[Enregistrement électronique]
Le mardi 22 octobre 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Conformément à l'article 108(2)d) du Règlement, nous étudions le rapport sur l'examen du mandat de Postes Canada. Nous recevons ce matin M. George Radwanski, président.
Monsieur Radwanski, je présume que vous allez nous présenter un exposé, une sorte de mémoire.
M. George Radwanski (président, Examen du mandat de Postes Canada): J'ai un très court exposé.
Le président: Bien, nous passerons ensuite aux questions des députés. Allez-y, monsieur Radwanski.
M. Radwanski: Pour commencer, merci pour votre invitation. Les neuf derniers mois ont certainement été intéressants; pendant ce temps, moi-même et les membres de mon équipe avons examiné toutes les questions qui se rapportaient au mandat et aux activités de la Société canadienne des postes.
Je dois dire que j'ai été très content des premières réactions au rapport. Je suis persuadé que vous aurez des questions et des commentaires. Je présume que vous l'avez lu et je n'abuserai pas de votre temps en vous le présentant.
Je pense qu'on donne une bonne idée des orientations du rapport en disant, comme quelqu'un l'a fait, qu'en général l'examen recommandait une redéfinition des paramètres du service postal. On pensait à un modèle triangulaire, avec le service des postes, les principaux utilisateurs et les syndicats comme principaux intervenants.
Dans le rapport, on dit qu'en fait, le triangle devrait plutôt être un pentagone, en intégrant deux autres intervenants: (a) le public, l'intérêt public; et (b) les petites entreprises. Il ne faudrait pas qu'on pense uniquement à la poste, aux syndicats et aux principaux utilisateurs, mais également aux Canadiens ordinaires de tout le pays, dont les intérêts doivent en fait primer, aux petites entreprises et aussi à d'autres intervenants qui, soit dépendent de la Société, soit sont touchés par ce qu'elle fait. Ils doivent avoir au moins autant de poids que les trois premiers.
Voilà l'orientation philosophique du rapport. Vous connaissez les recommandations. Je dois dire qu'en général, je suis ravi des réactions au rapport de la ministre Marleau et du gouvernement du Canada. À partir de cela, j'imagine que la suite viendra toute seule.
Je suis prêt à répondre à toutes vos questions.
Le président: Merci, monsieur Radwanski. La parole est à l'opposition. Monsieur Fillion, vous avez dix minutes pour la première ronde, il y en aura ensuite autant pour le Parti réformiste, puis pour le gouvernement.
Monsieur Fillion.
[Français]
M. Fillion (Chicoutimi): Monsieur Radwanski, il me fait plaisir de pouvoir maintenant rattacher une figure à votre rapport.
Comme vous l'avez dit dans votre introduction, vous avez investi énormément de temps à faire l'examen de toute la problématique de la Société canadienne des postes. Vous nous avez dit également, bien que brièvement, que cela a été pour vous un travail très enrichissant. Vous avez recommandé qu'on élargisse dès maintenant la discussion, non pas dans votre triangle comme vous l'appelez, mais bien au niveau d'un pentagone, y incorporant l'intérêt du public en général et des PME. Vous avez clos votre énoncé en disant que la réaction de la ministre vous a semblé importante et vous nous avez signifié que vous étiez prêt à répondre à nos questions.
L'élément le plus important qui semble se dégager de votre document, la logique même de votre rapport, et c'est pour moi un point très important, c'est que toutes les recommandations forment un tout. Ces 31 recommandations devraient former un tout, alors qu'actuellement, on constate que la ministre a mis en application quelques-unes de ces recommandations, tandis qu'elle est allée à l'encontre de certaines autres. Ce comportement vous porte-t-il à conclure qu'on commence, miette par miette, à désavouer votre rapport dès sa parution?
M. Radwanski: Vous m'excuserez de vous répondre en anglais, mais je voudrais vous fournir plus de précisions.
M. Fillion: Certainement, il n'y a pas de problème.
[Traduction]
M. Radwanski: Non, pour répondre à votre question... Comme je le disais, je trouve très encourageante la réaction du gouvernement et celle de la ministre Marleau. Dans le rapport, je dis bien que les 31 recommandations doivent idéalement être considérées comme un tout, une vision de la Société. Cela ne signifie pas pour autant qu'il soit logique ou raisonnable de s'attendre à ce que toutes soient mises en oeuvre le lendemain du jour où le rapport est annoncé, rendu public ou examiné.
Je pense qu'il est tout à fait normal et convenable que le gouvernement, après avoir reçu des recommandations de cette envergure, des suggestions de changement ayant des incidences financières, fasse preuve de diligence tout en prenant le temps d'examiner très soigneusement les conséquences des recommandations clé avant de décider ce qu'il fera.
C'est certainement ce qu'il m'a semblé que le gouvernement faisait et toute autre façon de faire serait imprudente.
[Français]
M. Fillion: Par surcroît, le gouvernement a retenu les services de conseillers financiers pour examiner chacune de vos recommandations. Dès que votre rapport a été rendu public, on a mis en application quelques-unes de vos recommandations tandis qu'on en a rejeté d'autres. Des conseillers financiers procèdent donc actuellement à une nouvelle vérification de vos recommandations.
Dans le cadre de votre démarche qui vous a paru si intéressante, vous avez rencontré beaucoup de gens et reçu de nombreux mémoires. Vous avez certainement dû rencontrer également des experts financiers qui vous ont guidé dans vos recommandations. Compte tenu du temps qu'exigera cette nouvelle vérification de chacune de vos recommandations que demande le gouvernement et du fait que la ministre n'a fixé aucun échéancier, je crois que l'on pourra encore mettre en doute vos recommandations. Ces conseillers financiers pourraient bien présenter leurs conclusions dans un an ou deux. Ne craignez-vous pas qu'au terme de cette démarche, votre rapport se retrouve, comme plusieurs autres, sur les tablettes?
[Traduction]
M. Radwanski: Je ne peux que répéter ce que je vous ai déjà dit. Je suis très à l'aise avec la réaction du gouvernement. Je ne suis pas ici en tant que porte-parole du gouvernement. Je pense qu'il conviendrait mieux de poser au gouvernement les questions qui se rapportent à ses plans d'action. Bien entendu, vous qui êtes dans l'opposition aurez un point de vue différent de celui du gouvernement. C'est la nature du processus parlementaire.
Tout ce que je peux vous répéter, c'est que je suis tout à fait satisfait de la façon dont le gouvernement a accueilli le rapport, mais plutôt que de vous répéter cela à satiété, je préférerais répondre à toute question que vous me poserez sur les problèmes et recommandations. C'est à cela que se limite ma tâche, et non à donner mon opinion sur l'orientation suivie. Je serai toutefois heureux de vous donner toutes les précisions nécessaires sur le travail que mon équipe et moi-même avons accompli au cours des derniers mois.
[Français]
M. Fillion: Oui, il est bien sûr que nous pourrions poser nos questions ailleurs, mais ce n'est qu'une partie. Il me semble qu'en présence d'une personne qui a rédigé un tel rapport, fait une analyse et formulé des recommandations, on doit se demander si les gens qui devront mettre ces recommandations en application les appuient.
De façon un peu plus générale, l'ensemble de votre rapport établit que pour donner aux Canadiens et aux Canadiennes un service universel à un prix abordable, la Société doit rentabiliser ses opérations. C'est l'ensemble de vos recommandations qui va faire en sorte que la Société va se rentabiliser.
Au moment où nous discutons, sommes-nous sur la bonne voie en vue de rentabiliser cette société afin que les Canadiens et les Canadiennes n'aient pas à subventionner à nouveau certains services, comme par exemple l'envoi des lettres postales? Est-ce que nous sommes sur la bonne voie?
[Traduction]
M. Radwanski: Dans les recommandations du rapport, nous avons soigneusement évité que la Société canadienne des postes ne constitue une charge pour le Trésor. Bien au contraire: les recommandations d'après lesquelles nous leur demandons, d'une part, de se retirer des activités concurrentielles et d'autre part, de relever leurs recettes par les mesures que nous recommandons - à savoir l'augmentation du coût du timbre et une contribution du secteur des messageries - sont conçues pour empêcher toute diminution à long terme des recettes et pour veiller à ce qu'il y ait des fonds de réserve et à améliorer les services, tout en assurant à la Société une solide assise financière. Les recommandations se sont inspirées de la plus grande prudence financière.
[Français]
M. Fillion: Je comprends la logique qui vous a guidé. En examinant les actions qu'on pose actuellement, je m'aperçois que toutes vos recommandations qui visaient à rentabiliser la Société ont été mises de côté. On refuse ainsi une augmentation des tarifs et on remet à l'entreprise privée la distribution d'envois publicitaires sans adresse à tarif économique, créant une perte de 18 000 emplois et ainsi de suite.
Est-ce qu'on se dirige vraiment dans la voie que vous prêchez dans le cadre de vos 31 recommandations?
[Traduction]
M. Radwanski: Ce que je répondrai à cela, c'est que le gouvernement se donne le temps d'examiner les répercussions de ce rapport, et que ce dernier peut donc faire l'objet de commentaires de toutes sortes. Si vous et votre parti sont d'accord - comme je crois le comprendre d'après vos remarques - sur le fait que l'augmentation du tarif d'affranchissement et la contribution des messageries, comme il est recommandé dans le rapport, sont des remèdes appropriés et que le gouvernement devrait les adopter, je suis certain que vous saurez faire connaître votre position, en son temps, à la Chambre des communes, et convaincre ainsi le gouvernement d'agir dans ce sens. C'est ainsi que les choses se passent après le dépôt d'un rapport.
L'appui que vous voudrez bien donner à mes conclusions constituera un encouragement de plus pour moi. J'espère que vous ferez de votre mieux pour préparer l'opinion publique à consentir à des remèdes qui s'imposent. C'est votre rôle en tant que membre élu du Parlement, et non le mien en tant que président d'un comité de révision qui a achevé ses travaux.
Le président: Je vous remercie, monsieur Fillion. Monsieur Harper, vous avez la parole.
M. Stephen Harper (Calgary-Ouest): Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur Radwanski, je voudrais revenir sur les questions que vous a posées M. Fillion.
Vous vous dites encouragé par la réaction, à ce jour, du gouvernement, mais vous n'en faites pas moins remarquer, aux pages 134 et 135 de votre rapport, à propos de votre train de recommandations: «Nous espérons qu'elles - il s'agit des recommandations - seront considérées comme un tout organique, car la réalisation des résultats souhaités sera beaucoup plus problématique si l'on procède à un morcellement en règle des moyens d'action proposés».
À la suite de votre rapport le gouvernement a mis en application, si je ne me trompe, les trois recommandations suivantes: maintien du moratoire sur les fermetures des bureaux de poste ruraux, non-approbation d'une augmentation des tarifs postaux, et retrait des services d'envois publicitaires sans adresse. À la lumière des observations que vous faites dans votre rapport, quel sera l'impact de ces recommandations, en particulier le moratoire sur l'augmentation du tarif d'affranchissement postal? Quelles seront les incidences des recommandations que le gouvernement a choisi de mettre en oeuvre, alors que d'autres recommandations n'ont pas été adoptées, en particulier celle sur la rentabilité de la Société canadienne des postes?
M. Radwanski: Je ne puis que répéter que mon rôle de président de l'Examen du mandat de la Société canadienne des postes s'arrête là et qu'il n'est pas dans mes attributions de faire des commentaires, soit sur les réactions du gouvernement au rapport, soit sur les mesures que le gouvernement compte prendre à l'avenir. Ce que j'ai dit, à ce sujet, à l'intervenant précédent s'applique également aux remarques que vous faites.
Si vous et votre parti considérez - puisque vous citiez des passages du rapport - qu'il s'agit là d'un tout qu'il conviendrait d'adopter dans son intégralité, et si vous considérez que les mesures recommandées, dont les mesures financières, sont celles qui conviennent, je suis persuadé, pour avoir étudié comment les choses se passent en politique, que si tous les partis s'entendaient pour appuyer ces recommandations et si votre parti faisait connaître son appui, que ceci pèserait sur la décision du ministre et du gouvernement. Autrement dit, votre tour est venu de faire entendre votre voix. Peut-être déciderez-vous de faire connaître votre position s'il vous semble que c'est ainsi que les choses devraient se passer. Mais ce n'est pas à moi qu'il incombe de dire quelle sera l'orientation à choisir, mais simplement à justifier les constatations auxquelles je suis parvenu.
M. Harper: Je me serais attendu à ce genre de réponse de la part d'un fonctionnaire plutôt que de la part de celui qui a présidé une commission d'enquête indépendante. Je m'empresse de préciser que c'est vous, et non pas moi ni mon parti, qui avez suggéré que les recommandations soient considérées comme un tout organique. Vous avez également ajouté que si les rapports étaient adoptés à la pièce, il était peu probable qu'ils aient les effets escomptés.
Si nous vous avons invité aujourd'hui, c'est parce que vous êtes l'expert. Par conséquent, si nous adoptions ces recommandations, quelles en seraient les conséquences pour la rentabilité de la Société canadienne des postes?
M. Radwanski: Pour ce qui est des recommandations qui ont déjà été adoptées, je ne crois pas qu'elles auront quelque incidence négative que ce soit sur les recettes de la Société. Maintenant, si vous regardez l'ensemble des recommandations, et le rapport général, je souscris à tout ce qui s'y trouve, et je souscris particulièrement à la recommandation de mettre en application toutes les mesures suggérées en vue d'arriver aux résultats escomptés.
Mais ce n'est pas à moi de décréter que cela sera fait ou pas. Néanmoins, il saute aux yeux que si on opte pour certaines recommandations plutôt que d'autres, c'est-à-dire pour une approche à la pièce, les résultats seront moins prévisibles. C'est la vie.
Ainsi, si la Société devait se retirer de toute concurrence mais ne devait pas chercher à compenser le manque à gagner dans ses recettes, il est évident que le tableau global serait différent pour ce qui est des recettes. C'est une évidence. Mais par la même occasion, si la Société ne se retire pas complètement de toute concurrence, les préoccupations notées dans l'examen quant à l'incidence sur la culture de la Société et quant à une certaine iniquité inhérente ne seraient pas pleinement prises en considération.
C'est au gouvernement à décider quelle vision il choisira. J'imagine que là où nous avons... Vous dites être surpris de ma réponse. J'ai toujours été d'avis qu'il ne revient pas à celui qui préside ce type d'organe indépendant ou autonome de changer son fusil d'épaule dès qu'un rapport est déposé pour se faire le défenseur de l'un ou l'autre des points de vue ou conclusions énoncés dans le rapport.
Ce n'est en tout cas pas mon style à moi. Je n'ai pas joué ce rôle non plus, lorsque je faisais des études pour le gouvernement de l'Ontario. Mon rôle est de fournir les explications voulues et de répondre à toute question que l'on pourrait avoir sur la façon dont j'en suis venu à tirer telle ou telle conclusion. Je réponds aux questions qui se posent là où l'on brasse les idées, à la fois dans le monde politique et dans la population.
Vous avez certainement vos propres idées là-dessus. Et vous les exprimerez certainement.
M. Harper: Passons maintenant au service des messageries et à certaines des affirmations que vous avez faites dans le rapport. D'après ce que vous savez, à quel point la Société canadienne des postes dépend-elle financièrement de «Purolator Courier»? Vous semblez être convaincu que la Société puisse se retirer de Purolator Courier tout en maintenant sa viabilité financière. Si vous vous retirez du courrier publicitaire et de Purolator Courier en même temps que vous imposez un moratoire sur l'augmentation du prix des timbres, quel sera l'effet combiné de ces deux phénomènes?
M. Radwanski: Revenons un peu en arrière. Commençons par Purolator et par l'un des problèmes auxquels s'est heurtée l'enquête: jusqu'à maintenant, la Société canadienne des postes s'est toujours refusée à divulguer ce que l'on appelle des renseignements commerciaux délicats, à moins que l'information financière détaillée - obtenue d'ailleurs de peine et de misère - reste confidentielle et ne soit communiquée que sous une forme globale.
Les chiffres figurant dans le rapport expliquant les conséquences financières d'un retrait complet de toute concurrence sont très clairs. Mais je ne serais pas en mesure de décrire dans une tribune publique les conséquences ou le manque à gagner d'un retrait de Purolator Courier, par exemple, puisque la Société canadienne des postes est d'avis que cela reviendrait à divulguer de l'information concurrentielle sur les revenus de Purolator.
Qu'il suffise de préciser que si la Société devait se retirer de toute concurrence, comme je le juge essentiel de le faire, il faudrait compenser pour ce manque à gagner dans ses recettes.
L'examen proposait comme mesure pour y arriver, notamment, une augmentation de 5 cents le timbre, puisque nous avons le deuxième tarif postal le plus faible au monde et que nos normes pour le service postal sont beaucoup moins rigides et rigoureuses que celles en vigueur dans des pays à géographie comparable tels que les États-Unis et l'Australie; autrement dit, pour 5 cents de plus par lettre, les Canadiens se doteraient d'un service amélioré.
Le rapport recommande également de resserrer les normes de livraison et de raccourcir le délai d'un jour. On aurait ainsi moins souvent recours aux options plus coûteuses, telles que le service de messagerie, s'il était possible de faire livrer une lettre dans la même ville le lendemain plutôt que dans les deux jours. Cela pourrait représenter une épargne nette pour nombre d'utilisateurs de la poste.
De plus, en ce qui concerne l'amélioration du service rural, l'examen concluait que le coût de l'amélioration serait très raisonnable. La recherche indépendante que nous avions commandée auprès de Decima Research a permis de constater qu'une grande majorité de Canadiens jugeaient raisonnable une augmentation de 5 cents le courrier, surtout si elle était prometteuse d'un service amélioré.
Du côté des messageries, la recommandation portant que le secteur des messageries devrait affranchir tout envoi d'un timbre postal de 45 cents aujourd'hui puis de 50 cents advenant que les autres recommandations soient adoptées, me semble un compromis, voire une contribution équitable de la part d'une industrie qui serait soulagée de voir la Société canadienne des postes abandonner un secteur où elle lui fait une vive concurrence et lui cause un grave préjudice.
Pour revenir à l'éditorial du Globe and Mail et à la mention trouvée dans l'éditorial du Toronto Star, il est important de signaler qu'il ne s'agit aucunement d'une taxe ciblée. Je n'ai jamais recommandé de taxe ciblée, et je ne le ferai jamais, et il n'est recommandé nulle part que ce soit la population qui en fasse les frais.
Le rapport recommande d'abord que l'affranchissement soit absorbé par les messageries, et je répète qu'il ne s'agit aucunement d'une taxe, ciblée ou pas. Il s'agit uniquement d'élargir le privilège d'exclusivité qui s'applique déjà.
Les messageries fonctionnent en vertu d'une exception au privilège d'exclusivité, et cette recommandation établirait simplement que le privilège d'exclusivité s'applique aux envois de messagerie également et qu'il est respecté par l'affranchissement d'un timbre, de façon à protéger l'assiette de recettes de la Société canadienne des postes, dans la mesure où celle-ci n'est pas implantée elle-même dans ce secteur.
Le président: Merci, monsieur Harper.
Monsieur Harvard, vous avez dix minutes.
M. Harvard (Winnipeg - St. James): Merci, monsieur le président. Monsieur Radwanski, bienvenue au comité.
M. Radwanski: Merci.
M. Harvard: J'ai une question au sujet de la recommandation que vous avez faite d'indemniser la Société si elle se retire du secteur des messageries. L'indemnisation devrait-elle être versée à court terme? Je ne vois pas comment on pourrait justifier de maintenir sur 10 ou 20 ans une indemnisation de ce genre, car cela n'aurait plus aucun sens, à mon avis. S'agissait-il d'une suggestion pour le court terme?
M. Radwanski: C'est en tout cas pour l'immédiat. Il y aurait évidemment une période transitoire au cours de laquelle il faudrait compenser le manque à gagner dans les recettes qui en résulterait et au cours de laquelle il faudrait investir dans l'amélioration du service.
Quant au reste, il faudrait laisser venir les choses. Il faudrait voir comment les événements se déroulent sur une année, ou deux ans, par exemple. Je suis sûr que le secteur des messageries finirait par se présenter au gouvernement pour expliquer que la Société est tout à fait rentable et qu'elle n'a plus aucunement besoin d'être indemnisée; le gouvernement pourrait alors tirer ses propres conclusions.
Nous ne recommandons pas de l'indemniser à perpétuité, mais cela me semble essentiel et équitable de le faire à court terme. Le rapport explique qu'il faut, dans la mesure du possible, tenir compte des doléances légitimes de chacun, mais qu'il faut également s'attendre à ce que chacun fasse aussi sa part. Voilà l'esprit dans lequel cette recommandation a été présentée.
M. Harvard: Vous parlez dans les recommandations 3 et 4 de votre rapport du privilège exclusif accordé à la Société canadienne des postes. Vous dites même, à la recommandation 4, que la société devrait «défendre avec la dernière vigueur son privilège exclusif par les recours juridiques dont elle dispose à cet égard». Pourquoi avez-vous cru utile d'être si direct et explicite?
M. Radwanski: Parce que pendant la période d'examen du mandat de la Société, à plusieurs reprises des municipalités ont décidé d'enfreindre unilatéralement, si je peux m'exprimer ainsi, le privilège exclusif de la Société, et ont essayé de prendre leurs propres dispositions à l'égard de la livraison de factures ou d'autres documents. À ma surprise, la Société canadienne des postes essayait de négocier des ententes avec ces municipalités plutôt que de faire valoir son privilège exclusif. Pour être honnête, comme je le signale d'ailleurs dans le rapport, ce privilège exclusif est le prix qu'il faut payer pour avoir un service des postes national cohérent.
M. Harvard: Ce système vaut donc la peine d'être défendu.
M. Radwanski: Certainement, et il s'agit d'avoir un système ou de ne pas en avoir du tout. Que la Société tourne autour du pot plutôt que de défendre ce privilège exclusif, pour quelque raison que ce soit, ne me semble pas du tout acceptable. La Société est un élément nécessaire au Canada et le privilège exclusif qui lui a été accordé devrait être sacro-saint.
M. Harvard: D'après vous, pourquoi les cadres de la Société canadienne des postes hésitent-ils à défendre ce privilège exclusif? À mon avis, c'est un moyen qui est à leur disposition.
M. Radwanski: Je ne crois pas qu'il soit pertinent ou même utile pour moi d'essayer de deviner ce que pensent les cadres de la Société canadienne des postes. Je m'en tiens à ce que j'ai dit.
M. Harvard: Très bien.
À la recommandation 5, vous rejetez la réglementation par un organisme tiers de la Société canadienne des postes. Je suppose que vous pensez au CRTC. Ai-je raison?
M. Radwanski: J'ai étudié toute une gamme de modèles et j'ai conclu que dans tous les cas ce n'était pas la meilleure façon de procéder. Pour être honnête, lorsqu'on a essayé par le passé d'opter pour la réglementation... Je pense au programme Marchment, par exemple, qui a été miné dans une large mesure par la Société même qui s'y opposait. Il suffit de penser à ce qui s'est passé aux États-Unis où l'option de la réglementation pour les services postaux n'est pas un très grand succès. D'autres organismes de réglementation, comme le CRTC, constate que pratiquement toutes les recommandations qu'ils formulent font l'objet de contestations auprès du conseil des ministres.
J'ai donc conclu que ça ne serait pas une solution utile.
M. Harvard: Pour ce qui est des services postaux ruraux, vous dites qu'il y a eu une détérioration de la qualité du service offert dans les régions rurales et vous dites qu'il devrait y avoir une amélioration du service. À quoi pensiez-vous exactement? Pouvez-vous me donner un exemple d'une détérioration du service et un autre de la façon de l'améliorer.
M. Radwanski: Je dois signaler que dans le cadre de notre examen, nous avons tout fait pour assurer la plus grande participation possible des régions rurales comme des centres urbains. Nous avons donc organisé des séances publiques dans les petites municipalités, nous avons encouragé les gens à présenter des recommandations par écrit, et nous avons rencontré les groupes d'intérêts et organisé des sondages d'opinion publique. Les habitants des régions rurales s'inquiètent de la détérioration du service; et ils sont d'avis que les services offerts ne sont pas à la hauteur.
Par exemple, on s'inquiète des heures d'ouverture toujours plus limitées des bureaux de poste. Le gouvernement a imposé un moratoire au chapitre des fermetures de bureaux de poste, mais le service offert dans les bureaux de poste qui sont toujours ouverts... Tout au moins les habitants de ces régions rurales ont l'impression que les heures de service sont plus courtes qu'auparavant et qu'il y a moins d'employés.
Qui plus est - et ça c'est une anomalie qui saute aux yeux - , il n'y a pas du tout de normes de service dans les régions rurales. La norme de service, d'après les responsables de l'examen, n'est déjà pas assez stricte dans les villes, où on prévoit un délai de livraison de deux jours dans la même ville alors qu'il s'agit d'une journée pour le même service aux États-Unis et en Australie, et un délai de trois jours entre deux villes alors qu'il s'agit d'un délai de deux jours dans ces autres pays, les conditions géographiques étant égales. Cependant, dans les régions rurales, il n'y a pas du tout de normes de livraison.
M. Harvard: Rien. Absolument rien.
M. Radwanski: Vous recevez votre courrier quand vous le recevez. La Société n'a même pas établi d'objectifs quant à la rapidité du service dans les régions rurales.
On parle pourtant d'un service universel et national, offert à un prix uniforme, mais pour le même montant tout le monde ne reçoit pas le même service. Nous avons conclu qu'il faut absolument améliorer, et ce de façon marquée, le service rural et en fait l'ensemble du service. Le rôle de la Société canadienne des postes, tout compte fait, est d'offrir le meilleur service possible à tous les Canadiens. Il s'agit d'un des éléments fondamentaux qu'il faut réaffirmer lors de l'examen du mandat de la Société.
M. Harvard: Vous dites qu'il n'y a pas de normes de service dans les régions rurales, mais n'existe-t-il pas ce qu'on pourrait appeler une «culture» au sein de la Société, qui encouragerait tous ceux qui travaillent pour la Société à assurer la livraison du courrier le plus rapidement possible?
M. Radwanski: Il ne s'agit certainement pas de la culture que nous avons discernée, selon laquelle - et comme je l'ai dit tout cela est faussé par l'importance que la Société accorde à la concurrence - il existe des hiérarchies d'importance. Par exemple, pour la livraison du courrier, ce sont les clients les plus lucratifs qui reçoivent la priorité. Il s'agit des grandes sociétés parce qu'elles représentent une plus grande partie des recettes de la Société. Et en fonction de cet ordre d'importance, les activités concurrentielles, même les envois publicitaires non adressés, par exemple, sont jugées plus importantes que les services de base comme la livraison des journaux communautaires.
Donc cette culture, comme je l'ai signalé dans le rapport, est faussée parce que la Société essaie d'être un service public essentiel, ce qui est le mandat fondamental de la Société canadienne des postes, et une entreprise commerciale concurrentielle.
M. Harvard: Pour ce qui est des envois publicitaires, le gouvernement a déjà accepté de ne plus s'occuper des envois publicitaires généraux. Il faut se demander maintenant quelle sera sa décision à l'égard de ce qu'on appelle les envois publicitaires d'intérêt public.
La réaction des syndicats et des travailleurs, ceux qui s'occupent de ce service, est évidemment plutôt négative. Certains travailleurs semblent supposer que si la Société canadienne des postes cesse d'offrir ce service, ce dernier disparaîtra ou que tout au moins des emplois disparaîtront.
Est-ce vrai? Si ce service est un service important, suffisamment important pour qu'on paie pour l'obtenir, si la Société canadienne des postes n'offre pas ce service, ne serait-il pas normal qu'on confie la tâche au secteur privé? Les emplois ne passeraient-ils pas à ce moment-là dans le secteur privé? Y a-t-il d'autres éléments qui entrent en ligne de compte?
M. Radwanski: On s'attend à ce que cela se produise. Je suis convaincu qu'il continuera d'y avoir un service de livraison des envois publicitaires dans pratiquement tous les marchés. La tâche sera peut-être confiée aux journaux communautaires, qui ont en fait été les grandes victimes de la décision de la Société canadienne des postes de se servir de son accès universel pour livrer les envois publicitaires. Cela représente bien sûr d'autres avantages au niveau des emplois et permettrait peut-être d'éviter dans certains cas la fermeture d'un journal. C'est une équation qui est compliquée.
Il importe également de noter que ces emplois dans le secteur de la livraison des envois publicitaires sont souvent des emplois à temps partiel mal rémunérés. Même s'il est normal que les syndicats des employés de la Société canadienne des postes cherchent à maximiser l'emploi chez leurs membres, la raison d'être fondamentale de la Société canadienne des postes est d'offrir des services postaux, et non pas d'être un mécanisme de création d'emplois qui ne tiendrait aucunement compte des impacts de ses décisions. Si en s'occupant de la livraison des envois publicitaires la Société canadienne des postes crée des emplois mais prive d'autres Canadiens des mêmes emplois, ou force des entreprises à fermer leurs portes - des journaux communautaires, par exemple, ou d'autres entreprises - , cela veut dire que le gouvernement du Canada, par l'entremise d'une de ses sociétés, livre concurrence non seulement de façon agressive mais parfois de façon déloyale. À mon avis et de l'avis des membres de la commission d'examen, c'est un problème auquel il faut remédier. La Société canadienne des postes est, dans toutes les régions du pays, un représentant du gouvernement du Canada, et elle doit être un représentant bienveillant.
Le président: Merci, monsieur Harvard.
Nous passons aux tours de cinq minutes.
Monsieur Lefebvre, je vous en prie.
[Français]
M. Lefebvre (Champlain): Monsieur Radwanski, je suis heureux de vous entendre aujourd'hui. J'ai présenté à Montréal un mémoire qui touchait principalement l'aspect du milieu rural.
J'éprouve certaines craintes à l'endroit de votre recommandation 18, où vous parlez de prolongement indéfini du moratoire. Je crains qu'au lendemain d'une élection, le gouvernement ne modifie quelque peu votre recommandation, allant à l'encontre du maintien des bureaux de poste en milieu rural. Pourriez-vous préciser en quoi consiste ce moratoire indéfini que vous proposez?
Nous avons aussi discuté de l'article 19 et des services qui, à l'heure actuelle, se dégradent. Je viens du milieu rural, où les heures d'ouverture des bureaux de poste sont plus restreintes. Le courrier y est souvent en retard. Je pense qu'on assiste à l'heure actuelle à une dégradation du service à la clientèle en milieu rural.
[Traduction]
M. Radwanski: Je suis d'accord avec vous. D'après le rapport, il faut rendre permanent le moratoire de la fermeture des bureaux de poste ruraux, sous réserve, bien sûr, des aléas de la demande dans cinq ou dans dix ans. Il ne s'agit donc pas d'une décision définitive, à perpétuité, mais plutôt d'une décision pour une période indéterminée, et cela, pour les raisons que j'ai données dans le rapport. Le service postal est particulièrement vital dans les régions rurales et il importe de le conserver. De la même façon, et c'est une chose que vous devez comprendre, Postes Canada représente le gouvernement national dans tout le pays, et cela d'une façon vitale, et pour cette raison, c'est une présence importante dans toutes les communautés.
Par conséquent, effectivement, je suis d'accord, je trouve que les bureaux de poste ruraux doivent rester ouverts. Si les gens qui lisent ce rapport, dont votre parti, approuvent ces recommandations, si tous les partis sont en faveur de ces recommandations, je suis certain que cela rendrait la tâche du gouvernement beaucoup plus facile.
En ce qui concerne les services actifs, effectivement, il faudrait améliorer ces services et, pour les régions rurales, les services postaux sont particulièrement importants.
Je ne sais pas ce que je peux ajouter, mais je crois que vos préoccupations et celles de votre parti en ce qui concerne les régions rurales ont été entendues dans tout le pays. C'est à peu près tout ce que je peux dire sur cette question.
[Français]
M. Fillion: Je continuerai à parler du milieu rural, même si j'aurais bien aimé revenir sur mes premières questions.
Vous avez certainement dû recevoir les opinions de conseillers pour en arriver à votre recommandation 9. J'en fais une évaluation très rapide. En cédant ce service de la Société canadienne des postes à l'entreprise privée, les coûts tripleraient ou équivaudraient à 300 p. 100 des coûts actuels. Êtes-vous d'accord que si on adoptait cette recommandation et délaissait ce secteur, les coûts augmenteraient pour les utilisateurs des régions rurales?
[Traduction]
M. Radwanski: Si vous voulez dire que les tarifs de Postes Canada pour les envois publicitaires non adressés, des tarifs qui sont inférieurs aux tarifs du marché, et que personne d'autre ne pourrait se permettre d'offrir, si vous voulez dire que ces tarifs sont une concurrence déloyale pour le secteur privé et pour d'autres types de publicité, comme les journaux communautaires, je suis d'accord avec vous.
[Français]
M. Fillion: Monsieur le président, ma question est toute simple.
[Traduction]
Le président: Vous avez eu cinq minutes, et votre tour est pratiquement terminé. Je dois donner la parole au Parti réformiste, après quoi nous reviendrons à la majorité. Vous pourrez parler au tour suivant.
Monsieur Harper.
M. Harper: Aux recommandations 14 et 15 de votre rapport, vous suggérez au gouvernement de donner des instructions à Postes Canada en ce qui concerne les coûts de la main-d'oeuvre. Vous pensez que ces coûts, qui sont déterminés dans le cadre de conventions collectives, devraient s'aligner plus étroitement sur les réalités du marché du travail. Pour 1997, vous suggérez une bonne mesure de bonne foi pour négocier les contrats. Si cela échoue, vous pensez que des mesures pourraient être prises pour apporter les ajustements nécessaires.
À propos de la recommandation 15, comment envisagez-vous l'intervention du gouvernement ou de Postes Canada? Quelles mesures peuvent être prises pour convaincre le syndicat d'apporter les changements nécessaires?
M. Radwanski: Je le répète, je ferais mieux de ne pas trop m'aventurer dans cette voie, et je préfère me contenter d'identifier les besoins sans faire preuve d'un esprit de provocation inutile en cette période de pré-négociations. Ce n'est pas à moi d'aborder cette question trop en détails.
Il est certain qu'en cas d'interruption des services postaux, le gouvernement dispose de mécanismes et peut adopter une loi pour forcer la reprise des services. Le gouvernement dispose de plusieurs moyens, et il peut choisir, entre autres, d'imposer les termes d'un règlement au lieu de s'en remettre à l'arbitrage ou à un autre mécanisme.
Je n'ai certainement pas à dire au gouvernement qu'il dispose de cette option. Il me suffit de dire que le régime de rémunération a besoin d'être repensé, en particulier en ce qui concerne la rémunération des périodes non travaillées et un certain manque de flexibilité dans le système, parce que tout cela n'a plus aucun rapport avec les réalités auxquelles se heurtent pratiquement tous les autres Canadiens qui travaillent.
La meilleure méthode, c'est le processus des négociations collectives. Si cette méthode échouait, évidemment, lorsqu'il y va de l'intérêt public, le gouvernement ne peut pas faire preuve de faiblesse.
M. Harper: À plusieurs reprises, vous avez dit que vous étiez satisfait des réactions face à votre rapport. J'imagine que cela ne comprend pas l'éditorial qui a paru dans le Globe and Mail et auquel vous avez fait allusion également.
Je vais vous lire un passage de cet éditorial qui se termine par une question, une question à laquelle j'aimerais que vous répondiez. Je cite:
- On peut justifier le statu quo à Postes Canada de deux façons; pour commencer, il y a la notion
que les habitants des régions rurales ou isolées ont une sorte de droit à des communications
subventionnées. Mais quel autre exemple y a-t-il d'une telle chose, à part le courrier de
première classe? Le prix d'un billet d'avion est calculé d'après les coûts: les vols
Montréal-Toronto coûtent moins cher et sont plus fréquents que les vols
Montréal-Yellowknife. Personne ne considère que c'est un problème.
- Personne ne s'oppose non plus au fait que les tarifs téléphoniques sont moins cher entre
Montréal et Toronto qu'entre, par exemple, Halifax et le Grand Nord. Cela dépend du mode de
transmission et cela se justifie sur le plan économique. L'uniformité du tarif postal a beau être
une pratique de longue date, c'est également une anomalie: si cela n'existait pas, faudrait-il
adopter une loi pour l'inventer?
Voilà la question.
M. Radwanski: À dire vrai, c'est probablement ce que je ferais. Mais permettez-moi de revenir en arrière.
Ce genre d'analyses - comme celle du Globe and Mail - ne me plaie pas beaucoup. Le problème, lorsque des gens aux tendances conservatrices ou droitistes se penchent sur ces questions, c'est qu'ils analysent trop souvent ce genre de problèmes sans démontrer que la solution qu'ils prônent sera une bonne chose pour les citoyens ordinaires. En tout cas, je ne vois aucune précision sur les avantages que cela aurait pour les Canadiens ordinaires dans l'éditorial du Globe ou dans des articles comparables.
À mon avis, et c'est particulièrement vrai des régions rurales, d'autres changements dans le cadre de la réglementation des chemins de fer, des transports aériens, etc., ont porté un dur coup aux Canadiens. C'est une façon de penser qui suscite un grand enthousiasme parmi certains, dont les auteurs du Globe and Mail.
À mon avis, il est important de vivre ensemble dans un pays et de prendre des mesures qui témoignent d'une volonté générale de surmonter les inconvénients de la géographie, et cela est particulièrement vrai dans un pays aussi vaste que le Canada. Pour les gens des régions rurales, le courrier est une manifestation vitale, surtout quand on considère l'augmentation du coût des transports, du coût des télécommunications dans les régions éloignées. Et cela nous ramène à cette merveilleuse déréglementation dont le Globe and Mail est si satisfait.
Le moins que nous puissions faire au Canada, c'est de décider que les gens auront le même service postal de base au même prix, quel que soit l'endroit où ils habitent. Quel que soit l'endroit où vous vivez, vous aurez droit à des services d'une qualité équivalente. Cela nous ramène à la question de savoir pourquoi nous sommes un pays, pourquoi notre société reste solidaire. Ma réponse est d'élaborer ensemble des services dont nous avons tous besoin.
Si j'avais le choix, effectivement, je recommanderais une telle mesure si elle n'existait pas. Je recommanderais probablement beaucoup d'autres choses que les gens qui pensent comme les auteurs de l'article du Globe and Mail jugeraient inutiles. À mon avis, c'est particulièrement important pour le tissu même de cette nation et pour la société que nous recherchons tous.
Le président: Merci, monsieur Harper.
Monsieur Bellemare, vous avez cinq minutes.
[Français]
M. Bellemare (Carleton - Gloucester): Monsieur Radwanski, je voudrais vous féliciter pour une étude qui est à la fois approfondie et bien pensée.
M. Radwanski: Merci.
M. Bellemare: L'objectif était d'améliorer les services postaux au Canada. Je crois que vous êtes dans la bonne direction.
[Traduction]
J'aimerais parler de vos conclusions. Dans la première, par exemple, vous dites que la Société des postes n'est pas exposée à un danger financier immédiat. Le choix du mot «immédiat» me fait réfléchir. Vous dites ensuite que la politique actuelle représente un danger pour la viabilité financière à long terme de Postes Canada. Vous tirez une sonnette d'alarme. Vous nous dites qu'à long terme la politique actuelle de Postes Canada représente un danger sur le plan financier.
Si l'on va plus loin, et si l'on considère que dans votre rapport vous recommandez un retrait de tous les services commerciaux, comment la Société des postes va-t-elle récupérer ce manque à gagner et assumer ses responsabilités financières?
M. Radwanski: Je vous remercie pour vos questions.
À la première question, je réponds que oui, évidemment, cela représente des risques à long terme que j'expose en détail dans le rapport. Le fait est qu'ils ont perdu de l'argent pratiquement tous les ans. Ces pertes ont été considérables. Rien de ce que nous avons vu au cours de notre examen ne nous a permis de conclure que la démarche actuelle produirait de meilleurs résultats à l'avenir. En effet, c'est une démarche qui ne permet pas de constituer des réserves financières et par conséquent, on a autant de chances de voir des pertes financières que des gains, etc. Ils pourraient finir par avoir d'énormes difficultés financières. Il y a donc un véritable danger sur le plan financier.
Quant au manque à gagner, comme vous le savez, tout un chapitre du rapport est consacré à cette question, et je vous réfère à la page 111 où un tableau explique les revenus supplémentaires possibles dans l'éventualité où les activités concurrentielles cesseraient. Il y a également les revenus supplémentaires possibles si on augmentait les tarifs de 5 cents, et aussi l'incidence des messageries, même en faisant abstraction des revenus supplémentaires dus à des changements de la convention collective et tirés d'une taxe sur les prospectus livrés par le secteur privé, si le gouvernement décidait d'adopter une telle mesure.
En fin de compte, en mettant fin aux activités concurrentielles, en concentrant les efforts sur les services postaux fondamentaux, mais en prenant en même temps ces mesures pour consolider la base de revenus, on supprimerait les anomalies actuelles de ce monopole du secteur public non réglementé qui livre souvent une concurrence vigoureuse, agressive et injuste au secteur privé. De plus, on assoirait la stabilité financière de la Société et les bénéfices pourraient être réinvestis pour améliorer les services. En fait, c'est une analyse que l'on voit très souvent dans le secteur privé de nos jours. Une entreprise à tout avantage à concentrer ses efforts sur ses secteurs d'excellence et à se débarrasser de la mentalité de conglomérat qui consiste à faire un peu de tout et à investir beaucoup de ressources et d'efforts dans des entreprises qui n'en valent pas la peine.
M. Bellemare: Je trouve que votre idée de porter le prix des timbres de 45 à 50 cents est un peu trop facile. D'autre part, cela ne me semble pas justifié dans la réalité économique actuelle. Ce qui m'ennuie, c'est que même si la Société des postes obtenait cette augmentation de 5 cents, ça n'empêcherait pas l'existence d'un phénomène dont n'importe quel enfant pourrait vous parler, et je pense à la technologie. À notre époque de courrier électronique, le courrier traditionnel est devenu le courrier escargot. Les gens peuvent correspondre d'une façon instantanée avec leur ordinateur et tous les enfants, à l'école secondaire, et même à l'école primaire, utilisent des ordinateurs et, très souvent, sont branchés sur Internet.
Quand on y réfléchit un instant, il semble qu'on assiste à un effritement du système postal traditionnel. Les gens payent leurs factures par l'entremise des banques, cela se fait automatiquement. Tout ce qui est financier peut être fait à
[Français]
un guichet quelconque à la banque même ou à l'extérieur,
[Traduction]
ou encore, vous pouvez prendre des dispositions pour que votre compte bancaire personnel soit débité. C'est un secteur de la Société des postes qui est en train de s'effriter, qui va disparaître.
Il y a également la grand-mère qui écrit une lettre à ses petits-enfants. Ça aussi, c'est de plus en plus dépassé. Il suffit de regarder la télévision pour savoir que Bell est en train de convaincre grand-maman de téléphoner, et elle peut même le faire tous les soirs pour moins de 10 cents. Les concurrents de Bell parlent même de 9 cents et même de 8 cents, et les offres n'arrêtent pas. Viendra un jour où très peu de gens expédieront une lettre de la façon traditionnelle.
Face à cette érosion, quel est l'avenir de la Société des postes et comment peut-elle survivre financièrement? Que va-t-elle devenir dans 25 ans, ou même dans cinq ans? Vous m'inquiétez quand vous dites qu'on ne constitue pas de réserve en cas de...
M. Radwanski: Je ne sais pas combien de temps il me reste pour vous répondre.
Le président: Très peu de temps, en fait. Veuillez donc répondre de façon succincte, étant donné qu'il y a toute une liste de gens que nous aimerions entendre aussi. Nous pourrons certainement y revenir, j'en suis certain.
M. Radwanski: Je vais tâcher d'être aussi bref que possible. D'abord, le fait est que malgré l'apparente diminution de la poste-lettres dont vous faites mention, il se trouve que - et nous avons eu l'occasion pendant neuf mois de nous pencher sur cette question et d'y réfléchir - les volumes de la poste-lettres ne diminuent pas. Ils se maintiennent et augmentent peut-être légèrement, mais ne diminuent pas. Nous n'avons pas constaté de déclin réel.
Pour l'instant, la poste-lettres coexiste avec les autres nouveaux modes de communication, et il se pourrait même que les uns et les autres se renforcent mutuellement. Première chose.
Deuxièmement, d'après les meilleures recherches et les meilleurs services de consultation que j'ai pu obtenir, tant au Canada qu'aux États-Unis, pour les cinq à dix prochaines années au moins la poste-lettres demeurera très importante et constituera un élément vital des divers modes de communication. Au-delà de cet horizon, qui sait ce qu'il adviendra? Mais c'est l'horizon de ce rapport, de toute façon.
Troisièmement, très brièvement, les auteurs du rapport établissent bien clairement que l'envoi de lettres est en déclin. Si tel n'est pas le cas, il devient alors important de s'efforcer d'assurer l'excellence de la livraison postale. Honnêtement, de nos jours, il n'y a pas grand-chose qu'on puisse obtenir pour 50 cents, et encore moins pour 45 cents. Il ne me semble donc pas que ce soit une augmentation déraisonnable. Si c'est une industrie en déclin, il ne s'agit pas de l'étaler dans d'autres pans de l'économie pour se livrer à des activités qui ne répondent pas à un besoin du point de vue de la politique publique.
Si la Société s'en tient au service qui répond à un besoin du point de vue de la politique publique et que ce besoin s'atténue, le rôle du bureau de postes s'effacera aussi. Nous n'avons pas besoin de lui inventer un rôle autre que celui de maintenir cette présence physique et peut-être de s'en servir comme point de contact, par exemple. D'une façon ou d'une autre, je pense que la logique du rapport s'impose d'elle-même.
[Français]
M. Fillion: Qu'est-ce qui vous a amené à formuler la recommandation 28, qui semble démontrer qu'à l'insu du grand public, le conseil d'administration de la Société canadienne des postes est composé de toutes sortes de gens?
[Traduction]
M. Radwanski: Je pense qu'on peut dire qu'après avoir interrogé des membres du conseil d'administration, ce que moi-même et des membres de l'équipe d'examen avons fait, nous avons constaté entre autres choses qu'ils estimaient vraiment ne pas jouer le rôle normalement confié à un conseil d'administration. Ils ont eu les plus grandes difficultés à obtenir de l'information. Les cadres supérieurs de la Société ne leur reconnaissaient pas le rôle que remplit normalement un conseil d'administration en représentant l'actionnaire, le gouvernement du Canada.
Selon cette recommandation, il est essentiel que ce poste soit occupé par quelqu'un ayant le savoir-faire voulu, bien sûr, et il est essentiel que la Société comprenne que le conseil d'administration, au nom de l'actionnaire, le gouvernement du Canada, n'a pas qu'un rôle décoratif ou d'approbation mais un rôle tout à fait crucial. Pour cela, comme en ce qui a trait à de nombreuses choses qui concernent la Société, il faudra modifier les attitudes en profondeur.
[Français]
M. Fillion: Je vous remercie de cette réponse qui a été très claire, contrairement à celle que j'ai obtenue quant à la recommandation 9 sur laquelle je reviens. Ma question est pourtant simple. Est-ce que la recommandation numéro 9 nous permet de conclure que le service qu'obtiendront les gens du milieu rural sera plus dispendieux pour eux? Avez-vous fait ce constat?
M. Radwanski: Le service...
M. Fillion: Je ne veux pas savoir si la Société est en conflit d'intérêts ou si elle reçoit des subventions. Si, comme la ministre l'a annoncé, on mettait en oeuvre cette recommandation, est-ce que selon vous il en coûterait plus cher aux gens qui habitent en milieu rural pour obtenir ce courrier?
[Traduction]
M. Radwanski: Il ne s'agit pas de courrier. D'abord, soyons bien clairs. Nous ne parlons pas de courrier. Nous parlons d'envois publicitaires. Il y a différents moyens de les livrer. Cela pourrait se faire par le recours au secteur privé. Si le prix est raisonnable et tient compte des coûts et d'une marge de profit raisonnable, le secteur privé pourra assurer ce service pour un prix comparable.
Si en fait ce service ne peut être fourni que par le recours par la Société à des pratiques concurrentielles déloyales, en fait pas l'interfinancement, ce qui mine les journaux communautaires - au Québec, et ailleurs, nous avons entendu des critiques véhémentes de la part de représentants de journaux communautaires à ce sujet - alors, bien sûr, le prix qu'aura à payer la Société pour cette pratique déloyale sera bien plus lourd de conséquences que le fait pour un publicitaire d'avoir à payer quelques cents de plus.
[Français]
M. Fillion: Comme dernière question, je vous demande si vous considérez toujours que vos 31 recommandations demeurent un tout organique et que si on divise ce tout, les résultats seront différents et moindres.
[Traduction]
M. Radwanski: Je ne peux que répéter ce que j'ai déjà dit dans le rapport, soit que quand on a une vision organique d'un ensemble de changements, on a de meilleures chances d'obtenir les résultats recommandés si toutes les mesures sont mises en application. On ne peut pas faire beaucoup plus en ce sens que... cela dépend, il y a peut-être une, deux, trois ou quatre recommandations qui sont secondaires, alors que les autres pourraient s'avérer tout à fait essentielles.
Le monde étant ce qu'il est, je ne peux que vous répéter ce que j'ai déjà dit. Si l'on estime important de mettre en application les 31 recommandations, je suis sûr que vous et votre parti et tous les autres participants le feraient savoir, et s'il y avait une entente de tous les partis, ou encore une entente du côté de l'opposition, la vie politique étant ce qu'elle est, il serait certainement beaucoup plus aisé pour le gouvernement de mettre en application un rapport de ce genre. À vous d'en juger.
Le président: Merci, monsieur Fillion.
Monsieur Harper.
M. Harper: Je ne suis pas sûr, monsieur le président, d'avoir vraiment d'autres questions à poser. Le témoin a dit ne pas comprendre qu'on mise sur la loi du marché ou qu'on recoure à des solutions conservatrices pour régler des problèmes économiques.
M. Radwanski: Non, permettez-moi d'apporter une précision. Je le comprends, mais je ne l'approuve pas nécessairement.
M. Harper: Je n'en suis pas sûr, mais je dirais de façon générale - et M. Gilmour aura peut-être quelque chose à rajouter là-dessus - qu'il est bien possible que si l'on traite la Société comme une industrie en déclin, comme le laissent entendre les auteurs du rapport, le mieux qu'on puisse faire c'est d'essayer d'en limiter les coûts pendant le déclin, ce qui vaudra peut-être mieux que de concurrencer à moitié dans le domaine des services interfinancés.
Le président: Merci, monsieur Harper.
Monsieur Bryden.
M. Bryden (Hamilton - Wentworth): Merci, monsieur le président.
Monsieur Radwanski, à mon avis, et je présume que c'est aussi ce que vous pensez, quand il est question de messageries et d'envois publicitaires de première classe, le gouvernement veut examiner l'impact financier de la suppression de ces deux activités. Est-ce ce que vous comprenez aussi?
M. Radwanski: C'est ce que je comprends. C'est en fait ce que le ministre a dit publiquement.
M. Bryden: Dans votre rapport vous dites que «la Société... ne s'est pas encore dotée de systèmes comptables qui lui permettent de déterminer avec un degré de précision satisfaisant les coûts et les revenus réels de chacun de ses produits... et vous ajoutez que la Société... se fonde sur des procédés de comptabilité analytique qui ne sont ni publics, ni transparents, ni fiables et qui, de toute façon, ne peuvent inspirer confiance.»
Si la ministre doit décider si elle va aller de l'avant ou si elle va analyser l'impact financier sur les envois publicitaires de première classe... et les services de messageries, comment peut-elle se fonder sur les données dont dispose la Société, puisque vous dites qu'elles ne sont pas fiables?
M. Radwanski: C'est une question qu'on pourrait certainement poser à la ministre. Je ne peux pas répondre en son nom. Je peux toutefois vous dire que, compte tenu des informations que nous avons pu obtenir et de l'analyse globale que nous en avons faite - et je compte dans mon équipe d'éminents spécialistes, notamment un vérificateur principal du ministère du Vérificateur général, de même qu'un enquêteur principal du Bureau de la concurrence - et je suis convaincu que notre analyse portant sur les chiffres fournis, dans la mesure où il est possible de tirer des conclusions à partir de données aussi vastes, et non pas aussi spécifiques qu'on le souhaiterait, est fiable et résistera à tout examen. Si une autre équipe de spécialistes obtenait les mêmes données, en supposant que l'objectif ne change pas et qu'on leur fournisse les mêmes chiffres, je pense qu'ils en arriveraient aux mêmes conclusions.
Pourraient-ils faire mieux? Je ne sais pas. Il est clair que la ministre et le gouvernement estiment qu'il y a intérêt tout au moins à revoir nos montants, je suppose, pour s'assurer que nous tirons les bonnes conclusions des données obtenues. Je n'ai certainement aucune hésitation à soumettre mon travail ou mes conclusions à une vérification.
M. Bryden: Ce n'est pas votre examen qui m'inquiète. Vous avez conclu que les données n'étaient pas fiables. Cela m'amène à me demander si la ministre devra prendre une décision à l'égard des services de messageries et des envois publicitaires de première classe en s'inspirant de données qui ne sont pas fiables. En d'autres termes, il s'agira là d'une décision subjective.
M. Radwanski: Je dis que les données ne sont pas fiables dans la mesure où il est très difficile, par exemple, de répondre à des questions très détaillées sur l'interfinancement ou sur les revenus provenant d'une activité ou d'une autre. Dans un certain sens ces données sont fiables. Quand j'ai présenté mes conclusions, je me suis appuyé sur les données dont je disposais. Je n'ai pas fait cela à l'aveuglette.
Ces données ne sont pas fiables parce que vous ne pourriez pas dire à un journal communautaire ou un service de messageries, voici ce qui se produit, voici les coûts. Vous ne pouvez pas dire voici les revenus pour une activité particulière en raison de la façon dont les livres sont tenus et de la façon dont la Société regroupe diverses activités. Mais je ne dirais certainement pas que nos conclusions sont fondées sur des données qui ne sont pas fiables. Je crois que les données directionnelles sont suffisamment claires et cela m'a satisfait.
M. Bryden: J'ai le tour d'interpréter des états financiers. Pourquoi ne puis-je pas retrouver ces renseignements? Dois-je comprendre qu'ils ne sont pas là?
M. Radwanski: C'est exact. La Société canadienne des postes soutient depuis longtemps que puisqu'elle se livre à des activités concurrentielles, des renseignements de ce genre sont fort sensibles. À mon avis et de l'avis de ceux qui ont participé à cet examen, c'est une attitude absolument inacceptable compte tenu du fait que la Société est un organisme du gouvernement du Canada qui livre concurrence au secteur privé.
Si la seule façon d'assurer la transparence des activités d'un organisme du gouvernement du Canada est de le forcer à cesser ses activités concurrentielles qui l'amènent à fonctionner ainsi dans l'obscurité, qu'on le fasse.
M. Bryden: Monsieur le président, compte tenu de ce vient de dire M. Radwanski, puisque je suis actionnaire de la Société canadienne des postes et que je représente tous mes commettants, j'aimerais faire une motion si vous me le permettez, motion qui sera appuyée par M. Murray qui est à mes côtés. Je propose donc, monsieur le président, que le comité invite les hauts fonctionnaires de la Société canadienne des postes à comparaître devant lui pour lui communiquer à huis clos les détails financiers portant sur les coûts, les revenus et les profits des activités de services de messageries et de livraison d'envois publicitaires de première classe.
Le président: Cette motion peut faire l'objet d'une discussion. J'aimerais également signaler au député que lors d'une réunion précédente, et avant même qu'on en fasse la demande àM. Radwanski, on avait demandé aux représentants de la Société canadienne des postes de comparaître devant le comité pour présenter un suivi au témoignage de M. Radwanski. Le greffier en fera la recommandation.
Je ne m'oppose pas à la motion. Pas du tout. Après tout, le comité prévoit déjà dans son programme entendre les représentants de la Société. Merci.
M. Lefebvre puis M. Jackson.
[Français]
M. Lefebvre: Monsieur Radwanski, vous mentionniez plus tôt que les industries ou les commerces qui avaient des chances de réussite étaient celles qui se lançaient dans un produit assez spécifique.
Le président: Excusez-moi, monsieur Lefebvre.
[Traduction]
Je m'excuse, une motion a été présentée.
Monsieur Jackson, voulez-vous parler de la motion.
M. Jackson (Bruce - Grey): Monsieur le président, je ne veux pas démolir cette motion, mais si une entreprise est une société privée, mais je crois que ce n'est pas le cas de la Société canadienne des postes... C'est là le problème avec la Société. M. Radwanski a recommandé entre autres choses de choisir ce que la Société doit être. Elle ne peut pas être les deux. Vous ne pouvez pas faire partie à la fois du secteur privé et du secteur public et livrer concurrence de façon déloyale à ceux qui vendent des cartes postales ou peu importe. Je crois qu'il a bien indiqué sa position.
Nous n'avons eu aucun préavis de cette motion, et je me demande s'il est approprié pour la Société canadienne des postes de venir nous présenter ses états financiers, que ce soit en public ou en privé. Je n'accepte pas les réunions à huis clos. Les choses qui sont dites ne demeureront confidentielles que dans la mesure où les gens qui sont présents veulent bien garder la confidentialité.
Je préférerais qu'il s'agisse de séances publiques. J'aimerais reporter toute décision tant que je ne saurai pas s'il est approprié que la Société nous présente ses états financiers en public.
Le président: Monsieur Bellemare.
M. Bellemare: Je ne suis pas du tout d'accord avec mon collègue qui vient de prendre la parole. Je suis d'accord avec le parrain de la motion. Nous avons une responsabilité à l'égard des contribuables canadiens. Les organismes qui relèvent du gouvernement fédéral doivent rendre des comptes et être transparents, et je crois que l'auteur de la motion a parfaitement raison de dire que si ces renseignements peuvent être, disons, une source d'embarras ou si nous avons besoin de plus amples renseignements, il serait préférable d'avoir une réunion à huis clos.
Pour ce qui est de cette crainte qu'on a que des gens se précipiteraient après la réunion pour divulguer ces renseignements ou ces secrets, il faudrait qu'ils aient une mémoire absolument extraordinaire, parce que je suis convaincu - et c'est d'ailleurs un des avantages de cette réunion - que nous serons inondés de chiffres et de documents, au point d'en perdre le goût.
J'appuie donc la motion.
Le président: Vous appuyez la motion.
Monsieur Harper.
M. Harper: Monsieur le président, nous n'avons pas reçu beaucoup de réponses aujourd'hui, et c'est là un domaine sur lequel j'aimerais poser de plus amples questions; M. Radwanski a de bonnes raisons pour ne pas y répondre. Je crois que la motion présentée par M. Bryden est tout à fait appropriée. Cela nous permettrait d'obtenir ces renseignements. Je suis d'ailleurs d'accord avec celui qui nous a dit qu'il nous incombait en fait de voir de quoi il retourne.
Le président: Monsieur Fillion.
[Français]
M. Fillion: J'appuie également cette motion en autant qu'elle ne restreindra pas les sujets que nous aborderons relativement à l'argent de la Société canadienne des postes.
[Traduction]
La motion est adoptée
[Français]
Monsieur Lefebvre.
M. Lefebvre: Vous mentionniez plus tôt que les industries et les commerces qui avaient le plus de chances de réussite étaient ceux qui se concentraient sur un produit bien spécifique. Nous pourrions en discuter bien longtemps, mais je crois davantage dans une diversification des produits.
Dans le cas de la Société des postes, je suis catégoriquement contre la vente de Purolator. Ce serait pour moi l'équivalent de s'amputer un bras du corps. À l'heure actuelle, c'est un des éléments rentables de la Société canadienne des postes qu'il faut garder.
Doit-on vraiment se soucier de la compétitivité de la Société canadienne des postes avec l'entreprise privée, alors que cet élément est rentable et permet d'offrir des services à des coûts moindres?
[Traduction]
M. Radwanski: Oui, c'est un aspect très important parce que la Société canadienne des postes, que ce soit par l'entremise de Purolator ou d'autres activités commerciales, livre directement concurrence au secteur privé; ce n'est pas une concurrence loyale ou équilibrée.
La position qu'occupe la Société canadienne des postes sur le marché, soit ses économies d'échelle, certaines des perspectives d'interfinancement direct et tout particulièrement indirect ou même d'effet de levier dans certains secteurs, y compris celui de Purolator, le regroupement des expéditions et des choses du genre, lui donne un avantage dont ne jouit aucun intervenant du secteur privé. Je crois qu'il s'agit là d'un principe fondamental: le gouvernement ne devrait pas livrer concurrence de façon déloyale au secteur privé. C'est un aspect fondamental.
De plus, la question de la diversification est peut-être logique à certains égards pour les entreprises du secteur privé dans la mesure où la diversification est réussie. La Société canadienne des postes, comme nous l'avons signalé aujourd'hui et comme je l'ai déjà signalé dans mon rapport, a perdu de l'argent pendant beaucoup plus longtemps qu'elle n'a réalisé des profits en raison de cette politique de diversification. Cela n'a pas été une réussite. Ça c'est mon premier commentaire.
Deuxièmement, cette diversification est appropriée dans le secteur privé. Lorsque vous avez un organisme du secteur public qui exerce un monopole et qui échappe à la réglementation, il existe pour des raisons de politique publique, pour offrir certains services que le secteur privé ne peut ou ne veut offrir. Si les gens poussent les choses trop loin et disent oui mais cette entreprise est en droit de faire ce qu'elle veut pour faire des sous, il est très difficile de faire la part des choses.
Certains se sont plaints que la Société se mêlait de toutes sortes de choses, y compris la vente de cartes de souhaits, et on a dit qu'elle livrait concurrence aux petits magasins de quartier, par exemple. Si on reprenait la logique que j'ai mentionnée, il se pourrait qu'un jour la Société vende des voitures d'occasion simplement parce que c'est un secteur où on peut faire des sous. Il doit exister un cadre ou une structure qui dise qu'il s'agit là d'un rôle approprié pour un organisme du gouvernement; ce cadre doit être lié à ce que le secteur privé peut ou veut faire dans l'intérêt du public. Cet argument ne peut pas être invoqué en ce qui a trait à Purolator ou aux activités de messagerie de la Société canadienne des postes lorsque le secteur privé joue déjà un rôle dans ce domaine.
Permettez-moi une digression afin d'exprimer une réserve ou une remarque sur cette question d'inviter la Société à ouvrir ses livres. Si c'était aussi simple que de demander aux représentants de la Société de se présenter à une réunion, d'apporter leurs livres, pour que tout soit clair, très franchement, il aurait fallu beaucoup moins que neuf mois pour en faire l'examen.
Je tiens simplement à souligner qu'il a fallu neuf mois à un vérificateur principal du Bureau du vérificateur général et à un enquêteur principal du Bureau de la concurrence afin de comprendre les données, dans leur présentation actuelle, et tirer certaines conclusions. Je veux dire que les questions sont très complexes et sophistiquées et la présentation des données ne les rend pas nécessairement aussi transparentes qu'on pourrait le souhaiter. C'est une simple mise en garde.
Le président: Merci.
Monsieur Jackson.
M. Jackson: Monsieur le président, merci beaucoup. J'ai plusieurs remarques. Je serai bref, comme d'habitude. Je vais m'en tenir à la question et laisser tout le temps nécessaire à mes collègues.
Je veux qu'il soit noté que venant d'une circonscription rurale, je pense qu'il est important que la Société des postes y ait une présence et je tiens à féliciter la ministre de maintenir cette présence.
J'approuve entièrement la recommandation 7, que le gouvernement demande à la Société canadienne des postes de se retirer de toute concurrence faite à l'entreprise privée dans les domaines d'activité ne faisant pas partie de ses charges publiques de base en matière de services postaux. J'ai reçu de nombreuses plaintes des habitants de la circonscription de Bruce - Grey au sujet de la vente de cartes de souhaits, etc.
Je suis particulièrement d'accord pour dire que la Société des postes a des charges publiques et devrait donc se contenter de faire ses frais et devrait cesser de donner l'impression qu'elle fait partie du secteur privé et du secteur public.
Si on cherche le profit, on doit renoncer à être protégé. Si vous voulez être le champion poids lourds d'Ottawa, il vous faut faire face à tout venant. Vous ne pouvez pas simplement rester à Ottawa, sans vous lancer sur le même terrain que les autres concurrents.
J'aime également la recommandation 17. Je pense qu'elle est très importante. Nous sommes un très grand pays et il est très important que par sa présence le gouvernement du Canada fasse connaître ses activités à la population. Ces dernières années, les députés du Parlement n'ont pas été nombreux à le faire. Il y a de réelles tentatives pour démembrer ce pays, ce que je déplore profondément.
J'aimerais vous demander, monsieur Radwanski, et vous y avez répondu en partie tout à l'heure, pourquoi la Société canadienne des postes doit continuer à relever du gouvernement et ne devrait pas être complètement privatisée. C'est un gros morceau.
M. Radwanski: Pour tenter de vous répondre brièvement, j'aimerais dire que tout d'abord, nous avons constaté au cours de notre examen que le courrier demeure un service public essentiel dans tout le pays, surtout dans les régions rurales. Voilà la première chose.
Deuxièmement, si vous voulez privatiser, il faut le faire en accordant ou pas un privilège d'exclusivité. Si vous privatisez et que vous accordez le privilège d'exclusivité, tous les problèmes dont il est question dans ce rapport au sujet des activités de la Société des postes se trouveront amplifiés. En effet, vous auriez alors un monopole privé non réglementé qui ferait concurrence au reste du secteur privé sur la base d'une part du marché et d'avantages acquis à des subventions et dans le cadre d'un monopole. Ce serait un cauchemar.
Un monopole privé sans la moindre restriction, sans cadre réglementaire, sans rien - nous avons déjà parlé des cadres réglementaires. En outre, s'il s'agit d'une entreprise privée, qu'est-ce qui l'empêcherait de décider que certains services essentiels ne sont pas rentables ou que les régions rurales ne sont pas rentables, que sais-je? Le gouvernement fédéral se retrouverait probablement alors dans la situation de subventionner, à même les deniers publics, certaines de ces activités. Nous ferions donc marche arrière plutôt que d'aller de l'avant.
Si vous décidiez de privatiser, comme certains, y compris des éditorialistes du Globe, semblent le proposer, mais sans le privilège d'exclusivité, il y aurait deux problèmes. D'abord, cela créerait un organisme du secteur privé pour remplacer un organisme à vocation publique qui s'efforce de fournir des services uniformes et universels à des prix uniformes. Deuxièmement, il y aurait une fragmentation du système.
La Société envisagerait avec enthousiasme la fourniture de services dans les régions urbaines lucratives, mais elle serait beaucoup moins enthousiaste lorsqu'il s'agit de fournir le service, du moins à des prix abordables, dans les régions isolées, c'est-à-dire les secteurs ruraux, les régions où la population est clairsemée, et ainsi de suite. Cela donnerait essentiellement un service extrêmement fragmenté. Il faudrait malgré tout une espèce d'organisme de surveillance ou de mécanisme réglementaire pour garantir que tout le monde reçoit le service postal parce que le marché risquerait de ne pas le fournir partout.
Qui plus est, le gouvernement devrait sans doute subventionner d'une façon ou d'une autre les services dans les régions où les profits ne sont pas assez élevés pour que le service soit rentable. À la fin du compte, il faudrait voir qui en profiterait.
Je pense avoir dit dans le rapport qu'il s'agit d'une solution à la recherche d'un problème. Presque tous les pays du monde ont un service postal de l'État. Même la Grande-Bretagne, au plus fort de la vague de privatisation Thatcher, n'est jamais allée jusqu'à privatiser son service postal. Margaret Thatcher elle-même avait dit comprendre pourquoi le peuple britannique ne voulait pas que son service postal soit entre les mains du secteur privé. Elle était pourtant une ardente partisane de la privatisation.
Si quelqu'un tient vraiment à privatiser le service postal ou à se débarrasser du privilège d'exclusivité, il faudra qu'il dise aussi ce que cela donnerait de plus aux Canadiens ordinaires, non pas seulement ceux qui habitent à Toronto, mais aussi de Moose Jaw, Yellowknife, Iqaluit et Bay Bulls, à Terre-Neuve.
Quand je leur ai posé la question, ni les membres de l'Institut Fraser, ni les autres partisans de cette idée n'ont pu répondre directement. Aucun des articles à ce sujet, ni dans le Globe and Mail ou ailleurs, ne parle de l'intérêt public et c'est pourtant ce qui devrait être à la base de la politique de l'État.
Le président: Merci, monsieur Jackson.
Nous entendrons maintenant M. Murray, qui attend avec beaucoup de patience, et ensuiteM. Bellemare.
M. Murray (Lanark - Carleton): Merci, monsieur le président.
Monsieur Radwanski, je voudrais revenir à la recommandation 12. Je n'ai pas vu les articles éditoriaux publiés dans le Globe and Mail ou dans le Toronto Star, mais je m'intéresse à la philosophie sous-jacente à la recommandation 12. Vu votre recommandation 8, où vous dites que la Société devrait vendre Purolator au prix du marché, je suppose que cela veut dire que, d'après vous, elle n'aurait jamais dû acheter Purolator.
Ce n'est peut-être pas le cas, mais sur le plan de la logique, si le gouvernement demandait à la Société de vendre Purolator et si les messageries étaient obligées d'apposer un timbre, ce qui constituerait un impôt, selon moi, pour chaque expédition, la Société des postes gagnerait énormément à avoir été propriétaire de Purolator. J'imagine que cela représenterait des recettes de dizaines, sinon de centaines de millions de dollars par année si l'on devait apposer un timbre aux millions d'envois expédiés par les services de messagerie qui parcourent le pays tous les pays.
Ce serait vraiment une aubaine pour la Société, qui n'a rien à voir avec la livraison des objets expédiés par les services de messagerie. Je voudrais qu'on m'explique pourquoi ce sont les services de messagerie ou plutôt leurs clients qui devraient payer la note.
M. Radwanski: Non. Tout d'abord, nous disons bien que ce sont les services de messagerie et non pas leurs clients. Je pense que vous avez posé une question très importante et très sérieuse et je suis heureux de pouvoir vous donner des précisions. J'espère que vous m'excuserez de prendre quelques instants pour vous expliquer.
La raison pour laquelle on voulait que la Société se lance dans des activités concurrentielles, ce qu'elle a fait avec l'approbation du gouvernement de l'époque et non pas simplement sur un caprice, c'est qu'elle était incapable d'atteindre l'équilibre financier vu le prix des timbres et qu'elle ne pourrait jamais accumuler de réserve simplement en livrant le courrier. On a donc jugé que, simplement pour réaliser des bénéfices, la Société devrait se lancer dans toutes ces activités n'ayant rien ou pratiquement rien à voir avec le service postal.
La Société est allée le plus loin dans cette voie en achetant Purolator, mais elle avait déjà la poste prioritaire, qui était effectivement un service de messagerie. On recommande que la Société élimine la poste prioritaire en se retirant du service de messagerie. Ce n'est donc pas simplement Purolator. Ce n'est qu'un élément du service, qui dépend de toute façon des recettes.
L'autre considération, c'est que, comme vous le savez, la Société a un privilège d'exclusivité, ou un monopole pour la distribution du courrier. Les services de messagerie du secteur privé constituent une exception à ce privilège d'exclusivité et cette exception est liée en principe à l'urgence. On considère qu'il y a urgence si le client est prêt à payer au moins trois fois le prix minimal pour expédier un colis par un service de messagerie au lieu de le confier à la Société des postes.
Les services de messagerie affirment, et j'ai constaté qu'ils ont raison dans une certaine mesure, que la Société leur livre une concurrence déloyale qui leur fait subir de lourdes pertes. D'après les services de messagerie, ils ne peuvent pas prendre d'expansion et ils ne peuvent pas faire telle ou telle chose, La Société des postes établit des prix injustes sur le marché, et ainsi de suite.
Premièrement, les services de messagerie ont des arguments fondés; deuxièmement, la Société a besoin, non pas pour elle-même, mais pour pouvoir fournir les services que nous lui réclamons, d'avoir des recettes suffisantes; et, troisièmement, il y a le privilège d'exclusivité de la Société. D'une certaine façon, elle a le droit de faire tout ce qu'elle fait, mais c'est une erreur de le faire dans le cadre de la politique de l'État.
La solution consiste à donner aux services de messagerie ce qui leur revient et à respecter l'intérêt public en disant que la Société n'a aucune raison d'offrir un service de messagerie. Il existe un secteur actif et dynamique qui offre déjà ce service et rien ne justifie sur le plan public que la Société offre un tel service vu que, si elle le fait, pour toutes les raisons que je donne dans le rapport, elle livre une concurrence déloyale au secteur privé. Voilà.
D'autre part, la Société des postes a besoin de recettes et, si les services de messagerie obtiennent une chose qu'ils veulent, mais à laquelle ils n'ont aucun droit inhérent vu qu'ils fonctionnent par exception dans un secteur monopolistique, nous pourrions résoudre tous les problèmes en même temps en disant que la Société doit se retirer de ce secteur, mais en retour, l'industrie des messageries devra contribuer quelque chose si l'on met fin à une situation qui, d'après l'industrie, leur fait du tort sur le plan commercial et si l'on veut en même temps respecter l'intérêt public. Les services de messagerie devront apposer un timbre. Ce n'est pas un impôt, mais simplement une autre application ou une légère prolongation du privilège d'exclusivité qui existe déjà. J'ajoute que ce n'est pas une solution vraiment exotique vu que la même chose existe déjà dans le code postal des États-Unis, même si l'on ne s'en sert pas très souvent.
L'une des façons d'expédier des choses aux États-Unis sans passer par le service postal, ce qui viole son monopole, consiste simplement à y apposer un timbre. Vous pouvez ensuite faire ce que vous voulez. Cette possibilité existe aux États-Unis en même temps que la notion d'urgence. Je pense que le timbre représente aussi trois fois la valeur nominale de l'envoi, mais c'est la notion d'urgence qui prédomine. Ce que nous recommandons, c'est qu'on établisse un rapport entre l'apposition du timbre et la notion d'urgence. On pourrait ainsi résoudre un problème en protégeant les recettes de la Société et en respectant l'intérêt public.
M. Murray: Je voudrais vous poser une brève question au sujet des journaux locaux. Je sais que les représentants des journaux ont témoigné devant vous collectivement et individuellement, mais je n'ai vu aucune recommandation qui porte directement sur les journaux, à moins que cela m'ait échappé.
M. Radwanski: Oh, absolument, les envois publicitaires sans adresse étaient la toute première préoccupation des journaux locaux. Le problème qui se pose est simplement qu'en leur faisant concurrence pour les envois publicitaires sans adresse, la Société siphonne des journaux communautaires leurs revenus provenant d'encarts publicitaires...
M. Murray: N'y a-t-il pas également été question de délai, de journaux qui étaient retenus?
M. Radwanski: Ce problème-là serait résolu si la Société n'était pas dans le commerce des envois publicitaires sans adresse. Elle n'aurait plus de conflit d'intérêts qui fait qu'elle est motivée à ne pas fournir un très bon service aux journaux.
Le président: Merci, monsieur Murray.
M. Bellemare et ensuite M. Bryden.
M. Bellemare: Monsieur le président, M. Radwanski a fait une remarque à un des membres du comité concernant la résolution où la motion de M. Bryden voulant que la Société canadienne des postes comparaisse pour discuter de leurs livres comptables. Il a fait allusion au fait que cela a pris neuf mois de ce qui semblait être de la frustration pour comprendre ce qui se passait dans ces livres comptables. Avec l'aide d'un des vérificateurs principaux du Bureau du vérificateur général...
Je pense qu'il serait très important - et j'insiste sur très important - que la réunion avec la Société soit divisée en deux parties. Ce vérificateur principal du Bureau du vérificateur général etM. Radwanski pourraient assister à la première partie pour nous faire une séance d'information sur ce sujet et nous expliquer leurs préoccupations. La Société des postes pourrait assister à la deuxième partie pour nous aider pendant la période des questions et réponses.
Monsieur le président, si le comité est d'accord, je pense que c'est la procédure que nous devrions suivre. Je prierais mon collègue M. Bryden de nous dire ce qu'il pense de ma suggestion.
Le président: Monsieur Bellemare, est-ce que vous déposez une motion à cet effet, demandant...
M. Bellemare: C'est une demande. Je ne crois pas que nous ayons besoin d'une motion, à moins qu'il y ait désaccord. Dans ce cas-là, je présenterai une motion et nous passerons aux voix.
Le président: D'accord.
M. Bellemare: Je pense qu'il se dégagerait un consensus.
Le président: Avant de voir s'il y a consensus, monsieur Bryden, avez-vous quelque chose à rajouter à ce qui a été dit?
M. Bryden: Je vais dire ce que j'ai à dire, comme je l'aurais fait si j'avais suivi M. Bellemare. Cela vient rejoindre sa remarque.
Je suis tout à fait d'accord à ce que nous convoquions un expert pour nous expliquer les chiffres, mais j'aimerais vous signaler, monsieur le président, avec tout le respect que je dois à M. Radwanski, que l'information que je demande par le biais de ma motion est le genre de renseignements que je m'attendrais à recevoir du conseil d'administration... de la Société canadienne des postes. Tout organisme ou société qui ne peut pas fournir ces renseignements en dedans d'une heure à son conseil d'administration ne devrait pas être en affaire, monsieur le président.
J'estime qu'il s'agit là d'une motion tout à fait raisonnable, avec l'assistance de l'expert du Bureau du vérificateur général. J'aimerais obtenir cette assistance, parce que je crois qu'il a déjà étudié ces chiffres et qu'il peut certainement nous dire si la Société des postes fournit l'information dans les délais voulus. Je signalerais, monsieur le président, que j'ai du mal de m'imaginer une société qui puisse rester en affaires si elle n'est pas en mesure de fournir ce genre de renseignements.
Le président: Donc, nous allons convoquer les cadres de la Société canadienne des postes ainsi qu'une personne du Bureau du vérificateur général.
M. Bellemare: Oui, à cette même réunion, c'est très important. Il nous faut établir l'heure et la date de cette réunion. Je pense qu'il faudrait entendre les autres témoins plus tard et que nous devrions donner la priorité à ceux-ci pour régler cette question, sinon à notre prochaine réunion, à la suivante. Autrement, nous allons en parler après les élections.
Le président: D'accord, monsieur Bellemare. Je vais le signaler au comité directeur dont vous faites partie. Vous pouvez proposer. On peut prendre une décision au comité directeur.
M. Bellemare: Je vous remercie.
Le président: Y a-t-il d'autres questions? Avez-vous une question, monsieur Bellemare?
M. Bellemare: J'ai une question à poser au comité sur le sujet qui fait l'objet de notre examen. Mes commentaires, propositions ou motion concernant l'intervention de M. Bryden... j'en ai terminé avec cela et j'aimerais poser une toute petite question.
Le président: À M. Radwanski?
M. Bellemare: Oui, à M. Radwanski.
Monsieur Radwanski, laquelle des recommandations du rapport qui ont été rejetées par le gouvernement vous préoccupe le plus, et pourquoi?
M. Radwanski: J'espère que vous me pardonnerez de vous répondre comme je vais le faire, mais comme je le disais tout à l'heure, je m'incline devant la position adoptée par le gouvernement et je n'ai donc pas, par définition, de préoccupations à cet égard. N'ayant pas d'inquiétude, je ne puis me préoccuper d'une recommandation plutôt que de l'autre. Ma réponse pourra vous sembler évasive, mais je ne puis vous en donner d'autre.
M. Bellemare: Vous savez bien patiner, permettez-moi de vous le dire.
M. Radwanski: J'ai toujours aimé le patin.
M. Bellemare: Vous venez de passer neuf mois, aux frais des contribuables, à formuler des recommandations; certaines d'entre elles sont rejetées, et vous ne vous en souciez guère!
M. Radwanski: Mon rôle, monsieur, n'est pas de m'en soucier ou de ne pas m'en soucier. On m'a chargé de préparer un examen du mandat de la Société canadienne des postes aussi objectif, approfondi, clair et ouvert que possible; je crois m'être correctement acquitté de cette tâche, avec l'aide d'une excellente équipe au dévouement admirable. Il ne me reste plus qu'à passer le flambeau à d'autres, et il n'est certainement pas dans mes attributions de faire des commentaires soit sur les mesures que le gouvernement juge bon de prendre, soit sur des positions adoptées par d'autres partis.
Le rôle de celui que l'on charge de rédiger un rapport indépendant comme celui-ci n'est pas, je le répète, de se faire le défenseur d'une cause ou la mouche du coche. Ce n'est pas ainsi que je conçois mon rôle, et c'est pourquoi je ne me laisserai pas entraîner à commenter en détail telle ou telle décision ultérieure, sinon pour vous dire, en toute franchise, que la question ne me préoccupe pas outre mesure.
M. Bellemare: On ne peut certainement pas vous reprocher un manque de circonspection. Je vous remercie.
Le président: Merci, monsieur Bellemare.
Merci, monsieur Radwanski, d'être venu discuter votre rapport devant le comité. Nous comptons examiner ce dernier plus en détail lorsque nous aurons devant nous les cadres de la Société canadienne des postes.
La séance est levée.