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Opinion dissidente du Parti réformiste sur le rapport sur
la Loi sur les mesures spéciales d'importation


10 décembre 1996

Les membres du Parti réformiste sont d'accord avec l'orientation générale du rapport produit par les membres du Comité appartenant au Parti libéral. Nous n'avons rien à redire à l'analyse technique, à l'interprétation des témoignages et aux recommandations. Nous accueillons particulièrement favorablement les recommandations qui réclament une définition plus précise de l'intérêt public pour les fins de l'étude des mesures prises aux termes de la LMSI et celles qui pressent le TCCE d'accorder le poids qu'il convient aux questions des droits moindres et des pénuries.

Nos principaux commentaires concernent le contexte économique et politique dans lequel se sont déroulées les audiences. Sauf erreur, le processus d'examen a été déclenché par des plaintes émanant des aciéries canadiennes qui, s'estimant harcelées par suite de l'application des lois et procédures antidumping américaines, voudraient que les autorités canadiennes recourent à des tactiques similaires.

Nous comprenons la frustration que peuvent éprouver les victimes de ces tactiques et convenons qu'elles compromettent le bien-être non seulement de l'industrie en question, mais aussi de tous les Canadiens, particulièrement si elles amènent les sociétés à installer aux États-Unis des filiales qui seraient autrement situées au Canada, où la production est plus rentable du point de vue économique. La question est de savoir comment remédier à la situation. Voici notre réponse.

Premièrement, le Canada est mal placé pour jeter la pierre aux États-Unis. D'après des chiffres fournis par le ministère des Finances à la demande de Herb Grubel, entre 1985 et 1995, le Canada a intenté 52 actions contre des importateurs américains, par comparaison à seulement 29 de la part d'Américains à l'endroit d'importateurs canadiens. Le nombre des décisions ayant effectivement abouti à l'imposition de droits ou à des engagements en matière de prix s'est établi à 31 au Canada (55 p. 100) et à 14 aux États-Unis (48 p. 100). Le chiffre le plus éloquent est sans doute la valeur des importations assujetties à des droits : 258 millions de dollars pour les importations canadiennes et 192 millions pour les importations américaines (valeurs annuelles moyennes). La part des importations du Canada assujetties à ces droits s'établissait à 0,3 p. 100 contre moins de la moitié de cette proportion (0,16 p. 100) aux États-Unis.

À en juger par ces chiffres, le Canada est mal placé pour se plaindre d'un recours excessif aux lois antidumping par les États-Unis. Ce n'est d'ailleurs guère rassurant pour les entreprises et industries canadiennes qui se trouvent parties à des litiges nombreux, coûteux et longs avec les autorités américaines.

Du point de vue de la politique, la principale conclusion que l'on peut tirer de ces faits est que beaucoup d'entreprises américaines souscriraient sans doute à la poursuite des efforts déployés en vue d'éliminer tous les recours commerciaux de la législation relative à l'ALÉNA. Ces efforts ont été vains jusqu'à maintenant. Nous estimons cependant qu'il ne faut pas renoncer et qu'il faut chercher à mobiliser tous les intérêts commerciaux et politiques compromis par les mesures prises par les Américains. Les protestations qu'a soulevées aux États-Unis la hausse des prix de l'immobilier, par suite de l'entente sur le bois d'oeuvre de résineux, offrent peut-être l'occasion de passer à l'offensive.

Nous notons également l'historique du protectionnisme et de l'orientation vers une libéralisation des échanges commerciaux. Les arguments invoqués par les témoins lors des audiences pour montrer qu'on avait besoin de la protection de la LMSI sont les mêmes que ceux que l'on entend depuis des dizaines d'années chaque fois qu'il est question, au Canada ou aux États-Unis, de réduire les droits de douane et le contingentement. Les arguments convaincants mis de l'avant par les partisans du protectionnisme dans les deux pays n'ont pas empêché l'ALÉNA et les séries de négociations commerciales du GATT en vue de la libéralisation des échanges de se conclure. Les forces du protectionnisme ont perdu en raison de la conjonction de forces intellectuelles, commerciales et politiques à un moment donné dans le temps. La confluence de ces forces et le poids qu'elles ont finalement eus n'ont été perçus que de façon très vague et en ont surpris plusieurs.

Nous estimons que les efforts déployés pour débarrasser l'ALÉNA des mesures de lutte contre le dumping et les importations subventionnées pour les fins du commerce infrarégional finiront par aboutir et nous encourageons le gouvernement du Canada à poursuivre ses efforts dans ce sens.

Deuxièmement, le gouvernement du Canada pourrait, en modifiant l'interprétation des règles actuelles ou en en adoptant de nouvelles, faciliter la tâche aux entreprises canadiennes désireuses d'intenter des poursuites aux termes de la LMSI et faire en sorte qu'il soit plus difficile et plus coûteux pour les importateurs américains de répondre aux exigences de la LMSI et que le TCCE se prononce plus souvent en faveur des entreprises canadiennes.

Il est impossible de savoir exactement quelle serait la réaction des autorités américaines à de telles initiatives. Certains témoins, représentant surtout les employeurs et les salariés de l'industrie de l'acier, sont fermement convaincus qu'en rendant le processus aussi ardu ici qu'il l'est de l'autre côté de la frontière, on amènerait les législateurs américains à négocier, ce qui finirait par leur faciliter les choses. Nous respectons les vues de ces personnes, mais nous pensons que cette stratégie présente des risques.

En effet, les législateurs américains pourraient tout aussi bien réagir à une politique canadienne agressive en se butant et en compliquant la vie des exportateurs canadiens. Ils pourraient recourir aux tactiques mêmes que proposent ceux qui veulent que le Canada adopte la ligne dure, avec des résultats extrêmement fâcheux pour de nombreux exportateurs canadiens. Or, comme nous dépendons des exportations beaucoup plus que les Américains, une telle escalade des différends commerciaux faisant intervenir la LMSI pourrait causer des dommages sérieux à l'ensemble de l'économie canadienne.

On a demandé aux représentants des ministères canadiens de l'Industrie, du Commerce international et du Revenu, qui sont souvent en contact avec leurs homologues américains dans le contexte de l'administration des différends commerciaux relevant de la LMSI, leur opinion personnelle sur la réaction probable des Américains à un durcissement de l'attitude du Canada. Tous se sont dits d'avis qu'une telle politique n'aurait probablement pas les résultats escomptés par les représentants de l'industrie de l'acier et qu'elle risquerait de compromettre sérieusement les relations commerciales existantes.

Nous sommes aussi de cet avis et nous pressons le gouvernement de résister aux pressions de ceux qui réclament un durcissement de notre attitude envers les États-Unis. Au lieu de cela, nous recommandons que le secteur public et le secteur privé intensifient leurs efforts en vue d'identifier les utilisateurs en aval des importations canadiennes qui subissent un préjudice du fait des lois américaines sur le dumping et les importations subventionnées. Avec leur aide, on pourrait amener les législateurs américains à alléger les procédures administratives et à éventuellement renoncer aux mesures législatives en question pour l'ensemble des échanges dans la zone couverte par l'ALÉNA.

Herb Grubel, député
Porte-parole du Parti réformiste
en matière de finances
Charlie Penson, député
Porte-parole du Parti réformiste
en matière de commerce international

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