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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 18 février 1997

.1113

[Traduction]

Le président: Je demanderais à M. Whit Fraser de venir nous parler du rapport sur la coopération circumpolaire.

Pendant que M. Fraser s'installe, je profite de l'occasion pour remercier les attachés de recherche du Bloc, ainsi que les employés de la commission et du comité, sans oublier Gordon et tous les autres qui ont travaillé jusqu'aux petites heures du matin pour mettre la dernière main à ce rapport. À tous, un grand merci.

Désolé de vous avoir fait attendre, monsieur Fraser, mais vous savez sans doute que les comités parlementaires sont parfois occupés par des travaux qui prennent un peu plus de temps que prévu.

Merci d'avoir accepté notre invitation ce matin. Je pense que vous allez nous parler de votre rapport, intitulé For Generations to Come. Vous avez la parole.

M. Whit Fraser (président, Commission canadienne des affaires polaires): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je suis heureux d'avoir l'occasion de témoigner ce matin et j'espère que mes observations vous aideront dans le cadre de votre étude sur la région circumpolaire, un aspect important de notre politique étrangère.

Je vais vous expliquer brièvement le rôle de la Commission canadienne des affaires polaires. Vous savez certainement que la commission est l'organisme consultatif canadien sur les questions relatives aux régions polaires. La commission n'a pas été créée pour jouer le rôle d'institution de recherche ou d'organisme de financement. Elle a pour rôle de surveiller l'état de la recherche et des connaissances dans notre pays, de favoriser le développement de la recherche relative aux régions polaires et de contribuer à établir nos priorités scientifiques et autres.

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La commission s'est déjà faite ouvertement le champion des programmes de recherche polaire. Nous avons mis en garde le gouvernement contre les compressions visant la recherche océanographique et sur les eaux douces, domaine où depuis toujours le Canada est un chef de file mondial. Nous avons protesté contre la réduction du financement du projet sur le plateau continental polaire, lequel est un lien logistique crucial pour les secteurs canadiens de la recherche polaire. Nous exerçons des pressions depuis un certain temps pour la création d'une installation de recherche océanographique dans l'Arctique, pour s'assurer que la recherche fondamentale sur la dynamique des écosystèmes s'effectue dans l'océan Arctique. Nous avons à maintes reprises demandé l'appui du gouvernement en vue de mettre en place un réseau national d'information polaire qui permette d'intégrer les données polaires recueillies par les divers instituts de recherche du pays. Ces propositions et d'autres étaient formulées dans un énoncé de principes que nous avons publié il y a un peu plus d'un an et qui s'intitulait Vers une politique relative à la science et à la technologie polaires canadiennes.

La commission estime depuis longtemps que l'une des graves lacunes des initiatives du gouvernement fédéral dans le Nord canadien est son manque d'engagement et d'obligation à l'égard de la recherche polaire. Votre comité a eu la chance de discuter avec les représentants des instituts et organismes de recherche polaire dans le monde circumpolaire, et notamment les Norvégiens. Nos voisins circumpolaires, je le signale en passant, ont une idée très précise de l'orientation qu'ils souhaitent suivre dans l'Arctique et des initiatives qu'ils envisagent pour cette région, non seulement cette année mais au cours des décennies à venir. Je crains qu'à ce chapitre, le Canada soit en retard.

Toutefois, je suis encouragé de voir que certaines idées que nous proposons dans notre énoncé de principes ont commencé à voir le jour dans le plan de travail de certains comités interministériels sur les affaires septentrionales au Canada.

En 1994, la commission a organisé une conférence nationale en vue d'examiner les éléments d'une politique étrangère du Nord pour le Canada. Plusieurs de ces recommandations portaient essentiellement sur des questions environnementales. Dans ses recommandations générales, la commission signalait que les relations entre les pays arctiques doivent témoigner d'un respect fondamental pour les intérêts et les aspirations des habitants du Nord, surtout les peuples autochtones, et que la participation directe et active des Canadiens du Nord est essentielle lors du processus d'élaboration de la politique étrangère du Canada. À ce sujet, permettez-moi de féliciter votre comité d'avoir pris le temps et la peine de consulter directement les collectivités du Nord l'an dernier.

La commission a également signalé que les éléments des politiques intérieures et étrangères du Canada concernant l'Arctique sont à bien des égards étroitement liés, et que l'intégration de ces deux politiques est absolument essentielle.

En ce qui concerne plus précisément l'environnement arctique, la commission a recommandé que le gouvernement du Canada accorde une très haute priorité à la conclusion du protocole des Nations unies sur le transport sur longue distance de substances rémanentes, car il est d'une importance cruciale pour la protection de l'environnement arctique. Elle recommandait également que, par le biais de la stratégie environnementale de l'Arctique et d'autres mécanismes comme le Conseil de l'Arctique, nous participions à des initiatives internationales en vue de contrer la menace que représente pour l'environnement arctique l'élimination des déchets nucléaires dans le nord de la Russie. Notre commission estime également qu'il faut accorder une très haute priorité à l'étude des processus et des répercussions des changements, dus tant à des causes naturelles qu'à l'intervention humaine, touchant l'environnement dans l'Arctique canadien.

À notre avis, il est plus que jamais essentiel d'examiner ces questions, et surtout les problèmes environnementaux, étant donné les connaissances scientifiques dont nous disposons et la menace croissante que diverses sources posent pour l'environnement arctique.

Monsieur le président, je ne suis pas ici pour vous faire perdre votre enthousiasme quant au potentiel du nord du Canada. Ce potentiel existe vraiment. Je tiens toutefois à insister sur le fait qu'il faut agir sur-le-champ pour protéger notre patrimoine dans les régions septentrionales. Bon nombre d'entre vous savent ce qui provoque notre inquiétude. Celle-ci est due à la contamination insidieuse de la région arctique due à la pollution transfrontalière et d'autres sources de pollution, laquelle se produit à un rythme alarmant.

Pour ceux d'entre vous qui ne sont pas au courant de l'ampleur du problème, je peux vous dire qu'au moment où nous nous parlons, des antiparasitaires toxiques provenant d'aussi loin que l'Asie du Sud-Est sont acheminés par les courants aériens et océaniques dans le Pacifique Nord, au-dessus du Yukon et jusqu'à la mer de Beaufort. Des traces de dioxines et de métaux lourds en provenance de la côte Atlantique se frayent un passage à travers le nord du Québec et le Labrador à un rythme tout aussi alarmant, pour atteindre le Groenland et les Territoires du Nord-Ouest. Des débris de métaux lourds émanant des fonderies de Sibérie sont également déposés dans l'extrême Arctique et les régions septentrionales de certaines de nos provinces, et des éléments radioactifs provenant d'essais nucléaires et de réacteurs désaffectés se trouvent dans la toundra et les eaux septentrionales de toutes nos provinces et de nos territoires.

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En l'espace de quelques années, nous avons beaucoup progressé dans notre niveau de connaissance de la dynamique de la pollution mondiale. En fait, des recherches effectuées dans notre pays dans le cadre de la stratégie environnementale de l'Arctique et du programme des contaminants du Nord nous ont permis d'établir une base de données concrètes, alors que jusque-là, nous ne pouvions que tâtonner au mieux de nos connaissances. Nous savons désormais qu'un vaste éventail de substances toxiques se sont infiltrées dans la chaîne alimentaire du Nord. Nous en savons beaucoup plus quant aux répercussions néfastes que cela peut avoir pour la faune, mais nous avons également recueilli d'importantes données qui nous prouvent que la santé des habitants du Nord est peut-être en danger en cas d'exposition à long terme à ces substances. Cela est évidemment possible en raison de la consommation d'aliments naturels, c'est-à-dire ceux qui proviennent de la terre et de la mer, la viande de caribou, de phoque, de canard, d'oie ainsi que le poisson.

Les rapports d'évaluation finale découlant de la stratégie environnementale de l'Arctique et du programme international de contrôle et d'évaluation de l'Arctique seront publiés au printemps. Tout nous porte à croire que ces rapports confirmeront ce que nous a dit la commission et le message qu'elle a essayé de faire passer au gouvernement, à savoir que de sérieuses questions restent en suspens quant aux rapports entre la santé et les produits contaminants; toutefois, compte tenu de nos connaissances actuelles, il faut prendre très au sérieux la menace que cela représente pour les régions septentrionales.

Nous savons en effet que les habitants du Nord qui se nourrissent d'aliments naturels sont exposés à de plus fortes concentrations de substances toxiques que les autres populations du monde. Cela est dû à la pollution transfrontalière et à la bioamplification dans la chaîne alimentaire de l'Arctique, ce qui provoque des taux de contamination chez certaines populations nordiques qui peuvent être de 10 à 20 fois supérieurs à ceux des Canadiens du Sud.

Ce qui est également très inquiétant, c'est que, d'après les données provenant d'études régionales sur les taux d'organochlorés dans le sang maternel, ces substances peuvent être transmises au foetus dans le ventre de la mère ainsi qu'au nouveau-né nourri au sein, et elles le sont. En ce qui concerne la toxicologie des contaminants, nous savons qu'il existe de nombreuses preuves scientifiques indiquant que les effets neurologiques et neuropsychiques liés à la présence des contaminants dans l'Arctique peuvent entraîner des troubles de la mémoire et de l'apprentissage chez les nouveau-nés et les enfants.

Les effets sur le système reproductif, et notamment les troubles hormonaux, peuvent nuire à la fécondité des femmes et entraîner une diminution de la production de spermes chez les hommes. Les effets immunosuppressifs risquent de nuire aux moyens de défense de l'organisme contre les infections bactériennes et virales qui causent des maladies, et, bien entendu, les effets carcinogènes peuvent accroître le risque pour les cellules normales de devenir cancéreuses.

Il est regrettable que l'orientation future de la recherche sur les contaminants dans les régions septentrionales ait été remise en cause du fait que les programmes du Plan vert, et notamment la stratégie environnementale, prennent fin à la fin de l'exercice financier, soit dans cinq ou six semaines. C'est dans cet esprit que la commission a entrepris un examen de la politique canadienne relativement aux initiatives visant à résoudre le problème de la pollution transfrontalière qui touche l'Arctique. Nous avons consulté des gens dans tout le nord du pays, depuis Nain au Labrador, et la région arctique du Québec, jusqu'au Old Crow au Yukon. Partout où nous sommes allés sans exception, nous avons entendu les mêmes inquiétudes exprimées. Les gens nous ont tout simplement demandé, comme ils l'ont certainement demandé aux membres du comité lors de leurs déplacements dans le Nord, s'ils peuvent manger sans danger les aliments qui proviennent de la terre.

Nous avons tenu une série d'ateliers régionaux en vue d'examiner ces problèmes. Nous avons organisé une conférence nationale sur cette question à Iqaluit en octobre dernier. Les conclusions découlant de ces consultations sont résumées dans notre rapport intitulé For Generations to Come. Je n'entrerai pas dans les détails, mais je tiens à vous donner une idée de certaines recommandations que nous formulons au gouvernement fédéral.

Nous avons recommandé que le gouvernement mette sur pied un nouveau programme national sur les contaminants du Nord en vue de protéger l'environnement du Nord et la santé des habitants de cette région. Nous croyons qu'à l'avenir, la recherche et les mesures de contrôle devraient se focaliser sur la santé des habitants du Nord et des aliments qu'ils mangent. Il nous faut maintenir des normes très élevées en matière de santé dans les collectivités septentrionales, et nous devons travailler en collaboration très étroite avec les habitants de la région dans ces dossiers.

Les députés devraient savoir que le Nouveau Québec et le Labrador sont les régions où l'on constate les plus fortes concentrations de contaminants, et pourtant ces deux régions du pays n'étaient pas visées par les travaux entrepris dans le cadre de la stratégie nationale concernant l'environnement Arctique. Il s'agissait d'un programme du Nord pour les régions du Nord, mais la recherche a prouvé que les problèmes vont beaucoup plus loin que l'on ne l'imaginait il y a 10 ou 15 ans, à l'époque où ces programmes ont été mis sur pied.

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Dans son rapport, la commission déplore le fait qu'il ne s'agit pas d'un programme national, ce qui est une lacune selon elle. Nous avons recommandé que ce nouveau programme sur les contaminants prenne une ampleur nationale en s'appliquant aux régions septentrionales de ces provinces et d'autres.

La commission a également recommandé au gouvernement du Canada de faire preuve de leadership et de favoriser la collaboration au sein de la communauté internationale en vue de réduire, supprimer et empêcher les déversements de produits chimiques contaminants. Cette initiative devrait se faire avec la participation active des peuples autochtones de l'Arctique ainsi que des groupes d'intérêts publics de tout le pays.

Les membres de la commission sont d'avis qu'il faut adopter un nouveau programme d'une plus grande portée pour s'attaquer aux problèmes complexes des contaminants. Il ne s'agit pas uniquement d'en trouver les sources et de suivre leur cheminement. Les recherches nous ont appris - ce qui est très important à mon avis - que le climat froid de l'Arctique retient comme dans un piège les polluants provenant d'autres régions du monde.

Il nous faut donc nous assurer que le programme de recherche canadien sera assez vaste et tiendra compte des priorités et des préoccupations des habitants du Nord. Nous avons recommandé dans notre rapport que le gouvernement poursuive ses consultations, en constituant ce que nous appelons un groupe d'experts, mais qu'il s'agisse d'un tout petit groupe composé de scientifiques indépendants qui feront en sorte que notre programme futur mette l'accent sur la santé des gens et trouve une solution aux problèmes fondamentaux de l'heure.

À notre avis, ce leadership au niveau international doit s'accompagner d'une collaboration entre les États arctiques et les autres.

Notre recommandation traduit également une inquiétude fondamentale quant à l'exactitude de l'information fournie au public à ce sujet. Nous savons que la menace pour la santé humaine risque d'être grave, mais si l'on examine la documentation publiée par les organismes publics en activité dans le Nord, il est évident que l'on n'accorde pas au problème l'attention qu'il mérite. Au lieu de cela, on met l'accent sur la valeur nutritive des aliments naturels, et nous demandons aux habitants du Nord de maintenir ou même d'accroître leur consommation.

Or, personne ne nie que les aliments naturels du Nord sont extrêmement nutritifs, peut-être plus que les aliments importés dans le sud du pays, et qu'ils représentent un élément important du mode de vie traditionnel. Toutefois, il existe également des cas où on peut lire dans cette documentation que les avantages de cette alimentation l'emportent sur les effets nocifs des contaminants. Mesdames et messieurs les membres du comité, je pense que nous nous aventurons ici sur un terrain dangereux. Aucune recherche n'étaye cette affirmation - ou du moins pas à la connaissance de la Commission des affaires polaires - et rien ne nous permet de faire de telles affirmations avec assurance.

Ce qui inquiète la commission, c'est le manque de logique qui semble exister entre la théorie que nous défendons ici au Canada et le message que nous transmettons au niveau circumpolaire international. Voici le problème auquel est confrontée la commission: il est de plus en plus difficile pour le Canada, à mon avis, de se faire le champion sur la scène internationale de la suppression, la réduction et la disparition progressive des substances nocives à l'échelle mondiale si nous continuons de minimiser ces risques même auprès de nos populations nordiques.

Ne nous y trompons pas. Les pays dont les usines déversent des dioxines et des métaux lourds dans l'atmosphère et dont l'agriculture dépend de l'utilisation répandue de DDT et d'autres pesticides, n'hésiteront pas à invoquer ces arguments lorsqu'ils seront appelés à défendre leurs propres intérêts.

Même si nous sommes fortement convaincus que la santé et le bien-être des Canadiens du Nord doivent être une priorité, il ne faut pas négliger les répercussions économiques de ce problème des contaminants pour le Nord. Les produits alimentaires de l'Arctique canadien se sont peu à peu fait une place sur les marchés des denrées spécialisées dans le monde entier, et il semble que ce secteur offre d'énormes possibilités d'avenir. Cette situation est due en grande partie à la réputation de produits purs et sains provenant de régions sauvages naturelles et inexploitées. Je crains que le problème des contaminants ne remette en question les possibilités offertes par ce marché.

La commission est également d'avis qu'il faut examiner de très près l'efficacité des protocoles actuels qui ont été négociés relativement aux polluants organiques et métaux lourds rémanents. Prend-on suffisamment de mesures en fonction de ce que la science nous révèle quant à l'étendue du problème? Existe-t-il d'autres mesures que le Canada pourrait envisager de prendre pour protéger les intérêts de la population et de l'environnement arctique? Comment pouvons-nous optimiser les ressources des Nations unies, du Conseil de l'Arctique et d'autres organismes en vue d'établir des objectifs et des délais fermes pour l'élimination des produits chimiques qui menacent l'Arctique?

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Par le passé, le Canada a prouvé qu'il était prêt à foncer sans hésiter pour s'attaquer aux problèmes environnementaux au niveau international. Je pense évidemment au problème des pluies acides. Il faut faire preuve de la même détermination dans notre façon d'aborder le problème des contaminants dans l'Arctique. Les Canadiens du Nord et des autres régions comptent sur le gouvernement pour agir comme chef de file dans la région, tant pour établir le programme des relations multilatérales entre les États arctiques que pour faire apporter les changements nécessaires au sein de la communauté mondiale.

De son côté, la commission a exercé ouvertement des pressions auprès d'organismes comme le International Arctic Science Committee pour qu'il inscrive les problèmes du Canada au programme de recherche internationale et qu'il accorde la priorité au problème des contaminants dans l'environnement arctique. Nous pensons avoir fait des progrès à ce chapitre. Nous sommes également déterminés à participer de près à cette importante initiative.

Nous espérons que les recommandations que nous avons faites au gouvernement du Canada donneront le coup d'élan nécessaire à une intervention plus énergique et plus efficace à tous les niveaux.

Je tiens à vous remercier de m'avoir écouté ce matin. J'ai hâte de répondre à vos questions, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Fraser.

Madame Debien.

[Français]

Mme Debien (Laval-Est): Bon matin, monsieur le président.

J'ai une question en deux ou trois volets. Premièrement, quel est le montant de votre budget annuel?

Deuxièmement, quelles actions concrètes la Commission canadienne entreprend-elle avec le budget dont elle dispose? Vous nous avez parlé d'organisation de conférences avec différents intervenants qui se préoccupent des questions de l'Arctique. Je me préoccupe du dédoublement possible de votre travail et de celui de la multitude d'organismes qui existent déjà et qui font des recommandations à peu près identiques à celles que vous faites dans votre rapport, notamment en ce qui concerne l'environnement et les contaminants dans l'Arctique.

Je pense entre autres à tous les organismes de recherche que nous avons entendus ici lors de nos audiences, au travail du Conseil de l'Arctique, à la Stratégie concernant l'environnement arctique et à la Conférence circumpolaire inuit. En tout cas, je commence à me poser des questions sur le dédoublement du travail de certains organismes qui, me semble-t-il, se ressemblent beaucoup.

Il y avait donc une question principale suivie de questions secondaires.

[Traduction]

M. Fraser: Le budget de la Commission canadienne des affaires polaires est d'environ 900 000$ par an.

Je comprends votre question et votre préoccupation au sujet du chevauchement. La commission y a accordé beaucoup d'attention et s'en préoccupe vivement depuis cinq ou six ans dans le cadre de ses activités. Étant donné que nous sommes une commission restreinte composée de peu de membres, nous avons essayé de nous assurer que nos activités ne faisaient pas double emploi avec celles d'autres organismes.

Je comprends qu'il existe certains autres organismes à l'échelle régionale, dans le Nord et au niveau international qui s'intéressent de près aux problèmes de l'environnement arctique. Toutefois, notre commission ferait preuve de la plus grande légèreté si, cette année, l'an dernier et peut-être l'an prochain, elle n'accordait pas un maximum d'attention et d'efforts à ce problème même. À mon avis et de l'avis des six membres dévoués de notre conseil d'administration, il s'agit là du danger le plus sérieux qui menace la santé et l'environnement du Nord canadien à l'heure actuelle.

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Ce qui nous inquiète tout particulièrement - et vous le constaterez dans les mois à venir lorsque les rapports scientifiques seront publiés - c'est que les taux de concentration de bon nombre des contaminants qui traversent les régions septentrionales sont extrêmement élevés. C'est au Groenland qu'ils sont les plus forts. Vient ensuite l'Arctique québécois, où les taux de concentration chez les Inuit et les Cris sont très élevés. En troisième lieu vient l'Arctique de l'Est, et ensuite l'extrême ouest, dans les Territoires du Nord-Ouest canadien.

Ce qui distingue peut-être la Commission des affaires polaires de certains autres organismes qui se penchent sur cette question, c'est que nous sommes le seul organisme national financé par le public et par le gouvernement du Canada pour examiner les questions relatives aux sciences polaires dans l'Arctique. Il n'en existe aucun autre.

Depuis un certain nombre d'années, les activités dans le domaine de la recherche polaire ont fortement diminué, à une époque où, de l'avis de la commission, elles auraient dû augmenter. Il y a eu un manque d'orientation politique, à mon sens, de la part du gouvernement du Canada qui n'a pas énoncé clairement son engagement et son obligation à l'égard de la recherche polaire. Je le répète, d'autres pays de l'Arctique ont une vision très précise de leur orientation dans le Nord. En tant que pays du Nord, le Canada doit suivre leur exemple, à notre avis.

En un mot, je dirais que nous collaborons étroitement avec certains autres organismes à l'examen de problèmes régionaux, surtout celui des contaminants. Toutefois, cet organisme créé par le Parlement est le seul à représenter à l'échelle nationale tout le secteur que nous appelons la recherche polaire.

Le président: Monsieur Sauvageau.

[Français]

M. Sauvageau (Terrebonne): Moi aussi, monsieur Fraser, j'ai deux questions. La première a trois volets.

Quel impact la mise en place du Conseil de l'Arctique aura-t-elle sur la Commission canadienne des affaires polaires? Cela aura-t-il une influence quelconque sur votre travail, principalement au niveau environnemental? Doit-on modifier votre mandat en fonction de celui du Conseil de l'Arctique? Quel genre de collaboration prévoyez-vous avoir avec ce nouvel organisme international du Nord?

Je suppose que la Commission canadienne des affaires polaires s'est posé la question et que vous avez une réponse à cela.

Deuxièmement, l'environnement est-il une préoccupation de la Commission canadienne des affaires polaires? Est-il une préoccupation du Conseil de l'Arctique?

Vous parlez, à la page 19 de votre document, de la création d'un comité de gens influents.Mme Debien parlait plus tôt de dédoublement. Est-ce qu'on ne s'en va pas justement vers un dédoublement?

Donc, votre mandat est-il modifié en fonction de celui du Conseil de l'Arctique, et quel genre de collaboration prévoyez-vous au niveau environnemental?

Ma troisième question portera sur la localisation. Je vois ici que vous êtes situés sur la rue Albert, à Ottawa. Je n'ai rien contre cela. Avez-vous des succursales dans le Nord, parce que vous desservez le Nord? Croyez-vous que les organismes ou les institutions que l'on veut mettre en place pour les gens du Nord doivent être situés à Ottawa ou dans le Nord?

[Traduction]

M. Fraser: Si vous le permettez, monsieur le président, je répondrai à la deuxième question en premier car cela m'aidera à répondre à la première.

J'ai passé la plus grande partie de ma vie à travailler ou à vivre dans le Nord. En tant que président de la Commission canadienne des affaires polaires, je peux dire aux députés que ce ne serait pas difficile pour moi de vivre dans le Nord.

La Commission canadienne des affaires polaires n'a pas son siège social rue Albert, à Ottawa, parce que nous en avons fait le choix. Je ne voudrais pas avoir l'air arrogant ou fastidieux, mais ce sont les députés qui ont décidé de cet emplacement, et il est stipulé dans notre loi habilitante que notre siège social doit se trouver dans la région de la Capitale nationale. Je le répète, je ne veux me montrer arrogant, mais c'est la vérité.

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Les membres de notre conseil d'administration et d'autres ne se plaignent pas de l'emplacement de notre siège social. La question sur laquelle nous voulons insister est d'une tout autre nature. La commission veut savoir dans quelle mesure le gouvernement du Canada, ses ministres et ses ministères vont examiner et prendre au sérieux les recommandations faites par notre commission et les autres organismes qu'ils créent et c'est ce qui est au coeur du problème, selon nous.

S'agissant du conseil de l'Arctique, à mon avis, celui-ci commence à combler une des anciennes lacunes de tout le système. La commission a été un très fervent partisan de la création d'un Conseil de l'Arctique car il faut favoriser au maximum la collaboration et la coordination des pays de l'Arctique pour examiner ces problèmes, comme la question environnementale. Pour la Commission canadienne des affaires polaires, cela signifie qu'il existe désormais un organisme en place auquel nous pouvons transmettre nos conclusions dans l'espoir qu'il existe un autre organisme international qui présentera ces arguments au niveau international et élaborera des protocoles relativement à ces questions environnementales des plus importantes. Le conseil a donc comblé un vide qui existait jusque là.

Là encore, pour ce qui est du double emploi, d'après mes renseignements, le Conseil de l'Arctique a un mandat très vaste, sans programme établi à l'avance. Les membres du Conseil de l'Arctique et les pays détermineront les dossiers sur lesquels ils veulent se pencher et quelle importance leur accorder. Au nom du Canada, la Commission canadienne des affaires polaires sera là pour affirmer que nous accordons la plus haute priorité aux problèmes des contaminants et de la protection environnementale. Nous deviendrons donc un porte-parole qui fera valoir cet argument pour le compte de la recherche et des sciences polaires.

J'espère que cela répond à vos questions.

[Français]

M. Sauvageau: Avez-vous prévu une modification de votre mandat en fonction de l'arrivée du Conseil de l'Arctique? Avez-vous prévu une méthode de collaboration ou si vous serez un intervenant lorsqu'ils vont rencontrer des témoins? Nous aussi, on essaie un peu de faire cela.

[Traduction]

M. Fraser: Veuillez m'excuser, j'avais oublié cette partie de la question.

À mon avis, il n'est pas nécessaire de modifier le mandat de la Commission canadienne des affaires polaires en raison de la création du Conseil de l'Arctique. Le mandat que nous confère la loi est assez vaste et les membres du conseil d'administration jouissent d'un grand pouvoir discrétionnaire pour établir les priorités de la commission. Toutefois, je ne pense pas qu'il faille modifier notre mandat.

Le président: Monsieur Flis.

M. Flis (Parkdale - High Park): Monsieur le président.

Merci d'être venu témoigner devant nous, monsieur Fraser. À la page de votre rapport intitulé For Generations to Come, vous dites ceci:

Au cours de votre exposé ce matin, vous avez dit que la commission a recommandé au gouvernement fédéral de mettre sur pied u n nouveau programme national sur les contaminants du Nord, en vue de protéger l'environnement de cette région et la santé de ses habitants. Le problème n'existe-t-il pas depuis toujours, à savoir que nous essayons de le résoudre au niveau national alors que les causes sont d'origine internationale?

M. Fraser: Monsieur le président, notre recommandation est double. Il nous faut un programme qui mette vraiment l'accent sur la santé des peuples nordiques. Si vous le permettez, je pourrais vous expliquer brièvement certaines mesures qu'il convient de prendre à l'avenir et que nous avons négligées par le passé.

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Pour les collectivités du Nord, nous estimons qu'il devrait être facile pour les gardes-chasse et d'autres responsables du Nord d'envoyer à un laboratoire central situé dans une de ces collectivités, ou à un certain nombre de laboratoires, des échantillons de viande de phoque, de poisson et de caribou pour qu'ils soient examinés au microscope; ces laboratoires pourront alors déterminer quelle substance ils renferment et s'ils peuvent être consommés sans danger. Jusqu'ici, nous n'avons même pas réussi à nous entendre à l'échelle nationale sur ce qui constitue des taux acceptables. C'est la première chose à faire.

Il faudra ensuite effectuer des contrôles à intervalle réguliers pour déterminer si les aliments peuvent être consommés sans danger, un peu comme nous faisons dans le sud du pays, où les poulets défilent sur la chaîne et qu'un responsable d'Agriculture Canada en blouse blanche en prend un au hasard et le dépèce pour établir s'il est propre ou non à la consommation. Dans le nord du Canada, on ne procède à aucune analyse des aliments. Nous devons concentrer nos efforts sur la santé des gens, sur les mesures de contrôle, l'évaluation, l'établissement de lignes directrices, et faire des recherches dans toutes les régions du Nord québécois, du Labrador, des Territoires du Nord-Ouest, ainsi que certaines des autres provinces qui dépendent fortement des aliments naturels et où les taux de concentration de ces contaminants industriels sont élevés.

Cela dit, dans le cadre de ce programme, nous devrons travailler avec les autres pays. La commission estime qu'il faudrait faire davantage appel aux organismes non gouvernementaux qui représentent les peuples autochtones, et accorder à ces organismes une aide plus grande, pour défendre cet argument sur la scène internationale. Les excellents porte-parole de ces organismes autochtones sont les mieux en mesure de se rendre aux Nations unies, à Genève et à Londres pour expliquer directement, en personne, les problèmes écologiques causés par les divers pays dans le Nord et les conséquences de ces problèmes sur la santé des habitants de cette région. C'est en cela que le programme comporte, à notre avis, un double volet.

M. Flis: Il arrive que les honorables députés se trompent. Lorsque la Commission des Affaires polaires a été créée, on avait recommandé que son bureau principal soit situé à Ottawa. Croyez-vous que la loi devrait être modifiée pour transférer ce bureau central dans le Nord? Les gens du Nord semblent dire qu'ici, à Ottawa, on ne comprend pas vraiment leurs préoccupations et leurs problèmes. Même si l'on passe toute l'année dans le Nord, les gens estiment néanmoins qu'Ottawa est trop loin pour comprendre leurs préoccupations.

M. Fraser: Je l'ai entendu dire, mais je ne recommanderais pas que l'on déménage l'administration centrale dans le Nord. Par contre, je ne m'y opposerai pas non plus.

À l'heure actuelle, la commission est composée d'un président, c'est-à-dire moi-même, et de six autres membres. Trois d'entre eux habitent dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon. Ils sont dans le Nord tous les jours, sauf lorsqu'ils viennent à des réunions à Ottawa. Les autres membres de notre commission sont des scientifiques réputés de l'Université Laval et de l'Université de Colombie-Britannique qui ont travaillé toute leur vie dans le monde scientifique. La commission compte également un représentant du monde des affaires canadien.

Si la commission déménage dans le Nord, sa structure en demeurerait inchangée. Son président et ses autres membres viendraient aussi souvent à Ottawa pour rencontrer les honorables députés et les comités et pour faire le travail nécessaire dans la capitale nationale, comme l'avaient initialement prévu les députés. Cela me prendrait le même temps que pour me rendre dans le Nord, comme je le fais maintenant. Le mois dernier, j'y suis allé trois fois. Bref, je ne le recommande pas, mais je ne m'y opposerai pas non plus. Cela revient au même, selon que l'on veut voyager vers le Nord ou vers le Sud.

Je n'ai qu'une chose à ajouter. Tous ces organismes qui voudraient voir la Commission canadienne des affaires polaires déménager dans le Nord, y compris l'Association nationale des Premières nations dénées, ont leur siège social à Ottawa. Le bureau international et canadien de la conférence circumpolaire inuit est situé à Ottawa. La Metis Association of the Northwest Territories fait partie d'une organisation nationale dont le bureau central est à Ottawa. Le bureau principal de l'Inuit Tapirisat du Canada est également situé dans la capitale nationale. De toute évidence, ces organismes reconnaissent qu'il est nécessaire d'avoir un bureau central dans la capitale nationale.

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M. Flis: Vous avez résolu le dilemme. Le problème, c'est que chaque organisme qui travaille dans le Nord a ses bureaux à Ottawa. Rien d'étonnant à ce que le comité ait perçu ce négativisme - même si je déteste utiliser des termes aussi forts - à l'égard des organismes travaillant à Ottawa. Certains groupes nous ont même dit que la Commission des affaires polaires était devenue inutile.

Compte tenu que le Conseil de l'Arctique et l'AEPS poursuivent les recherches, le moment est-il venu de voir comment on pourrait utiliser autrement ces 900 000 dollars pour aider les habitants du Nord, les gens qui sont empoisonnés par les contaminants? La commission a été créée avant le Conseil de l'Arctique. Maintenant que le Conseil de l'Arctique existe, devrait-on envisager sérieusement d'abolir progressivement la commission?

M. Fraser: Monsieur le président, il est bien certain que je ne peux pas vous répondre de façon objective. Je suis président de la Commission canadienne des affaires polaires. Je ne vais certes pas en préconiser l'abolition.

Les contradictions et les dilemmes, ce n'est pas ce qui manque. D'après certains habitants du Nord, dont bon nombre sont des gens que je connais depuis toujours, le Nord est impuissant et personne n'écoute ce qu'il a à dire. Pourtant, ce sont les mêmes personnes qui veulent faire taire le seul organisme travaillant dans le domaine de la recherche polaire et aux questions scientifiques qui les touchent dans leur vie de tous les jours. Ils ne se rendent peut-être pas compte que cela touche leur quotidien, mais au Canada, un grand nombre d'organismes payés sur les fonds des contribuables défendent les intérêts de la population, même si celle-ci ne s'en rend pas toujours compte.

Aucun autre organisme n'essaie de persuader le gouvernement que nous avons des installations de recherche de calibre international, tant du côté de l'Atlantique que du Pacifique. Ces installations coûtent des millions de dollars et tous semblent convenir que c'est de l'argent bien dépensé.

Nous n'avons pas le plus petit centre de recherche maritime dans l'Arctique, et ce, même si la partie canadienne de la côte Arctique est deux fois plus longue que les côtes Atlantique et Pacifique combinées - le double. Nous ne savons rien du potentiel économique de l'océan Arctique. Du point de vue scientifique, nous connaissons très mal l'océan Arctique, mais nous savons que cet océan pourrait être aussi productif que la Méditerranée. On y trouve des espèces halieutiques qui n'ont pas encore été identifiées. Et pourtant, nous n'avons aucun centre de recherche permanent. La Commission canadienne des affaires polaires est le seul organisme national qui ait soulevé la question et signalé notre faiblesse dans ce domaine.

Il reste à faire un travail immense dans la région Arctique pour voir comment cette région pourrait être exploitée et quelle recherche pourrait y être faite. Vous avez parlé à des représentants de l'Institut des affaires polaires de Norvège et d'autres organismes. Ces gens-là disent à leur pays que leur avenir réside dans les ressources et les possibilités de l'Arctique, et leur pays les écoute. Ils reconnaissent également que cet avenir doit être protégé au moyen de programmes scientifiques à long terme et clairement définis visant à protéger l'environnement et la population ainsi qu'à mettre en valeur les ressources. Ce sont les mêmes arguments que la Commission des affaires polaires a essayé de défendre auprès du gouvernement fédéral.

Soyons francs: si le gouvernement et les ministères canadiens ne sont pas prêts à écouter les propos et les recommandations d'organismes de ce genre, eh bien, abolissons la commission. C'est là qu'est le problème.

Le président: Il ne nous reste environ que cinq minutes.

M. Flis: J'aimerais approfondir cette question, mais je m'en abstiendrai.

Le président: Il importe que M. Fraser comprenne que nous avons entendu énormément de critiques lorsque nous sommes allés dans le Nord.

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Vous vouliez faire une brève observation?

M. Speller (Haldimand - Norfolk): Oui. Je tiens simplement à dire que j'ai entendu également ces critiques, mais il me semble que bon nombre des problèmes du Nord sont d'ordre international et que pour les régler, il faudra travailler à partir d'Ottawa. C'est là que se trouvent toutes les ambassades, tous les hauts commissariats et tous les représentants des institutions internationales. Pour obtenir des résultats auprès de ces gens, il faut travailler ici à Ottawa et non dans le Nord, malheureusement.

Deuxièmement, pour résoudre ces problèmes, il faut travailler de concert avec d'autres groupes, des groupes canadiens et internationaux, dont la plupart ont leur bureau central ici à Ottawa. C'est pourquoi je ne suis pas d'accord avec mon collègue, car à mon avis, ce travail doit être fait à Ottawa.

Pour conclure, je trouve que vous faites de l'excellent travail. Je vous en félicite. Si je puis faire quelque chose... Nous avons tous entendu dire qu'il y avait eu de nombreux problèmes par le passé. Il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine et je suis certain que notre comité vous appuiera.

M. Fraser: Merci, je l'apprécie beaucoup.

Le président: Nous laisserons maintenant la parole à M. Dupuy, et si vous voulez faire d'autres commentaires pour conclure, vous pourrez à ce moment-là répondre aux observations de M. Speller.

M. Dupuy (Laval-Ouest): Je serai bref. Monsieur Fraser, vous avez fait plusieurs commentaires positifs sur les politiques et les objectifs des autres pays arctiques. Vous avez mentionné plus particulièrement la Norvège et vous avez comparé l'approche progressiste adoptée par ce pays à la confusion qui semble régner du côté du Canada. Que font-ils de mieux que nous et pourquoi n'apportons-nous pas d'améliorations?

M. Fraser: Comme je l'ai dit, la leçon que nous pouvons tirer de ces pays, c'est que leur recherche polaire est orientée dans une direction bien définie. Pour ces pays, le Nord, les régions arctiques et l'océan Arctique représentent des ressources futures pour leur économie et pour l'Europe.

Par contre, leur faiblesse par rapport à nous, c'est qu'ils ne sont pas aussi préoccupés que le Canada par les droits des peuples autochtones et des peuples nordiques. S'il est tellement plus difficile pour le Canada d'avoir une politique claire et précise, c'est que nous avons deux territoires dans le Nord qui ont des frontières communes avec la majorité des provinces et que nous avons20 ministères et organismes fédéraux chargés de mandats importants et offrant des services essentiels aux Canadiens.

Mais parce qu'il nous est plus difficile d'avoir une politique claire, cela ne signifie pas pour autant que nous devons en être privé. Si le gouvernement fédéral n'a pas précisé par un engagement national clair à l'égard du Nord, l'orientation qu'il compte adopter pour les prochaines décennies, c'est en grande partie parce qu'il y a tant de ministères, d'organismes et de mandats en cause. Nous disons déjà depuis quelque temps que le gouvernement fédéral doit coordonner ses efforts dans le Nord et nous gagnons progressivement du terrain. Comme je l'ai dit, nous suscitons beaucoup d'intérêt pour ces questions.

Nous devons également reconnaître - moi, je le reconnais - que la géographie, les conditions socio-politiques et le climat du Nord canadien sont bien différents de ceux des autres pays. Mais comme je l'ai dit, le fait que ce soit plus difficile ne veut pas dire qu'il faille s'en abstenir.

Le président: Pour conclure, monsieur Fraser, je vous avoue que nous avons entendu des critiques de la commission lorsque nous étions dans le Nord. Ce sont les critiques que reprenaitM. Flis. Plus précisément, un témoin très haut placé s'est plaint que près de 350 000 dollars de votre budget d'un million étaient dépensés en frais de voyage.

Toutefois, je comprends votre point de vue; si vous êtes à Tuktoyaktuk, il vous est difficile d'influencer les Nations unies à partir de là et vous devez donc venir à Ottawa ou vous rendre aux Nations unies pour le faire. Où que vous soyez situé, vous devrez voyager et dans l'Arctique, les voyages coûtent cher.

La commission envisage-t-elle d'utiliser l'Internet ou d'autres moyens pour réduire ses dépenses? Dans nos comités, nous avons dû examiner comment nous pourrions moderniser nos méthodes pour régler ce genre de problème. Dans nos audiences sur le travail des enfants, nous avons été très impressionnés par certains jeunes témoins qui nous ont dit communiquer avec l'Inde au moyen de l'Internet. Il s'agissait d'étudiants du secondaire et ils semblaient en savoir long sur ces choses-là.

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La commission fait-elle l'objet d'un examen par des organismes de l'extérieur? Il nous semble que vous avez un mandat extraordinairement vaste qui porte autant sur les nouveaux problèmes internationaux en matière d'environnement que sur le cadre politique intérieur dans lequel vous devez fonctionner. C'est peut-être un mandat impossible à remplir et votre énoncé de mission devrait peut-être être revu. Je me demandais si cela vous préoccupait.

M. Fraser: Je me préoccupe bien sûr de l'image que projette la commission, mais il n'en reste pas moins que, le mandat de celle-ci exige qu'elle tienne plus de la moitié de ses réunions dans le Nord. C'est d'ailleurs ce que nous faisons. Nous essayons de tenir un grand nombre de réunions avec des organismes du Nord et nous les aidons financièrement lorsqu'ils doivent se déplacer pour se rendre à d'autres réunions. Une grande partie de notre travail en comité est réalisée dans le Nord. Et cela coûte cher, c'est vrai.

J'ai entendu qu'on nous reprochait de dépenser la moitié de notre argent en déplacements et l'autre moitié en salaires. Eh bien, monsieur le président, je croyais que c'était pour cela que le gouvernement canadien avait créé la commission. Nos gens méritent le salaire qu'ils reçoivent. Il importe que vous sachiez que les membres de la Commission des affaires polaires ne reçoivent qu'un per diem les jours de réunion et que la plupart d'entre eux travaillent gratuitement deux ou trois jours par semaine, sans rémunération ni indemnisation.

Le travail fourni par les membres de la commission vaut au moins une fois et demie les 900 000$ qu'il en coûte, car ils travaillent de longues heures mais ne présentent de facture que pour les quatre ou cinq jours où ils participent à des réunions. Je tenais à vous le signaler.

Nous nous inquiétons de la perception qu'ont les gens, mais dans les faits, les coûts sont élevés. On a parlé de 350 000$. Je préférerais, monsieur le président, vous envoyer une copie détaillée de notre budget des dépenses de l'an dernier. Je ne crois pas que le montant s'élevait à 350 000$.

Le président: Cela nous serait très utile. Les membres du comité seraient sans doute intéressés à l'examiner.

Nous savons qu'il y a souvent un écart entre les perceptions et la réalité et qu'il est bien difficile de satisfaire tout le monde. Nous voulions simplement comprendre ce qu'est votre mandat. S'il consiste à voyager, à tenir des réunions dans le Nord et à organiser le réseau entre les différents organismes, si c'est ce que vous faites, eh bien, tant mieux. Puisque la commission est dotée d'un budget annuel d'un million de dollars, je suppose que votre mandat n'est pas de financer d'autres organismes, puisque vous n'auriez pas l'argent nécessaire.

M. Fraser: Prenons le cas de la conférence sur les contaminants que nous avons organisée. Nous avons dépensé environ 100 000$ pour organiser trois réunions régionales, en plus de la réunion à Iqaluit. Environ 80 p. 100 de cette somme a servi au transport des participants. Nous avons payé le transport des employés et des représentants de certaines de ces organisations qui nous critiquent.

Le président: Eh bien, M. Maurice Strong nous a récemment parlé de la nouvelle technologie de l'information. Je suis certain que c'est une option que vous envisagerez également, puisque c'est aussi important pour le Nord.

Merci beaucoup d'être venu nous rencontrer. Nous sommes désolés d'avoir commencé en retard, mais nous avons, je crois, entendu l'essentiel de votre témoignage. Merci beaucoup, monsieur Fraser.

La séance est levée. Nous nous réunirons de nouveau jeudi matin, à 9 heures, pour entendre le ministre Eggleton au sujet de la libéralisation des échanges entre le Canada et le Chili. Nous nous réunirons peut-être plus tôt au besoin, pour examiner le rapport du sous-comité. Merci beaucoup.

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