[Enregistrement électronique]
Le mercredi 19 février 1997
[Traduction]
Le président: Je déclare la séance ouverte.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement, le comité reprend son examen des initiatives de renouveau dans la fonction publique. Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui Mme Bourgon, greffier du Conseil privé de la Reine pour le Canada et secrétaire du Cabinet. Bienvenue.
Les membres du comité ont reçu le quatrième rapport annuel du greffier au premier ministre sur la fonction publique du Canada, qui a été déposé à la Chambre le 3 février et renvoyé devant notre comité le même jour conformément à l'article 32(5) du Règlement.
Avec la permission du comité, j'aimerais inscrire l'examen de ce document à l'ordre du jour. Je crois que tous les députés l'ont reçu, sinon, nous en avons des exemplaires ici.
Jusqu'à présent, les audiences que nous avons tenues nous ont permis de nous informer au sujet des diverses initiatives qui ont été entreprises par le gouvernement en 1990 en vue de revitaliser la fonction publique du Canada et de permettre une prestation de services plus efficace au pays. Nous avons entendu les témoignages de la plupart des principaux intervenants dans ce processus de renouveau.
La séance d'aujourd'hui sera la dernière au cours de laquelle nous entendrons des témoins dans le cadre de notre examen des initiatives de renouveau dans la fonction publique. Notre principal objectif aujourd'hui consiste à éclaircir un certain nombre de questions et à obtenir des réponses à des questions qui sont restées en suspens à la suite d'audiences précédentes.
Je vais donc demander à Mme Bourgon de faire un exposé liminaire; ensuite les membres du comité pourront lui poser des questions.
Mme Jocelyne Bourgon (greffier du Conseil privé de la Reine pour le Canada et secrétaire du Cabinet): Merci, monsieur le président. Je vous remercie de l'intérêt que vous avez manifesté à l'égard de mon rapport annuel au Parlement.
J'aimerais tout d'abord vous présenter David Holdsworth. David est le chef des priorités de gestion et du personnel principal pour le Bureau du Conseil privé, et il est donc très bien informé sur tous les aspects de mon rapport annuel.
Monsieur le président, plutôt que d'aborder tous les aspects du rapport, je vais me fier à ce que vous avez dit. Je suppose effectivement que les gens ont même eu l'occasion d'en prendre connaissance brièvement. J'ai lu certaines transcriptions de vos délibérations précédentes, et j'ai pensé vous parler surtout d'un chapitre de mon rapport, le dernier, le chapitre 6, intitulé La Relève. Ce chapitre porte sur les hommes et les femmes servant dans le secteur public aujourd'hui.
Au cours de vos délibérations précédentes, vous avez eu l'occasion d'examiner les divers systèmes et procédures. C'est davantage le domaine du Conseil du Trésor que le mien, de sorte que j'ai pensé vous parler surtout de cette question.
Permettez-moi de mettre brièvement ce chapitre en perspective. Hier, le ministre des Finances a déposé son budget et a essentiellement rappelé à tout le monde que le Canada en 1993-1994 avait un déficit de l'ordre de 6 p. 100 du PIB. Son budget signale par ailleurs que d'ici à 1998-1999 le déficit sera de l'ordre de 1 p. 100 du PIB. Cela signifie essentiellement que le Canada ne sera plus obligé d'emprunter, ce qui veut dire que d'ici là nous aurons repris notre souveraineté financière. En d'autres termes, nous ne dépendrons plus des marchés étrangers pour prêter de l'argent aux Canadiens afin qu'ils puissent maintenir leurs activités.
Il y a matière à débat, et à débat politique, sur la façon de réaligner le rôle du gouvernement, sur les activités, les priorités, sur les façons de s'y prendre, le rythme à suivre, etc. Cela est de votre domaine. Ce que cette transformation signifie pour la fonction publique, c'est un réalignement considérable des rôles, sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. J'aimerais vous parler de certains aspects de cette transformation au sein de la fonction publique.
La transformation qui s'est opérée jusqu'à présent jettera les bases des changements futurs. Ces changements porteront sur les choix que les Canadiens et leurs représentants élus devront faire dans l'avenir, et je dirais, monsieur le président, qu'ils porteront sur la façon dont nous transformons une institution de grande importance - la fonction publique et le secteur public du gouvernement du Canada.
Aujourd'hui, j'aimerais vous parler des gens qui font carrière à servir le gouvernement, les représentants élus et les Canadiens. J'aimerais que nous nous reportions à l'endroit dans le chapitre où je dis que cette organisation vit actuellement ce que j'appelle «une crise tranquille». Je dis dans mon rapport que la fonction publique vit une crise tranquille pour un certain nombre de raisons. Il s'agit encore d'une crise tranquille parce qu'il y a peu de gens qui en parlent, peut-être pas suffisamment. C'est une crise tranquille parce que peu de gens ont commencé à agir et à apporter des changements, et c'est là que nous devons tous travailler ensemble.
Permettez-moi de vous donner certains signes du malaise que je constate au sein de la fonction publique. Ils ne sont pas la cause et ne sont pas non plus une fin en soi. Les signes sont quelque chose que nous devons bien comprendre si nous voulons déterminer quels changements permettront de régler le problème en partie.
Un exemple de signe de malaise: je considère comme un signe de malaise le fait que des gens qui se sont engagés toute leur vie à servir le bien public arrivent à un point de leur carrière où pour la première fois ils remettent en question leur choix de carrière. C'est un signe de malaise lorsque des gens qui se sont engagés toute leur vie à servir le bien public et l'intérêt public, qui ont une carrière remarquable, vous disent qu'ils ne conseilleront peut-être pas à leurs enfants de suivre leur exemple. C'est un signe de malaise lorsque des diplômés universitaires vous disent que s'ils avaient le choix ils n'envisageraient pas une carrière dans la fonction publique. Comme je l'ai dit, ce ne sont pas les causes; ce ne sont que des symptômes des problèmes auxquels nous sommes confrontés.
Certains des problèmes auxquels nous sommes confrontés découlent de nombreux facteurs, et non pas d'un seul. J'en ai donné une longue liste dans le rapport. Permettez-moi de vous en mentionner quelques-uns. Je ne veux pas vous donner une liste exhaustive de toutes les forces qui entrent en jeu et qui ont créé des tensions au sein de la fonction publique; je veux tout simplement vous donner une bonne idée de ce que sont certains de ces facteurs afin que nous puissions aller plus loin dans notre discussion et voir ce que nous pouvons faire.
Le facteur numéro un - et je ne vous les donne pas ici par ordre de priorité - est la décroissance. Aucune organisation ne peut connaître des compressions de cette ampleur pendant si longtemps, du début des années 80 jusqu'à présent - et il faudra encore attendre un an avant de pouvoir mettre en oeuvre les décisions qui ont été prises jusqu'à ce jour - sans en subir des conséquences. Il serait bête de supposer que cela peut se faire sans créer des tensions et des pressions pour l'organisation.
Je n'en veux pour preuve le fait que les personnes touchées par la décroissance doivent vivre une période d'incertitude et d'inquiétude face à l'avenir. Mais il ne faut pas oublier que ceux qui restent vivent eux aussi un sentiment d'incertitude face à l'avenir ainsi que le traumatisme dans leur organisation. Ainsi donc, la décroissance, même si elle se fait avec toutes les précautions voulues pour en atténuer les effets négatifs, crée nécessairement des tensions au sein de l'organisation. Voilà un premier facteur.
Le deuxième facteur que je voudrais mentionner, c'est le débat que vous, représentants élus, devez avoir au sujet du rôle que devrait jouer le gouvernement. Quel devrait être le rôle d'un gouvernement rationalisé? Qu'est-ce qui devrait être fait différemment? Quel devrait être le rôle du gouvernement à l'avenir? Ce débat a à l'occasion affecté l'organisation et y a créé des tensions. Pourquoi? Parce qu'il est facile et très humain pour chacun d'entre nous qui fournit des services d'être très attaché à ces services que nous offrons.
Lorsque nous entretenons un débat sur la nécessité de maintenir un service, nous ne devrions pas nous faire des illusions et penser que cela ne va pas créer des traumatismes au sein de l'organisation. Les gens sont fiers non seulement du travail qu'ils font, mais aussi des services qu'ils offrent et de la façon dont ils les offrent. Le débat nécessaire pour déterminer quels services seront offerts à l'avenir a créé des tensions et un sentiment de frustration.
Voilà le deuxième facteur. Est-il plus ou moins important que les autres? Je dis tout simplement qu'il s'agit d'un facteur parmi d'autres. Je ne dis pas que ce processus n'aurait pas dû avoir lieu et que l'exercice d'équilibrage des livres du gouvernement du Canada ne constituait pas un exercice très important.
Un troisième facteur que j'aimerais mentionner, c'est que la réalité démographique de la fonction publique soulève de graves problèmes pour l'avenir et que nous devons prendre des mesures pour que cette institution soit bien en mesure de vous servir et de servir les Canadiens dans l'avenir. Voici un exemple de ce que je veux dire.
D'ici à l'an 2000, 30 p. 100 des cadres actuels pourront prendre leur retraite sans pénalité. Comprenez-moi bien: ces gens auront acquis le droit de prendre leur retraite s'ils le souhaitent. Ils ont accumulé les années de service, ils ont servi leur pays et ils l'ont bien fait. Je ne conteste pas les droits et privilèges, mais je tiens à souligner qu'au sein de toute organisation où on a cette masse critique de gens qui ont acquis une grande expérience et de grandes connaissances et qui sont prêts à prendre leur retraite à un moment donné, cela représente tout au moins un défi. Pour empirer les choses, je parlais de 30 p. 100 d'ici à l'an 2000, mais ce sera près de 70 p. 100 d'ici à l'an 2005. Vous pouvez donc constater la pente de cette tendance.
Permettez-moi de vous donner un autre exemple de ce problème au sein de l'institution. En 1976, 15 p. 100 des fonctionnaires avaient moins de 25 ans. Aujourd'hui, c'est 1 p. 100. En 1976,17 p. 100 des fonctionnaires avaient plus de 55 ans. Aujourd'hui, c'est 7 p. 100. Je vous ai parlé de la pente, et je vous parle maintenant de la courbe. Nous perdons aux deux extrémités. L'institution perd une somme incroyable de connaissance, d'expérience et de savoir-faire, et perd également la capacité de se renouveler et de mieux refléter et représenter la société canadienne, qui a changé assez rapidement pour ce qui est de son profil démographique. C'est un autre facteur.
Permettez-moi de mentionner un quatrième facteur. Je dirais que la rémunération est un facteur, et que nous devons faire quelque chose à ce sujet. Aucun fonctionnaire ne s'attend à faire carrière dans la fonction publique, à servir l'intérêt public et le bien public, et à bénéficier des mêmes conditions salariales que dans le secteur privé. Les représentants élus ne s'y attendent pas et les fonctionnaires ne s'y attendent pas non plus.
Quoi qu'il en soit, nous devons nous assurer qu'en général les conditions de travail offertes aux employés leur permettent de poursuivre une carrière consacrée à servir l'intérêt public. Nous devons nous assurer qu'il n'est pas nécessaire de quitter la fonction publique pour élever une famille ou pour envoyer ses enfants à l'université.
Le gel des salaires qui s'est prolongé pendant six ans a créé des distorsions et des anomalies qu'il faut maintenant corriger. Le gouvernement a déjà signalé qu'il souhaite les corriger, le gel a été levé, et le gouvernement revient à la négociation collective. Ce sont des mesures importantes, mais encore une fois je voulais mentionner ces questions parmi les facteurs qui ont créé des tensions au sein de la fonction publique.
Le cinquième facteur que je voudrais mentionner, c'est le fait que les employés du secteur public sont de plus en plus attirés aujourd'hui par le secteur privé. Le secteur privé et le secteur public se sont toujours fait concurrence pour obtenir les meilleures ressources. Cela n'est pas nouveau. Je dirais cependant que la tendance que nous constatons indique que nos employés aujourd'hui sont encore plus recherchés par le secteur privé qu'ils ne l'étaient dans les années 60, ou même dans les années 70.
Pourquoi? Parce que le secteur privé ressemble davantage au secteur public. Le secteur privé est aujourd'hui un secteur axé sur le savoir. C'est le secteur de la technologie de l'information, et il cherche à nouer des alliances stratégiques. Les fonctionnaires ont de très grandes compétences dans ce domaine, et par conséquent nous avons constaté que le secteur privé cherche de plus en plus à recruter des fonctionnaires.
Mes collègues des autres provinces semblent avoir remarqué la même chose. Lorsque nous nous rencontrerons cet été, c'est une des questions que nous aborderons ensemble, car je crois que ce phénomène va au-delà du secteur public du gouvernement du Canada.
Sixièmement, je ne voudrais pas donner l'impression que la situation actuelle au sein de la fonction publique est imputable uniquement à des facteurs externes. Elle est également imputable à des facteurs internes. Il y a des choses que nous aurions pu faire au sein de la fonction publique pour améliorer les conditions de nos employés et donner aux gestionnaires la souplesse nécessaire pour que l'organisation ait le meilleur rendement possible, et nous n'avons pas fait ces choses au moment voulu. Nous n'avons pas introduit certaines mesures d'atténuation qui auraient pu être introduites. Les fonctionnaires eux-mêmes ont besoin d'avoir en main les outils nécessaires pour créer une institution moderne et vibrante.
Par exemple, jamais auparavant a-t-on fait si peu de recrutement extérieur. La mobilité interministérielle, qui est la base à partir de laquelle on diversifie les connaissances et l'expérience de ses employés, est à son plus bas. Les gestionnaires de la fonction publique auraient pu prendre des mesures en vue d'améliorer l'intérêt et la richesse d'une carrière dans la fonction publique et de motiver leurs employés. Il faudra tenir compte de tout cela.
Qu'allons-nous faire pour remédier à la situation? Je pense que nous devrons revenir aux principes de base. Comme par le passé, une carrière dans le secteur public demeure attrayante. Elle est attrayante pour les gens qui servent dans la fonction publique aujourd'hui et elle est attrayante pour bon nombre de Canadiens qui aimeraient se joindre au secteur public pour servir les Canadiens et apporter leur contribution. Rien n'est plus satisfaisant que d'avoir l'occasion d'apporter une contribution et de faire une différence.
Qu'allons-nous faire pour remotiver les fonctionnaires, leur redonner une certaine fierté pour l'institution et raviver leur enthousiasme? Nous devrons revenir en partie aux principes de base. J'ai demandé à tous les ministères de me faire part de leurs suggestions d'ici à la fin du mois de mars, mais idéalement nous devrions terminer notre rapport vers la fin du mois de juin. Par conséquent, nous attendons avec impatience votre rapport, monsieur le président, à la fin d'avril, pour nous aider. Nous avons demandé à tous les ministères d'examiner leur situation, d'en apprendre davantage au sujet de leurs employés, de faire une planification sérieuse des ressources humaines, d'analyser leur situation, de présenter leur plan d'action et de répondre à deux ou trois questions.
Qu'est-ce qu'ils peuvent faire, et qui relève de leur contrôle, pour s'assurer que leur organisation est prête pour l'avenir? Que peuvent-ils faire, et qui relève de leur contrôle, pour s'assurer que leurs employés ont la possibilité d'apporter une contribution selon leur talent et leur potentiel et qu'ils sont prêts à faire face à l'avenir? Quelles sont les initiatives auxquelles nous ne pourrons pleinement donner suite que si nous travaillons ensemble plutôt que de laisser chaque ministère travailler individuellement?
Pour ce qui est de leurs plans, nous élaborerons un plan ministériel, une série d'initiatives qui nécessiteront une approche collective de la part des hommes et des femmes qui travaillent dans le secteur public, et l'appui du gouvernement et du Parlement.
Voilà très brièvement, monsieur le président, ce que nous disons au chapitre 6.
Le président: Merci.
Monsieur Dubé.
[Français]
M. Dubé (Lévis): Madame Bourgon, je suis un peu étonné, et je vous prie de ne pas interpréter mes propos comme une attaque, que vous ayez fait votre exposé uniquement en anglais étant donné que votre langue maternelle est le français et que des députés francophones sont ici présents. Est-ce une pratique courante au Conseil privé?
Mme Bourgon: Non, le Conseil privé est très bilingue et chacun y travaille dans la langue de son choix, selon son désir. Chacun produit, parle et débat dans la langue de son choix. Je vous avoue que quand on livre un discours, il est très facile de passer d'une langue à l'autre. Vous avez raison de me le rappeler. Je vais d'ailleurs me faire un plaisir de ne vous parler qu'en français, je vous l'assure.
Quand un interlocuteur ne fait que suivre un petit plan, il lui est très facile d'utiliser la langue de son choix. C'est une tendance normale, vous le comprendrez. Mais avec vous, je n'aurai aucune hésitation à m'exprimer en français.
M. Dubé: D'accord. Même si les ressources humaines et la Fonction publique ne font pas nécessairement l'objet de votre rapport, est-ce qu'il y a une progression des francophones au niveau des cadres ou au sein de toute autre catégorie?
Mme Bourgon: Je crois comprendre que avez discuté de ce sujet avec M. Massé, qui a fourni au comité un certain nombre de données à ce sujet. Je ne dispose pas des données démographiques les plus à jour dans ce dossier et je sais qu'il y a eu une certaine crainte à cet égard. Nous avons commencé à gérer la décroissance de manière à ne pas perdre nos effectifs francophones. Après deux ans de mise en oeuvre, parce les plus récentes données remontent à mars 1996, il se dégageait que le contraire de ce qu'on avait craint s'était produit: nous constations une augmentation proportionnelle du nombre de postes bilingues, d'effectifs bilingues et de la représentation francophone.
Je ne possède pas les dernières données pour le niveau des cadres de la catégorie EX, mais je sais que la même tendance prévaut au niveau des sous-ministres adjoints et des sous-ministres. Nous sommes au-delà de leur poids démographique. Les craintes qui avaient été anticipées au départ, quand on a lancé l'exercice en 1993, ne se sont donc pas manifestées.
M. Dubé: Sur un autre plan, à un certain moment, on avait présenté une motion, ou peut-être même un projet de loi, qui visait à rééquilibrer la proportion d'employés hommes et femmes. Compte tenu de tous les éléments que vous avez énumérés, dont le vieillissement et la diminution de la mobilité interministérielle, est-ce que malgré les objectifs que visait le gouvernement dans ce projet de loi, on peut dire que les femmes ne progressent pas dans la structure?
Mme Bourgon: Là aussi, je suis contente de vous vous rassurer un peu. Nos données remontent aussi à 1996; celles de 1997 ne sont toujours pas disponibles. En regardant l'écart entre 1993 et 1996, on constate que la représentation des femmes dans la Fonction publique est passée de 46 à 48 p. 100. Malgré la décroissance, leur représentation a augmenté. Dans la catégorie EX, où on avait également des raisons d'être craintifs, elle est passée de 17 à 21 p. 100. Parmi les sous-ministres, je crois me souvenir qu'elle est passée de presque 10 à 31 p. 100. Il nous faudrait préciser ces chiffres.
M. Dubé: Est-il possible de poser encore quelques questions, monsieur le président?
[Traduction]
Le président: Vous avez encore quelques minutes.
Monsieur Lebel.
[Français]
M. Lebel (Chambly): Je n'en ai qu'une. Vous dites avoir des projections et je comprends que vous soyez préoccupée du fait que les jeunes ne se joignent pas à la Fonction publique. On a des personnes qui arrivent à la retraite.
Vous parliez de mobilité à l'intérieur de l'appareil gouvernemental. Est-ce que vous ne craignez pas des confrontations avec le monde syndical dans ce domaine? Comment entendez-vous gérer cette problématique?
Mme Bourgon: Avec beaucoup de doigté.
M. Lebel: Oui.
Mme Bourgon: C'est une excellente question. Une organisation saine est une organisation où sont représentés de façon équilibrée tous les groupes d'âge et tous les segments de la société.
Ce que je constate, et je comprends très bien pourquoi, c'est qu'en gérant la décroissance, on a mis fin au recrutement universitaire dans plusieurs endroits et donc arrêté l'apport de ressources nouvelles. En gérant la décroissance, on a favorisé le départ des gens qui étaient près de l'âge de la retraite et on leur a offert de l'aide financière pour faciliter cette transformation.
Mais en arrêtant de recruter et en favorisant les départs, nous sommes en train de nous priver de deux choses précieuses dans une organisation. D'une part, nous nous privons de l'expérience, de la connaissance et du savoir-faire de gens qui ont une longue carrière et beaucoup de métier, des gens de 50 et 55 ans et plus. Dans le passé, on avait des fonctionnaires qui continuaient leur carrière bien au-delà de 55 ans. Cinquante-cinq ans, c'est trop jeune pour quitter la Fonction publique et trop jeune pour quitter un domaine dans lequel on a beaucoup d'expertise. D'autre part, parce qu'on n'a pas recruté, on a perdu les idées nouvelles que les jeunes de moins de 25 ans fournissaient à l'organisation. Je comprends pourquoi cela s'est produit; c'est la réalité de ce qu'on a géré qui nous a menés là.
Quand je me demande quelle sorte d'institution nous voulons pour l'an 2005, je réponds: une organisation où toutes les couches d'âge sont représentées, où la diversité canadienne est représentée, où toutes les régions du pays sont représentées, où les hommes et les femmes sont représentés et où les groupes linguistiques sont représentés. Tel est l'objectif qu'on doit viser. Je comprends très bien pour nous sommes rendus là où nous sommes. Je ne blâme personne, bien au contraire, mais je dois toutefois constater qu'il faut réenrichir notre diversité interne.
M. Lebel: Mon autre question a surtout trait aux politiques d'embauche actuelles dans la Fonction publique. Je suis conscient qu'on essaie d'établir un certain équilibre démographique. Si par exemple 10 p. 100 de la population est d'une origine quelconque - je n'en nommerai aucune pour ne froisser personne - , il serait normal que près de 10 p. 100 de la main-d'oeuvre de la Fonction publique soit de cette origine ethnique. Êtes-vous parfois confrontés à un dilemme lorsque vous devez choisir le meilleur candidat potentiel entre celui qui aurait toutes les qualifications requises et celui qui n'en aurait aucune, mais qui correspondrait à la bonne donnée démographique? Est-ce un problème dans l'élaboration de nos politiques?
Mme Bourgon: Le problème ne se présente pas ainsi. La Fonction publique fédérale n'a pas établi de contingent, ce qui est selon moi très sage parce que personne ne veut être le groupe cible de qui que ce soit. Chacun d'entre nous veut avoir l'assurance qu'il est là où il est parce qu'il est le meilleur pour faire ce qu'il fait. La politique du gouvernement du Canada, et je sais queMme Hubbard en a discuté avec vous, se fonde sur le mérite. Dans la recherche du mérite, on essaie d'avoir une institution diversifiée. Ce n'est pas incompatible, bien que ça n'implique pas qu'on fasse un compromis dans la définition du mérite ou dans la recherche du meilleur candidat.
Très souvent, la quête de cet équilibre nous demande de faire un effort supplémentaire de recherche pour que les candidats qui viennent à la table soient non seulement compétents, mais aussi diversifiés que possible. Si ces derniers ne figurent pas parmi les candidats et que seuls des candidats pareils se présentent à l'entrevue, on peut prédire le résultat d'avance. Un travail préalable est nécessaire: il faut faire une meilleure recherche, étendre les zones de concours et travailler davantage. Cela n'implique toutefois pas que nous devions appliquer une politique de contingentement que nous n'avons pas.
Au chapitre des minorités visibles, je vous dirai qu'on a beaucoup de chemin à faire. Un rapport qui a été déposé aujourd'hui nous rappelle que les minorités visibles comptent pour environ 10 p. 100 de la main-d'oeuvre au Canada. Dans la Fonction publique, on constate malheureusement qu'elles ne représentent que 4 p. 100 de l'effectif. Encore là, je comprends. On n'a pas recruté au cours des années où l'explosion démographique changeait le profil du Canada. Conséquemment, nous nous sommes privés d'un apport de ressources méritoires et compétentes au moment où elles étaient disponibles. Il faut tenir compte de cela quand on prépare l'avenir.
Le président: Merci, Monsieur Lebel. Monsieur Bellemare.
M. Bellemare (Carleton - Gloucester): Madame Bourgon, j'ai beaucoup apprécié votre présentation, qui avait un air d'optimisme, surtout parce que j'ai bien confiance en vous comme personne. Lorsque nous avons été élus en 1993, le gouvernement faisait face à un problème extraordinaire au point de vue des finances du pays et il a pris des mesures pour corriger la situation.
Malheureusement, il a fallu faire de gros changements du côté de la Fonction publique, ce qui m'a fait plus que de la peine, ce qui m'a même choqué. Une perte de 45 000 emplois - ou même 55 000 si on veut croire les médias - , c'est très choquant. J'ai apprécié la façon dont la diminution s'est produite et je crois qu'elle a été faite d'une façon correcte, humaine, professionnelle et acceptable pour tous. C'est ce qui ressort des expériences dont je suis témoin lorsque je rencontre les gens dans mon bureau.
Cependant, je regarde et je vois certaines choses qui sont en train de frapper cette Fonction publique que j'aime beaucoup. La Fonction publique est au service du grand public et je vois tout à coup surgir un service jumeau.
[Traduction]
Je crains que nous ne soyons en train de mettre en place deux fonctions publiques, une qui est professionnelle, qui vieillit, et qui n'a pas l'impression d'être appuyée de façon générale à ce moment-ci, et une autre composée d'employés occasionnels, embauchés à contrat pour des tâches à court terme qui créent toutes sortes de problèmes, dont je pourrais discuter lors d'autres séances et dont j'ai discuté à d'autres séances. Vous connaissez comme moi les problèmes que cela a créés.
Allons-nous continuer à créer cette double fonction publique, une qui est professionnelle, qui vieillit et qui commence à se décourager, et une autre composée de sous-traitants qui n'ont pas d'avenir au sein du gouvernement, qui n'ont un avenir que s'ils ont une petite entreprise ou s'ils travaillent pour une entreprise qui réussit à décrocher des contrats du gouvernement. Est-ce l'orientation que nous sommes en train de prendre?
[Français]
Mme Bourgon: J'aimerais soulever à nouveau votre première remarque relativement à la contribution d'un groupe dans le secteur public. J'affirme que le secteur public a géré sa décroissance de façon compétente et professionnelle. J'ajouterai que c'est vrai pour deux raisons.
[Traduction]
Premièrement, le gouvernement du Canada nous a donné les outils pour le faire, nous a donné l'instrument, le programme et le financement nécessaires pour bien le faire. Sans cela, nous n'aurions pas pu faire ce que nous avons fait.
La deuxième raison, c'est que si la décroissance a été bien gérée et de façon compétente, c'est en grande partie grâce aux employés des ressources humaines. Ce sont les employés de chaque ministère qui ont dû aider les gestionnaires et les employés à gérer la décroissance. Il est trop facile d'oublier leur contribution, de sorte que, monsieur le président, monsieur Bellemare, j'aimerais souligner ici leur contribution.
Passons maintenant à la deuxième partie de votre question. Au fur et à mesure que nous gérons la décroissance, est-ce que nous nous dirigeons vers deux types de secteur public: un secteur public dont les employés sont professionnels, non partisans, comme celui que nous avons connu par le passé, et un secteur public différent, c'est-à-dire dont les employés sont des contractuels? Pour répondre à cette question, il nous faudrait tous regarder dans notre boule de cristal pour voir ce que nous réserve l'avenir éloigné.
[Français]
Je dois avouer que ma vision de l'avenir et les tendances que je vois ne nous mènent pas là, monsieur Bellemare. Je vois cependant une accélération de ce que nous avons connu. Permettez-moi de vous donner une description d'un autre chapitre de mon rapport annuel, qui parle de la diversité dans le secteur public.
[Traduction]
Lorsque nous parlons du secteur public, nous avons tendance à parler du gouvernement du Canada, du secteur public du gouvernement du Canada. Nous avons l'impression que c'est une seule chose. Cela n'a jamais été le cas par le passé, ce n'est pas le cas maintenant et ce ne sera pas le cas dans l'avenir.
Le secteur public du gouvernement du Canada comprend ce qui suit: nous avons 24 ministères du type que vous venez de décrire, mais nous avons aussi 37 sociétés d'État. Ils ont un rôle à jouer, et leur contribution est unique. Ils font partie de notre passé et de notre présent, ils feront partie de notre avenir. Nous avons 26 tribunaux et organismes quasi judiciaires de toutes sortes qui sont indépendants du gouvernement. Ils étaient là par le passé. Ils seront là dans l'avenir. Nous avons 48 organismes de service de toutes sortes.
Avec vous, j'ai regardé dans ma boule de cristal pour voir ce que l'avenir pourrait nous réserver. Je dirais que le Canada continuera à être desservi par une fonction publique professionnelle non partisane qui est gérée par un réseau de ministères d'un genre que nous avons connu par le passé. Les modèles de gestion et les modèles institutionnels que nous avons utilisés risquent de se diversifier davantage. La tendance est à la prestation de services intégrés, à la gestion de questions horizontales, etc.
Le Canada va continuer d'expérimenter divers types d'arrangements institutionnels, mais cela n'est pas une discontinuité par rapport à ce que nous faisions par le passé. C'est une continuité par rapport à ce que nous avons fait auparavant. C'est la tendance que je vois se dessiner.
[Français]
Je ne vois pas nécessairement plus d'arrangements contractuels. Les arrangements contractuels répondent à des besoins à court terme, particuliers ou saisonniers. Au terme de la revue de programmes, quand on aura fini la mise en oeuvre en 1998, il faudra faire le point sur votre question, se la poser. Constaterons-nous une augmentation de la part du travail qui s'organise non pas de façon permanente, mais de façon contractuelle? Vous posez la question entre deux étapes de la mise en oeuvre des décisions.
[Traduction]
M. Bellemare: À l'heure actuelle, je suis tout à fait en désaccord avec la sous-traitance. Notre comité connaît très bien certaines des raisons que j'ai invoquées. Si nous économisons 2 ou3 milliards de dollars avec la sous-traitance, en éliminant des employés, alors nous dépensons au moins 5 milliards de dollars en sous-traitance. Je vous dirai que cela représente encore beaucoup plus que cela; la facture pourrait s'élever à 10 milliards, et peut-être à 14 milliards de dollars, pour la sous-traitance. C'est un gaspillage de fonds publics et un gaspillage de la culture de la fonction publique.
J'espère vraiment que cette folie de la sous-traitance va s'arrêter. Je pourrais vous donner certains exemples de cette folie, certains détails d'abus concernant la sous-traitance. J'aimerais pouvoir le faire maintenant. Je ne veux pas constamment faire la leçon à mes collègues sur la même question, mais si vous voulez que j'aille vous rencontrer à votre bureau pour vous donner des détails, je serai extrêmement heureux de le faire.
Vous avez dit de bonnes choses. C'était très agréable d'entendre toutes ces choses que vous avez dites sur un ton très maternel, mais qu'allez-vous faire immédiatement concernant le gel des salaires, la sous-traitance, l'embauchage et le rajeunissement dont vous avez parlé? Vous ne nous avez pas donné de détails. Vous ne nous avez pas donné de dates. C'était un peut-être. Vous n'avez pas dit peut-être, mais c'est ce que nous avons compris. C'est prendre ses désirs pour des réalités.
Que fait-on vraiment pour que les jeunes diplômés puissent travailler chez vous, pour qu'on ne perde pas nos meilleurs candidats au profit du secteur privé, pour que ces gens soient rémunérés équitablement? Cela inclut la rémunération équitable. Que fait-on maintenant? Nous contentons-nous simplement d'espérer que les gouvernements qui suivront feront quelque chose?
[Français]
Mme Bourgon: Il me fera toujours plaisir de poursuivre les discussions sur les arrangements contractuels, au lieu et à l'heure que vous voudrez. Laissons donc cette question de côté. Qu'est-ce qu'on fait maintenant? Excellente question.
Commençons par le travail qui est en cours, si vous le voulez bien. Je commencerai par une observation et ensuite j'expliquerai ce qu'on a demandé. On ne peut pas dire que le secteur public a eu énormément de succès dans la planification de ses ressources humaines. De fait, c'est étonnant. Le gouvernement du Canada pratique la planification dans le domaine de la capitalisation depuis au moins 30 ans. On pratique la planification de programmes, d'objectifs et de priorités par la présentation de plans d'entreprise et de prévisions budgétaires depuis une éternité. On n'a pas pratiqué de la même façon, avec autant d'efforts, la planification de nos ressources humaines. On a donc demandé à chacun de nos ministères de faire d'ici la fin mars ce qu'on n'a pas fait depuis très longtemps, soit un plan de nos ressources humaines par ministère.
On n'a pas couvert les agences dont j'ai parlé plus tôt parce qu'on a eu l'impression que «qui trop embrasse mal étreint».
Nous sommes d'accord avec vous: il vaut mieux poser des gestes concrets rapidement et à court terme que d'essayer de tout couvrir en même temps et de ne pas obtenir de résultats.
Les 24 ministères dont je parlais ont d'ici à la fin mars pour faire un plan de planification de leurs ressources humaines et un plan d'action. Donc, ce sont des mesures concrètes qui sont à deux niveaux. Quelles sont les mesures qui sont entre leurs mains et dont ils ont le contrôle? Quelles sont les mesures qui ne peuvent être initiées qu'au niveau transversal ou horizontal dans l'ensemble du secteur public?
De mars à juin, un comité consultatif reverra tous les plans d'action de tous les ministères pour les intégrer et on se dotera d'un plan de travail. C'est dans cet esprit que je disais que votre rapport, qui doit paraître en avril, ne saurait arriver à un meilleur moment. C'est absolument merveilleux comme coïncidence; on n'aurait pas pu souhaiter mieux puisqu'il arrivera après les plans des ministères et avant le plan d'action intégré. Nous pourrons tenir compte des préoccupations que vous aurez identifiées et les intégrer dans nos plans. C'est là une chose.
Que ferons-nous d'autre? Nous avons constaté qu'une partie de la richesse d'une carrière dans le secteur public, c'est la diversité. Ce qui motive nos gens, c'est la possibilité d'être mis à contribution, de participer aux défis et d'avoir une carrière riche. Je vous ai également dit que notre mobilité interministérielle était au plus bas niveau depuis très longtemps. Nous avons donc décidé de créer un programme où nous inviterons les gens à se présenter pour que nos sous-ministres adjoints soient nommés au niveau, ce qui implique un effort collectif ou corporatif pour offrir à ceux qui le désirent des affectations diversifiées. C'est une mesure concrète.
À notre demande, la Commission de la Fonction publique a mis une proposition sur la table en vue de développer un programme accéléré pour nos EX. Certains de nos EX au niveau junior se sont retrouvés, en raison de la gestion de la décroissance, au même niveau et dans le même poste pendant une très longue période, bien au-delà de celle que leurs prédécesseurs avaient connue dix ans plus tôt.
Nous donnerons à ceux qui seront disposés à fournir l'effort et le travail nécessaires et à vivre des affectations difficiles sur une période donnée la possibilité de développer et d'accélérer leur carrière pour qu'ils deviennent une ressource à un niveau supérieur. Nous ne sommes pas démunis en termes d'initiatives concrètes; il y a en a plusieurs. Je crois que l'input des ministères donnera vraiment le coup d'envoi de ce qui deviendra notre plan d'ensemble.
Quand on se rencontrera pour parler d'arrangements contractuels, je me ferai un plaisir de vous donner la liste des initiatives en cours.
[Traduction]
Le président: Vous pourrez revenir sur cette question au prochain tour. Je vais maintenant donner la parole à Mme Beaumier, puis à M. Lebel.
Mme Beaumier (Brampton): Merci.
Je me demande si vous avez inclus dans votre liste les programmes centraux par rapport aux programmes non centraux.
Deuxièmement, je pense que vous et moi - je ne suis pas réputée pour ma diplomatie, et je ne réussirai jamais dans le service extérieur - différons peut-être d'opinion quant aux raisons pour lesquelles un si grand nombre de fonctionnaires supérieurs nous sont ravis par le secteur privé. Je ne veux pas dire qu'ils ne sont pas extrêmement compétents ni peut-être les meilleurs du pays, mais il me semble que dans bien des cas c'est parce que les contacts qu'ils ont profiteront à de nombreuses entreprises au moment de la privatisation d'un bon nombre des ministères.
J'aimerais savoir comment sont prises les décisions de privatisation. Il me semble que dans certains cas nous nous disons que si l'on fait de l'argent, le gouvernement ne devrait pas s'en occuper, nous ne devrions nous occuper que des ministères qui perdent de l'argent.
Je pense aux systèmes de trafic aérien des aéroports. Je redoute aussi un peu le fait que si l'on devait privatiser le domaine de l'immigration, des décisions pourraient être prises à Manille, et par des non-Canadiens, si le processus d'appel d'offres faisait qu'on accorderait le contrat à, par exemple, une entreprise américaine.
Mme Bourgon: Je vais essayer de toucher à autant d'aspects que possible.
Pour ce qui est des rôles, dans la seconde partie du rapport j'ai traité d'un résumé des rôles sur lesquels le réalignement des activités du gouvernement du Canada a porté. En fait, je n'ai rien inventé de neuf. Je n'ai fait que répéter ce que M. Massé, le président du Conseil du Trésor, a présenté à la Chambre quand il a déposé un rapport d'étape intitulé Repenser le rôle de l'État.
Essentiellement, ce qu'il y décrivait, et ce que j'ai résumé, c'était des milliers de décisions prises au cours de l'examen de programmes, que l'on retrouve principalement dans le budget de 1995-1996. Quand tout a été dit et fait, si on veut avoir un instantané du réalignement des rôles clés, on constate qu'il y en a cinq. Premièrement, c'est le rôle du gouvernement du Canada de veiller à ce que le Canada parle à l'unisson dans le concert des nations. Deuxièmement, c'est le rôle du gouvernement du Canada de veiller à ce qu'on ait une union économique performante; troisièmement, de veiller à ce qu'il y ait une union sociale performante; quatrièmement, de veiller à ce que nous gérions de façon compétente les mises en commun des ressources; et cinquièmement, le gouvernement est le gardien des droits des citoyens dans une société régie par la règle de droit.
Chaque ministère ou chaque responsable d'un programme ou chaque employé pourrait se dire: bon, mon programme est celui-ci, quel est donc mon rôle? On constate que dans de nombreux cas un service ou une activité contribue à un ou plusieurs de ces objectifs. Il n'est pas rare qu'une activité contribue à plus d'un objectif. Donc, pour ce qui est du réalignement des rôles, ce serait là un bref sommaire.
Quant à savoir pourquoi nous perdons des hauts fonctionnaires - vous pouvez ne pas être d'accord avec moi pour ce qui est des raisons pour lesquelles nous les perdons - ce n'est pas tant en raison des facteurs que j'ai mentionnés que pour d'autres raisons, des liens avec le secteur des affaires, etc. J'aimerais certainement revenir sur ce deuxième point. Vous voulez bien?
Mme Beaumier: Oui.
Mme Bourgon: Si je pense aux sous-ministres et aux très hauts fonctionnaires de la fonction publique, la grande raison pour laquelle nous en perdons, c'est qu'ils sont arrivés à l'âge où ils peuvent prendre leur retraite sans pénalité.
Il faut se montrer prudent quand on se demande pourquoi nous perdons des fonctionnaires. Je ne peux pas dire qu'on «perd» des gens quand on parle de gens qui ont accumulé 30 ou 35 ans de service, qui ont bien travaillé, qui en sont arrivés au point où ils ont le droit de bénéficier de ce à quoi ils ont contribué, soit leur régime de retraite. Ils décident qu'ils veulent mener une vie un peu moins exigeante que celle qu'ils ont menée pendant de nombreuses années, tout en souhaitant néanmoins continuer à jouer un rôle. Au cours des deux dernières années, un certain nombre d'entre eux ont décidé soit de travailler pour une association nationale, soit de passer au secteur privé. Aux échelons les plus élevés, c'est ce qui est en train de se produire.
Je m'inquiète davantage de ce qui se passe à un autre niveau de l'organisation, là où nous perdons des gens avant l'âge de la retraite, bien avant qu'ils aient travaillé autant d'années. Il y a là toutes sortes de facteurs qui interviennent. Je ne conteste pas l'importance de celui que vous avez mentionné, mais je dirais que tous ceux que j'ai évoqués ont une incidence.
Pour ce qui est de la privatisation, sortons un peu du Canada pour y revenir aussitôt. Quand d'autres pays - l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni - ont eu à faire face à un défi semblable à celui qu'on a mentionné, soit dresser un bilan et retrouver leur souveraineté financière, l'examen de la privatisation a constitué un élément essentiel du réalignement des rôles du gouvernement.
Au Canada, on n'est pas allé aussi loin que dans d'autres pays. La forte tendance à la privatisation qu'on a pu constater en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni n'a pas été aussi prononcée au Canada. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu effectivement de cas de privatisation; il y en a eu certains, mais ils n'ont pas été aussi massifs que dans d'autres pays. C'est une particularité tout à fait canadienne.
Quand le gouvernement en est arrivé à la décision de privatiser certaines activités, dans de nombreux cas il a péché par ce que des ministres ont commencé à appeler la commercialisation, c'est-à-dire qu'on a entrepris d'opter pour un modèle différent. Vous avez cité l'exemple du service de navigation aérienne, qui est une société sans but lucratif. On essaye de créer une institution qui rallie les avantages des deux: pas vraiment le libre jeu du marché ni le plein contrôle du secteur public. Le service de navigation aérienne est de ce type, si l'on peut dire.
[Français]
Est-ce qu'il y a une tendance massive à la privatisation au gouvernement du Canada? Honnêtement, je ne la vois pas. Il y a eu des cas particuliers, dont la privatisation du CN. Il y a des cas très particuliers qui sont à mon avis importants parce qu'ils sont justement peu nombreux.
Par contre, il y a une tendance importante à explorer des institutions alternatives, notamment le modèle de la société à but non lucratif qui fait partie de l'expérimentation canadienne et qu'on retrouve peu dans d'autres pays. Il y a quelque chose de très particulier à notre pays dans cette façon d'explorer.
[Traduction]
Qu'ai-je oublié?
Mme Beaumier: Je voulais savoir si vous avez une liste des services centraux et des services non centraux ou des services essentiels...
Mme Bourgon: C'est ce dont je parlais au début quand j'ai traité des cinq rôles clés. Chaque service peut être lié à l'un ou l'autre de ces cinq rôles.
Le président: Nous allons entamer la deuxième ronde de questions. Monsieur Lebel.
[Français]
M. Lebel: Madame Bourgon, je n'ai pas eu le temps de vous poser ma dernière question au premier tour. Vous disiez que les minorités visibles représentaient 10 p. 100 des Canadiens, mais qu'elles ne représentaient que 4 p. 100 des effectifs de la Fonction publique. Je comprends qu'il y a un problème, mais que faites-vous actuellement en vue de combler ce déficit? Par exemple, lors de l'embauche de policiers, la GRC pourrait-elle décider d'embaucher 20 p. 100 de candidats représentant des minorités visibles? Pour combler cet écart de 6 p. 100, pourrait-on décider de n'embaucher que des gens des minorités visibles à partir d'aujourd'hui? On risquerait ainsi de se retrouver dans 25 avec 10 p. 100 de la Fonction publique qui gère 90 p. 100 d'une fonction publique majoritairement issue d'une minorité non visible.
Mme Bourgon: Lorsque je faisais allusion à ces 10 p. 100, je ne parlais pas du pourcentage que représentent les minorités visibles dans la société canadienne, mais des 10 p. 100 qu'elles représentent au sein de la main-d'oeuvre au Canada, et je la comparais aux 4 p. 100 de notre propre main-d'oeuvre.
Peu d'efforts ont été déployés en vue de combler cet écart, ce que déplorent certains. Une des raisons pour lesquelles il n'y a pas eu d'efforts, c'est qu'on a ramené notre recrutement au plus bas niveau. Votre collègue nous demandait un peu plus tôt comment nous allions alors gérer la relation avec les syndicats. Il faut comprendre qu'on ne peut pas recruter massivement et connaître une décroissance en même temps. Par respect pour l'ensemble de nos employés, il est important que nous gérions bien la décroissance, mais une fois que nous aurons complété cet effort, nous devrons nous tourner vers l'avenir et nous demander comment nous devons corriger ces écarts.
Je crois comprendre que lorsqu'elle s'est jointe à vous, Mme Hubbard, la présidente de la Commission de la Fonction publique, vous a expliqué que la politique canadienne n'avait pas été d'établir des contingents. Nous n'avons pas fait et nous ne ferons pas ce que vous venez de suggérer. Parce qu'il y a un manque à gagner ou un écart quelconque, nous ne déciderons pas de doter tous les postes en conséquence, indépendamment du mérite. Cette agence du Parlement qu'est la Commission de la Fonction publique nous oblige à juste titre et en vertu de sa loi constituante à maintenir en tout temps le principe du mérite. Le principe du mérite n'est pas incompatible avec une organisation qui aspire à représenter adéquatement la société canadienne dans son ensemble. Plusieurs entreprises du secteur privé ont réussi mieux que nous à réduire cet écart tout en recherchant les meilleurs candidats.
Alors, comment s'y prend-on?
M. Lebel: Madame Bourgon, je vous interromps parce que vous empiétez quelque peu sur mon temps. Je prendrai l'exemple d'un cadet de l'Institut de police du Québec, à Nicolet, qui s'est classé premier et qui détient une ceinture noire de judo, bref qui a toutes les qualités. On lui dit de ne même pas songer à être recruté par la GRC parce qu'en raison des contraintes dont on a fait état, on ne pourra retenir sa candidature avant l'an 2040, alors qu'il aura passé l'âge d'être recruté comme policier. Cette situation est fréquente. M. Bellemare, qui ne partage habituellement pas mon avis, a sûrement vécu lui aussi cette situation. Il est triste de dire à un jeune Canadien ou Québécois que c'est tant pis pour lui, mais qu'il doit oublier la Fonction publique parce qu'il ne fait pas partie d'une minorité ciblée. Je ne désirais que vous sensibiliser à cette question, sachant que tel est actuellement le cas à la GRC, même si vous nous avez dit qu'ils n'embauchaient pas.
Mme Beaumier a soulevé un aspect bien intéressant sur lequel je voulais aussi vous questionner. Je vous parlerai du désengagement de l'État. On sait que les modes qui naissent aux États-Unis ne prennent généralement pas beaucoup de temps, peut-être 5, 10 ou 15 ans, à nous atteindre. Je regardais récemment une émission sur les centres de détention qui y sont gérés par l'entreprise privée; c'est une façon de réduire leurs coûts. Il faudrait demander aux prisonniers comment ils sont traités; c'est peut-être une autre affaire.
Est-ce que le gouvernement et sa Fonction publique se dirigent vers ce genre de contrats dont Mme Beaumier faisait état?
Mme Bourgon: Je vais revenir très rapidement sur la question des minorités visibles. Vous m'avez aidée quand vous avez dit que l'exemple qui vous venait à l'esprit était celui de la GRC. Moi, je vous parle des ministères, tandis que vous me parlez d'une agence. Cette distinction est importante puisque c'est la façon de se réconcilier. Une agence comme la GRC ou les Forces armées a un statut d'employeur distinct, et les politiques d'action positive de la Commission ne s'y appliquent pas de la même façon. Maintenant, je pense qu'on est au même diapason.
Je ne suis pas au courant qu'il y ait au Service correctionnel quelque tendance que ce soit à reproduire l'expérience américaine. On peut se renseigner et dire au comité si on s'intéresse à cette question. La tendance que j'essayais de décrire en réponse à Mme Beaumier, c'est que certains pays ont eu tendance à privatiser les choses du secteur public. Une tendance un peu différente s'est manifestée au Canada: on a pris une activité publique et on a essayé de la délester d'un certain nombre de contraintes qu'on impose dans le secteur public pour lui donner plus de flexibilité.
[Traduction]
C'est ce qui a abouti à la politique du président du Conseil du Trésor sur de nouveaux modes de prestation de services.
C'est donc un choix distinct. Il ne s'agit pas de passer du secteur public au secteur privé; on passe d'un modèle du secteur public à un autre modèle du secteur public où l'on n'est pas assujetti au même niveau de contraintes que dans les ministères. C'est pourquoi j'ai mentionné cet exemple des sociétés d'État, des organismes de service, des unités de service de toutes sortes. C'est une tendance différente. La tendance que vous décrivez ne s'est pas concrétisée au Canada de la manière que vous avez décrite.
Le président: Monsieur Harvard.
M. Harvard (Winnipeg St. James): Madame Bourgon, je suis heureux que vous ayez soulevé ces questions concernant la fonction publique et son avenir. Je le dis parce qu'il se trouve que je partage un bon nombre des préoccupations qu'on peut avoir au sujet de la fonction publique.
J'aurais aimé qu'il y ait ici des représentants du Parti réformiste, parce que je crois qu'un genre de hideux virus de droite au sein de notre pays nuit au gouvernement et à la fonction publique. Il ne fait aucun doute qu'au cours des dernières années le secteur privé a pris le dessus. Il n'y a pas si longtemps, nous n'avions pas certaines de ces méga-entreprises mondiales qui existent aujourd'hui, et qui ont accaparé un bon nombre de gens talentueux qui autrement auraient peut-être travaillé pour le gouvernement.
Il n'en a pas toujours été ainsi. Si on se reporte au temps de Macdonald ou de Laurier, d'une certaine façon le gouvernement était tout ce qui s'offrait. Très souvent, le gouvernement a bénéficié de certains des plus brillants esprits et des meilleurs candidats qu'il y avait. Je constate maintenant que le gouvernement doit livrer une concurrence féroce au secteur privé pour retenir les meilleurs candidats, et je ne pense pas que nous l'emportions toujours. Je souhaiterais que ce soit le cas. Le gouvernement, peu importe la taille qu'on voudrait qu'il ait, a besoin de très bons éléments.
Je n'ai que deux ou trois questions à poser. D'abord, est-ce que cette concurrence avec le secteur privé pour retenir de bons candidats est plus forte à certains niveaux qu'à d'autres? Il y a quelques instants, vous avez parlé des sous-ministres.
Deuxièmement, il y a aussi la question de la rémunération. Pouvons-nous remporter la bataille et attirer les esprits les plus brillants et les plus talentueux en offrant une meilleure rémunération?
Troisièmement, peut-on y arriver par la négociation collective, ou devrons-nous envisager d'autres moyens pour aider à renforcer la fonction publique? La négociation collective, que j'approuve, est dans une certaine mesure un processus d'affrontement. Peut-être devrions-nous envisager d'autres moyens pour aider à renforcer la fonction publique.
Mme Bourgon: Au sujet de votre première question, nous sommes certainement d'accord sur l'importance de la fonction publique.
Permettez-moi de reprendre une observation que j'ai faite devant un groupe de membres d'une association nationale de gens d'affaires - je ne mentionnerai pas le nom de cette association. Un soir, je leur ai rappelé que dans les années 60, pour dire la vérité, il ne faisait pas bon d'être un chef d'entreprise privée très prospère. Les pressions étaient énormes. On les critiquait publiquement. On était mal à l'aise face au succès des entreprises, aux profits, etc. Je me souviens encore des gros titres qui avaient cours à cette époque.
Puis il y a eu un retour du pendule, et dans les années 80 il ne faisait pas bon d'être un directeur dans la fonction publique, étant donné qu'on donnait à entendre que les bons gestionnaires se trouvaient tous dans le secteur privé, et que si seulement la fonction publique pouvait mener ses affaires comme une entreprise tout irait mieux. Les ouvrages que publiaient certaines écoles de gestion disaient essentiellement qu'il n'y avait qu'une façon de faire de la gestion, et c'était celle du secteur privé, alors que nous savons tous que c'est faux.
Donc, dans les années 60, il était mal vu de diriger une entreprise prospère au Canada. Dans les années 80, il était mal vu de s'engager au service du bien public, que ce soit à titre de représentant élu ou de fonctionnaire choisi par nomination.
J'aimerais bien que nous puissions immobiliser le pendule et amener l'élite politique du secteur public et l'élite d'affaires du secteur privé à comprendre qu'un pays comme le Canada a plus à gagner quand un secteur privé performant travaille de concert avec une fonction publique performante. Ce sera la réussite du prochain millénaire. Si seulement nous pouvions envisager les choses sous cet angle au lieu de simplement suivre les mouvements du balancier, nous pourrions mettre à profit dans le secteur public le savoir-faire du secteur privé et celui-ci pourrait bénéficier du savoir-faire du secteur public, qui est considérable et pourrait à l'occasion lui servir d'inspiration.
Je pense donc que nous sommes tout à fait d'accord sur ce point.
M. Harvard: Au sujet de la concurrence, à un moment donné, il n'y a pas si longtemps, la perception était - ou bien la réalité, c'est à vous de me le dire - que les fonctionnaires qui occupaient des postes subalternes gagnaient plus que dans le secteur privé. Bien sûr, pour les échelons supérieurs, il n'y avait aucun doute: on gagnait beaucoup plus dans le secteur privé.
Qu'en est-il aujourd'hui, surtout aux plus bas échelons? Le secteur privé est-il en train de rattraper la fonction publique?
Mme Bourgon: Je vais répondre avec prudence. Vous comprendrez que nous amorçons le dialogue avec nos syndicats et que je ne veux pas dire quoi que ce soit qui pourrait créer des tensions, pour la raison que vous avez vous-même évoquée, c'est-à-dire que nous voulons nous retrouver, tous ensemble, à la table de négociation et que nous voulons travailler dans un cadre de concertation. Je vais donc répondre de façon très générale.
Je dirais que dans beaucoup de nos groupes le secteur public du Canada est très compétitif aux premiers échelons - pas dans tous les groupes, mais dans beaucoup de groupes. Vous savez ce qu'il en est aux échelons supérieurs, et je ne vais donc pas vous donner un cours là-dessus. Mais votre question visait à savoir à quel niveau les pressions sont les plus fortes.
Je vais attendre d'avoir reçu les plans de tous les ministères, afin que nous ne nous fondions pas sur des rumeurs et des hypothèses, mais plutôt sur les faits. Mais mon hypothèse, avant d'avoir passé en revue les plans, c'est que nous constaterons que le niveau auquel la concurrence nous fait la vie dure, c'est au moment où les gens que nous pouvons recruter, parce que nous offrons une carrière passionnante et de bonnes conditions de travail... Les gens prennent du galon, acquièrent de l'expérience et des connaissances, ils font partie de l'élite. Ils se perfectionnent et finissent par atteindre le niveau intermédiaire. Ils ont de 35 à 40 ans. Ils ont encore leurs meilleures années devant eux pour rembourser l'investissement que nous avons consenti en eux. C'est à ce moment-là qu'ils sont le plus susceptibles d'être recrutés par le secteur privé, et c'est là que je perçois le risque le plus grand. Ce n'est pas au niveau de la base.
Si des gens comme vous et moi avons décidé d'être au service du public, ce n'est évidemment pas parce que nous étions attirés par la rémunération. Par conséquent, ce n'est ni à la base, ni aux échelons les plus élevés que le risque semble le plus grand. C'est quand on a investi 10 ans d'expérience pour former du personnel qui a acquis tout un bagage et qui peut se placer très facilement.
Ce n'est pas vrai dans toutes les catégories, mais pour certains groupes je pourrais vous dire sans hésiter que n'importe lequel de nos employés de ce domaine précis pourrait gagner beaucoup plus d'argent que ce que nous pouvons lui offrir.
Le président: Monsieur Murray.
M. Murray (Lanark - Carleton): Merci, monsieur le président, et merci, madame Bourgon.
J'ignore si j'ai une question à poser, mais j'aurais peut-être quelques observations décousues à faire.
Une chose me frappe. Nous devrions peut-être laisser le pendule que vous avez évoqué faire un retour de balancier - pas seulement pour ce dont vous nous avez parlé, mais pour l'économie dans son ensemble. Notre économie tout entière traverse une période difficile; bien des gens ont été touchés par la perte d'emplois dans le secteur de la fabrication, le système les a laissés tomber, et nous devons nous en occuper.
En lisant le document, qui traite de la relève, il m'apparaît qu'on est préoccupé par la planification et le développement des ressources humaines au point d'oublier presque que le but essentiel de la fonction publique, c'est de travailler à l'élaboration des politiques ou à la prestation des services et programmes, enfin de se charger de toutes ces tâches.
Enfin, voici où je veux en venir. À mon avis, tout cela va s'arranger tout seul à un moment donné. Beaucoup de gens aimeraient faire carrière dans la fonction publique. J'en vois défiler tous les jours à mon bureau. Il y a beaucoup de jeunes gens très qualifiés qui adoreraient travailler dans la fonction publique. Et à mon avis, aussi longtemps qu'ils auront le sentiment de pouvoir se rendre utiles, tout en étant rémunérés suffisamment, ils trouveront leur carrière enrichissante.
Je ne suis tout simplement pas convaincu que nous ayons à nous faire du souci au sujet de l'avenir de la fonction publique. Elle sera redéfinie en fonction des tâches que le gouvernement veut lui confier, et lorsque les ressources financières seront disponibles nous serons en mesure d'embaucher les personnes voulues pour accomplir ces tâches. À mesure que les gens prendront leur retraite nous embaucherons des jeunes. Malheureusement, il y a un temps mort, et peut-être que nous devrions nous pencher sur la question du recrutement des jeunes.
Votre rapport semble traiter surtout des cadres intermédiaires et supérieurs. Vous dites que c'est passionnant de faire carrière dans la fonction publique et que cela peut être enrichissant. Mais pour un CR-4 ou un AS-3, je ne suis pas sûr qu'il soit vraiment plus passionnant de travailler dans la fonction publique plutôt que dans une autre administration, peut-être dans une grande banque ou une compagnie de téléphone. Je ne crois pas que la vie soit vraiment plus passionnante dans la fonction publique. Je pense que cela peut être passionnant si les gens ont le sentiment d'avoir un rôle à jouer dans l'élaboration des politiques.
Je voudrais dire aussi que c'était beaucoup plus intéressant d'être ministre à la belle époque des années 60, 70, du début des années 80, alors qu'il y avait de l'argent à dépenser. Aujourd'hui, les députés ne peuvent plus se promener dans leur circonscription en promettant d'y faire construire des immeubles fédéraux. Nous ne pouvons pas promettre grand-chose à nos commettants. Ce n'est pas seulement la fonction publique qui est touchée; nous avons tous dû composer avec ces contraintes. Quand on n'a pas beaucoup d'argent à dépenser, ce n'est peut-être pas une époque très passionnante pour travailler dans le secteur public.
À votre avis, dans quels secteurs avez-vous besoin d'aide actuellement? L'élaboration des politiques? La mise en oeuvre des programmes? Si tel est le cas, que faisons-nous, comme gouvernement, pour favoriser le recrutement? Avons-nous des gens qui vont sur place, sur les campus universitaires? Dans l'affirmative, cherchons-nous des généralistes ou plutôt des personnes plus spécialisées?
Mme Bourgon: J'ai quelques observations à faire en réponse aux vôtres.
Il ne fait aucun doute qu'une carrière dans la fonction publique est une carrière exceptionnelle. Il est indéniable que cela a été et demeure très attrayant. C'est pourquoi il y a des gens qui choisissent cette carrière, comme vous l'avez fait. C'est pourquoi des gens viennent se joindre à nous. Que l'on soit nommé ou élu, quand on occupe une charge publique, rien ne vaut le sentiment que l'on a de contribuer au bien public. Tous ceux qui ont quitté la fonction publique après y avoir fait carrière trouvent que cela leur manque. Nous sommes tous d'accord là-dessus. Cela demeurera toujours attrayant.
En même temps, monsieur, nous ne pouvons pas envisager le tableau démographique que je vous ai décrit et dire: «D'ici à 2005, nous n'avons pas à nous inquiéter; restons les bras croisés. C'est simplement un taux de roulement de 70 p. 100 dans certaines catégories.» Aucune organisation, grande ou petite, privée ou publique, ne peut affronter un changement de cette ampleur sans planifier, se préparer et prendre des mesures. Il serait irresponsable de ne rien faire à ce sujet.
Cela ne touche pas seulement le groupe EX, mais tous les groupes. Je pourrais vous faire le même tableau pour la communauté scientifique. La grande majorité des gens qui travaillent dans nos laboratoires se sont joints à notre organisation dans les années 60. Ils en sont maintenant au point, dans leur vie, où ils peuvent prendre leur retraite s'ils le souhaitent. J'aimerais bien ne pas avoir à m'inquiéter et pouvoir supposer qu'ils seront encore là en l'an 2050, mais il ne serait pas responsable de ma part, à titre de dirigeante de la fonction publique, de simplement supposer que le problème va se régler tout seul. Je n'ai donc pas le choix: je dois y réfléchir et planifier en conséquence.
Je sais, par contre, que notre pouvoir d'attraction est bon, parce qu'une carrière consacrée au bien public est importante et passionnante. Je suis donc d'accord avec votre hypothèse de départ. Je conteste simplement votre affirmation selon laquelle le problème s'évanouira de lui-même, à cause de l'ampleur du changement qui se produit.
Maintenant, au bout du compte, est-ce que la qualité du travail dans la fonction publique a une importance quelconque? Je souscris à ce que disait tout à l'heure votre collègue, quand il parlait de l'importance de la fonction publique. Je suis convaincue que la performance du secteur public, en tout temps, influe sur la compétitivité d'un pays dans le concert des nations. La fonction publique n'est pas un passif pour l'économie; elle contribue positivement à l'économie. Elle contribue à la productivité, à la compétence, à l'avantage d'un pays en permettant d'attirer les investissements et le talent et de les conserver plutôt que de les perdre. C'est un très important indicateur de performance pour un pays dans le concert des nations. J'ai le sentiment que cela va même s'accentuer à l'avenir, dans une économie mondialisée.
Nous sommes donc d'accord pour dire que c'est important. Nous sommes d'accord pour dire que le pouvoir d'attraction est très bon. Je m'inquiète de notre capacité de conserver et de préparer un nombre suffisant de gens dont nous aurons besoin afin d'affronter avec succès le remplacement rapide qui se produira inévitablement à cause de la réalité démographique. Mais nous sommes d'accord sur l'objectif.
M. Murray: Je ne voulais pas dire que vous n'avez pas besoin de faire la moindre planification.
Mme Bourgon: Non, je sais.
M. Murray: Par ailleurs, je suis d'accord, sans réserve... et je ne suis pas le seul; il y a beaucoup de chefs d'entreprises qui sont absolument d'accord avec votre prémisse, à savoir qu'une bonne fonction publique est un atout pour un pays.
J'en reviens à la question que j'ai posée sur les secteurs où nous avons besoin d'aide. Je ne suis pas certain que vous y ayez répondu. Si l'on songe à ce que sera le rôle du gouvernement dans l'avenir... Il fut un temps où nous avions un gouvernement qui fourmillait d'analystes des politiques, et c'est probablement encore le cas. Je ne suis pas certain que ces gens-là contribuaient énormément à la vie du pays. Je suis sûr qu'il y en a encore beaucoup qui font du bon travail. Étant donné les contraintes budgétaires, mettons-nous moins l'accent sur l'élaboration des politiques pour nous contenter plutôt d'assurer les services aux clients?
Mme Bourgon: Les deux rôles coexisteront toujours parce que ce sont deux éléments de base du rôle du secteur public.
Nous jouons deux rôles. Nous élaborons des politiques, nous faisons des recherches, nous faisons l'analyse voulue pour pouvoir appuyer le gouvernement en place et lui présenter des options, des propositions, en matière de politique. C'est un rôle clé. Par conséquent, nous devons nous assurer de bien former et encadrer nos analystes des politiques et de leur donner le bagage d'expérience diversifiée dont ils ont besoin pour aiguiser leurs habiletés et acquérir l'expérience qu'il leur faut pour exceller dans leur domaine. Ensuite, nous avons un autre rôle, qui est de servir les Canadiens. Nous devons nous préoccuper d'efficience, d'efficacité, de qualité du service, nous devons adopter une approche intégrée, nous devons servir les citoyens de façon globale, et non pas compartimentée.
Ces deux éléments, élaboration des politiques et prestation des services, ne disparaîtront jamais. Nous devons prendre des mesures concrètes pour nous assurer que ces deux fonctions s'exercent le mieux possible. Mais ce sont des choses différentes. Pour les politiques, il faut une expérience diversifiée. Pour ceux qui s'occupent de la prestation des services, cela pourrait être plutôt des changements au niveau de la préparation, de la formation. Dans les deux cas, il faut s'en occuper.
Le président: Monsieur Jackson.
M. Jackson (Bruce - Grey): Mme Bourgon a probablement déjà répondu à beaucoup de questions que je voulais poser, mais je vais tout de même lui en poser une.
J'ai beaucoup de plaisir à écouter votre dissertation. J'apprends beaucoup. Je suis content que vous soyez à la tête de la fonction publique. Vous êtes manifestement une personne très compétente.
Est-ce que nous répondons aux besoins de ce que l'on appelle une organisation axée sur le savoir, c'est-à-dire où les gens reconnaissent que leur travail est de servir la population et qu'ils doivent se ressourcer constamment au lieu de s'encroûter dans la bureaucratie?
Mme Bourgon: Permettez-moi de faire une petite digression. Pour moi, la bureaucratie n'est pas un vilain mot, du moins pas toujours. Dans certaines situations, nous voulons bénéficier de ce que le processus bureaucratique a de mieux à offrir, c'est-à-dire traiter tout le monde de la même manière, parce que chacun a les mêmes droits et les mêmes privilèges. Dans certains cas, le modèle idéal est celui de la bureaucratie, pourvu qu'il soit bien compris. Dans d'autres cas, ce n'est pas le meilleur modèle.
Pour revenir à nos moutons, je dirais que nous avons néanmoins tendance à nous infliger nous-mêmes d'énormes contraintes. Nous devons simplifier, simplifier encore et toujours. Nous devons simplifier l'organisation du travail, rétablir la souplesse dans nos procédures de gestion. Nous devons résister à la tentation de toujours nous attaquer à un problème à coups de lignes directrices s'appliquant à toutes les organisations que j'ai énumérées.
Nous devons bâtir des systèmes qui ne sont pas fondés sur l'hypothèse que personne n'est digne de confiance et qu'il faut donc imposer des directives rigides et lourdes, ne laissant à personne le soin d'user de son propre jugement. Nous devons simplifier, nous devons bâtir sur la confiance, nous devons rétablir la souplesse de l'organisation.
Ce n'est pas incompatible avec le concept voulant que dans certaines situations le meilleur moyen de servir le public, c'est d'appliquer une approche bureaucratique garantissant que chaque citoyen est traité de façon égale. Dans certaines situations, ce n'est toutefois pas le même scénario.
Nous devons donc déployer beaucoup d'efforts pour simplifier la façon dont nous dirigeons le secteur public et vous devez y contribuer. Il est facile d'exiger une politique de plus chaque fois que quelque chose va mal. Il est facile d'exiger une nouvelle intervention centralisée chaque fois qu'une erreur est commise. Nous devons tous apprendre à résister à cette tentation.
Je ne pense pas avoir bien répondu à votre question, monsieur.
M. Jackson: Vous avez bien répondu, merci.
[Français]
Le président: Monsieur Bellemare.
M. Bellemare: Madame Bourgon, pourriez-vous me répondre en trois mots au maximum? Présentement, ça devient un love-in. Vous dites tellement de belles paroles qu'on peut s'endormir à vous écouter. J'aimerais me pencher sur des points très pratico-pratiques. J'aimerais entendre un oui ou un non, en somme une réponse de un ou deux mots.
[Traduction]
L'équité salariale: quand?
[Français]
Mme Bourgon: Un juge doit statuer là-dessus. Dès qu'il aura fini de délibérer, le gouvernement devra prendre une décision.
[Traduction]
M. Bellemare: Le blocage des salaires.
[Français]
Mme Bourgon: Il a été levé.
M. Bellemare: On soit maintenant commencer à négocier avec un syndicat ou un autre. On a plusieurs syndicats. Négocierez-vous avec tous les syndicats ou existe-t-il un échéancier pour les syndicats?
Mme Bourgon: Il y a des échéanciers, il y a des tables et il y a des consolidations. M. Massé, le ministre responsable, saurait mieux répondre à votre question.
M. Bellemare: Est-ce que vos négociations sont ciblées, c'est-à-dire que vous y traitez des gestionnaires seniors ou des gestionnaires juniors ou de la bureautique?
Mme Bourgon: Non, les négociations se font par table consolidée de groupes syndicaux, selon leur ligne d'accréditation et non pas selon le niveau.
M. Bellemare: Vous nous avez parlé du rajeunissement et du renouveau et vous avez dit que des plans s'en venaient et que vous aviez établi un échéancier pour mars, mai ou juin. Quand le recrutement aura-t-il lieu?
Mme Bourgon: Quand on aura vu les plans, qu'on les aura consolidés et qu'on saura ce qu'on cherche précisément. Il ne s'agit pas que chacun improvise dans son ministère.
M. Bellemare: Si on était très optimiste, ce serait quand?
Mme Bourgon: Nous aurions les plans des ministères en mars et une consolidation en juin et nous devrions être prêts à l'automne.
M. Bellemare: Merci.
[Traduction]
Le président: Madame Beaumier.
Mme Beaumier: Merci.
Je me demande si vous n'êtes pas en train de faire un cours magistral, parce que jusqu'à maintenant je n'ai pas entendu une réponse unique à une question. Vous nous avez servi toute une dissertation sur la valeur de la fonction publique. Or, nous sommes tous d'accord sur la valeur de la fonction publique.
M. Bellemare: Sauf les réformistes.
Mme Beaumier: Peut-être vous ai-je mal posé ma première question. Ce que je voulais savoir, c'est si vous avez une liste des services que vous envisagez de privatiser. Voilà ce que je voulais dire quand je vous ai demandé si vous aviez décidé lesquels sont des services essentiels de base et lesquels ne le sont pas. Je ne vous ai pas demandé sur quels principes on se base pour décider si un service a sa place dans la fonction publique.
Mme Bourgon: Pour ce qui est des services de base, M. Massé a déposé le 6 mars 1996 un document réalisé par votre gouvernement qui énumère les fonctions de base. Ce sont les cinq que j'ai mentionnées.
Deuxièmement, vous demandez s'il y a une liste d'activités qui sont appelées à être privatisées? La réponse est non.
Mme Beaumier: Y a-t-il une liste de ministères qui envisagent de privatiser leurs services? Je me reporte encore une fois à l'immigration. Je connais des gens qui soumettent des offres pour prendre en charge tout le processus d'immigration. Je sais qu'ils ont présenté leurs demandes au ministère de l'Immigration.
Mme Bourgon: Je ne suis pas au courant de quoi que ce soit concernant le ministère de l'Immigration. Je vous invite à poser la question au chef de l'organisation. Nous pourrions nous charger d'examiner la question, si vous le voulez.
Mme Beaumier: Mais vous devez sûrement le savoir, à titre de chef de la fonction publique. Vous êtes à la tête du secteur public et vous me dites que vous ne pouvez pas nous communiquer une liste? Je suis sûre qu'il y en a une.
Mme Bourgon: Dès que la décision a été prise de privatiser quelque chose, on l'a annoncée dans un budget. On l'a annoncée en 1995, et encore en 1996. Il n'y a pas de liste dans le budget de 1997. À l'heure actuelle, il n'existe aucune liste.
Quant à savoir s'il y a, quelque part dans l'une ou l'autre de nos 100 organisations, quelqu'un qui réfléchit à quelque chose, je ne peux pas vous répondre. Je ne suis pas au courant de quoi que ce soit pour ce qui est de l'immigration, mais nous pouvons nous renseigner.
Le président: Pour faire suite à la question de Mme Beaumier, je crois que ce que vous demandez, c'est s'il y a une liste de ministères où l'on envisage de privatiser des services. Quand c'est annoncé dans le budget, la décision est essentiellement prise, et l'on donne le feu vert. Votre réponse, c'est qu'il n'existe aucune liste, à votre connaissance.
Mme Bourgon: Il n'y a pas de liste centralisée; il n'y a aucune liste approuvée.
Puis-je répondre en plus d'un mot et essayer de vous donner une explication que vous trouverez peut-être utile? Sinon, j'effacerai tout.
Chaque année, tout ministère prépare un document appelé plan d'activités. Tout ministre peut décider, de concert avec son sous-ministre, au cours de l'élaboration du plan d'activités, qu'ils vont demander aux fonctionnaires du ministère s'il n'y aurait pas quelque chose qui pourrait se faire mieux dans le secteur privé. Cela ne se fait pas de façon centralisée; cela fait partie de l'élément de souplesse. Ils doivent se poser des questions sans détour. Personne ne peut le savoir avant qu'ils aient déposé leur plan d'activités.
Par conséquent, s'il y avait une réflexion en cours à l'Immigration, je n'en saurais rien tant qu'ils n'auraient pas déposé leur plan d'activités. Peut-être qu'il y a quelque chose. J'essaie seulement de vous indiquer où vous pouvez chercher.
Mme Beaumier: Vous dites donc qu'il faut s'adresser aux différents ministères. Ce n'est pas coordonné.
Mme Bourgon: Non.
Le président: J'ai quelques questions, si le comité veut bien me permettre de les poser.
Je sais que dans le cadre de témoignages antérieurs on a évoqué des groupes de travail formés de hauts fonctionnaires qui examinent sous divers angles l'avenir de la fonction publique. Je me demandais si le greffier pourrait nous nommer ces groupes de travail et nous dire quand nous pouvons escompter connaître les résultats de leurs travaux.
Mme Bourgon: Ils ont tous terminé leurs travaux. Tous les rapports ont été envoyés à tous les ministères. Ce sont des documents publics. Nous les avons en bibliothèque. Je me ferai un plaisir de vous en faire parvenir copie si vous le souhaitez.
Je peux en énumérer quelques-uns, les principaux, et je vous invite à y jeter un coup d'oeil.
L'un portait sur la question que le député a soulevée, à savoir le rôle du gouvernement du Canada en matière de politiques et la façon de renforcer cette capacité d'élaboration des politiques. Un rapport a été publié il y a quelques mois, et, pour l'essentiel, il est en cours de mise en oeuvre en ce moment même. Aucun de ces groupes n'a été créé en vue d'aboutir à la mise en oeuvre d'un plan à une date spécifique. Ils visent simplement à s'assurer que nous progressons. C'était le premier, et la plupart de ses recommandations ont déjà été mises en oeuvre.
Un autre portait sur la façon d'aborder les questions horizontales à l'avenir. Un rapport a été déposé et envoyé à chaque ministère. On a demandé à tous les ministères de le mettre en oeuvre d'une manière qui corresponde à leurs besoins.
Il y en a eu un sur la prestation des services, l'autre rôle dont j'ai parlé. Si l'on examine la prestation des services du point de vue du citoyen, qu'apprend-on sur le plan de l'intégration des services? Là aussi, les travaux sont terminés, et le rapport a été envoyé à chaque ministère.
Au sujet des frais généraux au gouvernement du Canada, le rapport du groupe de travail a été déposé. La mise en oeuvre relève globalement du conseil, en collaboration avec le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux.
Il y a un document de travail sur les valeurs et l'éthique. Quelles sont les valeurs du passé? Comment vont-elles nous guider dans l'avenir? Dans quelle mesure seront-elles pertinentes pour nos employés dans l'avenir? Le travail est terminé, et l'on en discute en ce moment même dans tous les ministères.
Le président: J'ai l'impression que notre attaché de recherche a passablement de pain sur la planche pour ce qui est de passer en revue ces divers rapports des groupes de travail. Je vais m'en remettre à lui.
Mon autre question porte sur le Royaume-Uni, où le Parlement a établi une charte du citoyen pour les normes en matière de services. Je me demandais si vous aviez envisagé d'adopter cette approche au Canada, et, sinon, peut-être pourriez-vous nous dire en quelques mots pourquoi nous n'adoptons pas cette voie.
Mme Bourgon: Pour le moment, nous ne le faisons pas. Nous en avons beaucoup discuté avec des collègues du Royaume-Uni, pour en savoir plus long là-dessus. Pour l'essentiel, les Britanniques ont appliqué cela à des services qui, au Canada, relèvent des provinces: les écoles, les hôpitaux, les pompiers. Ils ne l'ont pas fait pour des activités comme le solliciteur général, l'élaboration des politiques ou les affaires étrangères, qui sont plutôt le genre d'activités que l'on retrouve au niveau fédéral. Nous avons donc tiré profit de leur expérience et nous en avons pris bonne note.
Nous avons demandé aux ministères d'examiner comment ils vont établir des indicateurs de rendement utiles qui correspondent aux besoins de leurs clients. Au lieu d'avoir une seule charte pour tous, nous allons laisser les ministères faire des expériences.
Le président: Merci.
Y a-t-il d'autres questions?
M. Bellemare: J'ai une brève question.
[Français]
Personnellement, madame Bourgon, est-ce que vous croyez que le principe du mérite devrait être remis sur la table?
Mme Bourgon: Non, le principe du mérite est un principe fondamental. Ce qu'il faut remettre en question de temps en temps, c'est la signification de ce principe. On a tendance, quand on ne rediscute pas des principes fondamentaux, à les rendre plus complexes qu'ils devraient l'être dans la réalité des choses.
De temps en temps, il faut retourner aux sources et moderniser nos concepts. Mais le principe du mérite est une assise fondamentale du secteur public.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Bellemare.
Merci, madame Bourgon, d'être venue comparaître devant le comité. Votre témoignage a été très utile et aura certainement une incidence sur notre rapport final. J'espère que le rapport que nous vous remettrons jouera un rôle dans la poursuite de vos travaux visant à faire souffler un vent de renouveau sur la fonction publique.
Mme Bourgon: Merci, monsieur le président.
Le président: La séance est levée.