[Enregistrement électronique]
Le jeudi 20 février 1997
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
[Français]
Avant que nous passions à l'Accord de libre-échange Canada-Chili, j'aimerais attirer l'attention des membres du comité sur le fait que M. English, à titre de président du Sous-comité sur le développement durable, va déposer à la Chambre ce matin le rapport du sous-comité sur l'exploitation du travail des mineurs dans le monde. J'aimerais remercier encore une fois tous les membres du comité pour le travail acharné qu'ils ont fourni lors des derniers moments de la préparation du rapport.
J'aimerais aussi remercier, au nom de tous les membres du comité, notre greffière et tous les préposés au comité, qui ont travaillé toute la nuit pour préparer la traduction et la documentation de ce rapport devant être présenté au ministre ce matin, puisqu'il partira pour Amsterdam ce week-end.
[Traduction]
Encore une fois, je remercie tous et chacun d'avoir si bien coopéré pour assurer la préparation du rapport. M. English le déposera à la Chambre à 10 heures.
Je crois savoir, monsieur English, que vous allez tenir une conférence de presse à 11 h 30.
M. English (Kitchener): Oui.
Le président: Je vous remercie, vous ainsi que les membres du comité.
M. English: Merci.
Le président: Monsieur le ministre, nous sommes très heureux de vous revoir. Les membres du comité ont l'impression que si vous ne réduisez pas le nombre de points de voyage que vous avez accumulés... Nous recevons tant de projets de loi de vous qu'il va falloir vous clouer au sol pendant quelques temps.
Vous méritez nos félicitations pour l'Accord de libre-échange entre le Canada et le Chili. Nous attendons avec impatience d'entendre ce que vous avez à nous dire à ce propos.
M. Arthur C. Eggleton (ministre du Commerce international): Je vous remercie beaucoup. Bonjour. Je suis heureux d'être à nouveau parmi vous.
Je me souviens de l'époque - vous aussi peut-être - où j'étais président du Conseil du Trésor et surtout lorsque j'étais ministre responsable du programme des travaux d'infrastructure, j'avais souvent l'occasion de me lever en Chambre pour discuter des derniers chiffres parus et je disais: «Monsieur le Président, j'ai d'autres bonnes nouvelles». Ce programme a remporté un succès éclatant et est un bon exemple de collaboration entre les trois paliers du gouvernement en vue de créer des emplois et d'améliorer l'infrastructure de nos municipalités.
Aujourd'hui, je suis heureux d'être ici et de pouvoir vous dire que j'ai d'autres bonnes nouvelles, monsieur le président.
Le 29 octobre dernier, j'ai eu le plaisir de vous exposer les détails de l'Accord de libre-échange Canada-Israël et, demain, je me rendrai dans ce pays accompagné d'une délégation commerciale composée de plus de 60 représentants du milieu des affaires canadien pour promouvoir l'accord et lui assurer un lancement qui permettra de créer des emplois ici au Canada.
Aujourd'hui, j'ai le très grand plaisir de vous transmettre d'autres bonnes nouvelles à propos, cette fois, de l'Accord de libre-échange Canada-Chili. Cette fois, nous franchissons une étape importante en Amérique latine et dans les Caraïbes.
[Français]
Je ne saurais trop insister sur l'importance du commerce international pour le bien-être des Canadiens. C'est un message qui mérite d'être renforcé aujourd'hui.
[Traduction]
Le commerce international fait désormais travailler un Canadien sur trois et représente plus de 40 p. 100 de notre produit intérieur brut. Son marché intérieur étant relativement limité, le Canada n'a d'autre choix que de trouver de nouveaux marchés à l'étranger s'il veut maintenir sa qualité de vie et offrir les possibilités qu'il souhaite à ses enfants et aux générations futures.
Nous prévoyons que cet accord sera un accord de transition qui facilitera l'accession du Chili à l'Accord de libre-échange nord-américain, l'ALENA. Mais en signant cet accord dès maintenant, nous pouvons donner aux entreprises canadiennes une nette longueur d'avance sur le marché chilien et une longueur d'avance par rapport à notre partenaire au sud.
Cet accord nous donne un avantage considérable non seulement sur nos concurrents américains, mais aussi sur nos concurrents européens et asiatiques, parce qu'il s'agit d'un accord plus complet que ceux que ces pays ont pu conclure; il nous donne en outre une longueur d'avance sur les partenaires commerciaux régionaux du Chili en Amérique du Sud.
Cette initiative est importante pour les entreprises canadiennes. Il faut qu'elles réagissent rapidement et il faut que l'accord soit mis en oeuvre sans retard avant le mois de juin 1997 pour pouvoir profiter de cet avantage.
L'accord est important pour d'autres raisons. Il garantit aux entreprises canadiennes l'accès à un marché dynamique et stratégique, qui connaît une expansion supérieure à 7 p. 100 par année. Il témoigne de notre engagement en faveur de la libéralisation du commerce dans tout l'hémisphère. Nous ne nous arrêtons pas à la frontière de notre voisin au sud ou à celle du Mexique; nous plongeons jusque dans le reste de l'hémisphère.
Cet accord, je le précise, n'est que le début. Je veux tenir d'autres discussions avec les pays du MERCOSUR, je veux aussi faire progresser l'accord de libre-échange des Amériques, pour parvenir à un accord applicable à tout l'hémisphère d'ici à l'an 2005.
L'objectif évidemment est de créer des emplois et de nouveaux rapports économiques entre le gouvernement et le secteur privé du Canada et du Chili, qui soutiendront nos efforts accrus en faveur de la libéralisation des échanges.
Comme je l'ai dit, l'objectif à long terme du gouvernement dans les régions de l'Amérique latine et des Caraïbes est la signature d'un accord de libre-échange des Amériques d'ici à l'an 2005. C'est la date cible fixée par les chefs de gouvernement au sommet de Miami tenu en décembre 1994. C'est un objectif que nous poursuivons avec diligence. J'espère à ce propos que les Américains reviendront prochainement à la table des négociations pour concrétiser l'engagement pris en 1994 mais qu'ils ont été dans l'impossibilité de respecter parce qu'ils n'ont pas pu obtenir du Congrès qu'il autorise le processus d'adoption accéléré. Je sais que le président et le Congrès vont se remettre à la tâche prochainement.
Nous voyons dans l'accord de libre-échange des Amériques un lien entre les pays de l'ALENA et les autres ensembles commerciaux de la région, comme les pays du MERCOSUR.
L'accord avec le Chili ouvre donc la porte à cette région emballante. Sa croissance n'étant dépassée que par l'Asie, la région de l'Amérique latine et les Caraïbes nous offrent une occasion qu'il ne faut pas rater et un marché dont nous ne pouvons nous passer. D'ici à l'an 2000, cette région comptera près de 500 millions d'habitants, dont 50 millions de salariés à revenu moyen ou supérieur. Son PIB atteindra 2 billions de dollars américains.
Lorsque ces nouveaux débouchés se sont présentés, les Canadiens se sont attelés à la tâche avec énergie pour en profiter. Ils ont réussi. Ils ont relevé le pari du libre-échange et de la concurrence accrue. Nos sociétés se sont structurées pour devenir plus efficaces et plus concurrentielles.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes. En 1992, notre excédent commercial s'établissait à un peu plus de 6 milliards de dollars. Deux ans plus tard, en 1994, le chiffre avait plus que doublé et était passé à près de 15 milliards de dollars. Hier, Statistique Canada a annoncé que notre excédent commercial pour 1996 s'établissait à 31 milliards de dollars, 6 milliards de plus que l'an dernier, et représentait un nouveau record. J'aimerais bien que mon REER affiche des performances comme celles-là.
M. Speller (Haldimand - Norfolk): Bravo!
M. Eggleton: Voilà ce dont sont capables les Canadiens lorsque des marchés s'ouvrent à eux. Voilà ce qu'ils savent faire lorsqu'ils se mesurent à ce qui se fait de mieux dans le monde. C'est le type de croissance que nous sommes déterminés à soutenir grâce à la découverte de nouveaux marchés et de nouveaux débouchés pour nos citoyens.
Je crois que l'Accord de libre-échange avec le Chili jouera un rôle important dans l'évolution future du commerce international du Canada. L'économie du Chili est la plus stable de la région et celle qui croît le plus rapidement. Au cours des dix dernières années, la croissance économique annuelle s'est située en moyenne à près de 7 p. 100. Les politiques de marché ont favorisé l'esprit d'entreprise et renforcé le secteur privé.
En 1995, l'excédent budgétaire du Chili - voilà déjà quelque chose d'impressionnant - représentait environ 2,5 p. 100 du PIB, tandis que la dette étrangère ne représentait qu'environ10 p. 100 du PIB.
Les deuxièmes élections présidentielles libres, qui ont été tenues en 1993, montrent que la transition du Chili vers la démocratie s'effectue sans heurt et s'enracine solidement en sol chilien.
Grâce à son faible taux de chômage, son inflation à la baisse et ses salaires à la hausse, le Chili a démontré qu'il peut être un partenaire commercial souhaitable et un bon partenaire pour l'investissement. Le Chili a noué des liens solides non seulement dans la région mais aussi avec l'Union européenne et avec l'Asie.
Les Canadiens n'ont pas tardé à remarquer cette conjoncture favorable, et les échanges entre leurs deux pays ont augmenté de manière spectaculaire. De fait, les échanges entre le Canada et le Chili ont plus que triplé depuis dix ans pour passer de 202 millions de dollars en 1983 à un sommet de 666 millions de dollars en 1995. Il y a eu une année - de 1994 à 1995 - où nos exportations vers le Chili ont progressé au taux impressionnant de 23 p. 100.
La nature de nos échanges avec le Chili change elle aussi. Depuis 1988, les exportations canadiennes de machinerie et d'équipement industriel ont dépassé les exportations de matières premières et s'accroissent à un taux moyen de 26 p. 100 par année. Ces investissements favorisent de nouvelles exportations de biens canadiens à valeur ajoutée ainsi que des alliances entre de petites et moyennes entreprises canadiennes et chiliennes. Ils permettent aussi à des sociétés canadiennes de fournir des biens et des services à des investisseurs canadiens au Chili.
Les investisseurs canadiens considèrent de plus en plus le Chili comme un endroit propice aux investissements, à tel point que le Canada a été le plus important investisseur étranger dans ce pays pendant trois ans au cours de la présente décennie. Le total cumulatif des investissements canadiens réalisés et prévus au Chili dépasse désormais 7 milliards de dollars. De tous les pays, le Canada vient au 2e rang des investisseurs au Chili dans le monde - plus de 7 milliards de dollars.
Une grande partie de ces fonds sont investis dans la mise en valeur des mines, mais les investissements dans les secteurs des banques, des communications et de l'énergie sont aussi à la hausse.
L'une des priorités du Canada consiste à protéger plus efficacement ses importants investissements au Chili. Nous avons pu y parvenir grâce à l'assurance-investissement à l'étranger de la SEE, qui a établi des lignes de crédit avec les banques Sud Americano et O'Higgins. Ces programmes de la SEE sont offerts aux secteurs public et privé.
Négocier une convention fiscale avec le Chili constitue un autre objectif important pour le Canada. Nos deux pays entameront des négociations à ce sujet lorsque seront approuvées les lois cadres nécessaires, qui seront bientôt déposées au Sénat chilien.
Plus de 50 coentreprises ont déjà été établies au Chili. Leurs activités vont de la lutte contre les incendies à la fabrication de machinerie industrielle. Cela va générer une augmentation des occasions d'exportation de biens et de services.
Les liens entre nos deux pays, monsieur le président, se sont donc bien resserrés ces dernières années. Il était donc tout naturel que le Canada et le Chili, deux pays commerçants où le secteur des ressources naturelles joue un rôle important, veuillent intensifier leurs échanges bilatéraux.
Voilà pourquoi le premier ministre Chrétien a dirigé la première délégation commerciale du Canada au Chili en janvier 1995. Plus de 250 entrepreneurs, représentant plus de 185 sociétés, l'ont accompagné dans cette mission. À cette occasion, 33 entrepreneurs canadiens ont conclu des marchés d'une valeur de plus de 1,7 milliard de dollars. En outre, le Conseil canadien des chefs d'entreprise a établi une alliance stratégique avec la Confederaci«n de la Producci«n y del Comercio afin de promouvoir des liens commerciaux directs.
Des protocoles d'entente sur l'environnement et les télécommunications ont aussi été signés au cours de cette mission. L'Alliance des manufacturiers et exportateurs canadiens et son pendant chilien ont élaboré un programme d'échange qui fonctionne depuis 1992. L'Association des ingénieurs-conseils du Canada et son pendant chilien ont créé elles aussi un programme d'échange.
Vu la multiplicité des contacts entre nos milieux d'affaires et l'ampleur des échanges de travailleurs et d'information, la suite logique était un accord de libre-échange entre nos deux pays. Cela était également une démarche naturelle pour le Chili sur la voie de son accession à l'ALENA.
Le Canada visait quatre objectifs dans cet accord bilatéral. Premièrement, obtenir le libre accès au marché chilien. Deuxièmement, protéger les investissements canadiens, évalués actuellement à7 milliards de dollars et en progression constante. Troisièmement, garantir l'attrait du Canada comme destination d'investissements. Quatrièmement, comme je l'ai déjà indiqué, bâtir un pont vers l'accession du Chili à l'ALENA. Nous croyons que tous ces objectifs ont été atteints par l'accord que nous avons signé et nous sommes convaincus que notre objectif général - la stimulation de l'économie canadienne et la création d'emplois ici - sera atteint.
Permettez-moi de vous décrire brièvement les principaux éléments de l'accord, monsieur le président.
Nous obtenons immédiatement l'accès en franchise de douanes pour la plupart des produits industriels canadiens, qui représentent 85 p. 100 de nos exportations. Dans cette catégorie, les droits chiliens à l'exportation, de 11 p. 100, sont éliminés. Dans les autres catégories, les autres biens industriels et produits dérivés de matières premières, les droits seront éliminés sur six ans.
Nous obtenons un meilleur accès pour une foule de produits agricoles comme le blé dur, qui représente je crois environ 35 p. 100 de nos produits agricoles destinés au Chili. En saison, cette culture sera exemptée des droits de douane. Pour ce qui est de l'orge, des pommes de terre de semence, du porc, des produits du canola et du boeuf, l'accès général de nos exportateurs aux marchés chiliens sera désormais supérieur à celui de nos concurrents des États-Unis et de l'Union européenne et aussi bon que celui de l'Argentine et du Brésil. Voilà pour les produits agricoles.
Une nouvelle protection importante des investissements canadiens au Chili, y compris un accord visant à assurer automatiquement aux investisseurs canadiens les avantages de toute nouvelle libéralisation à l'avenir.
De nouvelles garanties importantes pour les exportateurs canadiens de services.
L'accord prévoit la création d'une commission du libre-échange et d'un secrétariat pour assurer le règlement rapide et efficace des différends.
Des accords auxiliaires dans les domaines de l'environnement et de l'emploi - une première pour le Chili.
L'élimination par les deux parties des droits antidumping dans un délai maximum de six ans. Cette mesure garantira encore plus solidement l'entrée libre des exportations canadiennes au Chili, et contribuera à faire avancer la réforme et l'élimination éventuelle des mesures antidumping à l'intérieur de l'ALENA.
Il importe également de souligner ce qui n'est pas visé par cet accord. L'accord exclut les industries culturelles, le pacte de l'automobile et les produits à offre réglementée. De plus, les services postaux et de santé sont pleinement protégés.
Si cet accord constitue une bonne nouvelle pour tous nos exportateurs, il offre des possibilités toutes particulières pour les Canadiens dans les domaines suivants: premièrement, le matériel de télécommunications de pointe et les services consultatifs spécialisés; deuxièmement, le blé dur, les oléagineuses et autres cultures semblables; troisièmement, le charbon, les mines et le matériel de production et de transmission d'électricité; et enfin, les produits et services forestiers et environnementaux.
[Français]
Puisque le Chili modernise son infrastructure, il y a d'énormes possibilités pour les entreprises canadiennes des secteurs de la construction et des services de conseil.
[Traduction]
En décembre de l'an dernier, j'ai eu l'honneur de participer à Canada Expo '96, foire commerciale des entreprises canadiennes qui s'est tenue à Santiago. Plus de 170 sociétés canadiennes ont montré leurs produits et services à plus de 4 000 visiteurs, y compris le président du Chili. De nombreux marchés ont été signés et plusieurs carnets de commandes remplis. Les compagnies participantes n'ont pas tari d'éloges pour nos fonctionnaires chargés de l'organisation de cette manifestation.
Après cette foire commerciale, des annonces importantes ont été faites par NorTel, Rio Algom, Newbridge et Teck Corporation. La valeur estimée de ces projets s'établit à plusieurs centaines de millions de dollars.
Le propriétaire d'une compagnie m'a même dit avoir supplanté un concurrent américain pour la seule raison qu'il pouvait livrer son produit après la date cible de mise en oeuvre du 2 juin et bénéficier d'un avantage de 11 p. 100 grâce à la disparition des droits de douane. Voilà. L'accord donne déjà des indications des effets positifs qu'il aura et nous procure déjà des avantages.
Il n'y a pas que les grandes sociétés qui ont pris conscience du potentiel que représente le Chili. Un sondage mené auprès des PME qui ont participé à Expo '96 indique qu'elles aussi prévoient des débouchés commerciaux importants à court et à long terme.
Comme vous pouvez le constater, chers collègues, ce sont l'Amérique latine et les Caraïbes dans leur ensemble qui recèlent la promesse d'une croissance phénoménale et de débouchés en or pour le Canada.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Passons maintenant aux questions.
[Français]
Monsieur Sauvageau.
M. Sauvageau (Terrebonne): Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre présentation de ce matin.
Comme vous avez pu le constater lors de vos rencontres avec M. Carrière et d'autres fonctionnaires, et selon les discours que nous avons tenus à la Chambre des communes, le Bloc québécois appuie l'Accord de libre-échange Canada-Chili. Le Bloc québécois va collaborer avec vous pour s'assurer que cette entente soit mise en oeuvre dans le respect des normes et des délais.
Cependant, nous voulons vous poser quelques questions sur des points qui restent en suspens. Comme il ne vous reste que 30 minutes, si vous ne pouvez donner des réponses à toutes les questions, j'ose espérer que nous allons obtenir des réponses écrite de votre part comme cela se fait habituellement.
Deux de mes trois questions portent sur votre discours. Vous avez parlé de la zone de libre-échange pour 2005, tel que le premier ministre l'a déjà souligné, une zone de libre-échange incluant toutes les Amériques. Compte tenu qu'on ne peut espérer que le Chili puisse adhérer à l'ALENA avant l'an 2000, quels sont les échéanciers et de quelle façon va-t-on y faire entrer un pays, des pays ou des blocs de pays entre 2000 et 2005?
Ma deuxième question porte sur un passage d'un livre que l'on lit occasionnellement, le Livre rouge. On peut y lire à la page 22:
Un gouvernement libéral renégociera le traité de libre-échange canado-américain et l'ALENA pour prévoir un code des subventions, un code antidumping, un mécanisme plus efficace de règlement des différends, ainsi que la protection de nos ressources énergétiques, à l'instar du Mexique. La résiliation des accords de libre-échange ne doit être envisagée qu'en dernier recours s'ils ne peuvent être révisés de manière satisfaisante.
Nous attendons les rapports de ces groupes de travail depuis 1995. Nous les savons terminés, mais ils sont confidentiels. Comme ils seront probablement déposés à la veille des prochaines élections fédérales, allez-vous en profiter pour dire que vous avez rempli une autre promesse du Livre rouge?
Ma troisième question porte sur votre discours. Vous avez dit que la clause d'exemption culturelle était reconduite dans l'Accord de libre-échange avec le Chili. Vous avez dit aussi il y a quelque temps que la clause d'exemption culturelle était nuisible dans les accords de libre-échange et même contre-productive. Pourquoi l'avez-vous reconduite? Je vous remercie.
[Traduction]
M. Eggleton: Je tiens à remercier le député de ses questions, monsieur le président.
En réponse à la première question, nous n'avons pas de projets précis à l'heure actuelle pour d'autres groupements, à part le fait que je veux établir des rapports avec le MERCOSUR. J'ignore encore où cela nous mènera, mais s'il y a du nouveau du côté du MERCOSUR d'ici à l'an 2005, je ne manquerai pas de vous en informer.
En ce qui concerne l'adhésion du Chili à l'ALENA, cela dépendra si le président des États-Unis pourra obtenir cette année du Congrès l'autorisation d'enclencher le processus d'adoption accéléré. Il faudra du temps pour négocier l'accord, si bien que l'an 2000 est peut-être réaliste. En revanche, en l'absence de processus accéléré, cela pourrait prendre plus de temps.
Entre temps, nous poursuivons les discussions hémisphériques sur la création d'une zone de libre-échange des Amériques d'ici à l'an 2005. Je me rendrai à Belo Horizonte au Brésil, en mai, pour participer à la réunion annuelle des ministres du Commerce où l'on cherchera à réaliser des progrès en ce sens. Il y aura une autre rencontre au sommet l'an prochain, à Santiago, où les chefs de gouvernement seront présents, et j'espère que nous pourrons alors lancer les négociations comme telles. Jusqu'à maintenant, les divers comités se sont employés à faire le travail de documentation et d'examen préalable, et j'espère que nous pourrons lancer les négociations à cette rencontre de manière qu'elles puissent être menées à terme d'ici à l'an 2005.
Par ailleurs, pour ce qui est de l'extrait du livre rouge concernant l'établissement d'un code des subventions et d'un code antidumping, quand nous avons signé l'ALENA, il était entendu que cette question ferait l'objet de discussions avec les États-Unis et le Mexique par l'entremise d'un comité de l'ALENA. Nous avons reçu un projet de rapport du personnel, mais la commission, qui est composée des trois ministres responsables de cet accord commercial, n'a pas encore pu se réunir. Il semble que nous devrions pouvoir nous réunir d'ici un mois environ - je n'ai pas encore de date précise - et nous pourrons alors examiner ce rapport.
Je devrais vous signaler que le rapport entraînera certains changements. Des précisions et des améliorations seront notamment apportées au processus de règlement des différends et à d'autres éléments de l'ALENA, mais il nous reste encore beaucoup de chemin à faire avant de pouvoir réaliser nos objectifs en ce qui concerne la réforme des recours commerciaux.
Vous avez parlé d'un code des subventions. Or, la dernière série de négociations du GATT, dites d'Uruguay, se sont soldées par l'inclusion dans l'Accord de l'OMC de dispositions relatives aux subventions.
Il faudra toutefois plus de temps pour en arriver à une entente avec les États-Unis sur l'antidumping et les mesures compensatoires. Cela ne fait aucun doute. Comme nous avons bien souvent été victimes de mesures de ce genre, nous souhaitons des réformes à cet égard. L'accord avec le Chili constitue un pas dans la bonne direction, en ce sens qu'il prévoit une exemption relative aux mesures antidumping que nous pourrions prendre.
Nous avons de la chance du fait que nous n'avons jamais encore eu besoin de recourir à des mesures de ce genre à l'égard du Chili, mais je crois que la conclusion de cet accord avec le Chili et la conclusion par la suite, du moins je l'espère, d'un accord semblable avec le Mexique, nous permettront de cerner de près notre autre partenaire commercial, à savoir les États-Unis.
Des progrès ont été accomplis, et il y aura un rapport. Le rapport sera rendu public dès que j'en aurai obtenu la permission - après en avoir discuté avec mes collègues à la rencontre de la commission - , et nous poursuivrons les efforts en ce sens. La question sera d'ailleurs un point clé à l'ordre du jour de la rencontre de la Commission mixte de l'ALENA.
Troisièmement, l'exemption culturelle - il y a effectivement une clause d'exemption culturelle. Quand j'ai parlé de la clause d'exemption culturelle de l'ALENA, je n'ai pas dit qu'elle était nuisible ou improductive. J'ai dit qu'il ne faut pas confondre exemption et protection; nous sommes toujours vulnérables aux attaques. En fait, l'industrie américaine du divertissement essaie à bien des égards d'exercer des pressions sur nous pour que nous éliminions les obstacles qui l'empêchent d'accroître l'accès à ses produits culturels. Ma foi, ils ont déjà un accès énorme; je ne sais pas ce qu'ils veulent de plus. Nous avons jusqu'à maintenant fait l'objet d'opérations multiples, menées l'une après l'autre. Il y a d'abord eu la chaîne de musique country, puis il y a bien sûr la décision de l'OMC en ce qui concerne les magazines à tirage double.
Dans les propos que j'ai tenus sur le sujet il y a de cela un certain temps, j'ai voulu faire une mise en garde; je disais qu'il ne faudrait pas les laisser nous avoir à l'usure, et que nous devions avoir une stratégie et une action concertée de manière à pouvoir défendre nos produits culturels tant pour la consommation intérieure que pour l'exportation.
L'exemption culturelle de l'ALENA - et il ne faut pas oublier que l'ALENA a servi de modèle à l'élaboration de l'accord avec le Chili - existe bel et bien. Faudrait-il avoir plus que cela? Faudrait-il que nous ayons des règles comme telles en ce qui concerne la culture? C'est une question dont j'ai demandé à discuter. Que ce soit à l'OMC ou à l'ALENA, c'est une question qui devrait être examinée. Entre temps, le présent accord prévoit effectivement la disposition qui est incluse dans l'ALENA.
[Français]
M. Sauvageau: Monsieur le ministre, tout d'abord, je vous remercie pour vos réponses. Vous avez négocié l'élimination des droits antidumping dans l'Accord de libre-échange Canada-Chili. Il n'y a pas de droits antidumping dans cet accord. Cette disposition empêchait le Chili d'adhérer à l'ALENA. Quelle serait la position du Canada en ce qui a trait aux droits antidumping si les États-Unis maintenaient leur position là-dessus?
[Traduction]
M. Eggleton: L'inclusion d'une disposition en ce sens dans l'accord s'inscrit bien sûr dans le cadre de nos efforts pour amener les États-Unis à s'attaquer à la question de la réforme des recours commerciaux. Certes, il nous faudra y consacrer beaucoup d'énergie et de temps pour parvenir à nos fins, mais je crois que l'accord avec le Chili nous permet d'avancer dans cette voie et contribue à mettre la question à l'ordre du jour.
[Français]
M. Sauvageau: La réponse va attendre. Merci.
[Traduction]
Le président: Monsieur Penson.
M. Penson (Peace River): Monsieur le président, je tiens à souhaiter la bienvenue à notre comité ce matin au ministre et à ses collaborateurs.
Je voudrais poursuivre dans la même veine que M. Sauvageau. Chose certaine, mes collègues du Parti réformiste qui siègent à ce comité appuient la libéralisation des échanges entre le Canada et le Chili. Nous encourageons le ministre à poursuivre ses efforts pour intégrer l'Amérique du Sud à un accord commercial quelconque avec le Canada. Nous savons que le Parti libéral a mis du temps à se rallier au libre-échange, mais nous ne nous réjouissons pas moins du fait que le ministre souscrive maintenant au libre-échange.
Il ne fait aucun doute que les avantages des accords de libre-échange commencent à se faire sentir. Je me réjouis tout particulièrement des dispositions relatives à la protection des investissements canadiens au Chili, notamment pour notre secteur minier qui a une présence très importante là-bas. Le secteur agricole aura accès à une certaine partie du marché qui était auparavant assujetti à des tarifs. Je crois qu'il s'agit d'un pas dans la bonne voie et qu'il faut poursuivre les efforts en ce sens.
M. Sauvageau a parlé d'antidumping. Là encore, je me réjouis des mesures qui ont été prises, mais je me demande quelle en sera l'incidence sur les efforts pour intégrer le Chili à l'ALENA, je me demande si ces mesures ne constitueront pas un obstacle dans la prochaine série de négociations avec les États-Unis. Nous savons que nous n'avons pas fait de véritables progrès avec les États-Unis.
Par ailleurs, monsieur le ministre, je veux vous poser une question au sujet de ces accords de libre-échange que le Canada a réussi à négocier. Nous semblons avoir un déficit commercial avec presque tous les pays sauf les États-Unis. Je voudrais savoir ce que vous pensez des raisons qui expliquent ces déficits commerciaux et des raisons pour lesquelles le Canada n'arrive pas à mieux tirer parti de la libéralisation des échanges pour être en situation, non pas déficitaire, mais excédentaire en ce qui concerne les chiffres nets relatifs au commerce avec la plupart des pays, exception faite des États-Unis.
Le président: Je veux être sûr que le ministre comprend bien votre question, monsieur Penson. Voulez-vous parler de la balance du compte courant ou simplement des biens et services...
M. Penson: Je veux savoir si nous avons un excédent ou un déficit commercial en ce qui concerne l'échange de biens.
Le président: D'accord. Excusez-moi d'être intervenu.
M. Eggleton: Sur ce dernier point, les 34,1 milliards de dollars constituent un excédent commercial pour les échanges de biens. Quand il s'agit de la balance du compte commercial, le service de la dette, le tourisme et toutes ces autres transactions financières entrent en ligne de compte. Il est toutefois évident que nous avons maintenant renversé la vapeur en ce qui concerne le compte courant, qui se trouve lui aussi en situation d'excédent.
Lorsque vous avez souhaité la bienvenue à mes collaborateurs, vous m'avez rappelé que j'avais oublié de les présenter, monsieur le président. Si vous me le permettez, Claude Carrière est directeur de la Division des tarifs et de l'accès aux marchés au ministère. Dan Daley est notre conseiller juridique de la Division du droit commercial. Keith Christie, l'homme qui a négocié cet accord, est maintenant au BCP, mais il a été le principal responsable de la négociation de cet accord qui a été réalisée en un temps record. Merci de leur avoir souhaité la bienvenue. Je vous en suis reconnaissant.
En ce qui concerne le libre-échange ou la libéralisation - le mot mérite d'être souligné - des échanges, le Parti libéral s'intéresse à cette question depuis déjà longtemps. Mes lectures ces derniers temps portent justement sur les efforts de Wilfrid Laurier à ce chapitre.
Je crois que les libéraux avaient raison de s'inquiéter énormément dans les années 80 de la perspective d'un accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, puisque l'accord a effectivement entraîné des changements en profondeur. Bien des gens s'inquiétaient de la possibilité de perdre leur emploi. L'effort d'adaptation était énorme et le gouvernement de l'époque n'a pas prévu les programmes d'aide qui auraient été nécessaires pour que cette adaptation se fasse sans heurts. Je crois que c'est pour cette raison que les libéraux se disaient inquiets à ce moment-là.
Nous avons toutefois réussi à renverser la vapeur, nous avons payé le prix de l'adaptation. Nous nous trouvons maintenant en fait dans une situation très avantageuse grâce aux accords de libéralisation des échanges.
En ce qui concerne l'antidumping, votre question, si je me souviens bien, portait sur ce que nous ferions si les Américains refusaient de se rallier. Comme je l'ai dit, la mesure sera sans doute une mesure à long terme, mais nous avons bon espoir que les Américains s'attaqueront à la question quand le Chili sera intégré à l'ALENA et que nous pourrons discuter de l'ensemble des dispositions de cet accord. Si nous pouvions conclure un accord semblable avec le Mexique, les États-Unis se trouveraient à être le seul partenaire à ces négociations qui n'aurait pas conclu un accord de ce genre. Si les Américains continuent toutefois à résister et que nous finissons par intégrer le Chili à l'ALENA aux termes de l'accord actuel, en l'absence de cette disposition, la disposition continuera à s'appliquer de façon bilatérale à nos échanges avec le Chili.
Grâce à ce nouvel accord, la question est en tout cas sur la table et elle devra manifestement faire l'objet de discussions. Nous poursuivrons nos efforts en ce sens.
M. Penson: Le Canada a effectivement, dans l'ensemble, un excédent commercial, et il y a lieu de s'en réjouir. Par mon intervention, je voulais simplement faire remarquer que, dans le cas de la plupart des pays avec lesquels nous avons des échanges, exception faite des États-Unis, nous importons actuellement plus que nous exportons. Ma question vise à savoir pourquoi il en est ainsi selon vous et ce que nous pourrions faire pour que notre balance commerciale avec ces autres pays soit plus équilibrée ou qu'elle soit même excédentaire.
M. Eggleton: Beaucoup de ces pays ont des économies en développement. Au fur et à mesure qu'ils se développent et que leur économie progresse et que la population s'enrichit et acquiert le pouvoir d'achat nécessaire pour acheter nos produits canadiens à valeur ajoutée élevée, la situation s'améliore et nous voyons déjà les signes de cette amélioration. C'est là une tendance qui se poursuivra à mon avis.
Les économies en développement qui ont des taux de croissance supérieurs à 70 p. 100 - j'ai parlé du Chili, mais beaucoup de pays de la région Asie-Pacifique ont des taux de croissance encore plus élevés que celui du Chili - augurent extrêmement bien pour l'avenir de nos échanges commerciaux. Nous amenons, comme vous le savez, des missions Équipe Canada dans beaucoup de ces pays, afin de contribuer à l'accroissement des échanges, et ces visites ont un effet considérable. La dernière mission d'Équipe Canada était la plus importante que nous ayons jamais organisée. Elle a suscité beaucoup d'intérêt pour le Canada et les entreprises canadiennes. Beaucoup de contrats ont été signés, beaucoup d'activités de réseautage ont été réalisées et le processus qui permettra de multiplier encore davantage les échanges est déjà enclenché.
Nous enverrons d'autres délégués commerciaux dans des pays comme le Chili et Israël, avec lesquels nous avons signé un accord de libre-échange, et dans les pays qui ont déjà reçu la visite de délégations d'Équipe Canada, afin d'y renforcer notre personnel et nos perspectives commerciales. Nous voulons être sûrs de maintenir l'élan que nous avons déjà. Nous voulons faire en sorte de pouvoir accroître notre part de marché et les débouchés qui s'offrent à nous sur ces marchés.
Nous avons un excédent commercial très solide. J'en conviens avec vous, il est surtout attribuable à nos échanges avec les États-Unis - les États-Unis sont toutefois notre plus important partenaire commercial; plus de 80 p. 100 de nos échanges se font avec les États-Unis - , mais nous déployons des efforts pour diversifier nos échanges et aussi pour vendre plus de biens et de produits sur d'autres marchés.
M. Penson: Me reste-t-il encore du temps, monsieur le président?
Le président: Oui, il vous en reste encore.
M. Penson: Je voudrais vous interroger au sujet des obstacles au commerce à l'intérieur de notre pays. Nous entendons bien souvent parler - il en a même été question dans les témoignages que nous avons entendus - dans le secteur de la PME des restrictions au commerce et des circonstances qui empêchent la PME de réaliser les économies d'échelle dont elle aurait besoin pour se lancer sur le marché international. Nous connaissons les chiffres; le nombre d'entreprises canadiennes qui sont à l'origine de la plupart de nos échanges est petit. Nous devons donc déployer des efforts à cet égard.
Je crains que les barrières au commerce intérieur limitent notre capacité à nous engager sur cette voie. Je sais que le Comité du commerce intérieur travaille à ce dossier au ministère de l'Industrie, mais je crois savoir que les résultats obtenus jusqu'à présent sont assez décevants. Je me demande ce que nous pourrions faire pour tenter d'améliorer la situation afin de donner un coup de pouce à nos entreprises pour qu'elles puissent, tout d'abord, soutenir la concurrence sur notre territoire et réaliser des économies d'échelle, pour ensuite se lancer sur le marché international.
M. Eggleton: Je ne saurais vous dire que je suis parfaitement au courant de ce dossier, bien que je le suive d'aussi près que possible. C'est mon collègue, le ministre de l'Industrie, qui s'occupe des efforts en ce sens. Nous avons réussi à aller plus loin qu'il n'avait été possible d'aller depuis plusieurs années. L'accord que nous avons signé il y a deux ans constituait le progrès le plus important qui ait été réalisé en vue de l'élimination des barrières au commerce intérieur, mais il reste encore beaucoup à faire. Mon collègue s'en rend compte; nous en sommes tous conscients au gouvernement. Nous voulons éliminer ces barrières le plus rapidement possible, tout comme nous l'avons fait pour le commerce avec d'autres pays. Nous avons besoin d'éliminer ces barrières sur notre territoire à nous.
M. Penson: Mais êtes-vous prêt...
M. Eggleton: Je crois que nous nous entendons tous là-dessus et j'estime que nous avons tous à coeur d'agir en ce sens le plus rapidement possible. Bien entendu, en ce qui concerne les provinces, nous avons des partenaires à la table avec qui nous devons négocier, et cela prend du temps.
M. Penson: Je veux savoir si le ministre de l'Industrie et vous-même faites des efforts en ce sens. Je crois que les gens reconnaissent généralement que ces barrières nuisent à notre capacité de soutenir la concurrence à l'échelle internationale, notamment dans le cas des PME. Enfin, d'après ce qu'on m'a dit, vous travaillez en étroite collaboration avec lui afin de changer la situation.
M. Eggleton: Oui, nous travaillons en étroite collaboration.
Le président: La province que vous représentez n'est pas aussi mercantile que vous semblez l'être vous-même dans votre façon de concevoir le commerce, dans votre désir d'avoir à tout prix un excédent commercial, quelles que soient les circonstances.
M. Penson: Excusez-moi, monsieur le président?
Le président: Nous ne voulons pas que les provinces imitent l'attitude mercantile de certains pays.
M. Penson: Non, mais je crois que la plupart d'entre elles se rendent compte qu'il y va de leur intérêt.
Le président: Oui.
M. Eggleton: Puis-je ajouter quelque chose à cela, monsieur le président? Je crois qu'il est aussi important que nous encouragions tous le milieu des affaires à exercer des pressions en ce sens. Encourageons nos associations commerciales et nos entreprises individuelles à exercer des pressions sur nous et sur les gouvernements provinciaux pour que nous réalisions des progrès relativement à ce dossier. Je crois que cela serait très utile.
Le président: Merci.
M. Eggleton: Ce sont les gens d'affaires qui en profiteront finalement. Amenons-les à s'engager davantage pour que le dossier ne soit pas simplement l'affaire des hommes et des femmes politiques. En faisant ce que nous faisons ici aujourd'hui et ce que nous faisons dans d'autres domaines du commerce international, c'est l'entreprise canadienne que nous voulons aider, alors il faut amener nos entreprises à s'engager davantage.
Le président: Merci.
Monsieur Dupuy.
M. Dupuy (Laval-Ouest): Permettez-moi tout d'abord de vous dire à quel point je suis favorable à cet accord. Je crois que l'équipe qui l'a négocié, le ministre y compris, mérite d'être félicitée. L'accord fait partie d'une stratégie éclairée. Je suis ravi de voir que le Canada devance les États-Unis dans ses efforts pour établir des relations avec les pays d'Amérique latine.
Le ministre a dit de cette entente qu'elle était provisoire, et c'est sur ce point que je voudrais l'interroger. Je vois bien que si une zone de libre-échange des Amériques devient une entente couvrant tout l'hémisphère, notre accord bilatéral finira par y être englobé. J'aimerais m'assurer que certaines des dispositions - par exemple les mesures antidumping - seront protégées dans les négociations plus larges portant sur une zone de libre-échange de l'Amérique latine, en raison de l'importance essentielle de ces dispositions. Elles constituent, en un sens, une percée et un excellent précédent, et il serait regrettable de les voir se perdre du fait de négociations plus multilatérales. C'est sur ce point que porte ma première question.
Ma seconde question porte sur l'exemption culturelle qui, comme nous le savons, n'assure pas la protection contre des mesures de rétorsion, et c'est là son talon d'Achille. Ne devrions-nous pas, en traitant bilatéralement avec des pays tels que le Chili, agir comme nous l'avons fait à propos des mesures antidumping? Ne devrions-nous pas essayer de négocier bilatéralement une sorte d'accord qui nous protégerait des mesures de rétorsion? Il est vrai qu'entre le Canada et le Chili ne se pose pas la question la plus cruciale, celle d'une culture submergeant l'autre. Le Chili, de même que d'autres pays d'Amérique latine, seraient probablement compréhensifs sur ce point. Comment se fait-il que nous n'ayons pas profité de cette occasion pour essayer de créer des précédents, en matière de culture, qui nous assureraient une certaine protection contre les mesures de rétorsion?
M. Eggleton: En ce qui concerne votre première question, il s'agit d'un accord provisoire, parce que nous voulons qu'il soit suivi de l'accession à l'ALENA, et pour y arriver, d'autres négociations seront nécessaires, même si nous nous sommes efforcés, bien entendu, de rapprocher dans toute la mesure du possible cet accord provisoire de l'ALENA. Nous nous sommes servis de ce dernier comme modèle afin que, le moment venu, la transition soit aussi aisée que possible.
Mais si à la suite de négociations avec les États-Unis des changements interviennent, par exemple une extension de la libéralisation, nous voudrions être sûrs d'en profiter également. Cela ne signifie pas pour autant que tout l'accord soit englobé par l'ALENA; il y a, entre nos deux pays, des dispositions que nous tiendrons à conserver même si nous ne pouvons obtenir, par négociation, qu'elles fassent partie de l'ALENA, comme par exemple la mesure antidumping. Même si nous déployons tous nos efforts pour la faire accepter par l'ALENA, il se peut qu'elle survive malgré cela comme entente bilatérale. Nous pouvons donc préserver bilatéralement les mesures qui sont bénéfiques, uniques et différentes et, si nous pouvons obtenir des améliorations, nous le ferons également.
C'est ainsi que le Chili procède à un examen de son secteur des services financiers - nous n'avons pas un tel élément dans l'accord - parce que celui-ci est en voie de modernisation, et cet examen va lui prendre environ 15 mois. Nous avons une disposition prévoyant, avant la fin de la décennie, de poursuivre les négociations avec lui. Mais si cette question figure aux négociations avec tous les partenaires de l'ALENA, avec parmi eux les États-Unis, nous obtiendrions les mêmes améliorations qu'obtiendrait alors n'importe qui d'autre.
Quant à l'exemption culturelle, conformément au thème de la réforme des recours commerciaux, il y a des dispositions visant mutuellement à ne pas prendre de mesures de rétorsion. Entre le Canada et le Chili, il existe donc, d'ores et déjà, une disposition supérieure à celle qui existe dans l'ALENA. Nous n'avons pas cette même disposition avec les États-Unis et nous voudrions, là encore, la mettre avec ces derniers sur la table de négociation.
M. Dupuy: Avez-vous l'intention, lors de futures négociations bilatérales en Amérique latine, d'essayer d'apporter d'autres améliorations au traitement des produits culturels? C'est une classe de produits à part. Ces négociations bilatérales peuvent, parce que ces pays sont plus sensibles que les États-Unis à cette question, nous en fournir l'occasion, et ces pays peuvent se montrer plus ouverts à nos préoccupations, voire les partager.
M. Eggleton: Je ne suis nullement opposé à cela. Je suis désireux de consulter le secteur culturel, car rappelez-vous, c'est lui qui voulait l'exemption, qui tenait à cette disposition de l'ALENA, et sous cette forme. Si nous devons faire des changements à son avantage, aux fins de la promotion des produits culturels canadiens, d'autres consultations s'imposeraient, bien entendu, mais je n'ai pas d'objection.
Le président: Puisque cette question d'exemption culturelle a été soulevée à deux reprises, monsieur le ministre, pourriez-vous, ou l'un de vos collaborateurs, nous dire quelle est la disposition de l'accord qui porte là-dessus, celle qui, d'après vous, assurerait une protection supplémentaire?
M. Keith Christie (sous-ministre adjoint, Relations fédérales-provinciales, Bureau du Conseil privé): Monsieur le président, ce sont les articles 0.06 et 0.07. L'article 0.07 inclut la définition de ce qu'on entend par «industrie culturelle», et c'est la même que celle de l'ALENA; l'article 0.06 vous renvoie à l'annexe 0.06, qui donne le texte proprement dit.
Le président: Avec ces accords, c'est comme au jeu des serpents et des échelles. Merci beaucoup.
Madame Gaffney.
Mme Gaffney (Nepean): Je voudrais seulement faire une petite remarque. Il y a quelques mois je me trouvais assise à côté de l'ambassadeur du Chili aux Nations Unies. Je lui ai demandé: j'apprécie beaucoup les vins de votre pays; qu'est-ce que vous pensez des nôtres? Il n'y avait jamais goûté. Je suis donc très contente de constater que le Chili peut obtenir l'accès en franchise de droits à nos vins. Ne manquez pas de vous en assurer.
M. Eggleton: Je suis sûr que notre ambassade l'a fait.
Mme Gaffney: Je voudrais également rappeler que notre comité a un Sous-comité du développement humain durable, qui traite plus ou moins des questions liées aux droits de la personne.
Le président: Vous allez devoir discuter de cela avec vos collègues.
Mme Gaffney: Le titre ne m'apparaît pas très clair.
La semaine dernière, les représentants du Conseil de l'Europe ont comparu devant nous. Ce conseil me semble avoir une bonne idée: il a en son sein un tribunal, à savoir un comité qui se déplace pour enquêter sur les droits de la personne. En effet, certains pays membres connaissent des abus de ces droits; le Conseil de l'Europe établit les directives et celles-ci sont imposées d'un pays à l'autre. Ce sont les pays eux-mêmes qui assurent la surveillance.
À présent que les accords de libre-échange font tache d'huile... Je sais par exemple qu'avec le Mexique les discussions portaient là-dessus. Je ne suis pas au courant de la situation au Chili, et de ses pratiques en matière de conditions de travail ou autres. A-t-on envisagé d'imposer une sorte d'entente entre les pays avec lesquels nous conclurons des accords, ententes aux fins desquelles nous pourrions nous imposer l'un à l'autre des conditions à respecter en matière de droits de la personne ou de droits des travailleurs?
M. Eggleton: D'après ce que nous pensons savoir, les dernières années ont vu une amélioration considérable de la situation des droits de la personne au Chili. Nous connaissons tous les vicissitudes de l'histoire de ce pays, certainement au cours des dernières années. Ce pays a eu deux élections libres à la présidence; il a procédé à une réforme en profondeur sur différentes questions, réforme qui est de bonne augure, je pense, pour les droits de la personne et les conditions économiques et sociales du peuple chilien.
Dans cette entente, nous avons abordé les deux accords auxiliaires de l'ALENA, l'un sur l'environnement, l'autre sur le travail et la main-d'oeuvre. Les questions liées au travail, dans une grande mesure, portent également sur les droits de la personne; nous nous sommes donc engagés, dans cet accord auxiliaire sur le travail, à promouvoir 11 principes élémentaires dans ce domaine: les relations industrielles, les normes d'emploi, les questions touchant à la sécurité et à la santé en milieu professionnel, la coopération, le dialogue et des études comparatives portant sur les relations en milieu de travail, et toute une série de mécanismes, à commencer par des consultations coopératives en vue de résoudre des différends ou des difficultés, en passant ensuite à des évaluations comparatives des pratiques, le tout pouvant déboucher sur des procédures formelles, dans des circonstances spécifiques, de résolution de conflits, par exemple l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine, un salaire minimum, et des normes de santé et de sécurité au travail.
Au Chili, la question de la main-d'oeuvre enfantine n'est pas un problème capital; il existe peut-être dans une certaine mesure, mais ce problème n'est pas aussi grave que dans bien d'autres pays.
Cet accord auxiliaire permettra donc d'entamer un dialogue, certainement sur les nombreuses questions touchant aux droits de la personne, et de travailler avec les Chiliens pour promouvoir et développer des réformes du droit du travail, réformes dont nous devrions pouvoir suivre de près l'application au fur et à mesure de leur évolution. Cet accord auxiliaire sur le travail nous a donc donné une possibilité de participer à ces questions dans une bien plus grande mesure que nous n'avons pu le faire avec tout autre pays hors de l'ALENA.
Le président: Monsieur le ministre, il serait également juste d'ajouter qu'en tant que membres de l'Organisation des États américains, dont le Canada ainsi que le Chili sont membres, et de la Commission interaméricaine sur les droits de la personne, nous participerions activement à ces autres domaines...
M. Eggleton: Oh, certainement!
Le président: ... touchant aux droits de la personne au Chili. Le comité peut donc être assuré que cet accord tend à étoffer davantage ces questions touchant au travail et à l'économie, et élargit donc la portée des droits de la personne...
M. Eggleton: Vous avez parfaitement raison. Je parlais, dans une grande mesure, du contexte de cet accord bilatéral, mais vous avez raison de dire qu'il existe des tribunes internationales où nous nous penchons constamment sur ces questions, comme par exemple le Comité des droits de l'homme des Nations Unies et l'Organisation internationale du travail.
Mme Gaffney: Je vous remercie.
Le président: Il nous reste environ une minute.
[Français]
M. Paré (Louis-Hébert): Ce qui a fait la renommée du Canada au cours des 45 dernières années, ce sont les programmes de développement international, les missions de paix et le rôle que le Canada a joué dans la défense des droits de la personne.
Avec l'arrivée de votre gouvernement et en dépit des discours que vous faisiez - quand je dis «vous», je parle du Parti libéral - quand vous étiez dans l'opposition, avec la nouvelle politique étrangère, le Canada a effectué un virage à 180 degrés par rapport à la question des droits de la personne.
Votre nouveau dogme est que les relations commerciales sont le moyen universel pour régler les problèmes de droits de la personne et de pauvreté dans le monde, et Amnistie Internationale, qui a fait de la recherche sur cette question, a reconnu que le Chili avait des problèmes en ce qui a trait aux droits de la personne et qu'il y avait là des prisonniers politiques. Le Canada se soucie-t-il véritablement de ces questions au moment où il négocie des accords de libre-échange ou si ce ne sont que de belles paroles que le ministre des Affaires étrangères utilise dans ses discours sur la scène internationale?
[Traduction]
M. Eggleton: Je serais vivement intéressé d'en apprendre davantage sur les prisonniers politiques. Nous ne disposons d'une telle information, sinon qu'il en reste quelques-uns, incarcérés sous le régime Pinochet et qui sont peut-être encore en prison.
En matière de droits de la personne, nous avons déployé tous nos efforts, depuis que nous sommes au gouvernement, pour renforcer l'insistance du gouvernement pour que soient respectés ces droits. Dans les discussions bilatérales, je soulève souvent cette question avec les pays dont nous savons pertinemment qu'ils commettent des violations de ces droits, et comme vous avez pu le noter dans le dialogue que j'ai eu tout à l'heure avec le président, ces questions sont également soulevées dans les tribunes internationales.
Je ne comprends donc pas le préambule à votre question et je conteste ce que vous y dites. Nous ne nous arrêterons certainement pas en chemin et nous continuerons à insister, tant dans les négociations bilatérales que multilatérales, pour que soient respectés ces droits.
Le président: Je vous remercie. Je vois qu'il est 10 h 7, et je sais qu'à 10 h 10 vous devez vous trouver à la Chambre, monsieur le ministre. Vous allez donc devoir vous presser, mais nous vous remercions d'avoir comparu devant nous, monsieur.
J'espère que vos collaborateurs pourront rester, au cas où se poseraient des questions précises découlant des dépositions d'autres témoins.
M. Eggleton: Je vous remercie.
Le président: Je vais demander à nos autres témoins de prendre place sitôt que le ministre sera parti. Nous avons une longue liste de témoins, à savoir la Fédération de l'agriculture, l'Association canadienne des producteurs d'acier, la Chambre de commerce Canada-Chili, etc. En attendant qu'ils s'installent, nous allons faire une petite pause. Je vous remercie.
Le président: Nous allons reprendre nos travaux, car nous avons une longue liste de témoins, et beaucoup de pain sur la planche.
Devant nous comparaissent M. Wilkinson, de la Fédération canadienne de l'agriculture;Jean Van Loon, de l'Association canadienne des producteurs d'acier; José Duran et l'honorable Marc Lalonde, de la Chambre de commerce Canada-Chili; M. Weese et M. Wilson, de General Electric Canada; M. Drake et M. Moore, de l'Alliance des manufacturiers et exportateurs canadiens, et M. Pugh, de Prairie Pools.
Aux termes de notre ordre de renvoi, daté du 14 février 1997, le projet de loi C-81, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Chili et d'autres accords connexes, passe en deuxième lecture et est renvoyé au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. C'est l'ordre de renvoi de la Chambre qui nous autorise à tenir ces audiences.
Nous allons donner la parole en premier lieu à M. Wilkinson, président de la Fédération de l'agriculture.
M. Jack Wilkinson (président, Fédération canadienne de l'agriculture): Je vous remercie.
La Fédération canadienne de l'agriculture regroupe un certain nombre d'organisations agricoles. Elle représente les organisations agricoles provinciales, toute une série d'associations nationales de denrées ainsi que les principales coopératives, comme Prairie Pools et Coopérative fédérée du Québec. Nous allons donc parler d'une façon assez générale, car nous essayons de représenter une vaste gamme d'intérêts, allant de l'horticulture à l'exportation des céréales en passant par la gestion de l'offre, entre autres. Gordon se chargera de traiter plus en détail la question des céréales dans les Prairies.
Le président: Est-ce que vous représentez également des produits finis, tels que le vin?
M. Wilkinson: Non, nous nous contentons de le boire. Nous représentons les producteurs, non les manufacturiers.
Le président: Ceci vous donne-t-il un accès spécial aux produits?
M. Wilkinson: Non, nous n'avons pas d'ententes spéciales.
Le président: Très bien.
M. Wilkinson: D'une façon générale, si les circonstances y sont favorables, nous avons été, et sommes encore en faveur de l'expansion d'un régime commercial. Notre propre marché étant très limité, un grand nombre de nos produits agricoles dépendent, dans une grande mesure, des exportations. Nous voyons donc d'un oeil favorable l'expansion des relations commerciales avec de nombreux pays, tout en tenant compte du fait que certains secteurs, au Canada, ont toujours desservi le marché interne et, à cet effet, ont renoncé à certains droits. C'est pourquoi nous nous sentons obligés de défendre vigoureusement leurs intérêts, et nous continuerons à le faire.
Il faut ajouter à cela, en toute justice, que le secteur canadien de l'horticulture a été durement touché par certaines des ententes commerciales conclues entre le Canada et les États-Unis, et va l'être encore davantage par les ententes avec le Mexique. Le Chili ne laisse pas non plus de nous inquiéter, en raison de notre climat, du coût élevé de la main-d'oeuvre et d'une quantité de régimes existant au Canada. L'horticulture a toujours été un secteur difficile, car les tarifs continuent de baisser et la concurrence internationale est féroce. L'horticulture, en raison même de la fragilité du produit, fait souvent l'objet d'un dumping de pays tiers, touchés par la nécessité de sauver leurs produits ou de les perdre. Comme on le dit entre horticulteurs, un produit non vendu est un produit perdu. Ce secteur du marché a donc besoin d'une certaine protection, faute de laquelle les producteurs risquent d'être durement touchés.
C'est ce qu'il faut garder présent à l'esprit quand je passerai en revue certaines questions.
Au milieu de la page 1 nous avons noté plusieurs points que nous voudrions citer pour mémoire. Il est clair qu'il faudra compter 17 ans pour éliminer certains des tarifs agricoles du Chili. Le Chili garde jusqu'à 2003 le droit d'utiliser des subventions à l'exportation de produits agricoles couverts par 83 postes de tarifs différents; il retient également le droit de conserver son système de droits imposés par son gouvernement sur les importations, et ce pour les produits agricoles couverts par31 articles de tarifs.
À lire les mémoires d'Agriculture Canada et d'autres, on a l'impression qu'il y a une ouverture du marché, mais nous voudrions affirmer, pour mémoire, que le Chili jouit encore d'un certain degré de protection dans plusieurs domaines sensibles, non seulement en matière de gestion de l'offre, où il continue à avoir une protection tarifaire similaire à celle qui a été accordée au Canada - ce que nous approuvons - mais également dans leur droit d'assurer la protection dans un certain nombre d'autres domaines.
Nous en arrivons aux mesures antidumping - question qui nous tient le plus à coeur, et là je voudrais dire très clairement que nous voudrions voir imposer de la discipline à l'utilisation des mesures antidumping à cause des problèmes que ces mesures nous ont causés dans nos relations avec d'autres pays. Il nous a paru inapproprié d'éliminer les mesures antidumping dans l'Accord Canada-Chili, bien que nous sachions qu'il s'agit là d'une politique à long terme du gouvernement. Cette élimination est parfaitement inappropriée, à moins que vous ne mettiez d'autres mesures en place.
Considérez le cas de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie, dont les ententes commerciales remontent aux années 20. Ce n'est qu'en 1988, quand ces deux pays ont procédé à un examen global de la politique de concurrence et d'autres lois commerciales, qu'ils ont décidé de supprimer les mesures antidumping. Ils n'y sont arrivés qu'après de multiples péripéties, leurs systèmes juridiques sont semblables et ils ont dû déployer beaucoup d'efforts pour arriver à établir leur politique de concurrence.
Le fait de n'avoir pour recours que les mesures de sauvegarde, aux termes de l'ALENA, nous paraît inefficace pour l'horticulture ainsi que pour d'autres denrées agricoles, en raison de sa lenteur: puisque quand le processus est terminé, le mal est fait. Nous nous inquiétons beaucoup de la suppression des mesures antidumping: cela ne constitue pas un problème pour un grand nombre de nos denrées, mais pour une politique gouvernementale à long terme, cela n'en reste pas moins, à notre opinion, un problème capital.
Quant à imaginer qu'en concluant un accord bilatéral avec le Chili, vous allez forcer les États-Unis à capituler sur les mesures antidumping, à la table de négociation de l'ALENA... Là vous rêvez vraiment en couleurs, ou bien vous avez participé, à Vancouver, à la convention sur le chanvre...
Des voix: Oh, oh!
M. Wilkinson: ... parce que ce n'est certainement pas ce qui va se passer. Les négociateurs pour les États-Unis ont affirmé haut et clair, sans ambages, qu'ils n'avaient nullement l'intention d'éliminer les mesures antidumping et qu'ils maintiendraient obstinément leur position.
Je vais donc passer à nos trois arguments fondamentaux, pour les examiner à tour de rôle.
Nous recommandons que le chapitre M de l'accord soit modifié pour qu'un groupe de travail soit chargé de se pencher sur la question antidumping, et nous recommandons que la mesure antidumping ne soit pas éliminée jusqu'à ce que nous ayons étudié en détails les mesures encore nécessaires pour protéger un grand nombre de nos denrées du dumping; cette mesure est très rarement utilisée, mais quand elle l'a été, elle a assuré une protection efficace à un secteur de l'agriculture.
M. Pugh voudra peut-être traiter plus en détail de la question suivante: nous craignons que lorsqu'il sera question d'accès au marché, de réduction de tarifs et autres concernant les céréales, ces aspects ne faisaient pas partie de l'accord. Cette question figure dans une lettre censée avoir force de loi, en ce sens qu'elle impose des obligations au Chili, mais le comité, à notre avis, devrait examiner cette «lettre». Nous nous demandons pourquoi elle ne fait pas partie de l'accord commercial.
Quand on se présente à la table de négociation de l'ALENA avec une lettre qui n'est qu'une partie connexe de l'accord, nous sommes toujours sur des charbons ardents quand on entame des négociations avec les États-Unis. Cette lettre, semblerait-il, garantit au Canada le même genre d'accès qui serait proposé s'il y avait également accès accordé à l'Argentine ou aux États-Unis. Le comité devrait, à notre avis, examiner attentivement cette lettre et s'assurer, sans que subsiste un doute, que la protection offerte et solide et exécutoire. Il ne faudrait en aucun cas, quand on en arrive aux négociations concernant l'ALENA, qu'il y ait dérapage accordant, dans les faits, l'accès au marché aux États-Unis, dans ce domaine si important des exportations de céréales, tout en barrant cet accès pour le Canada, à expiration de la période prévue.
M. Pugh peut certainement vous donner plus de détails là-dessus, mais nous sommes vivement désireux que le comité se penche sur cette question.
Nous voudrions également voir adresser une recommandation au ministre du Commerce international lui demandant de faire une déclaration ou de présenter un document de fond définissant la position d'ensemble du Canada par rapport aux négociations et à la politique commerciale. Nous avons déployé une grande activité à signer des ententes commerciales, qu'il s'agisse d'Israël, de celle qui s'en vient avec le Chili, avec le Mexique, et enfin l'ALENA. On parle beaucoup de ce que l'Asie nous réserve au cours des prochaines années. Le gouvernement devrait donc, à notre avis, tracer les grandes lignes de sa politique, donner plus de détails sur l'ensemble de ses objectifs et sur ce qu'il espère en tirer.
À notre avis, cette accumulation d'accords bilatéraux risque de nous tracer notre politique. Si vous n'avez pas réfléchi auparavant aux objectifs à long terme et au cours que vous voulez suivre, vous risquez de vous éparpiller de façon désordonnée. Au bout d'une dizaine d'années, quand dix ou quinze accords commerciaux auront été signés, vous aurez une politique commerciale qui sera chose faite pour tous, mais qui n'était pas nécessairement celle que vous vouliez avoir au départ. C'est pourquoi nous pensons qu'un temps d'arrêt s'impose, un temps de réflexion et d'élaboration d'une politique commerciale générale à long terme.
Un pas de plus s'impose. Le ministre du Commerce international et le ministre de l'Agriculture ont pris un engagement sur le calendrier d'élimination des mesures antidumping; ils ont promis qu'un comité spécial serait constitué au sein de la collectivité agricole, dans le secteur commercial, chargé d'examiner les dispositions pour trouver de nouveaux moyens, pour le secteur agricole et les autres, de traiter que ces pratiques inéquitables de fixation de prix abusifs et de dumping. Ce comité n'a pas encore vu le jour. Il fait partie de notre première recommandation, mais l'objectif est que cette question soit examinée. Nous sommes très mécontents de la clause de sauvegarde qui existe actuellement dans le cadre de l'ALENA, et nous considérons que d'autres voies de recours s'imposent.
Je vous remercie.
Le président: Merci, monsieur Wilkinson. Nous avons également votre mémoire, qui nous sera utile.
Vous avez mentionné le nom de M. Pugh de Prairie Pools. Il figurait au sixième rang de notre liste, mais il serait peut-être bon de l'entendre sans tarder, puisqu'il est impliqué dans l'agriculture, et nous passerons ensuite à l'Association canadienne des producteurs d'acier.
M. Gordon Pugh (chef, Affaires nationales, Prairie Pools Inc.): Certainement, nous restons dans le même domaine.
Merci de votre invitation à participer à cette table ronde. Nous sommes heureux de vous faire part de notre point de vue sur l'Accord de libre-échange Canada-Chili.
Prairie Pools Inc. est la branche de relations gouvernementales de Alberta Wheat Pool, Saskatchewan Wheat Pool, Manitoba Pool Elevators et des sociétés filiales des coopératives, qui sont les plus grandes sociétés de manutention de céréales du Canada. Ensemble nous comptons plus de 100 000 membres propriétaires, et nous employons plus de 5 000 Canadiens. Près de 60 p. 100 des céréales, graines oléagineuses et variétés agricoles spéciales livrées dans les silos élévateurs du Canada passent par l'intermédiaire des coopératives.
Par le biais de notre société en participation XCAN Grain Pool Ltd., les coopératives sont les principaux exportateurs de graines oléagineuses et de variétés agricoles spéciales du Canada. Elles servent, individuellement et par le biais de XCAN Grain Ltd., d'agents pour la Commission canadienne du blé, aux fins de l'exportation de blé et d'orge des Prairies.
L'agriculture des Prairies produit, presque sans exception, plus que le Canada ne peut consommer à lui seul, et c'est pourquoi cette agriculture, d'une façon générale, et en particulier les céréales et les graines oléagineuses dépendent considérablement des exportations. Aussi appuyons-nous toute initiative gouvernementale visant à élargir les débouchés de l'agriculture des Prairies sur le marché international, et c'est pour cette raison que nous déclarons essentiellement être en faveur de l'Accord de libre-échange Canada-Chili.
Le Chili n'a pas constitué un marché important pour l'agriculture canadienne. C'est ainsi qu'en 1995, les exportations totales de produits agroalimentaires du Canada vers le Chili s'élevaient à environ 77 millions de dollars. Mais pratiquement toutes ces exportations provenaient de l'Ouest, et trois quarts du total des exportations de 1995 étaient constituées de blé ou de blé dur produit dans les Prairies, un autre 10 p. 100 étant constituées de lentilles, pois et autres légumineuses, également produits dans les Prairies.
En outre, ces exportations ont augmenté au cours des dernières années, plus ou moins parallèlement avec l'accélération de la croissance économique du Chili. C'est ainsi qu'avant 1990, nous n'exportions pas de blé ou de blé dur au Chili, mais dans les années qui ont suivi, les exportations ont dépassé 300 000 tonnes. Compte tenu des perspectives favorables de croissance économique du Chili, nous comptons fermement sur une expansion ultérieure de ce marché. J'ajouterais que les coopératives, tant à leur propre nom que comme agents de la Commission canadienne du blé, ont été de gros exportateurs, par l'intermédiaire de notre société d'exportation en participation, de céréales et d'oléagineux à destination du Chili.
Je voudrais maintenant m'attacher à certaines dispositions de cet accord qui portent sur les céréales et les oléagineux, les cultures spéciales ou les légumineuses.
Le Chili accordera l'admission immédiate en franchise de droits pour les lentilles, les haricots ronds blancs, les autres catégories de haricots, les graines à canaris, etc. Pour d'autres cultures, telles que les graines de moutarde et les pois secs, l'accès en franchise de droits sera graduel. Cette disposition revêt une importance immédiate et certaine tant pour l'agriculture des Prairies, d'une façon générale, que pour les coopératives en particulier.
Le Canada domine le marché chilien de ces produits depuis quelques années. Notre société d'exportation, XCAN Grain Pool Ltd., a été un des principaux acteurs et, certaines années, le principal, sur ce marché. Les dispositions qui sont ici devraient nous permettre de continuer à le dominer. Les bénéfices nets des producteurs des Prairies devraient aussi augmenter grâce à l'élimination des droits de douane.
Pour ce qui est du blé, je vais commencer par le blé dur. Dès maintenant, les livraisons de blé dur effectuées entre le 15 avril et le 15 novembre de l'année seront admises en franchise de droits. Le reste de l'année, la franchise sera accordée progressivement sur une période de cinq ans.
Le Canada est le fournisseur exclusif de blé dur du Chili depuis quelques années, à hauteur de plus de 100 000 tonnes en moyenne, ce qui fait de ce pays, selon l'année, notre cinquième ou notre sixième plus gros acheteur. La situation ne devrait pas changer. Ne pas bénéficier dès maintenant de la franchise pour la période de novembre à avril ne devrait pas beaucoup nous pénaliser puisque l'essentiel des ventes se font d'avril à novembre de toute façon. Quoi qu'il en soit, la Commission canadienne du blé n'a pas de mal à décrocher des contrats malgré les droits actuels.
Pour ce qui est du blé de mouture, les droits ne sont pas censés être supprimés avant la 17e année de l'accord. Par contre, le Canada bénéficiera d'office - c'est ce qu'on nous a dit, en tout cas - de l'assouplissement des conditions que le Chili pourrait accorder aux États-Unis ou à l'Argentine à l'issue des négociations avec ces pays. Il sera aussi possible de renégocier cette clause dans huit ans.
Nous aurions préféré que l'instauration progressive de la franchise se fasse plus rapidement, cela va sans dire, mais l'accord a deux résultats: il nous permet de maintenir notre position concurrentielle au Chili par rapport à l'Argentine - puisqu'il nous accorde le même accès que celui accordé à l'Argentine dans l'accord du MERCOSUR - et il améliore notre position par rapport à l'Union européenne et aux États-Unis.
Nous nous réjouissons aussi du fait que le Canada bénéficiera de l'ouverture possible du marché chilien aux États-Unis ou à l'Argentine. Cela empêcherait par exemple les États-Unis d'acquérir des avantages concurrentiels dans les négociations qu'ils voudront peut-être entamer pour intégrer le Chili à l'ALENA.
Comme M. Wilkinson l'a dit dans son exposé, on nous a parlé de l'existence de cette disposition, celle qui dit que le blé du Canada obtiendra les mêmes conditions que pourrait obtenir celui des États-Unis ou de l'Argentine dans les prochaines années, et au même moment. Nous voudrions voir cela par écrit. On nous a donné cette assurance de vive voix mais cela ne figure pas tel quel dans l'accord.
Pour ce qui est des oléagineux et des produits des oléagineux, les droits de douane actuels chiliens de 11 p. 100 sur le canola et autres oléagineux passeront immédiatement à 6 p. 100 puis seront éliminés graduellement sur une période de sept ans. Le Chili admettra en franchise un contingent de 3 000 tonnes d'huile de canola en 1997, qui passera à 5 000 tonnes en 1998. Les droits de 11 p. 100 applicables aux importations hors contingent seront éliminés progressivement sur dix ans.
Le Canada ne fournit pas de quantités appréciables d'oléagineux ou d'huile végétale au Chili. Cependant, notre triturateur, CanAmera Foods, nous a fait savoir qu'il allait sérieusement prospecter les débouchés que l'accord pourra offrir.
Pour ce qui est de l'orge et des produits de l'orge, le Chili leur accordera immédiatement l'admission en franchise. Pour le maïs, elle sera accordée graduellement sur dix ans. Cette disposition a de fortes chances d'ouvrir des débouchés pour l'orge de brasserie et le malt d'orge. En ce qui concerne l'orge de brasserie, l'élimination des droits nous rendra plus concurrentiels par rapport aux producteurs européens qui sont largement subventionnés. Nous prospecterons le marché pour ces deux produits.
En conclusion, je répète que nous appuyons toutes les initiatives du gouvernement en vue de multiplier les débouchés extérieurs pour l'agriculture des Prairies. L'Accord de libre-échange Canada-Chili a pour effet d'élargir ces débouchés et c'est pourquoi nous l'appuyons.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Pugh.
Je vais donc donner la parole à Mme Jean Van Loon, de l'Association canadienne des producteurs d'acier. Je vous souhaite à nouveau la bienvenue au comité, madame Van Loon.
Mme Jean Van Loon (présidente, Association canadienne des producteurs d'acier): Bonjour. Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître ce matin.
Je suis accompagnée de M. Derek de Korte, directeur de la commercialisation à Algoma Steel et membre très énergique de notre Comité du commerce extérieur.
Notre association représente la totalité des producteurs primaires d'acier du Canada. Il s'agit d'une industrie très importante, avec ses 11 milliards de dollars de ventes et plus de 33 000 employés dans six provinces.
Brièvement, comme les représentants de l'agriculture, nous sommes en faveur de la multiplication des arrangements commerciaux parce que l'augmentation du commerce à l'extérieur amène la croissance économique, ce qui stimule la demande d'acier. Il s'agit donc d'une chose positive en général. Comme les producteurs agricoles, nous reconnaissons que cela doit se faire avec lucidité parce que dans un certain nombre de pays, on trouve des arrangements intérieurs qui font qu'il est impossible de soutenir une concurrence loyale dans certains cas.
L'accord avec le Chili ne revêt pas une grande importance en soi pour notre industrie. Reportez-vous à la fin de l'exposé que j'ai préparé pour vous aujourd'hui. Il y a très peu d'échanges d'acier entre le Canada et le Chili à l'heure actuelle. La géographie étant ce qu'elle est, nous ne nous attendons pas à une grosse croissance.
Ce qui nous intéresse, c'est l'exonération antidumping. En un mot, notre position c'est que c'est exactement ce que nous voudrions avoir avec les États-Unis. C'est très bien de l'avoir avec le Chili, mais nous ne pensons pas que cela aura beaucoup de répercussions, sauf que nous ne voudrions pas que ce soit le principe général qui s'applique à des négociations plus vastes avec un large éventail de pays.
Nous croyons savoir que c'est l'intention du gouvernement. Nous voudrions que cela soit bien clair et c'est pourquoi nous proposons une légère modification au libellé du projet de loi. Mais avant d'y arriver, j'aimerais vous expliquer un peu pourquoi nous voyons les choses de cette façon.
Dans notre industrie, la production dépasse la consommation dans la plupart des régions du globe. L'Amérique du Nord est l'exception: le Canada, les États-Unis et le Mexique. Si vous consultez le tableau à la fin du document, vous pourrez le constater. Ajoutez à cela le fait que la technologie de l'acier est telle que l'on est vigoureusement incité à produire continuellement en quantités élevées, si bien que beaucoup de producteurs sont poussés à exporter leur production excédentaire. Ils veulent exporter dans des pays éloignés, de sorte que si les prix subissent une tendance à la baisse, cela ne se fera pas sentir sur le marché intérieur, mais bien à bonne distance.
Si l'on examine les rapports commerciaux canado-américains, on s'aperçoit pourquoi cela n'est pas possible. Il y a tant de liens commerciaux que si le producteur canadien essayait de se débarrasser de sa production excédentaire aux États-Unis en pratiquant le dumping, les consommateurs le sauraient immédiatement. Ils achèteraient donc leur acier canadien aux États-Unis pour le ramener ici. La distance et le manque d'information ne sont pas là des obstacles.
En un mot, plus on s'éloigne du commerce canado-américain, plus le risque est grand de dumping néfaste. C'est pourquoi nous ne voudrions pas que ce modèle s'applique à l'accord de libre-échange des Amériques, par exemple, ou à l'accord avec l'APEC.
Essentiellement, nous sommes en faveur du projet de loi, mais nous voudrions que l'article 89 soit modifié. Au lieu de dire que le gouverneur en conseil peut conclure un accord d'exonération réciproque avec n'importe lequel pays, il faudrait préciser qu'il s'agit du Chili, des États-Unis ou du Mexique. Nous pensons que cela cadrerait avec ce que nous croyons être l'intention du gouvernement. Ce serait une clarification.
Merci beaucoup.
Le président: Il s'agit de l'article 89 du projet de loi, qui modifie l'article 14 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation.
Mme Van Loon: C'est bien cela.
Le président: D'accord. Il nous faudra examiner cela. Merci. Merci beaucoup, madame Van Loon.
Je voudrais maintenant céder la parole à Marc Lalonde, de la Chambre de commerce Canada-Chili.
[Français]
L'honorable Marc Lalonde (président du conseil des gouverneurs, Chambre de commerce Canada-Chili): Monsieur le président, messieurs les membres du comité, je suis ici en tant que représentant de la Chambre de commerce Canada-Chili. Je suis président du conseil des gouverneurs. Je suis accompagné par M. José Duran, qui est le président de la Chambre de commerce.
La Chambre de commerce a été créée en 1995 suite à la mission commerciale canadienne dirigée par le premier ministre au Chili, en janvier 1995. La Chambre comporte aujourd'hui des chapitres à Montréal, Québec et Vancouver, et travaille activement à Toronto et à Ottawa à la mise sur pied de nouveaux chapitres dans ces villes.
La Chambre compte déjà plus de 130 entreprises membres. Ses activités sont évidemment la promotion des relations de tous ordres entre le Canada et le Chili. Elle a organisé et participé à un symposium à Santiago et à Valparaiso l'an dernier. Elle a participé au symposium qui avait lieu à Toronto lors de la visite du président Frei. Elle a organisé des séminaires à Montréal et à Québec en janvier 1997 et a participé à divers autres événements favorisant le développement des relations économiques et culturelles entre le Canada et le Chili.
La Chambre, il va sans dire, appuie sans réserve l'accord qui vous est présenté. On vous a parlé plus tôt ce matin de l'importance des relations économiques entre le Canada et le Chili, même sans cet accord. On vous a dit que le Canada était le deuxième plus grand investisseur au Chili, après les États-Unis, et que les exportations canadiennes avaient représenté environ 666 millions de dollars l'an dernier. Il est peut-être important de noter que le Canada est en situation de surplus vis-à-vis du Chili, un surplus qui, en 1995, était de 109 millions de dollars.
Au-delà de l'importance de ces relations, il importe de noter l'accélération de la croissance des relations économiques entre nos deux pays durant les dernières années. À la fin du régime Pinochet en 1990, le total des investissements canadiens au Chili était de 60 millions de dollars. En 1997, ce total est rendu à plus de 8 milliards de dollars. Dans l'espace de six ans, les investissements canadiens sont passés de 60 millions à 8 milliards de dollars.
En termes d'échanges commerciaux entre le Canada et le Chili, au cours des six premiers mois de 1996, la croissance avait été de 9,2 p. 100 par rapport à la même période en 1995, laquelle faisait suite à une augmentation de 23 p. 100 en 1995 par rapport à 1994, et de 47 p. 100 en 1994 par rapport à 1993. Il y a toutes raisons de croire que l'accord de libre-échange va contribuer à accélérer davantage le commerce et l'investissement entre nos deux pays.
La réduction de 11 p. 100 pour la très grande majorité des produits du secteur manufacturier est un élément majeur de cet accord et il importe de se rappeler que 85 p. 100 de notre commerce sera libre de tout droit de douane après la ratification de cet accord, le 2 juin 1997.
Les secteurs prioritaires pour le Canada sont bien connus. Vous avez d'abord le secteur minier. Déjà plus de 35 compagnies canadiennes sont à l'oeuvre au Chili. Ceci représente environ 70 p. 100 de nos investissements. Vous avez le secteur de l'énergie, où la compagnie Novacorp de Calgary est engagée présentement dans un investissement majeur pour la construction d'un pipeline entre l'Argentine et le Chili. D'autres projets font aussi l'objet de discussions.
En troisième lieu, vous avez le secteur des télécommunications, où des compagnies comme SR Telecom de Montréal, Newbridge d'Ottawa et Nortel sont très actives à l'heure actuelle, Nortel ayant signé tout récemment un contrat d'environ 250 millions de dollars conjointement avec une compagnie chilienne.
Enfin, en quatrième lieu, vous avez le secteur des services. Vous avez déjà quatre banques canadiennes qui sont actives au Chili. Dans le secteur des services professionnels, il y a peut-être lieu de noter qu'une entreprise comme SNC-Lavalin, qui n'avait pas un seul employé là-bas il y a trois ans, en compte aujourd'hui 300.
Nous croyons que cet accord donnera aux entreprises canadiennes une priorité, un avantage sur les entreprises européennes et américaines en particulier, au moins durant quelques années. Nous croyons qu'il est extrêmement important qu'il soit approuvé et que les entreprises canadiennes profitent le plus rapidement possible de l'avantage comparatif qui leur sera accordé durant cette période intermédiaire. La Chambre de commerce Canada-Chili s'engage évidemment à encourager les entreprises canadiennes à se familiariser davantage avec le Chili.
J'ai mentionné l'importance de l'accélération de nos relations. Nous croyons que cet accord devrait être approuvé parce qu'il entre dans la ligne générale de la politique commerciale canadienne, qui tient pour très importante la diversification des relations commerciales du Canada.
Le Canada a une longue tradition d'appui au multilatéralisme et sa contribution à la création de l'Organisation mondiale du commerce en est la preuve la plus récente. Nos relations avec les États-Unis vont demeurer importantes et inévitables. Les relations avec le Chili peuvent sembler faibles comparativement à nos échanges commerciaux avec les États-Unis, qui atteignent un milliard de dollars par jour alors que nous n'en sommes encore qu'à quelque 666 millions de dollars par année avec le Chili.
Nous croyons que la réalisation de cet accord revêt une valeur symbolique tout autant que réelle, de même que, par la suite, l'accession du Mexique à l'ALENA. Nous espérons que cet accord n'est qu'une première étape vers une accession du Chili à l'ALENA.
Nous croyons aussi que cet accord sera important pour l'acquisition, par les entreprises canadiennes, d'une meilleure connaissance des marchés sud-américains par l'intermédiaire de leur connaissance du Chili. Vous êtes au courant de l'Accord de complémentarité MERCOSUR, qui a été signé par le Chili et qui couvre l'Argentine, le Brésil, l'Uruguay et le Paraguay. La présence d'entreprises canadiennes au Chili va leur permettre d'étendre leurs relations avec les pays du MERCOSUR et leurs contacts avec d'autres pays d'Amérique du Sud. Elle leur permettra aussi d'acquérir une expérience importante dans la façon de faire des affaires dans les pays d'Amérique du Sud.
Enfin, il est évident que cet accord s'inscrit dans la ligne générale de l'objectif d'en arriver à un accord de libre-échange entre les Amériques en l'an 2005. Pour le moment, nous verrons ce qui se passera dans ce domaine-là. Nous croyons qu'il est extrêmement avantageux pour le Canada de procéder le plus rapidement possible à la ratification de cet accord.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Lalonde.
Monsieur Duran, vous aimeriez ajouter quelque chose?
M. José Duran (président du conseil d'administration, Chambre de commerce Canada-Chili): Je voudrais remercier le comité de m'avoir invité à participer à cette séance. Comme des personnes telles que M. Lalonde l'ont dit, c'est un accord très important pour les compagnies canadiennes. Il y a beaucoup d'intérêts en jeu. On le constate à la Chambre et on reçoit chaque jour des demandes de mutation de gens qui veulent y aller ou des demandes de gens qui veulent de l'information sur le Chili. Je crois que c'est important pour l'articulation du libre-échange.
Le président: Merci beaucoup.
[Traduction]
Monsieur Drake.
M. Mark Drake (premier vice-président, Alliance des manufacturiers et exportateurs canadiens): Merci beaucoup, monsieur le président. Nous avons en fait un exportateur en chair et en os qui est ici aujourd'hui, M. Weese, et je lui céderai la parole dans un moment, si vous le permettez, mais je voudrais simplement faire une ou deux courtes observations préliminaires.
Je vous remercie beaucoup encore une fois d'avoir permis à l'alliance de venir témoigner devant vous. Nous avons l'habitude de venir témoigner devant votre comité, et nous sommes heureux d'avoir l'occasion de le faire. Lors de nos comparutions antérieures, Jim Moore et moi-même représentions généralement l'Association des exportateurs canadiens.
Pour que les membres du comité le sachent, je tiens à faire remarquer que nous avons fusionné avec l'Association des manufacturiers canadiens il y a à peine neuf ou 10 mois afin de créer une association beaucoup plus importante, qui représente environ 3 500 entreprises, grandes et petites, des différentes régions du Canada. Notre nom au complet est «l'Alliance des manufacturiers et exportateurs canadiens»
Beaucoup de ce que j'avais à dire a déjà été dit non seulement par le ministre - et je considère bien sûr que c'est tout un compliment - , mais aussi par les personnes qui m'ont précédé. Nous sommes très favorables aux nouveaux débouchés qu'offrent des accords de libre-échange équilibrés. Nous sommes très encouragés par le fait que cet accord Chili-Canada devrait être un premier pas dans la voie de la libéralisation des échanges dans l'hémisphère occidental dontM. Lalonde a parlé il y a quelques instants.
Le ministre a indiqué ce matin que cet accord nous donnera une longueur d'avance sur les États-Unis et nous sommes d'accord avec lui là-dessus. Nous croyons que les États-Unis devraient bientôt avoir l'autorisation d'accélérer la négociation d'un accord semblable - c'est du moins ce que veut la rumeur - , de sorte qu'il faut profiter de l'occasion que représente cet accord bilatéral.
Beaucoup des intervenants qui nous ont précédés ont dit que les exportations au Chili avaient en fait doublé depuis cinq ans. Parmi nos membres, ce marché suscite beaucoup d'intérêt sur le plan des exportations et, bien entendu, des investissements. Nous avons amené quatre missions commerciales à Santiago et nous avons accueilli des missions commerciales chiliennes au Canada au cours des 18 derniers mois ou à peu près. Plus de 130 rencontres ont été organisées avec des partenaires locaux éventuels à l'occasion de ces missions. La réaction a été très favorable.
Le ministre a dit que nous avions un accord de coopération avec la Sociedad de Fomento Fabril. Je ne pense pas que mon accent soit guère mieux que celui du ministre. Disons la SOFOFA. C'est une organisation très importante, qui a été créée en 1883 et qui regroupe 2 500 entreprises, la plupart étant du secteur manufacturier. Cette organisation pèse pour 80 p. 100 dans le PNB industriel du Chili. Nous sommes donc très heureux d'avoir cet accord.
J'ai encore deux ou trois observations à faire au sujet de l'intérêt que suscite ce marché et qui augure bien pour l'accord. Dans les 18 mois qui se sont écoulés depuis que le ministre Chrétien s'est rendu là-bas, les bureaux commerciaux de notre ambassade ont accueilli 2 800 représentants d'entreprise et traité plus de 4 000 demandes de renseignements. Voilà qui atteste amplement de l'intérêt très fort que suscite ce marché.
En décembre dernier, 170 gens d'affaires, y compris des membres de l'alliance, ont participé à Expo 96 à Santiago. Il n'est jamais facile d'évaluer les ventes attribuables à une exposition de ce genre, mais d'après les chiffres que nous avons, l'exposition aurait généré plus de 122 millions de dollars de ventes.
D'autres intervenants ont parlé des autres exportations à la région du MERCOSUR et du fait que l'élimination des droits de douane de 11 p. 100 que le Chili impose à la plupart de nos exportations nous donnera un avantage sur les autres fournisseurs. D'autres intervenants ont aussi parlé de l'accès égal à l'Argentine et au Brésil.
Je vous parle brièvement maintenant des investissements. M. Lalonde a dit que nous avions pour 7 milliards de dollars ou 8 milliards de dollars d'investissements. C'est là un chiffre enthousiasmant qui montre encore une fois l'intérêt des entreprises canadiennes pour ce marché, que ce soit dans le secteur minier, dans l'exploitation forestière, dans le secteur énergétique ou dans d'autres secteurs. L'Accord de libre-échange Canada-Chili permettra de garantir ces investissements grâce à la protection qu'il prévoit et il constituera un encouragement aux nouveaux investissements.
Nous sommes toutefois un peu déçus par le maintien de l'exigence voulant que des réserves soient maintenues dans la Banque centrale chilienne en contrepartie des investissements directs étrangers. Cependant, les modalités d'application de cette exigence sont considérablement améliorées par l'accord. Comme il s'agit là d'une disposition provisoire qui devra être réexaminée à l'avenir, la question devrait être parmi les premiers points abordés dans les discussions. Nous ne pensons pas qu'il s'agisse d'un obstacle majeur.
Nous avons insisté sur la longueur d'avance que cet accord nous donne par rapport à nos voisins américains, étant donné que les négociations devraient être accélérées comme je l'ai dit tout à l'heure, mais je crois, monsieur le président, que nous devons faire adopter cet accord le plus vite possible et que nous devons profiter de l'avantage qu'il nous donne par rapport aux États-Unis. L'alliance vous exhorte en tout cas à appuyer les efforts en ce sens.
[Français]
Je m'excuse d'avoir fait cette présentation en anglais seulement. J'avais l'intention d'en faire une partie en français mais, compte tenu du temps, j'ai voulu terminer très rapidement et je l'ai faite en anglais. En tout cas, on peut répondre à vos questions en français.
[Traduction]
Si vous le voulez bien, monsieur le président, je céderai maintenant la parole à Bob Weese, de la société General Electric, un des membres de l'alliance qui a une expérience considérable au Chili.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Drake.
Monsieur Weese.
M. Bob Weese (vice-président, Relations gouvernementales et extérieures, General Electric Canada): Merci.
Le président: Je suis ravi de savoir que vous êtes un exportateur en chair et en os et pas...
M. Weese: Oui, nous sommes effectivement des exportateurs en chair et en os.
Le président: J'espère que les autres membres de l'association de M. Drake sont aussi bien vivants.
Des voix: Oh, oh!
M. Drake: Oui, ils sont tous bien vivants. Le bois mort, c'est nous, en notre qualité de facilitateurs. Voilà la différence.
M. Weese: Merci, monsieur le président. Je suis heureux de pouvoir témoigner ici au nom de GE Canada afin d'appuyer la position de l'alliance et d'appuyer l'Accord de libre-échange Canada-Chili, qui est effectivement très important pour nous.
Je tiens à faire remarquer par ailleurs que vous avez reçu un mémoire de l'Electro-Federation of Canada qui appuie l'accord au nom de ses quelque 200 membres, notre société étant de ce nombre.
Je veux vous présenter mon collègue, John Wilson, qui est maintenant notre conseiller en relations gouvernementales à Ottawa. John est ingénieur en électricité et il a passé de nombreuses années de sa vie à travailler au Chili et dans d'autres régions intéressantes du monde à des projets hydroélectriques pour le compte de GE Canada, d'Acres Engineering avant cela, et d'autres fabricants de biens d'équipement avant cela, que je ne nommerai pas.
Permettez-moi de vous donner un bref aperçu de la société General Electric. GE est une société diversifiée de fabrication, de technologie et de services qui a son siège à Fairfield, au Connecticut. La société cherche à s'assurer une place dominante à l'échelle internationale dans chacun de ces12 secteurs d'activité: systèmes d'éclairage et appareils électroménagers, systèmes médicaux, plastiques, systèmes de transport, moteurs d'aéronefs, radiodiffusion, distribution et contrôle de produits électriques, moteurs, systèmes industriels et électriques, systèmes d'information et, en dernier mais non pas par ordre d'importance, services d'immobilisation GE.
L'an dernier, les revenus de GE ont atteint au total 79 milliards de dollars US, dont 40 p. 100 environ ont été gagnés à l'extérieur des États-Unis, de telle sorte que la société est vraiment devenue une société mondiale.
GE exerce son activité au Canada depuis plus d'un siècle et toutes les entreprises GE sont maintenant représentées au Canada d'une façon ou d'une autre. Nous avons une douzaine d'usines de fabrication dans les différentes régions du pays de même que 150 bureaux de ventes et de services et nous comptons 8 500 employés - la plupart sont en Ontario et au Québec, mais nous en avons aussi dans d'autres régions du pays. L'an dernier, nos revenus de source canadienne ont atteint3,6 milliards de dollars canadiens. Nos exportations canadiennes se sont chiffrées à 630 millions de dollars l'an dernier.
Depuis quelques années, les deux éléments clés de l'activité de notre société au Canada sont la croissance rapide des services d'immobilisation GE sur le marché canadien et les profonds changements que nous avons apportés à notre activité manufacturière afin de profiter des occasions résultant de la libéralisation des échanges et de la mondialisation.
La plupart de nos usines de fabrication canadiennes ont maintenant un mandat de production quelconque et produisent pour le marché nord-américain ou pour le marché international. Deux de nos entreprises ont l'exclusivité internationale pour leurs produits: notre entreprise hydroélectrique et notre entreprise de construction de moteurs. C'est deux entreprises servent le marché international à partir du Canada.
Notre entreprise hydroélectrique, qui a son siège à Lachine, au Québec, conçoit, fabrique et exporte des génératrices et des turbines hydrauliques qui comptent parmi les plus grosses du monde. C'est une entreprise qui a vu le jour et grandi au Canada pour répondre aux besoins d'Hydro-Québec, d'Hydro Ontario et des autres grandes entreprises de services publics du Canada, mais qui est maintenant très active en Chine, sur d'autres marchés d'Asie et au Chili ainsi que dans d'autres régions de l'Amérique du Sud. C'est une entreprise très dynamique qui compte maintenant près de 700 employés, la plupart au Québec. Les exportations constituent environ 80 p. 100 du chiffre d'affaires total de notre entreprise hydroélectrique et atteignent en moyenne 200 millions de dollars par an.
GE Motors, à Peterborough (Ontario) conçoit, met au point, fabrique et exporte de gros moteurs électriques dans toutes les régions du pays. Elle compte environ un millier d'employés à Peterborough et a des bureaux de vente dans d'autres régions du pays. Les exportations représentent environ 75 p. 100 du chiffre d'affaires de notre usine General Motors de Peterborough et se situent aux environs de 100 millions de dollars par an.
Le Chili offre de très intéressants débouchés pour le secteur hydroélectrique de même que pour la fabrication de moteurs. Les membres du comité connaissent probablement encore mieux que moi les caractéristiques géographiques du Chili. C'est une longue bande de terre qui s'étend sur2 700 milles du nord au sud, entre la cordillère des Andes et l'océan Pacifique. Du sommet de montagnes enneigées dévalent des fleuves qui se jettent dans la mer, lesquels ont un très grand potentiel hydroélectrique, que nous et d'autres pays essayons à tout prix d'exploiter.
Bien sûr il existe d'autres importantes industries d'exploitation des ressources au Chili - nous en avons déjà entendu parler ce matin - mines, forêts, pâtes et papier. Ces industries utilisent de gros moteurs du genre de ceux qu'on fabrique dans notre usine de Peterborough. Le Chili est donc un excellent débouché pour notre entreprise hydroélectrique et notre entreprise de construction de moteurs.
GE Hydro, notre entreprise hydroélectrique, a récemment obtenu une commande pour deux grosses génératrices pour le projet hydroélectrique de Panguay au Chili. Cette commande est de l'ordre de 25 millions de dollars et a été financée par la Société pour l'expansion des exportations. Nous avons obtenu le contrat malgré la forte concurrence de l'Europe et du Japon. Je suis heureux de dire que la première des deux génératrices de Panguay a été mise en service avant la date prévue et que le client est très heureux du service qu'il a obtenu.
La commande antérieure à celle de Panguay, le grand projet hydroélectrique antérieur à Panguay, a été accordée à Sulzer de Suisse et à Ansaldo d'Italie, qui demandaient moins cher. Comme dans d'autres régions du monde, le marché hydroélectrique est extrêmement concurrentiel sur le plan de la technologie et des prix.
En ce moment même, GE Hydro s'apprête à présenter une soumission pour trois turbos générateurs pour le prochain grand projet chilien, le projet RALCO. Les soumissions doivent être présentées pendant la deuxième moitié de 1997. Encore là, on prévoit une très forte concurrence.
Il se trouve donc que nous la conclusion de l'Accord de libre-échange entre le Canada et le Chili et les avantages de la réduction des tarifs, qui entreront immédiatement en vigueur pour nos hydroturbines et nos génératrices, nous aideront grandement.
GE Motors a récemment obtenu une commande pour fabriquer huit gros moteurs synchrones et le matériel accessoire qui seront conçus et fabriqués à Peterborough et dont la valeur se situe aux environs de 17 millions de dollars. Ils serviront pour le projet minier Collahuasi, qu'on appelle «le projet du siècle». D'autres commandes obtenues entre 1993 et 1996 ont dépassé 21 millions de dollars, et concernaient principalement l'industrie minière.
J'aimerais ajouter entre parenthèses, parce que je sais que cela intéresse des membres du comité, que lorsque notre secteur hydroélectrique, par exemple, est retenu pour un gros projet en Chine ou au Chili ou ailleurs dans le monde, il entraîne généralement sur ce chantier des dizaines et parfois des centaines de petites et moyennes entreprises canadiennes avec qui nous travaillons et avec qui nous établissons des liens. Jean Van Loon sait bien aussi qu'un bon nombre de ces exportations incluent une forte proportion de son acier, si bien que nous travaillons étroitement aussi avec ses membres.
Ces exemples vous montreront, je l'espère, que le Chili est un marché grandissant et important pour GE Canada. Nous avons montré que nous pouvons réussir, mais la concurrence, surtout de l'Europe et du Japon, pour ce qui est des grosses pièces d'équipement électrique est forte et continue, et un bon nombre de nos concurrents sont établis au Chili depuis de très nombreuses années. L'Accord de libre-échange entre le Canada et le Chili, à son entrée en vigueur, nous conférera immédiatement un avantage très net pendant de nombreuses années. Il contribuera à renforcer notre emprise sur ce marché en expansion où quand vient l'heure de choisir entre différents fabricants bien établis qui offrent tous de l'équipement de haute qualité, c'est souvent le prix qui est le facteur déterminant.
Nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers. Cet avantage sera temporaire; nous le savons. Mais il nous donnera une chance - et je pense que c'est l'objectif recherché - pour que des compagnies canadiennes s'établissent sur ce marché et pour nous permettre d'assurer notre réussite à long terme.
Le président: Merci, monsieur.
J'aimerais obtenir deux petites précisions sur ce que vous avez dit à propos de deux questions qu'on soulève régulièrement au comité. D'abord, vous avez parlé de la perte d'un contrat, au Chili, au profit d'un consortium italo-suisse dans le secteur hydroélectrique. Vous dites l'avoir perdu en raison du prix. Leur prix était-il inférieur à cause des modalités de financement ou du prix comme tel. C'est une question de financement par la société pour l'expansion des exportations, ce dont nous traitons tout le temps, ici au comité. J'aimerais savoir.
M. Weese: Si vous le permettez, monsieur le président, je vais inviter mon collègue à répondre. Je pense qu'il connaît ces détails sans doute mieux que moi.
Le président: Je ne veux pas une longue réponse. Si vous pouvez rapidement...
M. John Wilson (conseiller, Relations gouvernementales, General Electric Canada): En l'occurrence, c'était une question de fabrication. Ce n'était pas que la société pour l'expansion des exportations n'était pas concurrentielle.
Le président: D'accord, ce n'était pas une question de financement. Merci.
Deuxièmement, vous avez parlé d'exportations de Peterborough d'une valeur de 100 millions de dollars. Les exporte-t-on surtout aux États-Unis? Pourrait-on dire que ces exportations sont destinées à 80 p. 100 aux États-Unis?
M. Weese: En bonne partie, mais les gros moteurs sur mesure sont vendus partout dans le monde pour de grandes entreprises minières, des industries de pâte et de papier et d'autres chantiers d'exploitation des ressources.
Le président: Merci.
Mesdames et messieurs, c'est la fin de la table ronde. Je vais proposer que nous demandions à M. Carrière et à M. Christie de se joindre à nous. M. Carrière va nous présenter le point de vue juridique du ministère sur les changements à l'article 89 dont Mme Van Loon a parlé au cours de son témoignage. Nous pouvons en discuter et si des questions se posent tout le monde aura l'occasion d'en discuter une fois que tous les membres comprendront les diverses vues exprimées. M. Christie va traiter de la question de la lettre d'accompagnement soulevée par M. Wilkinson.
M. Claude Carrière (directeur, Direction des droits de douane et de l'accès aux marchés, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci beaucoup. Je vais traiter de la question soulevée par Mme Van Loon au sujet de l'article 89 du projet de loi, proposition d'amendement de l'article 14 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation.
La Loi sur les mesures spéciales d'importation impose des droits antidumping quand des producteurs canadiens sont lésés par l'importation de marchandises sous-évaluées qui sont vendues ici à des prix inférieurs à ceux qu'on pratique dans le pays exportateur, et elle impose des droits compensateurs sur ces produits.
Le chapitre M de l'accord Canada-Chili dispose que dans certaines circonstances les dispositions antidumping de la Loi sur les mesures spéciales d'importation ne s'appliquent pas à des marchandises provenant du Chili. L'article 14 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation confère déjà au gouverneur en conseil un vaste pouvoir lui permettant de soustraire des marchandises à l'application des autres dispositions de cette loi. Permettez que je lise l'article 14 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation:
- Sur la recommandation du ministre des Finances, le gouverneur en conseil peut, par règlement,
soustraire des marchandises ou des catégories de marchandises à l'application de la présente loi.
Nous comprenons les hésitations qu'on peut avoir en raison de l'aspect contre-intuitif de cet article, et nous serions disposés à préciser notre intention dans l'énoncé de mise en oeuvre qui sera publié quand l'accord entrera en vigueur le 2 juin. Nous pourrions établir clairement que notre intention est de négocier ces améliorations des mesures antidumping et leur suppression éventuelle dans le contexte de l'ALENA.
Monsieur Graham s'il y a d'autres questions, nous avons des conseillers juridiques ici.
Le président: Eh bien, si c'est le cas, il serait utile au moins d'avoir cela sur la table au cas où il y aurait des questions là-dessus.
Monsieur Christie.
M. Christie: Merci beaucoup, monsieur le président.
Deux témoins ont soulevé une question concernant certains engagements qu'aurait pris le gouvernement du Chili à l'égard de négociations futures que ce pays pourrait engager relativement à des produits agricoles. On a mentionné en particulier le blé de mouture et la farine de blé.
J'attire l'attention du comité et des témoins sur la liste tarifaire chilienne, qui fait partie intégrante de l'accord. Elle inclut une note.
En fait, ma réponse comporte deux volets. Bien entendu la documentation est à la disposition des membres du comité.
La première note, à la page 10 de liste tarifaire chilienne, précise...
Le président: Excusez-moi. Je suis désolé de vous interrompre, monsieur Christie, mais les députés du comité ont-ils ce document dans leur trousse.
M. Carrière: Non, ce document n'est pas dans la trousse, mais on peut se le procurer au Centre de distribution parlementaire. Et s'il n'y en a plus d'exemplaires, ils en imprimeront d'autres.
Le président: Je suis sûr que cela se trouve sur l'Internet.
M. Carrière: Oui, c'est aussi sur l'Internet.
Le président: Si vous venez à mon bureau pour me montrer sur quel bouton je dois appuyer pour le trouver, fort bien, mais sinon, je devrais obtenir la copie papier.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Merci.
M. Christie: Très brièvement, la note stipule l'engagement du Chili - et je traduis de l'espagnol - à l'égard de certains produits agricoles. Comme cela a été établi dans une lettre en date du 12 novembre 1996 envoyée par le négociateur en chef du Chili au négociateur en chef du Canada, cela est compris dans la liste chilienne d'élimination des tarifs et fait partie intégrante de cet accord.
La lettre en question, à laquelle je vais maintenant me référer, a donc été officiellement et intégralement incorporée aux obligations juridiques exécutoires que le Chili s'est engagé à honorer dans le cadre de cet accord.
Permettez-moi de résumer la lettre du 12 novembre. On y précise que si, dans le cadre d'une négociation future entre le Chili et les pays du MERCOSUR, le Chili accordait à ces pays un accès plus favorable que celui accordé au Canada dans le domaine du blé de mouture, de la farine de blé, des graines oléagineuses et des huiles de graines oléagineuses, ce traitement serait automatiquement accordé au Canada.
En outre, en ce qui a trait aux États-Unis, on s'inquiète de savoir ce qui se passera dans le contexte d'une négociation pour l'accession à l'ALENA et s'il est possible que les États-Unis obtiennent de meilleures conditions pour certains de ces produits. La police d'assurance que nous avons en l'occurrence vise encore une fois le blé de mouture, la farine de blé, les graines oléagineuses et les huiles de graines oléagineuses, produits auxquels s'ajoutent la viande de boeuf de porc, les produits de pommes de terre, certaines céréales et les pois secs en provenance des États-Unis.
Autrement dit, si, dans le contexte d'une négociation d'accession à l'ALENA, les États-Unis étaient en mesure d'obtenir, à la suite de leur propre accord tarifaire, un meilleur accès à l'un ou l'autre de ces produits, ce traitement plus favorable serait automatiquement accordé au Canada, et ce sans restrictions.
Si le document n'est pas disponible, nous pouvons certainement vous le communiquer.
M. Speller: Pourquoi cela n'a-t-il pas été précisé dans la loi?
M. Christie: Parce que la délégation chilienne préférait qu'il en soit ainsi pour faciliter la présentation de l'ensemble des conditions au niveau national, et que nous avons été sensibles à cet argument.
Ce qui importe, en l'occurrence, c'est que cette lettre fait partie intégrante des engagements obligatoires du Chili aux termes de l'accord. Cela ne fait aucun doute sur le plan juridique.
Le président: Si je peux me permettre de résumer à l'intention des membres du comité, c'est un peu comme si nous bénéficiions du traitement de la nation la plus favorisée dans ce domaine. Cela serait conforme aux principes généraux régissant l'application de l'accord.
M. Christie: C'est exact.
Le président: D'accord.
M. Sauvageau voulait poser une brève question sur le même sujet.
[Français]
M. Sauvageau: Vous avez dit tantôt, monsieur Carrière, que vous donneriez par écrit l'avis juridique concernant la recommandation des producteurs d'acier. Ai-je bien compris?
M. Carrière: Je n'ai pas mentionné que je le donnerais par écrit, mais si on nous le demande, nous pourrons le faire sans problème.
M. Sauvageau: Pourriez-vous aussi nous indiquer pourquoi, dans ce même avis, vous avez ajouté from any country en anglais? Je suis sûr que vous allez le faire, mais je vous le demande précisément parce que, comme il arrive dans d'autres comités, il y a parfois des problèmes de traduction.
En français, on lit «provenant de tels pays». Cela a-t-il le même sens?
M. Carrière: Nous allons vérifier, mais j'ai l'impression que ce sont des tournures conventionnelles dans les textes juridiques et les traditions parlementaires. Nous confirmerons la chose.
M. Sauvageau: Merci.
Le président: Vous dites que ce devrait être «n'importe quel pays»?
M. Sauvageau: C'est parce que from any country devrait être rendu par «de n'importe quel pays». Ou bien c'est l'expression anglaise, from any country, qui n'est pas claire, ou bien c'est l'expression française, «provenant de tels pays».
M. Dupuy: J'ai une question à poser à M. Carrière sur le même article. Si je comprends bien, nos juristes ont estimé que l'article 14 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation n'était pas très bien rédigé. Donc, ils proposent l'amendement que vous venez de lire.
Mais pourquoi cette amélioration de l'article 14 se ferait-elle par le biais du projet de loi qui est devant nous plutôt que par le biais d'un projet de loi qui modifierait la Loi sur les mesures spéciales d'importation, puisque le gouvernement a l'intention d'apporter une série d'amendements à cette loi? Comment se fait-il que cette amélioration sur l'article 14 se fasse par le véhicule d'un accord avec le Chili?
M. Carrière: Ce n'est pas une amélioration. Si nous faisions une amélioration, l'article serait rédigé différemment. Notre intention est d'étendre l'exemption antidumping au Chili seulement parce que nous mettons en oeuvre un accord de libre-échange Canada-Chili. Étant donné que l'article 14 était rédigé de telle façon que son champ d'application était très étendu, en précisant les pays, soit Chili ou Chili - États-Unis - Mexique, le champ d'application de l'article 14 de la loi actuelle s'en serait trouvé rétréci. C'est une question juridique. À ma connaissance, ce projet de loi ne peut pas modifier le fond d'une loi; il peut seulement introduire les éléments nécessaires à la mise en oeuvre de l'accord.
Nous avons le doigt pris entre l'arbre et l'écorce parce que nous ne pouvons réduire la portée de l'article existant, mais que nous devons donner au gouvernement le pouvoir de mettre en oeuvre l'obligation d'exempter les produits du Chili des mesures antidumping dans certaines conditions. Nous pouvons, dans la déclaration de mise en oeuvre qui sera publiée dans la Gazette au mois de juin, apporter ces précisions expliquant que l'intention de l'article est de mettre en oeuvre l'accord sur le Chili et non d'aller plus loin.
M. Dupuy: Donc, cela n'exclut pas de nouvelles modifications à l'article 14 pour améliorer le texte qui serait proposé dans un débat ultérieur.
M. Carrière: Dans un autre projet de loi. Voilà.
M. Dupuy: Merci.
Le président: [Inaudible - La rédactrice] ...de votre comité.
M. Dupuy: C'était mon souci.
M. Carrière: Nous essayons de distinguer les choses.
Le président: Nous sommes tous experts dans ce domaine depuis que le sous-comité a fait son travail. Nous sommes tous devenus juristes. C'est dangereux, n'est-ce pas, monsieur Sauvageau?
M. Sauvageau: Vous avez employé l'expression from any country afin de préciser?
M. Carrière: Pour préciser et nous assurer que les mots qui étaient déjà là, soit goods or class of goods, puissent comprendre les produits d'un pays en particulier. Certaines personnes auraient pu soutenir que non. Donc, nous voulions indiquer clairement que c'était le cas.
M. Sauvageau: D'accord.
[Traduction]
Le président: M. Speller souhaite avoir une copie de l'article 14, sous sa forme actuelle, ce qui serait fort utile, à mon avis. Je vais le lire rapidement pour la gouverne des députés:
- Le gouverneur en conseil peut, par règlement, soustraire des marchandises ou des catégories de
marchandises à l'application de la présente loi.
Le président: Nous sommes à la page 63a du projet de loi C-81.
M. Speller: Est-ce l'article 14 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation?
Le président: Je viens tout juste de vous lire l'article 14.
M. Speller: Est-ce ce qu'il dit à l'heure actuelle?
Le président: Oui.
Dans ce cas, nous allons laisser de côté cette question juridique. Nous pourrons y revenir plus tard, après avoir eu l'occasion d'interroger les témoins. J'attire l'attention des députés sur le fait que nous avons tous convenu qu'étant donné la nature de la question à l'étude, nous reporterions au3 mars 1997, l'étude article par article. Tout le monde est d'accord pour qu'on y procède pendant l'après-midi. Cela nous donnera l'occasion de réfléchir à ces questions.
À la suite des commentaires de M. Dupuy, j'aimerais obtenir une précision de M. Carrière. Il me semble que l'article 14, sous sa forme actuelle, donne au gouverneur en conseil, le pouvoir d'ordonner de façon générale que toutes les marchandises en provenance du Chili soient soustraites aux dispositions relatives aux droits antidumping et aux droits compensateurs de la Loi sur les mesures spéciales d'importation. Qu'est-ce que cet amendement apporte de plus que le gouverneur en conseil ne pouvait pas déjà faire aux termes de cet article?
M. Carrière: Je vais céder la parole à M. Hermosa, du ministère de la Justice et des Finances.
M. Dan Hermosa (conseiller juridique, ministère des Finances): Monsieur le président, comme vous l'avez dit, la phrase clé en l'occurrence est «des marchandises ou des catégories de marchandises». D'aucuns ont avancé des arguments juridiques, selon lesquels cette phrase n'englobait pas une catégorie de marchandises d'un pays en particulier ou des marchandises d'un pays en particulier. Nous voulions donc faire en sorte d'écarter la possibilité qu'on puisse invoquer cet argument auprès de l'organisme de réglementation chargé d'appliquer le futur règlement que nous adopterons.
Le président: Si j'ai bien compris, vous dites au comité que si vous émettiez une ordonnance, disons, à l'égard de... nous ne parlerons pas de l'acier, madame Van Loon, ou d'un autre produit que quelqu'un ici représente... choisissez un produit! Si vous preniez une ordonnance concernant des machins en provenance du Chili, ou toutes les marchandises en provenance du Chili, quelqu'un pourrait alléguer qu'il importe des machins en provenance de Roumanie et que ces derniers ont été exemptés - c'est une catégorie de marchandise. Nous n'avons pas le pouvoir de faire cela. Ou encore, quelqu'un pourrait s'opposer à cette mesure sous prétexte que ce pouvoir pourrait viser des marchandises ou une catégorie de marchandises sans pour autant s'appliquer à des marchandises ou à une catégorie de marchandises en provenance d'un pays en particulier.
M. Hermosa: C'est exact. Nous voulions éliminer cette possibilité, et c'est pourquoi nous avons inclus cette phrase.
Le président: Ainsi, le gouverneur en conseil, serait habilité spécifiquement... si j'ai bien compris, vos propos vont dans le même sens, que ceux de Mme Van Loon, car on garantit ainsi que cette disposition s'appliquera au Chili et non aux autres pays. C'est là votre intention, n'est-ce pas?
M. Hermosa: Oui, c'est exact. En outre, nous souhaitions que la disposition actuelle soit illimitée, c'est-à-dire qu'elle ne se limite pas à un pays en particulier. Le Cabinet ne nous obligeait pas à limiter le champ de cette disposition à des pays en particulier, de telle sorte que parallèlement, nous voulions conserver la portée de la disposition, ce qui explique que nous n'ayons pas nommément mentionné le Chili.
Le président: En outre, il y aura une révision de la Loi sur les mesures spéciales d'importation sous peu, et toute cette question sera sans doute réexaminée à la suite d'un rapport sur cette loi qui a été remis au ministre des Finances et au ministre des Affaires étrangères. Est-ce que je me trompe?
M. Dupuy: Oui. Le gouvernement est présentement saisi du rapport et c'est à lui qu'il appartient de décider s'il veut apporter des modifications à la loi.
Le président: M. Penson souhaite intervenir, encore une fois sur cette question juridique et ensuite M. Speller souhaite poser une question. Toute cette affaire me désole.
M. Penson: J'ai une question à poser aux fonctionnaires du ministère qui comparaissent devant nous aujourd'hui. M. Dupuy a été coprésident d'un comité qui vient récemment d'étudier la Loi sur les mesures spéciales d'importation, et j'en faisais partie moi-même. Pourquoi n'a-t-on pas attiré notre attention sur la nécessité de modifier l'article 14 de cette mesure pour que nous puissions en discuter au sein du comité?
M. Carrière: C'était une question de temps, sans compter que nous nous attachons à la mise en oeuvre de ce projet de loi, et uniquement de ce projet de loi. Nous nous efforçons de ne pas empiéter sur les plates-bandes d'autrui. Je pense que l'examen de la Loi sur les mesures spéciales d'importation a eu lieu avant que nous ne commencions à travailler sur le projet de loi. Ce dernier remonte à décembre seulement. Il n'a pas été rédigé depuis bien longtemps.
M. Penson: Monsieur le président, je pense que les fonctionnaires du ministère devaient savoir qu'une telle disposition serait nécessaire pour le Chili. Il faudrait qu'il y ait davantage de collaboration à l'avenir.
Le président: Monsieur Speller.
M. Speller: Je suis d'accord avec M. Penson. J'ai écouté très attentivement les deux réponses. Or, ce sont deux réponses différentes émanant de deux ministères différents, et je ne suis pas encore sûr de comprendre.
Le président: Cela ne s'est jamais produit auparavant. C'est une première.
Je suis heureux que vous attiriez notre attention là-dessus, monsieur Speller.
M. Lalonde sourit. Je tiens à ce que cela soit consigné au compte rendu.
M. Speller: Si j'ai bien compris la réponse des représentants du ministère des Finances, cela n'était pas précisé auparavant, et devant la nécessité d'apporter des précisions, on a décidé de l'inclure maintenant.
M. Hermosa: Oui, monsieur le président, c'est exact, mais je tiens à signaler que d'après notre interprétation de ce qu'ont dit les porte-parole des Affaires étrangères et des Finances, nos réponses sont exactement les mêmes. Elles ne varient aucunement.
M. Speller: Oui, je m'attendais à ce que vous disiez cela.
Le président: Je pense que nous avons suffisamment consacré de temps à cette question.
[Français]
Avez-vous des questions à adresser au panel, monsieur Sauvageau?
M. Sauvageau: Non.
Le président: Vous n'avez plus de questions?
[Traduction]
Monsieur Penson, avez-vous des questions à poser?
M. Penson: J'ai une question pour M. Wilkinson qui porte sur cette élimination progressive étalée sur 17 ans du tarif sur le blé de mouture.
Je crois bien que c'est un problème. Il me semble que nous devrions préconiser une période de réduction tarifaire plus rapide pour le produit fini, mais je voudrais attirer votre attention sur la contradiction qui consiste à protéger au pays les produits assujettis à la gestion de l'offre et avoir d'autres pays protéger eux-mêmes des industries des industries fragiles. Si nous souhaitons assurer une protection dans certains domaines, il faut s'attendre à ce que les autres partis fassent de même. Je pense qu'il serait dans notre intérêt de supprimer les tarifs le plus rapidement possible partout au Canada, au même rythme que dans d'autres pays.
M. Wilkinson: Il va de soi que je ne suis pas d'accord avec vous. La réciprocité a assuré une protection à des produits assujettis à la gestion de l'offre analogue à d'autres produits recensés au Chili. La réciprocité existait déjà. Il s'agit simplement de l'étendre à d'autres produits.
Mais ce sont les mesures antidumping qui continuent de nous déranger... J'aimerais saisir l'occasion d'en parler un peu plus longuement. Dans le contexte de l'étude de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, toutes sortes de groupes ont comparu devant notre comité. Ils s'inquiétaient de la suppression des mesures antidumping. Ces travaux ont manifestement coïncidé avec les négociations. À la suite de coulage, on a plus ou moins appris que le Canada avait l'intention de s'orienter dans cette direction dans le contexte d'un accord bilatéral avec le Chili. Les uns après les autres, tous les groupes ont exprimé des préoccupations à cet égard, surtout en l'absence de tout autre mécanisme de protection.
À mon avis, cela demeure quand même un sujet de préoccupation important dans le contexte de l'expansion de la politique commerciale globale. Manifestement, les gens apportent des nuances, disant qu'à l'égard du Chili, cela ne pose pas de problème, mais que si cela constitue un élargissement de la politique commerciale du Canada, il va de soi que l'on devrait préciser que telle est l'intention visée. En effet, si dans le contexte des négociations commerciales futures, les mesures antidumping devaient être visées par l'élimination, cela serait source d'inquiétudes.
En l'occurrence, le libellé est très faible. Le gouvernement a fait certaines concessions dans la foulée des préoccupations exprimées par un certain nombre de personnes qui souhaitent que si des problèmes surviennent à la suite du dumping du Chili, alors que l'on conserve le droit d'avoir recours aux programmes d'exportations, il faudrait examiner la question avant que le tarif ne soit supprimé. Bon nombre de ces tarifs seront éliminés en six ans, ce qui comprend la période de cinq ans qui doit donner lieu à un examen quant à ce qu'il conviendrait de faire au sujet des mesures antidumping.
Selon notre interprétation, on ne prévoit aucun mécanisme d'intervention. L'article énonce essentiellement que d'ici cinq ans, avant la suppression d'un tarif particulier, les parties doivent examiner ensemble la mesure antidumping. Pour faire quoi? À notre connaissance, il n'y a aucun mécanisme de prévu. En fait, si les Chiliens disaient que c'est bien dommage, mais qu'ils n'ont pas l'intention de faire quoi que ce soit à ce sujet, il n'y a aucune procédure qui permette de régler cela.
En cas de problème, seule la consultation existe. Je le répète, selon notre interprétation, il n'y a pas de mécanisme pour régler cela. Si, en fait, des problèmes surgissent ultérieurement relativement aux mesures antidumping, ils continueront d'exister. Voilà ce qui nous préoccupe le plus.
Nous souhaitons que le comité se penche sur cet aspect car l'Accord de l'ALENA présente manifestement de sérieuses lacunes en matière de garanties. Nous ne disposons pas d'une politique sur la concurrence qui donnera nécessairement les résultats escomptés avec le Chili. C'est faire acte de foi que de convenir de supprimer toutes mesures antidumping et de supposer qu'il n'y aura pas de problème avec le Chili. Cela demeure un sujet de préoccupation.
M. Penson: Monsieur le président, j'aimerais prendre le relais.
Cela ne répond pas à ma question. En tant que groupe parapluie représentant l'agriculture, vous admettrez certainement que certains secteurs agricoles souhaiteraient une libéralisation plus rapide du commerce, notamment le secteur des céréales et des graines oléagineuses.
Ce que je veux savoir, c'est comment cela est-il possible alors qu'on traite l'agriculture comme une catégorie et que l'on demande protection d'un part, alors que certains produits agricoles pourraient bénéficier d'une réduction beaucoup plus rapide des tarifs, notamment la farine, dans le secteur du blé.
M. Wilkinson: Cela ne cause aucun problème. Cela se produit constamment lorsqu'on passe de la règle juridique d'exemption au titre de l'article 11 du GATT, dans l'ancien système, à l'OMC, ce qui a forcé essentiellement l'examen des questions de tarifs et d'accès au marché. Étant donné que le système en place a dû changer, les produits de base en particulier, que l'on parle de l'acier, du bois d'oeuvre, de la culture ou de la gestion de l'offre, il faudra prévoir une période d'adaptation assez longue.
Dans notre mémoire, nous parlons clairement du cas des exportateurs qui sont aussi des membres et qui vont sur une base de réciprocité, conclure des ententes en vertu desquelles on s'entend sur l'accès au marché du taux des tarifs, de la même manière que cela s'est fait pour la protection relative à la gestion de l'offre.
En somme, dans une perspective canadienne, nous sommes tout à fait disposés à adopter des tarifs beaucoup plus bas pour ce qui est du blé, des bovins et d'autres produits. Nous considérons que c'est un atout. Si le Chili refuse de s'orienter dans cette voie, soit, mais nous avons avec ce pays un accord de réciprocité pour les produits laitiers et d'autres produits également. On assure là-bas la même protection qu'au Canada.
On ne peut s'attendre que dans l'ensemble du secteur agricole tous les produits soient traités exactement sur le même pied au cours des négociations.
M. Penson: Il y a déjà un moment que cette discussion se poursuit, et je ne vais pas le faire, monsieur le président, mais...
M. Speller: Poursuivez.
Le président: Puis-je demander si le Chili fait partie du groupe de Cairns, à l'OMC?
Une voix: Oui.
Le président: Très bien.
M. Penson: Nous poursuivrons cette discussion en privé, monsieur le président. C'est un problème qui fait ressortir la contradiction à laquelle nous sommes confrontés dans le domaine du commerce extérieur lorsqu'on veut protéger certains secteurs et demander la réduction accélérée des droits de douanes dans d'autres. Je m'en tiendrai là pour le moment.
Le président: Dans un grand pays comme le nôtre, les contradictions sont parfois inévitables si l'on représente l'intérêt national plutôt que les intérêts régionaux.
M. Wilkinson: Je préfère ne pas considérer cela comme une contradiction. Il vaut mieux l'envisager comme une politique complexe du commerce des produits agricoles.
M. Dupuy: J'ai une brève question à poser.
Nos négociateurs ont examiné les résultats passés, je suppose, avant de conclure cette entente. Est-il arrivé que le Chili écoule des produits à perte sur les marchés canadiens, et dans quelle mesure le dumping est-il probable dans le secteur qui vous intéresse tout particulièrement?
M. Wilkinson: Oui, les négociateurs ont effectivement examiné le bilan du Chili et je suis sûr qu'ils pourront vous en parler. À leur avis, il y a peu de risques que ce soit un problème à l'avenir dans le domaine du commerce des produits agricoles. Cela s'explique en partie par les différences de climat, même relativement à l'horticulture. En effet, pour les produits frais, nous ne nous faisons pas concurrence sur le même marché à la même époque.
Toutefois, cela part du principe que la situation restera ce qu'elle est et que les résultats passés sont une garantie de ceux à venir. Il y a certains secteurs à problèmes. Il y a des problèmes pour les pommes et aussi si ce pays commence à produire des légumes préparés, par exemple. Nos préoccupations sont fonction de la façon dont les choses évolueront au Chili. À notre avis, il n'est pas judicieux de s'en tenir au passé et d'affirmer que cela ne se produira pas à l'avenir parce que cela ne s'est pas produit auparavant.
En second lieu, c'est une indication de la politique gouvernementale à long terme. Nous ne parlons pas précisément du Chili. Nous voulons affirmer clairement que le gouvernement compte saisir toutes les occasions possibles pour supprimer les mesures antidumping dans tous les accords commerciaux qu'il conclura à l'avenir. Reste à voir si cette décision est pertinente.
Est-il judicieux de supprimer les mesures antidumping dans une foule de secteurs sans prévoir d'autres mesures de remplacement, qui seraient appliquées de façon sélective et très restreinte, dans les cas où l'antidumping était efficace? Cette question nous préoccupe car il est arrivé par le passé, dans des secteurs comme le sucre et les produits horticoles de la Colombie-Britannique et autres, que les responsables dans la communauté agricole aient recours aux mesures antidumping car c'était le seul instrument à leur disposition. Les garanties ne suffiront pas.
Nous sommes donc ravis de pouvoir discuter en vue de trouver une mesure qui nous permette d'empêcher les pratiques de prix abusifs ou le dumping. Nous ne sommes tout simplement pas disposés à accepter l'idée que les mesures antidumping sont désormais choses du passé; nous les considérons comme un précédent qui s'appliquera à tous les autres accords commerciaux. À notre avis, des problèmes risquent de se poser à l'avenir et nous ne pourrons pas y échapper.
Le président: Avez-vous examiné la Loi sur la concurrence? Il y a deux ou trois points que tous les membres du groupe devraient comprendre.
M. Dupuy préside un sous-comité dont M. Penson et M. Sauvageau font partie. De façon générale, ils ont essayé de trouver une solution justement aux problèmes que vous soulevez aujourd'hui. Je suis sûr que ce sous-comité pourra les examiner. Ce sera possible, car il existe un lien entre la législation antidumping et la Loi sur la concurrence et nous essayons de décider de la meilleure façon de modifier la Loi sur la concurrence pour remédier aux pratiques de prix abusifs visant les produits étrangers et autres choses du même genre.
Je comprends que, d'après ce que vous savez du Chili, du moins en cet instant précis, cela ne pose pas de graves problèmes, mais c'est plutôt une question de principe qui nous préoccupe et qui inquiète l'association.
M. Wilkinson: Oui, et nous tenons à signaler qu'il y a deux ou trois produits pour lesquels nous avons actuellement des inquiétudes. Il se pose un problème pour les pommes, la purée de tomate et les oignons. Cela ne représente pas des volumes énormes, mais le fait que le Chili commence à produire des légumes transformés nous inquiète manifestement. Va-t-il vraiment nous livrer concurrence sur le marché, à la même époque, un jour prochain? En outre, comment résoudre cette question si vous avez déjà signé l'accord?
Je ne veux pas entrer dans les détails, mais permettez-moi de vous dire en quelques mots ce qui se passe entre la Nouvelle-Zélande et l'Australie, deux pays qui ont une longue tradition d'échanges commerciaux. Malgré un système juridique et une politique en matière de concurrence assez semblable entre les deux pays, il a fallu beaucoup de temps et d'efforts pour résoudre cette question.
Nous sommes toujours prêts à discuter avec les membres du comité. Nous disons simplement que vous avez l'air de considérer la politique sur la concurrence comme la panacée pour vous débarrasser des mesures antidumping. Cela fait penser à la politique. Cela revient plus ou moins à dire: peu importe les mesures antidumping puisqu'il existe une politique en matière de concurrence.
Ce que nous disons, c'est que cette question n'a pas été suffisamment approfondie par rapport au Chili et à d'autres pays qui ont eu des systèmes et des contextes juridiques très différents des nôtres. Nous ne voulons pas nous lancer les yeux fermés. Prouvez-nous à l'avance, avant de supprimer les mesures antidumping, que vous pourrez résoudre le problème en invoquant la politique sur la concurrence. Si vous réussissez à nous convaincre, nous n'hésiterons pas à dire que vous avez bien travaillé. Toutefois nous n'en sommes pas encore convaincus.
M. Christie: Monsieur le président, j'aimerais fournir quelques renseignements supplémentaires au sujet des questions précises qu'ont soulevées M. Wilkinson et d'autres relativement à l'exemption des mesures antidumping. J'ai deux observations à faire.
Tout d'abord, le fait est que le Chili vend ses pommes sur le marché canadien en franchise de droit depuis 30 ans, et que nous n'avons jamais eu à prendre la moindre mesure antidumping à l'égard de ce pays. Et pourtant, le Chili a été un important exportateur de pommes vers les marchés du nord de l'Amérique du Sud et des États-Unis au cours de cette période. C'est principalement dû à la complémentarité des saisons.
Lorsque nous avons négocié l'exemption, les responsables étaient vivement préoccupés par l'impact que les mesures antidumping risquaient d'avoir sur certains de nos principaux produits d'exportation, et notamment le blé, le boeuf, le porc et quelques autres produits.
Par le passé, le Chili, de son côté, n'a pas eu souvent recours aux mesures antidumping, d'après l'avis des exportateurs. Il est toutefois intéressant de signaler que ce pays a imposé des mesures antidumping à l'égard du blé de l'Argentine vers la fin des années 80.
Nous craignons que le Chili, lorsqu'il respectera pleinement ses obligations aux termes de l'OMC dans le domaine des droits antidumping, ne risque de moderniser, comme on dit, son système de mesures antidumping pour l'aligner davantage sur celui des États-Unis. Il se prépare pour utiliser ce système beaucoup plus fréquemment que par le passé. Cela risque de nous faire du tort dans des secteurs d'une importance cruciale pour nous exportations commerciales. Cela pourrait nous faire beaucoup de tort.
En vertu de l'exemption des mesures antidumping, nous avons un statut différent de celui des États-Unis et de l'Argentine. Il nous a semblé à l'époque que cela nous offrait une meilleure protection pour certains de nos principaux produits d'exportation.
Le président: D'après ce qu'ont appris les membres du comité, les Mexicains suivent également l'exemple des Américains. Ainsi, tout le monde s'aligne sur le mauvais modèle américain. C'est pourquoi Mme Van Loon insiste toujours pour que l'on s'efforce de leur damer le pion.
Monsieur Flis.
M. Flis (Parkdale - High Park): Mes questions s'adressent également au représentant de la Fédération canadienne de l'Agriculture. Ils ont présenté trois recommandations au comité. Je me reporte à la deuxième, où vous demandez au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour s'assurer que, dans la mesure du possible, le Chili respectera l'engagement qu'il a pris de faire profiter le Canada des mêmes avantages que ses concurrents, à savoir faciliter l'accès à son marché du blé de mouture. Vous ajoutez ensuite que nous avons exporté pour 77 millions de dollars de récoltes des Prairies en 1995.
J'ai deux questions à poser. Tout d'abord, quels sont les débouchés qu'offre le marché chilien à ces produits agricoles des Prairies pour les quelques prochaines années?
En second lieu, l'obstacle est-il lié au manque d'accès au marché chilien ou à des problèmes de transport? J'entends dire que les céréales sont immobilisées dans les greniers à blé, dans les silos. Les producteurs n'arrivent pas à livrer leurs produits jusqu'au marché. À quoi sert-il de signer des accords de libre-échange si les produits restent bloqués dans les greniers à grain et les silos?
M. Wilkinson: Pour répondre à votre deuxième question, je suppose que la lettre a été déposée et qu'elle est accessible au public. Ce qui nous préoccupait, c'est que les gens parlaient d'une lettre. Cela ne faisait pas partie intégrante de l'accord et c'est pourquoi nous avons signalé ce problème.
Nous tenons à nous assurer que tout cela est valable sur le plan juridique, pour qu'il existe la même protection dans l'accord auxiliaire écrit que dans la lettre qui était là dans le... Disons que c'est le cas et que la lettre a été déposée. À notre avis, la recommandation numéro deux a déjà été mise en vigueur de notre côté.
Le marché chilien offre d'énormes débouchés pour les ventes de grain. De toute évidence, si le Chili prend du temps à diminuer ses droits de douane sur le blé, c'est notamment parce qu'il considère qu'il s'agit d'une de ces denrées fragiles. Bon nombre de petits producteurs sont en affaires et les responsables des autorités chiliennes craignent qu'il ne se pose un grand nombre de problèmes économiques dans ce domaine. En effet, ils considèrent que leurs producteurs ne sont pas concurrentiels par rapport à ceux du Canada et des États-Unis. Les conséquences économiques les inquiètent donc, car nous sommes très concurrentiels du point de vue canadien. Il existe d'énormes débouchés dans des pays comme le Chili pour l'expansion de nos exportations.
Quant au problème de transport, il conviendra d'en discuter lors d'une autre réunion. Nous supposons que le problème va finir par se régler ou sinon nous risquons de ne pas respecter nos objectifs en matière d'exportation. Il faut que la situation débloque, mais je ne pense pas que votre comité soit l'endroit idéal pour en discuter.
M. Flis: Non, mais disons que nous voulons faire du commerce à l'échelle mondiale. Nous offrons un excellent produit mais si nous ne pouvons pas l'acheminer jusqu'au marché, à quoi servent les accords de libre-échange?
M. Wilkinson: Je comprends. C'est un gros problème. Je ne cherche pas à le minimiser, mais je dis simplement qu'il faut trouver une solution.
M. Flis: Ceci est pour ma propre gouverne. Nous vendons du blé durum pendant la période allant du 15 avril au 15 novembre. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi cette condition a été fixée? Est-ce pour protéger les marchés locaux de ce pays?
M. Wilkinson: Oui.
M. Flis: Très bien.
M. Wilkinson: Il y a des droits de douane saisonniers dans certains autres secteurs également. Prenez les oignons, par exemple. Certaines périodes ont été fixées au cours desquelles les droits de douane seront plus élevés en vue de protéger la production locale.
M. Flis: Vous avez dit, monsieur Wilkinson, que le Syndicat du blé est le mandataire de la Commission canadienne du blé. À mesure que nous concluons de plus en plus d'accords de libre-échange avec le reste du monde, la Commission canadienne du blé a-t-elle encore un rôle à jouer, selon votre fédération?
M. Wilkinson: Oui, sans l'ombre d'un doute.
M. Flis: Pourquoi?
M. Wilkinson: Parce que nous sommes très...
M. Flis: Vous ne pouvez pas gagner sur tous les tableaux.
M. Wilkinson: Si, nous le pouvons. Je ne comprends pas l'approche selon laquelle, dans certains secteurs... Étant donné la façon dont notre agriculture est structurée, il est parfaitement justifié d'avoir un vendeur unique sur un marché international où une très faible proportion des échanges mondiaux...
Disons que le système soit démantelé et que chaque producteur de son côté essaye de vendre son produit sur les marchés mondiaux. À notre avis, cela serait au détriment des producteurs sur le plan économique. La mise en commun de ces ressources, l'existence d'un organisme qui dispose de diverses qualités de blé et d'autres céréales, outre la capacité d'envoyer des représentants dans le monde entier pour mettre en valeur de nouveaux produits, etc., tout cela est très avantageux pour les agriculteurs.
Beaucoup de pays ont des coopératives de vente ou d'achat, à guichet unique, qu'il s'agisse de gouvernements en Chine qui se joignent à l'OMC ou d'un grand nombre d'autres régions. Ce n'est pas une chose courante dans le secteur agricole, je le sais, mais beaucoup de gouvernements sont membres de l'OMC, et nous ne voyons pas pourquoi nous ne continuerions pas, en tout cas, tant que les producteurs sont d'accord.
Gordon, vous avez peut-être quelque chose à ajouter.
M. Pugh: Oui, j'aimerais ajouter une ou deux choses.
Nous jouons le rôle d'agents de vente pour le compte de la Commission canadienne du blé, et à la Commission du blé de l'Ontario, cela fonctionne de la même façon. Nous l'avons fait au Chili et dans un grand nombre d'autres pays. Cela représente plusieurs avantages lorsque nous sommes à la table des négociations, et cela, même lorsque nous sommes les mandataires de la Commission du blé, car en effet, les gens savent que pour ces produits-là, nous passons par une coopérative de vente.
L'un des principaux avantages du système, c'est qu'il permet d'assurer la qualité. Il ne s'agit pas seulement de la qualité intrinsèque du grain, mais c'est aussi une question d'uniformité. Lorsque nous expédions du grain dans un navire de 30 000 tonnes, l'acheteur sait que le grain dans la dernière soute aura exactement le même aspect que le grain dans la première soute.
Je ne sais pas si vous le savez, mais le Canada est le seul exportateur de blé qui puisse vendre sa production sans soumettre des échantillons aux acheteurs, soit d'avance, soit au moment de la vente. Cela est dû au fait que le système permet d'approvisionner le marché au moment voulu.
L'autre avantage, qui est également un avantage majeur, c'est que nous pouvons garantir les prix futurs sans s'en remettre sur le marché pour compenser le risque.
M. Flis: Si je fais cette observation, c'est qu'après avoir été agriculteur en Saskatchewan pendant 25 ans, il y a quelques semaines, j'ai eu l'occasion de parler aux gens qui ont acheté notre exploitation et d'autres des environs. Ils m'ont dit que s'ils pouvaient se débarrasser de la Commission canadienne du blé, ils pourraient expédier leur blé par camion et en obtenir un dollar de plus le boisseau sur le marché. Cela se passe de commentaires.
Le président: Toutefois, Jesse, ils seraient obligés de le faire inspecter.
M. Flis: C'est une économie de marché.
M. Penson: Soit dit en passant, c'est le travail de la Commission canadienne des grains.
M. Flis: Si la qualité n'y est pas, on ne leur achètera pas leur blé la fois suivante.
M. Wilkinson: Les producteurs vont avoir la possibilité de voter sur cette question. Monsieur le président, c'est l'accord de libre-échange Canada-Chili dont nous discutons et non pas la question de savoir s'il faut garder la Commission canadienne du blé.
Le président: Ce comité a plus souvent qu'un autre tendance à se perdre dans des méandres politiques car il est très difficile de dissocier toutes ces questions.
M. Pugh: Je dois dire tout comme M. Flis que la question des transports est un problème et qu'elle a une incidence directe sur l'approvisionnement des marchés. M. Goodale doit aller en Extrême-Orient le mois prochain, au Japon et en Indonésie, et un de nos plus gros clients se trouve en Indonésie, il s'agit de la minoterie Bogasari Flour Mill; je sais qu'ils en profiteront pour reprocher au Canada de ne pas avoir respecter ses engagements contractuels. Or, cela est lié directement à des problèmes de transport que nous avons à l'heure actuelle sur la côte Ouest. C'est une préoccupation tout à fait légitime et valide. Cela porte atteinte à notre réputation. Nous avons déjà perdu des ventes, et ce n'est probablement pas terminé.
Le président: M. Morrison, qui est membre de notre comité, a soulevé cette question à la Chambre lorsque nous discutions du transport par rail. Je vous remercie beaucoup de cette observation.
Monsieur Culbert.
M. Culbert (Carleton - Charlotte): Merci, monsieur le président.
J'ai suivi avec intérêt la discussion sur la possibilité d'exemption des règlements antidumping, et c'est une chose qui me préoccupe, car en plus de ce que M. Wilkinson a dit au sujet des aspects agricoles - il l'a d'ailleurs fort bien exprimé - j'aimerais parler d'un autre domaine, celui de l'aquaculture. J'espère que le comité et le ministère accorderont à ce secteur la considération qu'il mérite. En effet, il a connu une expansion remarquable au Canada, et je peux vous dire que c'est un secteur en pleine expansion au Chili également. Dans ma région, dans la baie de Fundy, par exemple, l'industrie de l'aquaculture représente aujourd'hui plus de 100 millions de dollars par an et 1 500 emplois. Les producteurs ne voudraient surtout pas que cette possibilité de dumping existe au Canada ou encore chez notre gros partenaire, les États-Unis, qui vont certainement adhérer par la suite à l'entente entre le Canada et le Chili.
Monsieur le président, ce matin j'aimerais donc qu'on me rassure, qu'on me dise que ces exemptions ne créeront pas de problèmes inutiles pour ce secteur de la production canadienne qui est en pleine expansion, celui de l'aquaculture. C'est un secteur qui offre pour l'avenir des possibilités d'expansion considérables dans toutes les régions du Canada, et pour diverses espèces. Dans ma région, dans la plupart des régions, et également sur la côte de Colombie-Britannique, c'est surtout le saumon qui fait l'objet d'aquaculture, mais des expériences formidables sont en cours avec d'autres espèces. On pense que cela devrait devenir très viable dans un avenir proche. Il importe donc d'éviter cette possibilité de dumping au Canada ou aux États-Unis - et je sais que cette entente commerciale n'a pas un rapport direct avec les États-Unis - mais l'important, c'est de prendre un bon départ pour éviter ce genre de problème avec les États-Unis à une date ultérieure.
Le président: Monsieur Christie, est-ce que nous pouvons répondre?
M. Carrière: Si vous permettez, monsieur le président, nous sommes au courant des préoccupations du Nouveau-Brunswick en ce qui concerne l'aquaculture du saumon et l'exemption antidumping. De la même façon, nous sommes au courant des préoccupations de la Fédération canadienne de l'agriculture et, plus particulièrement, des horticulteurs de la Colombie-Britannique. Nous avons tenté de soulever ces problèmes pendant les négociations.
D'autre part, M. Wilkinson a parlé d'un problème qui préoccupe également les éleveurs de saumon, et qui tient au fait que les possibilités d'intervention gouvernementale au Chili n'ont pas disparu, et par conséquent, les possibilités de subvention n'ont pas disparu non plus. Je tiens à m'assurer que vous savez tous qu'avec cet accord les producteurs canadiens jouiront toujours des droits dont ils jouissent en vertu de la LMSI en ce qui concerne les droits compensatoires. S'ils font valoir auprès du gouvernement que le gouvernement chilien subventionne la production ou l'exportation de certains produits et que cette activité porte atteinte au marché canadien, des droits compensatoires pourraient être imposés.
L'exemption antidumping se limite à l'antidumping et non à l'intervention gouvernementale, et de telles mesures restent possibles. Je tenais à le préciser.
Le président: Voilà qui est très utile, merci.
M. Carrière: Les éleveurs de saumon, si je comprends bien, se préoccupent principalement de l'accès au marché américain. Depuis un certain temps, aux termes des négociations dans le cadre de la NPE et du GATT, il n'y a plus de droits de douane sur les importations de saumon au Canada. Je crois comprendre qu'ils veulent surtout s'assurer un accès au marché de Boston, par exemple. Sur ce plan-là, nous ne pouvons absolument rien faire. Les producteurs canadiens vont devoir concurrencer les producteurs américains ou les producteurs chiliens sur le marché américain. Nous ne pouvons rien faire dans le cadre des négociations Canada-Chili.
Évidemment, si les producteurs américains font du dumping au Canada, les producteurs du Nouveau-Brunswick pourraient invoquer les dispositions antidumping de la LMSI. C'est une option qu'ils ont à l'heure actuelle et qu'ils auront dans un avenir proche car, comme les députés le savent, depuis 10 ans, nous essayons de négocier avec les États-Unis des améliorations aux dispositions antidumping, des négociations qui sont à la fois bilatérales et dans le cadre de l'ALENA. Jusqu'à présent, nous n'avons pas réussi. C'est toujours une priorité pour le gouvernement, mais les choses ne vont pas dans ce sens-là en dehors de l'ALENA. Je tenais également à le préciser.
M. Wilkinson disait que le gouvernement recherchait une exemption antidumping à l'extérieur de l'ALENA. Ce n'est pas une chose qui a été annoncée par le gouvernement. Que je sache, à la fois à l'OMC et à l'ALEA, notre position est la suivante: nous cherchons à améliorer le fonctionnement des dispositions antidumping pour supprimer les obstacles injustifiés qui pourraient surgir à cause des mesures antidumping. Toutefois, nous n'avons fait aucune déclaration qui aille au-delà de cela.
M. Christie: Monsieur le président, si vous permettez, j'aimerais ajouter que pendant les négociations nous avons entrepris des consultations avec les éleveurs de saumon du Nouveau-Brunswick et également avec les autorités commerciales de la province. Ce qui semble les préoccuper le plus, c'est la question des subventions.
Il y a deux aspects à cette question. D'une part, les subventions nationales, et à ce sujet,M. Carrière a mentionné à juste titre que l'accord conserve ce droit au gouvernement du Canada si une industrie nationale subit des dommages matériels à cause de subventions gouvernementales au Chili ou de n'importe quel autre pays. D'autre part, il y a la question des subventions à l'exportation. Le Chili a un programme de promotion des exportations relativement modeste, et conformément aux engagements pris dans le cadre de l'OMC, ce programme doit être éliminé progressivement et entièrement d'ici l'an 2003. C'est un engagement qui est réaffirmé dans l'Accord de libre-échange Canada-Chili.
De plus, nous nous sommes demandés s'il y avait actuellement des subventions chiliennes à l'exportation de certains produits de saumon. Aux termes de leur programme, lorsque la valeur des exportations pour un produit donné atteint 20 millions de dollars américains, ce produit échappe complètement au programme de promotion des exportations. En ce qui concerne le saumon, un produit pour lequel nous concurrençons les Chiliens sur le marché de New York, tous ces produits ont maintenant échappé au programme de promotion des exportations et, par conséquent, ne sont plus subventionnés à l'exportation.
M. Culbert: J'aimerais donner une précision...
Le président: Absolument, monsieur Culbert, mais peut-être pourrions-nous laisserM. Wilkinson terminer après quoi vous pourrez répondre en une seule fois.
M. Culbert: Absolument.
M. Wilkinson: Les arguments des représentants du gouvernement en ce qui concerne l'antidumping me paraissent particulièrement intéressants. Si le gouvernement a vraiment l'intention de ne pas aborder les questions antidumping dans d'autres accords commerciaux, une position sur laquelle je ne suis absolument pas d'accord...
Le ministre du Commerce nous a déclaré très clairement que c'était le désir des Américains. Lors d'une réunion que nous avons eue avec lui, il a utilisé le mot «occasion». Comment peut-on espérer conserver la moindre crédibilité face aux États-Unis, face au Chili, si on ne soulève pas les questions antidumping, si on n'insiste pas sur cet aspect-là? C'est donc, à mon avis, un objectif à long terme très important.
S'il ne s'agit pas d'un objectif à long terme, j'ai une question très intéressante à vous poser. Dans ce cas, pourquoi insiste-t-on à ce point sur les questions antidumping dans cet accord bilatéral avec le Chili si le gouvernement n'a pas l'intention de reprendre la question lors de négociations futures? Pourquoi est-ce tellement important?
Tout le monde répète que l'antidumping n'est pas un problème avec le Chili. Ce qui nous rend nerveux, c'est que cette politique pourrait devenir un précédent; et dans ces conditions, il faut se demander, si vraiment ce n'est pas un objectif à long terme, pourquoi insister à ce point?
Deuxièmement, effectivement, nous avons un outil, les droits compensatoires, qui peut être utile dans certaines circonstances. Mais dans ce cas, il convient de reposer au gouvernement la même question: Pourquoi éliminer les dispositions antidumping avec le Chili, alors qu'il s'agit d'un outil qui a donné de si bons résultats sur une base sélective, en particulier dans le secteur agricole? Pourquoi éliminer cet outil?
Pourquoi éliminerait-on les dispositions antidumping avec le Chili s'il ne s'agit pas d'une politique gouvernementale à long terme?
Le président: Monsieur Carrière.
M. Carrière: Je croyais avoir expliqué suffisamment clairement que pour le gouvernement c'était une politique à long terme dans le contexte de l'ALENA, et cela, pour améliorer la situation et, éventuellement, supprimer la nécessité de dispositions antidumping. J'ai expliqué cela très clairement.
Vous avez dit au début qu'à votre avis le gouvernement voulait agir au sein d'une zone de libre-échange des Amériques ou encore au sein de l'OMC, et j'ai donc voulu préciser que l'ALENA était notre objectif à long terme. Nos objectifs sont différents en ce qui concerne l'OMC et l'ALEA. Nous essayons d'améliorer les recours au mécanisme d'antidumping dans cette sphère.
Dans le cadre de l'ALENA, notre objectif est, et cela depuis très longtemps, de négocier la suppression des dispositions antidumping. Pour le gouvernement, c'est une politique très claire depuis de nombreuses années.
Le président: Mais une autre politique claire du gouvernement est que cela ne sera possible que si ces dispositions sont remplacées par une politique commune de concurrence qui fournirait une protection contre les prix abusifs. Vous ne le ferez pas en l'absence de cette protection, n'est-ce pas?
M. Carrière: Non.
Le président: D'accord.
M. Culbert: Il y a une question supplémentaire dont vous avez déjà un peu parlé. Il est certain qu'une bonne proportion de cette production est destinée à nos marchés aux États-Unis, en particulier la côte est des États-Unis, et là-bas, c'est une source de préoccupation.
Le sentiment général, ou du moins mon sentiment personnel, c'est que notre accord avec le Chili, va au moins servir d'exemple sinon, à vrai dire, de précédent, et c'est une option que les États-Unis auront par la suite. En faisant marche arrière ou en offrant cette exemption, nous risquons d'encourager les États-Unis à offrir un type d'exemption similaire. Je ne veux pas leur faire dire ce qu'ils n'ont pas dit, ou vous faire dire ce que vous n'avez pas dit, mais voilà comment, de l'extérieur, je vois les choses.
Deuxièmement, j'ai une chose à vous dire, et j'aimerais avoir votre opinion sur un autre sujet qui est lié à celui-ci. Comme vous devez le savoir, les normes environnementales au Chili en ce qui concerne la production sont très différentes de ce qu'elles sont ici, au Canada. Ces normes de production que nous devons respecter, s'accompagnent de coûts, qu'il s'agisse de l'agriculture ou de l'aquaculture. Le Chili ayant des normes plus basses, cela confère à ces producteurs un avantage immédiat sur les nôtres, et nous voulons que ce problème soit réglé.
C'est probablement en décembre dernier que le ministre a parlé d'une période d'instauration graduelle - c'était à la période des questions, vous aurez peut-être des observations à ce sujet - au cours de laquelle le Chili accepterait de respecter des normes environnementales comparables à celles qui sont imposées à nos producteurs canadiens.
M. Carrière: Vous voulez répondre à cette question?
M. Christie: Monsieur le président, le gouvernement du Chili a amorcé un processus qui a véritablement démarré en 1989, avec l'adoption d'une loi environnementale destinée à moderniser et à mettre à jour la législation. Ils reconnaissent eux-mêmes que leurs lois sont très dépassées dans un certain nombre de domaines. Cela dit, le gouvernement du Chili a adopté consciemment une politique aux termes de laquelle il va se servir de l'accord parallèle de coopération environnementale avec le Canada pour forcer le pays à accepter une réforme des lois environnementales.
Le gouvernement du Chili a donc accepté d'examiner pendant une période de deux ans la totalité de la législation environnementale en vue de la moderniser le cas échéant, de resserrer les normes, ce qui permettra ensuite d'aligner cette législation sur les obligations de l'accord parallèle environnemental, exactement comme nous avons accepté de le faire dans le contexte canadien.
Les avantages comparatifs de cette façon de faire sont multiples. Par exemple, on pourrait penser que sur le marché de la Nouvelle-Angleterre, nous avons un certain avantage car les frais de transport sont moindres pour nous. En fin de compte, c'est le meilleur produit, celui dont le prix sera le plus concurrentiel qui l'emportera. Nous sommes relativement bien placés, et j'ai tendance à penser que notre réputation en ce qui concerne les produits du saumon est excellente sur la scène mondiale.
M. Culbert: Cela ne fait aucun doute, mais nous voulons nous assurer que les règles du jeu sont les mêmes pour tous aujourd'hui et que cela ne changera pas. D'autre part, vous avez raison, sur le plan des transports, il n'y a pas de problème. Lorsque nous mettrons en marché, nous trouverons le meilleur mode de transport possible pour acheminer notre production. C'est notre responsabilité. Nous nous en occuperons, nous le faisons déjà, ce n'est pas un problème.
Tout ce que nous voulons, c'est que l'on soit à armes égales et que nos producteurs aient une bonne position concurrentielle. Tout ce que nous demandons, c'est que les règles du jeu soient les mêmes pour tous.
Enfin, si telle est la situation, s'ils sont en train d'adopter les normes environnementales que nous avons déjà au Canada, des normes qui, en général, sont très bien acceptées, y compris par nos producteurs - pourquoi envisager l'exemption des règlements antidumping à cette étape du processus? Pourquoi ne pas envisager de supprimer les règlements antidumping ou encore de prévoir des exemptions pour la période de transition, pendant que les Chiliens sont en train de rattraper nos normes environnementales?
M. Carrière: Vous faites un lien entre les normes environnementales et les dispositions antidumping auquel je n'avais pas pensé. L'antidumping, c'est une mesure compensatoire lorsqu'un producteur vend sur un marché d'exportation à un prix inférieur au prix qu'il pratique sur son marché national.
M. Culbert: Oui.
M. Carrière: Je suis désolé, mais le rapport avec les normes environnementales ne me semble pas évident.
D'après une certaine école de pensée, les dispositions réglementaires... En règle générale, les exigences réglementaires des gouvernements dans divers domaines imposent des coûts supplémentaires aux entreprises. Cela dit, entre le Canada et d'autres pays, la gamme des exigences réglementaires est très vaste, et cela, dans des domaines très différents. Nous pourrions probablement relever des différences dans un domaine bien particulier, et également trouver des avantages pour un pays ou pour un autre, ou encore pour un secteur d'entreprise ou pour un autre, pour un ensemble de règlements donnés, cela est certain. Mais si on considère l'ensemble de la situation, il n'est pas si évident que les différences réglementaires offrent un avantage injuste sur le plan des coûts.
Il y a aussi le fait qu'un lien peut exister entre la productivité d'une économie ou d'un secteur et l'infrastructure réglementaire du pays. C'est un fait bien établi que la productivité est l'élément le plus important du coût de production de la plupart des produits. En fin de compte c'est cela qui détermine la compétitivité des exportateurs: la productivité élevée non seulement de la main-d'oeuvre, mais également du capital et de la technologie utilisés. L'environnement réglementaire dans lequel il fonctionne n'est qu'un petit élément de cette équation.
Pour terminer, nous avons effectivement une chose que nous n'avions pas jadis avec le Chili, cet accord environnemental parallèle qui donne suite au protocole d'entente signé il y a trois ans. Cela va nous donner la possibilité de collaborer avec le Chili, de contribuer au développement de leurs systèmes dans un grand nombre de domaines.
Dans l'ensemble, nous pensons avoir aujourd'hui de bien meilleures chances d'améliorer l'environnement au Chili, et par association, d'améliorer tous les facteurs qui intéressent vos électeurs. Toutefois, il n'y a pas de lien direct entre la structure réglementaire et l'antidumping.
M. Culbert: Je le sais, mais je voulais seulement soulever les problèmes qui préoccupent les producteurs canadiens que nous représentons. Je ne veux critiquer personne, mais je n'ai pas eu de réponse satisfaisante, quelque chose qui me rassure et qui justifie cette exemption des règlements antidumping à ce stade du processus.
M. Christie: Il y a deux choses qui pourraient être utiles à ce sujet; d'une part, le fait que l'exemption antidumping sera introduite de façon progressive selon le produit concerné. Dans de nombreux cas, les droits de douane sur un même produit sont nuls dans les deux pays. L'exemption s'appliquerait à partir de l'entrée en vigueur de l'accord, le 2 juin prochain.
M. Culbert: Vous parlez du saumon.
M. Christie: Mais pour d'autres produits, des produits où la période de transition est plus longue, l'exemption entrera en vigueur seulement lorsque les droits de douane auront disparu dans les deux sens. Cela pourrait prendre deux ans, trois ans ou quatre ans, tout dépend du produit, mais le maximum est de six ans.
Cela dit, pourquoi six ans? Parce que nous avons des produits agricoles, que nous exportons, et la période de transition chilienne... Bien que nous ayons négocié de bons quotas tarifaires, il y a des produits pour lesquels les droits de douane ne seront pas éliminés au bout de six ans. Il fallait donc trouver un point d'équilibre entre une période de transition nécessitant une exception et la protection de nos exportations contre une augmentation des recours à l'antidumping par les Chiliens.
La seconde chose nous ramène à cette dernière observation. Pendant les négociations, nous étions très conscients de la nécessité d'obtenir de nouveaux accès dans des secteurs comme les grains, la viande rouge, et nous avons tenu à ménager la meilleure protection possible contre le protectionnisme chilien à longue échéance. On a sous-entendu une ou deux fois, sans le dire directement, que cela aurait peut-être pu se faire sur une base sectorielle. Le problème avec ce genre de démarche, c'est que très souvent les secteurs d'exportation, agricole et autres, qui nous intéressent sont également des secteurs qui, pour les Chiliens ou pour leur industrie nationale, constituent des points sensibles. Par conséquent, si nous avions décidé d'exclure un, deux ou trois de ces secteurs, le blé aurait été retiré de la discussion, les oléagineux auraient été retirés de la discussion, et l'exemption antidumping pour la viande de boeuf et de porc aurait cessé d'exister. Nous avons donc conclu qu'étant donné la nature du commerce bilatéral, il serait extrêmement difficile d'être tatillon, parce que les points sensibles ne sont pas les mêmes dans les deux pays.
Le président: La séance devrait être terminée depuis au moins 10 minutes, mais...
[Français]
Monsieur Nunez, puisque vous êtes parmi nous et étant donné votre origine, est-ce que vous aimeriez ajouter un bref commentaire sur ce processus?
M. Nunez (Bourassa): Pas tellement.
Le président: Est-ce que les lois antidumping se sont appliquées à votre cas, lorsque vous êtes arrivé au Canada?
Des voix: Ah, ah!
M. Nunez: C'était un autre problème.
Merci, monsieur le président. Vous connaissez mon intérêt pour le sujet et pour cet accord commercial entre le Canada et le Chili.
J'en suis heureux comme les 35 000 Chiliens qui vivent au Canada. Je pense que les Chiliens ont beaucoup fait pour intensifier les relations commerciales entre les deux pays et, naturellement, j'espère que cet accord entrera en vigueur comme prévu en juin prochain.
J'ai vu qu'il y avait un assentiment général sur cet accord et je pense que c'est le cas au Chili également. Moi, je suis pour l'intégration du continent américain et j'espère que le délai de l'an 2005 sera respecté.
Je vois aussi que vous avez quelques réserves, par exemple sur le coussin de 30 p. 100 pour la Banque centrale au Chili. Cependant, je connais la situation au Chili, qui est un pays en voie de développement. Il a le droit de se protéger contre le mouvement des capitaux, et je souhaite que la situation qui s'est produite au Mexique ne se reproduira pas au Chili.
Mais il y a surtout un aspect qui me préoccupe beaucoup, auquel j'attache beaucoup d'importance. C'est la dimension sociale de cet accord. Il ne faut pas oublier qu'il devrait bénéficier à l'ensemble de la population du Canada et du Chili. Il faut améliorer l'emploi et les conditions de travail et protéger les travailleurs de certaines conséquences de cet accord.
J'attache beaucoup d'importance aux accords parallèles sur le travail et l'environnement. J'espère aussi que les gens d'affaires qui sont ici accorderont la plus grande importance à la dimension sociale de cet accord. Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Nunez. Vous avez touché un aspect de notre rapport sur les petites et moyennes entreprises, où nous avons fait expressément mention de la composition multiculturelle du Canada. Bien des gens comme vous peuvent établir des contacts avec leur pays d'origine pour améliorer les conditions de travail, d'exportation, d'importation et du commerce. Donc, merci beaucoup.
[Traduction]
J'aimerais aussi rappeler aux membres du comité et à nos témoins que le sous-comité deM. Dupuy - dont, comme je l'ai dit, M. Sauvageau et M. Penson font partie - étudie activement toute la question d'un cadre commercial international libéralisé auquel notre cadre réglementaire national doit s'adapter. Je vous demande donc de rester en contact avec ce comité car je sais que toutes les observations que vous pourriez avoir au sujet de ces questions-là intéressent particulièrement les membres de ce comité.
Je tiens à remercier tous ceux qui sont venus aujourd'hui, merci beaucoup. Nous avons beaucoup apprécié les informations que vous nous avez donné ce matin.
Comme nous avons consacré tout notre temps à une discussion avec les témoins, nous ne passerons pas l'étude article par article ce matin. Nous allons donc consacrer une séance à cette étude le lundi 3 mars à 15 h 30.
Collègues, pour l'instant du moins, je crois que le seul article qui risque de faire l'objet de discussions importantes est l'article 89. Je ne pense pas que le reste soit très controversé. Nous pourrions donc adopter très vite la première partie du projet de loi et nous attaquer à l'article 89. Toutefois, s'il y a d'autres articles qui vous préoccupent, vous pourriez peut-être me prévenir avant la séance pour que nous puissions nous en occuper.
La séance est levée jusqu'au 3 mars à 15 h 30. Merci beaucoup.