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CHAPITRE CINQ
DÉFINITION DU RÔLE DU GOUVERNEMENT DANS LE DÉVÉLOPPEMENT INTERNATIONAL DES ENTREPRISES


Les témoins ont formulé des suggestions au sujet des «lacunes» qu'ils avaient constatées, notamment dans l'information sur les marchés mise à la disposition des PME et dans l'accès au financement et à l'assurance-crédit. Les institutions financières traditionnelles collaborent avec des organismes comme la SEE et la CCC pour fournir aux PME exportatrices de nouveaux produits à faible risque, mais il existe de nouvelles options que le Comité a trouvées particulièrement intéressantes. Ainsi, la NORTHSTAR Trade Finance Inc. oriente précisément ses produits vers les PME exportatrices. La St. Stanislaus St. Casimir's Polish Parishes Credit Union Ltd. est en train de constituer un fonds pour aider les PME exportatrices désireuses de faire des affaires en Europe de l'Est, notamment en Pologne, et compte sur l'Église catholique romaine qui est son partenaire dans la Pol-Can Bank, pour les cotes de crédit. Le Conseil des entreprises de la Baltique est lui aussi en train d'établir un fonds destiné à aider les PME canadiennes dans leurs opérations commerciales avec la Lettonie, la Lituanie et l'Estonie. La Banque Hongkong du Canada, qui n'est cependant pas une «nouvelle option», a axé ses activités commerciales surtout sur le marché des PME et, lorsqu'il s'agit d'exportation, sur l'utilisation de crédits documentaires afin de faciliter le commerce, un créneau que les grandes banques canadiennes n'utilisent apparemment pas souvent.

Les témoins ont laissé entendre que la situation concurrentielle des exportateurs canadiens s'améliorerait si l'on réformait la réglementation canadienne, qui contribue à faire augmenter leurs coûts relatifs de production. On aimerait également que les programmes soient rationalisés et que les cas de double emploi s'atténuent entre les différents ordres de gouvernement, entre les ministères d'un même gouvernement et entre les secteurs privé et public. Des suggestions ont été formulées pour qu'il y ait des améliorations dans l'exécution des programmes ou leur interruption. Ces suggestions variaient selon le secteur, les marchés cibles et l'expérience des entreprises.

Le Comité en est arrivé à la conclusion que ces lacunes s'expliquent en grande partie par l'absence de consensus sur les rôles respectifs du gouvernement et du secteur privé dans la conception et la mise en oeuvre des principales activités de développement international des entreprises. Divers mécanismes de consultation entre l'entreprise et le gouvernement ont été établis pour que soient arrêtés les objectifs et priorités du Canada dans ce domaine. Ces mécanismes sont utiles et ont gagné en efficacité ces dernières années. Cependant, ils n'ont pas abouti à un consensus sur ce qu'on devrait attendre du gouvernement et sur la responsabilité du secteur privé dans l'élaboration et la mise en oeuvre de stratégies efficaces pour les PME canadiennes. Par conséquent, il y a souvent plus de concurrence que de collaboration entre le gouvernement et le secteur privé, et les lacunes persistent dans les programmes et services nécessaires. Ce manque de consensus et l'absence d'une définition précise des responsabilités du gouvernement et du secteur privé transparaissent dans le débat sur ce que devraient être les fonctions de chacun au niveau de la prestation des services de renseignements sur les marchés et du financement des exportations pour les PME canadiennes.

À titre d'exemple de ce qui se fait, le Comité appuie les mesures prises par le MAECI pour mieux définir les services d'information commerciale que devraient fournir les délégués commerciaux. Toutefois, cette liste devrait également signaler les services que les délégués ne fournissent pas. Il faudrait qu'il y ait, parmi les services fournis, un service d'aiguillage vers d'autres sources d'information commerciale. Le Comité reconnaît que le gouvernement a fait un pas dans cette voie avec Une approche mondiale . . . Exportez vos services, une trousse d'autoassistance électronique mise au point par le MAECI et Industrie Canada et, en matière financière, Le Carnet de route pour l'exportation et le financement des exportations. La même chose se fait de façon électronique par le Réseau mondial d'information sur les exportations (Exportations-WIN), qui a pour vocation d'aider les délégués commerciaux à repérer les entreprises canadiennes capables de tirer parti d'occasions d'affaires, à établir des contacts en leur nom et à leur fournir des avis et conseils pour les aider à prendre des décisions éclairées.

Il s'agit là de bonnes initiatives, mais il faut les regrouper et les rationaliser. Profitant de l'avènement d'Internet et de l'autoroute de l'information, le Comité a recommandé d'établir dans chaque mission des sites raccordés à de grandes banques de données capables de répartir les occasions d'affaires entre régions géographiques, secteurs industriels et types de services requis. Les missions pourraient ensuite télécharger les occasions d'affaires sur Internet, laissant l'entrepreneur et le fournisseur de services faire le reste.

Dans le chapitre sur le financement des exportations, le Comité convient que la SEE doit chercher à combler les lacunes dans les services fournis par le secteur privé et concentrer ses ressources sur les PME. Cependant, le Comité est préoccupé par le degré de concurrence et de double emploi entre la SEE et les fournisseurs privés de services financiers. Dans un certain contexte, il convient d'encourager cette concurrence : avec la mondialisation des finances, la SEE doit disputer les clients non seulement aux firmes canadiennes, mais aussi, et de plus en plus, à des firmes étrangères et à des organismes de financement et d'expansion des exportations appuyés par des gouvernements étrangers.

Les détracteurs de la SEE soutiennent qu'elle jouit d'un avantage concurrentiel indu parce qu'elle ne paie pas d'impôts et que ses liens avec le gouvernement fédéral l'aident à obtenir du crédit à de meilleures conditions. Par ailleurs, le Comité a entendu plusieurs témoins au sujet de la réticence des banques et des autres fournisseurs de services financiers à servir la petite entreprise parce que ces opérations leur coûtent relativement cher. Dans ce cas, donc, parce qu'elle est investie de certains objectifs d'intérêt public, la SEE doit absorber des frais que n'ont pas les firmes du secteur privé.

C'est une tâche à la fois complexe et délicate de déterminer avec précision ce que la SEE devrait ou ne devrait pas faire, et le genre de partenariats qu'elle devrait établir avec les firmes privées et les organisations non gouvernementales. C'est aussi une situation qui change constamment. Idéalement, ces questions devraient faire l'objet d'un examen périodique par une sorte de groupe de travail, composé de représentants de la SEE, des banques, des fournisseurs de services financiers ainsi que des associations professionnelles, et qui serait chargé de trouver la meilleure façon de fournir de nouveaux services aux PME. Ce groupe pourrait également explorer les façons de réduire le double emploi, de rationaliser les activités et d'éliminer la paperasserie administrative.

Si les entreprises et les pouvoirs publics parvenaient à s'entendre sur leurs fonctions et leurs responsabilités respectives, il serait alors possible d'apporter concrètement et efficacement les améliorations qui s'imposent aux activités de développement international des entreprises. Par exemple, les PME et les autres témoins qui ont comparu devant le Comité s'entendent pour dire que les ministères et les organismes gouvernementaux sont trop nombreux à offrir trop de programmes et de services, et que l'activité déployée est bien supérieure au niveau d'aide et de services fournis par le gouvernement.

Les représentants des provinces - et dans une moindre mesure des municipalités - sont en faveur d'une meilleure coordination des activités et d'une décentralisation accrue des programmes fédéraux de développement international des entreprises vers les provinces et les municipalités. L'ancienne présidente de BC Trade, Oksana Exell, a été formelle là-dessus : «il y a une division naturelle des responsabilités en matière de promotion du commerce entre les deux ordres (fédéral et provincial) de gouvernement». Selon elle, c'est aux provinces qu'il devrait incomber d'offrir avis et conseils aux exportateurs. Au Nouveau-Brunswick, rationalisation et décentralisation ont consisté à assigner aux différents ordres de gouvernement et aux programmes gouvernementaux des fonctions et des responsabilités qui ne se chevauchent pas. Les municipalités insistent que comme elles sont souvent le premier contact des entreprises avec le gouvernement, il faut mieux définir les rôles et les responsabilités de chaque gouvernement. La mairesse de Toronto, Barbara Hall, estime nécessaire que tous les gouvernements soient représentés dans les initiatives comme les missions commerciales d'Équipe Canada.

Si l'on définit les rôles que doivent jouer l'État, le secteur privé et les organisations non gouvernementales dans le domaine du développement international des entreprises et que l'on précise leurs fonctions et leurs responsabilités respectives, les activités devraient être mieux coordonnées et rationalisées.

Pour aider à l'élaboration de ce Carnet de route et du répertoire, il est important que les principaux intervenants fassent une étude indépendante des questions examinées dans ce rapport. Le Comité a demandé au Bureau du vérificateur général s'il pourrait entreprendre l'examen de tous les programmes et services du gouvernement fédéral qui concernent la promotion internationale du commerce et des entreprises. Le Bureau a avisé le Comité qu'il se prépare à faire la vérification des programmes de promotion commerciale du MAECI, qu'il compte déposer son rapport en novembre 1996, et que par ailleurs toutes ses ressources sont prises.

Cependant, il est préoccupé par les multiples observations formulées durant les audiences au sujet des chevauchements et des cas de double emploi entre les divers paliers de gouvernement et le secteur privé. Il considère qu'il ne lui appartient pas de faire des recommandations sur la meilleure façon de rationaliser les responsabilités de chacun. Le Comité a donc conclu qu'une étude plus poussée par les principales parties concernées s'imposait pour éventuellement mieux rationaliser l'offre et la prestation de programmes et de services aux PME.

RÔLE DU GOUVERNEMENT AU REGARD DES DROITS DE LA PERSONNE ET DE SES RELATIONS COMMERCIALES

Le Comité mixte chargé de la révision de la politique étrangère canadienne s'est penché, dans le chapitre 3 de son rapport, La politique étrangère du Canada : Principes et priorités pour l'avenir sur cette grande question du lien entre les relations commerciales et les droits de la personne. Dans une section de ce chapitre intitulé «Commerce conditionnel» on lisait : «En fin de compte, c'est la survie de nos relations commerciales qui est en jeu. En effet, si un pays ne respecte pas les droits fondamentaux de ses citoyens, il y a lieu de se demander s'il sera à même de respecter les droits des investisseurs étrangers.»

À la page 40 du même rapport, le Comité mixte faisait la recommandation suivante : «Par conséquent, conformément aux valeurs exprimées avec conviction par les Canadiens, le Comité recommande que le gouvernement du Canada choisisse les voies les plus efficaces pour protester contre les graves violations des droits de la personne, des normes du travail et des principes de protection de l'environnement, où qu'elles se produisent, et qu'il collabore étroitement lorsque c'est possible, avec ses partenaires qui partagent les mêmes vues afin d'obtenir des redressements d'une manière compatible avec l'évolution ordonnée d'un système multilatéral d'échanges commerciaux fondé sur des règles. Il convient d'envisager des sanctions commerciales dans un contexte multilatéral, quand cela s'impose.»

Suite aux accords de l'Uruguay Round, qui ont donné naissance à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), il convient de rappeler aux pays industrialisés leur responsabilité quant à la promotion du respect des normes du travail reconnues par l'Organisation internationale du travail (OIT), quant à la défense de l'environnement et quant à l'établissement de normes sociales. La globalisation des marchés et la compétitivité ont tendance à dresser les pays développés les uns contre les autres dans cette chasse pour de nouveaux marchés. C'est là une vision à courte vue et le Canada doit se faire le leader auprès de l'OMC pour que la communauté des pays développés n'abdique pas ses responsabilités sociales et environnementales.

Lors d'un passage récent à Ottawa (le 11 avril 1996), le président d'Amnistie Internationale, Pierre Sané, rappelait que «le combat pour le respect des droits de la personne ne peut-être que global, sans quoi il est perdu d'avance.» En somme deux visions s'affrontent : 1) le lien entre le commerce et le respect des droits de la personne est considéré comme une ingérence dans la politique nationale; 2) le commerce est une activité humaine et devrait refléter les valeurs et les principes de la société d'origine. Cette deuxième vision amenait le président d'Amnistie à ajouter : «En ces temps de mondialisation, la question est de savoir comment s'assurer que les échanges ne se limitent pas uniquement aux marchandises, à l'information et à l'argent, mais incluent aussi les valeurs?»

Lors de son allocution devant la Commission des Nations unies sur les Droits de la personne, le 3 avril dernier, le ministre canadien des Affaires étrangères déclarait : «Permettez-moi d'esquisser certains moyens concrets qu'on pourrait mettre en oeuvre pour amorcer la réforme de l'ONU au chapitre des droits de la personne. Premièrement, il nous faut canaliser les forces de la société civile : les gouvernements ne peuvent assurer à eux seuls la promotion et la protection des droits de la personne. Certaines organisations et coalitions commerciales ont déjà entrepris une action concrète en faveur des normes du travail et des droits de la personne. Comme l'a souligné un homme d'affaire canadien : «ce n'est pas seulement la chose correcte à faire [ . . . ] en fait, c'est également bon pour les affaires et la plupart des gens d'affaires en sont conscients.»

Et M. Axworthy de continuer : «L'industrie pourrait envisager plusieurs moyens concrets de promouvoir les droits de la personne : un code de conduite volontaire, des stratégies de gestion des ressources humaines et l'octroi de l'aide gouvernementale à l'investissement aux seules régions qui ont un bilan satisfaisant en matière de droits de la personne.»

Le gouvernement canadien considère que par ses relations commerciales il peut influer sur le développement de la démocratie et la défense des droits de la personne. Il découle de ce choix que le gouvernement doit se doter d'instruments ou de moyens afin de s'assurer que l'atteinte de l'objectif ne soit pas laissée au hasard. Le Comité permanent des affaires étrangères croit que tous les Canadiens qui interviennent sur la scène internationale (politiciens, diplomates, délégués commerciaux, coopérants, personnel de l'ACDI, gens d'affaires), devraient voir leur action encadrée dans un code ou des lignes directrices. Ceci assurerait que la promotion des valeurs canadiennes, un des objectifs clés de l'énoncé de politique étrangère, ne reste pas lettre morte. À ce point de vue, il conviendrait que le gouvernement prenne connaissance, à chaque année, du rapport du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), afin de prendre la mesure de l'évolution de la situation des droits de la personne dans les pays avec lesquels le Canada entretient des relations commerciales.

En mars dernier, lors du colloque Mondialisation, commerce et droits de la personne : La perspective du monde des affaires canadien, les participants sont parvenus à un consensus surprenant relativement aux mesures que le gouvernement et le secteur privé devraient prendre dans le contexte actuel. Un article paru dans le numéro du 8 avril dernier du journal de l'Association des exportateurs canadiens, Exportations Nouvelles, résumait les grandes lignes de ce consensus en quatre points :

Le Comité applaudit cette initiative et aimerait encourager le gouvernement du Canada à travailler en collaboration avec les parrains de la conférence afin de définir les éléments d'un code de conduite d'application volontaire pour les entreprises canadiennes actives à l'échelon international. Nous estimons qu'un tel code contribuerait à l'intégration des considérations touchant les droits de la personne à la pratique du commerce international et aiderait le gouvernement à promouvoir des valeurs du même ordre sur la scène internationale.

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