[Enregistrement électronique]
Le mardi 30 avril 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
Je souhaite la bienvenue à Mme Hedy Fry, secrétaire d'État au Multiculturalisme et à la situation de la femme,
[Français]
M. Roger Collet, le sous-ministre adjoint,
[Traduction]
bienvenue à Mmes Susan Scotti, Karman et Bergeron de Villiers.
Madame Fry, je vous cède la parole.
L'honorable Hedy Fry (secrétaire d'État, Multiculturalisme et Situation de la femme): Merci, monsieur le président.
[Français]
Chers collègues, je veux vous remercier de m'avoir invitée à vous rencontrer aujourd'hui. Je veux partager avec vous le plan du gouvernement fédéral pour l'égalité entre les sexes et la promotion du respect mutuel entre les citoyens et les citoyennes canadiens.
[Traduction]
Je vais vous expliquer mes deux portefeuilles l'un après l'autre, mais j'espère que la corrélation entre les deux sera des plus manifeste: en effet, non seulement partagent-ils les mêmes principes, mais ils concrétisent aussi de façon générale la politique globale du gouvernement.
Commençons par la situation de la femme. D'emblée, les gens nous demandent généralement pourquoi il est nécessaire d'avoir une direction générale de la situation de la femme. Après tout, dans le monde d'aujourd'hui, la femme est l'égal de l'homme. On trouve des femmes dans toutes les sphères d'activité: voyez la Chambre des communes, et voyez toutes celles qui sont devenues médecins, ou avocates, notamment.
Mais il faut aussi savoir que la femme a toujours beaucoup de chemin à parcourir car elle n'est toujours pas l'égal de l'homme. Même si les femmes ont acquis le droit de vote en 1918, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, même aujourd'hui.
Voyons maintenant la raison d'être du volet «situation de la femme»: cette direction générale existe pour offrir aux femmes les mêmes chances qu'aux hommes. Autrement dit, nous devons nous demander ce que fait chaque ministère du gouvernement pour promouvoir l'égalité des femmes. Si l'on considère que le Canada est arrivé pour la troisième fois de suite au premier rang des pays du monde selon l'indice du développement humain, mais qu'il est toujours au neuvième rang selon l'indice de la disparité entre les sexes, c'est assez révélateur: nous avons encore beaucoup de chemin à faire avant que les Canadiennes soient vraiment les égales des Canadiens.
Regardons les grands domaines dans lesquels les femmes tirent toujours de l'arrière. Prenons d'abord l'égalité et l'indépendance financières. Si l'on regarde le ratio de l'emploi hommes-femmes, nous constatons qu'en moyenne, la femme gagne 70 p. 100 de ce que gagne en moyenne l'homme occupant le même emploi. Si l'on regarde le ratio de la participation au marché du travail, on remarque qu'il y a un nombre croissant de femmes travaillant à temps partiel et de façon saisonnière dont des emplois mal rémunérés et précaires. Les femmes tendent à être ghettoïsées dans les emplois de col rose, qui sont des emplois de secrétariat et de service, alors que les 10 p. 100 de la population masculine qui occupent des emplois dans ce même secteur sont mieux rémunérés que les femmes qui occupent les mêmes postes.
Parce qu'elles travaillent à temps partiel et dans des emplois mal rémunérés, les femmes ont droit à moins de prestations et peuvent s'attendre à avoir un revenu de retraite moindre. En 1992, Statistique Canada nous apprenait que 65,9 p. 100 du travail domestique non rémunéré était effectué par des femmes, et que ce travail non rémunéré était considéré comme essentiel pour le bon fonctionnement de l'économie. Il nous faut définir et mesurer ce travail non rémunéré, et en déterminer la valeur.
Il faut reconnaître que le travail non rémunéré des femmes constitue une valeur ajoutée de grande importance à la productivité économique du Canada. En 1994, Statistique Canada nous informait que le travail non rémunéré effectué en 1992 représentait 14 millions de dollars, et on peut s'attendre à ce qu'aujourd'hui, en 1996, les femmes effectuent au Canada 234 milliards de dollars de travail non rémunéré.
Si nous attachions une valeur à ce travail domestique, nous constaterions que les femmes célibataires effectuent du travail domestique d'une valeur de 16 580 $ par année, tandis qu'une femme ayant des enfants de moins de cinq ans fait l'équivalent de 26 310 $ par année en travail non rémunéré. Dans une étude similaire, les Nations unies ont constaté qu'il s'effectuait dans le monde aujourd'hui jusqu'à 16 billions de dollars en travail non rémunéré.
Il nous faut parler d'un cadre conceptuel - et nous nous attelons à la tâche - qui permettra d'obtenir des indicateurs sociétaux et économiques destinés à évaluer le progrès qu'effectuent les femmes vers l'égalité économique et les chances d'emploi. Autrement dit, à la direction de la Situation de la femme nous voulons que les femmes aient un meilleur accès à la formation, aux chances d'avancement, nous voulons qu'elles soient plus nombreuses à réussir dans les affaires, qu'elles aient accès plus facilement au crédit et qu'elles puissent devenir propriétaires tout autant que les hommes.
Nous devons donc supprimer certains obstacles et aider les femmes à atteindre leur but, comme le prévoit l'un des mandats de ce ministère d'état. Socialement parlant, nous savons que les femmes sont sans doute les plus pauvres de notre société: 65 p. 100 des chefs de familles monoparentales sont des femmes, et 60 p. 100 d'entre elles sont au seuil de la pauvreté. Or, nous savons que lorsque les femmes sont pauvres, leurs enfants le sont aussi, et que le bien-être, de même que la structure sociale et économique du pays en souffrent.
Voilà ce qu'il faut savoir dans le dossier de l'égalité des femmes.
Le second obstacle est celui de la violence faite aux femmes. D'après Statistique Canada,50 p. 100 des femmes de plus de 16 ans ont été au moins une fois victimes de violence, 25 p. 100 des femmes ont été victimes de violence conjugale, mais que seulement 14 p. 100 d'entre elles l'ont signalée.
Si vous considérez ces faits conjointement avec d'autres facteurs socio-économiques, vous constaterez que notre société dépense 4,2 milliards de dollars pour traiter les conséquences de la violence faite aux femmes et 1,5 milliard pour soigner dans les réseaux de santé les femmes victimes de violence.
Tant qu'elles n'auront pas atteint l'égalité et l'indépendance financières, les femmes subiront la violence, car toutes les études démontrent que la violence fait partie intégrante de la lutte de pouvoir.
Nos programmes font beaucoup pour lutter contre la violence faite aux femmes. Nous traitons là-dessus avec les provinces, les territoires, les organismes non gouvernementaux et les autres ministères fédéraux.
Vous voyez que nous ne sommes pas restés inactifs sur ce front-là, mais je n'entrerai pas dans les détails, et je répondrai à vos questions plus tard.
Nous savons également que la pauvreté est le déterminant le plus important de la santé. La vie des femmes est très différente de celle des hommes du point de vue physiologique, et certains problèmes de santé ne s'appliquent qu'aux femmes. De plus, même dans le cas des problèmes de santé qui affligent à la fois les hommes et les femmes, nous constatons que les femmes les vivent différemment. Or, la presque totalité de la recherche effectuée sur des problèmes généraux tels que l'hypertension et les maladies cardiovasculaires a été faite sur des hommes. Pour une maladie donnée, les femmes ont donc été soignées de la même façon que les hommes. Pourtant, nous avons constaté que ce n'est pas la meilleure façon de traiter les femmes.
Voilà l'un des éléments qui nous intéressent. Nous savons également que les femmes vivent plus longtemps et forment donc la grande majorité des personnes âgées. Au Canada, environ60 p. 100 des personnes âgées sont des femmes, et ce sont donc elles qui, à la fin de leur vie, dépendent en majorité des ressources en soins de santé. Il faut donc s'interroger sérieusement sur les besoins des femmes en matière de santé et se demander comment on peut leur faciliter l'accès aux soins, et comment on peut inciter les femmes à s'intéresser à leur santé par des programmes de promotion et de prévention. Notre ministère travaille donc de concert avec le ministère de la Santé pour inciter les centres d'excellence à s'intéresser à la santé féminine, et aux questions telles que les nouvelles techniques de reproduction, entre autres.
L'accès inégal des Canadiennes à la justice est un problème généralisé. À cause de leur statut socio-économique inférieur, les femmes ont tendance plus que d'autres à avoir recours à l'aide juridique. Or, au fur et à mesure que l'aide juridique est reléguée à un statut de moindre importance dans les provinces, les femmes ont de moins en moins accès à la justice. De plus, comme les femmes constituent un groupe de moindre compétence technologique pour l'instant, il faut leur offrir de l'aide technique, si elles sont sur le marché du travail, pour qu'elles aient accès à l'Internet et qu'elles développent de plus grandes aptitudes technologiques.
Il existe aussi un autre problème qui a un effet cumulatif sur l'inégalité dont souffrent les femmes. En effet, on sait que les femmes sont traitées inéquitablement par la société, mais on sait également que les femmes handicapées, les femmes de couleur et les lesbiennes sont doublement désavantagées et souffrent doublement de discrimination.
Il y a une réalisation où nous sommes particulièrement fiers à la Situation de la femme: dans le cadre du plan d'action du Canada, nous avons réussi à présenter à Beijing la notion d'analyse des rôles masculins et féminins. Cette analyse des rôles, selon que l'on soit homme ou femme, fait maintenant partie des lignes directrices et s'applique uniformément à tous les ministères, de sorte que toutes les politiques et toutes les mesures législatives proposées par le gouvernement doivent être vues à travers le prisme de l'analyse des rôles selon que l'on soit homme ou femme. Cette analyse doit nous permettre de déterminer quelle politique désavantagera les homes et les femmes ou lesquelles creuseront encore plus l'écart entre les deux. L'analyse peut avoir des effets positifs pour les hommes, puisque nous nous demanderons précisément comment les politiques créent des écarts.
Nous avons fait beaucoup de chemin, mais il en reste encore beaucoup à faire. L'objectif ultime de la Direction de la situation de la femme, c'est qu'un jour, son rôle devienne inutile puisque l'on aura réussi à instaurer une véritable égalité entre hommes et femmes.
J'aimerais maintenant traiter brièvement de mon deuxième portefeuille, le Multiculturalisme. Je ne vous en parlerai pas non plus en détail, car je crois savoir que ce n'est que l'aperçu général qui vous intéresse. Je préfère passer le reste du temps à répondre à vos questions.
Vous savez que le multiculturalisme a vu le jour en tant que politique gouvernementale il y a maintenant 25 ans, mais qu'il remonte véritablement aux balbutiements de notre nation, il y a maintenant 127 ans. Le Canada est un pays immense et comme il a accueilli des gens d'origines très diverses, ses habitants ont donc été forcés d'apprendre à vivre les uns avec les autres.
C'est ainsi que l'on peut définir le multiculturalisme: il s'agit de s'accommoder les uns des autres, de respecter nos différences et de reconnaître que l'on peut former un peuple canadien fort rassemblé sous un seul drapeau - drapeau que nous avons d'ailleurs tendance à afficher en toutes circonstances tellement nous en sommes fiers. Nous voulons que le monde entier sache que nous sommes Canadiens, et que individuellement et collectivement nous pouvons continuer à nourrir nos traditions et nos racines. J'aime à croire que le multiculturalisme canadien, c'est un peu comme une famille.
Lorsque deux personnes se rencontrent et tombent amoureuses l'une de l'autre et décident de se marier, je ne crois pas que l'une dise à l'autre: «Si nous devons nous marier, tu dois oublier qui tu es, toutes tes traditions familiales, et toutes tes façons de faire, et tu dois adopter désormais les us et coutumes de ma famille à moi. C'est ainsi que cela se passera.» Si c'était le cas, il n'y aurait pas beaucoup de mariages.
Or, lorsque les gens se marient, ils ont plutôt tendance à amener dans le mariage les traditions de l'une et l'autre famille. Ces traditions se fondent les unes dans les autres et en forment une nouvelle. Le multiculturalisme a fait du Canada une famille, une nation planétaire.
Notre pays s'est formé il y a maintenant 127 ans en ayant comme premiers habitants les premières nations, les peuples autochtones. Puis sont venus les Français et les Anglais qui ont développé notre pays et que l'on appelle aujourd'hui les peuples fondateurs.
Au fur et à mesure que de nouveaux groupes d'immigrants sont venus s'installer au Canada de partout au monde, ils ont continué à vivre ensemble dans le respect les uns des autres, à développer de nouvelles relations et à en maintenir d'autres, à célébrer leur propre culture tout en formant un seul peuple, et c'est ce qui a fait du Canada un modèle pour le monde entier.
Lorsque le premier ministre s'est rendu à New York pour célébrer le 50e anniversaire des Nations Unies, Boutros Boutros-Ghali, le secrétaire général des Nations Unies, lui a dit très clairement que les yeux du monde sont sur le Canada.
Il lui a dit que nous semblions être un peuple fondé sur la croyance en certaines valeurs communes, le respect, la compassion, la responsabilité sociale, ce qui a permis à des peuples très divers de vivre ensemble, en harmonie et ce qui nous permet de trouver des solutions pacifiques à nos conflits.
Il lui a dit que si le Canada ne réussit pas, alors le rêve de tous les pays du monde devra mourir. Si le Canada réussit, chacun pourra espérer qu'un jour, nous apprendrons tous à vivre dans l'harmonie et le respect mutuel. Les autres peuples verront ce que le Canada a pu faire et se laisseront montrer le chemin.
Le Canada a donc cette responsabilité. Nous avons ce concept unique qui a permis à des peuples de vivre ensemble dans le cadre du multiculturalisme, de partager, de faire des échanges interculturels, de devenir une société pluraliste. Voilà la force du Canada. Nous sommes devenus un peuple qui partage les mêmes valeurs.
Le Ministère existe en fait pour continuer à promouvoir... Le défi, évidemment, consiste à maintenir notre dynamisme, à continuer à évoluer comme société, tout en faisant des accommodements. Il faut continuer à chercher des modes d'accommodement. Les défis prennent de l'ampleur à l'orée du 21e siècle.
Le ministère existe afin de trouver des moyens d'aider les nouveaux Canadiens, les Canadiens de première génération à bénéficier de services intégrés qui leur permettent de participer à la société, non seulement au niveau des avantages, mais également des responsabilités de ce que cela signifie d'être un citoyen responsable. Nous cherchons également les moyens de favoriser la cohésion interculturelle, la compréhension, l'harmonie, à diminuer les tensions raciales et la discrimination raciale.
Monsieur le président, voilà donc ce que je veux dire, lorsque nous parlons de notre vision du Canada. Au XXIe siècle, je vois le Canada comme chef de file à cause de nos valeurs communes. La globalisation existe, que cela nous plaise ou pas. Je pense également que l'idée du multiculturalisme, lancée il y a 25 ans, nous donne aujourd'hui des avantages très clairs comme nation.
Nous avons toujours été une nation commerciale, mais dans l'économie globale d'aujourd'hui, nous constatons que le Canada a une longueur d'avance sur tous les autres pays du monde. En affaires, lorsque nous nous présentons, nous nous présentons comme Canadiens ce qui nous permet de contourner les obstacles que l'on retrouve dans la plupart des pays, c'est-à-dire la langue, les différences culturelles du pays et la capacité de traiter les habitants du pays avec respect tout en comprenant les forces du marché.
Aujourd'hui, lorsque nous faisons affaire avec la région de l'Asie-Pacifique, nous avons des Canadiens d'origine asiatique qui comprennent la langue, qui comprennent le marché. Il y a l'Europe de l'Est qui s'ouvre et qui deviendra un vaste marché. Le Canada encore une fois sera à l'avant-plan, capable de se présenter sur la foi du respect qu'il a gagné grâce à sa compréhension culturelle et grâce à sa pertinence sur le plan culturel pour les peuples avec lesquels nous faisons affaire.
Je pense, monsieur le président, que cette situation donnera un rôle accru au Canada dans le monde d'aujourd'hui. Le tourisme augmente, les visiteurs viennent au Canada. Ils viennent ici parce qu'ils trouvent que le Canada peut répondre à tous leurs besoins.
Ils viendront ici parce qu'ils y trouveront la diversité qui se veut le reflet du monde entier. Et ils voudront venir ici à cause de nos arts, de notre culture, de notre théâtre, de notre cinéma et de toutes nos attractions touristiques. Nous serons en mesure d'offrir à ces touristes ce qu'ils veulent dans le respect de leurs besoins.
Merci beaucoup, monsieur le président. Je vais maintenant répondre aux questions.
Le président: Merci madame la ministre. Madame Gagnon.
[Français]
Mme Gagnon (Québec): Madame Fry, nous sommes très heureux de vous voir ici en comité ce matin On peut peut-être se plaindre du fait qu'on discute très peu de la condition féminine ici, au comité. On n'a pas vraiment de comité spécifique de la condition féminine. C'est dommage, surtout qu'on a perdu le Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme. Il n'y a pas de lieu où on puisse vraiment faire des débats et des analyses des programmes et des politiques mis de l'avant par le gouvernement.
Vous avez exprimé ce matin la réalité des femmes et vous avez donné des chiffres qui reflètent très bien leur situation. La pauvreté, la santé, l'accès à l'égalité, à la justice, l'égalité des sexes sont des sujets vastes et variés. Aussi est-ce déplorable qu'on n'ait pas un comité de la condition féminine où on pourrait analyser l'effet des politiques du gouvernement.
Vous êtes juge et partie dans vos politiques. Le Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme n'existe plus, et cela m'amène à vous poser plusieurs questions, dont une sur l'analyse comparative entre les sexes. Vous dites que votre gouvernement, c'est la mesure la plus stratégique.
Madame la ministre, le ministre du Développement des ressources humaines s'apprête à élaborer un projet sur l'assurance-emploi, et on sait très bien que cette politique-là va avoir des répercussions sur les femmes.
Vous avez dit ce matin que les femmes avaient des emplois précaires. Comment pouvez-vous justifier cela et comment certains ministères vont-ils analyser des politiques, alors que ce ministère-là s'apprête à mettre en application une loi qui va pénaliser les femmes?
J'ai aussi une deuxième question concernant un cas de discrimination et de harcèlement sexuel.
Le président: Pourquoi ne laissez-vous pas Mme Fry répondre à la première? Je vous redonnerai ensuite la parole.
Mme Gagnon: D'accord.
[Traduction]
Mme Fry: Merci beaucoup, madame Gagnon. Je suis heureuse que vous posiez cette question, car à la Situation de la femme, nous avons participé aux travaux sur le projet de loi sur l'assurance-emploi et nous l'avons examiné à la lumière de l'égalité des sexes.
Vous vous rappellerez que les femmes, comme je l'ai dit précédemment, ont tendance, très souvent, à détenir des emplois à temps partiel. Comme vous le savez, de nombreux travailleurs à temps partiel sont des femmes et des jeunes. Ces personnes n'ont pas accès aux prestations, que ce soient des prestations de santé, de retraite ou d'assurance-chômage. Les critères d'admissibilité donnant droit à ces prestations sont fondés sur le nombre de semaines de travail et ces travailleurs ne se qualifiaient jamais, même s'ils travaillaient pendant 40 ans.
Après une analyse fondée sur le sexe, nous avons changé ce critère en heures travaillées. Ainsi, même s'il faut plus de temps aux travailleurs à temps partiel, pour la plupart des femmes, plus de temps pour se qualifier, ils auront droit aux prestations. Ils pourront maintenant toucher ces prestations, alors que par le passé, cela leur était complètement interdit.
Ainsi, en remplaçant un petit mot «semaines» par «heures» - on en arrive à de nouveaux critères qui profiteront tout particulièrement aux femmes.
[Français]
Mme Gagnon: Là-dessus, je ne suis pas du tout d'accord avec vous. Regardons les critiques faites à l'endroit de cette politique d'assurance-emploi. Les femmes n'ont pas crié victoire. Au contraire, elles ont dénoncé cette politique et c'est ce que je déplore. Si le Conseil consultatif canadien de la situation de la femme existait encore, on pourrait avoir ce genre de critique, et le gouvernement pourrait tenir compte des observations qui se faisaient autrefois, mais qui ne se font plus actuellement.
D'une façon ou d'une autre, ce n'est pas un projet de loi qui est très... Vous savez que dans l'ensemble du Canada, on a déploré ces mesures qui vont être mises en oeuvre au détriment des plus démunis. Vous avez mentionné un point sur lequel le Bloc et les petits organismes ne sont pas d'accord, celui de la première heure travaillée. On sait très bien que les femmes travaillent à temps partiel et travaillent souvent moins de 15 heures par semaine. Donc, elles ne pourront pas devenir admissibles. Elles devront payer de l'assurance-chômage et ce sera très payant pour le gouvernement, mais les femmes travaillant à temps partiel ne pourront pas devenir admissibles faute d'avoir assez d'heures.
On pénalise les jeunes et les femmes entres autres.
[Traduction]
Mme Fry: En fait, madame Gagnon, ce n'est pas le cas. Les femmes rempliront maintenant les conditions voulues alors que par le passé cela leur était toujours impossible. Il leur faudra plus de temps, parce qu'elles travaillent un moins grand nombre d'heures, mais elles finiront par se qualifier. Avant ce nouveau projet de loi, même si elles travaillaient toute leur vie, elles n'avaient jamais droit aux prestations. Maintenant, elles finiront par avoir droit aux prestations de maternité, aux prestations de santé et à l'assurance-chômage. C'est pourquoi je pense que ce projet de loi va en fait aider la majorité des femmes qui travaillent à temps partiel.
[Français]
Mme Gagnon: On n'est pas de cet avis, et beaucoup de groupes de femmes ne le sont pas non plus.
J'aimerais revenir sur le dossier d'Ann Raney. Le Bloc québécois a soulevé une question en Chambre la semaine dernière. Avez-vous entendu parler du dossier?
[Traduction]
Mme Fry: Oui.
[Français]
Mme Gagnon: En avez-vous parlé à votre collègue des Travaux publics?
[Traduction]
Mme Fry: Oui. En fait, Condition féminine Canada examine actuellement, de concert avec Travaux publics et le ministère du Travail, les moyens de resserrer à l'avenir l'administration ou la loi de sorte que cela ne se reproduise jamais.
En ce qui concerne le cas particulier de Mme Raney, comme vous le savez, les deux parties se sont entendues. Nous ne pouvons pas intervenir dans un règlement privé. Toutefois, afin que cela ne se reproduise pas, nous travaillons très étroitement avec le ministère du Travail et celui des Travaux publics afin de trouver une façon d'éviter que cela ne se reproduise.
[Français]
Mme Gagnon: Je ne peux que déplorer l'absence du Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme, qui aurait décrié cette situation. On aurait demandé au gouvernement de réagir à ce dossier-là. On ne vous a pas entendue à la Chambre. On n'a pas entendu sur la place publique la ministre responsable de Condition féminine Canada se préoccuper plus spécifiquement de ce dossier-là.
Je déplore l'absence du Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme, parce qu'on n'a pas de vision et qu'on ne critique plus le gouvernement.
Le gouvernement est juge et partie en matière de condition féminine. Vous parliez de votre plan tout à l'heure; vous en êtes juge et partie.
On n'a plus d'organisme extérieur qui pourraient juger de l'avancement de certaines politiques que vous allez adopter et, dans quelques cas peut-être, en rectifier le tir.
[Traduction]
Mme Fry: D'abord, madame Gagnon, le Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme n'était pas en mesure de faire appliquer la loi alors que nous le pouvons. Nous pouvons influencer les changements de politique publique, parce que nous sommes un organisme gouvernemental. Le Conseil consultatif canadien n'aurait pu que signaler la situation. Vous l'avez fait et nous l'avons fait nous-mêmes. On a porté la situation à notre attention et nous nous en occupons.
En ce qui concerne le manque de participation dont vous vous inquiétez, à l'heure actuelle, Condition féminine Canada rencontre - et j'ai assisté à ces réunions - dans toutes les régions du pays les organisations et groupements de femmes afin de discuter d'une vision pour Condition féminine Canada.
Nous examinons la façon dont nous pourrions assumer un rôle de recherche, de collecte de données et de centre de diffusion de l'information de façon à ce que les femmes aient accès aux données de recherche. Nous discutons également de la question de savoir exactement comment procéder afin de le faire de façon autonome.
Les femmes du Canada nous ont fait d'excellentes recommandations sur la façon dont nous pouvons mettre en place des services de recherche indépendants. Nous discutons également de l'orientation future à donner à nos programmes afin qu'ils répondent mieux aux besoins des femmes d'un bout à l'autre du pays.
[Français]
Le président: Une dernière question?
Mme Gagnon: Je doute que le gouvernement puisse à la fois être juge et partie, qu'il puisse comparer la nature, la qualité des travaux et en plus susciter les priorités.
Quand on est juge et partie, c'est assez difficile d'accomplir toutes ces tâches et d'arriver à une vraie politique pour améliorer la situation de la femme.
Je reviendrai avec d'autres questions sur le multiculturalisme au deuxième tour.
[Traduction]
Mme Fry: J'aimerais répondre à cette question. Je pense que c'est tout à fait possible. C'est ce qui ressort des consultations tenues partout au pays. Nous nous sommes laissés dire que si nous n'avions absolument rien à voir avec le choix des projets de recherche, avec la rédaction des projets et la recherche même, et rien à voir avec les résultats de ces projets de recherche - on créerait un comité indépendant composé de pairs qui feraient l'examen des projets et qui prendraient les décisions - le gouvernement acceptera le résultat des projets comme s'ils étaient faits par une tierce partie.
Si nous avons rapatrié cette fonction à Condition féminine Canada, c'était afin d'éliminer un deuxième niveau d'administration très coûteux au sein de cet organisme. Suite à l'intégration, nous pouvons toujours réaliser ce que vous proposez grâce au comité indépendant dont j'ai parlé. Les femmes d'un bout à l'autre du Canada semblent penser que c'est une bonne idée.
[Français]
Le président: Vous pourrez revenir après, madame Gagnon.
[Traduction]
Passons maintenant aux députés du gouvernement. Monsieur Peric.
M. Peric (Cambridge): Merci, monsieur le président.
Madame la ministre, vous avez mentionné que les femmes souffrent dans la société canadienne. Pouvez-vous nous dire précisément dans quel secteur, le secteur privé ou le secteur public? Avez-vous d'autres renseignements dont vous pouvez nous faire part? Lorsque vous aurez répondu à cette question, j'aimerais revenir au secteur multiculturel.
Mme Fry: J'ai cité quelques chiffres relativement à la violence faite aux femmes dans notre société. J'ai également mentionné le fait que les femmes étaient parmi les plus pauvres dans notre société tout simplement parce qu'elles n'ont pas accès à la formation et à des possibilités égales d'emploi. En outre, il se trouve que ce sont les femmes qui s'occupent des autres.
Les femmes n'ont pas la possibilité de parvenir à la même autonomie sur le plan économique. Lorsque l'on regarde les femmes qui font partie de la population active, nous savons par les sondages que les femmes qui étudient le droit à l'université éprouvent beaucoup de difficultés à trouver des postes de stagiaires dans des bureaux d'avocat tout simplement parce qu'elles sont femmes.
Lorsque l'on songe au «plafond de verre», les femmes peuvent atteindre un certain niveau dans les entreprises, mais très peu d'entre elles parviennent à un niveau de prise de décisions dans la société. Regardez la Chambre des communes où 18 p. 100 des députés seulement sont des femmes alors que celles-ci représentent 52 p. 100 de la population, une majorité dans la société canadienne.
Nous ne sommes pas bien représentées dans ces secteurs. C'est notamment à cause du manque d'accès à la formation, aux genres d'obstacles... L'inégalité systémique des femmes au fil des ans... N'oubliez pas que ce n'est qu'en 1918 que nous avons reconnu que les femmes étaient des personnes, et qu'elles avaient le droit de vote, qu'elles n'étaient pas de simples effets personnels. Ce n'est pas très lointain.
Nous avons encore beaucoup de chemin à faire pour que sur le plan de l'égalité, les femmes parviennent au même niveau que les hommes, s'entraidant et construisant le genre de société que nous souhaitons tous.
Le président: Permettez-moi d'intervenir un instant, madame la ministre. Je pense queM. Peric fait ressortir un point important. Est-ce que vous ou vos collaborateurs auraient en main des données statistiques? Y a-t-il une différence entre le nombre de femmes dans le secteur public et dans le secteur privé?
Est-ce que la situation est plus reluisante dans le secteur public où, après tout, il y a des contrôles gouvernementaux? Je pense que c'était une de ses questions. Cela m'intéresse beaucoup.
Mme Fry: Les quatre groupes cibles inclus dans le projet de loi sur l'équité en matière d'emploi adopté l'an dernier étaient les femmes, les Autochtones, les minorités visibles et les handicapés. Nous avons pris des initiatives spéciales afin de nous assurer que l'on éliminait les obstacles auxquels ces groupes étaient confrontés dans la fonction publique. Voilà une initiative.
Les femmes n'ont toujours pas atteint ce niveau d'équité dans la fonction publique.
Comme vous le savez, nous avons présenté ce projet de loi précisément pour accroître et diversifier les stratégies qui nous permettent de parvenir à cette égalité.
M. Peric: Je suis vraiment très impressionné par votre vision du Canada et du rôle des groupes multiculturels dans la création d'un Canada encore meilleur. Que fait votre ministère pour nourrir le multiculturalisme au Canada? Quel est votre budget? Combien d'employés avez-vous?
Mme Fry: Nous avons un budget global d'environ 18 690 000 $. Nous entreprenons des programmes sous trois rubriques différentes afin de promouvoir la cohésion sociale dans le cadre du multiculturalisme.
L'appui communautaire est l'un de ces programmes où nous déterminons comment les immigrants ou les Canadiens de première génération participent à la société. Nous tentons d'éliminer les obstacles. Nous leur expliquons le régime juridique, les valeurs, et toutes les institutions du pays de façon à ce qu'ils puissent commencer à participer et être des citoyens à part entière.
Deuxièmement, il y a une composante relations interraciales où nous faisons la promotion de la compréhension interraciale, de l'harmonie, et où nous menons des campagnes de lutte contre le racisme.
En troisième lieu évidemment, il y a la promotion des langues ancestrales et de la culture.
Voilà les trois éléments de base des nombreux programmes et projets qui relèvent du mandat global du multiculturalisme au Canada.
M. Peric: Pensez-vous que 18 millions de dollars suffisent pour tout ce que vous voulez ou devez réaliser?
Mme Fry: Monsieur Peric, si vous posez cette question à tout ministre de la Chambre des communes, on vous répondra que ce n'est jamais suffisant.
M. Peric: Quel est votre objectif? Que souhaitez-vous réaliser au cours des deux prochaines années au ministère à la lumière de vos ressources limitées? Jusqu'où pouvez-vous aller?
Mme Fry: Je pense que nous pouvons faire beaucoup, parce que nous ne travaillons pas seuls. Nos programmes sont en général des partenariats. Nous travaillons avec les entreprises, les ONG, les groupes communautaires, les municipalités et d'autres paliers de gouvernement, mettons en commun nos ressources pour réaliser certains de ces projets.
Pendant la période probablement courte où je serai là, j'aimerais m'intéresser particulièrement à certaines tensions raciales qui commencent à se manifester au Canada. Ces tensions semblent survenir lorsque la population d'un pays ressent de l'anxiété ou estime que le taux de chômage est trop élevé.
Je veux voir comment nous pouvons aider les jeunes, surtout les jeunes Canadiens, à vivre ensemble dans le système scolaire, comment nous pouvons les aider à apprendre à promouvoir le genre de compréhension, à apprendre à s'unir de façon cohésive, d'une façon interraciale ou interculturelle.
Nous travaillons avec la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants à mettre en place de nouveaux programmes de cours qui aideront les jeunes. Nous finançons des groupes communautaires de jeunes qui examinent comment ils peuvent traiter de ces questions. Je pense que les jeunes seront ceux qui nous mèneront vers le 21e siècle et qui continueront à promouvoir le genre de Canada que nous avons maintenant. C'est là ma grande priorité.
Ensuite, je veux examiner comment les avantages que nous avons découlent du multiculturalisme - les avantages économiques clairs du multiculturalisme dans le monde des affaires et comment nous pouvons en profiter, ce que nous avons déjà commencé à faire.
Nous avons financé la publication de brochures, dont une sur la publicité intitulée The Colour of Your Money. On y explique comment, si les entreprises aujourd'hui ne comprennent pas le pluralisme et la diversité de notre société, elles ne créent pas les marchés qui serviront cette société pluraliste. La seule façon d'y parvenir, c'est d'aller chercher du personnel de divers milieux, pas uniquement du personnel de vente, mais au niveau de la planification d'un produit, de sa commercialisation - à tous les niveaux de l'entreprise.
Je pense que c'est l'un des domaines où nous avons très bien réussi. Dans bien des cas, nous travaillons avec le Conference Board et le Conseil ethnoculturel pour rassembler les groupes.
Nous pouvons aussi agir par le tourisme et le milieu artistique. Les secteurs cinématographique et théâtral sont très favorables à l'idée d'utiliser la diversité canadienne pour bâtir une industrie touristique qui attirerait le monde entier, non seulement pour voir comment nos entreprises et nos artistes accèdent aux marchés internationaux, mais aussi comment nous servons effectivement nos populations.
Voilà des choses très concrètes que nous pouvons faire pour profiter du multiculturalisme.
M. Peric: Merci.
Le président: Il nous reste du temps.
Monsieur Cullen.
M. Cullen (Etobicoke-Nord): Merci, madame la ministre, pour votre intéressant exposé. J'ai deux questions, si vous permettez, l'une portant sur la situation de la femme et l'autre sur le multiculturalisme.
La première question concerne la situation de la femme. De nos jours, on parle davantage de l'idée d'une analyse fondée sur le sexe. En fait, il semble que le gouvernement fédéral a l'intention d'utiliser cet outil, n'est-ce pas? Pourriez-vous nous décrire cet outil et nous dire comment le gouvernement fédéral va l'utiliser dans l'élaboration des politiques?
Mme Fry: Eh bien, le guide est ici, mais en somme, il s'agit d'un modèle préventif, donc... Et puisque le conseil des ministres l'a approuvé, chaque fois qu'un ministère envisage un changement de politique ou une loi, nous tenons compte des informations dont nous disposons, car il ne s'agit pas simplement d'examiner la politique et la législation actuelle.
Il est aussi question de faire de la recherche et des enquêtes, de comprendre la situation de la femme aujourd'hui, et de déterminer la façon de l'évaluer et de la surveiller. En tenant compte de ces informations, nous pouvons déterminer dans quelle mesure la nouvelle loi aura une incidence sur les femmes ou sur les hommes, en sachant d'avance s'il existe actuellement des inégalités dans ce domaine.
En fait, cela signifie que Condition féminine Canada est une organisation holistique, presque une organisation cadre, qui travaille avec tous les ministères. C'est ainsi que nous pouvons réussir. Le manuel porte sur les aspects fondamentaux du processus, et je serais heureuse de vous en laisser des exemplaires. Nous serions ravis de l'envoyer au comité, si vous le désirez, afin que vous puissiez l'examiner.
M. Cullen: Merci. Ma deuxième question...
Le président: Ce sera votre dernière question.
M. Cullen: Oui, c'est exact, et elle serait peut-être trop vaste pour qu'on l'examine sérieusement aujourd'hui. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt vos observations sur le multiculturalisme et le rôle qu'il peut jouer dans l'identité canadienne. Je me demande si vous pouvez apporter des précisions sur la façon dont notre multiculturalisme peut promouvoir une forte identité canadienne, car de temps à autre, on compare le multiculturalisme canadien au melting pot des États-Unis, où les citoyens sont d'abord Américains. Aux États-Unis, on semble avoir une identité nationale assez forte.
Je crois, comme vous, que nous pouvons utiliser notre multiculturalisme pour créer une forte identité canadienne, ou la renforcer. Votre perspective - c'est une question vaste - fondée sur votre expérience serait utile.
Mme Fry: Je pense qu'il est intéressant que nous ayons tendance à nous comparer aux États-Unis et à leur politique ou concept de melting pot. Il s'agit d'un pays qui a connu beaucoup de tensions raciales. C'est un pays où les races sont confinées dans des ghettos et ont tendance à appartenir à des groupes socio-économiques inférieurs. D'une manière générale, je ne pense pas que nous puissions dire que la politique du melting pot fonctionne.
En fait, j'ai rencontré hier le ministre de l'Immigration d'Israël, qui est venu au Canada discuter avec nous et avec les responsables du ministère; il nous a dit qu'au moment de lancer leur politique d'immigration, ils croyaient au concept de melting pot. Ils constatent maintenant que cela n'a pas fonctionné.
Dans un melting pot, on demande aux gens de s'assimiler, de cesser d'être ce qu'ils sont - c'est-à-dire de renoncer à leurs traditions et à leurs racines - et d'essayer d'être comme quelqu'un d'autre. Cela n'a pas fonctionné. Cela a causé beaucoup de tensions. Israël envisage maintenant l'idée d'une mosaïque, à l'instar du Canada.
Je pense - et si vous me permettez, monsieur le président, je serai un peu philosophe ici - que l'hospitalité dans le Canada a fait preuve - et en acceptant le multiculturalisme par opposition à l'idée du melting pot, nous avons choisi une route difficile. Ce n'est pas la voie facile. Le melting pot est la voie facile.
Le Canada a toujours choisi le chemin difficile. Au tout début de la Fédération, il y a 127 ans, nous avons estimé que la petite île appelée Île-du-Prince-Édouard avait si peu d'habitants qu'elle ne méritait qu'un siège au Parlement. Mais nous l'avons accueillie. Nous avons fait quelque chose d'important. Nous avons dit que la population ne pouvait pas vraiment s'exprimer avec un seul siège, et nous leur en avons donné quatre. Nous avons dit que la Colombie-Britannique était si éloignée et si vaste, et qu'il y avait ces montagnes... Nous avons dit «Construisons un chemin de fer.» Aux provinces qui n'ont pas de ressources naturelles comme les autres provinces, nous disons: «Parlons paiement de péréquation. Discutons de la manière dont nous pouvons vous aider à mieux faire et dont nous pouvons aider ceux d'entre nous qui sont moins nantis.»
Ces compromis ont fait de nous un pays extraordinairement singulier. Il n'existe au monde aucun autre pays comme le nôtre. Aujourd'hui, on juge les Canadiens non pas par la couleur de leur peau ni par leur origine ethnique, mais comme peuple qui s'est réuni autour d'un ensemble de valeurs communes. En tant que Canadiens, nous sommes fiers de ces valeurs, et le monde nous considère comme un modèle.
M. Cullen: Merci.
Le président: Je reviendrai à vous, monsieur Shepherd.
[Français]
Je reviens à l'Opposition officielle.
Madame Gagnon.
Mme Gagnon: J'aimerais revenir au comité de supervision dont vous avez parlé tout à l'heure. J'aimerais savoir qui en a choisi les membres et quels groupes de femmes ont été consultés. N'êtes-vous pas là pour représenter ou dénoncer souvent les politiques ou encore permettre certains alignements prioritaires? Qui fixe les priorités? Est-ce que c'est le programme du gouvernement ou celui de ce comité-là? Est-ce que ce comité a été nommé par le gouvernement? Comme vous le savez, j'ai déploré le fait qu'on n'ait plus le Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme, le CCCSF.
[Traduction]
Mme Fry: Eh bien non, le comité n'a pas été créé parce que les consultations se poursuivent. Nous avons organisé une consultation pancanadienne à laquelle de grandes organisations nationales et des associations de femmes ont participé. Ensuite, nous avons tenu une consultation régionale dans les provinces de l'Atlantique et une autre en Colombie-Britannique et au Yukon. La consultation régionale de Calgary vient de se terminer. Il en reste deux. Les femmes que nous avons entendues nous disent constamment que la meilleure façon d'adopter une démarche autonome est de voir dans quelle mesure on peut créer un comité qui choisirait les sujets de recherche et qui mettrait en oeuvre l'ensemble des projets de recherche.
Les audiences se poursuivent... Je ne sais pas ce que diront les autres groupes, mais je pense que les groupes de femmes représentant des organisations de femmes et les groupes communautaires dans toutes les régions du pays nous disent essentiellement la même chose: elles croient que nous pouvons mener des projets de recherche de façon indépendante, et elles nous font des propositions sur la façon de procéder. Nous attendons ce que les autres régions ont à dire.
Madame Gagnon, dans la région du Québec, les consultations auront lieu les 2, 3 et 4 mai.
[Français]
Mme Gagnon: Je ne doute pas de votre volonté de faire avancer la condition féminine, madame la ministre, je doute du processus mis en place. Quand on est juge et partie, c'est difficile d'aller de l'avant.
Regardez le dossier de la mutilation des organes génitaux. S'il n'y avait pas eu le Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme, que serait-il arrivé? Le ministre Rock ne voulait pas aller de l'avant avec ce projet de loi-là. Pour les groupes de femmes, le Conseil consultatif canadien et moi, ce projet de loi était une priorité.
Que va-t-il arriver lorsque le gouvernement prendra position sur un dossier qui pourrait ressembler à celui-ci? Qu'arrivera-t-il si votre gouvernement ou le ministre s'y oppose? Madame la ministre, si vous aviez été seule dans ce dossier-là, qu'auriez-vous fait pour faire entendre au gouvernement qu'il faut ajuster le Code criminel?
Vous êtes mal placée. Vous n'avez pas de questions à poser en Chambre. Il y a toujours l'opposition. Je ne crois pas au processus que vous êtes en train de mettre en place.
[Traduction]
Mme Fry: Madame Gagnon, vous venez de donner un exemple de la façon dont le système fonctionne. Comme vous le savez, le ministre de la Justice va présenter à la Chambre un projet de loi concernant la mutilation génitale féminine. Par conséquent, notre gouvernement est sensible aux voix comme la vôtre, madame Gagnon, et aux voix des femmes qui sont dans la collectivité et qui attirent notre attention sur ce phénomène, et cela nous donne, à nous qui travaillons à la situation de la femme, et qui défendons l'égalité des femmes, le genre d'appui dont nous avons besoin pour faire avancer ces dossiers. Et cela fonctionne.
Je pense que le processus a fait ses preuves, et il fonctionne.
[Français]
Mme Gagnon: Je ne voudrais pas que vous récupériez ça, parce que vous savez très bien qu'il a quand même fallu deux ans au ministre pour changer d'idée. Il s'était fait du travail auparavant, et c'était justement une des recommandations. Je me souviens que le Bloc était revenu en Chambre parce que le Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme arrivait à cette étude-là et nous faisait cette recommandation-là.
J'aborde un autre dossier, celui des coupures faites aux organismes et qui représentent 31 p. 100 en six ans. Quand les gouvernements couperont, qui va vraiment les dénoncer quand il s'agira de groupes de femmes isolés à travers le Canada ou le Québec? Le Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme avait quand même un rôle à jouer, et on sent que plus personne ne joue ce rôle.
On n'est plus là pour critiquer le gouvernement. Il n'y a pas de comité pour étudier et voir les répercussions des politiques du gouvernement et des coupures qui sont faites. Il y a une absence totale en matière de suivi de la condition féminine.
[Traduction]
Mme Fry: Je pense que bon nombre des organisations nationales de femmes seraient très bouleversées, madame Gagnon, de vous entendre dire qu'elles n'ont aucun rôle à jouer. Je pense qu'elles s'expriment très clairement.
Nous continuons à les rencontrer et à discuter avec elles. Elles viennent et elles parlent au ministre Rock et au ministre Martin. Elles surveillent constamment ce que fait le gouvernement. Cela fait partie du processus démocratique. C'est un bon moyen d'amener la collectivité à défendre ses intérêts.
Je pense que des groupes comme le Comité national d'action sur le statut de la femme et bien des groupes nationaux francophones qui ont milité pour les femmes pendant toutes ces années seraient très bouleversés de vous entendre dire que le Conseil consultatif sur le statut de la femme était le seul groupe qui ait jamais mis de l'avant les questions féminines.
[Français]
Mme Gagnon: Je vois que Mme Fry est très politicienne. Je n'ai pas dit que ces groupes n'avaient aucun rôle à jouer. J'ai dit qu'il y avait une concertation entre le Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme et l'ensemble de ces groupes. Je parlais plutôt de l'isolement de ces groupes. Madame la ministre, ne me mettez pas des mots dans la bouche. J'ai seulement dit que le Conseil faisait la récupération de tous les efforts de ces organismes. On ne sent pas que cette action se fait présentement. Je reconnais, madame la ministre, que les groupes font leur effort, mais le Conseil consultatif consultait et faisait des recommandations au gouvernement. C'est cette absence que je déplore.
Est-ce qu'on va avoir la chance de revenir?
Le président: Oui.
[Traduction]
Mme Fry: Eh bien, je vous répondrai que ces groupes, au lieu de passer par un autre organisme, viennent directement voir le gouvernement et Condition féminine Canada. Les consultations que nous venons de tenir visaient précisément à rassembler ces groupes. En fait, ces derniers nous ont dit qu'ils aimeraient que les consultations soient organisées plus souvent parce que cela leur donnait la possibilité de s'exprimer directement, si on peut dire, et non pas indirectement.
[Français]
Le président: On va revenir.
Mme Gagnon: C'est dommage, mais je vais revenir là-dessus.
[Traduction]
Le président: Monsieur Shepherd.
M. Shepherd (Durham): Merci.
Pour revenir au multiculturalisme - et je sais que vous avez parlé de maintenir la culture des groupes qui viennent dans notre pays et ainsi de suite. J'ai parlé à bon nombre de gens - des Polonais, des Italiens - qui m'ont dit qu'ils ne sont pas venus ici pour nous apporter leur culture; ils sont venus ici partager l'identité canadienne.
Que faites-vous pour favoriser cette promotion d'une culture canadienne unique dans ce pays?
Mme Fry: Je pense, d'abord et avant tout, que nous déployons des efforts pour supprimer les obstacles afin de permettre aux Canadiens originaires d'autres pays du monde qui sont devenus des Canadiens de première génération à devenir de bons citoyens - leur permettre de participer pleinement à la vie de notre société. C'est l'une des attributions de notre ministère. C'est une des choses que nous essayons de promouvoir constamment. Nous le faisons.
Personne ne dit que quelqu'un vient au Canada pour être d'abord et avant tout autre chose que Canadien. Nous ne demandons pas à ceux qui arrivent ici de renoncer à leur identité. Nous leur disons que nous ne les empêcherons pas d'être qui ils sont.
C'est pour cela que j'aime utiliser le mot «respect». Au Canada, la politique du multiculturalisme est une question de respect. Le mot «tolérance» est toujours utilisé quand on parle de l'harmonie entre les peuples. Si vous regardez ce terme dans le dictionnaire, vous constaterez qu'il signifie accepter quelque chose. Vous ne l'aimez pas nécessairement, mais vous l'acceptez.
«Respect» signifie que nous donnons à tous les peuples qui viennent dans ce pays et aux peuples qui étaient ici auparavant une valeur intrinsèque. Nous leur disons qu'ils nous ont apporté quelque chose qui enrichira notre société - tel est l'objet du multiculturalisme - mais en venant ici, vous serez également citoyens canadiens à part entière.
En tant qu'immigrante moi-même, j'ai choisi de venir au Canada précisément en raison des valeurs communes qui constituent une identité canadienne qui est très claire pour ceux d'entre nous qui venons d'ailleurs. Il s'agit de l'identité claire de ce que certains ont appelé une nation plus aimable et plus douce - une société juste où l'on favorise le respect des différences et où le sens de la responsabilité sociale et la capacité d'accepter la différence sont pratiqués communément.
C'est pour cela que je suis venu dans ce pays, pour ce sens de la justice sociale et du partage. Les personnes qui immigrent ici ont tendance à le faire précisément parce qu'ils veulent partager cela. Elles pourraient aller aux États-Unis. Beaucoup de ceux qui viennent ici viennent précisément parce qu'ils partagent cet ensemble de valeurs communes.
M. Shepherd: Que fait votre ministère pour promouvoir les symboles de l'unité nationale, les choses que nous pouvons tous partager? Que fait votre ministère dans ce domaine?
Mme Fry: Eh bien, si vous voulez des programmes précis, je pense que M. Collet va vous répondre.
Comme je l'ai déjà dit, les programmes appartiennent à trois catégories. La plus importante en ce qui concerne la promotion de cette identité commune est celle de la participation civique, la compréhension interculturelle, dont nous faisons la promotion constamment, et qui permet à des gens d'origine diverse de se rassembler pour bâtir un pays. Les immigrants contribuent à la vie économique, comme nous pouvons le voir d'après les avantages découlant de la diversité dans le monde des affaires, et ils contribuent à la vie culturelle et sociale, comme nous pouvons le voir dans les secteurs artistique et culturel. Voilà pour le concept des valeurs communes que nous partageons.
Monsieur Collet peut vous parler des programmes précis, si vous voulez.
Le président: Je vous en prie.
M. Roger Collet (sous-ministre adjoint, Citoyenneté et Immigration, Multiculturalisme Canada): Par exemple, dans le domaine du multiculturalisme, nous avons créé au cours des dernières années des partenariats et des programmes avec le Conference Board du Canada, pour promouvoir précisément la diversité comme valeur en sensibilisant le monde des affaires aux valeurs canadiennes.
Nous avons des programmes allant des partenariats que nous avons établis avec l'Association canadienne des chefs de police aux pressions exercées sur les institutions canadiennes afin qu'elles soient sensibles et réceptives pour aider les nouveaux Canadiens à se sentir chez eux, comme l'a dit la ministre. Cela fait partie de la promotion des valeurs canadiennes dont la ministre a parlé.
Dans d'autres secteurs du ministère, nous faisons la promotion des symboles canadiens. Vous connaissez bien le projet de distribution d'un million de drapeaux. Nous avons aussi le programme d'études canadiennes, un domaine où nous faisons la promotion de la réalité historique du Canada, non seulement par écrit mais aussi en utilisant les technologies modernes. Très souvent, on ne le sait pas, mais on peut y accéder dans le réseau scolaire en utilisant le CD ROM, comme nous l'avons dit devant le comité il y a quelque temps. Il s'agit là de programmes ministériels visant à appuyer et à promouvoir la réalité et les différents aspects de l'identité canadienne.
Nous pourrions parler de notre programme de langues officielles.
Nous pourrions utiliser, comme je l'ai déjà expliqué ici, les sports. Dans le cadre de notre programme de sport amateur, nous faisons la promotion de la valeur canadienne d'excellence, comment rivaliser entre nous dans le cadre des Jeux du Canada, qui ont lieu tous les deux ans, et à l'échelle internationale aux Jeux olympiques, qui nous donnent l'occasion d'exprimer les valeurs canadiennes et la fierté à l'égard de notre pays et de nos réalisations.
Je pourrais continuer indéfiniment, monsieur le président. Il s'agit là de programmes visant à appuyer les différentes réalités de l'identité canadienne, dont la diversité fait partie intégrante.
Le président: Monsieur Shepherd, je vous donnerai la parole plus tard. Votre temps de parole est expiré.
Monsieur Nunez.
[Français]
Mme Gagnon: Je vais poser une question, et M. Nunez va poursuivre.
J'aimerais aborder le multiculturalisme. On a rencontré des fonctionnaires du gouvernement, dont M. Collet, il y a quelque temps. On apprenait que le gouvernement fédéral appliquait une politique de bilinguisme dans l'intégration des immigrants alors qu'au Québec, on a une politique de francisation des nouveaux arrivants. Vous avez parlé du respect de la diversité. Vous voulez que l'unité canadienne soit au coeur de cette politique. Et l'unité canadienne, on le sait très bien, manque de respect envers les peuples fondateurs parce qu'on ne veut pas les reconnaître.
Beaucoup d'autres personnes dénoncent le multiculturalisme parce que ce n'est pas une politique d'intégration, mais de ghettoïsation des différentes communautés culturelles. Cette politique n'amène pas les nouveaux arrivants et ceux qui ont adopté le Canada - le Québec dans d'autres cas - à vraiment s'intégrer à la culture dominante, selon qu'ils ont choisi de vivre au Canada anglais ou au Québec.
Je déplore la situation et je demande à la ministre comment elle peut faire la promotion du bilinguisme au Québec alors que les lois québécoises prévoient que le français est la langue officielle. Est-ce que ce n'est pas mêler les gens quand ils arrivent? Vous parlez de tensions raciales. Est-ce que vous aidez vraiment les immigrants à comprendre dans quel pays ils ont choisi de vivre par cette politique? J'en doute.
[Traduction]
Mme Fry: Vous pouvez en douter, madame Gagnon, mais je pense que c'est exactement le contraire. L'une des caractéristiques de ce pays est notre politique de bilinguisme officiel. C'est une politique qui a été établie pour que les francophones vivant à l'extérieur du Québec aient la possibilité d'accéder aux services dans leur langue. On a clairement pris des dispositions financières pour que cela soit possible.
De même, au Québec, cette politique permet aux Canadiens anglophones d'accéder aux services dans leur langue. Je pense donc que tel est l'objet de la politique du bilinguisme et de l'adoption des deux langues officielles.
En fait, dans ce pays, ce sont les deux langues officielles qui sont utilisées pour le commerce, les décisions gouvernementales, l'élaboration des politiques et le processus législatif. Je pense donc que c'est une très bonne idée pour les Canadiens de pouvoir s'exprimer dans les deux langues ou dans l'une des deux langues, et c'est ce que nous essayons de promouvoir.
[Français]
Mme Gagnon: Vous essayez de vendre la salade de l'unité canadienne, et on sait très bien qu'il y a un malaise au sein même du Comité de l'unité nationale. Plusieurs ténors fédéralistes ont dénoncé la politique du gouvernement sur l'unité canadienne, et c'est ce que vous vendez aux nouveaux arrivants.
[Traduction]
Mme Fry: Nous annonçons aux immigrants ce qui est en fait une politique d'acceptation et de respect des différences. Madame Gagnon, n'êtes-vous pas d'accord en ce qui concerne les différences? Vous ne reconnaissez pas que nous devrions respecter les différences. Par conséquent, vous n'acceptez pas que les gens doivent s'accommoder de leur différence dans l'harmonie, la compréhension et la cohésion raciale. Vous n'adhérez pas à la notion de société pluraliste et d'échange inter-culturel entre les gens, n'est-ce pas? Voilà à quoi rime toute la notion de multiculturalisme.
[Français]
Le président: Madame Gagnon, s'il vous plaît.
Mme Gagnon: Je ne voudrais pas lui laisser une mauvaise impression.
Le président: Oui, madame Gagnon, excusez-moi.
Mme Gagnon: Je suis d'accord sur la diversité...
Le président: Madame Gagnon, excusez-moi. Si vous continuez, M. Nunez... Allez-y, allez-y.
Mme Gagnon: Nous sommes d'accord sur la diversité, mais votre politique n'est pas le reflet de ce qui se passe ici au Canada.
Les Québécois sont des êtres tolérants. On a aussi notre politique en matière d'immigration, et vous n'aidez pas le Québec à affirmer sa spécificité québécoise et sa société distincte en faisant, auprès des immigrants, la promotion du bilinguisme au Québec.
La communauté anglophone qui vit au Québec est respectée et elle a des établissements qui la représentent. Ce n'est pas la même chose au Canada anglais; on sait très bien que les droits des Canadiens français qui vivent partout dans les provinces canadiennes anglaises sont très, très minimes.
Si le reste du Canada faisait autant d'efforts que le Québec, on pourrait peut-être s'en reparler. C'est tout.
[Traduction]
Mme Fry: Madame Gagnon, il est évident que vous ignorez que nous nous sommes donnés des politiques qui nous permettent d'accorder le financement nécessaire pour que les francophones qui vivent à l'extérieur du Québec puissent communiquer entre eux dans leur propre langue.
En fait, récemment, j'ai signé une entente avec la communauté francophone de ma circonscription qui recevra quelque 7,5 millions de dollars afin de pouvoir poursuivre ses efforts en ce sens, notamment l'établissement d'écoles francophones au sein du Conseil scolaire francophone, ce qui permet à ce dernier d'établir des programmes d'enseignement, de gérer ses propres écoles.
Voilà le genre de mesures que nous prenons quand nous vivons à l'extérieur... En fait, sachez que nombre de jeunes anglophones de l'extérieur du Québec choisissent de suivre les programmes d'immersion en français, et toutes ces initiatives reçoivent notre soutien.
On en revient à l'idée de respecter les différences et de donner aux Canadiens la possibilité de faire des choix afin de pouvoir profiter de la dualité linguistique de notre pays.
[Français]
Le président: Monsieur Bélanger.
M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Je trouve quand même intéressant que le Québec, qui résiste à l'homogénéité nord-américaine, désire l'appliquer lorsqu'il s'agit de son territoire.
Je voudrais faire un commentaire au sujet des francophones hors Québec puisque le Bloc québécois semble s'en préoccuper beaucoup ces temps-ci.
Il est vrai que ces dernières décennies, les francophones - je vais parler de l'Ontario parce que c'est la province que je connais le mieux - n'ont pu contrôler leurs institutions. Ce que la députée du Bloc québécois ne veut pas le reconnaître, c'est que la situation s'améliore.
Je voudrais remercier l'actuel premier ministre du Québec, l'ancien chef du Bloc québécois. C'est lui qui, pour le gouvernement fédéral, a signé une entente avec la province de l'Ontario pour créer la Cité collégiale. On peut le remercier. Il faut croire qu'à ce moment-là, il reconnaissait qu'il valait la peine d'aider la population franco-ontarienne au lieu de la prendre en exemple pour servir ses propres fins.
Est-ce que la ministre et ses officiels pourraient nous parler de la population immigrante francophone hors Québec et nous dire comment elle s'imbrique dans la politique du multiculturalisme? Que fait son ministère pour appuyer cette communauté?
[Traduction]
Mme Fry: [Inaudible - Éditeur]... mais M. Collet va vous donner certains détails.
[Français]
M. Collet: Dans la province d'Ontario, où il y a une plus grande population d'immigrants francophones, les communautés elles-mêmes ont initié il y a déjà quatre ou cinq ans un effort de collaboration entre la communauté francophone canadienne et la communauté immigrante francophone.
Nous avons, sous la direction du gouvernement, appuyé ce rapprochement par l'entremise du programme du multiculturalisme et du programme des langues officielles, pour contribuer spécifiquement à construire, dans la réalité ontarienne, cet élément de respect de la diversité qu'a mentionné la ministre.
Nous déployons ces efforts et nous développons ces capacités là où la population est assez grande. C'est le cas en Ontario, à tel point que l'ACFO a ajouté à sa table de consultation des représentants des communautés multiculturelles francophones.
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
M. Bélanger: Je voudrais poser une question à la ministre. À l'écouter, on est porté à conclure que c'est par altruisme que nous agissons en tout. Pour ma part, je serais plutôt porté à croire que c'est protéger judicieusement notre propre intérêt. La ministre pourrait-elle nous expliquer davantage ce qui nous pousse à aider les gens qui viennent au Canada. Vous nous avez déjà donné de longues explications mais il serait peut-être souhaitable que vous nous expliquiez si nous agissons par altruisme ou pour protéger judicieusement notre propre intérêt.
Mme Fry: J'aurais du mal à le faire car je n'étais pas là dès le départ et je ne sais pas quelle tournure le débat a pris ou ce que les gens avaient en tête.
Comme je l'ai déjà dit, lors de la création de notre pays, les bases de cette confédération ont été jetées sur le socle d'une conviction: En effet, en respectant les différences de chacun et en mettant à profit ces différences dans notre vie commune pour enrichir la société, nous trouverions la clef nécessaire nous permettant de vivre ensemble avec une certaine harmonie et dans une certaine paix dans ce pays si vaste, de populations si diverses. Cette tolérance peut avoir été au départ une nécessité. Il se peut qu'il n'y ait rien eu là-dedans d'altruiste et que ce soit né à l'époque de la nécessité mais avec les années, c'est devenu une valeur. Le respect des différences est devenu une valeur commune et partagée au Canada.
Et il y a eu des retombées car l'adhésion à cette valeur nous a donné un avantage économique distinct dans le monde, une longueur d'avance par rapport aux autres pays sur le plan commercial.
Par exemple, la France qui cherchait des marchés en Asie est revenue avec 2 milliards de dollars sur ses carnets de commandes, tout à fait ravie et pourtant, un pays comme le Canada, avec moitié moins de population, est revenu avec 20 milliards sur ses carnets de commandes, ce qui fait dire au premier ministre que c'est un succès commercial remarquable. On constate donc que nous en tirons un avantage économique certain.
Sur le plan social, nous avons réussi à créer une société globale très harmonieuse qui choisit plutôt de résoudre ses conflits de façon pacifique. Du reste, Boutros Boutros-Ghali l'a fait remarquer au premier ministre: nous avons appris à vivre ensemble et à trouver des solutions pacifiques à nos conflits. La seule notion de paix, ordre et bon gouvernement, le fait que nous cherchons constamment des accommodements... ainsi, le résultat en est une société dont la cohésion pacifique permet au moment où surgissent des tensions de chercher la conciliation et le compromis entre les différences.
Évidemment, sur le plan économique, c'est également très avantageux pour notre industrie touristique.
À cause de la diversité de notre pays, nous pouvons encourager des activités qui servent nos marchés intérieurs. Au lieu d'importer d'autres pays, nous avons dorénavant des masses critiques suffisantes pour desservir nos marchés intérieurs grâce à nos activités dans les secteurs des arts, de la culture, de l'alimentation, de l'édition, etc. Cela représente donc un avantage économique certain.
Quand les gens pensent au multiculturalisme au Canada, ils font des comparaisons avec le reste du monde et ils considèrent le Canada comme un pays, comme une nation. Ils ne parlent pas des avantages économiques, ils considèrent seulement que notre nation est unique à cause de cette aptitude merveilleuse que nous avons à vivre tous ensemble. Avec la mondialisation qui s'annonce pour le XXIe siècle, ce sont tous les pays du monde qui vont essayer de vivre ensemble, et je pense que le Canada devrait très facilement trouver sa place dans un tel climat.
M. Bélanger: Par conséquent, Laurier se trompait peut-être, bien que de nos jours on ne reconnaisse pas si facilement ses erreurs... Le Canada, le XXIe siècle...
Mme Fry: À mon avis, il s'est trompé d'un siècle.
M. Bélanger: Il s'est trompé d'un siècle.
Le président: Monsieur Peric.
M. Peric: Madame la ministre, je suis d'accord avec Mme Gagnon quand elle dit que les groupes multiculturels restent enfermés dans leur petit ghetto. L'expérience que j'ai de ma propre communauté, à Cambridge, et également de la communauté culturelle dont je suis issue, la communauté croate, me montre malheureusement que ces ghettos existent bel et bien. Je ne sais pas quelle est la solution, comment faire pour encourager ces gens à s'impliquer plus dans le reste de la société canadienne, à partager leurs valeurs et le respect de ces valeurs avec d'autres groupes.
Je ne suis pas d'accord pour qu'on finance les groupes multiculturels, les activités de danse, les spécialités culinaires, etc. Évidemment, j'apprécie beaucoup les spécialités culinaires et j'ai le plus grand respect pour les danses folkloriques, mais à mon avis, il faudrait aller plus loin. Il vaudrait mieux encourager les gens à s'impliquer dans la vie quotidienne canadienne. Avez-vous des plans dans ce sens?
Mme Fry: Avant de vous parler de nos plans, j'aimerais revenir sur le concept des ghettos. Il n'y a pas de pays au monde où les gens ne vivent pas dans des ghettos. Prenez San Francisco, un des quartiers que les gens préfèrent, c'est le quartier chinois. Prenez les États-Unis, vous avez le ghetto de Harlem.
Quelle est l'origine des ghettos? À mon avis, au Canada nous n'avons pas de ghettos parce que les ghettos ont tendance à regrouper les gens que leur entité sociale rapproche, des gens qui sont ostracisés, et qui, le plus souvent, vivent dans des conditions socio-économiques différentes de celles de leurs voisins.
C'est différent de la situation de gens qui choisissent de vivre à proximité parce qu'ils partagent des traditions communes. Quand je vais à un cocktail, après avoir fait le tour de la pièce, je peux fort bien m'arrêter auprès d'une personne avec qui je partage des intérêts communs, et continuer à lui parler le reste de la soirée. Si je jouais au golf, il pourrait s'agir de golf, ou encore nous pourrions être tous deux médecins, parlementaires ou même originaires de la Colombie-Britannique.
C'est une tendance qu'ont les gens. C'est un phénomène humain naturel. C'est différent du concept de ghetto. Le multiculturalisme a encouragé les gens à se contacter mutuellement. C'est justement cette faculté de participer à cette société qu'est le Canada qui constitue le multiculturalisme. En supprimant les obstacles, on empêcherait les gens de faire cela. Voilà la différence entre des gens qui vivent à proximité les uns des autres et des gens qui vivent dans un ghetto, qu'il s'agisse de la Pologne ou des États-Unis.
Lorsque nous examinions les programmes, nous avons cherché des moyens de mieux accomplir tout cela. Le concept des groupes folkloriques est abandonné depuis un certain temps déjà. Ce n'est pas ce que nous finançons dans le cadre du multiculturalisme. Comme nous sommes en évolution permanente, les stratégies qui étaient valables il y a 20 ans ne sont plus valables aujourd'hui. Nous devons donc changer nos stratégies au fur et à mesure pour répondre aux besoins d'une société et d'un environnement qui ont changé.
On assiste actuellement à la création d'associations qui regroupent plusieurs cultures et qui cherchent à promouvoir une compréhension et une harmonie inter-culturelle, encourager les relations inter-culturelles, à monter des entreprises communes et à créer des communautés et de nouveaux modes de participation. C'est un mouvement très net.
Nous avons parlé à des écoliers qui nous expliqué comment le système scolaire et les écoliers eux-mêmes peuvent aider les gens à s'intégrer dans leur société lorsqu'ils sont nouveaux venus dans une communauté. C'est un des éléments que nous étudions, nous orientons nos stratégies et l'examen de nos programmes dans ce sens, et cela élargit la masse critique avec laquelle nous travaillons.
M. Peric: Est-ce que vous consultez ces groupes, est-ce que vous écoutez leurs idées et leurs suggestions?
Mme Fry: Oui, je me rends dans chaque région pour y rencontrer des représentants des communautés et des groupes, et je m'aperçois que souvent ils ont déjà commencé à travailler ensemble et à considérer les aspects économiques et sociaux pour promouvoir l'harmonie et lutter contre le racisme. Voilà donc le mouvement auquel on assiste.
[Français]
Le président: Madame Gagnon.
Mme Gagnon: Je cède la parole à M. Nunez.
M. Nunez (Bourassa): Si je comprends bien, vous parliez de subventions à une école française de Vancouver de l'ordre de 7,5 millions de dollars, n'est-ce pas?
M. Collet: Il s'agit d'une entente Canada-communauté avec la communauté francophone de la Colombie-Britannique d'une somme de 7,5 millions de dollars répartie sur quatre ans.
M. Bélanger: C'est quelque chose de plus que les gens du Québec.
M. Nunez: C'est très bien. Il y a trois semaines, je visitais des communautés ethnoculturelles en Saskatchewan et je rencontrais des représentants de l'Association culturelle franco-canadienne de la Saskatchewan. L'une des critiques les plus acerbes et les plus sévères que j'ai entendues à l'égard du gouvernement portait sur les coupures. Je me suis rendu au département des langues de l'Université de Regina qui a subi des coupures draconiennes. Ils nous mentionnaient que le taux d'assimilation en Saskatchewan était de 70 p. 100.
J'ai rencontré un sculpteur de grande renommée, Joe Fafard, dont le fils ne parle plus le français. Il voudrait bien envoyer ses enfants aux universités et aux cégeps du Québec, mais aucun fond n'est disponible à cet égard. Comment expliquez-vous ces coupures draconiennes dans les subventions aux francophones hors Québec?
[Traduction]
Mme Fry: Roger va vous donner des détails en ce qui concerne les montants précis, mais j'aimerais ensuite discuter avec vous de ces concepts.
[Français]
M. Collet: Tout dépend du moment où vous étiez en Saskatchewan. Mme Copps signait une entente avec la communauté francophone de la Saskatchewan la semaine dernière. C'est une pure coïncidence. C'est une entente de 6,3 millions de dollars répartie sur trois ans. De plus, le gouvernement de la Saskatchewan a défrayé, par le biais de la gestion scolaire, toute la mise en oeuvre de la structure pour la gestion scolaire dans la province, ce qui s'est produit depuis les coupures auxquelles vous faites référence.
M. Nunez: Si c'est vrai, je vous en félicite. Je dois toutefois dire que j'ai entendu beaucoup de critiques.
Lors de votre exposé, que j'ai apprécié, vous disiez que les femmes avaient un long chemin à parcourir; je suis d'accord avec vous et j'ajouterais que pour les femmes des minorités, surtout des minorités visibles, le chemin est encore plus long. Leurs salaires sont plus bas, surtout dans l'entreprise privée. Elles sont plus souvent victimes de violence, surtout de violence conjugale, et de racisme. Elles n'ont pas si souvent accès aux cours de langues que les hommes. Notre système de pointage pour l'entrée des immigrants favorise les hommes.
Les problèmes des domestiques sont terribles. Pourquoi le gouvernement n'intervient-il pas? Dans plusieurs maisons, ces femmes sont presque des esclaves. Elles ne peuvent pas se libérer et aller travailler dans un autre domaine que celui du foyer. Que fait votre ministère pour apporter des solutions aux problèmes des femmes, des minorités visibles et particulièrement des domestiques?
[Traduction]
Mme Fry: Comme vous l'avez dit, les femmes qui appartiennent à des minorités visibles supportent un double fardeau d'inégalité. Nous travaillons en collaboration avec nos services régionaux pour aider les groupes communautaires à mieux profiter des programmes qui existent pour les aider. Nos bureaux régionaux ne s'occupent pas uniquement du financement des programmes, mais constituent également une ressource technique. Le plus souvent, ce sont des groupes consultatifs qui aident les femmes à profiter des programmes disponibles. Nous leur expliquons toutes les étapes, point par point. Nous fournissons donc à ces groupes de femmes une aide directe dans les régions.
Grâce à la Loi sur l'équité dans l'emploi, les organismes gouvernementaux peuvent s'appuyer sur les dispositions de la loi pour éliminer ce type de discrimination. Très souvent, ces femmes peuvent faire appel au système parce que nous avons remis en place le programme de contestation judiciaire. Ce programme avait été supprimé par l'ancien gouvernement, mais nous l'avons rétabli, ce qui donne un recours à beaucoup de femmes. C'est un des outils dont elles disposent pour se faire entendre et exiger que la loi les traite en égales.
[Français]
Mme Gagnon: J'aimerais adresser une question à la secrétaire d'État sur les groupes anglophones qui prônent la partition du Québec et qui bénéficient de subventions de son ministère dans le cadre de l'appui aux langues officielles. Ces groupes bénéficient-ils de subventions de son ministère dans le cadre du programme sur le multiculturalisme, lequel comporte un volet sur les langues officielles?
[Traduction]
Mme Fry: Si vous nous donnez le nom d'un groupe, nous pouvons vous dire s'il a été subventionné par le multiculturalisme, et en vertu de quels critères de promotion du multiculturalisme. Je ne connais pas ces groupes, mais si vous pouvez nous donner un nom, je suis certaine de trouver cette information.
[Français]
Mme Gagnon: Si la ministre entendait dire que ces groupes utilisent des fonds de son ministère, interviendrait-elle et leur interdirait-elle toute subvention étant donné les buts visés par ces groupes?
[Traduction]
Mme Fry: Une subvention est accordée à un groupe qui a un projet ou un programme particulier et ce projet doit correspondre aux exigences du mandat du ministère du Multiculturalisme. Par conséquent, une subvention est accordée à un groupe lorsque le projet correspond au mandat du multiculturalisme, et une fois le projet terminé, on procède à une évaluation pour s'assurer que le critère a bel et bien été observé. Si ce n'est pas le cas, et si le même groupe demande une nouvelle subvention, on considérerait que l'argent n'a pas été utilisé à bon escient la première fois, et on en tient compte.
Le président: Monsieur Shepherd, vous avez une question?
M. Shepherd: C'est une question très intéressante. Peut-être devrions-nous envisager de changer nos paiements de transfert à la province de Québec étant donné certains de leurs objectifs.
Pour revenir aux observations de M. Peric, cela fait penser au dilemme de la poule et de l'oeuf. Est-ce qu'on force les gens à vivre en ghetto en finançant le multiculturalisme, en donnant de l'argent à des organisations qui préservent certaines identités culturelles, au lieu de les encourager à s'impliquer dans le reste de la société. Autrement dit, quelle proportion de votre financement sert à célébrer, plus ou moins, la culture des sociétés dont les gens sont issus, au lieu de célébrer la culture de la société où ils vivent?
Mme Fry: Je ne pense pas qu'on ait alloué des fonds à ce genre de choses. Prenez le cas d'un immigrant qui vient d'arriver et qui fait appel à des services d'établissement dans sa propre langue pour se préparer à participer à la société. Nous essayons de l'aider à surmonter les obstacles qui l'empêchent de devenir un Canadien à part entière, un membre de la société. Par conséquent, si nous donnons de l'argent à un groupe, c'est seulement pour l'aider à s'intégrer et à devenir actif civiquement, c'est peut-être aussi pour aider un groupe qui se trouve isolé depuis qu'il est arrivé. L'idée, c'est toujours d'encourager les gens à s'impliquer dans la société canadienne.
M. Shepherd: On a proposé des changements au serment d'allégeance: est-ce que c'est le reflet de l'évolution de notre pays?
Mme Fry: Pouvez-vous préciser ce que vous voulez dire au sujet du serment d'allégeance? Ce n'est pas une suggestion du gouvernement du Canada. Le serment d'allégeance... À quoi faites-vous allusion?
M. Shepherd: À l'heure actuelle, au Canada, on prête allégeance à la Reine Elizabeth II. On a suggéré de prêter allégeance au Canada, la patrie. Est-ce que cela va dans le sens général de votre politique, est-ce qu'on reconnaît ainsi que certains éléments culturels venus d'ailleurs ne partagent pas le même passé et apprécieraient certains changements pour l'avenir?
Mme Fry: Le Canada a été jadis une colonie anglaise. Plus tard, le Canada est devenu une nation à part entière, un membre du Commonwealth britannique. Toutefois, certains membres du Commonwealth britannique, comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande, commencent à remettre cette situation en question au fur et à mesure que leur identité nationale se renforce. Ils remettent en question la priorité accordée à l'allégeance au monarque.
À l'heure actuelle, dans un grand nombre de pays du Commonwealth, on assiste à un débat entre les tenants de la monarchie et les tenants d'une société démocratique différente. C'est la même chose ici.
Cela fait partie de l'évolution naturelle, d'une nouvelle image qui émerge dans la population. Dans le reste du monde, le Canada est considéré aujourd'hui comme une nationalité, une nation séparée, à part entière, unique. Le Canada doit donc se demander s'il souhaite devenir une nation à part entière, ou bien continuer à prêter serment à une entité qui n'a peut-être plus la même signification.
Je ne sais pas, cela fait partie des questions que notre société sera appelée à résoudre à l'aube du XXIe siècle, tout comme les autres pays du Commonwealth.
Le président: Monsieur Shepherd, c'est une question que vous feriez mieux de poser au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, dont cette question relève, plutôt qu'à ce ministre. Vous pourriez assister à un comité où la ministre comparaît et lui poser la question.
M. Peric: C'était une bonne question, et j'approuve ses motifs.
[Français]
Le président: Y a-t-il d'autres questions?
M. Nunez: Madame la ministre, est-il possible d'obtenir la liste des organismes qui reçoivent des subventions de ce programme de promotion du bilinguisme?
[Traduction]
M. Collet: Excusez-moi, je n'ai pas entendu...
[Français]
Le président: Pouvez-vous répéter votre question?
M. Nunez: Je vous demande s'il est possible d'obtenir la liste des organismes qui reçoivent des subventions de ce programme de promotion du bilinguisme.
M. Collet: Promotion des langues officielles.
M. Nunez: Des langues officielles.
M. Collet: Bien sûr.
[Traduction]
Mme Fry: Pas le multiculturalisme.
[Français]
M. Nunez: Non, les langues officielles.
M. Collet: Nous vous la donnerons. Désirez-vous qu'elle remonte au début du siècle?
M. Nunez: Ah non, c'est trop loin.
Une voix: Cette année.
M. Collet: Présentement. Absolument, il s'agit d'information publique.
M. Nunez: Parfait.
Le président: Si vous en envoyez une copie à M. Nunez, peut-être pourriez-vous aussi en faire parvenir aux autres membres du comité.
M. Collet: Tout à fait.
M. Nunez: Je constate, en regardant le détail des subventions et contributions, Budget des dépenses 1996-1997, au chapitre «Soutien aux organismes volontaires», que votre ministère consacre 10 605 420 $ de moins que l'année dernière à cette rubrique. Pouvez-vous m'expliquer cette décision et me dire où s'en va cet argent?
[Traduction]
Mme Fry: Vous parlez du service du ministère qui s'occupe e la situation de la femme ou du multiculturalisme?
[Français]
M. Nunez: Je parle du multiculturalisme. Je ne sais pas si vous avez cette feuille. Je crois queM. Collet en faisait mention lors d'une rencontre antérieure; le procès-verbal du comité devrait en faire état. M. Collet aurait dit qu'il ne restait presque plus rien.
[Traduction]
M. Collet: Monsieur le président, la question porte sur notre programme volontaire qui ne fait pas partie du multiculturalisme. Je suis désolé. Dans le budget principal, cela figure dans la catégorie intitulée «Citoyenneté et participation des citoyens et multiculturalisme».
[Français]
Je pourrais répondre si vous le désirez. C'est qu'à ce moment...
M. Bélanger: J'aimerais faire un rappel au Règlement. La ministre est venue donner une présentation et répondre à nos questions sur deux aspects: le multiculturalisme et la condition féminine. La question ne porte aucunement là-dessus.
Le président: Je m'excuse. Malheureusement, je parlais au greffier lorsque la question a été posée et je ne l'ai pas entendue.
M. Bélanger: Je veux savoir si la question...
Le président: Mais quelle était la question? Je ne l'ai pas entendue, je parlais au greffier.
M. Bélanger: On demandait d'expliquer un item des prévisions budgétaires d'une autre section du ministère, ce qui n'a aucun rapport.
M. Nunez: On peut demander à la ministre quel est le budget de Condition féminine Canada. Des sommes sont-elles prévues pour les relations interraciales, la compréhension interculturelle et le soutien aux organismes volontaires?
Le président: Permettez-moi de demander à la ministre et à M. Collet de ne répondre que sur la juridiction relevant de la ministre, puisque que la ministre du Patrimoine canadien comparaîtra ici jeudi. Cette dernière pourra alors répondre à toutes ces autres questions.
[Traduction]
Mme Fry: Vous posez une question au sujet de l'ensemble du budget de Condition féminine Canada?
M. Nunez: Oui.
Mme Fry: Ce budget s'élève à 16,563 millions de dollars. Vous me demandez aussi si nous consacrons de l'argent à certains programmes destinés aux femmes immigrantes. Oui, nous le faisons.
M. Nunez: Combien?
Mme Fry: Il y a un certain temps que nous travaillons avec des femmes immigrantes dans les communautés, par exemple pour les aider à s'inscrire à des programmes de formation et à trouver un emploi. Nous examinons ensemble certaines questions, comme la mutilation génitale des femmes. Nous collaborons avec des groupes d'immigrants, et dans chaque région, le financement s'adresse à des groupes de femmes immigrantes. Quant au montant précis, je ne sais pas si nous avons cela sous la main.
M. Nunez: D'accord. Merci.
[Français]
Le président: Madame Gagnon, une dernière question.
Mme Gagnon: Quel budget le Multiculturalisme accorde-t-il aux groupes individuels?
M. Collet: Qu'entendez-vous par «groupes individuels»?
Mme Gagnon: C'est ce dont vous nous parliez lors d'une séance précédente en réponse à ma question. Je disais alors que la politique du multiculturalisme permettait à des groupes de recréer ici, au Canada, certaines facettes de leur culture. Vous m'aviez répondu qu'on ne leur accordait presque plus de subventions.
J'ai essayé de repérer les subventions données à ces groupes. Je retrouve la somme de 10 600 420 $ sur les feuilles que j'ai sorties, soit le plus gros budget de soutien aux organismes volontaires. J'ai essayé de comprendre votre réponse et de me démêler dans ce budget du Multiculturalisme.
Je constate que c'est le plus gros budget. Ces 10 millions de dollars sont-ils attribués aux groupes individuels ou aux relations interraciales et à la compréhension? J'essaie d'y voir clair.
[Traduction]
Mme Fry: L'ensemble du budget du multiculturalisme s'élève à 18,690 millions de dollars. Nous fournissons ce financement dans trois secteurs particuliers. Premièrement, le soutien et la participation communautaires. Nous consacrons 10,6 millions de dollars à des programmes de cet ordre. Nous consacrons 5,4 millions de dollars aux relations raciales et à la compréhension entre les cultures et, troisièmement, 2,6 millions de dollars aux langues et cultures du patrimoine.
Si vous voulez plus de détails sur ces groupes, nous pouvons vous envoyer des informations car cela prendrait plus de temps que nous n'en avons.
[Français]
Mme Gagnon: D'accord. Merci.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Je tiens à remercier sincèrement la ministre, ainsi que M. Collet, Mme Scotti, Mme Bergeron de Villiers et Mme Karman. Grâce à eux, nous avons appris beaucoup de choses, et pour ma part, je l'apprécie beaucoup.
[Français]
J'aimerais que les députés restent encore ici cinq minutes.
[Traduction]
Nous avons maintenant quelques petits détails à régler. J'invite les membres réguliers du comité à rester quelques instants.
[Français]
Ce ne sera pas long; nous n'avons que deux points.
Je désire vous faire part des excuses de M. Gaston Leroux, porte-parole officiel de l'opposition qui n'a pu être ici aujourd'hui.
M. Leroux m'a demandé de déférer sa motion, qui porte sur une invitation à l'Office national du film, jusqu'à la séance de jeudi.
Je pense que tout le monde est d'accord.
[Traduction]
Deuxièmement, à titre d'information, le ministre doit comparaître jeudi. Voici le programme de la semaine prochaine: mardi, nous recevons les représentants de la Bibliothèque nationale du Canada. Jeudi, le 9 mai, nous recevons les représentants du Musée canadien des civilisations et du Musée des sciences naturelles. Nous annoncerons plus tard le programme à partir du 14 mai. La comparution du ministre cette semaine est confirmée, quant aux 7 et 9 mai de la semaine prochaine, vous recevrez une confirmation plus tard.
[Français]
M. Bélanger: Nous nous penchions sur les prévisions budgétaires du CRTC jeudi dernier.
Le président: Oui, c'est exact.
M. Bélanger: Notre comité doit-il recommander l'acceptation de ces prévisions budgétaires et en faire rapport à la Chambre?
Le président: Tout à fait, oui.
M. Bélanger: Étudierons-nous toutes les prévisions budgétaires du ministère jeudi?
Le président: Il vous appartiendra de poser des questions à la ministre à ce moment.
M. Bélanger: Si elle envisage alors de faire une résolution.
Le président: Oui, certainement.
M. Bélanger: Merci.
Le président: La séance est levée. Merci.