[Enregistrement électronique]
Le mardi 3 décembre 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement, le comité reprend l'étude des initiatives de renouveau dans la fonction publique. Jusqu'ici, et au cours de cette série de réunions concernant le renouvellement de la fonction publique, notre comité a entendu des témoins et des organismes centraux et du Bureau du vérificateur général. Notre objectif aujourd'hui est de mieux comprendre encore le point de vue d'un grand syndicat de la fonction publique sur ces questions que nous débattons avec des hauts fonctionnaires depuis deux mois, et plus particulièrement relativement aux solutions alternatives en matière de prestation de services.
Monsieur Steve Hindle, président de l'Institut professionnel de la fonction publique, je vous souhaite la bienvenue. M. Hindle va présenter les personnes qui l'accompagnent, et ensuite il y aura une déclaration liminaire.
Comme je l'ai déjà dit avant le début de la réunion, nous vous donnons environs 10 minutes pour votre déclaration, ce que je vous encourage à respecter, pour permettre ensuite aux députés de poser des questions.
Monsieur Hindle, vous avez la parole.
M. Steve Hindle (président de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada): Je ferai de mon mieux, monsieur le président.
Je remercie le Comité des opérations gouvernementales d'avoir accédé à la demande de l'Institut professionnel de venir discuter avec vous des dernières initiatives fédérales concernant le renouveau dans la fonction publique.
Je suis accompagné aujourd'hui de Michèle Demers, vice- présidente de l'Institut professionnel, et de Bob McIntosh, qui est notre responsable en matière de négociations collectives.
Nous étions d'abord inquiets de constater que votre projet initial, en ce qui concerne ces audiences, était de vous limiter, en matière de témoins, aux hauts fonctionnaires de l'administration. Or, en qualité de porte-parole de plus de 30 000 employés, dans la catégorie professionnelle, lesquels jouent un rôle essentiel en matière de prestation de services et d'application des programmes, nous pouvons probablement vous ouvrir quelques horizons.
Le Canada s'est engagé dans un processus de restructuration de la fonction publique fédérale, qui ressemble beaucoup à ce qui s'est fait en Grande-Bretagne et en Nouvelle-Zélande. Réduction des effectifs, privatisation et solutions de substitution pour certaines prestations de service sont à l'ordre du jour dans ce que le gouvernement a appelé le renouveau de la fonction publique. Les employés du gouvernement fédéral traversent une période de bouleversement sans précédent, qui s'accompagne d'incertitudes au fur et à mesure de ce renouvellement.
Aux élections de 1993, rien ne nous permettait de penser que des bouleversements de cette envergure allaient venir. En fait, le livre rouge de la campagne électorale du gouvernement actuel ne faisait pas une très grande place à la fonction publique.
Au moment du changement de gouvernement en 1993, nous espérions voir s'instaurer une relation de partenariat et de confiance mutuelle. C'était tout particulièrement le cas de l'Institut professionnel, en raison de la nature des tâches confiées à nos membres, et de la part qui peut être la leur dans la bonne gestion des affaires de l'État, puisque ce sont des professionnels directement concernés par les prestations de services.
Nous espérions qu'une ère de consultation réelle et continue s'instaurerait, et nos membres espéraient que les employés de la fonction publique seraient traités avec respect. Ces espoirs ont été dgus. Comme vous l'avez déjà entendu ailleurs, le moral des employés de la fonction publique est à son plus bas.
Au fur et à mesure des compressions d'effectifs, la charge de travail augmente pour ceux qui restent, et donc également le stress. Les fonctionnaires font alors face à des choix dramatiques concernant leur avenir, et l'on exige très souvent qu'ils prennent leur décision dans les délais les plus brefs.
La pression à laquelle ces employés sont soumis est exacerbée du fait qu'ils sont maltraités par le gouvernement. Les salaires de la fonction publique ont en effet été gelés pour cinq des six dernières années. La promesse de reprendre les négociations collectives, faite au cours de la campagne 1993, est enfin honorée, mais elle s'accompagne de tant de restrictions que cette négociation collective n'est plus que l'ombre de ce que l'on pouvait attendre.
Les professionnels de la fonction publique sont pourtant un atout exceptionnel, dont il faudrait savoir tirer le meilleur parti au cours de cette procédure de renouvellement. Étant donné qu'ils participent directement à la prestation des services et programmes, ils ont très souvent une meilleure idée que les gestionnaires qui font des propositions de changement, des problèmes et de leurs solutions. Les membres de notre syndicat aimeraient pouvoir collaborer avec les responsables de plus haut rang, mais ils constatent très souvent que leur avis n'est que rarement sollicité et pris en compte.
Certains exemples prouvent qu'il est possible, lorsque le gouvernement en a le désir, de travailler en partenariat. C'est le cas pour l'examen actuel de certains programmes et activités de sciences et de technologie, dans le cadre duquel divers membres de notre institut et représentants du syndicat ont été consultés. Ils ont effectivement été traités comme membres à part entière de l'équipe. Leurs idées, leurs suggestions, ont été reçues avec respect; de ce fait, on parvient à des conclusions qui sont très largement acceptées par les employés les plus directement concernés.
Trop souvent cependant, cette consultation des syndicats de la fonction publique, lorsque le gouvernement se lance dans ce genre d'initiatives, reste une procédure purement formelle. Les employés et leur syndicat sont consultés trop tard pour que cela puisse avoir quelque valeur. Les directeurs et responsables prennent leurs décisions, et convoquent les syndicats pour les informer de ce que le gouvernement ou le ministère a décidé pour eux. Les délais qui permettraient de répondre sont également trop courts, et l'information qui nous est dispensée pour cette réponse est très souvent insuffisante et incomplète.
Nous avons donc le sentiment d'être acculés à une position d'adversaire, où nous sommes contraints de nous battre pour obtenir quelques changements mineurs des projets initiaux. À cet égard, permettez-moi d'évoquer ici la véritable bataille que l'institut et d'autres syndicats ont été obligés de mener pour convaincre le Comité des finances de la Chambre des communes, et ensuite le gouvernement, d'accepter le principe de la substitution, afin d'atténuer les répercussions de certains licenciements et compressions d'effectifs. Ce programme nous ayant enfin été accordé, nous avons pu procéder à plus de 1 000 substitutions, ce qui n'aurait jamais été possible si nous n'avions pas forcé la résistance du gouvernement. Résistance que l'on nous oppose également lorsque nous faisons des propositions de création de comités mixtes de reclassement, dans toutes les régions, pour aider les licenciés à trouver des emplois de remplacement dans la fonction publique, ou à négocier leur transition vers le secteur privé.
Une relation syndicale-patronale fondée essentiellement sur la consultation ne peut pas à long terme être satisfaisante ni efficace. Le déséquilibre de ces procédures de consultation devient un obstacle à leur efficacité. Quelle que soit la sympathie qu'éprouvent les hauts fonctionnaires pour les employés auxquels ils s'adressent, le syndicat n'a finalement jamais la garantie que cette sympathie se traduira par des actes concrets lorsque les décisions sont prises au plus haut niveau de la fonction publique ou aux bureaux ministériels.
Voilà pourquoi la décision du gouvernement de suspendre les négociations collectives s'est révélée être un obstacle majeur au maintien d'une relation positive. Même dans les limites de l'archaïque Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la négociation collective était un vecteur de communication et a permis de régler certains différends entre la direction et les employés de la fonction publique fédérale pendant près de 30 ans. C'est un cadre de dialogue qui permet de parvenir à des décisions auxquelles on donne une forme destinée à durer, et cela avec le consentement des deux parties en présence.
Nous ne sommes pas opposés à l'idée de simplifier et de rationaliser les procédures de la fonction publique. De fait, l'IPFP s'est trouvé à plusieurs reprises dgu de constater que certaines de ses propositions de réforme avaient été rejetées ou simplement ignorées par le gouvernement. Un exemple: pendant de longues années, l'institut a proposé que l'on rationalise la procédure de négociation collective, et que certaines unités de négociation soient regroupées. Le gouvernement de l'époque n'a pas donné suite à nos propositions; mais maintenant, le Conseil du Trésor nous soumet des plans de changements radicaux, auxquels nous sommes tenus de répondre dans les 60 jours.
Nous estimons qu'il est absolument essentiel pour le gouvernement fédéral et ses employés d'avoir une relation de partenaires. Nous avons été de ce fait extrêmement troublés que le Conseil du Trésor eût pu même oser nous proposer une seule des cinq options auxquelles il était parvenu. L'une de ces options consistait à regrouper tous les employés de la fonction publique dans une grande unité de négociation. Une autre était de réorganiser les unités de négociation en groupe, par fonction, sans aucune ressemblance avec la structure actuelle des unités de négociation ou de représentation des employés.
Ces propositions ont d'ailleurs fait l'objet de la plus grande méfiance de la part des agents de négociation du gouvernement fédéral. Il aurait fallu fournir un effort colossal de réorganisation, du côté aussi bien patronal que syndical, et probablement se lancer dans une procédure de reclassification qui aurait pu prendre plusieurs années. Beaucoup de temps et d'énergie auraient été alors détournés de leurs objectifs légitimes: une bonne prestation de services et un véritable effort d'amélioration des relations entre l'employé et la direction au sein d'une fonction publique restructurée.
Pendant la campagne électorale de 1993, le gouvernement a promis de revenir à la table de négociation. Il a fini par honorer sa promesse, mais cette procédure de négociation collective n'en a plus guère que le nom. On a d'abord continué de suspendre le droit des employés à négocier pendant trois années suivant les élections. Alors que les employés n'avaient pour ainsi dire connu aucune augmentation de salaire pendant six ans, ils ont été informés qu'il n'y aurait pas de rattrapage, et qu'ils ne pouvaient pas non plus s'attendre à grand-chose en matière d'augmentations.
Le gouvernement a également suspendu le recours possible à l'arbitrage, en cas de litige, pour créer ce qu'on peut appeler un environnement de négociation sans risques - sans risques pour l'employeur - et il nous a avertis que toute amélioration des conditions de travail, ou tout avantage serait déduit de tout ce que le gouvernement serait ensuite disposé à signer en matière de salaires. Qu'on nous excuse de penser alors que le Conseil du Trésor veut en réalité se débarrasser des syndicats de la fonction publique canadienne, ou au moins les entraver dans leur action au point de les réduire à une quantité négligeable.
L'Institut professionnel, au nom de ses membres, veut retourner à la table de négociation, mais nous avons le sentiment d'avoir été bernés avant même de nous être assis. L'équilibre qui devrait normalement exister entre les parties en négociation est a priori faussé en faveur de l'employeur, l'État canadien.
Une bonne gestion sous-entend une bonne collaboration entre la direction et les employés, le respect de la direction pour ses employés, avec, en échange, l'engagement de ceux-ci à bien faire le travail et à servir leur administration. C'est particulièrement vrai pour les employés professionnels de la fonction publique fédérale et que nous représentons.
Ainsi, nos membres ont tout à gagner à ce que les programmes qui leur sont imposés sur les lieux de travail soient un succès. Ils cherchent dans ce travail une satisfaction, en fournissant aux Canadiens des services efficaces et de qualité. Il serait erroné de la part de la direction, ou des ministres, de croire qu'il en est autrement, puisque ces programmes, pour réellement profiter aux canadiens, doivent être exécutés avec la collaboration de nos membres et de ceux des autres syndicats de la fonction publique.
La confiance que nos membres avaient dans le gouvernement a été ébranlée par les mesures récentes touchant plus particulièrement leur environnement de travail et leur capacité d'être au service des Canadiens. Certains programmes d'une importance vitale pour l'avenir de la société canadienne et de l'économie du pays sont soumis à des coupures ou tout simplement supprimés sans égard pour les conséquences à long terme.
Permettez-moi de vous citer un exemple emprunté à l'actualité récente. J'en ai trois, mais je me contenterai d'un seul. En mars prochain la station de recherche de Vancouver-Ouest du ministère des Pêches et Océans sera fermée, et ses installations transférées à un organisme du secteur privé qui n'est pas encore connu. Cette station a pourtant, en matière de recherches sur la pêche - l'une des industries les plus importantes de Colombie-Britannique - un bulletin absolument exceptionnel. Un de ses succès les plus remarqués a été la mise au point d'une espèce hybride de saumon qui atteint la maturité en deux ans, au lieu des quatre ou cinq habituellement nécessaires pour le saumon sauvage. Or, cette équipe de chercheurs, au succès éclatant, sera démantelée en mars prochain, et nous constatons que la plupart des membres de l'équipe refusent les offres raisonnables d'emploi qui leur sont proposées et qui les obligeraient à déménager à Halifax.
Pendant longtemps le Canada était réputé pour la qualité exceptionnelle de sa fonction publique. Nous avons été un modèle pour beaucoup de pays en voie de développement, qui ont choisi le Canada plutôt que la Grande-Bretagne ou les États-Unis, lorsqu'ils ont voulu étudier la fonction publique et ses programmes. Cette réputation est maintenant menacée par les politiques systématiques de démantèlement du gouvernement fédéral. La fonction publique, dans son intégrité, est menacée de morcellement, du fait de la création d'organismes de prestation de services alternatifs, comme ce fut le cas pour la fonction publique britannique, dont une partie importante des tâches a été confiée à une multitude d'organismes et agences privées.
Dix ans après les réformes de la fonction publique au Royaume- Uni, en Australie et Nouvelle-Zélande, on se pose de plus en plus de questions dans ces pays sur le bien-fondé de l'opération. On insiste notamment beaucoup sur la nécessité de conserver une masse critique au sein des différents services publics concernés, et également de conserver des possibilités de mobilité à l'intérieur d'une carrière, et de transfert entre certains organismes et la fonction publique centrale.
Le rapport récent sur les valeurs et l'éthique de la fonction publique, du Centre canadien de gestion, parvient aux mêmes conclusions. Notre sentiment est que le gouvernement cherche à tel point les gains à court terme en comprimant les effectifs de la fonction publique qu'il est amené à ignorer ces avertissements, au risque d'hypothéquer gravement l'avenir.
L'Institut professionnel a participé directement à des discussions avec le gouvernement sur les programmes de retraite anticipée et d'encouragement au départ anticipé, programmes maintenant en vigueur. Naturellement, nous préférons que le gouvernement se soit résolu à adopter ces programmes plutôt que de simplement envoyer des avis de licenciement aux employés dont il veut se débarrasser. Cependant, votre comité doit savoir que les compressions actuelles ont des conséquences graves qui peuvent hypothéquer l'avenir de toute la fonction publique.
Beaucoup d'employés fédéraux expérimentés sont désabusés, et envisagent tout simplement de profiter de ces programmes d'incitation au départ à la retraite et de primes de départ anticipé, pour quitter la fonction publique. Certains employés capables et prometteurs, récemment intégrés à la fonction publique, voient dans quelle direction le gouvernement s'engage et risquent à leur tour de saisir les occasions qui leur sont offertes à l'extérieur de l'administration publique. Même pour ceux des employés de la fonction fédérale pris dans l'entre-deux, soit le créneau d'âge de 35 à 50 ans, la tentation est grande de partir lorsque l'occasion s'en présente. Parmi ceux qui partiront, il y aura des sujets brillants, qui auraient été les leaders de notre fonction publique au siècle prochain.
Les échelons supérieurs de notre fonction publique risquent donc de se dégarnir, et c'est ce qu'atteste le programme de Jocelyne Bourgon, greffier du Conseil privé, programme intitulé La Relève. C'est un programme qui vise à garantir une relève suffisante de gestionnaires supérieurs de talent. Nous espérons que votre comité saura reconnaître, dans son examen, les conséquences des initiatives fédérales actuelles sur les mouvements de personnel et les profils de carrière à tous les niveaux de notre fonction publique, y compris les niveaux supérieurs, et que c'est là qu'il faut chercher les raisons de la chute du moral de nos fonctionnaires.
Je vais conclure de façon synoptique. J'espère que certaines de ces conclusions se retrouveront dans votre rapport sur cette opération renouveau au sein de la fonction publique.
Une bonne gestion de la fonction publique est la condition sine qua non d'une bonne prestation de services et de programmes à la population. L'institut persiste à penser que l'action du gouvernement est d'une grande importance pour l'état de la société civile et la fourniture de services pour lesquels il n'y a pas de solution de remplacement si nous voulons que tous les Canadiens y aient accès. Mais l'ensemble de ce travail ne peut se faire efficacement que si tous les employés de la fonction publique fédérale participent activement et collaborent. Cela n'est possible que dans un climat de coopération et de respect de ceux qui sont responsables de ces services au public.
Deuxièmement, cette mode actuelle qui consiste à critiquer systématiquement ce que fait l'État doit être considéré avec un certain recul. En effet, nous doutons de la bonne foi de certains critiques du gouvernement, qui veulent avant tout discréditer l'importance du secteur public dans la société canadienne, plutôt que de chercher à l'améliorer. Ailleurs dans le monde, on considère souvent le Canada comme l'un des meilleurs pays où vivre. Une des raisons de cette cote dont nous jouissons est certainement cette tradition de partage des responsabilités, qui est celle de notre gouvernement et de notre fonction publique et grâce à laquelle nous pouvons tous contribuer au bien-être de tous les Canadiens.
Troisièmement, les avantages pécuniaires de la vague actuelle de compressions sont souvent surestimés. Le gouvernement estime que 55 000 emplois seront supprimés dans le secteur public suite aux vagues actuelles de licenciements, de départs et de retraites anticipées. Cinquante mille autres emplois seront peut-être transférés à des organismes de prestation de services alternatifs, comme annoncé au budget de mars dernier.
L'économie annuelle réalisée est estimée à 3 milliards de dollars, soit 10 p. 100 du déficit de 30 milliards de dollars dont l'actuel gouvernement a hérité. Par contre, nous ne savons toujours pas ce que coûteront ces méthodes alternatives de prestation de services. Le gouvernement fédéral a le droit de décider des programmes et services qu'il met à la disposition des Canadiens, mais il a également la responsabilité de conserver une fonction publique capable d'assurer ces programmes.
Récemment, Bill Brett, secrétaire général de l'Institution of Professionals, Managers and Specialists, en Grande-Bretagne, a pris la parole à notre réunion générale annuelle pour nous entretenir de ce qui s'était passé récemment dans l'administration britannique et des conséquences pour son syndicat. Depuis 10 ans, beaucoup de services administratifs britanniques ont été privatisés, et un nombre astronomique de nouveaux organismes, plus de 280, ont été cris, pour assurer ces services hérités de la fonction publique traditionnelle.
Il se trouve que les universitaires et les fonctionnaires britanniques, actuels et passés, remettent en question cette réforme. L'institut espère que le Comité permanent des opérations gouvernementales se penchera sérieusement sur l'expérience britannique avant qu'il ne soit trop tard pour le Canada de faire marche arrière.
Mon syndicat et ses membres sont convaincus de l'importance de la fonction publique pour le Canada d'aujourd'hui, à la fois pour ce qui est de l'action du gouvernement et en tant qu'institution - ensemble d'individus et de traditions - chargée d'exécuter les politiques et programmes de ce gouvernement.
Le livre blanc, Fonction publique 2000, qui est à l'origine de tout ce processus de renouveau au sein de la fonction publique, il y a quelques années, a mis l'accent sur l'individu comme atout essentiel de la fonction publique. Malheureusement, le processus de révision des programmes, suite à la publication du livre blanc, a mis l'accent sur la réforme institutionnelle en négligeant les individus concernés. Les ministres et leurs sous-ministres jouent avec les programmes, ou les fonds privatisés, un peu comme des généraux qui changeraient de place leur bataillon au cours d'un conflit armé général.
Ce qui est en jeu, c'est plus que l'existence et la carrière des membres de la fonction publique du Canada. Il s'agit de l'intégrité de cette fonction publique elle-même, de sa capacité d'assurer aux Canadiens des services importants, et d'attirer, de retenir et de promouvoir des ressources humaines nécessaires à une administration efficace. Tout cela est menacé. Toute personne qui travaille dans le secteur des ressources humaines sait qu'aucun organisme, public ou privé, ne peut fonctionner effectivement si ses employés ne participent pas pleinement, en ayant le sentiment d'être pleinement responsable. Cela suppose qu'on les respecte, en même temps que le principe du partenariat, qui manque précisément au sein de l'appareil d'état fédéral aujourd'hui. L'institut espère que votre comité saura transmettre ce message au gouvernement, lorsque vous rédigerez votre rapport dans quelques semaines.
Merci de nous avoir invités à prendre la parole. Nous sommes prêts à répondre aux questions.
Le président: Merci.
Monsieur Fillion.
[Français]
M. Fillion (Chicoutimi): Le tableau qui vient d'être brossé par le président de l'Institut professionnel de la fonction publique n'est pas trop rose; pour moi, c'est un tableau noir.
Ma première question porte sur vos consultations. Vous avez dit dans votre déclaration que les consultations étaient vides de sens, que c'étaient surtout des consultations bidons et que, depuis l'arrivée de ce gouvernement, en 1993, il y avait très, très peu d'échanges entre l'Institut et les gestionnaires du Conseil du Trésor.
Au moment où l'on se parle, est-ce qu'il y a des plans en voie d'élaboration? Expliquez-nous la consultation que vous menez actuellement et dont vous n'êtes pas satisfaits.
Mme Michèle Demers (vice-présidente, Institut professionnel de la fonction publique du Canada): En fait, votre question est un peu vague.
M. Fillion: Elle est vague parce que votre déclaration n'est pas appuyée d'exemples concrets. J'espère que, dans votre réponse, vous allez indiquer les endroits où ces consultations étaient bidons. Il n'y a pas eu de progression. Les gestionnaires, avant même que vous ne leur parliez, avaient déjà pris leurs décisions. On vous consulte pour la forme. En tout cas, c'est ce que j'ai compris.
Mme Demers: C'est ce qu'on dénonce.
M. Fillion: Je ne pense pas que c'est vague maintenant.
Mme Demers: Je comprends votre question. On dénonce le fait que la consultation se fasse alors que les décisions sont déjà prises et que les processus sont déjà amorcés. Le meilleur exemple, c'est tout ce qui se fait au niveau de la création des agences.
Nous frappons régulièrement à la porte du Conseil du Trésor de façon très insistante pour avoir des détails, pour avoir l'occasion de donner nos avis et nos recommandations sur la façon de faire les choses à l'avenir, par exemple au niveau de l'Agence d'inspection des aliments. Lorsqu'on est consultés, tout est, ni plus ni moins, fait accompli.
La même chose se produit au niveau de la structure de la fonction publique, de la structure des groupes et de la fusion des groupes. On en parle pendant huit ou dix mois derrière des portes fermées, ensuite on nous donne des délais de 60 jours pour leur soumettre nos recommandations, et ils prennent une décision finale à la fin de ces 60 jours.
Les processus de consultation sont bidons en ce sens qu'on ne prend pas vraiment en considération le fait que les professionnels de la fonction publique fédérale pourraient contribuer très positivement au réaménagement de la fonction publique. On se moque de qu'on a à dire et des solutions qu'on peut proposer.
M. Fillion: Vous dites également que les ministres et leurs députés jonglent énormément avec les programmes.
Quand on jongle avec les programmes, pour les diriger dans des agences ou encore simplement les privatiser, c'est un fardeau lourd à supporter pour l'Institut et les membres qu'il représente. Vous êtes là pour défendre vos membres.
Mme Demers: On est là pour défendre nos membres, mais aussi pour défendre une certaine qualité de services. On représente des professionnels de la fonction publique fédérale qui ont à coeur de donner un service de qualité, de maintenir la réputation que le Canada s'est faite au cours des années comme pays bien développé et bien axé sur la science et la technologie. Maintenant, tout ce qui s'appelle recherche, science et qualité de services aux Canadiens semble aller à la dérive. Cela nous préoccupe.
M. Fillion: Je sais que vous devez protéger l'intégrité de la fonction publique. Tel est votre rôle. Lorsque le gouvernement, les ministres et les députés jonglent avec les programmes, cela diminue le pouvoir des fonctionnaires. Vous avez beaucoup de réticences parce que les consultations ou les échanges entre les deux ne se font pas dans le sens que vous voulez. Des directives sont appliquées sans aucune consultation. Est-ce de cela que vous voulez parler lorsque vous dites que les ministres et les députés jonglent avec les programmes? Ils prennent des décisions sans consultation, sans égard à la qualité du service qui sera donné aux contribuables et sans égard aux personnes de votre Institut qui travaillent dans ce cadre.
Mme Demers: Oui, les personnes qui livrent ces services-là. Effectivement, c'est ce qu'on craint et c'est ce qu'on vit présentement.
M. Fillion: Depuis 1993, est-ce qu'il se passe des choses ou si on se renvoie la balle l'un l'autre?
[Traduction]
Le président: Monsieur Hindle, vous vouliez ajouter quelque chose.
M. Hindle: Comme chacun sait, nous allons reprendre les négociations dans le secteur public en 1997. En ce moment, l'institut est en mesure de déposer un avis de négociation pour le groupe des juristes, que nous représentons. Nous ne l'avons pas fait, et c'est intentionnel, car nous ne pensons pas que l'employeur soit réellement prêt à négocier. Nous avons déjà pu discuter avec le gouvernement du retour à la table de négociation. Or, il ne sait toujours pas quelle serait sa position.
Le gouvernement a par ailleurs suspendu la procédure d'arbitrage. Il y a un certain nombre d'employés qui ne pourront pas faire la grève parce qu'ils sont nécessaires à la sécurité d'un certain service public. Le gouvernement n'a toujours pas décidé de la façon dont le litige qui intéresse ces employés sera résolu à la table de négociation. Ces employés n'ont pas le recours de la procédure d'arbitrage à leur disposition, et ne peuvent pas faire grève, ce qui fait qu'on se retrouve face à une impasse en matière de négociation. Devons-nous supposer que l'employeur, le Conseil du Trésor, va attendre une fois de plus que le gouvernement ponde un texte de loi? Nous n'avons pas réussi à nous entendre là-dessus. Il n'y a pas eu non plus de discussion sérieuse sur les autres aspects de notre retour à la négociation collective. Tout cela est de la responsabilité de l'employeur, et il n'est pas prêt à prendre des décisions.
Dans le cadre des réductions d'effectifs - la révision des programmes - le Conseil du Trésor, employeur de la Fonction publique canadienne, a dû imposer une coupure de 40 p. 100. De fait, il a supprimé la plupart des postes de ceux qui négociaient avec les syndicats. À tel point, que nous sachions, qu'on en est arrivé à ne plus avoir que deux responsables de ces négociations, capables de s'asseoir autour d'une table avec les syndicats et de négocier les contrats. C'est là le résultat de la révision des programmes. On peut donc supposer que l'employeur a décidé qu'il avait des postes de négociateurs en excédent.
Comment vont-ils traiter avec les 72 unités qui reviennent à la table de négociation à partir de 1997? Ils ne sont pas préparés, ils ne sont pas capables non plus de nous dire comment ils vont s'y prendre, et ne sont pas non plus disposés à en discuter sérieusement avec nous pour résoudre cette impasse. Nous avons le sentiment que le Conseil du Trésor va devoir attendre une loi du Parlement pour savoir quoi faire.
[Français]
Le président: Monsieur Fillion.
M. Fillion: Vous avez un peu répondu à ma question en disant qu'en 1997, les négociations seraient très difficiles. D'un côté, on a coupé des postes, et des agents qui n'occupent plus leurs postes ne pourront pas négocier.
Vous avez également dit que le Conseil du Trésor semblait, de par ses actions actuelles, vouloir jeter les syndicats par-dessus bord. Maintenant, d'après le tableau que vous brossez, lorsque viendra le temps de négocier, en 1997, au rythme où vont les choses actuellement, au lieu d'avoir une bonne gestion - une bonne gestion est une collaboration entre employés et les employeurs - , on ne négociera pas en se servant des armes légales.
En 1997, lorsque viendra le temps de négocier, ce ne sera facile ni pour vous ni pour l'autre. Comment se fait-il qu'actuellement, vous soyez aussi silencieux par rapport aux événements que vous constatez et à la préparation de ces négociations?
On n'entend pas dire que vous êtes en train de mobiliser vos gens. Est-ce que vous êtes en train de les informer de ce qui se passe? Quel est le processus actuel de préparation de cette négociation?
[Traduction]
M. Hindle: Nous sommes en train de nous préparer à ces négociations. Et je ne veux pas non plus que l'on dise que nous n'avons rien dit ni rien fait, suite aux mesures récentes de l'administration. Sauf votre respect, vous constaterez que pour chaque loi qui se traduisait par une érosion des droits des employés de la fonction publique et de nos membres, nous avons comparu devant le comité chargé d'étudier la question. Nous avons soumis des mémoires, et nous avons témoigné comme aujourd'hui. Je ne parle pas simplement de ce gouvernement-ci, mais également du gouvernement précédent - je pense à la loi qui imposait un terme aux grèves de la fonction publique en 1991 - et cela remonte même à avant cela. Ce fut la même chose lors de la Loi sur les restrictions salariales du secteur public au début des années 80, et même avant cela lors de ces mesures anti-inflationnistes. Nous avons utilisé tous les moyens à notre disposition pour nous faire entendre auprès de ceux dont nous pensons qu'ils prennent des décisions, à savoir ceux qui sont élus et qui représentent les Canadiens au Parlement.
Mais nous sommes inquiets. Nous avons le plus grand respect pour l'état de droit. Les membres de l'Institut professionnel sont précisément les employés professionnels de la fonction publique. Ils ne sont pas connus pour leurs manifestations bruyantes aux portes du Parlement, ou devant les bureaux de l'employeur. Ils ont l'habitude d'être traités avec respect, ce qui précisément commence à faire défaut du côté de l'employeur.
Oui, nous sommes prêts à revenir à la négociation collective. Nous voulons être partie prenante à la solution, et non pas au problème.
Le président: Merci, monsieur Fillion.
Monsieur Harvard.
M. Harvard (Winnipeg St. James): Merci, monsieur le président.
Vous avez dit, dans votre exposé liminaire, que le moral des troupes n'est pas bon dans la fonction publique. Ce n'est pas surprenant, quand on voit ce qui se passe depuis deux ou trois ans. Pensez-vous qu'il pourrait en être autrement, étant donné par ailleurs ce que nous savons de la nature humaine? Si l'on réduit les effectifs et que l'on supprime 45 000 postes de fonctionnaires, il est peu probable que cela n'ait pas d'effets négatifs sur le moral. Pensez-vous qu'il soit possible de mener à bien ce genre de réorganisation sans qu'il y ait une chute de moral?
M. Hindle: Bien sûr, ce que le gouvernement s'est fixé comme objectif ne peut qu'avoir des conséquences sur le moral des fonctionnaires, mais la façon de procéder, la façon dont l'employeur s'y prend - le manque de participation des employés - a aggravé les choses. Il était possible d'atténuer le choc, et je pense particulièrement aux employés qui ont encore à assurer des programmes où il n'y a pas eu de coupures à proprement parler, mais où l'on dispose de moins de ressources. Je crois que là, l'on a raté quelque chose.
Cette révision des programmes a commencé par une analyse de ce qui est du domaine de l'État et de ce qui ne l'est pas, et de ce qui devrait être confié au secteur privé. Mais finalement, ce qui nous a été imposé, ce sont des mesures de restriction et de réduction des coûts et dépenses. En réalité peu de programmes ont été réduits, mais le nombre des personnes responsables de leur exécution et les sommes disponibles ont été comprimés. C'est-à-dire que l'on a demandé aux responsables de ces programmes de faire plus avec moins, et cela a eu des conséquences négatives sur le moral des gens.
Aucune réelle tentative n'a été faite pour discuter avec les responsables de ces programmes et services de méthodes et moyens plus efficaces de travailler. Le vérificateur général lui-même a déploré que l'employeur n'avait pas véritablement cherché à repérer les sources de gaspillage, et à s'y attaquer. Je pense que les employés de la fonction publique auraient été des alliés précieux dans une opération de ce type, à savoir un effort réel de réduction des coûts de l'administration, avec la même efficacité.
M. Harvard: Je ne voudrais pas être méchant, mais n'êtes-vous pas un petit peu naïf?
Comment dire les choses? Le gouvernement, ou le vérificateur général, ou qui que ce soit d'autre aurait très bien pu faire ce que vous demandez, en laissant de côté les réductions d'effectifs, et le moral des troupes s'en serait quand même ressenti. Et je ne peux de toute façon pas croire qu'il soit possible de persuader, à force de gentillesse, des gens qui sont fonctionnaires depuis cinq, 10 ou 20 ans, que la meilleure des choses à faire serait qu'ils quittent leur emploi. C'est une question de nature humaine, n'est- ce pas?
M. Hindle: Il est certain que le moral des fonctionnaires aurait été affecté, et dans certains cas, de façon dramatique, oui. Mais une des choses qui a les conséquences les plus regrettables, c'est ce sentiment de ne pas maîtriser sa propre destinée.
Les individus ne sont pas associés aux réformes, on ne les considère pas comme faisant partie de la solution. Au contraire, on ne cesse de les accuser d'être les pelés et les galeux de la fable: «Nous allons être obligés de nous débarrasser de vous, vous ne servez plus à rien, vous ne faites rien. Nous allons vous éjecter, et le problème sera régl;. Sauf votre respect, on se débarrasse des gens, mais le problème n'est toujours pas résolu.
Oui, le moral des fonctionnaires aurait souffert, mais je dirais qu'une des sources majeures d'anxiété pour ceux qui sont dans la fonction publique est de ne pas savoir s'ils vont encore avoir un emploi dans une semaine, dans trois semaines ou dans trois mois. Il est préférable de savoir que votre emploi a été carrément supprimé, plutôt que d'être laissé dans l'incertitude. C'est un manque de respect complet de la part de l'employeur face à ses employés.
M. Harvard: Je comprends ce que vous dites, mais ne s'agit-il pas en fait d'un problème de mentalité? Dans la fonction publique, pendant des dizaines d'années, il était entendu que vous aviez la sécurité de l'emploi. Dans le passé, dans le bon vieux temps, il y a 50 ans ou plus, il était entendu qu'en échange de cette sécurité de l'emploi, le fonctionnaire devrait accepter un salaire inférieur à la moyenne.
Mais récemment, les choses avaient changé. À partir des années 60, peut-être, et en tout cas pendant les années 70 et 80, les fonctionnaires avaient droit aux deux: la sécurité de l'emploi, et de forts bons salaires.
Ensuite, il y a encore eu une autre révolution. Lorsque nous parlons de compressions, et de façons humaines de faire les choses, ne sommes-nous pas alors aux prises avec la mentalité de la fonction publique, une culture à part, qui fait dire: «Mais, nous étions persuadés que nous aurions toujours cette sécurité de l'emploi!»
M. Hindle: Effectivement, c'est tenu pour acquis. La sécurité de l'emploi dans la fonction publique est un mythe, qui a la vie dure. C'est un mythe que l'on n'est pas prêt à entamer, et certains ne sont pas disposés non plus à admettre que c'était un mythe.
La raison pour laquelle c'est un mythe est que le gouvernement du jour décide de la taille de l'administration publique, de la fonction de gouvernement et de ses modes d'organisation. Tant que le gouvernement en place a la majorité à la Chambre des communes, il peut obtenir tout ce qu'il veut. Mais comme il a permis à ce mythe de se perpétuer, et peut-être également en raison de la façon dont les diverses législatures ont traité la fonction publique au fil des ans, on se retrouve avec une croyance profondément enracinée.
Il est clair, et ce depuis les années 80, que le gouvernement a tous les pouvoirs. Il dispose de toutes les cartes. Il fait la loi, il dispose de l'autorité suprême sur l'organisation de la Fonction publique.
Je pense donc que la sécurité de l'emploi dans la fonction publique a été un mythe, et que maintenant ce mythe vole en éclats. C'est-à-dire que l'on voit les choses comme elles sont. De toute façon on a toujours été à la merci, si vous voulez - bien que ce caprice n'ait jamais réellement été exercé, même si la prérogative lui en revenait - d'un gouvernement qui décide de la durée de l'emploi dans la fonction publique. Rien n'a jamais été écrit dans un contrat.
Lorsque finalement la directive d'ajustement de la main- d'oeuvre s'en est inquiétée, le gouvernement a tout repris ou changé dans la loi, ou si nécessaire, a forcé la main des gens pour que les syndicats donnent leur accord aux changements.
M. Harvard: Vous avez sans doute raison de dire que le gouvernement a toujours eu le dernier mot, si je puis dire, d'une certaine manière. Mais sauf votre respect, à l'époque dorée de la fonction publique, dans les années 50, 60 et 70, les gouvernements n'ont finalement jamais usé de leurs privilèges. En fait, c'était même le contraire: la fonction publique prenait de plus en plus d'extension.
Je suis un partisan de l'État, et de la fonction publique. Je ne suis pas contre les syndicats, mais nous devons nous parler franchement. Vous dites que c'était un mythe. C'est encore un mythe, s'il y a encore des gens qui veulent nous faire croire que les fonctionnaires ont un emploi à vie. Ce n'est pas le cas. Donc c'est un mythe encore, mais ce ne l'était pas il y a 30 ou 40 ans.
Une voix: Ni même il y a 10 ans.
Mme Demers: J'aimerais ajouter quelque chose à ce que vous dites. Vous parliez de mentalité et de culture. Ce qui est effectivement en train de devenir une culture établie, et ce qui l'est peut-être depuis 10 ans, c'est le fait que le gouvernement, celui-ci, qui est le premier employeur du pays, et qui doit par ailleurs se battre avec des questions de société et des problèmes financiers, a tendance à faire des fonctionnaires son bouc émissaire.
C'est un peu comme si les employés de la fonction publique, et celle-ci, étaient les responsables du déficit du trésor public, comme s'il n'y avait de problème nulle part ailleurs. Comme Steve vous l'a déjà dit, le gouvernement fait preuve d'une absence totale de respect à l'égard de la fonction publique.
Pour en avoir la preuve, il suffit de se reporter aux déclarations de M. Massé, le ministre, devant ce comité. Il n'a absolument pas parlé de la contribution, ni du service rendu par notre fonction publique. C'est comme si elle n'existait pas. Il parle d'autre chose, et les fonctionnaires finissent par être marginalisés.
Heureusement, Mme Hubbard a parlé, dans son discours, de l'apport des fonctionnaires au pays, mais il semble que le capitaine, là-haut, ne se soucie absolument pas de ses fonctionnaires.
Le président: Merci.
Monsieur Gilmour.
M. Gilmour (Comox - Alberni): Merci.
Les professions libérales, dans le secteur privé, sont très peu syndiquées ou organisées, qu'il s'agisse des avocats, des comptables ou des autres. Plutôt que le syndicalisme, ils préfèrent pratiquer l'association professionnelle. Comment se fait-il que la catégorie professionnelle du secteur public soit syndicalisée?
M. Hindle: Lorsqu'il y a des employés, au privé ou au public, des syndicats voient le jour, ou s'installent dans un lieu de travail, lorsque les employés ont le sentiment que les employeurs ne les traitent pas correctement. Félicitations à ceux de l'extérieur de la fonction publique qui n'ont pas le sentiment d'avoir besoin d'un syndicat, et qui ont un employeur qui reconnaît leurs valeurs et les traite en professionnels.
Il est vrai que les professions libérales, à l'extérieur du secteur public, ne sont pas syndiquées, comme vous l'avez dit, mais leurs associations professionnelles rendent des services multiples tout à fait comparables à ceux d'un syndicat à ses membres. Regardez ce qui se passe chez les médecins en Ontario, me direz- vous qu'ils ne sont pas syndiqués? L'Association médicale ne défend-elle pas leurs intérêts comme un syndicat. Voilà ce que je pense.
Vous verrez que les avocats et les médecins de ce pays ont précisément à leur disposition les syndicats professionnels les plus considérables et les plus fermés que l'on puisse trouver. Ils contrôlent l'accès à la profession, et bien d'autres choses. Avant d'être agri comme médecin ou avocat, vous devez remplir leurs conditions. C'est une boutique fermée. Ils fournissent des services, et négocient les barèmes des tarifs avec ceux qui paient.
Dans d'autres cas, certaines professions libérales ne voient pas la nécessité de la syndicalisation, leur employeur les traitant avec respect. Je l'ai expliqué, en ce qui concerne les employés de la fonction publique, certains seraient prêts à dire: «Nous n'avons pas besoin de syndicat, mon patron me traite correctement...». Vous pourriez certainement, individuellement, et au cas par cas, trouver des gens qui soient prêts à le dire.
C'est ce que d'ailleurs je vous aurais dit lorsque j'étais moi-même fonctionnaire. J'avais de très bons directeurs, tout à fait conscients des préoccupations de leurs employés, et en même temps désireux de nous voir assurer un bon service. Mais de façon générale, et dans la majorité des cas, c'est l'attitude du Conseil du Trésor, l'employeur, et sa façon de traiter ses employés, qui sont la raison d'être des syndicats de la fonction publique.
M. Gilmour: J'ai travaillé 25 ans dans l'industrie forestière en Colombie-Britannique. Je suis donc un forestier de profession. J'ai travaillé pour MacMillan Bloedel, qui était à l'époque le premier employeur de la Colombie-Britannique, avec 25 000 employés.
Vous dites, et j'ai du mal à accepter cela, que le gouvernement n'est pas comme une industrie, qu'il n'est pas comparable à l'entreprise privée. Le gouvernement n'est pas une petite entreprise, mais tout à fait comparable à une grosse société. Je venais d'un milieu très syndicalisé: l'IWA. Port Alberni est ma circonscription, et il est difficile de trouver une vile plus syndiquée. Je ne suis pas contre les syndicats; j'ai travaillé avec eux toute ma vie.
Mais je crois que la syndicalisation crée l'affrontement à la table de négociation. C'est comme cela que les choses sont faites. J'ai moi-même participé à des réductions et restructurations; ce n'est pas facile. C'est toujours douloureux. Lorsque nous avons dû le faire, nous nous sommes réunis et nous avons dit: «Voilà où nous voulons aller, nous savons ce que nous voulons, et il s'agit de savoir quel est le meilleur chemin pour y parvenir».
Votre difficulté vient de ce que vous discutez de tout cela, avec entre vous une table de négociation. Au lieu d'être associés aux mesures, vous finissez par être montés les uns contre les autres. C'est une question de système. Et je vois où vous vous situez. Je vois également quelles sont les positions du gouvernement. Se retrouver dans l'affrontement est source de difficultés, alors que lorsque vous avez affaire à des gens qui ne sont pas syndiqués... comme dans les grandes sociétés. Vous vous réunissez, et vous essayez de régler les problèmes en joignant vos efforts et en vous entendant. Tout cela est un petit peu théorique, car de toute évidence vous êtes un syndicat et vous n'allez pas changer.
La difficulté, à mon avis, c'est d'arriver à ce que les différents groupes s'entendent. Vous, vous avez votre position. Le gouvernement, de son côté, déclare être obligé d'imposer des réductions et compressions; ce n'est pas une question de couleur politique. Les entreprises rationalisent, les gouvernements dégraissent. C'est une réalité omniprésente. La question est de savoir comment s'y prendre, et quelle est la meilleure façon de faire. Je vois qu'il y a des difficultés des deux côtés.
Le président: Bob.
M. Robert J. McIntosh (Négociation collective et relations de travail, Institut professionnel de la Fonction publique du Canada): Si vous me permettez de répondre: vous avez mis le doigt sur la question, à savoir la capacité de négocier une solution autour d'une table. Ce gouvernement a précisément, en adoptant une loi, privé le syndicat du recours à la négociation collective.
Depuis 1991, nous n'avons pas pu nous retrouver autour d'une table et négocier une solution à tous ces problèmes fort délicats. C'était une possibilité officielle de discussion dont nous avons été privés. Il y a quelques instants, un député parlait de mentalité, et de culture d'organisation, où l'on commande et contrôle, et cela depuis des dizaines d'années, où le diktat vient d'en haut, sans réplique, au lieu de s'asseoir avec les employés et de négocier une solution satisfaisante aux deux parties. La suppression de la négociation collective a eu des conséquences graves sur la capacité du gouvernement de gérer sa fonction publique.
Voilà exactement ce que nous essayons d'expliquer. Redonnez- nous cette enceinte de négociations. Redonnez-nous ce moyen qui nous permet de parler à notre employeur. Obligez l'employeur à nous écouter, et nous serons obligés de l'écouter, et à négocier une solution à nos difficultés communes, plutôt que de se voir imposer unilatéralement des soi-disant solutions venues du gouvernement.
M. Gilmour: Lorsque vous négociez de part et d'autre de la table à laquelle vous êtes assis, vous conservez vos positions. C'est-à-dire que vous voulez conserver tous les employés au sein de la fonction publique, alors que le gouvernement exigera des coupures, arguera de son déficit et de ce qu'il est obligé de faire.
Je ne pense pas que vous soyez en mesure, étant donné votre position à la table de négociation, d'accepter les contraintes du gouvernement, et de vous demander réellement comment l'on peut progresser. Vous en êtes encore à des rapports d'affrontement, sur le principe même, et vous ne voulez pas perdre un seul employé. Je pense que vous ne regardez pas dans la même direction.
M. Hindle: Vous avez peut-être mal compris notre position sur toute cette réorganisation et réduction d'effectifs. Un des problèmes est que l'employeur ne nous a pas invités à discuter, qu'il s'agisse de table de négociation ou autre. Notre problème n'est pas tant ce qu'il fait, que la façon dont il s'y prend, les méthodes utilisées, et l'exclusion à priori des plus concernés.
Pour la négociation, nous nous sommes montrés disposés, avec d'autres employeurs, comme l'Énergie atomique du Canada et l'Office national de l'énergie, à négocier des contrats en dehors de toute stratégie de position. C'est ce qu'on appelle la négociation d'intérêts.
Et nous avons obtenu de bons résultats. Évidemment, pour cela il faut une relation de confiance entre l'employeur et ses employés. En ce moment ce ne serait pas possible. Cette confiance n'existe pas. Il n'y a même pas entre les employés et l'employeur de la fonction publique une relation de respect. Ce qui manque c'est d'être associé à tout processus, et de pouvoir en discuter. Et de ce fait, nous sommes acculés à des positions d'adversaires. Et nous sommes exclus, malgré nous. Nous voudrions participer à tout ce qui se fait.
M. Gilmour: Je trouve cela acceptable.
Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Murray, vous avez la parole.
M. Murray (Lanark - Carleton): Merci, monsieur le président.
J'ai l'impression que nous continuons à tourner un petit peu en rond. J'entends les députés dire la même chose les uns après les autres.
Pourtant l'Institut n'a pas un passé de syndicat agressif. Vous êtes toujours venus nous voir avec des critiques constructives. Je ne vois jamais vos membres me harceler lors de mes meetings, ce que j'apprécie beaucoup.
Ce à quoi l'on assiste ce matin c'est un petit peu un cri du coeur, si vous voulez, de la part du syndicat. Il n'est pas tant question d'avantages sociaux ni de négociations collectives, que du désir de ces professionnels de jouer pleinement leur rôle au sein de l'administration fédérale et pour le développement du pays.
Je me reporte à 1993, au moment du changement de gouvernement. Une des caractéristiques de ce gouvernement était de vouloir renouveler sa confiance dans la fonction publique plutôt que de faire appel à des conseillers politiques. Vous vous en souviendrez peut-être. On en parlait partout à Ottawa, et on disait que tous les conseillers politiques étaient ignorés alors que le gouvernement n'écoutait que ses fonctionnaires. Ceci sous forme de préambule pour que nous nous en souvenions.
J'ai un peu l'impression que vos réactions à ce que le gouvernement a fait pendant cette opération de rationalisation sont un peu excessives. Je me souviens, en qualité de député de la région d'Ottawa - et les autres s'en souviendront également - des discussions où nous étions très inquiets des conséquences de cette révision des programmes pour les fonctionnaires, au point que nos programmes de départ anticipé et d'encouragement à la retraite anticipée furent vivement critiqués pour leur générosité par le secteur privé.
Mais nous avons également été surpris de recevoir très peu de coups de téléphone de fonctionnaires inquiets ou furieux. En fait, on entendait plutôt les gens nous demander comment il fallait s'y prendre pour profiter de telle et telle mesure, plutôt que se plaindre de ce qu'on leur faisait.
Remettez bien les choses en perspective.
Maintenant, ma question est celle-ci: que faire pour réduire cet écart qui s'est creusé? Nous avons pour l'essentiel un groupe de professionnels intelligents, qui veulent travailler pour leur pays, et qui ont le sentiment par ailleurs qu'à moins d'être sous- ministre adjoint ou sous-ministre, ou peut-être même député, il est impossible de peser en rien sur les décisions du gouvernement. Nous savons tous que les membres de votre syndicat sont des fonctionnaires raisonnables, intelligents, bien intentionnés et dévoués.
Auriez-vous quelque chose à proposer pour que - peut-être un peu comme pour l'examen des Sciences et de la Technologie où cela a bien réussi - nous nous débarrassions d'un certain élitisme, si c'est là que le bât blesse, dans l'élaboration des programmes et politiques du gouvernement, pour que les membres de l'institut aient le sentiment que leur avis est sollicité? Ce qu'ils veulent vraiment, je crois, c'est pouvoir contribuer au bien général. Est- ce que vous avez des propositions à faire?
M. Hindle: La révision des programmes en matière de Sciences et de technologie est certainement un bon exemple de réussite. On nous a demandé de choisir des membres de l'institut capables de participer à des groupes de travail. Nous en avons donc choisi quelques-uns qui se sont rendus à ces réunions de travail, sans pour autant être là pour représenter les positions de l'institut. Ils avaient été choisis en fonction de leur participation au travail de sciences et de technologie. Ils ont alors été traités comme membres à part entière de l'effort de réflexion, et c'est ainsi également qu'ils ont traité les gestionnaires.
Il est intéressant que certains de ceux qui ont été choisis par les ministères lors de la composition des comités, qu'ils aient été syndicalistes ou non, avaient tous probablement été à un moment ou à un autre membres de l'institut. Le sujet débattu était: sciences et technologie, les grandes questions qui se posent, le problème de recrutement et de regénérescence, comment avoir une relève de jeunes scientifiques prêts à travailler pour l'État.
Vous avez dit tout à l'heure que les gens faisaient la queue pour se prévaloir des nouvelles mesures et ensuite quitter la fonction publique; cela montre bien que celle-ci n'est plus un lieu de travail aussi agréable que par le passé. Oui les mesures incitatives ont été généreuses, si vous voulez utiliser ce terme; je dirais raisonnables, si vous voulez regarder les choses par l'autre bout de la lorgnette. Qui peut dire si c'était ou non trop généreux? L'argent était là, la possibilité de partir aussi, et je pense que c'est qu'attendaient la plupart des gens concernés.
Je crois que l'on peut se servir de l'exemple des sciences et de technologie; il y a également la norme universelle de classification, procédure par laquelle nous essayons de parvenir à une nouvelle classification pour cette fonction publique. Nous n'avons pas encore conclu qu'il était possible de parvenir à une grille universelle pour un employeur aussi important que la fonction publique, aussi diversifié et complexe que celle-ci. Cela dit, nous n'avons pas encore dit non; nous sommes ouverts. Nous sommes prêts à discuter de cette question, prêts à aider à l'établissement d'une grille, à mettre celle-ci à l'épreuve, et ensuite à aider à son utilisation et à négocier lorsque ce sera nécessaire.
Le tout est de créer des occasions de permettre à ceux que nous représentons de participer aux discussions. Si ensuite le programme est supprimé, c'est assez simple: tout disparaît. Cela n'est pas la même chose que de dire: «On modifie ce programme» ou «Le budget de ce programme ne sera plus que de 45 millions de dollars au lieu de 70 millions». Nous ne contestons pas le droit du gouvernement de prendre ces décisions, il est là pour cela, en même temps que le Parlement, mais une fois que les décisions ont été prises, il faut associer les intéressés du secteur considéré et dire: «Voilà nos nouvelles positions. Voilà le chemin à parcourir. Nous avons 45 millions à dépenser, comment allons-nous pouvoir continuer à fournir ce service? Y a-t-il des choses que nous pouvons laisser tomber? Ou faire différemment?».
Il faut donc faire participer ceux qui s'occupent des programmes aux discussions sur les problèmes que posent ces programmes.
Notre impression est que lorsqu'il y a un problème apparent, un gestionnaire adopte une solution sans avoir discuté de la réalité du problème, ni des vrais questions à poser, ou des solutions possibles, avant de prendre sa décision.
Je ne voudrais pas non plus donner l'impression à qui que ce soit que nous voulons cogérer la fonction publique. Non, merci. C'est à la responsabilité de ceux qui ont la mission de gérer. Je veux au contraire que vous sachiez bien que nous voulons une bonne structure de gestion. De bonnes pratiques de gestion et de bons gestionnaires vont dans le sens du bien des fonctionnaires. Cela ne fait aucun doute. Et les bons gestionnaires feront participer leurs fonctionnaires, en leur permettant de proposer idées et solutions.
Le président: Merci.
M. Murray: Mon temps est-il écoulé?
Le président: Oui.
[Français]
Monsieur Fillion.
M. Fillion: J'ai compris le message que vous voulez nous livrer ce matin. Vous voulez le plus possible faire valoir vos arguments dans la prise d'une décision par rapport à des programmes existants. Vous désirez être consultés sur l'ensemble des programmes et des dossiers de la fonction publique.
Actuellement, monsieur le président, on ne peut pas faire abstraction des véhicules qui sont là: ce sont le syndicat et le gouvernement. En 1997, lorsque viendra le temps de négocier, on aura affaire à cette structure-là. Ce n'est pas à nous de changer la structure. Elle est là pour un bout de temps encore. C'est avec ces véhicules-là qu'il faut travailler.
Supposons que je suis le gouvernement ce matin et que vous me dites que vous voulez protéger l'intégrité de la fonction publique, la revitaliser et la rajeunir. On a décidé, en tant que gouvernement, de vous consulter.
Quelles sont vos recommandations à ce moment-là au comité ou au gouvernement en place? Est-ce que vous avez quelque chose à nous dire immédiatement en vue de revitaliser la fonction publique?
[Traduction]
M. Hindle: Vous abordez cette question très importante du retour à la négociation collective. Cela doit faire l'objet de toute notre attention. Les deux parties en présence doivent y retourner sans a priori quant à l'issue de la discussion. Ce doit être un échange de part et d'autre, à propos des questions en négociation.
Nos membres sont tout à fait conscients des contraintes budgétaires du gouvernement. Mais ils savent également que pendant cinq ans l'augmentation a été nulle, avec ensuite 3 p. 100 pour une année. Ils ont donc également leurs propres contraintes budgétaires à assumer. Par ailleurs, ils ont le sens de la valeur de leur travail au sein d'une organisation, et ils aimeraient être sûrs que l'employeur en a également conscience.
Je pense qu'il faut donner beaucoup d'importance à cette négociation collective, et en faire une véritable négociation, en trouvant le moyen d'équilibrer les pouvoirs en présence. La négociation, c'est une question de pouvoir et de partage du pouvoir; vous avez ce que je veux, et j'ai ce que vous voulez, alors essayons de trouver une modalité de partage acceptable de part et d'autre. Traitez-nous avec respect, ne faites pas de déclarations à la presse, ou à la Chambre, sur l'issue de la négociation avant même que nous ne soyons assis à la table.
L'autre chose serait de trouver le moyen de procéder à des consultations, et d'assurer que les employeurs, les gestionnaires de la fonction publique, leur reconnaissent une véritable valeur. C'est-à-dire: ne prenez pas une décision pour ensuite venir nous placer devant le fait accompli. Informez-nous de ce que vous pensez être le problème, associez-nous à vos discussions; car le problème n'est peut-être pas exactement là où vous le voyez.
Une fois que l'on se sera entendu sur la réalité du problème, et sur la question à poser, l'on pourra parler des possibilités de solution. En dernier ressort, ce sera au gouvernement et aux gestionnaires de prendre la décision, mais permettons un véritable échange d'idées.
[Français]
Mme Demers: Nous vous implorons de regarder ce qui s'est fait dans les autres pays qui sont passés par la privatisation et la devolution - je perds mon français, excusez-moi - et de voir les impacts de ces processus sur ces sociétés avant d'aller plus loin dans le processus dans lequel vous êtes engagés présentement. C'est primordial pour notre société de ne pas commettre les erreurs commises ailleurs ou peut-être de faire différemment les choses qui ont été faites ailleurs, dans le même but au fond.
[Traduction]
Le président: Je rappelle aux membres du comité le programme de la journée. À midi, nous devons nous retrouver pour la discussion des travaux futurs du comité. J'ai encore des gens sur ma liste. Je suis à la disposition du comité pour permettre à d'autres membres de poser leurs questions, et ensuite discuter des travaux du comité après le départ des témoins. Voulez-vous que nous laissions aux députés dont le nom figure sur une liste la possibilité de poser leurs questions? Auquel moment nous mettrons fin à cette partie de notre réunion.
Des voix: D'accord.
Le président: Monsieur Bellemare.
M. Bellemare (Carleton - Gloucester): Merci, monsieur le président.
Je suis un grand admirateur de l'Institut, mais aujourd'hui votre exposé m'a quelque peu dgu. C'est peut-être une question de ton. On croirait de plus en plus entendre un syndicat, et j'en suis désolé.
M. Hindle: Nous sommes un syndicat.
M. Bellemare: Vous êtes un syndicat?
M. Hindle: Oui, un syndicat qui s'appelle l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada.
M. Bellemare: Je n'ai pas vu le mot «syndicat» dans cette appellation. J'étais sans doute naïf. Je vous considérais davantage comme une association de professionnels. C'est ainsi que je vous percevais, par opposition à l'Alliance, qui est un syndicat qui négocie ferme et qui est axé sur l'affrontement. J'aurais dû comprendre lorsque vous avez commencé à dire que vous vouliez être consultés. Vous nous avez dit que pour vous, la consultation équivalait au retour à la table de négociation. Or, il va de soi que la table de négociation est un lieu d'affrontement. C'est une joute de pouvoir pour déterminer qui va gagner quoi.
Vous avez tout faux. Notre dette s'élève à 650 milliards de dollars. Devrait-on mettre la clé dans la porte au Canada? Tous les ans nous accusons un déficit de quelque 50 milliards de dollars. Il fallait absolument réviser la façon dont nous fonctionnions. Nous avons réduit les programmes, et il va de soi que cela a eu des répercussions sur l'emploi, mais à mon avis, cela ne se traduit pas nécessairement par des pertes d'emploi et des tragédies personnelles.
Le gouvernement a proposé un programme d'encouragement à la retraite et des mesures d'encouragement au départ anticipé, deux programmes qui étaient extrêmement justes. À votre avis, ces deux programmes étaient-ils justes ou plutôt injustes?
M. Hindle: Nous avons participé aux discussions qui ont abouti à la création de ces...
M. Bellemare: Étaient-ils justes ou injustes?
M. Hindle: Nous sommes disposés à faire avec.
M. Bellemare: Étaient-ils justes ou injustes?
M. Hindle: Si on les compare à quoi?
M. Bellemare: Étaient-ils justes ou injustes?
M. Hindle: Il y a...
M. Bellemare: En comparaison avec quoi? Avec ce qu'offre l'Ontario?
M. Hindle: Ils sont comparables à ce qui est disponible dans le secteur privé et ils sont supérieurs à ce qui est offert dans la fonction publique de l'Ontario. Je vous l'accorde.
M. Bellemare: Connaissez-vous une autre organisation où il existe un meilleur système?
M. Hindle: Si l'on considère une strate particulière, je dirais que les cadres supérieurs, y compris les cadres supérieurs de la fonction publique, sont mieux traités que les employés de la fonction publique.
M. Bellemare: Vous ne répondez pas du tout à ma question. Vous ne répondez pas à ma question.
Savez-vous ce que vous devriez faire? Dieu sait que vous avez les cerveaux pour le faire. Vous devriez faire ce que j'essaie de faire, la capacité en moins. Je n'ai pas l'effectif voulu. J'essaie de comprendre... Je mène une bataille personnelle contre le Conseil du Trésor.
Je me considère comme un champion de la fonction publique et des fonctionnaires. J'ai pratiquement eu un arrêt cardiaque lorsque j'ai appris que 55 emplois allaient être perdus, mais après avoir reçu des explications au sujet de ce programme, j'ai appris que certains employés deviendraient des consultants privés dans ma circonscription et dans la région. Les services continueraient donc d'être fournis.
Il existe des programmes et des services qu'il n'y a pas lieu de perpétuer. Vous conviendrez avec moi, j'en suis sûr, que les programmes de 1867 n'étaient pas pertinents en 1967 et que ceux de 1967 ne le sont plus en 1997. Un enfant de cinq ans serait d'accord avec cela. Par conséquent, un examen quelconque s'imposait. Ce que vous devriez essayer de faire, c'est de comprendre, tout comme moi...
Dans le contexte de la rationalisation, si l'objectif visé est d'épargner trois milliards de dollars, réussissons-nous vraiment à épargner ces trois milliards? Et aux dépens de qui? Aux dépens de la culture de la fonction publique, qui en subi le contrecoup. Je n'apprécie guère que le gouvernement se targue d'avoir épargné trois milliards de dollars si, dans la foulée des compressions, il dépense la même somme en services contractuels.
Des voix: Bravo!
M. Bellemare: J'ai découvert...
Ne m'applaudissez pas. Je veux que vous effectuiez des recherches et que vous nous fournissiez, à mes collègues et à moi, à titre de députés du Parlement, les renseignements que je cherche. Je veux savoir si, sur cette somme de 9 milliards de dollars en contrats, le Conseil du Trésor et non pas le gouvernement, ne serait pas le véritable ennemi? Par exemple, comment se fait-il que le Conseil du Trésor ne dise pas aux parlementaires combien d'argent sur cette somme de 9 milliards, a été consacré aux services, à la construction et au marchés gouvernementaux? Il m'est impossible d'obtenir cette réponse.
Pourquoi ne faites-vous pas des efforts pour m'aider, ainsi que mes collègues, pour que nous puissions voir si l'on se soucie de la relève? Dois-je vraiment lire des ouvrages démographiques pour essayer de comprendre le système et être en mesure d'affirmer que la relève ne sera pas prête assez tôt et qu'au Canada, on pourrait sous peu être à la merci de contractuels privés, voir de gestionnaires de contrats incompétents? Voilà les questions que vous devriez fouiller pour essayer de nous donner, à mes collègues et à moi, certaines réponses pour que nous puissions apporter des correctifs.
Le président: Monsieur Bellemare, vos cinq minutes sont écoulées.
Monsieur Hindle, je ne vais pas vous demander de faire de commentaires car ce que monsieur Bellemare vous a demandé, essentiellement sous forme de directive, c'est de nous aider à essayer de régler le problème. Je voudrais savoir si vous êtes d'accord ou si, au contraire, vous n'êtes pas en mesure de le faire.
M. Hindle: Je peux vous dire sans ambages que nous avons essayé de faire ce qu'il souhaite que nous fassions, mais sans résultat. Nous avions espéré que les députés nous aideraient à dénicher les renseignements dont il a parlé. Peut-être que c'est cette frustration qui a donné le ton à notre exposé, ce qui l'a tellement dgu.
Le président: D'accord. Je pense que vous avez un allié en la personne de M. Bellemare.
M. Hindle: Il devrait être assis à ce bout-ci de la table.
Le président: Vous pourriez peut-être continuer votre conversation avec M. Bellemare à l'extérieur de la salle du comité.
M. Jackson (Bruce - Grey): Monsieur le président, je tiens à apporter un correctif. M. McIntosh a dit que depuis 1991, nous avions suspendu la négociation collective, mais c'est plutôt notre gouvernement qui l'a restaurée. Aux fins du compte-rendu, je précise que ce n'était pas la décision de notre gouvernement d'instituer cela, mais d'un autre gouvernement.
Combien de classifications existe-t-il dans la fonction publique? En 1991, lorsque la négociation collective a été suspendue, la fonction publique comptait quelques 250 000 employés. Combien de classifications avions-nous?
M. Hindle: Nous avions 72 unités de négociation.
M. Jackson: Combien de temps fallait-il à chaque unité de négociation? Combien d'employés faut-il pour mener à bien toutes ces négociations dont nous parlons?
M. Hindle: Tout dépend du climat à la table. Tout dépend de la volonté des parties concernées de résoudre les problèmes. Ce n'est que dans de très rares cas qu'à la suite de négociations, des contrats ont été signés avant que l'échéancier n'arrive à échéance, mais de façon générale, on estime qu'un an après l'expiration du contrat il devrait y en avoir un nouveau en place. Au cours de l'année en question, il peut y avoir deux semaines de rencontres face à face, parfois plus. Il est très rare que les négociations directes exigent moins de deux semaines d'effort de la part de chaque partie concernée, sans compter qu'il faut prévoir du temps de préparation de chaque côté.
M. Jackson: Combien de ces groupes l'Institut représente-t-il?
M. Hindle: Nous en représentons 29.
M. Jackson: Pensez-vous pas que vous pourriez ramener cela à...
M. Hindle: Nous avons déjà préconisé une réduction de leur nombre dans le passé et en ce moment même, nous avons des discussions avec l'employeur au sujet de la réduction du nombre d'unités de négociation. Nous sommes favorables à cette idée de réduire le nombre des unités de négociation. Nous avons soumis une proposition qui ferait passer leur nombre de 29 à 5.
M. Jackson: D'accord. C'est tout.
Le président: Merci, monsieur Jackson.
Monsieur Hindle, je vous remercie, ainsi que votre équipe, d'avoir comparu devant le comité. L'information que vous nous avez fournie aujourd'hui figurera dans notre rapport. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir accepté de comparaître devant le comité.
M. Hindle: Je remercie le président et les membres du comité de leur temps.
Le président: Cette partie de la séance est ajournée.
Chers députés, nous allons attendre que les témoins quittent la table et ensuite passer au point de l'ordre du jour que le comité examinera à huis clos.
Mais avant de faire cela, M. Bryden a une motion qu'il aimerait soumettre au comité. Pour régler la question de la motion en soi... M. Gilmour souhaite - et je vais demander l'assentiment du comité - que le comité convienne de siéger jeudi matin pour examiner la motion de M. Bryden et une motion qu'il souhaite lui- même présenter.
Aujourd'hui, j'aimerais poursuivre la discussion sur la sous- traitance au gouvernement et le système des invitations ouvertes à soumissionner, car M. Adams voudrait poser des questions aux membres du comité et obtenir des précisions avant d'aller de l'avant. À la demande de M. Gilmour, et avec l'assentiment des membres du comité, je voudrais proposer que nous siégions jeudi pour aborder les motions.
Êtes-vous d'accord pour procéder de cette façon?
M. Bryden (Hamilton - Wentworth): Monsieur le président, je pense que ma motion ne prendra guère de temps.
Je préférerais qu'on en parle maintenant parce qu'elle concerne un témoignage ou des événements relatifs à la séance précédente. Je n'ai aucune objection à ce qu'on règle cela tout de suite. Je suis assez confiant d'obtenir un consensus général à l'appui de cette motion. Je ne sais pas si ce sera le cas, mais on pourrait la mettre aux voix.
Une voix: Pouvons-nous voter à huis clos?
Une voix: Il n'y a pas de votes à huit clos.
M. Bryden: Nous ne sommes pas à huis clos maintenant et je ne voudrais pas que cette motion soit examinée à huis clos. Cela serait déplacé.
Le président: Monsieur Harvard.
M. Harvard: La motion de M. Bryden porte sur la façon dont le comité mène ses travaux. Je pense qu'elle n'est pas sans mérite, mais le processus ne me plaît guère. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une motion d'urgence qui devrait nous être imposée immédiatement. M. Bryden a soulevé une question. Nous devrions envisager d'examiner cette question au moment opportun et de donner au comité à tout le moins un court préavis. En l'occurrence, les représentants du Parti réformiste ne sont même pas ici. J'ignore s'ils étaient au courant qu'une telle motion allait être présentée ou non, mais ils ne sont pas ici. Je ne vois pas pourquoi cette motion ne pourrait pas attendre une semaine.
Vous avez parlé de jeudi. Était-ce jeudi de cette semaine?
Le président: Oui, jeudi de cette semaine. Nous sommes aujourd'hui mardi.
M. Harvard: D'accord, dans deux jours. John ne sera peut-être pas d'accord, mais je ne vois pas pourquoi cette motion doit être présentée tout de suite. Je pense qu'elle pourrait fort bien attendre deux jours.
Et pendant que nous y sommes - et cela est connexe à la question de savoir comment nous menons nos travaux - , il me semble que si l'on veut saisir le comité de certaines questions, individuellement ou en tant que parti, il y aurait lieu de passer par le comité directeur. Après tout, c'est précisément le mandat du comité directeur.
Évidemment, les décisions du comité directeur sont sujettes à la ratification du comité plénier. Si le comité plénier n'est pas d'accord avec une décision du comité directeur, je suppose qu'il peut l'abroger. Mais pour que le comité directeur puisse s'acquitter convenablement de ses tâches, il faut que ce genre de chose lui soit soumise, car c'est à lui qu'il revient d'établir le plan de travail du comité.
Le président: Merci.
Monsieur Fillion, vouliez-vous ajouter quelque chose?
[Français]
M. Fillion: Je suis d'accord sur votre proposition de faire l'étude de cette opération jeudi, en même temps que celle de M. Gilmour, dans la mesure où celui-ci dépose sa motion avant jeudi pour qu'on puisse en connaître exactement le contenu. On va reprendre la procédure de tantôt. On vient de recevoir celle de M. Bryden et on pourra l'étudier jeudi, et on étudiera la sienne s'il nous la fait parvenir avant. S'il la dépose jeudi, on ne l'étudiera pas parce qu'il faut tout de même prendre le temps de l'examiner. Donc, je suggère au comité de faire cette étude jeudi.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Fillion.
Je demanderai à M. Gilmour de fournir un exemplaire de sa motion avant la séance de jeudi, pour que nous puissions l'étudier à ce moment-là.
Si cela vous convient, je demanderai au greffier d'organiser une séance jeudi pour examiner ces deux motions et les autres aspects des travaux du comité que nous n'aurons pas finis aujourd'hui.
M. Harvard: N'avions-nous pas une séance prévue pour jeudi de toute façon?
Le président: Non.
M. Harvard: Cette séance pourrait-elle avoir lieu le matin?
Le président: Oui, c'est ce que nous souhaitons.
Nous sommes tous d'accord?
Le greffier du comité: Monsieur le président, la séance aura- t-elle lieu à la même heure, soit jeudi matin à 11 heures? Est-ce la préférence des députés, sous réserve de la disponibilité de la salle?
Le président: Préfère-t-on que la séance ait lieu à 11 heures, ou plus tôt?
Nous allons essayer d'organiser la séance pour 11 heures.
Des voix: D'accord.
[La séance se poursuit à huis clos]