opération. Il est donc tout à fait exact de dire que l'ONU a autorisé la constitution de l'IFOR et qu'on lui demandera d'en faire de même pour la force de deuxième échelon, mais à strictement parler, nous ne participons pas par l'entremise de l'ONU, mais bien de l'OTAN. Il serait peut-être juste de préciser que cette force de deuxième échelon sera mandatée par l'ONU.
M. Assadourian: Je trouve qu'il faudrait mentionner l'ONU quelque part, parce que tout cela relève de l'ONU. Nous avons toujours dit que l'OTAN est le meilleur instrument pour en assurer l'exécution, du moins c'est ce que j'ai compris. Est-ce bien cela?
Le président: Je pense qu'il suffirait de modifier le premier paragraphe pour dire «que le Canada souscrive à la création d'une force de deuxième échelon pour succéder à la mission en cours de l'IFOR, avec l'autorisation des Nations Unies». C'est essentiellement...
M. Assadourian: Cela me va.
[Français]
M. Bergeron: «La création par les Nations unies d'une force de suivi pour succéder à la mission en cours de l'IFOR».
[Traduction]
Le président: Ce n'est pas une force de l'ONU. Si l'on prend...
[Français]
M. Bergeron: Non, mais ce sont les Nations unies qui créent la force et qui la mettent sous le commandement ou la responsabilité de l'OTAN.
[Traduction]
Le président: Monsieur English.
M. English: Dans le document d'accompagnement, on dit que la résolution autorise les États-membres à établir une force multinationale de mise en oeuvre de la paix sous l'égide de l'OTAN; je ne crois donc pas que vous puissiez dire que c'est l'ONU qui a créé cette force. Elle a autorisé les États-membres à créer... Bien sûr, je suis favorable à l'ajout d'une mention de l'ONU, mais je ne pense pas qu'on pourrait l'insérer précisément à l'endroit que vous suggérez.
Le président: Excusez-moi, mais je dois surveiller l'heure du coin de l'oeil. À 17 h 15, la sonnerie se fera entendre. Nous devrons partir d'ici à 17 h 25 au plus tard. Je pense que tous les députés espèrent en avoir terminé avec cette question d'ici là; par conséquent, n'oublions pas l'heure et n'allons pas nous perdre dans les détails, à moins que ce soit important.
Dans le deuxième paragraphe commençant par «considérant que», on précise expressément que cette force est déployée «avec l'autorisation du conseil de sécurité des Nations Unies». Il me semble que l'on pourrait ou bien reprendre cette formulation au paragraphe no 1 ou bien simplement supposer que la présence de cet énoncé dans les «considérant que» signifie qu'il s'agit bien d'une force autorisée par l'ONU. Est-on d'accord?
Voyez-vous ce que je veux dire? C'est déjà dans le texte de notre résolution. Nous faisons déjà mention de l'ONU.
M. Assadourian: Monsieur le président, dans ce document-ci, je lis:
- Le 15 décembre 1995, le Conseil de sécurité des Nations Unies, aux termes du chapitre 7 de la
résolution des Nations Unies, a autorisé les États-membres...
M. Assadourian: L'autorisation vient donc de l'ONU.
Le président: Oui.
Monsieur English, avez-vous des objections à ce que l'on dise «que le Canada souscrive à la création d'une force de deuxième échelon pour succéder à la mission qu'assume l'IFOR, avec l'autorisation des Nations Unies»? Nous l'avons déjà dit, mais...
M. English: C'est bien, mais cette autorisation est donnée à l'avenir.
[Français]
Le président: «Sous l'autorisation des Nations unies, tel qu'énoncé à l'article 1».
[Traduction]
Monsieur Flis.
M. Flis: J'invoque le Règlement. La reconduction de l'IFOR a-t-elle été autorisée par l'ONU, ou bien la décision a-t-elle été prise par l'OTAN?
Am King: L'OTAN a recommandé l'envoi d'une force de deuxième échelon et ses alliés, autant les pays de l'OTAN que les autres, qui sont tous membres de l'ONU, cherchent à obtenir un mandat de l'ONU pour l'envoi d'une autre mission qui s'appellerait la force de stabilisation.
Le président: D'après ce que je comprends de la situation internationale, au point de vue juridique, l'OTAN ne pourrait pas être présente là-bas et n'y serait pas s'il n'y avait pas une résolution des Nations unies l'y autorisant, parce que l'OTAN n'a pas l'autorisation de s'ingérer dans les affaires internes de quiconque en l'absence d'une résolution prise aux termes de l'article 7 de la Charte de l'ONU. Par conséquent, l'OTAN prend bien soin d'obtenir l'approbation de l'ONU avant d'intervenir. Elle doit le faire.
N'est-ce pas?
Cam King: Oui, mais de plus, comme ce pays est à l'extérieur des limites du territoire de l'OTAN, en l'absence de l'autorisation de l'ONU, l'OTAN ne pourrait pas se lancer dans une opération de ce genre, en raison de sa propre charte.
Le président: Je crois que nous sommes d'accord là-dessus.
Vouliez-vous ajouter quelque chose?
M. Assadourian: Ce que vous proposez pour le premier paragraphe m'apparaît bon, si mon collègue est d'accord. Voilà tout ce que j'ai à dire.
Le président: Merci, monsieur Assadourian.
J'ai supposé que tous les députés étaient d'accord avec cet amendement. C'est conforme à la situation juridique internationale et je crois que c'est tout à fait acceptable.
Mme Gaffney: Je propose la motion.
Le président: Merci beaucoup, madame Gaffney.
Une voix: Bravo!
Le président: À moins que quelqu'un veuille ajouter au débat, je propose...
[Français]
Excusez-moi, monsieur Bergeron. Désiriez-vous faire une observation?
M. Bergeron: Très rapidement, je tirerais peut-être une conclusion. J'aimerais ajouter quelques mots aux propos de M. Paré qui nous demandait s'il s'agissait des problèmes de l'Europe ou de l'humanité tout entière. Je ne sais quel serait aujourd'hui le visage du monde si, à la fin des années 1930 et au début des années 1940, le monde entier s'était dit que c'était un problème européen et qu'on devait laisser les Européens s'organiser avec ce qui se passait.
Dieu merci, le Canada, les États-Unis, l'Inde et l'Australie ont prêté main forte aux forces alliées en Europe et changé la face du monde. Quelle aurait été la situation si nous n'étions pas intervenus?
Ce qui se passe partout dans le monde a des implications dans notre vie quotidienne. Il faut simplement en être conscient. Je suis d'accord avec M. Morrison lorsqu'il dit que nous ne devrions pas être les boy-scouts de l'humanité. Le Canada contribue de façon modeste et selon ses moyens à la mission en Yougoslavie, alors que d'autres États comme la France, le Royaume-Uni et les États-Unis contribuent de façon beaucoup plus considérable puisqu'il s'agit d'une question qui les préoccupe de beaucoup plus près que nous.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Si je peux me permettre de m'écarter brièvement de la neutralité qui sied à la présidence, j'appuie sans réserve la motion modifiée.
Je voudrais dire aussi que je suis heureux que Mme Parish ait pu se joindre à nous pour ce débat, en raison de sa récente expérience. Cela enrichit toujours le comité quand nous pouvons faire appel à d'autres députés qui ont une expérience spéciale.
Votre présence nous a été très utile.
Je vais mettre la motion aux voix.
La motion est adoptée [Voir Procès-verbaux]
Le président: Je constate que la motion est adoptée à l'unanimité.
Au nom des membres du comité, je remercie l'amiral King et ses collègues d'être venus aujourd'hui. Merci, monsieur.
Nous passons maintenant à la question de ce que les Allemands appellent l'ouverture de l'OTAN. D'autres parlent plutôt de l'élargissement de l'OTAN, mais plus on se rapproche des frontières de l'Union soviétique, plus les gens sont sensibles à ce dossier.
Est-ce que l'un ou l'autre d'entre vous, messieurs, serait également disponible pour répondre aux questions dans ce débat également? Ce serait utile.
Je crois que M. Flis a déjà fait savoir qu'il avait des questions à poser au sujet de l'OTAN.
La sonnerie va retentir dans quelques minutes, mais voulez-vous profiter de l'occasion pour poser vos questions tout de suite?
M. Flis: Non, je crois qu'il est un peu tard pour se lancer dans cette question.
Le président: Nous aurons une autre réunion mardi matin à 9 heures. Nous inaugurons alors le débat sur l'élargissement de l'OTAN et nous aurons l'occasion d'entendre les conseils éclairés de l'amiral King, de M. Court et du capitaine Brown.
Merci beaucoup d'être venus.
[Français]
M. Bergeron: Nous n'avons pas vraiment décidé si nous tiendrons une table ronde avec des experts sur l'élargissement de l'OTAN ou si nous ne tiendrons qu'un débat entre nous sur cette question, sans plus de préambule.
Le président: Est-ce que vous souhaiteriez les entendre à ce moment-ci, après notre visite en Allemagne?
M. Bergeron: Nous avons visité l'Allemagne, mais je soulève cette question au nom des autres membres du comité. Je me sens pour ma part relativement à l'aise avec le sujet.
Le président: Est-ce que tout le monde....
M. Paré: J'ai tendance à penser que ceux qui sont allés en Allemagne devraient nous guider dans nos réflexions.
Le président: Ce serait peut-être enrichissant, mais je pense que MM. Flis et English sont assez à l'aise avec ce sujet.
[Traduction]
Monsieur Morrison, à votre avis, faut-il faire un tour de table sur cette question avant d'amorcer le débat, ou êtes-vous d'accord avec le format actuel, c'est-à-dire que nous avons ces messieurs ici présents et que nous pouvons tenir un débat et poser nos questions en même temps? Cela me semble une façon assez efficace de procéder.
M. Morrison: Oui, je le crois. J'ai assisté il y a quelques semaines à la conférence à Fort Pearson et je suis donc plus ou moins au courant du dossier.
Le président: Bien.
M. Flis: Jusqu'à maintenant, des experts politiques nous ont parlé de l'élargissement de l'OTAN. Je voudrais en profiter pour avoir une perspective militaire de cette question.
Le président: Bien. Nous pourrions donner cet avertissement à l'amiral King. Pour ma part, j'ai eu la même idée.
Nous avons beaucoup entendu parler du parallèle entre ce dossier et l'élargissement de l'Union économique européenne et de toutes les dimensions politiques de la stabilité en Europe, mais on s'interroge sur l'état de préparation des États, la compatibilité de leurs forces armées avec celle de l'OTAN, etc., tout cela ayant une incidence sur l'échéancier en vue de leur admission éventuelle. Vous pourriez peut-être nous aider à mieux comprendre cet aspect.
Cam King: J'ai dirigé la délégation militaire en Russie et je les reçois quand ils viennent ici chaque année. Bien sûr, l'élargissement de l'OTAN est l'un des dossiers clés dont nous discutons, et nous en parlons avec beaucoup de franchise. Ayant entendu à notre dernière réunion les préoccupations des gens au sujet du point de vue des Russes là-dessus, je suis ravi d'avoir l'occasion d'apporter ma modeste contribution pour vous expliquer comment nous percevons la situation et la façon de composer avec les Russes, en particulier dans ce dossier.
Le président: Cela nous serait très utile, car nous avons entendu les observations de nos homologues russes quand nous sommes allés en Russie, mais nous n'avons rencontré aucun militaire là-bas. Il serait assurément très utile de savoir dans quelle mesure ils sont à l'aise avec tout cela.
Nous pourrions donc commencer par là. Vous pourrez nous parler de ces questions de votre point de vue, après quoi nous passerons au débat.
Merci beaucoup d'être venu.
La séance est levée et le comité s'ajourne à 9 heures mardi matin.