[Enregistrement électronique]
Le mardi 7 mai 1996
[Traduction]
Le président: Bonjour. Il y a un rappel au Règlement.
[Français]
M. Bellehumeur (Berthier - Montréal): Monsieur le président, j'ai déposé une motion le2 mai dernier, dont l'objectif était de mettre un terme à l'audition pour en finir et faire rapport. Étant donné que l'ajournement a été demandé le 2 mai dernier afin d'interroger à nouveau M. Jacob ici présent, je demanderais à mon tour d'avoir le consentement unanime du comité en vue du retrait de cette motion.
Je verrai, au moment approprié, à la déposer à nouveau. C'est en effet mon intention de le faire. Pour l'instant, afin de permettre au comité d'interroger M. Jacob en long et en large, j'aimerais la retirer afin qu'on ne se prononce pas immédiatement là-dessus. Par la suite, je verrai à la redéposer.
[Traduction]
Le président: Nous sommes d'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: Chers collègues, aujourd'hui, nous accueillons le député de Charlesbourg,M. Jean-Marc Jacob. M. Jacob a déjà témoigné jeudi dernier. À la fin de la période de questions, comme vous le savez, M. Bellehumeur a déposé une motion qu'il vient de retirer. M. Milliken n'a pas eu l'occasion d'interroger le témoin avant la levée de la séance. Vous vous souvenez sans doute qu'on a présenté une motion d'ajournement qui ne pouvait faire l'objet d'aucun débat; la motion a été mise aux voix et la séance a été levée.
Auparavant, le comité avait convenu d'entendre MM. Hart et Jacob. M. Hart a comparu pendant deux longues séances de notre comité. Dans le cadre de ses questions à M. Jacob jeudi dernier, Mme Catterall a indiqué qu'elle s'attendait à ce qu'il revienne témoigner une deuxième fois. Aucune objection n'a été soulevée. Par conséquent, à titre de président, j'ai décidé de réinviterM. Jacob aujourd'hui et il a accepté de revenir.
Avant la séance, je me suis entretenu avec les divers partis. Je crois savoir que nous nous sommes entendus sur une liste. Nous tenterons de clore la réunion vers 12 h 30, si c'est ce que vous préférez. Nous avons convenu de céder la parole à M. Jacob à la fin de la période de questions au cas où il voudrait répondre à certaines questions ou faire d'autres remarques. En outre, je vous informe que j'ai besoin moi-même de quatre ou cinq petites mises au point de la part de M. Jacob.
Merci d'être là, monsieur Jacob. Monsieur Milliken, voulez-vous commencer?
[Français]
M. Milliken (Kingston et les Îles): Monsieur Jacob, au cours de votre témoignage, lors de notre dernière séance, vous avez mentionné que vous avez envoyé votre communiqué à une liste de personnes. Cette liste est-elle disponible? Puis-je l'avoir, s'il vous plaît? Cette liste comporte plusieurs adresses de journaux de la province de Québec, évidemment.
M. Jean-Marc Jacob (député de Charlesbourg): Oui, monsieur Milliken.
M. Milliken: De même que celle de Valcartier. C'est celle de la base militaire, n'est-ce pas?
M. Jacob: Oui.
M. Milliken: Et aussi celle de la ville de Québec, à...
M. Jacob: À la Citadelle de Québec.
M. Milliken: Est-ce qu'il y a d'autres bases sur la liste? Il y a certainement des régiments.
M. Jacob: Oui, des réserves.
M. Milliken: Partout?
M. Jacob: Celles qui sont indiquées sur la liste: celles de Rimouski, de Lévis, de Rivière-du-Loup... J'en oublie peut-être une ou deux.
M. Milliken: Les adresses comme celle de CFRC sont évidemment des adresses de postes de radio, n'est-ce pas?
M. Jacob: Oui.
M. Milliken: NCSM Radisson, qu'est-ce que c'est?
M. Jacob: Je pense que c'est la réserve navale.
M. Milliken: Très bien. Alors la plupart sont des bases militaires ou des réserves.
M. Jacob: C'est essentiellement cela. Il n'y a pas autre chose.
M. Milliken: C'est la liste complète de diffusion de ce communiqué?
M. Jacob: Exactement. Il a été expédié par télécopieur. L'autre a été expédié par le service de presse, comme je l'ai mentionné la semaine dernière.
M. Milliken: Le service de presse qui rejoint tous les journalistes de partout au Canada.
M. Jacob: Normalement, oui.
M. Milliken: Normalement, oui.
Je me demande si votre intention, en émettant ce communiqué, était d'influencer les membres des Forces canadiennes et de vous servir de ce corps d'armée pour en former un autre.
M. Jacob: Non. Je l'ai déjà expliqué, mais je vais reprendre mon explication. Le but du communiqué - et il faut toujours revenir au contexte - était de parler d'un projet d'avenir dans l'éventualité d'un référendum gagnant.
Dans cette éventualité, le Québec aurait la possibilité, à tous les niveaux, d'intégrer certains services. On en avait parlé à plusieurs reprises à propos des des fonctionnaires fédéraux. Ce que j'ai fait allait dans le même sens. Je l'ai fait au même titre en ce qui concerne le ministère de la Défense.
Bien qu'on dise que la Défense a une loi qui lui est propre, il n'en demeure pas moins que le but du communiqué était essentiellement celui-là, advenant un Oui au référendum et la tenue de négociations en vue de l'accession à la souveraineté.
Comme je l'ai signalé la semaine dernière, je reste convaincu que le Canada n'aurait pas conservé ses bases militaires au Québec sans retirer des impôts en conséquence.
À ce moment, il y aurait eu une scission. Nous avons eu l'honnêteté, sinon la sagesse, de prévoir recueillir ces individus après l'obtention de la souveraineté, après que le Québec soit devenu un État. On proposait aux militaires de se joindre à une armée éventuelle au Québec. C'est dans ce but que le communiqué a été envoyé.
Dans son témoignage, M. Hart disait que le rôle d'un parlementaire est de représenter les citoyens qui l'ont élu, les citoyens de sa circonscription. Je ferai remarquer aux membres du comité que, dans ma circonscription et dans celles de Bagotville, de Saint-Hubert et de Rimouski, le Oui l'a emporté.
Les militaires sont des citoyens québécois et canadiens à part entière et ils avaient besoin de l'information la plus complète possible pour prendre leur décision. Il est certain que mon geste ne pouvait recueillir la faveur de tout le monde, mais pour la majorité de mes commettants, j'ai rempli mon rôle de parlementaire en produisant une information qu'ils souhaitaient.
Le territoire occupé par la base de Valcartier et par les civils compte au-delà de 7 500 personnes. Dans un arrondissement ou dans une circonscription, c'est un nombre qui a une assez grande influence. Malgré tout et même si ça peut déplaire à certaines personnes, le Oui l'a emporté dans ma circonscription.
M. Milliken: Monsieur Jacob, lesquelles de ces adresses se trouvent dans votre circonscription?
M. Jacob: Tout ce qui a rapport à Valcartier en fait partie.
M. Milliken: Toutes les autres font partie d'autres circonscriptions.
M. Jacob: C'est exact.
M. Milliken: Est-ce qu'il est juste de dire que votre intention était d'influencer ces personnes, en tant qu'électeurs de la province de Québec, avant le référendum?
M. Jacob: Je pourrais vous répondre en inversant la proposition. Est-il juste que des parlementaires cherchent à influencer les gens en disant qu'advenant la sécession du Québec, il n'y aura pas de négociations, que les gens vont perdre leur emploi et que ce sera le marasme économique? Si vous pensez que mon communiqué était de la propagande, comme vous l'avez dit la semaine dernière, je pense qu'il y a eu une propagande négative de la part de parlementaires fédéralistes. Si ce n'est pas bien pour moi de le faire, ce ne l'était pas non plus pour d'autres personnes.
M. Milliken: Je veux préciser ma question. Était-ce votre intention d'assurer aux membres des Forces armées canadiennes que si le Oui l'emportait au référendum, ils pourraient être employés dans une nouvelle force militaire dans la province de Québec?
M. Jacob: C'était le but ultime de mon communiqué.
M. Milliken: Si c'était votre but, avez-vous fait savoir au directeur général des élections du Québec que vous aviez préparé ce document dans l'intention de participer au débat référendaire, étant donné que votre communiqué a été envoyé le 26 octobre et que le référendum avait lieu le 30 octobre?
M. Jacob: Je vais revenir sur l'historique dont j'ai déjà fait état. Il s'est tenu des commissions régionales avant le référendum dans la province de Québec. Disons que les deux plus importantes commissions étaient celles de la région de Québec et de la région de Montréal. Dans ces deux régions, il y a eu des mémoires déposés par des professeurs, dont un ex-professeur du Collège militaire de Saint-Jean, et par des ex-officiers, ex-généraux et ex-lieutenants-colonels statuant sur une éventuelle armée québécoise après l'obtention d'un Oui.
Lorsque je rencontrais des militaires, des parents de militaires ou des conjoints de militaires qui me demandaient s'il y aurait un emploi pour leur fils ou leur mari, je leur répondais que le communiqué visait à assurer qu'advenant un Oui, après négociation en vue de l'accession à la souveraineté du Québec, nous aurions une armée du Québec où les militaires conserveraient leur grade, leur rang, etc.
M. Parizeau a dit la même chose vers le mois de février ou mars 1995.
M. Milliken: D'accord, mais aviez-vous indiqué au directeur général des élections de la province de Québec que vous aviez envoyé ce communiqué?
M. Jacob: Non. Je ne pense pas que, durant la période référendaire, que ce soit du côté fédéraliste ou du côté souverainiste, on ait averti le directeur général des Élections chaque fois qu'un communiqué de presse était émis, à moins que cela ait été nécessaire.
M. Milliken: Mais on a posé des questions au sujet des députés fédéraux qui avaient participé à l'organisation de la foule à Montréal, n'est-ce pas?
M. Jacob: C'est un peu différent. Vous parlez de dépenses électorales.
M. Milliken: Oui, c'est ça.
M. Jacob: On y arrive. À ce moment-là, je pourrais vous dire le coût du communiqué. Je ne pense pas qu'il puisse s'élever à beaucoup plus que 50 $ ou 60 $.
M. Milliken: Et les taxes?
M. Jacob: Avec les taxes? Disons 62 $. Je ne pense pas qu'au niveau des dépenses électorales, ce soit une nécessité. C'est carrément hors de la question de l'étude du communiqué. Je ne sais pas du tout si je devais déclarer le coût de ce communiqué comme une dépense électorale. Je n'en ai aucune idée. Je peux vous répondre sur la teneur du communiqué et sur son interprétation.
M. Milliken: Votre intention, en envoyant le communiqué, était d'influencer les électeurs militaires pour qu'ils votent en faveur du Oui au référendum avec l'assurance qu'après le référendum ils auraient un emploi.
M. Jacob: C'était pour les informer et leur assurer qu'advenant un Oui, après négociation, ils auraient un emploi, au même titre qu'on l'a fait pour les fonctionnaires fédéraux, au niveau des gens de la Garde côtière, des Postes, etc.
M. Milliken: Monsieur Jacob, la liste que vous m'avez donnée est une liste des bases militaires ou des réserves dans la province de Québec. Est-ce que vous avez envoyé ce communiqué aux autres bases militaires partout au Canada où il y avait des soldats québécois?
M. Jacob: Non, monsieur Milliken.
M. Milliken: Vous avez aussi indiqué que vous avez visité récemment la ville de Kingston...
M. Jacob: À deux reprises.
M. Milliken: ...et le Collège militaire royal concernant vos interventions. On vous a posé des questions concernant votre participation et votre communiqué, n'est-ce pas?
M. Jacob: On m'a invité au Collège militaire de Kingston pour que je donne le point de vue du Bloc québécois sur la politique de défense en relation avec le rapport dissident que j'avais fait lors de la révision de la politique de défense. On m'a aussi posé des questions sur une éventuelle armée québécoise.
M. Milliken: Vous avez indiqué pendant votre témoignage que les étudiants avaient ri quand vous aviez soulevé la question de votre comparution devant ce comité.
M. Jacob: Je me souviens de deux professeurs et d'un élève officier qui ont ri quand j'ai dit cela.
M. Milliken: Était-ce la première fois qu'ils riaient?
M. Jacob: Je ne me rappelle pas, mais ça m'a frappé.
M. Milliken: Est-ce qu'ils ont pris votre présentation au sérieux?
M. Jacob: Il faudrait le leur demander.
M. Milliken: Ils n'ont pas ri pendant votre présentation.
M. Jacob: Non, monsieur Milliken, ils n'ont pas ri quand j'ai parlé des questions concernant l'OTAN, le NORAD et l'ONU.
M. Milliken: Nous avons reçu votre lettre d'invitation du commandant du CMR. C'est très poli de la part d'un tel commandant.
En présentant ce communiqué aux militaires à Québec, est-ce que vous l'avez aussi distribué dans votre circonscription, ailleurs que dans les bases militaires?
M. Jacob: Non.
M. Milliken: C'est tout.
[Traduction]
Le président: Merci. Pourriez-vous clarifier une réponse que vous venez de donner àM. Milliken. Avez-vous déjà envoyé un communiqué, autre que celui-ci, aux bases militaires du Québec? Depuis que vous êtes député, avez-vous envoyé d'autres communiqués à ces bases des Forces armées?
[Français]
M. Jacob: La semaine dernière, Mme Catterall m'a demandé si j'avais déjà envoyé d'autres communiqués concernant les militaires, la politique de défense ou autre chose. J'ai envoyé d'autres communiqués, mais comme je le disais à Mme Catterall, c'était la première fois que je l'envoyais par télécopieur aux bases militaires.
Ce que j'avais fait auparavant, c'était par les journaux locaux de la région de Québec, qui avaient réagi plus rapidement que ceux d'ici.
[Traduction]
Le président: Monsieur Abbott.
M. Abbott (Kootenay-Est): Monsieur Jacob, je vous renvoie au projet de loi no 1 du Québec qui a été déposé devant notre comité par vos collègues. L'article 17 dit ceci:
- Le gouvernement prend les mesures nécessaires pour que le Québec continue de participer aux
alliances de défense dont le Canada est membre. Cette participation doit cependant être
compatible avec la volonté du Québec d'accorder la priorité au maintien de la paix dans le
monde sous l'égide de l'Organisation des Nations Unies.
[Français]
M. Jacob: Absolument. De par ses priorités pacifistes, le Québec a toujours été moins militarisé que l'ensemble du Canada. Dans le communiqué, il est précisé qu'advenant l'accession du Québec à la souveraineté, celui-ci participerait aux alliances actuelles et prônerait la démocratie et la paix dans le monde.
[Traduction]
M. Abbott: Pourriez-vous m'indiquer où dans votre communiqué vous dites que la nouvelle armée québécoise serait créée un an plus tard ou après des négociations avec le reste du Canada.
[Français]
M. Jacob: On revient sensiblement aux questions antérieures, mais je vais répondre quand même. Je pense l'avoir interprété assez clairement la semaine dernière. Je dis dans mon communiqué: «Au lendemain d'un OUI». «Au lendemain» s'entend de périodes plus ou moins prolongées. Cela veut dire aussi des négociations. Je pense que très souvent, durant le référendum, nous avons dit et écrit que le Québec offrirait des négociations au Canada de façon à établir ces structures. Après un certain temps, le Québec deviendrait un État souverain en s'en remettant au droit international ou à la reconnaissance des autres pays.
Je vous ai donné l'exemple d'«au lendemain de la fin de la guerre froide» et celui du film The Day After. Les conséquences de l'explosion nucléaire ne se sont pas arrêtées le lendemain. Ça s'est poursuivi durant de nombreuses semaines, de nombreux mois, de nombreuses années. C'est le sens du terme «au lendemain». Ce n'est pas le jour suivant. Le communiqué a été rédigé en français et c'est ce que ça voulait dire.
[Traduction]
M. Abbott: Mais la traduction officielle, que vous n'avez pas reniée, dit ceci:
«The day after a YES win», he says, «Quebec should immediately create a Department of Defence...
Bien que ce soit très clair dans votre esprit, ne croyez-vous pas que bien des gens qui ont lu ce communiqué auraient pu l'interpréter autrement? Je vous pose cette question parce que, manifestement, il y a confusion. C'est peut-être clair dans votre esprit, mais le communiqué, lui, n'est pas clair.
[Français]
M. Jacob: Je demeure convaincu, monsieur Abbott, qu'un projet émis par un souverainiste peut ne pas sembler clair à des gens qui sont éloignés du contexte. Voyez un peu ce qui s'est produit dans la province de Québec même concernant ce communiqué. Les médias l'ont peut-être repris à deux reprises au mois de novembre. Par la suite, on n'en a plus entendu parler, sauf pendant mon témoignage. Je vous avouerai franchement que, pour les gens de la province de Québec à qui il s'adressait, le communiqué était très clair. Si ce n'est pas conforme aux politiques ou aux projets politiques de certains individus et qu'ils l'interprètent de façon différente, je ne peux d'aucune façon contrôler ça.
[Traduction]
M. Abbott: Mais la semaine dernière, vous avez dit:
- À partir du moment où il y a un OUI, les négociations commencent. À partir de ce moment-là,
tout gouvernement responsable devra jeter les bases d'un ministère de la Défense et un embryon
d'état-major... Pour en arriver à une négociation valable, on avait besoin de certains
spécialistes, militaires et civils, pour parvenir à des négociations positives.
[Français]
M. Jacob: Absolument.
[Traduction]
M. Abbott: Vous avez aussi dit ceci:
- Au Québec, au moment où des négociations seraient tenues avec le gouvernement fédéral,
surtout en ce qui concerne le partage de certaines infrastructures, on aurait certainement eu
besoin d'individus possédant des connaissances militaires pour négocier des aspects relevant de
ces domaines.
[Français]
M. Jacob: J'ai l'impression que le Parti réformiste se spécialise dans les interprétations particulières. Je parle de spécialistes pour les négociations. Je me souviens aussi d'avoir dit - vous avez probablement sauté des lignes - que des militaires et des officiers viennent de laisser et que d'autres laisseront bientôt; que d'autres vont renouveler leur contrat et que d'autres sont à la retraite depuis quelques années. Ce sont des gens compétents qui ont une expertise valable. J'aurai peut-être un jour acquis une expertise valable pour m'intégrer à l'intérieur de cette chose-là.
De là à conclure - et je vous vois venir - que j'aurais proposé à des militaires de former un état-major avant l'accession du Québec à la souveraineté... Je trouve cette interprétation très tordue. J'ai expliqué de long en large que je n'ai jamais fait ça, et aucun militaire à quelque niveau ne peut prouver ou même mentionner que j'ai fait cette intervention. Mon communiqué - je l'ai expliqué et je le répète - a été émis dans le cadre d'un projet souverainiste que vous et d'autres ne partagez pas. En tant que parlementaire, j'avais le droit et le privilège de l'émettre en prévision de la tenue de possibles négociations futures.
Qui composera le ministère de la Défense ou un embryon d'état-major? Je ne me sentais ni la compétence ni le pouvoir de les embaucher au moment d'émettre le communiqué. Nous voyions très bien au Québec que d'anciens militaires comme M. Frazer, M. Hart ou M. Mifflin, le ministre des Pêches et des Océans, puissent servir de spécialistes au début d'une négociation.
[Traduction]
M. Abbott: Vous voulez faire croire aux membres de ce comité que cet embryon d'état-major dont vous parlez aurait été composé exclusivement de militaires à la retraite, que vous ne pensiez pas recruter de militaires canadiens actuellement en poste? Est-ce là ce que vous voudriez nous faire croire? Si tel est le cas, je trouve que vous y allez un peu fort.
[Français]
M. Jacob: Je ne viens pas de prétendre quoi que ce soit; vous n'avez pas écouté ce que je vous ai dit. Au moins une quinzaine d'officiers anglophones ou francophones ont quitté l'armée depuis une douzaine de mois, n'ont pas renouvelé leur contrat et font carrière ailleurs. J'ai déjà rencontré un militaire qui m'a dit que son contrat se terminait dans cinq mois, qu'il voulait réorienter sa carrière et qu'il serait intéressé, s'il y avait une armée québécoise, à s'y joindre. Il n'y a absolument rien qui empêche ces individus de faire cela. Je connais des officiers de l'Armée canadienne qui ont terminé leur service au Canada et qui en font présentement en France. Qu'est-ce qui les empêche de faire ça? Absolument rien.
[Traduction]
M. Abbott: Sauf votre respect, nous traitons ici du communiqué que vous avez envoyé à des personnes qui font actuellement partie de l'armée, qui ont prêté allégeance au Canada. Vous leur avez envoyé ce communiqué. Vous tentez de nous faire croire que vous ne vous attendiez pas à ce qu'on y réponde, que pour constituer cet embryon d'état-major, vous feriez appel exclusivement à...
Je vous pose alors la question suivante: Le ministère de la Défense d'un Québec souverain aurait-il rejeté ces candidats sous prétexte qu'ils provenaient de l'armée canadienne, qu'ils avaient prêté allégeance au Canada?
[Français]
M. Jacob: Les militaires québécois et canadiens sont assez intelligents pour comprendre un communiqué émis sur le papier de l'Opposition officielle en pleine période référendaire. Ce référendum, à l'intérieur des Forces armées canadiennes, au Québec et même ici, à l'état-major à Ottawa, inquiétait passablement certaines personnes étant donné qu'on prévoyait un résultat serré.
J'ai beaucoup plus de respect du serment des militaires et de confiance en celui-ci que vous pouvez en avoir, si je me fie au sens de vos questions. Je trouverais un peu ridicule de croire qu'un communiqué de presse envoyé par les médias d'information ou à une base militaire aurait pu amener un officier québécois ou canadien à renier son serment d'allégeance en plein débat référendaire. Vous avez une très piètre opinion des militaires. J'ai cité des textes du major-général Roméo Dallaire qui disait qu'ils ont reçu ça, qu'ils l'ont regardé et que ça a été tout. Cela n'a pas influencé les discussions mais, comme tout citoyen canadien, les gens avaient hâte de connaître le résultat.
[Traduction]
M. Abbott: Monsieur Jacob, ce n'est pas des militaires dont j'ai une piètre opinion. La semaine dernière, vous avez parlé de gens qui avaient quitté l'armée, de gens qui viennent de quitter l'armée, d'autres qui vont quitter l'armée et d'autres encore qui vont y entrer. Ce sont les termes que vous avez employés. Vous avez parlé de ceux qui quitteraient l'armée. Autrement dit, vous envisagiez un embryon d'état-major pour les forces armées du Québec qui serait composé de Québécois qui faisaient partie des Forces armées canadiennes avant la souveraineté, n'est-ce pas?
[Français]
M. Jacob: Je le nie, parce qu'il n'y aura pas d'armée québécoise avant l'établissement du Québec comme État souverain. Actuellement, il n'est pas question que des militaires puissent être intégrés à l'intérieur d'une armée québécoise, car une telle armée n'existe pas. Vous avez parlé de ministères. Ce n'est pas du tout l'armée. Ce sont les débuts, les prémisses. Si on émet un projet et qu'on ne se prépare pas, comment va-t-on faire pour l'établir et le faire aboutir? Ce n'est pas ainsi qu'on doit administrer. Quand on veut planifier une chose, il faut la préparer. C'est dans ce sens-là que mon communiqué a été émis. Si vous laissez entendre que le communiqué prenait les militaires et les intégrait à une armée québécoise qui n'existe pas, je ne peux pas vous suivre dans cette voie-là.
[Traduction]
M. Abbott: D'accord. Monsieur le président, combien de temps me reste-t-il?
Le président: Votre temps vient de se terminer, mais si vous voulez poser une dernière question avant de céder la parole à votre collègue, vous pouvez le faire. Ou peut-être que votre collègue voudra vous accorder une partie de son temps.
M. Abbott: Non, ça va. Je termine sur cette question.
Revenons au projet de loi no 1 du Québec qui dit notamment que les fonctionnaires fédéraux seraient intégrés à la fonction publique québécoise et qu'une force militaire québécoise serait créée. L'article 18 du projet de loi dit ceci:
- Les lois du Parlement du Canada et les règlements qui en découlent, applicables au Québec à la
date de l'accession à la souveraineté, sont réputées être des lois et des règlements du Québec.
- C'est exact?
M. Abbott: Je présume que cela comprend la Loi sur la Défense nationale.
[Français]
M. Jacob: Si vous lisez plus loin, vous verrez:
- 18. Les Lois du Parlement du Canada et les règlements qui en découlent, applicables au Québec
à la date de l'accession à la souveraineté, sont réputés être des lois et des règlements du Québec.
Le projet précisait que le Québec, après négociation, aurait son armée sur son territoire, et le reste du Canada, son armée sur le sien. Ce n'est pas non conforme à l'application des lois et des règlements.
[Traduction]
M. Abbott: Je terminerai en soulignant que la Loi sur la Défense nationale prévoit certaines infractions relativement aux Forces armées. Il y est notamment prévu que quiconque publie délibérément un document qui encourage les membres des Forces armées à faire preuve de déloyauté ou d'insubordination, commet une infraction. Si les lois du Canada, y compris la Loi sur la Défense nationale, devaient devenir lois du Québec, et si cela comprenait les infractions relatives aux Forces armées, votre communiqué est tout à fait irrecevable. Il est irrecevable qu'il porte sur la création d'un éventuel État souverain du Québec ou sur l'État souverain du Canada tel qu'il existe actuellement.
[Français]
M. Jacob: J'ai de la difficulté à répondre à une telle question. On s'éloigne de l'interprétation du communiqué, mais si vous parlez de la Loi sur la défense nationale et des accusations possibles, toutes ces formes-là ont été épuisées devant la Cour du Québec et la Cour de l'Ontario, et même devant l'avocat général et les juristes du ministère de la Défense. Le comité doit statuer sur une accusation déposée par un de vos collègues concernant un outrage au Parlement ou un outrage aux privilèges parlementaires.
Si vous voulez sortir du cadre du communiqué et voir s'il y a une application juridique ou non, cela n'est pas de mon ressort. Beaucoup de juristes se sont penchés sur cette question et, que je sache, il n'y a pas eu de poursuites. Votre question n'a pas tellement de rapport avec le communiqué. Je ne suis pas en mesure de vous parler de la légalité ou de la pertinence de la question. Dans le débat référendaire, il y avait un excellent rapport mais, au niveau de la légalité, on aura épuisé toutes les sources. Si vous voulez entrer dans ce domaine-là, je ne peux pas...
[Traduction]
M. Abbott: Monsieur Jacob, la semaine dernière, lorsqu'on vous a demandé si vous aviez invité les membres des Forces armées canadiennes à joindre les rangs d'une armée québécoise, vous avez répondu: «Absolument». Cela conclut mes questions.
[Français]
M. Jacob: Vous avez l'art de sortir une phrase de son contexte. Je dirais même que c'est méchant.
J'ai répondu à M. Frazer que c'était une invitation, mais après le processus de négociation, après l'accession à la souveraineté, etc.
J'ai aussi demandé à M. Frazer si, une fois le Québec souverain, les militaires québécois membres des Forces armées canadiennes seraient demeurés à l'intérieur des Forces armées sur le territoire québécois, sans être payés par les taxes québécoises. J'aimerais qu'on me réponde à cela.
On n'a pas apporté d'éclaircissement. L'invitation était valable, mais pour plus tard, après les négociations et l'accession du Québec à la souveraineté. Quand vous la sortez du contexte, elle peut avoir un certain charme, monsieur Abbott.
[Traduction]
M. Abbott: Monsieur le président, j'aimerais...
Le président: Merci, monsieur Abbott.
Monsieur Speaker, je vous prie.
M. Speaker (Lethbridge): J'aimerais avoir quelques précisions sur le sujet dont nous traitons en ce moment.
Monsieur Jacob, vous avez dit que votre communiqué doit être lu dans le contexte du projet de loi no 1, n'est-pas?
[Français]
M. Jacob: Oui, et aussi dans le contexte référendaire, ne l'oublions pas. Cela représente plusieurs semaines importantes dans la vie des citoyens québécois et canadiens.
[Traduction]
M. Speaker: Il s'ensuit donc que les lois du Parlement du Canada seraient devenues les lois du Québec, notamment en ce qui a trait à l'armée.
[Français]
M. Jacob: Oui, pendant la période de négociation.
[Traduction]
M. Speaker: Cela inclurait le paragraphe 62(1) du Code criminel qui décrit le principe. Peut-être pourrions-nous en parler en principe, monsieur le président, plutôt que de traiter précisément du paragraphe 62(1), parce que nous ne sommes pas un tribunal et nous n'avons pas pour tâche d'appliquer le Code criminel à proprement parler.
En principe, le Québec adopterait comme loi la disposition qui prévoit que quiconque publie un document encourageant les membres des Forces armées à la déloyauté ou à l'insubordination commet une infraction et est passible de mesures disciplinaires. Est-ce exact? Avait-on l'intention d'adopter des dispositions législatives de ce genre?
[Français]
M. Jacob: Dans la façon dont vous l'interprétez, oui, c'est exact, mais ce n'est pas ainsi que je l'ai fait. Le communiqué énonçait un projet à la suite d'interrogations de particuliers. J'aurais envie de vous citer un article du major-général Roméo Dallaire - corroboré par votre collègue, M. Frazer - qui mentionne qu'à l'intérieur des Forces armées canadiennes, il y a des gens qui sont fédéralistes, d'autres qui sont plus ou moins neutres et encore d'autres qui sont souverainistes.
Des gens se demandent quelle situation ils vont vivre dans un avenir plus ou moins rapproché, après un référendum. On nous reproche sans cesse d'être imprécis; lorsqu'on précise, des gens mal intentionnés déforment nos propos ou les interprètent à leur façon et, à ce moment-là, ils joignent toutes sortes de choses.
Monsieur Speaker, votre question sur l'article 62 a été triturée dans tous les sens. M. Brent Tyler a déposé une accusation, et M. Bruce Knapp de Peterborough et M. Michael Charette ont fait de même. Il y a eu des représentations auprès du ministère de la Défense devant les juristes pour voir si c'était inconvenant au niveau de la loi canadienne, et personne n'en a retenu quoi que ce soit.
Après toutes les précisions apportées par tous ces gens-là, vous devriez avoir compris que cela n'a pas de lien avec le communiqué et vous ne devriez plus poser de questions sur l'article 62.
[Traduction]
M. Speaker: Monsieur le président, le projet de loi no 1 stipule clairement que les lois du Parlement deviendront les lois du Québec. Deuxièmement, vous avez dit...
[Français]
M. Jacob: Temporairement.
[Traduction]
M. Speaker: Vous avez dit que plus tard et après des négociations, qu'il serait possible qu'une partie de l'armée canadienne devienne l'armée québécoise. Mais la loi dit que c'est une infraction que de publier un document qui encourage les membres des Forces armées à la déloyauté ou à l'insubordination. Cette disposition existait avant le référendum, elle continue d'exister après le référendum et va toujours exister pendant d'éventuelles négociations.
Dans votre communiqué, vous avez encouragé les membres des Forces armées à la déloyauté à l'égard du Canada, n'est-pas?
[Français]
M. Jacob: Quand vous avez lu l'article 18, vous en avez oublié un bout. Lisez la ligne suivante:
- ...jusqu'à ce qu'elles soient maintenues, modifiées ou abrogées.
- Elles seront modifiées ou abrogées à partir du moment où le Québec va devenir un État
souverain. C'est à partir de ce moment-là que le Québec va avoir une armée.
On émet un projet pour une armée québécoise. Lorsque la loi canadienne ne s'appliquera plus et qu'on aura notre armée, à ce moment-là, cela n'aura plus de référence.
[Traduction]
M. Speaker: Lorsque le Québec accédera à la souveraineté - si c'est votre ambition - , croyez-vous que vous aurez alors le droit de demander aux membres des Forces armées canadiennes de quitter cette armée pour se joindre à celle du Québec? L'article 18 du projet de loi no 1 du Québec dit que vous acceptez en principe les lois du Parlement du Canada, selon lesquelles on ne pourrait demander aux membres de l'armée québécoise de se joindre à l'armée canadienne; ce serait illégal et inacceptable dans les circonstances. Comment pourriez-vous donc, s'il y avait souveraineté et négociations ultérieures, demandez aux membres des Forces armées canadiennes, qu'ils soient loyaux au Québec ou non, de se joindre à l'armée québécoise?
C'est ce que vous avez fait avec votre communiqué et c'était votre intention. Vous avez démontré que c'était là votre intention si le Québec devient souverain. Comment pourriez-vous agir ainsi sachant que le Canada et le Québec ont des lois qui interdisent ce genre d'agissements?
[Français]
M. Jacob: Il y a un problème de compréhension. Vous avez dit que nous avions la souveraineté et qu'après cela on négociait. S'il y avait eu un Oui au référendum, le Québec ne serait pas devenu souverain dès le lendemain. Le Québec aurait entamé des négociations avec le reste du Canada et, après un certain temps, aurait accédé à sa souveraineté. C'est clairement indiqué. Si vous pensez que le lendemain d'un Oui, j'aurais invité les militaires à se joindre à une armée québécoise... Cela pourrait porter un peu à interprétation, mais ce n'est pas du tout cela.
Tout le monde au Québec savait qu'après un vote en faveur du Oui, il y aurait négociation. La majorité des fédéralistes disaient qu'ils ne négocieraient pas, mais nous disions qu'ils n'auraient pas eu le choix. Il aurait fallu négocier et partager certaines choses à deux.
À partir du moment où on négocie, qui peut empêcher quelqu'un de planifier et de se préparer en vue d'un projet futur? C'est le rôle des parlementaires ici à Ottawa que d'avoir des projets d'avenir qui reflètent la volonté de leur population. Si vous, dans votre circonscription ou dans votre province, vous avez des citoyens dont vous représentez la vision, vous jouez votre rôle. Moi, je fais la même chose en ce qui concerne la vision de mes citoyens et de ceux qui m'ont élu.
[Traduction]
M. Speaker: Monsieur Jacob, je ne parle pas des négociations qui suivraient la victoire du oui à un référendum. Je parle de votre communiqué qui invitait directement les membres des Forces armées canadiennes à se joindre aux Forces québécoises. Si vous lisez les lois du Parlement du Canada telle que la Loi sur la Défense nationale, et ensuite le projet de loi no 1 du Québec qui propose d'adhérer aux principes qui sous-entendent les lois du Canada, comment pouvez prétendre avoir le droit de lancer une invitation de ce genre? Vous pouvez très bien négocier, ça, c'est autre chose. Mais vous, dans votre communiqué, vous avez invité directement les membres des Forces armées canadiennes à quitter cette armée pour se joindre à l'armée du Québec. Comment avez-vous pu agir ainsi compte tenu du fait que les lois actuelles stipulent que c'est inacceptable?
[Français]
M. Jacob: Il est clair et net qu'au lendemain d'un Oui, on va recommencer les négociations et inviter les militaires à se joindre à une armée du Québec. Au moment de son accession à la souveraineté, le Québec aura une armée.
Tant que tout le processus ne sera pas terminé, ça ne sera qu'un simple projet. Au cours des 30 dernières années, bien d'autres avant moi ont émis des projets de souveraineté hypothétiques jusqu'à un certain point. Ils l'ont fait dans le respect des lois canadiennes et de la démocratie.
Je ne pense pas qu'un simple communiqué comme celui-ci puisse influencer de quelque façon que ce soit les militaires que je connais. C'était une question d'information. Je l'ai répété à plusieurs reprises: on revient toujours sur la même question en disant qu'on a enfreint les lois canadiennes au niveau du référendum, peut-être même un peu comme M. Milliken l'a fait au niveau des dépenses électorales.
Je vous ai répondu tout à l'heure que nombre de gens avaient porté plainte devant les tribunaux et que ces plaintes avaient été rejetées. Nous sommes ici pour statuer si un député du Parlement, moi en l'occurrence, a porté atteinte aux privilèges.
Je pense avoir répondu de long en large que tout parlementaire a le droit d'émettre un projet qui ne fait peut-être pas l'affaire de certains individus. Les parlementaires ont quand même une certaine liberté d'expression. S'il faut que les parlementaires ne puissent plus émettre de projet, que ce soit dans votre cas ou dans le cas du gouvernement, à partir du moment où le gouvernement décidera une chose sur laquelle vous n'êtes pas d'accord, ça portera outrage à vos privilèges.
En ce qui concerne le communiqué, vous ne pouvez absolument pas dire que j'ai porté atteinte aux privilèges parlementaires, et vous tentez de revenir par distorsion à la Loi sur la défense nationale ou à l'article 62 du Code criminel, dont plusieurs juristes ont discuté hors de cette Chambre.
Si je me reporte à ce que j'ai entendu de votre motion et de celle des libéraux, c'est du communiqué qu'on discute. Sur le communiqué, j'ai fourni les explications nécessaires. Je ne peux pas traiter des lois, car je ne suis pas un juriste. D'autres juristes l'ont fait et ils ont dit que c'était irrecevable. Ne me demandez pas si c'est recevable ou non.
[Traduction]
M. Speaker: Monsieur Jacob, la question me semble plus sérieuse que vous ne le laissez entendre dans votre réponse. Vous avez dit vouloir simplement informer les militaires et non pas les influencer. Comment peut-on informer quelqu'un sans l'influencer? Je dois en conclure que vous avez tenter de les influencer. Que vouliez-vous les inciter à faire?
[Français]
M. Jacob: Pourriez-vous clarifier votre question? Lorsque vous parlez d'influence, parlez-vous d'influence sur un vote potentiel ou d'un choix potentiel que les militaires québécois avaient à faire lors du dernier référendum?
Lorsque vous dites que je les ai influencés par mon communiqué, est-ce que je les ai influencés au niveau du choix d'un Oui ou d'un Non au vote référendaire? Est-ce bien ce que vous dites?
[Traduction]
M. Speaker: J'ai plus ou moins posé cette question.
Avec ce communiqué, vous avez ciblé un groupe particulier de Canadiens qui sont responsables de la sécurité de tous les Canadiens. Vous avez ciblé ce groupe avec votre communiqué. Votre communiqué n'a pas été envoyé à tous les Québécois, seulement à un groupe cible. Votre intention était de les influencer de façon à ce qu'ils agissent d'une certaine manière, et pas seulement de sorte qu'ils se prononcent pour ou contre la souveraineté du Québec au référendum.
[Français]
M. Jacob: J'avais effectivement un motif, celui de bien les informer afin qu'ils puissent faire un choix éclairé.
Je cite une déclaration du major-général John de Chastelain publiée dans La Presse de Montréal le 7 décembre 1991. On y lit:
Au cours d'une entrevue à la télévision de Radio-Canada, le général de Chastelain a aussi indiqué que les Forces armées seraient à la disposition de tout gouvernement québécois démocratiquement élu dans le cadre des missions de soutien au pouvoir civil.
Le chef des Forces armées a finalement souligné que, dans le cas d'un démembrement constitutionnel du pays, les commandants à tous les niveaux devraient faire leur choix - une fois la décision politique prise - ...
Selon le chef d'état-major et à mon avis, les militaires ont un choix à faire dans un débat politique puisqu'ils ne sont pas que des militaires, mais aussi des citoyens à part entière, aussi intelligents que leurs concitoyens, qui ont le devoir de faire un choix dans le cadre d'un débat politique. Afin de les aider à faire le bon choix, nous avons pris les moyens nécessaires pour leur fournir le plus d'information possible.
Il est certain que ce genre d'information peut déplaire à certains. Comment se fait-il que les les militaires, dans le contexte où ils se trouvaient, en aient saisi la portée et s'en soient servi comme une information supplémentaire, advenant une certaine tournure des événements?
L'interprétation que rendait le major-général de Chastelain et que je viens de vous lire remonte à 1991. Il y déclarait à peu près la même chose que moi; il disait qu'advenant un changement constitutionnel, les militaires auraient à choisir. Choisir entre quoi? Une armée québécoise et une armée canadienne?
[Traduction]
Le président: Nous passons maintenant à M. Boudria.
M. Boudria (Glengarry - Prescott - Russell): J'aimerais qu'on dépose ce document; il m'apparaît très pertinent. J'espère que vous en déposerez une copie devant le comité. Ce communiqué ou cet article de journal où on citait le général de Chastelain est très important pour nous.
Le président: D'accord. Monsieur Frazer.
M. Frazer (Saanich - Les Îles-du-Golf): Monsieur Jacob, vous et moi siégeons au Comité permanent de la Défense nationale et des Affaires des anciens combattants depuis environ deux ans et demi. Vous avez participé activement aux travaux du comité. Vous avez assisté à presque toutes les séances. Vous avez visité des bases militaires et rencontré de nombreux membres des Forces armées dans le cadre de votre participation aux travaux de ce comité. Je sais donc que vous connaissez la Loi sur la Défense nationale. Vous n'en connaissez peut-être pas tous les détails, mais moi non plus. Toutefois, je suppose que vous savez que l'armée a son propre système judiciaire, n'est-ce pas?
[Français]
M. Jacob: Oui.
[Traduction]
M. Frazer: Connaissez-vous d'autres ministères qui ont leur propre système judiciaire?
[Français]
M. Jacob: Non.
[Traduction]
M. Frazer: À titre de parlementaire, n'êtes-vous pas d'accord avec moi pour dire que cette loi particulière visant les militaires a pour but de protéger l'armée de toutes ingérences, et ce, afin que l'État puisse conserver sa souveraineté dans une société démocratique?
[Français]
M. Jacob: Je suis d'accord sur la fin de votre intervention. Ne croyez surtout pas que je pensais que mon communiqué allait à l'encontre de la Loi sur la Défense nationale et encore moins qu'il nuirait à la sécurité du pays.
Il ne faut pas pousser trop loin ces interprétations.
[Traduction]
M. Frazer: Non, mais vous reconnaîtrez qu'il faut être particulièrement prudent lorsqu'il est question des Forces armées. Je suis étonné qu'il puisse être si facile de mal interpréter votre communiqué.
Ainsi, jeudi dernier, vous avez reconnu que si les soldats n'avaient pas placé votre communiqué dans le contexte référendaire, ils auraient pu mal vous comprendre:
- Si on considère le communiqué tout à fait hors du contexte référendaire, certains esprits
pourraient éventuellement douter de l'opportunité de transférer ou de créer un ministère de la
Défense et une armée immédiatement après un oui.
[Français]
M. Jacob: Je n'ai pas dit que le général MacKenzie l'avait mal interprété, mais qu'il avait droit à ses opinions, surtout lorsqu'il compare l'Iran au Canada. Quant à votre question où vous disiez qu'il pouvait être mal interprété, je me permets de dire que vous l'interprétiez vous-même très bien le 5 novembre.
Selon votre article que je citais plus tôt, rien dans le communiqué n'incitait à la mutinerie, rien n'incitait à la désertion. Telle était alors votre interprétation en votre qualité d'ancien militaire, au même titre que le général MacKenzie. Vous nous donniez justement l'exemple parfait. Le général MacKenzie l'interprète d'une façon et vous l'interprétez d'une autre, bien que vous soyez tous deux anciens militaires.
Je vous avoue sincèrement préférer l'interprétation que vous donniez selon laquelle il n'y avait absolument rien qui incitait à la mutinerie ni à la désertion, et que dans le contexte référendaire, comme vous le disiez précisément, le reste du Canada devait se rendre compte qu'au sein des Forces armées se trouvaient des souverainistes, ce dont il faudra éventuellement tenir compte advenant une sécession du Québec. C'était le sens exact de mon communiqué.
Je pense qu'après avoir travaillé pendant deux ans avec moi, vous avez très bien saisi ce que je voulais exprimer puisque que vous connaissiez ma façon de faire.
[Traduction]
M. Frazer: Monsieur Jacob, permettez-moi de vous poser la question suivante. Vous avez dit à maintes reprises que votre intention, en publiant ce communiqué, était d'indiquer clairement aux Québécois que le Québec se doterait d'une armée et qu'il y aurait donc des emplois pour eux si le Québec se séparait. N'auriez-vous pas pu envoyer simplement un communiqué qui aurait dit que, si le oui l'emportait, le Québec créerait une armée et chercherait des candidats, plutôt que d'envoyer ce communiqué directement aux bases des Forces armées et d'inviter les membres des Forces armées canadiennes à transférer leur loyauté à une éventuelle nouvelle armée? Ne croyez-vous pas que vous auriez pu transmettre votre message de façon beaucoup plus directe et sans tenter les militaires?
[Français]
M. Jacob: Il aurait pu s'agir d'une possibilité, mais le communiqué visait à répondre aux interrogations de certaines personnes qui se demandaient durant la période référendaire ce qu'il adviendrait d'eux dans l'avenir. Lorsque je rencontrais la mère ou l'épouse d'un militaire ou d'un militant, on me demandait ce qu'il adviendrait d'eux dans l'éventualité d'un Oui; perdraient-ils leur pension, leur grade, etc.?
Le communiqué avait pour but de répondre précisément à ces personnes. Vous insinuez qu'on formerait une armée au Québec et qu'on inviterait n'importe qui à s'y joindre. Ces personnes n'auraient à ce moment pas eu d'assurance de pouvoir conserver leur emploi, et vous savez que c'est une inquiétude tout à fait légitime pour un militaire de carrière: son fonds de pension, son grade ou sa paie.
C'est pratiquement la même chose à presque tous les niveaux. C'était là le questionnement, et le communiqué visait justement à préciser que nous invitions les militaires qui le désiraient - il n'y avait absolument aucune obligation et ce n'était pas un ordre gouvernemental, comme certains l'ont laissé entendre - à se joindre à une éventuelle armée québécoise. C'était une invitation que nous adressions advenant un Oui, advenant la souveraineté. Les militaires qui font présentement partie de l'armée canadienne et qui auraient accepté l'invitation, auraient conservé leur grade, leur rang ainsi que leur pension. Nous nous devions de faire cela pour rassurer ces gens.
[Traduction]
M. Frazer: Monsieur Jacob, en allant du général au particulier, vous avez ciblé certaines personnes qui servent dans les Forces armées canadiennes, et je cite votre communiqué:
- Au lendemain d'un OUI... le Québec devra créer immédiatement un ministère de la Défense, un
embryon d'état-major et offrir à tous les militaires québécois servant dans les Forces
canadiennes la possibilité d'intégrer les Forces québécoises en conservant leur grade,
ancienneté, solde et fonds de retraite de façon à assurer une meilleure transition...
Le président: Monsieur Frazer, je vous demanderais d'en terminer; vous pouvez poser encore une ou deux questions.
M. Frazer: Très bien, je vais le faire, monsieur le président. Je ne pense pas que nous puissions obtenir une réponse à cela. Peut-être que nous n'en avons pas besoin.
Je pense que la dernière phrase de votre communiqué...
[Français]
M. Jacob: C'était la même question que vous posiez.
[Traduction]
M. Frazer: La dernière phrase de votre communiqué est intéressante. Je cite: «...je pense que les militaires québécois respecteront la décision de la population et transféreront leur loyauté au nouveau pays dont ils assureront la sécurité...». Monsieur Jacob, vous avez utilisé le mot «transférer». Quant on transfert de l'argent d'une banque à une autre, on le retire d'une banque et on le dépose dans l'autre. L'argent ne peut pas être dans les deux banques à la fois. Comment les gens pourront-ils respecter leur serment d'allégeance au pays dans lequel ils ont prêté serment, alors même qu'ils transfèrent leur loyauté à un autre pays?
[Français]
M. Jacob: Vous avez tout à fait raison, monsieur Frazer. Par ailleurs, dans le document que j'ai remis, le général de Chastelain précisait qu'advenant un démembrement constitutionnel, les membres de tous les niveaux de commandement auraient un choix à faire. S'ils choisissaient de faire partie d'une armée québécoise, ils transféreraient leur loyauté au Québec, après avoir obtenu leur dispense de l'armée canadienne. Ce sont les propos exacts que tenait le général de Chastelain. Les gens de tous les niveaux de commandement devraient faire leur choix. Quand on fait un choix, on porte une allégeance. À la suite d'une décision démocratique, et tout le processus référendaire entre en ligne de compte, les militaires qui auraient choisi d'être mutés auraient transféré leur loyauté à une armée québécoise. Il est assuré que ceux qui ne voudraient pas être mutés pourront demeurer au sein de l'armée canadienne. C'est un choix qu'ils auraient à faire en tenant compte des mécanismes, de leur désir de se retirer ou d'obtenir leur dispense dans un délai de six mois. Le communiqué n'exprime pas autre chose que cela, et c'est très clair. Cela rejoint les paroles du général de Chastelain.
Je vous ferai d'ailleurs remarquer que le document que j'ai remis aux membres du comité était issu d'une conférence du général de Chastelain devant 200 officiers de la réserve et de la régulière. Il disait clairement que si le Québec quittait éventuellement le Canada, les militaires devraient choisir. C'était en 1991; nous sommes en 1996 et certains ne comprennent pas encore.
[Traduction]
M. Frazer: Monsieur Jacob, en rétrospective, après coup, ne convenez-vous pas qu'il n'était pas approprié pour vous, à titre de député au Parlement, d'envoyer ce communiqué?
[Français]
M. Jacob: Bien au contraire, j'ai été élu député par des gens qui prônent et me demandent de prôner le projet souverainiste comme nous le faisons ici. Le communiqué entrait dans ce cadre d'idées, tout particulièrement en ce qui touchait le dossier militaire. C'était mon rôle de faire ainsi et j'ai agi en ma qualité de parlementaire.
[Traduction]
Le président: M. Pagtakhan et M. Harb sont les deux derniers intervenants.
M. Pagtakhan (Winnipeg-Nord): Avez-vous discuté de la teneur de votre communiqué avec votre chef avant de le publier?
[Français]
M. Jacob: Monsieur Pagtakhan, vous étiez absent jeudi, lorsque j'ai répondu à cette question. J'ai discuté de ce communiqué avec des conseillers politiques de M. Bouchard, bien que je n'en aie pas discuté personnellement avec lui. Par ailleurs, nous avions fait certaines interventions au sein du caucus du Bloc québécois concernant des fiches informatives que notre parti a distribuées au sujet de l'armée, lesquelles ont été déposées à titre de document au niveau du comité. Il n'y a toutefois pas eu de discussions précises.
Nous avons tenu des discussions avec les attachés politiques. Nous en avons parlé à une ou deux reprises en caucus, lors de la préparation de fiches d'information sur la défense, l'agriculture, le transport, les arts, etc.
[Traduction]
M. Pagtakhan: Utilisez-vous habituellement le papier à en-tête de l'opposition officielle quand vous publiez des communiqués?
[Français]
M. Jacob: Oui. C'est ce que j'ai fait dans la majorité des cas depuis mon élection, lors de la publication d'une dizaine ou une douzaine de communiqués. J'en ai transmis un ou deux par les médias locaux de ma région. Tous les autres ont été imprimés sur papier en-tête de l'Opposition officielle et référés au service de presse, principalement à cause de son plus grand réseau de diffusion, et en deuxième lieu pour être traduits. Je rédige mes communiqués en français et je les fais traduire au service de presse.
[Traduction]
M. Pagtakhan: N'avez-vous jamais songé à saisir de cette question le Bureau de régie interne et à lui demander la permission, sachant que vous vous apprêtiez à publier ce communiqué dans le contexte d'un référendum provincial?
[Français]
M. Jacob: Non.
[Traduction]
M. Pagtakhan: Connaissant les événements qui ont eu lieu depuis et jusqu'à aujourd'hui, avez-vous le moindre doute que cela pourrait bel et bien constituer une atteinte au privilège ou un outrage au Parlement, ou à tout le moins un acte qui pourrait être irrégulier?
[Français]
M. Jacob: À mon avis, non, pas du tout. Je pourrais postuler, par exemple, que tout parlementaire qui émet un projet allant à l'encontre des convictions d'un autre parlementaire porte atteinte à ses privilèges ou porterait outrage à la Chambre. Le communiqué a été émis dans un contexte précis et connu. Le communiqué a été émis à titre d'information et de projet.
À moins que je ne sois complètement à côté de la question, le rôle du parlementaire est d'émettre et produire des projets, d'informer la population et de promouvoir ce qu'elle désire. Si ce n'est pas le cas, je vous avoue sincèrement que je me suis trompé d'endroit. Nous représentons nos concitoyens et émettons des projets qui reflètent leurs idées. C'est ce que j'ai fait.
[Traduction]
M. Pagtakhan: Ai-je bien entendu? Je veux que ce soit bien clair. Vous ai-je bien entendu dire avec insistance que vous n'avez jamais, en aucun temps, voulu déstabiliser l'armée ni détourner le serment d'allégeance des soldats ni nuire à leur moral?
[Français]
M. Jacob: Absolument pas. On l'a expliqué de long en large.
La semaine dernière, nous parlions justement du moral et de l'autorité. Je dirais que si les militaires s'étaient sentis déstabilisés dans leur autorité, je ne pense pas qu'une fois le communiqué envoyé, les membres du Comité de la défense auraient continué à m'inviter, à titre de parlementaire, à participer à leurs travaux.
Si le ministère de la Défense ou les officiers eux-mêmes avaient réagi de la façon dont le député réformiste l'a ressenti, nos liens de travail auraient été modifiés, mais cela n'a pas été le cas.
[Traduction]
M. Pagtakhan: Voici ma dernière question: En utilisant ce communiqué à titre d'outil d'information, vous espériez influencer le vote des destinataires du communiqué, n'est-ce pas?
[Français]
M. Jacob: Je considérais qu'il s'agissait d'un communiqué d'information et j'espérais que les militaires, qui sont, selon moi, des citoyens à part entière, pourraient ainsi prendre une décision claire, en ayant toutes les alternatives en main.
On pouvait entendre des menaces du genre: «Si vous dites Oui au référendum, vous allez perdre vos emplois». Et il y avait donc la réplique: «Si c'est Oui, vous retrouverez de l'emploi». C'était donc une information supplémentaire pour permettre aux gens de prendre leur décision en toute connaissance de cause.
[Traduction]
Le président: Monsieur Harb.
[Français]
M. Harb (Ottawa-Centre): Monsieur Jacob, vous avez dit et répété la semaine passée, comme aujourd'hui, que la traduction anglaise de votre communiqué n'était pas fidèle au texte français. Vous avec mentionné que la traduction anglaise donnait l'impression que vous aviez l'intention, immédiatement après un Oui, d'inviter les Forces armées à joindre une armée québécoise.
Aujourd'hui, si vous deviez envoyer un autre communiqué, feriez-vous un peu plus attention à ce que la traduction de votre communiqué reflète fidèlement le texte français?
M. Jacob: Premièrement, la traduction, ce n'est pas moi qui l'ai faite. Deuxièmement, j'ai cité aussi comme exemple l'interprétation de certaines personnes. On a dit, par exemple, que «the day after» voulait dire le jour suivant. Je vous ai aussi signalé le parallèle qui pouvait être fait avec le film The Day After, que la plupart d'entre nous ont vu, concernant l'explosion nucléaire et toute la désolation qui a suivi.
On peut le prendre d'une autre façon. Le day after peut représenter les jours, les semaines, les mois et les années qui ont suivi ce cataclysme. Des individus anglophones me disent que le day after c'est le lendemain, tandis que d'autres me disent que cela peut aussi être interprété comme un lendemain, dans le futur. Je ne suis pas un spécialiste des langues pour dire que j'aurais pu choisir d'autres mots ou ne pas les choisir.
Si certaines personnes de langue anglaise déclarent que d'autres mots auraient dû être employés, je ne peux pas dire si elles ont raison, car je n'ai pas une connaissance suffisante de la langue anglaise pour juger si c'est pertinent.
M. Harb: Est-ce que vous regrettez la confusion que votre communiqué, et surtout la traduction de votre communiqué, a créée? Est-ce que vous regrettez cette action-là?
M. Jacob: D'un certain côté, oui, parce que je vous avoue sincèrement que si je suis ici devant vous, c'est justement à cause des accusations que les médias ont fait circuler. J'étais désolé de voir mon nom associé à un crime passible d'emprisonnement ou d'exclusion de la Chambre.
Ce n'était pas très facile à vivre. Je me disais qu'on avait peut-être voulu porter atteinte à mes privilèges de parlementaire.
Par contre, je dois dire que je suis enchanté de la visibilité qu'on a donnée au communiqué. Je reste convaincu que, dans un avenir plus ou moins proche, lors d'un autre référendum, tout le monde sera conscient du fait que le Québec, en devenant un État souverain, se dotera d'une armée. Il sera inutile de le répéter car ce sera déjà connu de tout le monde. Ce sera un avantage.
M. Harb: Mais le résultat du référendum a été un Non à la séparation du Québec, et je suppose qu'en tant que député de la Chambre des communes et Canadien d'origine québécoise, vous respectez certainement cette décision. Si vous aviez l'occasion de le faire à l'avenir, est-ce que vous enverriez des communiqués qui, de près ou de loin, donneraient l'illusion que vous encouragez ou que suggérez ces mêmes choses, comme vous l'avez fait pendant la période référendaire? Ou bien est-ce que vous êtes d'accord sur le fait que votre action a créé beaucoup de confusion et qu'il serait préférable, en tant que député parlementaire, que vous vous éloigniez de cette question puisque la décision a déjà été prise?
M. Jacob: Je ne le crois pas, parce que c'est le rôle principal des députés du Bloc québécois. Il est certain que des communiqués comme celui que j'ai fait doivent être émis au moment d'un référendum. J'ai aussi émis d'autres communiqués et je vais certainement faire d'autres interventions. Par exemple, lorsqu'une étude du ministère de la Défense avait montré que le Québec avait été lésé d'environ 650 millions de dollars par année au cours des 14 dernières années en matière de défense... Il est certain, monsieur Harb, que dans de tels cas, je vais continuer à le faire pour démontrer que le Québec n'est pas à égalité avec le gouvernement canadien dans certains domaines.
J'agirai selon ma conscience et selon le contexte de la situation ou des interrogations de mes citoyens, et également selon mon rôle de parlementaire. Je tâcherai de fournir toutes les informations qui seront en ma possession au moment où cela se produira. Si vous me demandez, ce matin, de ne plus intervenir dans le contexte de l'accession à la souveraineté du Québec, je vous dirai que c'est impossible parce que c'est la raison pour laquelle j'ai été élu ici.
Il est tout à fait normal que vous ne partagiez pas nos vues souverainistes, mais je ne pense pas qu'il existe de loi au Canada qui empêche les parlementaires de faire la promotion de projets potentiels, surtout des projets pour lesquels ils ont été élus. C'est un rôle que nous allons continuer à jouer tant et aussi longtemps que les citoyens de chez nous nous demanderont de faire ces choses-là.
[Traduction]
Le président: Chers collègues, M. Frazer m'a donné préavis d'un rappel au Règlement. Avant de l'entendre, la présidence cherche à établir les faits, comme nous avons dit que nous le ferions. Avant de congédier le témoin, je voudrais donc lui poser quelques questions. Avec votre indulgence, docteur Jacob, je voudrais vous poser ces questions.
On vous a posé des questions au sujet de l'utilisation du papier à en-tête de la Chambre, ou plutôt du chef de l'opposition. Est-ce pour une raison particulière que vous avez utilisé le papier à en-tête du chef de l'opposition plutôt que votre papier personnel? Je sais que la pratique à cet égard varie d'un député à l'autre. Y a-t-il une raison qui vous a incité à choisir le papier à en-tête de l'opposition plutôt que le vôtre?
[Français]
M. Jacob: Comme M. Pagtakhan me l'a demandé, je voudrais dire que j'ai envoyé d'autres communiqués concernant le dossier des sous-marins, le dossier des hélicoptères et le dossier des missions de paix, que j'avais émis sur le papier de l'Opposition officielle. Je rédigeais le communiqué et je l'envoyais au service de presse, qui en faisait la traduction, l'imprimait et l'émettait. C'est la façon dont je fonctionne pour mes communiqués, sauf peut-être pour deux communiqués que j'ai émis dans la région de Québec lorsque le ministère de la Défense a effectué des travaux sur la base de Valcartier pour construire l'école des camps de cadets l'été dernier et les camps d'été pour les réservistes.
[Traduction]
Le président: D'accord. Je suppose que l'explication - et je pense que tient en partie à cela - est la confusion que celui qui était chef de l'opposition à l'époque était également le chef du camp du oui dans la province de Québec. Je crois donc que...
[Français]
M. Jacob: Non.
[Traduction]
Le président: C'est ce que je voulais savoir. Ce n'est pas exact.
[Français]
M. Jacob: Le chef du camp du Oui était le premier ministre du Québec, M. Parizeau, en vertu de la loi du Québec. M. Bouchard était un partenaire au même titre que M. Dumont, le chef de l'Action démocratique, les députés du Bloc québécois et d'autres intervenants.
[Traduction]
Le président: Je pense qu'il y a une certaine confusion compréhensible au sujet de l'utilisation du papier à en-tête. J'essaie simplement d'obtenir des précisions. Pourquoi avez-vous utilisé pour cela le papier à en-tête du chef de l'opposition le 26 octobre? Si je me rappelle bien, le 26 octobre, c'était bien M. Bouchard qui était le chef, mais vous dites qu'il n'était pas le chef de la campagne. Peut-être ne l'était-il pas, mais il semble bien que la personne qui était aux commandes ait changé à ce moment-là.
[Français]
M. Jacob: Ça peut paraître ainsi, mais légalement, c'était toujours M. Parizeau. Je voudrais ajouter que, sauf erreur, la grande majorité, et je dirais même 95 p. 100, des communiqués émis par le Bloc québécois ici, à Ottawa, sont faits sur le papier de l'Opposition officielle. C'est une pratique du Bloc québécois.
[Traduction]
Le président: Voilà qui répond peut-être à la question suivante que j'allais vous poser. Avez-vous obtenu les conseils d'un expert sur l'utilisation du papier à en-tête de la Chambre? Cette question a-t-elle déjà été soulevée?
[Français]
M. Jacob: C'est la première fois, ce matin, que j'entends dire que cela pourrait avoir une incidence juridique. Je ne l'ai jamais entendu dire.
[Traduction]
Le président: Vous avez envoyé le communiqué quatre jours avant le référendum. Cela faisait-il partie de la stratégie globale du Bloc d'envoyer cela quatre jours avant, plutôt que 40 jours? Y a-t-il une raison précise pour laquelle ce communiqué en particulier a été envoyé quatre jours avant le référendum?
[Français]
M. Jacob: Je pourrais répondre là-dessus car je l'ai déjà mentionné. Je pensais, le 24 octobre, qu'on avait donné assez d'information aux militaires pour qu'il sachent qu'advenant un Oui ou une négociation, il y aurait quelque chose pour eux dans un Québec souverain, mais après différentes rencontres et surtout après avoir visionné un reportage de Radio-Canada, où j'ai entendu un militaire dire qu'il avait voté Oui par anticipation et demandait s'il pouvait espérer quelque chose en faveur des militaires dans un Québec souverain, j'ai décidé de leur envoyer le communiqué parce que j'ai pensé qu'ils manquaient d'information.
[Traduction]
Le président: Vous avez dit que vous êtes vous-même un ancien militaire. Pourriez-vous nous parler de votre service militaire?
[Français]
M. Jacob: Ce n'est pas moi qui ait dit cela. C'est M. Hart qui l'a dit. Je n'ai jamais été dans l'armée.
[Traduction]
Le président: Je m'excuse, je croyais vous l'avoir entendu dire et je l'ai même pris en note.
On s'est interrogé sur l'en-tête du communiqué. Le communiqué lui-même est surmonté d'un en-tête. Croyez-vous que cet en-tête est un peu trompeur? Diriez-vous qu'il est trompeur, ou bien donne-t-il une idée juste de la teneur du communiqué?
[Français]
M. Jacob: Non. Je pense que ça traduit une bonne partie du sens du communiqué, effectivement.
[Traduction]
Le président: Pour votre gouverne, nous avons copie de votre témoignage à la dernière séance. Vous voudrez peut-être vous y reporter, pas maintenant, mais pour ce qui est de préciser votre service militaire. Je lis:
[Français]
- En tant qu'ex-militaire, je vais faire le lien entre ce que vous...
[Traduction]
Le président: Non, vous y répondez.
[Français]
M. Jacob: Je répétais ce que M. Hart avait dit concernant le processus de relaxation. J'ai cité M. Hart qui disait qu'en tant qu'ex-militaire, il faisait le lien entre les militaires et le comité. J'avais dit aussi, à ce moment-là, que je n'étais pas militaire, mais qu'étant donné que j'avais oeuvré à l'intérieur du ministère de la Défense, j'étais au courant des informations.
[Traduction]
Le président: Bon. Chose certaine, vous m'avez bel et bien donné l'impression que vous avez déjà occupé un emploi dans les Forces armées. C'est très bien.
Avez-vous été surpris par la réaction à votre communiqué dans les médias anglophones et de la part de beaucoup de députés au Parlement de l'extérieur du Québec?
[Français]
M. Jacob: Pas surpris. Plutôt estomaqué!
[Traduction]
Le président: Mais votre communiqué, qui a été publié le 26 octobre, à l'apogée de la compagne référendaire, est un communiqué différent de celui que nous avons en main actuellement, et il pourrait être différent d'un communiqué qui aurait été publié trois mois avant le référendum. Autrement dit, votre communiqué a eu un effet différent le 26 octobre, en plein milieu de la compagne référendaire. Diriez-vous que j'ai raison?
[Français]
M. Jacob: Éventuellement, ça peut être une interprétation. Mais je voudrais vous dire, à ce sujet, que j'ai trouvé curieux que, du 26 au 30 octobre, personne n'en ait parlé à aucun niveau et qu'on n'ait eu des réactions de la presse anglaise qu'après les résultats du référendum. C'est toute une question de dire que, s'il avait été connu avant, on l'aurait ignoré totalement. Je pense que les médias anglophones l'ont monté en épingle juste avant la fin du référendum.
Je pourrais aussi vous dire que je demeure convaincu que le 26 octobre, certains parlementaires et, en tout cas, le ministre de la Défense étaient au courant de ce communiqué dont on n'a entendu parler pour la première fois que le 4 novembre, par Allan Thompson du Toronto Star.
Je ne sais pas si on peut en évaluer l'impact à ce moment-là, mais je peux dire qu'avant le référendum, il n'en a eu aucun.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup. Je vais maintenant entendre le rappel au Règlement de M. Frazer, après quoi nous en terminerons.
M. Frazer: Monsieur le président, avec votre indulgence, j'ai deux rappels au Règlement. Le premier concerne l'affaire dont nous avons discuté.
L'avocat général a fait enquête sur ce communiqué et, sauf erreur, il a rédigé un rapport sur ses constatations et conclusions. Je me demande si le comité pourrait demander que le texte de ce rapport nous soit remis.
Le président: Je prends bonne note de votre rappel au Règlement. Le problème, c'est que l'on précise bien dans Beauchesne qu'il faut donner préavis des motions visant la production de documents. Je prends donc votre rappel au Règlement comme un préavis.
Vous savez certainement qu'aux termes du Règlement, les opinions juridiques sont exclues, mais le greffier me fait savoir que si c'est possible, nous en ferons la demande, et si c'est exclu ça le sera, de toute évidence, en vertu du fait qu'il s'agit d'une opinion juridique. C'est donc une question que le greffier va soumettre au bureau de la Chambre, pour voir si nous pouvons nous le procurer.
M. Frazer: Je vous remercie, monsieur le président.
Quant au second rappel au Règlement, M. Jacob a fait savoir qu'il nous remettrait la liste d'envoi des télécopies qu'il a envoyées. Il a précisé qu'il y avait deux listes: l'une, utilisée par le bureau de la presse, l'autre, qu'il a expédiée personnellement de son bureau. Je sais que M. Milliken en a une, je ne sais laquelle, parce que je ne les ai pas vues. Avons-nous les deux listes?
Le président: J'ai l'intention de les distribuer.
Monsieur Jacob, est-ce la seule liste que vous avez? Est-ce que vous avez les deux?
[Français]
M. Jacob: Je vais encore préciser car je pense qu'on n'a pas bien compris. Quand j'ai répondu à cette question, j'ai dit que j'avais la liste des numéros de fax des bases militaires auxquelles j'ai envoyé mon communiqué, et je vous l'ai remise.
Quant aux médias, j'ai envoyé mon communiqué de presse au service de presse du Bloc québécois qui a suivi le processus habituel. Je n'ai pas vérifié la liste des endroits où ils l'ont envoyé, car on ne le fait pas normalement et je ne l'ai donc pas fait dans ce cas-là.
Ce que M. Frazer m'a demandé la dernière fois, c'est la liste des numéros de fax où j'avais envoyé le communiqué, et vous l'avez.
L'autre liste concernant le service de presse, je ne l'ai pas parce que ce n'est pas moi qui ai fait les envois. J'ai remis mon communiqué au service de presse qui a suivi le processus habituel.
[Traduction]
Le président: Est-ce que cela vous paraît satisfaisant, monsieur Frazer?
M. Frazer: Pas vraiment, monsieur le président. Le service de presse n'a-t-il pas un dossier sur les communiqués qu'il a envoyés?
Le président: Il ne peut répondre pour le service de presse.
[Français]
M. Jacob: Monsieur le président, j'avais aussi répondu à ce moment-là que le journaliste Allan Thompson du Toronto Star, dans son article du 4 ou du 5 novembre, indiquait la source comme étant Bloc Québécois press release. Si M. Thompson l'a obtenu, il faudrait peut-être lui demander où il l'a eu, mais il ne l'a sûrement pas obtenu par les bases militaires auxquelles j'ai envoyé le communiqué par fax. Donc, j'en conclus qu'il l'a obtenu du service de presse.
[Traduction]
M. Frazer: Ce que j'ignore, monsieur le président, c'est si le Vancouver Sun, le Calgary Herald, le Winnipeg Free Press l'ont reçue...
Le président: Il vous a dit à qui il a remis le communiqué. Je ne crois pas qu'il sache...
Je ne veux pas imiter Colombo avec une dernière question à la toute fin, mais vous m'avez rendu curieux. Permettez-moi de vous faire remarquer, monsieur Jacob, que vous avez préparé pour le comité ces télécopies. Est-ce la seule fois que cette liste a été utilisée, aux fins de ce communiqué?
[Français]
M. Jacob: Oui. Cette question ressemble étrangement à la celle de Mme Catterall. Effectivement, j'ai un annuaire des installations militaires à travers le Canada et il m'arrive parfois d'envoyer des fax pour correspondre avec un officier concernant un dossier militaire ou autre chose. La liste que vous avez là a servi pour l'envoi du communiqué. Mais il m'est arrivé, à d'autres occasions, d'envoyer un fax à un officier pour lui demander des renseignements concernant le dossier d'un individu ou pour savoir différentes choses pour mon dossier de la Défense nationale.
[Traduction]
Le président: Je vous pose cette question parce que j'ai l'impression que une, trois ou quatre bases ont reçu ce communiqué, mais à présent que je parcours ce que vous avez adressé au comité, il y a trois ou quatre bases ici, mais vous avez en réalité expédié 50 ou 60 télécopies. Est-ce exact?
[Français]
M. Jacob: Vous avez seulement trois bases et les autres sont ce qu'on appelle les commandements des réserves, qui ne sont pas des bases. À Lévis, à Rimouski et à Rivière-du-Loup, par exemple, il y a environ 250 réservistes qui sont inscrits sur une liste portant un numéro de commandement et le fax a été envoyé à ce numéro. Ce ne sont pas, à proprement parler, des bases militaires.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Jacob.
Je voudrais aviser les membres du comité que le professeur McWhinney a consenti à être notre prochain témoin, et qu'il comparaîtra ce jeudi à 11 heures.
[Français]
M. Langlois (Bellechasse): Je voudrais que soit reportée à jeudi la motion qui est à l'ordre du jour et dont j'avais donné préavis au sous-comité, pour que nous en traitions après l'audition du Dr McWhinney.
[Traduction]
Le président: Êtes-vous d'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: La séance est levée.