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CHAPITRE 3 - AFFERMIR LE CARACTÈRE INTERNATIONAL DE LA RÉGION CIRCUMPLAIRE : ASSURER LE SUCCÈS DU CONSEIL DE L'ARCTIQUE


On a accusé les Canadiens de vivre au Nord et de regarder au Sud. La création du Conseil les incitera, je l'espère, à tourner leur regard vers le Nord et à réaliser qu'une partie du pays est située dans la région circumpolaire. [. . .] Profitons de l'occasion que nous offre le Conseil de l'Arctique pour réitérer et concrétiser notre volonté d'agir en tant que membres de la collectivité circumpolaire.

L'hon. Lloyd Axworthy, discours prononcé lors de
l'inauguration du Conseil de l'Arctique à
Ottawa, le 19 septembre 1996.

Contexte, genèse et création

Comme on l'a mentionné au chapitre premier, la coopération internationale dans la région de l'Arctique ne constitue pas un phénomène nouveau. Toutefois, dans le passé, cette coopération a été plutôt restreinte. Il se peut que des groupes d'États arctiques aient pris des arrangements particuliers entre eux, et des États ont parfois même conclu des accords bilatéraux ou multilatéraux sur des questions arctiques (comme le pacte de 1973 en vue de la conservation des ours polaires) afin de poursuivre des objectifs précis et limités. Il ne semblait cependant pas exister de réelle possibilité de créer un mécanisme institutionnel permanent afin d'établir une coopération politique internationale entre les différents pays circumpolaires. L'appel à la coopération pacifique à l'échelle panarctique lancé en 1987 par Mikhaïl Gorbachev a donc constitué un grand tournant qui a brisé la glace dans ce domaine. La fin de la guerre froide a également suscité un nouvel intérêt à l'égard des organisations internationales poursuivant des objectifs communs dans l'Arctique (voir l'encadré 3). Cet événement a avant tout ravivé l'espoir que nourrissait depuis longtemps le Canada de voir naître une organisation régionale rassemblant tous les pays arctiques. C'est lors d'une visite du premier ministre Brian Mulroney dans le nord de la Russie, en 1989, que le Canada a proposé officiellement la création d'un conseil international regroupant les huit États arctiques. En fait, cette idée est venue davantage de groupes d'action canadiens que du gouvernement et, au cours des années qui ont suivi, ce sont surtout d'anciens activistes non gouvernementaux et des spécialistes du Nord qui ont défini les paramètres d'un tel organisme (voir la chronologie incluse dans l'encadré 4). Toujours en 1989, une initiative finlandaise plus concrète a donné lieu à des consultations entre les huit États arctiques sur la coopération environnementale circumpolaire. La conférence de Rovaniemi, en 1991, a abouti à une déclaration consensuelle des huit membres et a marqué le lancement d'un processus permanent sous l'égide de la Stratégie de protection de l'environnement arctique (SPEA). C'est ainsi qu'est née une forme plutôt limitée de coopération internationale dans l'Arctique qui était menée à l'échelle circumpolaire.


Encadré 3 - «Le développement des organisations internationales s'occupant de l'Arctique»

Le Conseil de l'Arctique établi en 1996 constitue un organisme unique quant à l'ampleur du mandat politique qui lui a été confié par les États de l'Arctique, mandat qui prévoit l'intégration de la Stratégie de protection de l'environnement arctique (SPEA), un mécanisme moins officiel et plus limité qui constitue la seule autre institution intergouvernementale à avoir une véritable envergure circumpolaire. Il existe néanmoins, en particulier depuis 1989, un nombre grandissant d'autres organismes internationaux qui s'intéressent aux dossiers de l'Arctique et qui pourraient avoir une incidence sur les intérêts canadiens dans le domaine de la coopération circumpolaire. Certains sont non gouvernementaux et oeuvrent dans un domaine particulier (comme l'Union pour la santé des populations circumpolaires). D'autres ont été créés par les peuples autochtones de la région. Au moins une de ces organisations travaille à la promotion de la coopération concrète entre les gouvernements régionaux, à l'échelle infranationale. Plusieurs sont le fruit d'ententes multilatérales entre des États arctiques et souvent avec d'autres États aussi. Comme Oran Young l'a souligné au Comité, pour réaliser son mandat, le Conseil de l'Arctique devrait absolument tenir compte des activités déjà entreprises par ces diverses organisations pour favoriser la coopération dans l'Arctique. Même s'ils sont mentionnés au besoin à divers endroits dans le reste du présent rapport, voici un aperçu de l'éventail des organismes qui sont actifs sur la scène arctique internationale.

Organismes s'occupant de coopération dans l'Arctique qui ont été mis sur pied avant 1989 :

  • Le Conseil nordique - Établi en 1952 afin de favoriser le dialogue et les actions concertées sur des questions régionales, le Conseil rassemble des représentants des parlements et gouvernements (un Conseil des ministres des pays nordiques a été créé en 1971 afin de servir d'exécutif) des cinq États nordiques - Norvège, Suède, Finlande, Danemark et Islande - et de trois territoires «autonomes» associés (Groenland, îles Féroé et îles d'Aaland). Il existe plusieurs catégories d'adhésion, notamment le statut d'observateur qui a été accordé aux peuples lapons autochtones de la Fennoscandie. Le Conseil n'a pas été établi aux fins de la coopération dans l'Arctique. Toutefois, au cours des dernières années, il a commencé à élaborer les positions des pays nordiques sur des questions euro-arctiques multilatérales. Le Conseil a aussi appuyé l'établissement du Comité permanent des parlementaires de la région arctique (voir plus loin).

  • Le Conseil saami - Cette première organisation internationale réunissant des peuples autochtones de l'Arctique a été mise sur pied en 1952 afin de représenter les minorités saami (ou lapones) des trois pays scandinaves. Les Lapons de la Russie n'ont pu se joindre à cet organisme qu'après 1989.

  • La Conférence circumpolaire inuit - Créée à Barrow, en Alaska, en 1977, la CCI a permis aux Inuit de l'Alaska, du Canada et du Groenland de se réunir afin de défendre des positions communes, en particulier sur les questions liées au développement des ressources et à l'autonomie gouvernementale. Les Inuit de la Russie n'ont pu assister aux travaux de cette organisation avant 1989 et en devenir membres à part entière qu'en 1992. Les Canadiens ont joué un rôle de premier plan dans l'évolution de la CCI et dans la promotion que cette organisation a faite des initiatives relatives au développement durable et au Conseil de l'Arctique. D'ailleurs, tant la CCI que le Conseil saami ont obtenu le statut de «participants permanents» au moment de la fondation du Conseil.

  • Union pour la santé des populations circumpolaires (USPC) - Fondée lors d'un symposium tenu en 1981 au Danemark, l'Union constitue une ONG officielle dont le secrétariat est établi à l'Université de l'Alaska, à Anchorage. Elle collabore étroitement avec le Comité international pour les sciences arctiques, la CCI, le programme d'évaluation et de surveillance de l'Arctique de la SPEA et des organismes internationaux comme l'Organisation mondiale de la santé et le Conseil international des unions scientifiques. Voici les principales organisations qui en sont membres : les Sociétés canadienne et américaine pour la santé circumpolaire, le Comité de coopération nordique pour la recherche médicale arctique, et la section de la Sibérie de l'académie russe des sciences médicales. De plus, elle compte un certain nombre de membres affiliés et elle s'est engagée à garantir une participation importante des Autochtones de tous les pays circumpolaires. L'Union compte de nombreux groupes de travail permanents et organise d'importants congrès triennaux dont le dernier a eu lieu en mai 1996.

    Organismes engagés dans la coopération internationale dans l'Arctique et établis depuis 1989 1

    L'Association des minorités autochtones du Nord, de la Sibérie et de l'extrême-orient de la Fédération de Russie (AKMNSSDV, R.F.) - Fondée en 1990 et connue sous ce nom depuis 1993, cette association représente actuellement plus de 30 des peuples autochtones de la Russie. Elle ne constitue pas un organisme international au sens strict, mais elle est reconnue à l'échelle internationale et est à ce titre devenue la troisième organisation de peuples autochtones à obtenir le statut de «participant permanent» au moment de la fondation du Conseil de l'Arctique.

  • Le Comité international pour les sciences arctiques (IASC) - Fondé en août 1990, ce comité est une organisation non gouvernementale constituée de représentants d'organisations scientifiques nationales des huit États de l'Arctique et des huit autres pays s'intéressant depuis longtemps à la recherche sur l'Arctique. L'IASC est quasi officiellement affiliée aux divers pays (la Commission canadienne des affaires polaires représente le Canada), mais ses membres n'agissent pas au nom des différents gouvernements. Toutefois, ce type d'organisme est différent des ONG bénévoles, comme le Fonds mondial pour la nature, qui jouent un rôle actif sur la scène internationale en défendant les intérêts de l'Arctique et en appuyant les travaux de recherche menés sur cette région.

  • Le Forum nordique - À la suite d'une conférence sur les régions nordiques tenue à Anchorage en 1990, le Forum nordique a été officiellement établi en novembre 1991 afin de promouvoir des échanges utiles entre les gouvernements infranationaux de ces régions sur des questions d'intérêt mutuel (comme les technologies nordiques, le développement socioéconomique). On estime que sa composition devrait s'élargir au delà des 20 membres actuels, qui comprennent 11 gouvernements régionaux de la Russie où la réunion annuelle de 1997 devrait être tenue à nouveau. Le Forum revêt actuellement plus ou moins un caractère circumpolaire puisque les Territoires du Nord-Ouest, le Nord du Québec, le Labrador et le Groenland n'en font pas partie tandis que la Chine, la Mongolie et le Japon en sont membres et que la Corée y détient le statut d'observateur national.

  • La North Atlantic Marine Mammal Commission (NAMMCO)- Créée en vertu d'un accord signé en avril 1992, cette commission constitue un mécanisme mis sur pied par les gouvernements participants - Norvège, Islande, Groenland et îles Féroé, tandis que le Canada, la Russie et le Japon ont un statut d'observateurs - pour promouvoir l'exploitation durable des ressources marines vivantes et faire contrepoids à certaines mesures prises par la Commission baleinière internationale. Elle revêt une certaine importance pour l'Arctique canadien en ce qui touche aux dossiers liés à la récolte durable des ressources renouvelables, en particulier par les peuples autochtones.

  • Le Conseil de la région euro-arctique de la mer de Barents (CREB) - Créé en janvier 1993 lors d'une conférence tenue à Kirkenes, en Norvège, ce conseil regroupe les cinq pays scandinaves, l'Union européenne et la Russie afin de chercher avant tout à faciliter la réintégration de la Russie au sein de l'Europe et en particulier à résoudre les problèmes communs liés à l'environnement et au développement durable dans la région de la mer de Barents. Le Canada et les États-Unis comptent parmi les nombreux pays ayant obtenu le statut d'observateur au sein de cette organisation. La dernière conférence ministérielle a été organisée par la Russie à Petrozavodsk en novembre 1996 au moment où le Comité était en visite dans ce pays. Depuis, la Suède a assumé la présidence. Une innovation importante de ce conseil est qu'il prévoit juste au-dessous du niveau international, un conseil régional de deuxième niveau qui compte des représentants de sept comtés de l'extrême-nord de la Fennoscandie et de la Russie de même que des populations autochtones de la région.

  • Le Comité permanent des parlementaires de la région arctique (CPPRA) - Créé après la première conférence plénière des parlementaires de l'Arctique qui a eu lieu à Reykjavik, en Islande, en août 1993, le Comité a commencé ses travaux d'organisation en septembre 1994 et bénéficie depuis de services de secrétariat fournis par le Conseil nordique. Le Comité compte des représentants des pays scandinaves, des autres pays arctiques, du Parlement européen ainsi que de la CCI et du Conseil saami. Les Canadiens ont participé activement à la première conférence, et le Canada a organisé la deuxième réunion à Yellowknife, en mars 1996. La prochaine doit avoir lieu en Russie, en 1998.


    Encadré 4 - «Le Conseil de l'Arctique : de l'idée à l'inauguration»

  • 1944 - L'idée d'une organisation régionale panarctique est pour la première fois avancée par le vice-président des États-Unis. La guerre froide empêchera tout autre développement pendant des décennies.

  • 1970 - Dans le contexte de l'incident du Manhattan, des menaces à la souveraineté du Canada dans l'Arctique et des dangers de la pollution marine, le professeur de droit Maxwell Cohen propose la création d'un «conseil du bassin arctique».

  • 1987 - L'idée d'une coopération politique entre les gouvernements de l'Arctique est préconisée dans un document original sur la coopération scientifique dont le Canadien Fred Roots est l'un des auteurs. Par la suite, le fameux discours sur une «zone de paix dans l'Arctique», que Gorbatchev a prononcé à Mourmansk, permet de briser la «glace géopolitique».

  • 1988 - L'idée d'un conseil de la région arctique est ravivée et étoffée dans un important rapport intitulé The North and Canada's International Relations préparé par un groupe de travail de la section de la capitale nationale de l'Institut canadien des affaires internationales (ICAI) et par le Comité canadien des ressources arctiques (CCRA).

  • 1989 - Le premier ministre Brian Mulroney embrasse le concept et le présente à l'étranger en déclarant dans un discours prononcé en novembre à l'Institut de l'Arctique et de l'Antarctique de Leningrad (Saint-Pétersbourg) : «Et pourquoi pas créer éventuellement un conseil des pays arctiques pour coordonner et promouvoir la coopération entre eux?»

  • 1990 - Un comité indépendant sur un conseil de l'Arctique financé par la Gordon Foundation et coprésidé par Franklyn Griffiths et Rosemarie Kuptana (les autres membres étaient Mary Simon, la présidente d'alors de la CCI, John Amagoalik, Bill Erasmus, Cinday Gilday, Stephen Hazell et John Lamb) entreprend d'élaborer un projet et de soumettre un rapport préliminaire au gouvernement, qui y répond d'une manière positive. Ainsi, le secrétaire d'État aux Affaires extérieures, Joe Clark, déclare en novembre : «Le Canada est prêt à mettre sur pied un petit secrétariat pour ce conseil et à contribuer à le financer dès le départ».

  • 1991 - Cet encouragement incite le comité à terminer ses travaux. Le résultat final, un rapport complet intitulé To Establish an International Arctic Council : A Framework Report, est publié dans le numéro estival de Northern Perspectives, la revue du CCRA. Cette étude marquante comprenait les principes de base de la coopération panarctique, les articles fondateurs d'un éventuel conseil de l'Arctique et des recommandations à l'intention des peuples autochtones et du gouvernement canadien. Ainsi, on recommandait au Canada de profiter de la réunion ministérielle de Rovaniemi de juin 1991 (qui a mené à l'adoption de la SPEA) pour tenter de convoquer «une conférence préparatoire plénière, où seraient invités des Autochtones et d'autres habitants du Nord» et d'envisager «de proposer l'établissement d'un conseil de l'Arctique composé de dix délégations représentant les États de l'Arctique, les peuples autochtones et les gouvernements territoriaux [. . .]». Le programme et les décisions du conseil devaient faire l'objet d'un consensus, mais «sans qu'on n'interdise la discussion de quelque question internationale que ce soit qui est jugée importante pour l'Arctique». Toujours en 1991, un groupe de travail sur l'environnement arctique de l'ICAI renforce les arguments avancés par le comité et annexe à son rapport un «projet de traité sur l'Arctique» mis au point par le professeur de droit Donat Pharand et devant servir de charte à un éventuel conseil régional de l'Arctique1.

  • 1993 - Malgré ces débuts prometteurs, les propositions canadiennes perdent de leur élan à l'échelle internationale. Le gouvernement Mulroney soutient tièdement cette initiative. Les États-Unis s'y opposent et décrètent que les questions de sécurité ne peuvent faire l'objet de discussions. Les pays nordiques se concentrent plutôt sur la SPEA. Toutefois, l'élection du gouvernement Chrétien entraîne un renouvellement de l'engagement pris par le Canada. La nouvelle administration Clinton entreprend également un réexamen important de la politique américaine sur l'Arctique et indique qu'elle pourrait accueillir favorablement un vaste programme de coopération non militaire et multilatérale dans l'Arctique.

  • 1994 - Lors d'une conférence tenue en avril sur la politique étrangère dans le Nord, les ministres Ouellet et Irwin annoncent que le gouvernement a l'intention de nommer un ambassadeur aux affaires circumpolaires. Mary Simon, qui était membre du comité sur conseil de l'Arctique, est nommée à ce poste en octobre. On vient de relancer l'initiative.

  • 1995 - Lors du Sommet Chrétien-Clinton tenu en février à Ottawa, les États-Unis acceptent finalement de participer aux négociations en vue de l'établissement d'un conseil de l'Arctique. Un document de travail détaillé expliquant la position canadienne est préparé au sein des ministères des Affaires étrangères et des Affaires indiennes et du Nord canadien. L'ambassadrice Simon supervise les efforts déployés au Canada au moment où les négociations sérieuses commencent entre les hauts fonctionnaires responsables de l'Arctique des huit pays concernés.

  • 1996 - Malgré le solide coup de pouce donné à cette initiative politique internationale par les conférences de Yellowknife et d'Inuvik, les négociations piétinent et s'enlisent, notamment au sujet de la nature de la représentation autochtone au sein du conseil et de l'ampleur de son mandat dans le domaine du développement durable. On fait des compromis, et un accord est finalement conclu en août sur le libellé d'un projet de déclaration politique. Le 19 septembre, des représentants des huit pays membres de l'Arctique et des trois participants permanents autochtones signent officiellement la Déclaration sur la création du Conseil de l'Arctique lors d'une cérémonie d'inauguration tenue à Ottawa. Le Canada assumera au départ la présidence de cet organisme dont le secrétariat sera situé à Ottawa.

  • 1997 - Les hauts fonctionnaires responsables de l'Arctique se réunissent de nouveau en mars afin de préparer la conférence ministérielle de juin de la SPEA qui doit, selon les termes de la Déclaration, être intégrée aux travaux du Conseil. Toutefois, on s'inquiète que le Conseil ne puisse pas conserver son élan de manière à devenir entièrement opérationnel et à pouvoir entreprendre des travaux substantiels durant la période où il sera présidé par le Canada.

    Si le «processus de Rovaniemi», dirigé par les États nordiques, a su s'établir rapidement et se doter d'un programme, la proposition canadienne d'un conseil de l'Arctique, plus ambitieuse, s'est heurtée à des écueils et a fini par s'étioler, malgré l'ébauche d'un projet de déclaration en mai 1993. Les consultations multilatérales préliminaires avaient toutefois permis de déterminer que les organisations autochtones de l'Arctique auraient un rôle important à jouer dans ce conseil, tout comme dans la SPEA, ce qui avait semblé soulager les appréhensions des États polaires quant aux intentions du Canada à l'égard d'un tel organisme (que ces nations ne voulaient pas voir faire de la concurrence à la SPEA). Cependant, la résistance et le manque d'intérêt des États-Unis constituaient la principale pierre d'achoppement56 qu'il fallait surmonter pour que le conseil proposé devienne réalité.

    En 1994, le Canada a été le théâtre d'un renouveau d'intérêt pour cette initiative (notamment de la part du comité d'experts non gouvernemental sur le Conseil de l'Arctique qui pressa le nouveau gouvernement libéral de donner suite à sa promesse de se doter d'une politique sur l'Arctique), renouveau qui a coïncidé avec une importante révision par la nouvelle administration Clinton-Gore de la politique américaine sur l'Arctique; celle-ci prévoyait dorénavant un plus grand engagement sur le plan du développement durable et des tribunes internationales. À la fin de 1994, le Canada a nommé comme première ambassadrice aux affaires circumpolaires, Mary Simon, Autochtone et importante partisane non gouvernementale de la création du conseil. Quelques mois plus tard, soit en février 1995, lors du sommet Chrétien-Clinton, il a été annoncé que les États-Unis participeraient à des négociations officielles en vue de la création du conseil. Après une première série de discussions dirigées par l'ambassadrice Simon, le Canada a produit, en mai 1995, un projet de document détaillé, et les États-Unis ont répliqué avec leur propre document de travail57. Certaines caractéristiques du conseil étaient déjà clairs : celui-ci s'appuierait sur la SPEA mais irait plus loin afin de réaliser et de coordonner un vaste éventail d'objectifs de développement durable et de coopération; les huit États du cercle polaire seraient ses membres fondateurs ayant un droit de vote, mais il accorderait aussi le statut de «participant permanent» aux trois principales organisations de peuples autochtones58 reconnues de la même façon dans le cadre de la SPEA. Le conseil serait un organisme modeste, axé sur le consensus et créé par une déclaration politique plutôt que par charte liant les parties.

    Malgré cet heureux départ, les négociations entre les hauts dirigeants des affaires arctiques des huit pays membres furent très longues. Les grandes réunions tenues à Yellowknife et à Inuvik en mars 1996 ont aidé à conserver l'élan donné. Cependant, certains points délicats tardaient à se régler, comme l'intégration des objectifs visant la protection de l'environnement et le développement durable, et les critères permettant d'élargir la représentation autochtone au-delà des trois organismes déjà reconnus. (Cette question a d'ailleurs fait l'objet de consultations par des Autochtones du Nord lors d'une réunion sur le Conseil de l'Arctique tenue à Ottawa à la mi-avril). Après la comparution de l'ambassadrice Simon devant le Comité le 30 avril, les hauts dirigeants des affaires arctiques ont tenu deux autres séances de négociations, d'abord en juin et puis les 5 et6 août, lors desquelles on a pu finaliser le texte de la «Déclaration sur la création du Conseil de l'Arctique» pour le soumettre à l'approbation ministérielle. La déclaration n'a été rendue publique qu'au moment de la signature et de l'inauguration officielle à Ottawa le19 septembre (voir le texte complet dans l'encadré 5), tel qu'annoncé le 14 août par le ministre des Affaires étrangères, Lloyd Axworthy. Toutefois, d'après un document d'information publié par le gouvernement :

    Le Conseil, qui prendra ses décisions au consensus, se réunira tous les deux ans au niveau ministériel. La présidence et le secrétariat du Conseil alterneront tous les deux ans entre les huit États de l'Arctique. Cette alternance commencera avec le Canada en 1996. Les principales activités du Conseil se concentreront sur les programmes déjà établis dans le cadre de la Stratégie de protection de l'environnement arctique (SPEA), ainsi que sur un nouveau programme lié aux questions économiques, sociales et culturelles.
    Le choix d'Ottawa comme lieu de la conférence initiale et siège du secrétariat jusqu'en 1998, pourrait soulever certaines difficultés de perception. Cet emplacement peut sembler le plus logique et le plus pratique pour conduire la diplomatie internationale, mais au cours des visites du Comité dans l'Arctique canadien, il a été mentionné à maintes reprises à quel point il était important que le Conseil ne soit pas tout simplement une autre institution du Sud. Deux collectivités des Territoires du Nord-Ouest, soit Inuvik dans l'ouest et, dans l'est, Iqaluit (future capitale du Nunavut), ont fait campagne afin d'être choisie comme site du Conseil. L'Institut de recherche Aurora d'Inuvik a même présenté au gouvernement une proposition officielle afin d'aider le Canada à accueillir le Conseil de l'Arctique. Le directeur de l'Institut a d'ailleurs affirmé sa confiance devant le Comité en disant : «Nous avons, collectivement, l'expérience nécessaire en matière de recherche et de développement international pour assumer la coordination des affaires du Conseil de l'Arctique à partir de notre bureau central ici à Inuvik». Plusieurs organismes autochtones de la région et d'autres centres de recherche de l'Arctique ont appuyé la proposition d'Inuvik. Le Conseil des ressources renouvelables Gwich'in dit : «Nous n'avons pas besoin d'un autre organisme basé dans le Sud chargé de promouvoir les affaires du Nord.» Le directeur de l'Institut de l'Arctique de l'Amérique du Nord de Calgary abonde dans le même sens : «Le fait de situer le Conseil dans le Nord assurera un contact plus étroit avec les réalités de la région et assurera une meilleure visibilité aux organismes autochtones septentrionaux dans le cadre de la définition de la politique nationale.»


    Encadré 5 - «Déclaration sur la création du Conseil de l'Arctique»

    Les représentants des gouvernements du Canada, du Danemark, de la Finlande, de l'Islande, de la Norvège, de la Fédération de Russie, de la Suède et des États-Unis (ci-après désignés sous le nom d'États arctiques) réunis à Ottawa,

    Affirmant leur engagement à assurer le bien-être des habitants de l'Arctique, notamment à reconnaître la relation spéciale des peuples et des collectivités autochtones avec l'Arctique et leur apport particulier à cet environnement,

    Affirmant leur engagement à assurer le développement durable de la région arctique, notamment le développement social et économique, l'amélioration des conditions sanitaires et l'épanouissement culturel,

    Affirmant également leur engagement à protéger l'environnement arctique, notamment la santé des écosystèmes de l'Arctique, à maintenir la biodiversité de la région arctique et à conserver et utiliser de manière durable les richesses naturelles,

    Conscients de l'apport de la Stratégie de protection de l'environnement arctique à l'exécution de ces engagements,

    Conscients du savoir traditionnel des peuples et des collectivités autochtones de l'Arctique et de l'importance de ce savoir ainsi que de la science et de la recherche arctiques pour la compréhension collective de l'Arctique circumpolaire,

    Désireux de fournir un moyen de favoriser les activités de collaboration visant à régler les problèmes arctiques qui exigent la coopération circumpolaire et de veiller à ce que les peuples et les collectivités autochtones ainsi que les autres habitants de l'Arctique soient largement consultés et participent pleinement à ces activités,

    Conscients de l'apport et du soutien précieux de la Conférence circumpolaire inuit, du Conseil saami et de l'Association des minorités autochtones du Nord, de la Sibérie et des régions extrême-orientales de la Fédération de Russie à la création du Conseil de l'Arctique,

    Désireux d'assurer une réflexion et des consultations intergouvernementales permanentes sur les questions relatives à l'Arctique,

    Déclarent ce qui suit :

    La Conférence circumpolaire inuit, le Conseil saami et l'Association des minorités autochtones du Nord, de la Sibérie et des régions extrême-orientales de la Fédération de Russie sont des Participants permanents au Conseil de l'Arctique. La participation permanente est aussi accessible à d'autres organisations arctiques de peuples autochtones2 majoritairement composées d'habitants autochtones de l'Arctique et représentant :

    Il appartient au Conseil de déterminer si l'organisation qui demande à en faire partie répond à ce critère. Le nombre de Participants permanents est toujours inférieur au nombre de Membres.

    La catégorie des Participants permanents est créée afin de permettre la participation active et la consultation exhaustive des représentants des peuples autochtones de l'Arctique au Conseil de l'Arctique.

    qui, selon le Conseil, peuvent contribuer à son travail.

    En conséquence, les représentants soussignés de leurs gouvernements respectifs, conscients de l'importance politique du Conseil de l'Arctique et désireux d'en promouvoir l'action, ont signé la présente Déclaration.

    Signé par les représentants des États arctiques à Ottawa le 19 septembre 1996.


    Mais il y a aussi le revers de la médaille : le Conseil doit être rentable (par exemple en profitant des services offerts par les ministères fédéraux : MAECI, MAINC et Environnement) et pouvoir fonctionner efficacement en tant qu'organisme international composé d'États-nations (par exemple, offrir un accès facile aux autres capitales). De plus, les rivalités locales (Inuvik contre Iqaluit?) compliquent aussi le choix d'un emplacement arctique. En outre, le fait de placer un petit secrétariat dans l'Arctique ne suffira pas à apaiser les doléances et la méfiance des gens du Nord à l'égard des centres du pouvoir au Sud59. Néanmoins, il sera particulièrement important, pendant les deux ans de présidence du Canada au Conseil, d'affirmer le rôle que jouent les Canadiens de l'Arctique et d'établir des liens de communication utiles entre le siège d'Ottawa et les collectivités septentrionales. Le directeur de l'Institut Aurora s'est plaint de n'avoir eu que très peu de contacts avec l'ambassadrice aux affaires circumpolaires. Maintenant que la phase des négociations est terminée, l'ambassadrice Simon, en sa qualité de principale dirigeante canadienne chargée de la coordination et de la liaison avec le Conseil, devra tendre la main à ces collectivités afin que celles-ci se sentent intégrées au processus.

    Un pas a été fait dans la bonne direction : le bureau du Secrétariat de Nunavut, qui a ouvert ses portes à Iqaluit le 30 novembre 1996, abritera une «section locale» du Secrétariat du Conseil de l'Arctique. Les membres du Comité sont d'accord avec le ministre Axworthy quand il dit que : «Le travail du Canada au sein du Conseil bénéficiera de la visibilité de ce dernier dans l'Arctique canadien60». La volonté est donc manifeste, mais il faudra un effort concerté pour y donner suite. Il importe que les résidents de toutes les parties de l'Arctique canadien se sentent mieux «branchés» au processus du Conseil de l'Arctique. Des consultations devraient être menées avec les gouvernements du Nord et les organismes autochtones afin de trouver la façon la plus rentable d'assurer cette visibilité, peut-être en utilisant d'autres bureaux administratifs fédéraux dans les principaux centres territoriaux - Whitehorse au Yukon, Inuvik et Yellowknife dans les Territoires du Nord-Ouest et Kuujjuaq au Nunavik (nord du Québec).

    Le Canada doit également veiller à ne pas uniquement se contenter d'avoir inauguré le Conseil. S'il est vrai que l'idée du Conseil a reçu un large appui aussi bien à l'échelle internationale que nationale, il reste que le Comité a également entendu des critiques très acerbes. Selon Oran Young, la déclaration du 19 septembre «renferme très peu d'engagements concrets, pour ne pas dire aucun, de la part des signataires» [40:3].M. Young s'est également dit déçu de la nature étroite et conventionnelle de l'organisme et de son caractère hiérarchique, comparativement à la souplesse fonctionnelle d'organismes régionaux européens, par exemple. Il se demande même si le scepticisme de certains ministères des Affaires étrangères, selon lesquels le Conseil sert peut-être de prétexte pour récupérer une partie de l'activité générée par la SPEA, ne serait pas en partie fondée. Il existe un réel danger que le Conseil soit dominé par des tractations de diplomatie internationale au lieu d'être axé sur les réalités de l'Arctique :

    Même si on prévoit donner le statut de participant permanent à certains intervenants, si j'étais membre d'une petite collectivité dans l'Arctique, je serais, en toute honnêteté, fort inquiet, car je me demanderais si le conseil cherche vraiment à répondre aux préoccupations, que je juge importantes. [. . .] Je me demande, entre autres, si le Conseil de l'Arctique ne sera pas dominé par des ministères des Affaires étrangères si coupés de la base que celle-ci finira par être privée de son droit de représentation. [40:12,18]
    Néanmoins, «le Conseil de l'Arctique nous offre une occasion [. . .] qu'il ne faut pas manquer. En d'autres mots, nous devons adopter cette première initiative relativement restreinte, prudente et conservatrice et en tirer le meilleur parti. C'est là bien entendu où le Canada aura probablement à jouer un rôle très important en tant que premier pays à assumer la présidence du Conseil [40:4].»

    Les vues exprimées par d'autres témoins internationaux confirment le défi que représente cette présidence. Le Canada devra se montrer très habile au cours des prochains mois lorsqu'il s'attaquera à de nombreuses questions non résolues (par exemple, l'augmentation du nombre de participants permanents autochtones, les rôles des observateurs, les règles de procédure, l'intégration de la SPEA dans les structures du Conseil, la nature du développement durable). Les États-Unis ont beau se montrer plutôt tièdes et n'offrir qu'un appui mitigé à la SPEA, mais ils peuvent néanmoins user de leur pouvoir afin de façonner le programme et le processus à leur gré, et le Canada devra faire preuve d'esprit de coopération pour surmonter ces difficultés. Les représentants russes voudront des garanties concernant une aide matérielle pour régler leurs énormes problèmes dans l'Arctique. Cependant, les engagements financiers restent incertains. Des représentants d'États nordiques tiennent à ce que le Conseil se taille un créneau utile sans empiéter sur les initiatives environnementales qui existent déjà dans l'Arctique. La Norvège d'ailleurs, en tant qu'actuelle présidente du processus de la SPEA, qui doit être incorporé à celui du Conseil lors de la prochaine réunion ministérielle en juin 1997 (voir la prochaine section et le chapitre cinq), est particulièrement chatouilleuse sur ce point.

    Lors des réunions tenues à L'Institut Scott de recherche polaire à l'Université de Cambridge, M. David Scrivener de l'Université Keele (et secrétaire du Royal Institute of International Affairs, Northern Waters and Arctic Study Group) a brossé un tableau lucide de ce qui attend les fondateurs du Conseil en cette période critique qui suit sa création. Selon lui, de nombreuses tensions subsistent encore à la suite des négociations finales extrêmement difficiles de l'année dernière, et des «soins intensifs» s'imposent afin qu'il soit possible de répondre aux espoirs pendant cette phase de transition que l'on vient d'amorcer en matière de coopération sur les affaires arctiques. Il reste à voir si le Conseil de l'Arctique sera à même de bonifier le travail déjà effectué dans le cadre d'ententes circumpolaires comme la SPEA. Il s'agit pour l'instant d'une coquille vide, sans programme établi ou groupe de travail. Selon Scrivener, le Canada doit rassurer la Norvège et les autres États en affirmant que les structures du Conseil doivent évoluer à partir de la coopération internationale existante, laquelle fonctionne déjà relativement bien, et non la réinventer. Sinon, comme le dit si bien M. Scrivener, le Conseil risque d'être non pas «un guichet unique», mais bien «un autre guichet unique» sans grande influence.

    Bref, en prenant les rênes du Conseil de l'Arctique, le Canada doit, pour le consolider, faire face à un double défi. À l'échelle nationale, il doit insister sur le fait que le Conseil ne constituera pas une tribune privilégiée pour quelques rares porte-parole des Affaires étrangères, mais représentera plutôt les intérêts publics, particulièrement ceux des Canadiens qui vivent dans l'Arctique. Sur le plan multilatéral, le Canada devra souligner que le Conseil n'est pas seulement une initiative qu'il a parrainée, mais que l'organisme a été conçu pour favoriser les partenariats internationaux sur les questions circumpolaires qui intéressent les peuples de tous les pays membres.

    À la lumière de ces défis :

    Mandat

    Selon le rapport cadre définitif produit en 1991 par le comité d'experts non gouvernemental sur un conseil de l'Arctique, un tel conseil «devrait avoir comme mandat fondamental de faire de la région circumpolaire un domaine de grandes civilités - une région où les peuples autochtones exerceraient leurs pleins droits et où les gouvernements servant de porte-parole aux majorités du Sud respecteraient de plus en plus l'écologie, les autres et, en particulier, les peuples autochtones61». Ce rapport expose des «principes de coopération panarctique» de très grande envergure touchant notamment la démilitarisation à long terme et les objectifs communs de sécurité, questions que nous traitons dans le prochain chapitre. Pour pouvoir obtenir un consensus et l'accord des États-Unis, les questions de sécurité litigieuses ont été retirées des versions suivantes du mandat du conseil. La Déclaration sur la création du Conseil de l'Arctique présente également une mise en garde : «Le Conseil de l'Arctique ne devrait pas s'occuper de questions relatives à la sécurité militaire» (c'est nous qui soulignons). Ce libellé permet une certaine interprétation. Si toutes les parties s'entendent pour le faire, rien n'empêcherait d'ajouter à l'ordre du jour du Conseil des questions de sécurité qui ne sont pas directement de nature militaire, sous la rubrique de la promotion de la coopération pacifique.

    De plus, malgré les susceptibilités américaines et russes en matière de sécurité nationale, le professeur David Cox a également souligné les liens étroits qui peuvent exister entre les effets cumulatifs de longues années d'activités militaires dans l'Arctique et d'importantes questions transfrontalières touchant l'environnement comme le confinement et le nettoyage de contaminants radioactifs et autres [21:9]. Dans le document sur la conduite des affaires arctiques qu'il avait préparé pour la conférence des parlementaires à Yellowknife, Oran Young s'était élevé contre l'introduction, à ce moment-là, de concepts ambigus comme «la sécurité environnementale» dans le programme du Conseil. Cependant, lors de sa comparution devant le Comité, M. Young a admis que d'élargir «la définition de la sécurité pour y inclure des principes de sécurité environnementale est probablement la meilleure façon de vaincre la résistance des États-Unis qui ne veulent pas, par exemple, permettre que des questions de sécurité soient discutées au sein du Conseil de l'Arctique [40:18]». Le représentant des États-Unis et sous-secrétaire aux Affaires mondiales, Timothy Wirth, semblait d'ailleurs l'avoir confirmé quelques jours plus tôt dans sa déclaration à la cérémonie inaugurale du Conseil à Ottawa.

    Les observations de M. Wirth ont aussi mis l'accent sur la nécessité de lier les activités du Conseil aux questions d'envergure mondiale touchant l'environnement et le bien-être humain : «Nous devons veiller à ce que le Conseil de l'Arctique soit un mécanisme ouvert aux autres nations et organisations qui réalisent des programmes dans l'Arctique ou ont des connaissances et une expérience dans le domaine. Nous devons pouvoir puiser à même toutes les ressources techniques et scientifiques disponibles pour pouvoir répondre efficacement aux questions qui nécessitent une coopération à l'échelle régionale. Cela est d'autant plus vrai quand on considère le rapport qui existe entre l'Arctique et l'environnement mondial. Ce qui arrive dans l'Arctique nous touche tous». Au Canada, Lloyd Axworthy abonde dans le même sens :

    De plus en plus, les questions qui touchent l'Arctique intéressent l'ensemble du monde. Les politiques et les pratiques des gouvernements, qu'ils soient de l'Arctique ou non, influent directement sur la vie des gens du Nord. Une partie de la pollution dans l'Arctique provient de pays lointains, et le développement qu'il connaît attire l'attention de la communauté internationale. Le Conseil doit donc être prêt à inviter des États non polaires et des organismes non gouvernementaux à participer à ses travaux.
    Nombre de témoins qui ont comparu devant le Comité ont souligné que de multiples questions environnementales touchant l'Arctique ne sont pas limitées ou particulières à cette région (par exemple, les polluants transportés sur de grandes distances); par conséquent, le Conseil doit constituer un élément au sein d'une superstructure décisionnelle internationale. Certains s'inquiètent d'ailleurs que le Conseil puisse faire de l'ombre aux activités des organismes plus spécialisés, tant intergouvernementaux que non gouvernementaux, qui ont déjà été créés pour s'occuper des affaires arctiques62. Nous comprenons ces préoccupations et ces réserves. Au chapitre cinq, nous abordons le rôle que peut jouer la coopération circumpolaire dans les activités liées à l'environnement mondial, dans le cadre d'un plan d'action post-CNUED. Au chapitre dix, nous reviendrons sur les questions de coordination multilatérale entre les divers organismes internationaux ayant des intérêts particuliers dans l'Arctique. Pour l'instant, ce qui importe est de bien asseoir et définir la position du Conseil même, le seul parmi ces intervenants institutionnels à avoir été créé pour unir autour d'une vision commune toutes les nations circumpolaires en partenariat avec les organismes autochtones de l'Arctique.

    Oran Young s'est montré très convaincant devant le Comité :

    [. . .] la contribution la plus fondamentale du Conseil de l'Arctique consiste à favoriser la sensibilisation, développer un vocabulaire, articuler une vision pour que l'Arctique devienne une région circumpolaire visible, bien définie et bien comprise, et que nous ayons le sentiment de participer à une entreprise commune, dont nous connaissons l'objet, le vocabulaire, et que nous comprenions comment traiter des questions et établir un programme de mesures plus concrètes concernant l'Arctique. [. . .] en matière de coopération arctique, le développement durable est la question prédominante. [. . .] il s'agit de l'objectif fondamental. [. . .] Nous devons mettre au point une structure axée sur le développement durable à laquelle tout le reste doit être lié ou subordonné. [40:5]
    À notre avis, le mandat du Conseil, de même que ses structures et ses processus de représentation (voir la prochaine section), peuvent tenir compte des préoccupations de toutes les parties sous la rubrique du «développement humain durable». Nous constatons que le Canada a réussi à obtenir un programme relativement vaste et ouvert pour le Conseil. Comme l'a souligné le gouvernement dans son communiqué du 14 août, lorsque le point final a été mis à la Déclaration sur le Conseil de l'Arctique, celui-ci se dotera d'un mandat «qui lui permettra de contrôler toute une gamme de questions touchant la région, y compris la protection de l'environnement, le développement économique et social, l'amélioration des conditions de santé et du mieux-être culturel». L'ambassadrice Simon s'est montrée tout aussi confiante quand elle a décrit au Comité la mission du Conseil, soit

    de diriger l'attention politique sur le règlement des problèmes urgents qui se posent dans le Nord circumpolaire. Ces problèmes débordent le cadre de la protection de l'environnement, puisqu'ils touchent notamment le développement économique des régions septentrionales, l'utilisation des ressources renouvelables et non renouvelables, l'amélioration des systèmes de transport et de communication, la santé et le bien-être des habitants du Nord, le développement du tourisme et les échanges culturels. [15:3]
    Il faut reconnaître toutefois que l'intégration, dans le mandat du Conseil, des objectifs environnementaux internationaux avec ceux du développement économique dans le Nord risque d'être quelque peu problématique. Comme l'a souligné le ministre Axworthy dans son discours inaugural du 19 septembre : «Le principal défi auquel le Conseil de l'Arctique aura à faire face est la promotion du développement durable dans le Nord [. . .] Par ailleurs, nous reconnaissons que le développement durable reste un objectif plutôt insaisissable». Soulignons que l'ambassadrice Simon relève du ministre des Affaires indiennes et du Nord (MAINC) ainsi que du ministre des Affaires étrangères, et que les deux ministères financeront conjointement pendant les deux premières années les opérations du Secrétariat du Conseil. Le sous-ministre adjoint du MAINC, Jack Stagg, a affirmé au groupe itinérant du Comité qu'étant donné les caractéristiques démographiques de la population, jeune et à la recherche d'emploi, «le rôle d'un Conseil de l'Arctique devrait être, avant toute chose, de promouvoir le développement économique des collectivités et la création de richesse au niveau local». De plus, «il est de première importance d'améliorer les conditions socioéconomiques qui règnent dans le nord de la Russie. Le Canada est très bien placé pour apporter son aide en la matière» [15:7-8]. Nous examinons ces dimensions économiques de la coopération dans l'Arctique au chapitre six et dans la partie III.

    Bien entendu, le ministère de l'Environnement du Canada joue également un rôle essentiel dans la définition du mandat du Conseil, son ministre étant le principal porte-parole canadien à la SPEA. Les ministres Marchi et Irwin ont tous les deux fait une déclaration lors de l'inauguration du Conseil et, de concert avec le ministre Axworthy, représentent la position du gouvernement du Canada. Pour ce qui est de la suite des travaux de la SPEA et la réalisation des engagements pris à la dernière réunion ministérielle tenue au Canada, en mars 1996, l'ambassadrice Simon a tenu à rassurer le Comité sur le fait que le Conseil «compte [. . .] renforcer les objectifs [de la SPEA] pour en faire un des principaux éléments de son action [15:3]». Mais les moyens à prendre pour ce faire étaient vagues et, d'après nos discussions avec des spécialistes de l'Angleterre et des pays scandinaves, ils le sont encore.

    Un autre défi particulier consiste à jeter un pont entre l'objectif premier - la protection de l'environnement - et les éléments d'un programme complet de développement durable. Même si la SPEA a créé en 1993 un groupe de travail sur le développement et l'utilisation durables («TKSDU»), on s'attendait à ce que le Conseil contribue sa propre Initiative de développement durable de l'Arctique (IDDA). M. Huebert souligne que la Déclaration de septembre 1996 charge le Conseil de «contrôler et coordonner» les activités de la SPEA mais sans mentionner le TKSDU, bien qu'il soit question de mettre sur pied un «programme de développement durable» non spécifié et apparemment distinct63. On ne peut que se demander si les processus de la SPEA ne devraient pas logiquement être regroupés dans un cadre de développement durable (comme le suggère M. Young), puisque, comme le dit l'ambassadrice Simon :

    Le développement durable est à la fois un but et un concept intégrateur du Conseil, et cela recouvre non seulement la protection de l'environnement, mais aussi les dimensions économiques et sociales du développement de l'Arctique. [. . .] On entend par [développement durable] un développement planifié, qui correspond clairement à la capacité porteuse des écosystèmes de l'Arctique et de l'ensemble du globe. Pareil développement doit contribuer au maintien d'un environnement sûr et sain, tout en préservant les cultures des peuples autochtones et en respectant leurs valeurs, leurs priorités et leurs droits fondamentaux. [15:3]
    Nonobstant ces propos globaux sur les principes du développement durable, il peut subsister un problème de perception, tout autant que de conception : est-ce que le Conseil aura pour effet de déplacer l'accent que met la SPEA sur la protection de l'environnement arctique pour le mettre sur l'utilisation des ressources de l'Arctique pour le développement? Avant la création du Conseil, certains craignaient que la démarche double SPEA/IDDA ne produise une telle situation et donne lieu à des malentendus et à des conflits. David Scrivener a constaté que les ONG environnementalistes exerçaient des pressions sur Washington pour que l'accent mis sur la SPEA et la coopération dans l'Arctique ne soit pas détourné en faveur du développement économique et de l'utilisation durable64. Le groupe itinérant du Comité a également entendu formuler des craintes semblables par des organismes environnementalistes canadiens s'intéressant aux affaires arctiques. Est-ce que le mandat du Conseil conservera la priorité aux considérations environnementales? Selon Sarah Climenhaga du Fonds mondial pour la nature, la Déclaration devrait préciser des mécanismes d'intégration afin que «le développement durable ne soit pas considéré indépendamment de la protection de l'environnement. [. . .] Nous devons espérer que le Conseil renforcera et précisera les initiatives circumpolaires actuelles comme la SPEA. Il est essentiel d'affirmer que le développement durable doit être un développement qui préserve l'environnement arctique et sa population [27:11,13].»

    Il reste beaucoup à faire pour définir la nature réelle et la portée du «développement durable» dans le cadre du mandat du Conseil. Au cours des négociations menant à sa création, il s'est manifesté des tensions auxquelles il faudra s'attaquer. Au chapitre cinq, nous traiterons de ce concept central et de ses mises en application aux fins de la coopération circumpolaire.

    Comme le faisait récemment remarquer l'ambassadrice Simon :

    «Arctique 8» a accepté d'établir le Conseil, mais un grand nombre de divergences d'opinion demeurent sur les priorités que devrait adopter ce dernier et sur son rythme de travail. Certains pays veulent en effet établir des normes rigoureuses de protection de l'environnement et d'autres donnent la priorité au développement économique durable. L'établissement d'un consensus qui ne relève pas du plus petit dénominateur commun, qui ne soit pas restreint par les limites du véhicule le plus lent du convoi ne sera jamais chose facile65.
    De façon générale, le Canada a favorisé un plan d'action vaste et ouvert, tandis que les États-Unis préféreraient une définition circonscrite des objectifs du Conseil. D'ailleurs, dès la première réunion des hauts dirigeants des affaires arctiques qui a suivi l'inauguration, à Oslo, les États-Unis se sont dépêchés de présenter leur propre document définissant le mandat et les règles de procédure en matière de développement durable. Cependant, cette manoeuvre a semblé échouer. Oran Young a exprimé l'espoir que le Canada, plutôt que de rester à l'écart et d'attendre, «pourrait prendre l'initiative du processus [. . .], c'est-à-dire déterminer et négocier avec des homologues d'autres pays, un cadre de principes relatifs au développement durable de l'Arctique [40:7].» Nous avons déjà souligné que la Russie et les pays arctiques de l'Europe ont, dans l'ensemble, bien accueilli les positions canadiennes, bien que la première s'intéresse principalement aux possibilités de coopération et d'aide économiques, tandis que les États membres septentrionaux veulent surtout conserver le rôle de chef de file en matière environnementale. Au cours des prochains mois, il sera particulièrement important de travailler en étroite collaboration avec la Norvège, actuelle présidente de la SPEA, afin d'établir le mandat du Conseil tout en assurant une transition sans heurt et en retenant tous les éléments de la Stratégie.

    S'il est vrai que les questions touchant les champs de compétence des institutions, les mécanismes et les définitions de développement durable constituent des préoccupations légitimes pour ceux qui participent aux négociations internationales, il reste qu'il existe un danger d'une autre sorte : c'est que cette activité remplace toute action concrète, qu'elle occupe les dirigeants et retarde toute prise de mesures. D'ailleurs, au cours du voyage du Comité dans l'Arctique canadien, il a été mentionné que le mandat du Conseil devait prévoir des mesures immédiates et pratiques. Étant donné les besoins urgents et les problèmes sociaux de nombreux résidents du Nord, il est compréhensible que se manifeste dans cette région une impatience à l'égard des initiatives diplomatiques, à moins que celles-ci n'aboutissent à des avantages directs et concrets qui permettront d'améliorer la qualité de vie dans l'Arctique. Des témoins appartenant à des organismes autochtones, à commencer par la présidente de la CCI, Rosemarie Kuptana, ont insisté pour que le Conseil se penche en priorité sur les questions concernant leurs droits et leurs modes de subsistance. Ce sont d'ailleurs les groupes autochtones qui ont ouvert la voie dans le débat international sur le développement et l'utilisation durables de ressources afin de mettre de l'avant un programme substantiel en matière de coopération dans l'Arctique66.

    L'ambassadrice Simon, elle-même Inuit, a reconnu néanmoins, lors d'une des premières tables rondes, à Ottawa, que les Inuits avaient à maintes reprises demandé comment un organisme international pouvait avoir une influence positive au niveau communautaire [15:21]. À cet égard, elle a suggéré de promouvoir le partage des connaissances sur les processus d'évaluation sociale et environnementale en vue du développement du Nord (point qui a d'ailleurs été soulevé par la suite aux réunions à Kuujjuaq, dans le nord du Québec, et à l'égard des propositions d'exploitation minière du diamant dans l'ouest et le centre de l'Arctique). Lors de la même table ronde, Jack Stagg, du MAINC, a souligné que le réel défi serait d'amener le Conseil «à prendre des initiatives concrètes dont bénéficieront rapidement ces petites communautés. Il ne s'agit pas de quelque large forum international de politique étrangère. Ceux d'entre nous qui ont travaillé à sa mise en place le conçoivent beaucoup plus comme un organe d'intervention pratique, dont les effets se feront sentir sur les habitants des petites communautés des diverses régions circumpolaires [15:21]». Franklyn Griffiths a renchéri, disant que le Conseil devrait concentrer ses efforts afin d'obtenir des résultats plus rapides.

    Selon Oran Young, le Conseil ne devrait pas tenter de lancer des activités liées à la programmation comme celles que réalisent déjà des groupes de travail de la SPEA67, mais il doit néanmoins mettre sur pied des projets concrets dans le domaine du développement durable : «Nous devons poser des gestes tangibles bien ciblés, identifiables et utiles qui feront en sorte que le Conseil de l'Arctique ne soit pas une tribune où l'on parlera simplement boutique, et où il n'y aura que des discussions très générales, mais qui sera en fait considéré comme faisant oeuvre utile [40:5-6].» Pour sa part, le Dr Gary Pekeles, du projet sanitaire de Baffin relevant de l'Université McGill, a résumé en quelques mots le courant de scepticisme qui sévit dans le Nord, en soulignant qu'il importait de circonscrire les tendances bureaucratiques afin de «réduire au minimum l'inutilité du Conseil» et de mettre plutôt l'accent sur la façon dont ce dernier peut appuyer les initiatives fonctionnelles en place afin de s'attaquer aux problèmes de l'Arctique.

    De plus, selon un témoin d'un ONG environnemental qui a participé à une autre table ronde, le Conseil devrait se concentrer uniquement sur les domaines pour lesquels il y a un clair consensus international et renoncer aux questions controversées comme l'utilisation des mammifères marins (p. ex. la chasse aux phoques); pourtant, le Comité a entendu un point de vue tout à fait contraire quand il s'est rendu dans l'Arctique. Les témoins autochtones en particulier voulaient que le Conseil aide à résoudre des questions comme les règlements de l'Union européenne sur l'importation de fourrures d'animaux sauvages, et d'autres mesures d'application extraterritoriale qu'ils considèrent comme une menace pour l'assise économique de leur collectivité et pouvant nuire à l'évolution des peuples autochtones vers l'autodétermination. Milton Freeman, de l'Institut circumpolaire canadien, a d'ailleurs formulé le même point de vue : «Le Conseil de l'Arctique doit notamment étudier les aspects juridiques des mesures commerciales restrictives prises par les États-Unis ou l'Union européenne et les actions de ces États qui, ayant des répercussions sur les droits de la personne, pourraient avoir des conséquences néfastes pour le droit des peuples de l'Arctique à l'autodétermination et à la garantie de leur subsistance.» [Mémoire du 3 juin, p. 7.]

    Bref, la définition du mandat du Conseil de l'Arctique constitue un véritable défi en raison d'un amalgame complexe de considérations nationales et internationales. Il est essentiel d'en arriver à un cadre conceptuel qui puisse à la fois tenir compte des préoccupations premières de toute la communauté circumpolaire tout en créant des liens à l'échelle mondiale. Nous pensons, comme Oran Young, que le Canada doit montrer la voie, et que le développement humain durable fournit une assise assez vaste pour accueillir les objectifs du Conseil. Par ailleurs, le Comité reconnaît que ceux-ci doivent se traduire rapidement en activités concrètes et en avantages réels pour les Canadiens qui vivent dans l'Arctique. Le mandat, aussi parfait soit-il, ne fonctionnera pas si on en vient à considérer le Conseil comme un autre organisme basé à l'extérieur, éloigné des populations directement touchées par les causes et les répercussions des problèmes de l'Arctique.

    À la lumière de ce qui précède :

    De plus :

    Structures et processus de représentation

    La caractéristique du Conseil de l'Arctique dont on s'est le plus félicité, prématurément peut-être, c'est le caractère hybride de sa structure, à la fois inter-et extragouvernementale. En effet, à côté des huit États membres, on y trouve, avec le statut de participant permanent, les trois principaux organismes autochtones de l'Arctique circumpolaire : la Conférence circumpolaire inuit (CCI), le Conseil saami et l'Association des minorités autochtones du Nord, de la Sibérie et de l'extrême-orient de la Fédération de Russie (AKMNSSDV, R.F.). L'ambassadrice Simon a déclaré au Comité : «Un tel niveau de participation est unique, car les groupes autochtones doivent habituellement, dans les forums internationaux, se contenter du statut d'observateur. Le Conseil de l'Arctique fait donc oeuvre de pionnier en établissant un cadre dans lequel les populations directement touchées par les politiques gouvernementales, en l'occurrence les populations autochtones, peuvent participer à la discussion portant sur des questions qui les concernent et influer sur les décisions prises par les États membres [15:2].» Franklyn Griffiths a affirmé que «ce ne sera pas un organisme où seuls les pays seront appelés à discuter entre eux, pendant que les gens dont les intérêts sont en jeu resteront à l'écart. Au contraire, ce sera un organisme où les gens les plus directement touchés et concernés seront présents autour de la table.» [15:9] Robert Huebert a abondé dans ce sens avec la même vigueur.

    Il y a toutefois lieu de tempérer cet optimisme, en y mettant quelques bémols et en posant certaines questions. Premièrement, le fait d'avoir une présence autochtone tient davantage au prolongement d'une situation existante qu'à une véritable innovation, puisque la CCI, le Conseil saami et l'AKMNSSDV, R.F. ont déjà participé aux organes de travail de la SPEA qui, quoique faiblement institutionnalisés, ont réussi à former un secrétariat des populations autochtones en 1993. Depuis lors, ce secrétariat est assuré par le Danemark, même s'il est actuellement dirigé par un Canadien, Chester Reimer, que le Comité a rencontré à Copenhague et qui s'est déclaré inquiet au sujet de l'appui accordé par le Canada. Quant au secrétariat même, comme la Déclaration sur la création du Conseil de l'Arctique n'en fait aucune mention, son financement futur par les membres du Conseil semble quelque peu incertain. Soulignons en outre qu'une représentation officielle des Autochtones est également prévue au sein du conseil de la région euro-arctique de la mer de Barents, qui réunit les pays nordiques et la Russie. C'est un des organismes européens qui, selon Oran Young, possède une meilleure marge de créativité dans ses structures opérationnelles. Un autre problème soulevé par Oran Young devant le Comité concerne le fait que les trois participants autochtones fondateurs sont eux-mêmes restreints dans leur capacité de défendre les intérêts de leurs communautés : «Ce sont des structures pyramidales de haut niveau qui représentent d'immenses territoires. Leur personnel est souvent basé dans des capitales nationales. Il n'apparaît pas très clairement dans quelle mesure ils sont capables de bien refléter et représenter les préoccupations de la base [40:19].»

    De fait, la structure à deux niveaux du Conseil de l'Arctique, qui compte des États membres et des «participants permanents» (lesquels ne sont pas membres à part entière - voir le texte de la Déclaration, dans l'encadré 5) est considérablement plus faible que celle préconisée par le premier comité d'experts canadiens du Conseil de l'Arctique (qui était coprésidé par le professeur Griffiths - voir l'encadré 4). Celui-ci envisageait en effet d'accorder aux délégations des populations autochtones un statut plus comparable à celui des huit délégations nationales68. M. Young estime qu'on aurait avantage à chercher à se rapprocher de ce modèle. Dans l'état actuel des choses, le Conseil de l'Arctique sera en fait dirigé par les gouvernements membres, qui seuls ont le droit de vote.

    L'ambassadrice Simon a reconnu devant le Comité : «Un des points faibles de l'organisation du Conseil de l'Arctique est que, les gouvernements ayant le droit de tenir leurs propres réunions, cela pourrait nous amener trop souvent à exclure les organismes nordiques du processus. Il va donc falloir se montrer circonspects et ne pas décider, pour un oui ou un non, de tenir des réunions à huis clos auxquelles les habitants du Nord ne pourraient pas participer [15:17].» Le texte même de la Déclaration de septembre 1996 prévoit «la participation active et la consultation exhaustive des représentants des peuples autochtones de l'Arctique au sein du Conseil de l'Arctique» (voir l'annexe 1, article 2). Dans un exposé récent, tout en affirmant que le Conseil représente un pas important dans la direction d'un partenariat véritable entre les États et les populations autochtones, Mme Simon concède : «La question de la participation des autochtones a été très litigieuse, et, pour être tout à fait franche, je dois avouer que le résultat final n'a pas donné entière satisfaction aux représentants autochtones qui ont participé aux négociations. Alors qu'ils espéraient obtenir un statut se rapprochant le plus possible de celui des États membres, certains gouvernements ont fait opposition. Bien entendu, le résultat final s'est avéré être un compromis69».

    Un autre problème connexe, dont on a constaté au cours des négociations qu'il représentait un obstacle majeur au démarrage du Conseil, concerne la possibilité d'étendre la représentation autochtone au-delà des trois premières organisations reconnues. Les États-Unis, en particulier, ont fait valoir le cas des collectivités autochtones alaskienne, athapascane et aléoute70. Au Canada non plus, la CCI ne pourrait prétendre parler au nom de toutes les populations autochtones du Nord. À la mi-mars 1996, la Nation dénée a été l'hôtesse d'une rencontre sur le futur Conseil de l'Arctique à laquelle ont participé des représentants des Premières nations alaskiennes. Les Dénés ont également établi un compte rendu sommaire de la consultation des Autochtones du Nord sur le Conseil de l'Arctique, tenue à Ottawa un mois plus tard. Les pays membres, peut-on y lire, ont reconnu, en principe, qu'une représentation équitable des populations autochtones était nécessaire. Il reste maintenant à élaborer un mécanisme pour l'admission de nouveaux participants permanents, poursuit le compte rendu. L'ambassadrice Simon a par la suite confirmé au Comité que : «D'autres groupes autochtones de l'Alaska, de l'Arctique occidental et de la Fédération de la Russie, qui ne sont pas représentés par les trois participants permanents, ayant exprimé le désir de faire également partie du Conseil, nous avons prévu de créer à leur intention des sièges de participants permanents supplémentaires.» [15:2] La Déclaration ouvre la porte à d'autres organisations de populations autochtones de l'Arctique, composées en majorité d'Autochtones, et représentant : a) une population autochtone vivant dans plus d'un État de l'Arctique; ou encore b) plusieurs populations autochtones vivant dans un seul État de l'Arctique.

    Il reste à voir comment ces idées se traduiront dans la pratique. Il incombe au Conseil de déterminer l'admissibilité et l'accession (par consensus, suppose-t-on), étant entendu que le nombre de ces participants permanents devra toujours rester inférieur au nombre d'États membres. En ce qui concerne le Canada, les membres du Comité qui se sont rendus dans les régions du centre et de l'ouest de l'Arctique canadien ont entendu des témoins, comme le chef Bill Erasmus de la Nation dénée, leur exposer les complexités de la représentation autochtone dans cette région. Gurston Dacks de l'Université de l'Alberta a souligné combien il importait de ne pas se tromper à cet égard. Gary Bohnet, qui appartient à la Nation métisse, a plaidé vigoureusement pour un accroissement du nombre de sièges au Conseil et pour une participation autochtone plus diversifiée au sein de la délégation nationale du Canada. Ces personnes pourraient conseiller les hauts fonctionnaires et les spécialistes chargés d'organiser ces réunions. Quelque temps plus tard, le Grand conseil des Cris du nord du Québec a présenté un exposé vigoureux au Comité, à Ottawa, pour faire valoir sa candidature à une reconnaissance par le Conseil de l'Arctique. L'ambassadeur des Cris, M. Ted Moses, a en outre déclaré que l'établissement du Conseil de l'Arctique offrait au Canada et aux peuples autochtones la possibilité d'établir de nouvelles relations [41:13]. Toutefois, les Cris du Québec ne semblent pas répondre aux critères contenus dans la Déclaration et cités plus haut.

    De plus, la représentation à l'étranger des populations autochtones pourrait souffrir d'antécédents un peu tumultueux se rattachant à leurs demandes d'«autodétermination» restées en suspens71. De fait, ce n'est probablement pas une coïncidence si on a eu soin d'ajouter, dans la Déclaration sur la création du Conseil de l'Arctique, une mise en garde selon laquelle : «L'utilisation du terme `peuples' dans la présente Déclaration ne peut être interprétée comme ayant quelque conséquence que ce soit en ce qui concerne les droits qui peuvent être rattachés à ce terme en vertu du droit international.» Qui plus est, il ne faut pas présumer que les groupements autochtones auront nécessairement la même opinion au sujet des grandes questions de développement. Par exemple, en ce qui concerne l'ouverture de certaines parties du refuge faunique américain de l'Arctique pour permettre la prospection des gisements d'hydrocarbures, on sait que les Gwich'in du Canada y sont fermement opposés, car ils y perçoivent une menace pour la harde de caribous de la Porcupine. Par contre, certains groupes autochtones du versant nord de l'Alaska tolèrent une mise en valeur limitée de ces terres protégées.

    Bien sûr, les non-Autochtones qui habitent ces régions y ont également de puissants intérêts. Par exemple, l'Alaska et le Yukon ont des populations majoritairement non autochtones, et pourtant leurs gouvernements n'occuperont aucune position officielle au sein du Conseil de l'Arctique. C'est peut-être là que le Forum nordique pourrait aider à combler une lacune. Cette association de pouvoirs publics infranationaux et régionaux compte aujourd'hui des membres provenant de dix pays, y compris de 11 régions de Russie, quoique les seuls membres canadiens soient le Yukon et l'Alberta. De fait, il est bien possible, selon nos constatations, que les Russes s'y intéressent davantage que les habitants du Nord canadien. Lors de sa dernière assemblée, à Khanty-Mansiysk (Russie), le Forum a adopté une résolution demandant au Conseil de l'Arctique d'«envisager la possibilité d'une participation du Forum nordique aux futures activités du Conseil de l'Arctique en tant qu'observateur permanent. À notre avis, il est impossible de résoudre les problèmes qui concernent l'ensemble de la région arctique et le Nord sans efforts conjoints et concertés.» Lorsque le directeur exécutif du Forum pour l'Alaska, Stephen Cowper, a comparu devant le Comité, il a ajouté ce qui suit :

    «[. . .] nous constatons maintenant que les gouvernements transfèrent systématiquement certains de leurs pouvoirs [. . .]. Beaucoup des décisions qui étaient auparavant prises au niveau fédéral le sont maintenant, du moins en partie, par les gouvernements régionaux. C'est là une tendance qui est sans doute irréversible. Ne serait-ce que pour cette raison, nous estimons qu'il serait utile que le Conseil de l'Arctique permette à tout le moins au Forum nordique de participer à ses délibérations de manière à pouvoir faire connaître son point de vue le cas échéant. [58:4-5]
    La Déclaration sur la création du Conseil de l'Arctique prévoit effectivement un statut d'observateur général accessible à toute une gamme d'autres entités (États, organisations intergouvernementales et interparlementaires et ONG) «qui, selon le Conseil, peuvent contribuer à son travail». Toutefois, d'après M. Cowper : «Il s'agit d'un rôle plutôt passif. Nos membres sont d'avis qu'étant donné la nature de notre organisation, nous méritons un statut un peu plus élevé.» Dans le même temps, M. Cowper a admis que le gouvernement américain, qu'il connaît bien, n'est pas encore convaincu : « . . .je crois qu'il y a une certaine réticence à nous accorder un niveau de participation plus élevé aux délibérations du Conseil de l'Arctique» [58:5-6].

    Cet exemple n'est qu'un indice parmi d'autres que la mise en place d'une «représentation du Nord» ne sera pas facile. Le document d'information sur la gestion de l'Arctique, établi par Oran Young en vue de la Conférence des parlementaires de l'Arctique tenue à Yellowknife en 1996, soutient que, s'il veut réussir, le Conseil de l'Arctique

    devra trouver un moyen de concilier les intérêts de parties disparates, y compris des États ou des gouvernements nationaux désireux d'exploiter les réserves pétrolières et gazières de la région tout en protégeant les écosystèmes intéressants pour les touristes et les scientifiques, ainsi que des localités dispersées dans tout le Nord circumpolaire et profondément soucieuses de poursuivre leurs pratiques culturelles traditionnelles et leur mode de vie axé sur la subsistance. [. . .] les habitants de l'endroit ont une nette tendance à considérer tout effort en vue de créer des structures multilatérales arctiques comme étant, au mieux, inopportun, et au pire, un risque grave pour la viabilité de leur mode de vie72.
    Selon Oran Young, il existe un autre défi qui «consiste à établir des mécanismes de rétroaction qui empêcheront le Grand Nord d'être sacrifié par des intervenants situés à des latitudes moyennes qui ignorent les conséquences de leurs décisions sur le Nord circumpolaire ou qui s'en soucient peu. Les modalités actuellement à l'étude, qui permettraient à des intervenants de l'extérieur de l'Arctique de participer aux travaux du Conseil de l'Arctique à titre d'observateurs, ne constituent absolument pas une solution adéquate au problème». M. Young a développé cette idée devant le Comité en déclarant :

    Il faut un mécanisme - je ne parle pas d'un mécanisme juridique comme de prévoir des sièges à une table quelconque pour ces organismes -, un processus de consultation qui permettrait aux utilisateurs, à ceux qui ont un enjeu, aux collectivités et aux groupes identifiés comme ayant des intérêts et des enjeux à long terme d'avoir facilement accès à des réseaux leur permettant d'exprimer leurs préoccupations avec confiance. Étant donné la structure qui ressort de la Déclaration, je vois cela comme un défi majeur [40:20].
    Non seulement une représentation autochtone et nordique est capitale pour la légitimité du Conseil, mais il faudrait aussi que ses structures de participation offrent des voies d'interaction avec des publics plus larges dans les États membres73. À cet égard, il est clair que le rôle des représentants élus mérite qu'on y prête plus d'attention, et plus particulièrement le rôle du Comité permanent des parlementaires de la région de l'Arctique qui a plaidé fortement en faveur des initiatives de la SPEA et du Conseil de l'Arctique, mais qui pourtant n'a aucun statut officiel dans l'un ou l'autre de ces mécanismes. Lors de la réunion que notre Comité a tenue conjointement avec le Comité permanent de l'environnement et du développement durable, pour faire suite aux conférences de Yellowknife et d'Inuvik, cette question a été abordée par les secrétaires parlementaires du ministre de l'Environnement, l'ancien et l'actuel, à savoir Clifford Lincoln et Karen Kraft Sloan. M. Lincoln, qui représentait le Canada au Comité permanent des parlementaires de la région de l'Arctique, a souligné l'urgence qu'il y avait à donner une base plus solide à ce groupe et à l'intégrer au Conseil de l'Arctique au moment de son établissement [18:5-7]. Mme Kraft Sloan est du même avis. Elle a déclaré «qu'il est nécessaire que l'on reconnaisse officiellement le rôle des parlementaires au Conseil de l'Arctique, car cela permettra de voir clairement ce qui doit être fait et d'obtenir les ressources nécessaires [18:21].» Étant donné l'importance, aux fins de la politique étrangère canadienne, des problèmes que doit résoudre le Conseil, nous croyons qu'il y aurait également lieu de faire le nécessaire pour que la représentation canadienne au CPPRA soit forte et qu'un membre du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international en fasse partie (voir aussi le chapitre sept).

    Comme nous l'avons souligné dans le chapitre premier, cet appel parlementaire met en lumière un point de vue fortement divergeant de celui de la présidente de la CCI, Rosemarie Kuptana. Celle-ci a témoigné à la même table ronde, déclarant que, si un «dialogue étroit» avec les parlementaires demeurait souhaitable, leur accorder un statut officiel au sein du Conseil ne serait pas approprié : «À mon avis, les représentants de l'État peuvent s'occuper des intérêts du grand public. On a aussi prévu une catégorie pour les observateurs, qui pourrait sans doute s'appliquer aux membres du comité permanent, s'ils voulaient participer officiellement au Conseil [18:14].» M. Lincoln n'a pas jugé ce compromis satisfaisant, soutenant qu'il était important d'occuper un siège et que «ce serait une très bonne chose que le Conseil de l'Arctique obtienne l'appui des parlementaires de huit pays, d'abord parce qu'ils sont axés sur l'action [. . .] et qu'ils pourraient chacun avoir une voix indépendante. Ils pourraient dire parfois que les politiques officielles ne sont pas vraiment les plus appropriées pour l'Arctique. Cela ajouterait un peu de dynamisme à un conseil qui, sinon, serait axé uniquement sur les processus [18:16-17]». Les membres des deux comités se sont prononcés en faveur de ce principe. En juin 1996, le Comité de l'environnement a d'ailleurs adopté un rapport qui comportait des recommandations allant dans ce sens.

    La Déclaration sur la création du Conseil de l'Arctique de septembre 1996 prévoit simplement la possibilité d'accorder un statut d'observateur aux organismes interparlementaires de caractère général ou régional, alors que le communiqué conjoint des pays membres insiste pour dire que les ministres ont accueilli avec joie la présence du Comité permanent des parlementaires de la région de l'Arctique et qu'ils espèrent le voir à nouveau participer aux réunions du Conseil. À notre avis, cette première initiative limitée mérite d'être élargie et poursuivie, dans l'intérêt du bon fonctionnement du Conseil, comme Oran Young l'a souligné avec justesse devant le Comité :

    . . .ces initiatives ou ententes internationales signées par des ministres des Affaires étrangères, ou par d'autres, sont probablement vouées à l'échec ou condamnées à demeurer lettre morte si le public, lors d'élections, ne leur manifeste pas un appui réel. [. . .] Par ailleurs, la chaîne parlementaire peut permettre de s'assurer que certaines voix qui n'ont pas toujours la possibilité de se faire entendre dans la hiérarchie administrative, soient entendues. [40:25]
    Au cours des entretiens qu'il a eus avec ses homologues des pays nordiques et de la Russie, le Comité a entendu de nombreuses personnes encourager l'intensification de la dimension parlementaire du travail du Conseil. Brigitta Dahl, présidente du Parlement suédois, qui a participé à la conférence de Yellowknife, a insisté sur ce point. Elle a en outre proposé que l'on mette sur pied un organisme parlementaire associé indépendant, peut-être sur le modèle de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE. À Moscou, le président Likhachev, du conseil de la fédération, a soutenu que les organismes regroupant diverses régions et des parlementaires de ces régions (c'est-à-dire le Forum nordique et le Comité permanent des parlementaires de la région de l'Arctique) constituaient d'importants véhicules pour promouvoir le dialogue et donner la possibilité aux populations, et pas seulement aux gouvernements nationaux, d'exprimer leurs intérêts communs. Il entretenait l'espoir ambitieux de voir un Conseil qui prendrait des initiatives en matière de coopération environnementale et de soutien économique, tout en remplissant ses fonctions d'analyse et de coordination. À Helsinki, Guy Lindstrom, secrétaire du Comité permanent des parlementaires de la région de l'Arctique et chef de la délégation finlandaise au Conseil nordique, a soutenu que le fait de donner uniquement un statut d'observateur aux groupes parlementaires traduirait une attitude «démodée» de la part des gouvernements. De plus, il faudrait que les parlementaires continuent à insister auprès des ministères des Affaires étrangères et à travailler en vue de renforcer et d'étoffer le Conseil de l'Arctique dont la structure est encore trop légère, surtout en ce qui concerne son pouvoir réel de favoriser un développement économique durable.

    Rappelons toutefois la mise en garde que Milton Freeman, de l'Institut circumpolaire canadien d'Edmonton, avait adressée au Comité. Il avait déclaré :

    Les populations du Nord, ou arctiques, sont minoritaires dans tous les pays membres du Conseil de l'Arctique (sauf en Islande, peut-être), et elles forment des groupes fort diversifiés, même à l'intérieur d'un seul pays. [. . .] De nombreux groupes de défense d'intérêts spéciaux bien dotés financièrement, établis dans des centres urbains comme Stockholm, Toronto, Vancouver et Helsinki, appuient des programmes d'action qui ne ressemblent guère aux idées des gens de Cambridge Bay, Old Crow, Kuujjuaq ou Iqaluit (et des autres petites collectivités du même genre, dans les zones septentrionales de la Norvège, du Groenland, de l'Alaska, etc.). Les problèmes que connaissent actuellement les trappeurs et les chasseurs vivant dans le nord du Canada et du Groenland avec le Parlement européen ou la Commission baleinière internationale (au sein desquels les intérêts urbains prédominent et la tradition parlementaire prévaut) devraient servir d'avertissement quant à ce qui mérite une réflexion approfondie. [Mémoire du 3 juin, p. 1]
    Nous sommes d'accord pour dire que les populations autochtones de l'Arctique doivent compter sur des canaux de représentation particuliers pour que leurs droits soient vraiment respectés et que leurs préoccupations fassent l'objet d'une attention prioritaire de la part du Conseil de l'Arctique. Toutefois, dans l'intérêt public, pour que le développement futur de l'Arctique se fasse selon des méthodes démocratiques, d'autres éléments ou formes de représentation devront être ajoutés. Nous y reviendrons au chapitre sept. De plus, nous estimons que les représentants du Comité permanent des parlementaires de la région de l'Arctique pourraient s'avérer sensibles aux perspectives des populations du Nord - comme on l'a constaté lors de la conférence de mars 1996, à Yellowknife, où les porte-parole autochtones ont participé activement - et ne viendraient pas à la table du Conseil avec l'intention d'imposer un point de vue «sudiste» aux gens du Nord.

    Il en va de même des organismes non gouvernementaux (ONG) impliqués dans les dossiers de la région arctique. Lors de nos déplacements dans le Nord, les représentants des ONG à vocation environnementale qui ont comparu devant le Comité ont parlé de leurs efforts pour travailler avec les populations autochtones et se sont dit très conscients de la nécessité d'effacer les obstacles et les conflits du passé. Pour Sarah Climenhaga, du Fonds mondial pour la nature :

    Il est essentiel que tous les groupes autochtones intéressés soient en mesure de prendre part aux délibérations et aux prises de décision du Conseil de l'Arctique». Elle ajoute que : «En ce qui concerne les observateurs, la déclaration devrait définir les critères d'octroi du statut d'observateur aux termes de la Charte, et des procédures d'accréditation devraient permettre l'octroi du statut d'observateur permanent à des pays extérieurs à l'Arctique, à des organisations internationales et à des organisations non gouvernementales qui pourraient apporter une contribution importante et constructive au processus. [27:11]
    Kevin Jardine, de Greenpeace, a soutenu que «[la] plupart des dommages environnementaux [. . .] ne résultent pas de la mise en valeur de l'Arctique. Il faut donc commencer à modifier nos comportements ici, dans le Sud, pour prévenir ce genre de dommages. [. . .] Le Conseil de l'Arctique a un rôle unique à jouer à cet égard, car il représente non pas seulement le Nord mais aussi le Sud» [. . .] il s'agit d'une organisation qui non seulement représente les intérêts d'une région durement touchée par la destruction de l'environnement mondial, mais qui est également composée de pays qui sont eux-mêmes les principaux responsables du problème [27:17-19].» Cette idée selon laquelle il faut prendre au sérieux les responsabilités mondiales dans le contexte circumpolaire revient d'ailleurs dans les déclarations faites lors de l'inauguration du Conseil, par le ministre canadien des Affaires étrangères, M. Axworthy, et le sous-secrétaire d'État des États-Unis, M. Wirth. Nous les avons citées plus haut.

    Un autre problème qui se présente dans ce dossier de la structure de représentation concerne la prise en compte totale, par le Conseil, des intérêts de tous les pays membres (y compris les États-Unis), de sorte que tous maintiennent un intérêt égal dans le processus. La possibilité pour le Canada d'agir au début en tant que leader, ne signifie pas que le programme d'action canadien doive prévaloir. Il faudra tenir compte de manière équilibrée des perspectives nord-américaine, européenne et russe. D'ailleurs, cette opinion nous a été réitérée au cours de nos rencontres à l'étranger. À Oslo, le conseiller principal aux affaires arctiques de la Norvège, l'ambassadeur Jon Bech, a conseillé aux membres du Comité de considérer le futur Conseil sous un angle réaliste. Celui-ci devra garder le cap sur les objectifs communs, là où il peut apporter quelque chose de différent et de meilleur que les autres organismes. Toutefois, il ne faut pas s'attendre à ce qu'il devienne une entité supranationale prenant le pas sur les compétences nationales, et encore moins qu'il soit sous la coupe d'un seul pays.

    Lors d'une table ronde antérieure, à Ottawa, M. Gerald Lock, d'Edmonton, adoptant une autre perspective, a fait observer que les pays nordiques européens formaient une majorité numérique au sein du Conseil de l'Arctique (cinq des huit gouvernements membres), alors que pris ensemble, ils ne représentaient que 25 à 30 p. 100 de la zone arctique. Se fondant sur sa propre expérience au sein de la commission régionale du Comité international pour les sciences de l'Arctique, il a proposé l'adoption d'une structure tripartite, pour éviter l'«eurocentrisme» et pour des raisons d'équilibre «par exemple, lorsque nous présiderons le Conseil de l'Arctique il serait peut-être judicieux de nommer un vice-président de la Russie et un vice-président des pays nordiques pour qu'ensemble nous formions un comité exécutif qui s'assurera que les questions sont abordées en tenant pleinement compte des intérêts circumarctiques avant qu'elles ne soient finalement étudiées par le conseil [20:5].» Pour maintenir également l'intérêt et permettre la continuité, nous avons proposé une autre solution, inspirée de la souplesse novatrice que Oran Young reconnaît aux institutions européennes (notamment le mécanisme permettant aux membres d'une «troïka» d'occuper à tour de rôle la présidence de l'Union européenne), et qui est la suivante : trois pays pourraient à tour de rôle se charger de l'administration du Conseil, c'est-à-dire que le président sortant et le futur président partageraient certaines responsabilités avec le président actuel.

    De même, il faudra que les mécanismes de fonctionnement du Conseil comportent des rouages qui lui permettent d'établir des relations avec les autres structures multilatérales dont les mandats concernent l'Arctique. Selon l'ambassadrice Simon, «[le] Conseil de l'Arctique est censé être un organisme cadre doté d'un important mandat de coordination». Il ne doit pas faire double emploi, mais plutôt «renforcer les initiatives et les activités des organismes qui ont déjà pour but l'examen et le règlement des problèmes de l'Arctique et qui focalisent l'attention sur les domaines où s'impose une coopération plus poussée [15:4].» Pour réaliser cette mission, selon Oran Young, il serait bon d'appliquer le principe de la «subsidiarité». «Je veux dire par là, a-t-il déclaré, que les décisions relatives aux problèmes de l'Arctique devraient se prendre au plus bas niveau habilité à le faire [. . .] [40:5].» Un tel principe serait, sans nul doute, bien accueilli par de nombreux gouvernements régionaux et groupes autochtones du Nord circumpolaire, notamment en ce qui concerne le fait de ne pas contrevenir à leurs efforts de mise en place d'une cogestion en vue du développement durable et de l'utilisation des ressources arctiques en fonction de valeurs et de besoins déterminés à l'échelon local74.

    [La] seule chance de succès [du Conseil de l'Arctique] est de trouver un moyen d'intégrer ces diverses initiatives en un tout cohérent, dont le cadre obligatoire serait peut-être le Conseil de l'Arctique qui lui donnerait alors sa cohérence ou contribuerait à l'intégration de toutes les composantes. Cependant, s'il tente de s'établir en parallèle, il n'aboutira à rien. [40:23]
    On peut illustrer ce propos par un exemple concret. En ce qui concerne le grave problème des contaminants environnementaux dans le Nord - qui, selon le Dr Jacques Grondin du Centre de santé publique du Québec, fait l'objet d'efforts parfois peu fructueux, à cause des doubles emplois ou d'une coordination insuffisante au sein du Canada [47:16-18] - il ne faudrait pas que le Conseil de l'Arctique commence à agir seul de son côté, ou encore à élaborer sa propre initiative distincte dans ce domaine. Au contraire, il devra d'abord examiner le travail qui se fait, recenser les compétences et, lorsque des recherches ou des réponses supplémentaires sont nécessaires, et seulement dans ce cas, chercher à se rendre utile en rapprochant les collectivités, les gouvernements et les autres parties prenantes, de manière à susciter entre eux des synergies fructueuses. Certes, plusieurs autres organismes s'occupent du dossier des contaminants de l'Arctique, mais le Conseil, s'il est bien constitué et bien dirigé, pourra jouer un rôle unique au niveau systémique pour faciliter l'action, puisqu'il sera le seul organe circumpolaire à vaste portée, de niveau international, et mandaté pour le faire.

    En d'autres termes, le Conseil de l'Arctique, quel que soit son niveau de représentativité apparente, doit éviter d'être perçu comme une sorte d'organisme surajouté et non désiré qui dépense les maigres ressources dont on dispose afin d'inventer de nouveaux procédés et qui, au bout du compte, en arrive à enlever davantage de pouvoirs décisionnels aux gens des collectivités de l'Arctique et aux personnes qui travaillent avec eux à la résolution de leurs problèmes. Au contraire, le Conseil doit tenter de créer, dans l'ensemble de la région arctique, un climat qui donne aux populations le pouvoir de réaliser leurs aspirations. Pour être juste, il faut dire que le Comité s'est buté à un certain scepticisme à cet égard. Il importera donc que le Conseil s'attache, au cours de sa phase initiale, à vaincre cette méfiance. De plus, comme l'a fait remarquer David Scrivener, «pour certains, la gestation du Conseil lui-même évoque déjà la possibilité d'une prolifération d'institutions qui se chevauchent et se font concurrence». Il sera donc capital, pour le Conseil de démontrer très tôt que sa structure et son mécanisme uniques apportent quelque chose de nouveau et d'utile. De toute façon, comme le souligne Scrivener, son but est louable : «De par son existence même, le Conseil de l'Arctique pourrait faire apparaître de meilleures voies d'accès qui permettraient de soutenir les États arctiques dans leur capacité de coordonner et de concerter leurs politiques concernant l'Arctique dans des forums internationaux non confinés à la région. [. . .] En ces jours de restrictions budgétaires, les gouvernements tiennent à tirer le maximum d'effets et d'efficacité des divers processus de coopération concernant l'Arctique75

    En somme, non seulement le Conseil devra assurer la prise en compte d'une vaste gamme d'intérêts, mais il lui faudra lutter pour que ce soit fonctionnel et cohérent dans le cadre de son mandat. À défaut, il risque de se mettre à dos les clientèles qu'il doit précisément aider le plus, et d'ajouter des complications indésirables à l'assemblage hétéroclite d'organismes et d'ententes transfrontalières qui existent déjà dans l'Arctique.

    Par conséquent :

    De plus :

    Enfin :

    Objectifs et activités prioritaires

    Le Comité présentera, dans les chapitres suivants, un certain nombre de recommandations sur divers aspects précis de la coopération circumpolaire, y compris celle qui se fera par l'entremise du Conseil de l'Arctique. Néanmoins, nous estimons important de signaler dès maintenant les domaines sur lesquels le Conseil pourrait travailler, outre les questions de structure et de processus. Comme nous l'avons déjà dit, dans notre première table ronde tenue à Ottawa sur le Conseil, les témoins ont souligné que cette organisation ne pourrait se permettre d'être une tribune de plus qui accueillerait les interminables discussions des représentants internationaux; il faudra qu'elle agisse sans délai dans les dossiers qui intéressent directement les populations du Nord.

    Dans son témoignage, Rosemarie Kuptana, présidente de la CCI, un des organismes qui siégera au Conseil en tant que participant permanent, a déclaré que la CCI entendait défendre les programmes de la SPEA (par exemple, la recherche sur les contaminants qui affectent la santé des Inuits) tout en engageant de nouvelles interventions pour promouvoir le développement durable. Ces travaux pourraient notamment concerner la future base économique des communautés de l'Arctique :

    . . . la CCI souhaite élaborer des stratégies en vue de revitaliser l'industrie de la chasse au phoque par les Inuits ainsi que la commercialisation des produits provenant des mammifères marins en général. [. . .] le Conseil de l'Arctique pourrait aussi être un mécanisme important pour coordonner les échanges culturels et les échanges d'informations et de vues sur une multitude de questions socioéconomiques. [Il] sera l'occasion pour les pays de la région circumpolaire d'établir un modèle de partenariat et de collaboration avec les peuples autochtones sur les questions les plus cruciales relatives à l'élaboration d'une politique nordique. [18:29]

    Parmi les secteurs envisagés, citons l'utilisation de modèles de cogestion des ressources et de gouvernement autochtone autonome, ainsi que l'élaboration de lignes directrices applicables aux projets de développement du Nord ou à l'accroissement du tourisme, etc.

    D'autres porte-parole autochtones ont également insisté sur les aspects qui influent sur le bien-être et les moyens de subsistance de leurs peuples. Par exemple, à Yellowknife, Gary Bohnet, de la Nation métisse, a affirmé que : «L'évolution des relations circumpolaires et de la coopération internationale exige que les trappeurs et les Autochtones exploitant des ressources fauniques puissent profiter d'un marché libre qui soutienne leurs moyens de subsistance traditionnels, ce qui permettra leur survie culturelle et leur indépendance économique. Le Conseil de l'Arctique pourra faire valoir l'importance environnementale du trappage et promouvoir un libre-échange avec les autres pays du cercle polaire». Les Inuit de l'Arctique de l'est attachent, eux aussi, beaucoup d'importance à l'amélioration de la liberté de mouvement des produits et des populations. Kevin Knight d'Unaaq International et Don Axford du Conseil pour le développement des entreprises inuit au Canada ont soutenu que les accords commerciaux internationaux actuels et les blocs régionaux (ALENA, Union européenne) devraient faire l'objet d'un examen à cet égard [20:18-19]. Gerald Lock est allé plus loin, en proposant que le Conseil de l'Arctique étudie «la possibilité pour les pays de l'Arctique de conclure un accord de libre-échange [20:6]». David Malcolm, de l'Institut de recherche Aurora d'Inuvik, estime que «[le] Canada devrait saisir l'occasion que lui offre le Conseil de l'Arctique pour créer des réseaux de mise en marché circumpolaires, de sorte que les gens du Nord puissent commercer entre eux facilement, sans avoir à compter sur les produits du Sud, mal adaptés aux conditions nordiques.» [Mémoire du 28 mai 1996, p. 4.]

    Selon les instituts de recherches spécialistes du Nord, le Conseil de l'Arctique devra s'engager directement dans des entreprises susceptibles de profiter aux gens du Nord - dans des domaines comme la gestion des ressources, le développement économique durable et le commerce, les sciences de l'environnement et la lutte antipollution, la recherche appliquée et le développement, la coopération en matière de santé et d'éducation ainsi que l'amélioration des réseaux de communication et de transport. À Calgary, l'Institut de l'Arctique de l'Amérique du Nord a suggéré les quatre objectifs circumpolaires prioritaires suivants : promotion du processus de cogestion par les commissions régionales de cogestion des revendications territoriales (éventuellement en tenant une conférence annuelle sur des aspects pratiques de l'administration et de la réalisation); mesures de lutte contre les contaminants aériens et aquatiques (y compris la promotion de normes internationales antipollution); développement de lignes directrices visant un tourisme durable qui soit axé sur la conservation de l'économie traditionnelle territoriale; opposition constructive à l'interdiction des fourrures en Europe (y compris un appui aux efforts visant à trouver des méthodes moins cruelles de trappage et à former une nouvelle génération de trappeurs) [Mémoire de Michael Robinson, 31 mai 1996].

    Au cours de plusieurs tables rondes du Comité, des experts en études nordiques de l'Université Laval de Québec, l'Université McGill et l'Université de Montréal, ont souligné la valeur des échanges coopératifs en matière d'éducation et de sciences avec les gens d'autres pays qui travaillent aux mêmes problèmes. Le Conseil de l'Arctique pourrait vraiment rendre service en favorisant l'avancement des régions circumpolaires par l'accumulation et la diffusion de connaissances - non seulement techniques, mais aussi plus généralement sociales et culturelles - qui rehaussent la qualité de vie des populations arctiques. De fait, comment le Conseil peut-il vraiment aider ceux qui cherchent à mettre en place des collectivités saines, environnementalement responsables et économiquement durables dans la région circumpolaire? Dans son témoignage, Oran Young a parlé de secteurs d'intervention comme l'assistance technique, le perfectionnement des compétences, ou encore le repérage de ressources pour les investissements locaux destinés particulièrement à une clientèle autochtone, de même que d'une réflexion sur l'augmentation des zones protégées sur le plan environnemental. Il a également conseillé qu'il «nous faut songer sérieusement à encourager le dialogue entre les milieux de la recherche et ceux de la politique, de même qu'entre les scientifiques et les praticiens [, et] dans le contexte du Conseil de l'Arctique, à la façon d'établir des liens qui sauront profiter tant à la communauté scientifique ou aux milieux de la recherche, y compris ceux qui s'intéressent à la connaissance écologique traditionnelle, qu'au monde de la politique [40:6]».

    Puisque la SPEA est censée faire partie du mandat du Conseil de l'Arctique, il est certain que les dossiers environnementaux seront très prioritaires, aussi bien à court qu'à long terme. Mais il reste beaucoup de questions à résoudre. Comment, par exemple, un conseil établi en vertu d'une déclaration non contraignante politiquement pourra-t-il passer de la simple reconnaissance des problèmes à la prise conjointe de mesures correctives, comme le souhaiteraient bon nombre de ceux que nous avons rencontrés en Russie et dans les pays nordiques? Est-il possible que le Conseil en arrive un jour à devoir s'assurer de la conformité des normes multilatérales? Dans son témoignage, M. Robert Huebert a souligné qu'à ce jour, «les deux grands sujets analysés dans le cadre de la SPEA ont été, d'une part, les mesures déjà prises en matière de coopération internationale et d'autre part, la gravité du problème. Le Conseil de l'Arctique devra donc maintenant se demander quelles mesures il doit prendre». Il a laissé entendre que la tendance globale à la déréglementation et à la privatisation pourrait poser des difficultés dans la négociation d'un véritable régime environnemental international pour l'Arctique [15:14].

    Toutefois, Stephen Cowper, du Forum nordique, a soutenu que, d'un simple point de vue pratique - «il était important qu'on s'entende sur certaines normes environnementales pour la mise en valeur des ressources de l'Arctique. Il n'est pas dans l'intérêt de qui que ce soit qu'on se fasse concurrence dans ce domaine et que la principale différence soit [. . .] qu'un des pays concernés n'ait aucune législation environnementale. [. . .] je crois que c'est un des sujets les plus importants sur lesquels le Conseil de l'Arctique devra se pencher». M. Cowper a poursuivi en soulignant que «la question de l'élimination des déchets nucléaires, dont la région arctique est truffée» devait être une priorité pour le Conseil de l'Arctique [58:11].

    Manifestement, la création d'une base environnementalement durable pour le développement économique de la région circumpolaire doit constituer une priorité canadienne. Le Comité se réjouit donc de la déclaration faite par le ministre Irwin lors de l'inauguration de septembre 1996, selon laquelle, «le Canada envisage comme première activité pour le Conseil, la tenue, en 1997, d'une conférence internationale sur le développement durable dans l'Arctique, qui permettrait de réunir une vaste gamme d'intervenants des pouvoirs publics, des organisations non gouvernementales et plus particulièrement du monde des affaires». Dans le même temps, comme nous l'avons déjà dit dans le passage du présent rapport concernant le mandat du Conseil, il faudra absolument maintenir, à tout moment, une approche qui intégrera la protection environnementale au programme de développement durable.

    L'ambassadrice Simon avait évoqué dans son témoignage le «bulletin scolaire» concernant l'état du milieu arctique, initiative de la SPEA, qui doit paraître en 1997. Elle a indiqué que les mesures de suivi prises par le Conseil en matière de développement durable pourraient «être considérées comme une mise en oeuvre régionale d'Action 21» (ce programme d'action de l'ONU adopté lors de la Conférence de Rio sur l'environnement et le développement, en 1992, ne visait pas expressément l'Arctique) [15:36]. Milton Freeman, de l'Institut circumpolaire canadien d'Edmonton, a toutefois averti qu'il ne fallait pas s'attendre à ce que le Conseil devienne un puissant organisme d'application des normes environnementales multilatérales : «À l'époque actuelle, où le dégraissage des administrations publiques est à l'ordre du jour, le Conseil de l'Arctique devra probablement se restreindre beaucoup en tant qu'organisation et respecter entièrement les traditions et les différences nationales [. . .]» [mémoire du 3 juin, p. 4]. Il préconise des mesures plus modestes qui pourraient, par exemple, s'inspirer du traité international sur la protection de l'ours polaire ou encore utiliser des organismes existants comme la North Atlantic Marine Mammal Commission.

    Certains témoins représentant des ONG environnementaux, en revanche, ont dit souhaiter que le Conseil de l'Arctique puisse s'appuyer sur la volonté politique d'envisager le milieu arctique d'une manière globale. Kevin Jardine, de Greenpeace, a évoqué les nombreux effets destructeurs que pouvaient avoir les gaz à effet de serre qui contribuent au réchauffement de la planète (incendies de forêts et épidémies d'insectes, érosion des glaces marines et des littoraux, dégradation du pergélisol). Louise Comeau, du Sierra Club, aimerait voir le Conseil agir rapidement de manière à intégrer les intérêts de l'Arctique dans les négociations mondiales visant une convention sur les changements climatiques - «si le Conseil attend que le programme d'évaluation et de surveillance de l'Arctique publie son rapport sur l'état de l'environnement au début de 1997, il sera peut-être trop tard [27:7].» Sarah Climenhaga, du Fonds mondial pour la nature, a souligné les éléments suivants : mise en place d'un réseau de régions circumpolaires protégées; mécanismes visant l'intégration des connaissances traditionnelles des Autochtones et l'utilisation de la «qualité de la vie» comme indicateur du développement plutôt que d'autres indicateurs économiques plus conventionnels; procédures adéquates d'évaluation environnementale (notamment pour les projets concernant les mines, le pétrole et le gaz et l'industrie forestière); lignes directrices sur l'écotourisme circumpolaire; renforcement du droit international de l'environnement (notamment de la convention sur la pollution marine appelée MARPOL, «compte tenu de l'augmentation du trafic maritime dans l'Arctique76», et mise en oeuvre des dispositions du droit de la mer) [27:10-12].

    Manifestement, en matière de défis, on a l'embarras du choix. Un document de travail établi en 1995 par l'administration publique canadienne entrevoyait le Conseil de l'Arctique comme s'occupant, à long terme, en plus d'un large programme d'action en matière de protection de l'environnement, de toute une série de dossiers qui seraient confiés à autant de groupes de travail : développement économique durable, développement social et culturel, mesures d'urgence, science et technologie. Ce document définissait également, au-delà de la poursuite du travail actuel de la SPEA, une longue liste de priorités importantes pour la période de démarrage du Conseil :

    Bien sûr, on peut soutenir que tous et chacun de ces éléments sont cruciaux pour la qualité de vie dans l'Arctique, mais il est difficile d'imaginer qu'un petit organisme reposant sur la bonne volonté et le consensus puisse effectivement se charger simultanément d'un nombre aussi important de «priorités», du moins sans opérer des choix très serrés quant aux points sur lesquels il concentrera ses énergies, dans le cadre de ces objectifs, valables certes, mais fort larges. Même avant qu'il soit possible de déterminer un programme d'action, les ministres du Conseil de l'Arctique, dans le communiqué commun qu'ils ont publié au moment de l'inauguration, en septembre 1996, ont défini comme domaine prioritaire d'action pour le démarrage du Conseil, des questions aussi fondamentales que l'élaboration de marches à suivre, de paramètres pour son programme de développement durable, ainsi que l'intégration effective de la SPEA.

    Bref, le Conseil de l'Arctique devra probablement modérer les ambitions de ceux qui voudraient le voir attaquer sur plusieurs fronts, et chercher plutôt à devenir vraiment efficace sur quelques-uns de ces fronts, au moins. À cet égard, nous croyons que le Canada pourrait jouer un rôle proactif en essayant d'obtenir, dès le début, un consensus sur une courte liste d'objectifs et d'activités prioritaires. Le Canada peut saisir l'occasion, en tant que pays fondateur assumant la présidence, de relever le défi dont Oran Young a fait part au Comité, à savoir que «[. . .] après la signature de la déclaration, le Canada se trouve[ra. . .] dans une position unique pour dégager une proposition bien définie quant aux rôles que devrait jouer le conseil [40:7]».

    Par conséquent :

    De plus :

    Financement et appui politique

    Sans un apport de ressources suffisantes et sans un engagement politique de la part des gouvernements membres, le Conseil de l'Arctique pourrait finir par être une coquille vide - qui publierait périodiquement des déclarations d'intention admirables, mais qui resterait incapable d'agir sur l'environnement et sur le bien-être des populations de la région circumpolaire. Le Conseil pourrait bien hériter des faiblesses de la SPEA et de ses groupes de travail, qui sont tributaires d'un assemblage de contributions volontaires et qui ont dû essuyer plusieurs crises financières. Ce qu'il faut craindre, comme l'a dit David Scrivener, c'est que la perspective d'ajouter les mécanismes d'un nouveau conseil à cette opération fonctionnant avec «trois fois rien» n'ait simplement «renforcé la réticence traditionnelle des gouvernements à assumer les engagements financiers majeurs dans le domaine de la coopération environnementale dans l'Arctique78». D'une manière plus générale, un certain nombre de personnes avec lesquelles le Comité s'est entretenu ont indiqué que, si les ressources nécessaires à l'organisation propre du Conseil n'avaient pas à être très importantes, il serait en revanche souhaitable d'accorder à ses activités des assises plus substantielles et plus sûres.

    Le document de travail à usage interne du gouvernement canadien sur la création du Conseil, daté de 1995, insiste à juste titre sur la question du financement. Il recommande que le Conseil accorde la priorité à des programmes «ayant fait l'objet d'offres de la part de membres désireux de les piloter et pour lesquels le soutien financier nécessaire a été trouvé, et à des programmes qui soient réalisables avec les ressources disponibles et dans les délais prévus». Le document tient pour acquis que le financement de base du secrétariat relèvera du pays d'accueil, tout en proposant un ensemble diversifié de contributions volontaires et d'arrangements de «prise en charge» pour les autres activités. On établirait un fonds commun, selon une formule convenue de partage des coûts, à l'appui des initiatives collectives. De plus, les composantes fonctionnelles, comme les travaux du secrétariat des populations autochtones, seraient bien évidemment les plus susceptibles d'un partage des coûts79. Toutefois, les négociations avec les autres pays n'ont pas soulevé beaucoup d'enthousiasme à cet égard. D'ailleurs, Scrivener fait observer que : «L'idée d'un financement commun a été abandonnée, étant donné l'opposition des États-Unis, derrière laquelle se dissimulait une réticence largement partagée à assumer de nouveaux engagements financiers 80». L'ambassadrice Simon a récemment fait clairement remarquer ce qui suit :

    Actuellement, les gouvernements, dont celui du Canada, répugnent à autoriser l'établissement de nouveaux corps, auxquels il faudra consacrer temps et argent [. . .] Le Conseil lui-même ne disposera que d'un modeste budget, qui lui permettra d'administrer un secrétariat et d'autres fonctions administratives. Il reviendra aux gouvernements membres de verser les fonds nécessaires aux activités sur lesquelles ils se seront entendus81.
    Dans un témoignage antérieur, Mme Simon avait indiqué que l'accueil du secrétariat par le Canada, jusqu'à la fin de 1998, ne représentait qu'un engagement très modeste de ressources de la part des ministères des Affaires étrangères et des Affaires indiennes et du Nord. Outre le détachement de quelques membres de son personnel, AINC fournirait environ 275 000 $ au titre de l'exploitation et de l'entretien, sur deux ans, tandis que AECIC s'occuperait de fournir les locaux et les coûts communs d'utilisation. Un article dans The Economist sur l'inauguration du Conseil à Ottawa, en établit le coût total, pour le Canada, à 900 000 $82. Ce n'est pas beaucoup pour une organisation internationale dont les membres comprennent trois des quatre plus grands pays du monde. C'est même sensiblement moins que ce que le Canada a à lui seul dépensé pour la Commission canadienne des affaires polaires, un organisme peu connu. (D'ailleurs le budget annuel de cette Commission a fait l'objet de critiques spécifiques au cours des déplacements du Comité dans l'Arctique. Nellie Cournoyea, ancienne chef du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, a même recommandé, puisque l'on attend des gouvernements qu'ils obtiennent le meilleur rendement qualité-prix, que les fonds actuellement alloués à la Commission soient réattribués, par l'entremise du Conseil de l'Arctique, à la conduite de recherches dans le Nord83. Nous reviendrons sur la question du meilleur parti à tirer du rôle de la Commission dans le chapitre huit.)

    Comme nous l'avons déjà dit, certains témoins ont fait part au Comité de leur inquiétude devant le peu de moyens attribués au bureau de l'ambassadrice aux affaires circumpolaires, ou encore au fonctionnement du secrétariat du Conseil de l'Arctique, compte tenu de l'ampleur de leurs mandats et de leurs multiples responsabilités. On semblait penser que leurs capacités pourraient être renforcées, peut-être en consolidant certaines dépenses publiques au titre des affaires arctiques et circumpolaires. De plus, quelques porte-parole autochtones voulaient être assurés que leurs collectivités recevraient un soutien adéquat pour participer entièrement à l'élaboration de la politique étrangère canadienne et aux activités du Conseil de l'Arctique. Aucune de ces interventions ne signifie que la mise en place du Conseil doive aboutir à la création d'un empire bureaucratique circumpolaire, mais plutôt qu'elle soit considérée comme une opération sérieuse, même si elle doit demeurer économique84.

    Les aspects organisationnel et financier sont liés à la question du soutien politique. C'est une autre des raisons pour lesquelles les deux premières années, qui se passeront sous la présidence du Canada, sont si importantes. Si, d'emblée, le Conseil peut se montrer capable de faire du bon travail dans un petit nombre de dossiers, qui revêtent de l'importance pour les intérêts canadiens et qui sont considérés comme prioritaires par les citoyens du Nord tout particulièrement, il disposera alors de bons arguments pour obtenir un financement accru et soutenu de la part du Canada. Bien entendu, le Canada ne peut à lui seul mener les destinées du Conseil. Il lui faudra composer un programme de travail susceptible de convaincre les autres membres et, tout particulièrement peut-être, les États-Unis - avec lesquels nous entretenons une relation plus étroite qu'avec n'importe quel autre pays du Conseil - qu'il s'agit là d'une organisation méritant d'être soutenue matériellement et non pas seulement sur papier.

    L'inauguration du Conseil, souhaitée de longue date par le Canada, est une réussite en elle-même. Mais la première épreuve véritable, sous la gouverne du Canada, consistera à voir, lors de la première véritable conférence ministérielle, prévue en 1998, si on arrive à réaliser un programme clair, axé sur l'action, et qui soit appuyé par une volonté politique et un financement solide de la part des membres du Conseil.

    Par conséquent :


    56
    L'ouvrage de David Scrivener, Environmental Cooperation in the Arctic: From Strategy to Council, the North Atlantic Committee, Security Policy Library No.1/1996, Oslo, présente une excellente analyse comparative de ces perspectives internationales.

    57
    Voir ibid., p. 22 et suiv., pour un résumé utile des négociations bilatérales et multilatérales.

    58
    C'est-à-dire la Conférence circumpolaire inuit (CCI), le Conseil saami et l'Association des minorités autochtones du Nord (Sibérie et extrême-orient de la Fédération de Russie) (AKMNSSDV, R.F.). Les trois organismes ont pour la première fois obtenu le statut de participants à la SPEA avec l'appui d'un secrétariat des peuples autochtones établi en 1993.

    59
    Kenneth Coates souligne que les rivalités intermunicipales sont légendaires partout dans le Nord, région qui souffre d'une tenace culture d'opposition qui l'a détournée de l'établissement de réseaux de soutien interne et externe. Au lieu d'unir leurs efforts pour profiter au maximum de ressources limitées, les régions du Nord ont tendance à s'adonner à des luttes intestines, qui, finalement, facilitent la tâche aux autorités du Sud, qu'elles soient privées ou gouvernementales, qui veulent contourner les attentes du Nord et exploiter les scissions au sein de la région. («The Discovery of the North» op. cit. (1994) p. 27, 42.)

    60
    «Nunavut Secretariat Office Opens in Iqaluit», communiqué du ministère des Affaires indiennes et du Nord, Iqaluit, 30 novembre 1996, p. 2.

    61
    Cité dans Gerald Schmitz et James Lee, Le Canada et la coopération circumpolaire (1996), p. 28.

    62
    Se reporter à l'encadré 3; voir aussi David Scrivener, Environmental Cooperation in the Arctic (1996).

    63
    Robert Huebert, Le Conseil de l'Arctique : La conduite des affaires de l'Arctique dans un contexte national et international (1996), p. 9.

    64
    David Scrivener, Environmental Cooperation in the Arctic (1996), p. 24.

    65
    Mary Simon, «Établir des partenariats» (1996), p. 7.

    66
    Selon Robert Huebert, «si la CCI a des ressources limitées, elle a été responsable, sans la participation d'aucun gouvernement de l'Arctique, de l'instauration des principes du développement durable dans le contexte circumpolaire». (Le Conseil de l'Arctique : La conduite des affaires de l'Arctique dans un contexte national et international (1996), p. 18) Voir aussi les chapitres 5 à 7.

    67
    Voir Oran Young, Le Conseil de l'Arctique : Marquer l'avènement d'une nouvelle ère dans le domaine des relations internationales (1996), p. 74-75.

    68
    Gerald Schmitz et James Lee, Le Canada et la coopération circumpolaire (1996), p. 25.

    69
    Mary Simon, «Établir des partenariats» (1996), p. 5.

    70
    David Scrivener souligne : «Même si ces collectivités ne sont pas organisées de manière transnationale, elles exploitent les espèces migratoires et vivent des deux côtés de la frontière qui sépare les États-Unis d'une part du Canada et de la Russie d'autre part». (Environmental Cooperation in the Arctic (1996), p. 25).

    71
    Par exemple, au sein du Groupe de travail des Nations Unies sur les populations autochtones. Outre la déclaration des Cris, voir le témoignage de Rosemarie Kuptana [18:30-31]; également voir Russell Barsh, «The Aboriginal Issue in Canadian Foreign Policy, 1984-1994», International Journal of Canadian Studies, automne 1995, p. 107-133. En ce qui concerne les principes de l'«autodétermination» appliqués aux populations autochtones de l'Arctique, voir le document préparé pour le Comité par Joelle Martin, «L'autodétermination interne en droit international : Exemples de cas» (mai 1996).

    72
    Oran Young, «Arctic Governance : Meeting Challenges of Cooperation in the High Latitudes» (1996), p. 7 et 15.

    73
    La question de la participation du public et de l'ouverture des processus était soulignée dans les plans originaux préparés par le comité d'experts canadiens sur un Conseil de l'Arctique qui avait recommandé au gouvernement canadien «de faire participer les Canadiens, et surtout tous les peuples autochtones du Canada, à l'établissement de sa position de négociation sur le Conseil de l'Arctique . . . [la création de cet organisme] devant se révéler d'un bout à l'autre un exercice de diplomatie publique si l'on veut procéder de la bonne façon.» (To Establish an International Arctic Council : A Framework Report, Ottawa (1991), p. 16). On peut soutenir que cette vaste ouverture du processus au public demeure un objectif non atteint de ce projet de mise sur pied d'un conseil de l'Arctique.

    74
    Sur cette question voir aussi Oran Young, Le Conseil Arctique : Marquer l'avènement d'une nouvelle ère dans le domaine des relations internationales (1996), p. 38 et chapitre 10.

    75
    David Scrivener, Environmental Cooperation in the Arctic (1996), p. 28.

    76
    À ce propos, Patrick Toomey, ancien capitaine de brise-glace dans la Garde côtière canadienne, a déclaré au Comité : «Les nations arctiques [. . .] doivent être prêtes à surveiller cette navigation dans les eaux polaires et la faciliter en harmonisant leurs normes, en exigeant que les navigateurs soient habilités à naviguer dans les glaces et en standardisant la classification des navires. [. . .] Il doit y avoir moyen de faire respecter ces règles internationales [20:2].» Sur la question de l'éventuel rôle du Conseil dans l'application des conventions internationales en matière de transport maritime dans l'Arctique, voir également Young, Le Conseil de l'Arctique : Marquer l'avènement d'une nouvelle ère dans le domaine des relations internationales (1996), p. 72.

    77
    «The Arctic Council: Objectives, Structure and Program Priorities», ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et ministère des Affaires indiennes et du Nord, document de travail à usage interne, Ottawa, mai 1995, p. 15-16 et annexe C.

    78
    David Scrivener, Environmental Cooperation in the Arctic (1996), p. 17 et suiv.

    79
    AECIC et AINC, «The Arctic Council» (1996), p. 12-15.

    80
    David Scrivener, Environmental Cooperation in the Arctic (1996), p. 24.

    81
    Mary Simon, «Établir des partenariats» (1996), p. 2 et 7.

    82
    «Hands across the ice», The Economist, 21 septembre 1996, p. 48.

    83
    Mémoire du 28 mai 1996, p. 2. La Commission semble également avoir perdu l'appui de la Nation dénée dans les T.N.-O. («Dene Want Polar Panel Disbanded», Montreal Gazette, 19 septembre 1996.)

    84
    Selon Oran Young, «le Conseil de l'Arctique n'aura pas besoin, pour administrer ses activités, d'un appareil organisationnel important ou lourd. Néanmoins la présence d'un secrétariat permanent modeste servirait bien ses intérêts. Dans d'autres secteurs, l'expérience montre clairement que des secrétariats petits et efficients peuvent jouer, en ce qui touche au maintien et à l'accroissement de la coopération internationale, divers rôles qui vont bien au-delà des tâches purement techniques, sans pour autant outrepasser les responsabilités qui reviennent de droit à une instance administrative». (Le Conseil de l'Arctique : Marquer l'avènement d'une nouvelle ère dans le domaine des relations internationales (1996), p. 74)


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