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PARTIE I - S'ATTAQUER AU MONDE DE L'EXPLOITATION DES ENFANTS


De fait, les nombreuses formes d'abus auxquelles donne lieu le travail des enfants devraient aujourd'hui avoir été abolies. Il n'en est rien, même si ce n'est pas faute d'efforts.

1. DÉFINIR LA «MAIN-D'OEUVRE INFANTILE» EN TANT QU'ENJEU INTERNATIONAL CONTEMPORAIN

Étant donné les ambiguïtés, les émotions et les difficultés apparentes qui entourent le débat général sur le travail des enfants, il importe de se concentrer le plus possible sur ce qui est sans contredit inacceptable et, par conséquent, sur ce qui devrait se trouver au coeur de l'action canadienne et internationale. De toute évidence, nous ne parlons pas de toutes les formes d'activités économiques des personnes âgées de moins de 18 ans ni de toutes les formes de contribution au revenu familial. De fait, Vision mondiale Canada conclut, dans son mémoire, que des travaux légers, peuvent, dans certaines conditions de sécurité et d'éthique rigoureuses et sous réserve d'un accès universel à l'éducation, favoriser le développement harmonieux des enfants. [Le 27 novembre, p. 8]. De plus, le fait de préparer sainement les enfants à entrer dans le monde du travail des adultes, grâce à l'éducation et au perfectionnement des connaissances, est universellement considéré comme une politique publique souhaitable, surtout sachant que le chômage chez les jeunes constitue l'une des plaies sociales de nombreux pays économiquement avancés, dont le Canada. Dans ce contexte, la sénatrice Landon Pearson a souligné l'augmentation préoccupante du nombre de familles monoparentales de même que cette «inversion inquiétante» qui fait que «beaucoup d'adolescents parmi les plus âgés sont sans emploi ou sous-employés, en partie à cause des enfants et des jeunes adolescents qui travaillent». Elle en conclut que : «Si nous ne répondons pas aux besoins de tous les jeunes en matière d'éducation et de débouchés, le monde paiera pour cela pendant des centaines d'années à venir.» [5:8]

Dans des pays comme le Canada, les controverses persistantes sur des questions comme l'âge minimum pour l'exécution de toute forme de «travail» par des enfants ne devraient toutefois pas nous empêcher d'avoir «l'intolérable en point de mire», comme le fait l'OIT dans son plus récent rapport5. L'enquête du Sous-comité a donc porté sur des cas d'exploitation6 d'enfants comportant des formes manifestement nuisibles de travail qui contreviennent aux normes internationales fondamentales des droits de la personne. Il y a dix ans, l'UNICEF a élaboré des critères pour déterminer dans quelles conditions le travail des enfants peut être considéré comme une forme d'exploitation. Ces critères ont été réaffirmés dans le rapport intitulé La situation des enfants dans le monde 1997, qu'on analyse plus en détail ci-dessous. Les droits des enfants ont fait l'objet de déclarations internationales dès 1924. Aujourd'hui, la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, qui est entrée en vigueur en 1991, est l'instrument lié aux droits de la personne le plus important et le plus universellement ratifié. À l'article 32 de la Convention, on oblige les gouvernements à reconnaître et à faire respecter «le droit de l'enfant d'être protégé contre l'exploitation économique et de n'être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social».

Plusieurs définitions des formes d'exploitation des enfants proposées au Sous-comité font écho à cette norme universelle. Par exemple, pour la sénatrice Pearson, il s'agit d'un travail «qui implique une certaine exploitation - physique, mentale, économique et sociale - et, par conséquent, nuit à la santé et au développement de l'enfant». [5:7] Girish Godbole, directeur national d'Aide à l'enfance du Canada pour l'Inde, a plaidé en faveur de l'adoption du consensus international suivant : «il s'agit de toute forme de travail qui est préjudiciable à la croissance et au développement de l'enfant qui l'exerce. Le travail en famille, lorsqu'il fait obstacle à l'éducation, aux loisirs et à la santé physique ou morale de l'enfant, peut être considéré comme une forme d'exploitation». [6:4]

Des témoins ont cité des exemples frappants des diverses manifestations de l'exploitation de la main-d'oeuvre infantile, renforçant la multitude de témoignages et d'analyses contenus dans les rapports de l'OIT et de l'UNICEF. Ils ont aussi affirmé qu'on devait s'intéresser à l'ensemble de la situation de l'enfant et, donc, à la famille. On doit se pencher sur les pressions issues non seulement de la pauvreté et des privations matérielles, mais aussi des tendances démographiques et migratoires, des conflits armés, de la discrimination fondée sur le sexe, la race, l'origine ethnique ou la culture, l'oppression des minorités (p. ex. la caste des «intouchables» en Inde), de même que les agressions et la violence sexuelles (à la maison ou dans la rue). Diverses causes expliquent que des enfants se voient privés de leur enfance et acculés à des situations de travail abusives et souvent dangereuses.

Comme on le sait déjà, c'est malheureusement le cas, dans une certaine mesure, dans les pays «développés», même si les cas d'exploitation les plus patents se rencontrent principalement dans certains pays en voie de développement et dans certaines économies «en transition». Historiquement, la révolution industrielle en Occident s'est accompagnée de taux élevés d'exploitation des enfants, exploitation qui s'est étendue de la campagne à la ville. Il était plus facile de profiter des enfants, et leur utilisation avait pour effet de réduire les coûts de la main-d'oeuvre. Contrôler le problème de l'exploitation des enfants, qui s'aggravait, a été l'un des principaux facteurs de la création de l'OIT, qui, à l'occasion de sa première session en 1919, a adopté une convention concernant l'âge minimum. Même si un ensemble impressionnant d'instruments internationaux et de dispositions législatives nationales ont depuis été mis en place, la main-d'oeuvre infantile, comme la pauvreté chez les enfants, demeure un défi dans certains des pays les plus riches et les plus scolarisés du monde7.

Si l'on transpose maintenant le problème à l'échelle internationale, les détracteurs de la mondialisation actuelle de l'économie croient que la concentration des entreprises et la concurrence acharnée qu'elle entraîne minent les normes du travail arrachées de haute lutte et aggravent le problème de la main-d'oeuvre infantile en tant que phénomène mondial8. Dans la présentation de Défense des enfants international, on fait observer ce qui suit :

Il existe, entre ces deux fins de siècles, un certain nombre de similitudes qui donnent matière à réflexion. [. . . ] Dans les deux cas, nous constatons la même méfiance à l'égard du gouvernement, dont l'absence (au XIXe siècle) ou le retrait (au XXe siècle) s'est d'abord et avant tout fait sentir dans les secteurs qui influent sur la vie des enfants (éducation et santé). Dans ces conditions, on a commencé à mettre en doute la capacité même des gouvernements de faire respecter la Convention relative aux droits de l'enfant. [Mémoire, octobre 1996, p. 7]
Fait encore plus ironique à propos de la conjoncture historique actuelle, la main-d'oeuvre infantile fait son apparition dans de nombreux pays d'Asie et d'Europe de l'Est (autrefois socialistes) qui font la transition vers l'économie de marché9. Dans l'ensemble, la croissance explosive du commerce international et des communications a la conséquence suivante, ainsi que l'a souligné le ministre Pettigrew devant le Sous-comité : «la mondialisation nous met carrément en face du problème du travail des enfants et elle interpelle directement notre conscience.» [7:3]

Le Canada, malgré les initiatives qu'il a prises pour défendre les droits des enfants, au pays et sur la scène internationale, depuis qu'il a coprésidé le Sommet mondial pour les enfants de 199010, n'a certes pas les moyens de se montrer complaisant. Même si les formes de main-d'oeuvre infantile qui étaient communes il y a quelques générations ont graduellement été éliminées grâce à des mesures législatives et à la fréquentation scolaire obligatoire, on retrouve toujours des jeunes qui travaillent et, particulièrement dans les villes, des jeunes qui vivent dans la rue, des adolescents et des adolescentes qui se prostituent ainsi que d'autres formes d'aliénation, de violence ou de privations. Le ministre actuel de la Coopération internationale, l'honorable Don Boudria, a reconnu, dans un discours prononcé le 11 décembre pour marquer la publication du rapport de l'UNICEF intitulé La situation des enfants dans le monde 1997, qu'au Canada le taux de pauvreté chez les enfants était élevé (et en hausse). La pauvreté est non seulement un facteur important qui explique l'incidence de l'exploitation des enfants à l'étranger, mais aussi un problème central lié aux droits des enfants et des familles dans tous les pays11. Pour asseoir sa crédibilité dans la lutte pour les droits des enfants et contre l'exploitation des enfants au travail sur la scène internationale, le gouvernement doit donc, au pays, continuer de travailler avec diligence à cette question.

2. EXPLOITATION DE LA MAIN-D'OEUVRE INFANTILE : ANALYSE DES DONNÉES

En 1996, certaines études internationales d'importance réalisées par des organisations multilatérales nous ont éclairés considérablement sur les problèmes liés à la main-d'oeuvre infantile et produit des résultats dont on devra tenir compte dans les politiques gouvernementales. Même si la documentation et la recherche ne peuvent en aucun cas se substituer à l'action, il est essentiel que les mesures qui seront prises à l'avenir tiennent compte de ces données.

Étude de l'Organisation de coopération et de développement économiques

Avant la tenue de la réunion ministérielle annuelle de mai 1996, l'OCDE a publié une importante étude consacrée aux normes du travail dans l'économie internationale. On y retrouvait notamment une analyse des normes «de base» : «Élimination des formes abusives de travail des enfants, par exemple le travail forcé, et de toutes les formes de travail des enfants mettant en péril la santé et la sécurité des enfants12». Dans l'étude, on souligne les lacunes des conventions existantes de l'OIT dans le monde et la quête d'un nouvel instrument qui viserait clairement les abus les plus flagrants. On souligne qu'il convient de définir et d'aborder les formes abusives de travail effectué par des enfants dans une diversité de contextes développementaux et culturels et que toute solution devrait cibler les conséquences pratiques et prévoir des solutions de rechange acceptables pour les familles et les enfants concernés (voir encadré 1). En moyenne, les quatre cinquièmes de toutes les formes de travail répertoriées par l'OIT dans le monde constituent une aide non rémunérée apportée à la famille. Dans les pays en voie de développement, la main-d'oeuvre infantile est non rémunérée et constitue essentiellement un phénomène rural; le nombre d'enfants exerçant un travail lié aux exportations est beaucoup moindre. Parce qu'elles ne font pas partie des statistiques officielles (p. ex., les jeunes filles qui travaillent comme domestique) ou qu'elles supposent une activité illégale (p. ex., le trafic de stupéfiants, la pornographie et la prostitution), certaines formes d'exploitation sont difficiles à documenter.

Dans l'étude de l'OCDE, on souligne que l'élimination des formes abusives de travail des enfants se justifie pleinement sur le plan économique et que la libéralisation du commerce international et des investissements n'est pas incompatible avec le respect de normes élémentaires du travail. En ce qui concerne l'aide à la coopération dans le domaine du développement, l'OCDE met l'accent sur des stratégies intégrées portant sur le revenu familial, l'investissement dans l'éducation primaire et l'accès à cette dernière, l'avancement de la situation des femmes, le soutien de projets communautaires, les droits de la personne et les campagnes de sensibilisation du public. Dans le rapport de l'OCDE, on plaide en faveur d'une évaluation plus poussée de l'efficacité des programmes visant la main-d'oeuvre infantile ainsi que de la conception d'indicateurs visant à mesurer l'impact des mesures de coopération dans le domaine du développement. En plus de travailler à pied d'oeuvre et par l'entremise d'organisations internationales, les pays donateurs de l'OCDE «peuvent aider les pays en développement à améliorer leurs normes de travail grâce à l'instauration d'un dialogue stratégique constructif ainsi qu'à de l'aide technique et financière13.

Rapports de l'Organisation internationale du travail

Depuis les années 1920, l'OIT est l'instigatrice des efforts déployés dans le monde entier pour lutter contre le travail des enfants. Confrontée, dans les années 1990, à l'aggravation du problème, l'Organisation a intensifié son action en vue de mettre au point des normes internationales plus efficaces qui rendraient hors-la-loi les formes les plus intolérables de main-d'oeuvre infantile et d'une approche pragmatique adaptée à la situation de chaque pays. À l'occasion de la session de 1998 de la Conférence internationale du travail, on s'attaquera officiellement au projet d'un nouvel instrument exécutoire de l'OIT qu'un grand nombre de pays en voie de développement et de pays industrialisés seraient en mesure de ratifier. En 1992, l'OIT a lancé un programme international novateur pour l'élimination du travail des enfants, auquel le Canada s'est associé en 1996. Aujourd'hui, plus de 25 pays y participent.



Le Bureau international du travail a produit un document de travail détaillé intitulé Le travail des enfants : que faire? en vue d'une réunion ministérielle tenue à Genève en juin 1996. Il a été suivi, en novembre 1996, d'un rapport plus complet et à jour intitulé Le travail des enfants : l'intolérable en point de mire. Si on y fait preuve d'un certain optimisme devant le mouvement international naissant de lutte contre l'exploitation des enfants, on note que l'ampleur du problème est nettement supérieure à ce qu'on avait d'abord prévu. Selon les chiffres plus précis dont on dispose aujourd'hui, il y aurait, dans les pays en voie de développement, au moins 120 millions d'enfants âgés de 5 à 14 ans qui «travaillent à temps plein». Le chiffre double si l'on tient compte de ceux pour qui le travail constitue une activité secondaire. L'Asie compte plus de 60 p. 100 de l'ensemble des enfants qui travaillent dans le monde, mais c'est en Afrique que la proportion, par habitant, est la plus élevée (40 %).

Dans le rapport de l'OIT, on donne un certain nombre d'exemples d'enfants qui effectuent un travail dangereux dans les secteurs de l'agriculture, de la pêche en haute mer, des mines, des usines de verre et de céramique ainsi que dans les fabriques d'allumettes et de pièces pyrotechniques. On documente les abus graves dont sont victimes les enfants qui travaillent comme domestiques, la persistance de l'esclavage et du travail forcé des enfants (malgré les lois qui s'y opposent dans la quasi-totalité des pays) et la gravité de l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales. Parmi les facteurs de causalité complexes, liés à l'«offre et la demande», qui ont une incidence sur le travail des enfants et l'exploitation, les auteurs du rapport font état non seulement de la pauvreté extrême et des cas de détresse économique, par exemple l'endettement, mais aussi de différences régionales sur le plan des politiques (certaines régions pauvres de l'Inde, particulièrement l'État du Kerala, sont presque parvenus à éliminer la main-d'oeuvre infantile), de pratiques traditionnelles non réformées, de discrimination systémique fondée sur le sexe ou le groupe, du refus de l'accès à l'éducation, de l'application laxiste des lois pertinentes et, dernier facteur mais non le moindre, d'employeurs sans scrupules. Les enfants qui travaillent, à supposer qu'on les paie, coûtent moins que les adultes, mais ils sont surtout plus faciles à dominer et à exploiter. L'OIT soutient de façon convaincante que l'exploitation des enfants au travail ne saurait être excusée ni justifiée par des motifs économiques. Dans les secteurs ouverts aux exportations, l'Organisation reconnaît toutefois que les pressions qu'exerce la concurrence internationale peuvent jouer un rôle, ce qui fait ressortir l'absolue nécessité de prendre des mesures multilatérales pour empêcher un simple déplacement du problème d'un lieu à un autre.

Étant donné l'énormité du problème et l'urgence de la situation, les auteurs du rapport de l'OIT affirment qu'on devra faire des choix et affecter des ressources aux secteurs prioritaires, c'est-à-dire les «formes les plus intolérables de travail des enfants», par exemple l'esclavage, la servitude pour dettes, la prostitution infantile et les emplois dangereux. On devra également se pencher sur le cas des très jeunes, particulièrement les filles14. L'OIT souligne également la nécessité d'une plus grande sensibilisation du public, d'études empiriques détaillées sur la situation des enfants les plus vulnérables et d'un appui social large en faveur de stratégies nationales. Dans les stratégies visant à prévenir l'exploitation des enfants au travail, on devra prêter attention aux primes d'encouragement économiques (p. ex. le remplacement du revenu et le micro-crédit pour les familles pauvres), à l'amélioration de l'accès à une éducation de meilleure qualité (y compris la formation professionnelle) de même qu'au renforcement de la capacité des institutions, des dispositions législatives et de leur application. Dans les plans d'action, on devra de plus tenir compte de la réadaptation des jeunes travailleurs et prévoir des programmes de soutien destinés à venir en aide aux enfants et à leur famille.

Les auteurs du rapport présentent en conclusion un plan d'action en neuf points prônant ce qui suit : 1) adoption universelle d'une nouvelle convention internationale interdisant les «formes extrêmes de travail des enfants»; 2) engagement de chacun des pays, dans le cadre des plans de développement, envers des programmes d'élimination du travail des enfants dans un certain délai; 3) priorité immédiate accordée à la suppression des formes intolérables de travail des enfants; 4) attention particulière accordée à l'interdiction du travail des très jeunes et octroi d'une protection spéciale aux filles; 5) programmes de réadaptation ayant pour but de retirer les jeunes des emplois dangereux à titre permanent; 6) mesures de prévention soigneusement conçues; 7) désignation d'une autorité nationale responsable des questions liées à la main-d'oeuvre infantile; 8) coopération internationale visant à mettre un terme aux formes extrêmes d'exploitation, en «internationalisant» notamment les crimes commis contre les enfants, où que ce soit; et 9) augmentation de l'aide financière visant à lutter contre l'exploitation des enfants, accompagnée de mesures nationales et internationales de lutte contre la pauvreté et de buts appropriés en matière d'emploi15.

Rapport de l'UNICEF : La situation des enfants dans le monde 1997 16

Il convient de noter que l'UNICEF, organe du système des Nations Unies uniquement voué au bien-être de l'enfant, a jugé bon de s'attaquer de front, dans ce rapport marquant publié le 11 décembre dernier, soit à l'occasion du 50e anniversaire de sa fondation, aux problèmes touchant le travail des enfants. Les auteurs du rapport considèrent la prise de mesures à l'égard du travail des enfants comme une composante essentielle du programme mondial de défense des droits de l'enfant fondé sur la mise en oeuvre de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant de 198917. Dans tous les cas, le principe directeur doit être «l'intérêt de l'enfant». Reconnaissant qu'il existe une zone floue, entre certaines formes de travail qui peuvent se révéler bénéfiques pour le développement des enfants, et des formes manifestement «intolérables», l'UNICEF réaffirme les critères qui permettent de repérer les formes «abusives» de travail des enfants, à savoir : «un travail à temps plein à un âge trop précoce; trop d'heures consacrées au travail; des travaux qui exercent des contraintes physiques, sociales et psychologiques excessives; un travail et une vie dans la rue, dans des conditions peu salubres et dangereuses; une rémunération insuffisante; l'imposition d'une responsabilité excessive; un emploi qui entrave l'accès à l'éducation; des atteintes à la dignité et à l'estime de soi-même, comme l'esclavage ou la servitude et l'exploitation sexuelle; un travail qui ne facilite pas l'épanouissement social et psychologique complet18

Le rapport expose en détails de nombreuses réalités du travail des enfants, à la fois historiques et contemporaines, qui vont dans le sens d'analyses analogues dans les études de l'OIT. En outre, le rapport dénonce quatre «mythes» qui, selon ses auteurs, entraveraient la prise de mesures responsables et efficaces. Dans certains cas, on croit que le problème se limite aux seuls pays pauvres et que sa solution passe obligatoirement par l'élimination préalable de la pauvreté : voilà les deux premiers mythes. L'UNICEF rappelle qu'on peut observer même dans les pays industrialisés les plus riches de graves cas d'exploitation des enfants au travail et que, à court terme, les pays pauvres peuvent faire beaucoup pour mettre un terme aux formes les plus viles d'exploitation, tout en appliquant des mesures à plus long terme d'éradication de la pauvreté.

Selon les deux autres mythes, on aurait recours à de la main-d'oeuvre infantile surtout dans les secteurs ouverts aux exportations, si bien que l'adoption de sanctions internationales ou les boycottages de consommation seraient les principaux outils pouvant lui permettre de lui faire échec. En fait, on retrouve probablement moins de 5 p. 100 des enfants qui travaillent dans les industries d'exportation, tandis qu'on en dénote un bien plus grand nombre, notamment les jeunes filles qui travaillent comme domestiques, qui, habituellement, ont échappé aux statistiques officielles, aux inspecteurs du travail ou à l'attention du public. Si l'UNICEF se montre favorable à l'adoption de mesures normatives positives visant à réglementer le marché international de manière à protéger les droits des enfants, on craint que l'adoption de sanctions (on cite à cet égard le penchant des Américains pour la prise unilatérale de mesures commerciales restrictives) n'ait des effets improductifs et pervers. Sur ce plan, toute mesure proposée par la communauté internationale devrait donc faire l'objet, avant d'être appliquée, d'un examen rigoureux des impacts sur l'enfant et, par la suite, d'une surveillance continue19.

Dans le rapport de l'UNICEF, on présente un large éventail d'idées de mesures progressives visant à mettre un terme aux formes abusives de travail des enfants, notamment : une série de mesures visant à améliorer l'éducation élémentaire et mettant l'accent sur l'acquisition de compétences utiles, l'accès des filles à l'école, la souplesse et un coût abordable (on note aussi, dans le rapport, qu'il est nécessaire de réformer les programmes d'ajustements économiques antérieurs pour faire en sorte que de tels services publics soient protégés et améliorés plutôt qu'érodés); des mesures visant à rejoindre les enfants qui travaillent et à les doter d'autres possibilités d'apprentissage; des mesures législatives qui confèrent de la substance aux normes relatives aux droits des enfants et qui sont applicables en pratique; des mesures visant à habiliter les pauvres, particulièrement le micro-crédit destiné aux personnes les plus nécessiteuses, notamment les femmes et leur famille (on cite le cas de la Grameen Bank au Bangladesh et du Child Labour Abolition Support Scheme en Inde); des mesures visant à mobiliser la participation de la société civile, notamment les coalitions nationales et internationales, les ONG, les associations d'employeurs et d'employés, les médias et, particulièrement, les enfants eux-mêmes (on cite entre autres le travail du Canadien Craig Kielburger); et, enfin, les mesures visant à encourager la responsabilité des consommateurs et des entreprises du secteur privé, notamment des codes internationaux de conduite et des normes commerciales (à titre d'exemples positifs, quoique non irréprochables, les efforts de l'industrie du vêtement au Bangladesh et l'initiative «Rugmark» en Inde et au Népal.)

L'UNICEF conclut en définissant les six «prochaines étapes» qu'il convient de franchir de toute urgence pour mettre un terme au travail des enfants : 1) faire en sorte que les gouvernements se concentrent immédiatement sur l'élimination des formes dangereuses et abusives; 2) faire de la fréquentation obligatoire de l'école et de la gratuité scolaire une priorité budgétaire des pays concernés et une priorité des bailleurs de fonds internationaux; 3) renforcer la protection offerte par les lois nationales et les conventions internationales; 4) exiger que la naissance de tous les enfants soit enregistrée; 5) améliorer la collecte et le contrôle des données, notamment par les collectivités touchées et les enfants qui travaillent eux-mêmes; et 6) exercer des pressions en vue de l'adoption, au pays et à l'étranger, de politiques d'achat et de codes commerciaux de conduite respectueux des droits et de l'intérêt des enfants.

3. Ce que les témoins nous ont dit

Bien qu'il soit impossible de rendre justice succinctement aux témoignages de nombreux témoins non gouvernementaux, certains de leurs commentaires généraux renforcent et complètent les résultats de rapports internationaux récents. Dans la Partie II, nous nous intéresserons en détail à nombre de recommandations précises visant la politique canadienne.

Les ONG pour le développement et la défense des droits de la personne, qui voient dans la lutte contre l'exploitation des enfants qui travaillent un élément de la lutte pour les droits internationaux et l'établissement de modes de développement humain plus équitables, plus durables et plus démocratiques, ont présenté une gamme complète de points de vue. À l'échelon international, les ONG veulent que se poursuivent les travaux relatifs à des normes multilatérales, à des incitatifs positifs visant à soutenir la prise de mesures intégrées dans les pays en voie de développement et à des approches menant à la conclusion d'ententes sur des modifications de politiques par les États du Nord et du Sud, notamment en ce qui concerne les réformes de l'aide et de l'activité commerciale. Betty Plewes, du Conseil canadien pour la coopération internationale (CCCI), a formulé une série de propositions visant à faire de la promotion des droits des enfants un volet plus important et plus dynamique de la coopération dans le domaine du développement. Au pays, les ONG ont plaidé en faveur d'un dialogue social et de l'engagement ainsi que de la participation la plus large possible de la société civile, particulièrement les jeunes eux-mêmes. Les groupes Jeunesses du monde, Défense des enfants international et Club 2/3, établis au Québec, ont insisté sur le respect plein et entier des normes relatives aux droits des enfants de même que sur le droit des jeunes d'être associés à la mise en oeuvre de solutions de rechange au travail des enfants.

Gerry Barr, du Fonds humanitaire des Métallos, s'est fait le porte-parole de nombreuses personnes en disant que plus on prend conscience de l'ampleur de la situation complexe et parfois ambiguë de l'exploitation des enfants au travail, plus on ressent l'obligation de cibler et de concevoir avec soin les outils d'intervention qui permettront de corriger les abus les plus flagrants et de résoudre les problèmes particuliers d'un pays donné. Pour ce faire, il faut tenir compte des causes sous-jacentes et des conséquences à long terme, et il faut chercher à conclure, en matière de développement, des partenariats axés sur la collaboration, sans pour autant renoncer, s'il le faut, aux formes plus musclées d'intervention. John Harker, ex-directeur du bureau canadien de l'OIT, a affirmé que le Canada devrait définir un ordre de priorité national à cet égard et concentrer ses efforts de coopération technique sur les pays où il est le plus susceptible d'agir efficacement.

Les ONG présents en Birmanie, aux Philippines et au Vietnam ont relaté les cas d'exploitation des enfants dans ces pays, notamment dans l'industrie du sexe et dans les forces armées mêlées à des conflits civils. Ces aspects ont également été abordés par Linda Tripp, de Vision mondiale Canada, qui, dans son mémoire, plaide en faveur de «l'établissement d'un plan d'action national holistique à long terme visant à combattre l'exploitation des enfants, en accord avec les engagements contractés par le Canada en tant que signataire de la Convention des NU relative aux droits de l'enfant et leader des affaires humanitaires internationales». Même si la situation d'un certain nombre de pays a été évoquée, c'est à propos de l'Inde que les membres du Sous-comité ont entendu les diagnostics et les remèdes les plus poussés, notamment de la part d'Errol Mendes, du Centre de recherche et d'enseignement des droits de la personne de l'Université d'Ottawa, de Girish Godbole, d'Aide à l'enfance - Canada, et de Yogesh Varhade, du Centre Ambedkar pour la justice et la paix, ainsi que de quelques importateurs canadiens de biens asiatiques, dont Subhash Khana et Linda Alexanian. Kathleen Ruff, du Canadian Anti-Slavery Group, a proposé un ensemble de mesures plus vigoureuses visant à combattre le travail forcé. Le travail forcé en Inde est aussi le sujet d'un rapport incontournable de Human Rights Watch Asia qui propose de corriger la situation au moyen de mesures complémentaires allant du niveau local au niveau mondial20.

Sur le plan de la politique étrangère, certains des problèmes les plus complexes découlent de l'interrelation entre les normes du travail et le commerce international. Les porte-parole des syndicats et du secteur privé ont des points de vue quelque peu divergents (les premiers critiquant les tendances à la mondialisation du commerce et les protections sociales insuffisantes dans les accords commerciaux), mais formulent des suggestions constructives de coopération industrielle et tripartite avec les gouvernements pour lutter contre les formes les plus viles du travail des enfants. Stephen Benedict, du Congrès du travail du Canada, a également proposé la création d'une structure nationale inspirée du Comité national norvégien qui contrôle entre autres choses l'importation de biens produits par de la main-d'oeuvre infantile. De toute évidence, l'élaboration de politiques pourrait bénéficier d'une sensibilisation et d'un dialogue mieux éclairés concernant des enjeux tels que les «pratiques commerciales loyales» de même que l'investissement et la consommation éthiques.

En ce qui concerne l'amélioration des pratiques commerciales, Stephen Beatty, de la Fédération canadienne du vêtement, a affirmé l'engagement des sociétés membres d'adopter des normes du travail équitables et responsables ainsi que de leur volonté de participer, aidées en cela par une orientation et un soutien clairs de la part du gouvernement, à un régime volontaire de contrôle et d'inspection. William Maroni, de Levi Strauss, a pour sa part défendu les mérites de l'approvisionnement multinational et de lignes directrices d'exploitation interdisant le travail des enfants. Subhash Khana et Linda Alexanian ont également affirmé que les gens d'affaires devraient, en raison de leurs propres relations commerciales, participer aux efforts visant à améliorer la situation et soutenir les efforts déployés pour mettre en oeuvre des solutions de rechange pratiques pour les enfants qui travaillent et leur famille.

Citons un dernier point, qui demeure peut-être le plus important : le témoignage des jeunes qui, le 20 novembre, soit à l'occasion de la Journée internationale des enfants, ont pris la parole au nom des jeunes moins fortunés d'ailleurs. Non seulement ils nous ont impressionnés par leur exposé de la situation de nombreux jeunes travailleurs exploités, mais en plus, par leur militantisme et leur idéalisme, ils ont lancé un défi aux décideurs adultes. Kyle Connolly et Laura Hannant, de Free the Children, ont montré que même les très jeunes enfants peuvent comprendre l'obligation qu'ont les gouvernements et les employeurs d'agir avec vigueur pour éradiquer les maux liés à l'exploitation des enfants qui travaillent et de fournir, en priorité, les possibilités d'éducation de même qu'un soutien du revenu familial. Émilie Bernier, participante de Jeunesse Canada Monde, et, par la suite, Christopher Lowry, de Street Kids International, ont évoqué leur propre expérience de jeunes adultes travaillant directement auprès d'enfants vulnérables et leurs efforts pour leur donner les outils et les compétences qui leur permettront de vivre une vie meilleure. Caitlin Smith et Jemima Day Cowan, élèves du niveau secondaire appartenant à l'organisme Kids for Human Rights and Justice, ont éloquemment décrit la nécessité d'un militantisme avisé des jeunes et des réseaux de soutien.

Ces jeunes ont compris qu'il faut renseigner davantage la population canadienne sur la réalité des enfants exploités. Ils ont parlé de tirer profit des nouvelles technologies de l'information qui ouvrent un plus grand nombre d'avenues à des interactions populaires qui transcendent les frontières nationales. De plus, les jeunes témoins ont compris qu'il n'y a pas de solution facile et rapide à l'exploitation des enfants au travail. En fait, les solutions mises de l'avant doivent être viables à long terme. On doit non pas rechercher des «panacées», mais bien plutôt tenir compte de tout le contexte du développement de l'enfant de même que du mouvement mondial en faveur du respect des droits de la personne, de la justice économique et sociale et de la participation démocratique. Comme l'a déclaré Mme Smith :

Les discussions, les propositions et un réexamen de notre moralité et de nos valeurs sont des moyens essentiels d'éveiller la conscience. Il faut expliquer la situation dans toute sa complexité. Si l'on traite le travail des enfants comme s'il s'agissait d'un problème tranché, on obtiendra des réponses tout aussi tranchées, ce qui risquent de causer plus de tort que de bien aux enfants qui travaillent. [10:7]

4. CONSÉQUENCES DE L'ÉLABORATION D'UNE STRATÉGIE CANADIENNE DE LUTTE CONTRE L'EXPLOITATION DE LA MAIN-D'OEUVRE INFANTILE

La conséquence la plus importante de l'élaboration d'une stratégie canadienne exhaustive et cohérente pourrait être sa capacité d'intégrer les mesures gouvernementales, les initiatives des organisations non gouvernementales et du secteur privé ainsi que de centraliser la mobilisation du public. Même si les déclarations récentes des ministres et les diverses formes de militantisme qui se manifestent chez les citoyens constituent des signes encourageants, elles ne constituent pas en soi un effort national capable de soutenir l'attention et d'optimiser les impacts. Le Sous-comité estime donc que le gouvernement devrait utiliser sa réponse détaillée au présent rapport pour faire clairement oeuvre de pionnier en élaborant une stratégie canadienne globale de lutte contre l'exploitation de la main-d'oeuvre infantile, laquelle constitue, relativement aux droits internationaux de la personne et au développement durable humain, un enjeu fondamental. On devrait en faire un objectif prioritaire de la politique étrangère canadienne; en outre, la crédibilité de cette politique à l'étranger dépend de la capacité du gouvernement de faire diligence, en étroite coopération avec les provinces et les partenaires sociaux canadiens, pour appuyer les réalisations du Canada dans le domaine de la protection et de la promotion des droits des enfants.

Une telle stratégie devrait être en place avant que le Canada ne participe à la conférence internationale sur le travail des enfants qui se tiendra à Oslo l'automne prochain. Elle devrait s'assortir d'objectifs immédiats et de buts à moyen terme réalisables d'ici la fin de la décennie, qui marquera le dixième anniversaire du plan d'action du Sommet mondial pour les enfants, que copréside le Canada. Un tel cadre stratégique explicite, dont on abordera les éléments précis dans les recommandations ultérieures, devrait avoir pour but de donner une orientation générale à l'ensemble des initiatives du gouvernement fédéral. Il devrait notamment fournir une définition fonctionnelle officielle de l'exploitation de la main-d'oeuvre infantile fondée sur des critères internationaux reconnus (par ex. ceux de l'UNICEF et de l'article 32 de la Convention sur les droits de l'enfant), cibler les formes les plus inacceptables de ce type d'exploitation, obtenir de fermes engagements envers les buts prioritaires et, enfin, établir des critères en vue de la concentration des efforts dans un ensemble de pays choisis dans lesquels le Canada, en vertu de son adhésion à des organisations internationales, de ses compétences, de l'aide qu'il octroie ou de ses relations commerciales, est le plus susceptible d'obtenir des résultats.

Sur ce dernier plan, nous constatons que le ministre Gagliano a défini le Brésil, le Kenya, les Philippines, la Tanzanie, la Thaïlande et la Turquie comme autant de pays dont la situation sera analysée à la lumière d'un projet financé à l'aide des 700 000 $ que le Canada a récemment alloués au Programme international pour l'abolition du travail des enfants de l'OIT. [11:3] À des fins d'examen futur, nous tenons également à mentionner le Mexique, parmi d'autres pays de l'hémisphère, étant donné son adhésion à l'ALENA, le Mali, membre de la Francophonie et coprésident, avec le Canada, du Sommet mondial de 1990 évoqué ci-dessus et, enfin, les pays de l'Asie du Sud qui appartiennent au Commonwealth (Inde, Pakistan, Bangladesh et Sri Lanka), où le Canada nourrit depuis longtemps d'importantes relations dans le domaine de l'aide au développement.

Outre l'établissement de jalons gouvernementaux explicites à la lumière desquels on pourra mesurer les résultats de l'action canadienne, une telle stratégie devrait avoir pour but d'encourager la participation des acteurs non gouvernementaux et du grand public à la lutte contre l'exploitation des enfants au travail. Certains témoins ont fait valoir qu'il devient de plus en plus difficile pour de nombreuses ONG de contribuer à l'information, à la sensibilisation et à la mobilisation du public, étant donné la réduction des ressources consacrées à l'éducation au développement international. En avril 1996, le Comité a consacré une journée d'audience à l'examen des moyens d'améliorer la compréhension qu'a le public des enjeux touchant le développement mondial et de stimuler sa participation. Le Sous-comité recommandera également d'autres moyens de favoriser la participation de la société civile. Cela devrait également être une préoccupation prioritaire du Centre canadien pour le développement de la politique étrangère qui a été créé par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international à la suite de l'étude de la politique étrangère de 1994 et qui a pour mandat de favoriser la participation du public. Bon nombre d'entre nous avons des réserves au sujet de ce Centre, notamment en raison des réductions de l'appui accordé par le gouvernement aux ONG en matière de sensibilisation au développement international. Toutefois, nous avons pris note du fait que, sous l'égide du Centre, la troisième conférence nationale annuelle sur la politique étrangère s'est tenue à Winnipeg le 13 décembre 1996. La conférence régionale du Québec sur les relations internationales canadiennes, qui a porté sur la protection internationale des enfants et notamment sur les questions liées au travail, s'est notamment soldée par une recommandation au ministre des Affaires étrangères en vue d'une diffusion plus large des rapports et documents pertinents21.

Selon l'expérience du Sous-comité, même les grands rapports auxquels on a fait référence sont souvent difficiles à obtenir dans les deux langues officielles, et les documents officiels ont parfois tendance à ne circuler que parmi un petit cercle d'initiés stratégiques. Nous savons que les ressources sont limitées et doivent être utilisées le plus efficacement possible. Toutefois, le partage de l'information en temps opportun est essentiel aux dimensions publiques de toute initiative canadienne visant à combattre l'exploitation des enfants au travail. Dans une section ultérieure portant sur le rôle de la société civile, nous nous pencherons plus en détail sur les questions qui touchent la sensibilisation du public, mais nous tenons, d'entrée de jeu, à mentionner que le gouvernement devra consacrer une attention créative à cette question.

Recommandation no 1 :

Le Sous-comité recommande que le gouvernement, comme première action générale en réponse au présent rapport :


4
Publié par le Fonds des Nations Unies pour l'enfance par Oxford University Press, New York, 1996. On cite ici la page 17 du chapitre II de la version anglaise, qui porte sur les enfants à risque et l'élimination de l'exploitation des enfants au travail et des abus auxquels il donne lieu.

5
Organisation internationale du travail, Le travail des enfants : l'intolérable en point de mire, Genève, 1996, rapport VI (1). Pour diverses raisons, la plupart des pays membres de l'OIT, dont le Canada, n'ont pas ratifié la Convention n_ 138 de 1973 concernant l'âge minimum et la recommandation supplémentaire n_ 146.

6
La notion d'«exploitation» soulève des questions difficiles concernant le pouvoir, le consentement et les avantages injustes dans les relations humaines (voir le compte rendu que fait Ian Hacking du livre d'Alan Wertheimer intitulé Exploitation dans le Globe and Mail du 28 décembre 1996). On doit donc se montrer aussi précis et spécifique que possible dans la définition de la nature de l'exploitation exigeant des recours politiques et judiciaires.

7
Dans le rapport de 1997 de l'UNICEF, on affirme que jusqu'à 26 p. 100 des enfants de 11 ans du Royaume-Uni travaillent d'une façon ou d'une autre. De 1983 à 1990, on souligne également une augmentation de 250 p. 100 du nombre d'infractions liées au travail des enfants aux États-Unis. Durant la décennie, la tendance observée, c'est-à-dire des travailleurs de plus en plus jeunes qui travaillent de plus en plus longtemps, ne donne aucun signe de ralentissement. (Voir Thomas Geoghegan, «Child Labor in the 1990's», The New York Times, 1er décembre 1996, p. E9.)

8
Voir en particulier le témoignage présenté devant le Sous-comité par Stephen Benedict, du Congrès du travail du Canada, et le rapport de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), intitulé No Time to Play : Child Workers in the Global Economy, juin 1996. On retrouve une analyse utile du vigoureux débat en cours aux États-Unis à propos de ces impacts dans «Child Labour and Sweatshops : Do U.S. consumers abet worker exploitation?, Congressional Quarterly Researcher, vol. 6, n_ 31, le 16 août 1996, pp. 721-743.

9
OIT, Le travail des enfants : l'intolérable en point de mire.

10
Ces initiatives sont résumées dans un document du gouvernement du Canada, intitulé Update on the Implementation of the Declaration and Plan of Action of the 1990 World Summit for Children (juillet 1996), présenté à l'automne 1996 à titre de rapport national canadien dans le cadre de l'examen des buts du Sommet réalisés après cinq ans.

11
Pour une perspective canadienne et québécoise à ce sujet, voir Hélène Tessier, «Lutte contre la pauvreté : question de droits de la personne et mesure de prévention contre une violence systématique à l'égard des enfants», Les Cahiers de Droit, vol. 37, n_ 2, juin 1996, pp. 475-505; pour une perspective mondiale, Teresa Albanez, «Human Rights and the Child», CEPAL Review, décembre 1995, pp. 35-43.

12
Organisation de coopération et de développement économiques, Le commerce, l'emploi et les normes de travail : une étude sur les droits fondamentaux des travailleurs et l'échange international, COM/DEELSA/TD(96)8:FINAL, mai 1996, p. 6.

13
Ibid. p. 65.

14
Le travail des enfants : l'intolérable en point de mire, p. 20.

15
Ibid. pp. 113-117.

16
Le rapport est à la base du mémoire présenté par UNICEF Canada au Sous-comité au début de 1997. Peu de temps avant la publication du rapport, la directrice générale de l'UNICEF à New York, Carol Bellamy, a également comparu devant le Comité.

17
Dans le rapport, on souligne que 96 p. 100 des enfants de la planète, soit près de 2 milliards, sont visés par la Convention, qui a maintenant été ratifiée par tous les pays sauf six (y compris, fait ironique, les États-Unis, malgré le rôle considérable qu'ils ont joué dans la rédaction de la Convention).

18
La situation des enfants dans le monde 1997, p. 25.

19
Ibid.

20
Les petites mains de l'esclavage : la servitude des enfants pour dettes en Inde, Human Rights Watch, New York, septembre 1996.

21
Centre canadien pour le développement de la politique étrangère. Forum national (conférence de Québec) sur les relations internationales; options de politiques sur la protection des enfants au niveau international, novembre 1996, p. 4.


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