[Enregistrement électronique]
Le jeudi 7 novembre 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
[Français]
La séance est ouverte. Nous poursuivons l'étude du projet de loi C-32, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur.
[Traduction]
Nous poursuivons l'étude du projet de loi C-32, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur. Aujourd'hui, nous accueillons l'Association canadienne des éditeurs de musique et son directeur général M. David Basskin. Monsieur Basskin, la parole est à vous.
M. David A. Basskin (directeur général, Association canadienne des éditeurs de musique): Bonjour et merci beaucoup.
Je vais vous dresser un bref historique de notre organisme. L'ACEM est une association professionnelle qui a été fondée en 1949. Nous représentons les intérêts de la majorité des éditeurs de musique en affaires au Canada. Nous vous sommes très reconnaissants de l'occasion qui nous est donnée de présenter nos points de vue sur ce projet de loi crucial et tant attendu.
Je vais tout d'abord vous offrir quelques commentaires généraux sur la réforme du droit d'auteur et je passerai ensuite aux points saillants du projet de loi C-32 sur lesquels nous souhaitons faire des observations. Enfin, j'aimerais dire quelques mots sur l'avenir du processus de réforme du droit d'auteur. Après cela, je répondrai à vos questions. Comme les autres industries culturelles, nous attendons ce moment depuis longtemps.
Vous n'êtes peut-être pas familiers avec l'expression «éditeur de musique». Même si notre profil n'est peut-être pas aussi élevé que celui de nos collègues du domaine des disques, les éditeurs de musique constituent un maillon vital de la chaîne, tout comme les auteurs-compositeurs, les artistes-interprètes et les producteurs, qui travaillent tous pour créer de la musique. La meilleure façon de nous définir est peut-être de dire que nous représentons le volet recherche-développement de l'industrie de la musique. Les éditeurs de musique sont à la recherche de talents d'auteurs-compositeurs. Ils collaborent avec eux pour les aider à perfectionner leur métier. Ils leur versent, dans bien des cas, les premiers chèques qu'ils reçoivent dans le milieu de la musique et s'efforcent de leur obtenir des contrats d'enregistrement.
L'édition est également le volet financier du milieu des auteurs-compositeurs. En leur nom, les éditeurs de musique collaborent avec la société de perception des droits, la SOCAN, et avec l'émetteur de licences de l'ACEM, l'Agence canadienne des droits de reproduction musicaux (ACDRM), pour s'assurer que nous sommes rémunérés pour l'utilisation de nos droits d'auteur.
Qui sont les éditeurs de musique? Leur éventail va de petites entreprises à deux employés jusqu'à des sociétés multinationales. Ils ont tous fait d'importants investissements dans le perfectionnement du talent d'auteurs-compositeurs canadiens. Bon nombre de ces derniers agissent également comme leurs propres éditeurs de musique, notamment Gordon Lightfoot, Loreena McKennitt et Dan Hill.
Leur point commun à tous, c'est leur statut d'entrepreneurs. Ils prennent tous des risques considérables dans l'espoir d'être récompensés. Dans le rapport publié récemment par le Groupe de travail sur l'avenir de l'industrie canadienne de la musique, nous avons constaté que, de toutes les contributions faites aux arts par les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux au Canada, seulement un dixième de un pour cent revient à l'industrie de la musique. Ce n'est pas une chose futile financée à même les fonds publics. C'est une énorme prise de risque. Cette réalité souligne et guide dans une très large mesure notre approche du projet de loi C-32 et la question de la réforme du droit d'auteur en général.
On a souvent dit qu'un véritable artiste crée des oeuvres d'art car il doit simplement le faire en raison d'une compulsion innée. De ce point de vue, l'artiste est inspiré par les muses pour écrire, composer, peindre - ad gloriam artes, ars gratia artis - tout pour la gloire de l'art, l'art pour l'amour de l'art. Il en est peut-être ainsi, mais la plupart des auteurs-compositeurs que je connais ont au moins la même envie de manger régulièrement. Chaque musicien connaît cette vérité élémentaire. Si l'orchestre n'est pas payé, il ne joue pas.
Dernièrement, nous avons entendu beaucoup de clichés à propos de l'autoroute électronique et du cyberespace, mais je tiens à souligner que la vie dans le cyberespace n'est pas une nouveauté pour les auteurs-compositeurs et les éditeurs de musique. Le produit de nos efforts peut être exécuté en public et reproduit sur une foule de supports, mais les actifs eux-mêmes n'ont aucune existence physique. Combien de fois avons-nous entendu dire que la population active de l'avenir sera très largement composée de travailleurs de la connaissance? Nous en avons toujours fait partie.
Le droit d'auteur est notre seule richesse. En l'absence de lois sévères sur le droit d'auteur, qui permettent aux créateurs d'exploiter de manière équitable et de protéger de façon efficace et abordable leurs oeuvres, on écrirait très peu de chansons. Les seules paroles que la plupart des auteurs produiraient seraient des «chansonnettes publicitaires?»
Au cours des présentes audiences, vous avez entendu et vous entendrez encore des plaidoyers habiles présentés par des groupes d'intérêts spéciaux - éducateurs, libraires, radiodiffuseurs - qui prétendent tous que leur cas particulier justifie soit une réduction de la protection du droit d'auteur pour les créateurs, soit une gratuité totale. Ils vous ont raconté que c'est le résultat de la nécessité d'établir un équilibre entre les intérêts des créateurs et ceux des usagers.
Il est évident qu'un certain équilibre s'impose. Mais lorsque les auteurs-compositeurs et les éditeurs de musique se lèvent le matin, ils n'ont pas l'avantage de bénéficier d'un milieu financé par les contribuables comme les éducateurs, ou d'un créneau garanti par le gouvernement sur la bande des fréquences comme les radiodiffuseurs. Chaque chanson qu'écrit un auteur-compositeur représente un risque, une initiative d'entrepreneur. Chaque auteur qu'un éditeur de musique met sous contrat constitue également un risque. Chaque nouvelle chanson lancée avec optimisme sur le marché - et sur un marché mondial, devrais-je ajouter - entre en concurrence avec toutes les autres chansons, passées et présentes. Le succès fantastique d'auteurs-compositeurs canadiens, comme Tom Cochrane, k.d. lang et bien d'autres, est la preuve qu'ils peuvent faire concurrence aux meilleurs.
En témoignant devant vous aujourd'hui, nous ne demandons pas de garanties. Nous ne demandons pas de fonds publics. Nous vous demandons de respecter l'investissement, la créativité et le dévouement des auteurs-compositeurs et des éditeurs de musique au Canada. Le droit d'auteur est notre seule richesse.
Je vais maintenant passer au projet de loi C-32. Je ne voudrais pas répéter le contenu de notre mémoire, mais j'aimerais souligner quelques-uns des points que nous avons abordés.
En premier lieu, je tiens à vous dire que nous sommes très reconnaissants du dépôt de ce projet de loi. L'ACEM, de concert avec ses collègues du Music Copyright Action Group, collabore étroitement avec les ministres et leur personnel depuis la phase précédente de la réforme du droit d'auteur. Comme le précise notre mémoire, nous appuyons très largement le projet de loi.
Nous sommes particulièrement honorés de constater que le ministre a retenu nos suggestions concernant la création d'un recours en dommages-intérêts préétablis. Cela facilitera largement la lutte fructueuse contre le piratage des disques et, soyons francs, contre les petits malins qui veulent diffuser des produits sur le marché sans payer les auteurs-compositeurs et les éditeurs de musique.
Le président: Monsieur Basskin, pourriez-vous ralentir un peu pour les interprètes?
M. Basskin: Ces petits malins - j'aime ce terme «petits malins» - veulent lancer des produits sur le marché sans payer les auteurs-compositeurs et les éditeurs de musique qui sont les premiers auteurs de la musique.
Je vais maintenant passer à quelques points précis du projet de loi.
Tout d'abord, il y a une disposition dans le texte proposé de l'article 70.11 qui obligerait les sociétés de gestion comme notre émetteur de licences, l'ACDRM, à mettre à la disposition du public, aux fins d'examen, «le répertoire de toutes les oeuvres... à propos desquelles les sociétés de gestion sont chargées d'octroyer des licences».
Même si l'ACDRM ne fait pas de secret des personnes que nous représentons ou de l'identité des oeuvres qui constituent le répertoire de notre clientèle, les détails de la titularité des chansons changent pratiquement tous les jours. Nous devons suivre des millions de chansons à la trace. Nous aimerions que cet article soit modifié pour permettre à l'ACDRM et aux autres sociétés de gestion de remplir cette obligation en répondant aux demandes de renseignements spécifiques dans un délai raisonnable au lieu de nous imposer l'obligation coûteuse et franchement irréalisable de publier tout notre répertoire.
Un autre point concerne le libellé proposé de l'article 30.7 qui traite de l'inclusion incidente ou par inadvertance d'une oeuvre dans une autre. Franchement, nous ne savons absolument pas pourquoi cette clause figure dans le projet de loi. En vertu du libellé actuel de la loi canadienne, ce n'est pas une défense dans le cadre d'une poursuite pour violation du droit d'auteur de dire que vous ne saviez pas que vous violiez un droit d'auteur et qu'il n'était pas dans votre intention de le faire, Autrement dit, l'intention n'a jamais été un facteur dans une infraction.
J'estime que vous pouvez facilement comprendre pourquoi. Si vous permettez à l'utilisateur non autorisé d'un droit d'auteur d'échapper aux conséquences de son acte par le simple fait que son utilisation n'était pas intentionnelle, cet argument vous sera lancé à la figure chaque fois que vous essaierez de protéger vos droits d'auteur. Et n'oublions pas que cet utilisateur aura pu réaliser des profits considérables pendant tout ce temps. Cette clause imposera des frais énormes aux titulaires de droits d'auteur et introduira dans le processus un niveau d'incertitude totalement inutile.
Ce ne pas de la simple théorie. Vous avez peut-être entendu parler d'échantillonnage. C'est une pratique très répandue chez les producteurs de disques qui utilisent des claviers numériques et d'autres appareils. Ils peuvent incorporer un court extrait, un échantillon d'un autre enregistrement, en le manipulant ou en le mixant souvent avec d'autres échantillons. Même si c'est une pratique courante, elle incorpore au moins une oeuvre, et souvent plusieurs, d'un titulaire de droits d'auteur dans le nouvel enregistrement. Parfois, l'échantillon de l'oeuvre est très récent; parfois il ne l'est pas. Dernièrement, bon nombre d'échantillons ont été tirés de disques Blue Note des années 60.
Aux États-Unis, la contestation a abouti à un texte clair dans la loi. Si vous incluez l'oeuvre de quelqu'un d'autre dans la vôtre, vous devez payer. Si vous ne le faites pas, c'est une infraction. L'intention n'a rien à voir avec cela. Même si la question n'a pas été contestée au Canada, il est largement accepté que la loi est la même ici.
Voyons maintenant le libellé proposé de l'article 30.7. En introduisant l'intention comme un test de violation, l'inclusion non autorisée d'une oeuvre dans une autre pourrait ne pas constituer une infraction si l'utilisateur peut prouver qu'il n'en a jamais eu l'intention ou qu'il n'en savait tout simplement rien. Ne soyons pas naïfs. Chaque producteur et son frère commenceront à prétendre que les échantillons n'ont pas été inclus intentionnellement, ce qui forcera les titulaires d'un droit d'auteur à engager des procédures totalement inutiles et coûteuses.
L'épreuve décisive de la loi réside dans le fait qu'elle est supposée être corrective. Elle est supposée régler un problème. Où se situe le problème que l'article 30.7 est censé régler? Nous ne pensons pas qu'il en existe un et l'ACEM souhaiterait que cet article soit supprimé complètement du projet de loi.
J'aimerais parler des exceptions prévues pour les établissements d'enseignement. Les écoles sont particulières. Le processus pédagogique est particulier. En tant que père d'une jeune fille de 12 ans, je ne vous dirai pas que les écoles doivent être traitées de la même façon qu'un utilisateur commercial d'oeuvres. Cependant, nous sommes très préoccupés par le libellé des exceptions prévues pour les établissements d'enseignement. À cet égard, nous appuyons la position adoptée par CANCOPY.
Les éditeurs de musique ont commencé leurs activités il y a des siècles en imprimant des partitions, et c'est une profession qui survit aujourd'hui, à peine dans certains cas. Je me demande combien d'entre vous ont pris des leçons de piano, ou vos enfants ou vos petits-enfants. Je suis prêt à parier que vous êtes assez nombreux, peut-être même une majorité. Si vous avez étudié le piano au Canada d'un océan à l'autre, en français ou en anglais, vous avez probablement utilisé ces livres ou leurs prédécesseurs, qui sont les livres de cours de piano publiés par le Royal Conservatory of Music de Toronto. Ils ne ressemblaient pas du tout à cela lorsque vous avez appris le piano. Ils avaient une couverture en papier de couleur unie.
L'un de nos membres de l'ACEM, la Frederick Harris Music Company, a acheté le secteur des cours de piano du Royal Conservatory. Elle a investi environ 400 000$ dans la création de nouveaux ouvrages, de nouvelles musiques et de nouveaux arrangements. Ce que nous avons ici, ce sont des livres de répertoire, des manuels d'étude, des guides pour les enseignants. Elle produit également des disques compacts et des cassettes de la musique. Tout est fait au Canada, jusqu'au dessin de la couverture. C'est du matériel de très belle facture.
La pile que j'ai devant moi ne représente qu'une infime partie des quelque 60 ouvrages que comporte le projet. La compagnie a bien réussi. Pour un éditeur de musique, c'est un investissement énorme. Comme toute entreprise, c'est un investissement qui ne peut être fait qu'avec l'espoir d'obtenir un rendement raisonnable.
Voyons ce que ferait le projet de loi C-32. Le paragraphe 29.4(2) proposé est extrêmement vague. Il créerait une exemption, et je cite:
- en vue d'un exercice scolaire, d'un examen ou d'un contrôle donné dans les locaux de
l'établissement, notamment l'énoncé de questions, la communication des questions ou
réponses aux personnes qui font l'exercice ou passent l'examen ou le contrôle et la
communication des réponses par ces personnes.
Et qu'est-ce qu'un établissement d'enseignement? Où sont ses locaux? À l'ère de l'apprentissage à distance par le réseau Internet, ses locaux ne sont assurément plus son immeuble. La définition d'un «établissement d'enseignement» à la clause 1 du projet de loi nous donne très peu d'indications. Qu'en est-il des cours payants organisés par les écoles? La définition désigne des établissements sans but lucratif, comme les écoles, qui sont admissibles à l'exception, mais ne dit rien des activités entreprises par ces écoles dans le but de réaliser un profit.
Ce sont là des inquiétudes réelles pour nos membres. Les éditeurs de livres sont peut-être moins préoccupés par la perspective d'une photocopie massive de quelques pages d'un de leurs ouvrages, mais dans le cas de la musique, un professeur de chorale peut s'intéresser à une seule page, une seule chanson. Il n'est pas juste d'en permettre la photocopie non rétribuée alors que les éditeurs sont disposés à satisfaire les besoins des éducateurs pour traiter rapidement les demandes de licences.
Je peux aborder ce sujet si vous voulez savoir ce que nous avons fait avec CANCOPY pour accorder rapidement des licences.
Est-ce que le projet de loi ne nous met pas un peu à l'aise avec le libellé proposé du paragraphe 29.4(3), qui éliminerait l'exception? Je cite: «si l'oeuvre ou l'autre objet du droit d'auteur sont accessibles sur le marché et sont sur un support et d'une qualité appropriés». Encore une fois, le texte est vague. Qui va déterminer le caractère approprié? Qui va définir l'expression accessibles sur le marché?
Toute cette disposition est dangereusement vague. Si les exceptions prévues pour les établissements d'enseignement ne sont pas énoncées clairement, nous pouvons nous attendre à ce que les écoles, en période de restrictions budgétaires, cherchent à faire des économies où elles le pourront. Même si nous appuyons la cause des écoles qui sont confrontées à ce défi, nous estimons qu'il est tout à fait inapproprié que les titulaires de droits d'auteur soient appelés à les subventionner involontairement de cette façon. Toutes les autres parties sont rétribuées. Les titulaires de droits d'auteur méritent le même respect pour leurs investissements. Nous aimerions que le libellé de cette question soit réexaminé et mieux rédigé après une consultation plus large des titulaires de droits d'auteur. Je reviendrai plus tard à la consultation.
Le libellé proposé de l'article 30.7 s'occuperait de la photocopie et transformerait les écoles, les bibliothèques, les archives et les musées en ce que beaucoup ont appelé des «zones exemptes de droits d'auteur». Il est tout à fait inacceptable d'accorder à ces établissements une immunité face aux conséquences de la photocopie non autorisée à l'intérieur de leurs locaux en affichant tout simplement un écriteau symbolique au-dessus de leurs machines Xerox sous forme d'un «avertissement d'infraction au droit d'auteur».
Les projets actuels et imminents en matière de technologie de dépistage, alliés à la disponibilité des licences collectives cadres de la CANCOPY et de l'UNEQ, constituent une solution de rechange acceptable à cette suppression généralisée des droits des créateurs et des titulaires de droits d'auteur. Tout comme l'autre exception concernant les établissements d'enseignement, nous estimons que celle-ci devrait être renvoyée à la table de travail.
Passons aux dommages-intérêts préétablis. J'ai déjà mentionné que nous étions satisfaits de l'introduction d'un recours en dommages-intérêts préétablis, mais quelques commentaires s'imposent. Au cours de ces audiences, des témoins ont laissé entendre que le recours en dommages-intérêts préétablis permettrait aux éditeurs de musique d'infliger des amendes de 20 000$ à des contrevenants malchanceux avec une facilité quasi frivole. Je le souhaiterais.
La procédure est le véritable sport des rois. C'est terriblement coûteux, long et démoralisant. Ce n'est pas une partie de plaisir. À la différence des Américains, les Canadiens ne sont pas prédisposés à la contestation en premier recours. Notre système, qui impose les frais juridiques du gagnant au perdant, et les perspectives de gains modestes - oui, même avec des dommages-intérêts préétablis - font de la contestation une activité rare, surtout dans le domaine musical.
Je suis un avocat spécialisé dans le droit d'auteur et je conseille constamment des éditeurs de musique sur ces questions. Je puis vous assurer qu'au cours des sept années où j'ai géré l'ACEM et l'ACDRM, je n'ai pas vu une seule poursuite non fondée pour violation du droit d'auteur.
N'oublions pas que le système des dommages-intérêts préétablis proposé dans le projet de loi C-32 n'accorde pas automatiquement 20 000$. Le texte proposé de l'article 38.1 énonce un éventail de dommages-intérêts allant 500 à 20 000$ dans le cas d'une infraction délibérée, et abaisse la sentence minimum à 200$ dans le cas d'une infraction par inadvertance. Il y a même une clause qui prévoit que le juge peut abaisser ce montant au-dessous de 500 ou 200$ si, à son avis, le montant «serait extrêmement disproportionné à la violation», dans quel cas le tribunal peut imposer un montant qu'il estime équitable. Cela ne risque pas de les ruiner. Franchement, l'ACEM aimerait que les montants maximums soient augmentés, tel qu'énoncé dans notre mémoire.
Une question dépasse une simple préférence. Le libellé proposé du paragraphe 38.1(4) imposerait un plafond aux dommages-intérêts préétablis disponibles lorsqu'une société de gestion comme l'ACDRM est concernée. Nous ne voyons pas l'intérêt de ce point. Si les sociétés de gestion ne sont pas autorisées à intenter des poursuites sur la base des dommages-intérêts préétablis, nos membres seront obligés d'entamer toute une kyrielle de poursuites, lorsqu'elles sont appropriées, pour aboutir au même résultat. Les tribunaux ont toujours été réticents à tolérer un nombre excessif de poursuites. Nous estimons que cette clause particulière devrait être supprimée.
Passons à la redevance sur les enregistrements maison. Il est grand temps mais cela ne rapportera vraisemblablement pas grand chose. Au cours de témoignages précédents, des intervenants ont laissé entendre que beaucoup de cassettes vierges sont achetées pour copier des sermons d'église, pour dicter et enregistrer à la maison et pour une foule d'autres usages - tout sauf la copie privée de disques compacts et de cassettes disponibles sur le marché. Je laisserai les fabricants de cassettes parler en leur nom. Je sais qu'ils ont déjà témoigné devant vous. Laissez-les faire parler leurs produits.
Cette semaine, j'ai acheté ces produits dans divers dépanneurs à Toronto. Aucune de ces cassettes ne coûte plus de 4$. Regardez ce qui est écrit sur l'emballage: «Excellent pour CD», «Idéal pour CD», «Meilleur pour CD», il y a même une marque appelée «CD It». Je crois fermement à la preuve démonstrative. Chacune de ces cassettes ne coûte pas plus de 4$ mais vous pourriez copier dessus de la musique valant de 10 à 25$, en supposant, peut-être à tort, que vous ne l'utiliserez qu'une seule fois.
Qui n'est pas rétribué dans les cas de copies pour usage privé? Les auteurs-compositeurs, les éditeurs de musique, les artistes-interprètes, les producteurs et les compagnies de disques. Qui est rétribué? La compagnie qui vend les cassettes. La cassette vierge se vend bien meilleur marché que la musique préenregistrée. Je pense que vous avez saisi le problème.
Nous appuyons fortement les dispositions du projet de loi concernant les redevances sur les cassettes, mais il est peu probable que le montant de cette redevance permettra de récupérer la totalité de l'argent perdu par les copies maison. Il vaut mieux avoir quelque chose que rien. Toutefois, nous aimerions soulever deux points importants.
Premièrement, la définition de l'expression «auteur admissible» dans le texte proposé de l'article 79 empêcherait les éditeurs de musique de bénéficier des revenus provenant de la redevance sur les cassettes. Nous avions cru comprendre qu'au cours des consultations ayant abouti au dépôt de ce projet de loi, les éditeurs de musique y participeraient sur un pied d'égalité avec les auteurs. Dans notre mémoire, nous avons demandé que cette entente se traduise par une modification du texte proposé de cet article.
Deuxièmement, nous appuyons le point de vue exprimé par l'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement (AICE) et d'autres organismes, à savoir que l'imposition d'une redevance sur les cassettes ne devrait pas créer une exemption du droit qu'a le titulaire d'un droit d'auteur de contrôler la reproduction de ses oeuvres. Dans le contexte de l'autoroute de l'information, ce précédent ne serait pas bien accepté. Au lieu de cela, la redevance devrait créer une licence obligatoire permettant la reproduction d'oeuvres musicales et d'enregistrements par suite du paiement de la redevance. Je me ferai un plaisir d'aborder ce point plus tard si vous le souhaitez. Nous préférons les licences, pas les exemptions.
J'aimerais parler d'une question que nous n'avons pas abordée dans notre mémoire, la soi-disant exception éphémère. Nous ne l'avons pas abordée car le ministre a pris la bonne décision de ne pas l'inclure dans le projet de loi. Une exemption éphémère est inutile, dangereuse et parfaitement injustifiée. Je vais traiter de ce sujet point par point.
Les radiodiffuseurs vous ont dit qu'ils risquent des poursuites catastrophiques parce qu'ils copient de la musique d'un support sur un autre. Ils copient de la musique de disques sur des cassettes ou de disques compacts sur un disque rigide ou autrement, pour des raisons de commodité en vue de la programmation de leurs stations. Ils prétendent qu'ils courent, de ce fait, un risque.
Les membres de l'ACEM et les 30 000 éditeurs clients de l'ACDRM représentent environ85 p. 100 de la musique utilisée au Canada. Aucun de ces titulaires de droits d'auteur n'a jamais contacté une station radiophonique en exigeant d'être payé pour ce genre de transposition de support. Aucun. Les éditeurs de musique reconnaissent que cette copie fait partie intégrante du fonctionnement des stations radiophoniques et se rendent également compte que tout éditeur assez stupide pour exiger d'être payé pour une telle copie se retrouverait vraisemblablement rayé sur-le-champ de la liste de diffusion de la station. Une fois encore, si rien n'est cassé, il est inutile de réparer.
Mais vous pourriez vous poser la question suivante: «Si ce genre de copie ne pose aucun problème aux éditeurs, pourquoi alors ne pas l'officialiser dans une exemption?» Comme je l'ai mentionné au début, tout ce que nous possédons c'est le droit d'auteur. À la différence des radiodiffuseurs, les éditeurs de musique ne détiennent pas un permis du CRTC leur garantissant qu'ils n'affronteront pas de nouveaux concurrents. Avant de prendre la décision radicale d'exproprier une partie de nos droits, vous devez être convaincus que la situation actuelle est si inacceptable, si manifestement injuste pour les radiodiffuseurs, que vous n'avez pas d'autre solution.
Je dois vous dire que nous avons rencontré récemment des représentants de l'Association canadienne des radiodiffuseurs et que nous sommes en pourparlers avec eux pour trouver un moyen de régler ce problème par le biais d'une licence à coût très modique - peut-être même une licence gratuite - que nous considérons nettement préférable à l'inclusion d'une exemption. Il n'y a pas de panique et une exception introduite au dernier moment pourrait avoir des conséquences fortuites et très négatives.
Passons à la télévision pour laquelle la loi actuelle est simple. Si un film, une émission de télévision ou une annonce publicitaire contient une reproduction d'une oeuvre musicale protégée par un droit d'auteur, il faut obtenir la permission du propriétaire de cette oeuvre pour effectuer une telle reproduction. Cette permission est accordée dans le cadre d'une licence de synchronisation - c'est un nom fantaisiste pour un contrat - dont les conditions sont négociées au cas par cas entre le réalisateur et le titulaire du droit d'auteur ou son agent, comme l'ACDRM. Cela s'applique à tous les films, émissions de télévision ou annonces publicitaires, qu'ils soient produits par des compagnies indépendantes ou par des radiodiffuseurs agissant comme réalisateurs. Comme vous le savez peut-être, la Cour suprême du Canada a confirmé ce point en 1991 dans l'affaire Bishop pour les programmes produits par des radiodiffuseurs.
Comment est accordée une licence de synchronisation? Le producteur présente une demande au titulaire du droit d'auteur ou à son agent, en identifiant la chanson qu'il souhaite utiliser et les conditions d'utilisation, comme le territoire, le nombre de passages, le support, etc. Si le titulaire du droit d'auteur et le radiodiffuseur parviennent à s'entendre sur les conditions, une licence est émise. L'une des conditions qui figure toujours dans une licence de synchronisation est l'autorisation de faire des copies de l'émission. Le titulaire de licence, à savoir le producteur de l'émission, se voit accorder le droit de faire toutes les copies nécessaires pour exploiter les droits qu'il a obtenus par licence auprès du titulaire du droit d'auteur.
Prenons un exemple. Supposons que vous êtes un producteur et que vous avez obtenu par licence la chanson «Noël blanc», d'Irving Berlin, pour l'utiliser dans votre émission qui passera jusqu'à cinq fois à la télévision gratuite et payante au Canada et aux États-Unis. Dans le cadre de cette licence, vous auriez le droit de faire toutes les copies nécessaires pour utiliser réellement ce droit. Autrement dit, pourquoi négocieriez-vous et paieriez-vous pour une licence visant à inclure la chanson si la seule et unique copie que vous avez été autorisé à faire est la copie maîtresse de l'émission qui se retrouvera dans la chambre d'entreposage des films? Cela aurait-il du sens? Non.
Les télédiffuseurs obtiennent leurs émissions de deux sources: ou bien ils les font eux-mêmes, ou bien ils les achètent de quelqu'un d'autre. Lorsqu'ils achètent les émissions d'un producteur indépendant, ce dernier a déjà obtenu les licences pour y inclure la musique protégée par un droit d'auteur. Ces licences lui permettent de faire les copies nécessaires. Elles autorisent également les acheteurs des émissions, les télédiffuseurs, à faire les copies nécessaires. Autrement dit, le droit de «transposition de support», réclamé par les radiodiffuseurs qui vous disent ne pouvoir l'obtenir qu'en pourfendant un droit pour la protection duquel nous nous sommes activement battus, est déjà entre leurs mains en vertu des licences de synchronisation accordées aux producteurs indépendants des émissions qu'ils achètent.
Si tel est le cas, alors pourquoi sont-ils si contrariés? C'est à cause des émissions qu'ils produisent eux-mêmes. Depuis de nombreuses années, les radiodiffuseurs ont décidé qu'ils n'avaient pas besoin de payer - jamais - pour l'inclusion de musique protégée par un droit d'auteur dans les émissions qu'ils produisent eux-mêmes car il s'agit, à leur avis, d'une exception implicite dans la loi. Autrement dit, un producteur indépendant devait payer pour l'inclusion d'une chanson protégée par un droit d'auteur dans son émission, mais un radiodiffuseur ne devait pas payer. Pourquoi? Selon eux, c'était la tradition dans l'industrie.
C'était le fondement de l'affaire Bishop entendue par la Cour fédérale, la Cour d'appel fédérale et, par la suite, la Cour suprême du Canada. Dans chaque instance successive, le jugement a été le même: si vous utilisez une chanson protégée par un droit d'auteur, vous devez payer. Il n'y a pas de franchise pour les radiodiffuseurs par le simple fait que ce sont des radiodiffuseurs, ce qui est en réalité assez simple et équitable lorsque vous y réfléchissez bien.
L'achat du droit d'incorporer une chanson n'est qu'une des nombreuses transactions qui entrent dans la fabrication d'une émission de télévision. Il faut payer pour tout le reste - les intervenants, les caméras, les studios, le film ou la bande, même le service de restauration. Les radiodiffuseurs, tout comme les autres producteurs, doivent payer pour tout cela. Pourquoi la musique devrait-elle faire l'objet d'une exception? Simplement parce que cela est possible? Ce n'est pas sur de telles bases que l'on doit bâtir des lois.
Mais attendez un instant. Ne parlions-nous pas de transposition de support? Comment est arrivée ici cette notion de «quelque chose pour rien»?
Rappelez-vous que le droit de transposition entre supports est toujours inclus dans les licences de synchronisation accordées par les éditeurs de musique. La véritable raison pour laquelle les radiodiffuseurs veulent une exception éphémère, c'est pour se libérer complètement de leur obligation de payer pour la musique dans leurs productions. Ce que l'industrie de la radiodiffusion veut vraiment, c'est vous voir éclaircir les répercussions de l'affaire Bishop et enchâsser leur droit à une musique gratuite dans la Loi sur le droit d'auteur.
Si vous en doutez, je vous suggère de jeter un coup d'oeil, par exemple, sur le mémoire déposé par CHUM Ltd. Il s'agit d'une diatribe interminable contre l'industrie de l'édition de musique qui insiste pour se faire rétribuer pour l'utilisation de sa musique. CHUM n'arrête pas de dire combien il est injuste de leur faire chercher les titulaires, combien c'est difficile et long et combien cela coûte pour obtenir la licence sur la musique. Ils accusent même l'ACDRM de coter des tarifs avec un préjugé favorable à ses clients éditeurs de musique et non pas favorable à CHUM Ltd. Eh bien, je dois avouer que je plaide coupable dans ce cas-là.
Les radiodiffuseurs ne sont pas des écoles. Ils ne sont pas des groupes de personnes déficientes. Ils ne sont pas les archives nationales. Ils sont en affaires, tout comme les éditeurs de musique. L'octroi d'une licence pour la musique est une transaction commerciale qui se déroule tous les jours. L'ACDRM a émis des milliers de licences de synchronisation l'an dernier et cette année, et les éditeurs de musique en ont émis des milliers d'autres directement à des réalisateurs. Rien ne justifie l'expropriation de nos droits pour satisfaire les souhaits des radiodiffuseurs qui veulent utiliser gratuitement la musique.
Est-il difficile d'obtenir une licence pour la musique? Oui, parfois ce peut être long. Dans certains cas, les attentes financières d'un éditeur de musique concernant les frais de licence sont supérieures à ce que le marché peut supporter, mais c'est ainsi. Les lois du marché fonctionnent intégralement et tant les acheteurs que les vendeurs cherchent tous à réaliser de bonnes affaires. Pourquoi demande-t-on l'intervention du Parlement?
Inversons les rôles. Je n'apprécie pas que les radiodiffuseurs facturent plus que ce que j'aimerais payer pour des annonces publicitaires. Je n'apprécie pas, en tant que publiciste, de ne pas pouvoir acheter exactement la publicité dans l'émission que je veux. Les radiodiffuseurs essaient sans arrêt de m'inciter à acheter un ensemble d'annonces. Allez-vous, mesdames et messieurs les députés, me faire une faveur et annuler leur droit de contrôler la vente de leurs annonces publicitaires pour me satisfaire?
Disons que je suis un producteur indépendant et que j'ai une idée formidable pour faire une série télévisée, mais que je n'arrive pas à persuader un radiodiffuseur, avant la production, de prendre l'engagement de la diffuser que Téléfilm Canada insiste d'obtenir avant d'investir. Pas de lettre de radiodiffusion et pas de fonds - donc pas de production. Allez-vous intervenir en enlevant aux radiodiffuseurs le droit de déterminer quelles émissions ils achèteront? Évidemment pas.
Ces deux exemples constitueraient une interférence inacceptable dans les affaires privées des radiodiffuseurs. Il n'est pas plus acceptable de suggérer que nos droits de titulaires de droits d'auteur sur la musique devraient être expropriés parce que les radiodiffuseurs n'apprécient pas de ne pas pouvoir utiliser notre musique gratuitement.
Vous avez entendu dire que d'autres pays disposent d'exemptions éphémères dans leurs textes de loi. Ce que vous ne savez pas, c'est que ces exemptions, en particulier aux États-Unis, sont désastreuses dans la pratique du point de vue des titulaires de droits d'auteur. Je vais aborder quelques points.
L'exemption américaine court pendant six mois à partir de la première diffusion de l'émission, mais le radiodiffuseur n'a pas l'obligation de tenir un registre pour savoir quelle musique a été incorporée dans une émission, quelle émission a été créée, quand elle a été diffusée ou combien de fois. En l'absence de ces renseignements, les éditeurs de musique sont forcés d'essayer d'attraper les fautifs lorsqu'une émission est utilisée après le délai de six mois, alors qu'elle aurait dû être détruite ou que la musique devrait faire l'objet d'une licence pour utilisation ultérieure.
La loi américaine exige que les émissions créées conformément à l'exemption soient détruites. Dans la pratique, ce n'est jamais le cas. Il n'existe pas de moyens efficaces de surveiller ou de contrôler cette situation.
La loi américaine élargit l'exception uniquement au radiodiffuseur détenant une licence, pas à un producteur qui travaille au nom du radiodiffuseur. Cependant, on produit un nombre étonnant de programmes de télévision pour lesquels le producteur réclame le bénéfice de l'exemption à laquelle il n'a pas droit. Ceci entraîne des procédures longues, délicates et coûteuses.
L'exemption américaine que les radiodiffuseurs vous ont présentés comme le modèle à suivre comporte d'autres lacunes.
Enfin, il y a le marché le plus lucratif pour toute la reproduction de musique: les messages publicitaires. Aujourd'hui, les annonceurs sont disposés à payer des sommes faramineuses pour inclure des musiques protégées par un droit d'auteur dans les publicités, comme nous l'avons vu récemment avec la Banque de Montréal - bien que je ne sache pas combien elle a payé pour la chanson «The Times They Are A-Changin'». En vertu d'une exemption éphémère, rien n'empêcherait les radiodiffuseurs de créer des publicités pour leurs clients annonceurs et d'inclure de la musique de nos membres sans permission ni rétribution, sous prétexte qu'il s'agit d'une utilisation éphémère à court terme. Je pose encore une fois la question: Est-ce que les radiodiffuseurs accepteraient que quelqu'un d'autre fasse une telle intrusion dans leurs droits?
De toute évidence, vous avez maintenant saisi notre point de vue. Le droit de transposition entre supports est déjà inclus dans les licences de synchronisation. La pression exercée par les télédiffuseurs pour obtenir une exemption éphémère est une méthode de diversion destinée à éliminer de facto notre droit de contrôler la reproduction de nos chansons dans les émissions de télévision. Rien ne le justifie. L'octroi de licences de synchronisation pour la musique dans les émissions de télévision est une opération commerciale sur un vrai marché qui fonctionne selon les règles de l'art. Il n'y a pas de motif valable pour justifier une intrusion parlementaire ou pour éliminer les droits de nos membres à cet égard.
Enfin, j'aimerais dire un mot sur l'accès au répertoire de nos membres. Je voudrais vous montrer un nouvel élément du site web de l'ACDRM.
Ce que vous voyez ici, c'est la page d'accueil du site web ACDRM-ACEM. Vous pouvez voir un gros titre en haut, et il n'y a là rien d'éphémère: «L'ACEM critique la mainmise des radiodiffuseurs sur les droits». On dirait presque un éditorial. Ce que cela veut dire, c'est que vous pouvez demander des licences de synchronisation à partir de votre fureteur.
Je veux simplement vous montrer comment ce processus est accessible. Toute personne qui dispose d'un fureteur du web, assez accessible de nos jours, peut cliquer ici et un formulaire surgira sur l'écran. Il est calqué sur celui que nous utilisons pour les transmissions par télécopieur. Il vous permet de remplir tous les renseignements. Vous identifiez le producteur et ses coordonnées. Dans la deuxième section, vous mentionnez l'oeuvre musicale que vous désirez et ensuite vous décrivez l'émission. Nous avons prévu suffisamment d'espace ici pour décrire presque tous les types d'émissions: la langue, la durée de projection. Vous décrivez l'utilisation prévue de la musique, le nombre d'utilisations, la durée et la description de la scène et vous nommez les territoires visés. Vous pouvez cocher «Canada ou États-Unis», «monde à l'exclusion des États-Unis», etc. Vous pouvez mentionner les marchés qui vous intéressent - et vous pouvez constater qu'il y a là un nombre incalculable de marchés différents, depuis le monde du théâtre jusqu'à une retransmission en direct par satellite, aux lignes aériennes, aux festivals cinématographiques, etc. En outre, nous voulons connaître le budget global du film afin d'avoir une idée du genre de production dont il s'agit, et d'autres renseignements éventuels.
Au bas de la page, vous pouvez voir un bouton qui porte la mention «Submit». Si vous cliquez dessus, si tous ces champs avec des points bleus - les champs requis - sont remplis, vous obtenez un message vous remerciant de votre demande. Deux minutes plus tard, vous recevez un message par télécopieur confirmant tous les détails de votre demande. Autrement dit, nous ne disons pas aux gens de faire des demandes à partir de rien. Ils obtiennent immédiatement une télécopie confirmant ce qu'ils ont fait et, en moins de soixante minutes, une télécopie parviendra à notre client pour lui demander un devis.
Nous finissons par délimiter tout le processus dans le web. J'espère que nous pourrons confirmer les détails des licences par courrier électronique. Tout cela évolue rapidement à l'heure actuelle.
En autant que je sache, c'est le seul système au monde qui vous permet de faire une demande en direct et d'obtenir immédiatement une confirmation par télécopieur. C'est la preuve que nous sommes accessibles par téléphone, par télécopieur, par courrier, par le World Wide Web. Nous ne faisons pas l'autruche. Nous sommes en affaires. Il n'est pas dans notre intérêt de compliquer les recherches effectuées pour nous trouver ou le processus d'octroi des licences concernant nos droits. Nous ne voulons tout simplement pas qu'ils soient expropriés.
En conclusion, je voudrais dire quelques mots sur le processus de réforme du droit d'auteur. On nous répète depuis de nombreuses années maintenant que la réforme de la Loi sur le droit d'auteur sera un processus continu. C'est la phase deux, quelque huit années après la phase un. Nous ne pouvons tolérer des retards comme celui- ci. La technologie n'est pas immuable.
Non seulement avons-nous besoin que la phase trois soit amorcée presque immédiatement au niveau du ministère, mais il faut que les ministères soient davantage disposés à consulter les milieux des créateurs et des utilisateurs des droits d'auteur d'une façon que nous n'avons pas beaucoup constatée cette fois-ci. Même s'il y a eu beaucoup de consultations, je veux parler de la rédaction du projet de loi en particulier. Il est évident que le privilège parlementaire exige que le texte final des projets de loi soit gardé secret jusqu'à leur dépôt en Chambre, mais rien n'empêche les ministères de faire circuler une ébauche pour obtenir des commentaires «sans engagement». Notre association et de nombreux autres groupes concernés par les droits d'auteur estiment que ce projet de loi aurait été mieux rédigé si le texte avait pu circuler à une étape antérieure.
Je vous remercie de votre patience. Je tiens à vous répéter que nous sommes très heureux du dépôt de ce projet de loi car il constitue une étape cruciale et nécessaire dans notre processus continu de réforme du droit d'auteur.
Je vous remercie de nouveau et je répondrai avec plaisir à vos questions.
La vice-présidente (Mme Phinney): Merci, monsieur Basskin. Vous avez été très clair pour les non-initiés qui ne travaillent pas forcément dans ce domaine tous les jours; vous avez donc fait un excellent exposé.
Monsieur Leroux.
[Français]
M. Leroux (Richmond - Wolfe): Monsieur Basskin, je vous remercie d'avoir présenté votre mémoire et je tiens à vous dire que nous sommes extrêmement sensibles au domaine de l'édition de la musique. Nous y sommes sensibles parce que vous faites une démonstration assez évidente que, dans ce domaine, la reconnaissance des droits ne semble pas très solide. En tout cas, il n'y a pas d'assises solides.
Dans votre exposé, vous exprimez les mêmes préoccupations que beaucoup d'ayants droit, d'auteurs, particulièrement en ce qui a trait aux exceptions. Les exceptions sont, pour un certain nombre de groupes qui sont venus témoigné, une expropriation des droits et une absence de reconnaissance de la libre négociation et surtout du principe d'accorder des licences aux ayants droit.
Je tiens à vous dire que nous sommes très sensibles aux droits d'auteurs et aux droits voisins. Vous parlez de précisions en ce qui a trait aux exceptions.
Hier, la Commission du droit d'auteur est venue nous dire qu'en substance, en ce qui la concerne, ces champs-là sont assez clairs. Il y a des précisions à apporter, mais tout ce qui est accordé à qui que ce soit va toujours reposer sur la capacité de payer des industries.
Vos dernières observations portaient sur les technologies modernes, les technologies nouvelles. La démonstration que vous venez de nous faire démontre la nécessité de revoir le projet de loi.
Évidemment, le projet de loi contient une disposition qui stipule qu'il devra être revu dans cinq ans. Malheureusement, le ministère n'a pu confirmer que la phase III serait revue dans cinq ans.
On nous dit que, sous certains aspects, le projet de loi est déjà dépassé avant même d'avoir été adopté. J'aimerais que vous m'en parliez un peu plus. J'ai été étonné d'apprendre, dans la démonstration sur l'Internet, que vous n'êtes pas capables, dans les conditions actuelles, de répondre à l'exigence de la loi qui vous oblige à mettre le répertoire au service du public.
Est-il possible technologiquement que votre répertoire soit constamment mis à jour? Qu'est-ce qui fait qu'avec cette loi, votre répertoire ne sera pas disponible au public?
[Traduction]
M. Basskin: Je vous remercie d'endosser nos points de vue sur la valeur des licences par rapport aux exceptions.
Vous m'avez demandé pourquoi l'idée de publier notre répertoire nous embête. Je ne veux pas me vanter, mais si vous le demandez, nous le ferons. Si nous devons le faire, nous le ferons. À l'heure actuelle, une copie de notre répertoire exigerait une tonne de papier. Ce n'est certainement pas très écologique. Je suppose que nous pourrions le publier sur disquette.
J'ai un service composé de quinze personnes qui consacrent tout leur temps de travail quotidien à enregistrer les informations sur les chansons nouvellement créées, celles qui ont changé de titulaire, celles qui sont entrées dans le domaine public et celles qui ne sont pas représentées par l'ACDRM ou qui sont arrivées dans notre répertoire. Je pourrais prendre la peine de publier tous ces renseignements, mais je ne me demande à quoi cela pourrait bien servir.
À l'heure actuelle, nous recevons beaucoup de demandes de renseignements de citoyens qui veulent savoir à qui appartient une chanson. Nous leur répondons. Nous le faisons présentement et nous sommes assez contents de le faire. Ce que j'aimerais, au lieu que le projet de loi nous impose de rendre tout le répertoire disponible... cela ne serait peut-être pas faisable. De toute évidence, nous voulons respecter la loi. Comme autre solution, nous aimerions que les sociétés de gestion puissent répondre aux demandes de renseignements dans des délais raisonnables, ce que nous faisons déjà. Je vous répète que cela peut se faire sur le web. C'est possible...
[Français]
M. Leroux: Que voulez-vous dire par des délais raisonnables? Concrètement, cette incapacité est reliée à quelque chose.
[Traduction]
M. Basskin: En 24 heures. Si vous nous envoyez un message par courrier électronique ou par télécopieur ou si vous nous téléphonez pour nous demander si nous représentons une chanson et qui en est le titulaire, nous vous le dirons. Nous le faisons déjà. J'estime tout simplement qu'il n'est pas nécessaire ou pratique de nous imposer de publier une liste de plusieurs millions de chansons alors que nous sommes capables de répondre directement aux questions. C'est une question d'ordre pratique.
Si je devais vous envoyer une liste des personnes que je représente, simplement le nom des éditeurs de musique que je représente, le document ferait 300 pages. Au lieu de gaspiller notre temps à envoyer des listes énormes, nous préférerions répondre aux demandes de renseignements puisque vous voulez en réalité un renseignement bien ciblé.
[Français]
M. Leroux: Avez-vous une suggestion quant à un libellé de cet article qui pourrait correspondre à la réalité et à la pratique?
[Traduction]
M. Basskin: Sur ce sujet particulier?
M. Leroux: Oui.
M. Basskin: Je ne vais pas essayer de l'inventer de toutes pièces, mais je me ferai un plaisir de le remettre au comité pour étude avant la fin de la semaine si vous le souhaitez.
[Français]
M. Leroux: Il serait intéressant que vous nous fassiez parvenir un libellé qui serait clairement adapté à cette pratique.
Vous avez aussi soulevé la question des droits reliés à l'importation parallèle. En ce qui a trait à l'édition de la musique, cela pourrait-il ressembler au mécanisme du livre? Y a-t-il quelque chose qui ressemble à cela? Comment cela pourrait-il se faire en ce qui a trait à l'importation parallèle?
[Traduction]
M. Basskin: À l'heure actuelle, il n'y a évidemment aucune protection pour les droits des titulaires exclusifs d'une licence et il n'existe pas de protection semblable pour l'importation parallèle de signaux sonores. Dans ce cas, nous sommes pleinement d'accord avec la position de l'AICE.
Je serai très bref sur ce sujet. Nos éditeurs de musique ont le droit de représenter des chansons au Canada. Il arrive souvent qu'un éditeur ou un autre organisme d'édition différent détienne les droits aux États-Unis ou dans divers pays d'Europe. Lorsque des produits sont importés au Canada sans licence appropriée, les redevances finissent par être collectées par un intervenant à l'étranger, même lorsqu'il existe une entité canadienne qui, dans de nombreux cas, a payé pour avoir le droit de les distribuer au Canada.
Il nous faut de meilleurs contrôles aux douanes et de meilleurs contrôles dans la loi pour obtenir la même protection contre les importations parallèles que celle dont bénéficient les éditeurs de livres. Nous estimons que c'est une bonne idée pour les maisons d'édition et nous estimons que c'est une bonne idée pour les radiodiffuseurs.
[Français]
M. Leroux: Vous avez aussi soulevé la question du régime des dommages-intérêts et vous suggérez, dans votre mémoire, un plafond de 100 000$. J'aimerais que vous me parliez davantage de ce champ. Comme vous êtes aussi avocat, dites-moi pourquoi vous suggérez cette chose.
[Traduction]
M. Basskin: S'il n'en tenait qu'à moi... Nous aimerions simplement avoir la parité avec la situation en vigueur aux États-Unis.
Je reconnais que l'inclusion du texte proposé de l'article 38.1 constitue une importante percée dans la loi canadienne. Il existe très peu de dispositions visant des dommages-intérêts préétablis ailleurs dans les lois canadiennes et celle-ci représente une véritable percée. Nous estimons que le plafond des dommages-intérêts - et n'oubliez pas que la discrétion des juges jouera énormément ici - serait approprié dans certains cas, mais nous reconnaissons que c'est une percée.
Nous pourrions peut-être revenir à cette question du niveau du plafond lorsque le Parlement réexaminera la loi dans cinq ans, ce que j'espère et suis sûr qu'il fera. Nous pourrons alors vous faire profiter d'une certaine expérience. Nous estimons qu'il y aura des cas, en particulier de piratage et de contrefaçon, qui justifieront des dommages-intérêts plus élevés. Nous devrons en fin de compte vous le démontrer avec de nouvelles preuves.
La vice-présidente (Mme Phinney): Merci, monsieur Leroux. Nous allons passer àM. Abbott.
M. Abbott (Kootenay-Est): Je remarque qu'à la page 8 de votre exposé, vous dites: «Les membres de l'ACEM et les éditeurs clients de l'ACDRM représentent environ 85 p. 100...» Vous insistez ensuite sur le fait que personne n'intenterait de poursuite contre un radiodiffuseur lorsque vous dites:
- Les éditeurs de musique reconnaissent que cette copie fait partie intégrante du fonctionnement
des stations radiophoniques et se rendent également compte que tout éditeur assez stupide pour
exiger d'être payé pour une telle copie se retrouverait vraisemblablement rayé sur-le-champ de
la liste de diffusion de la station.
M. Basskin: Mes membres sont parfaitement au courant de la situation actuelle en vertu de la loi, à savoir que lorsque des stations radiophoniques mettent des chansons sur des chariots ou des disques rigides, elles font des copies non autorisées. C'est la loi depuis 1924.
Nous n'avons rien fait à ce sujet car nous n'estimons pas que cela est mérité. De toute évidence, je ne parle pas au nom des éditeurs de musique du Québec, et je ne parle assurément pas au nom de la SODRAC. Je parle au nom de mes membres. Nous ne l'avons pas jugé bon et je ne pense pas que nous le ferons. Après tout, nous sommes ceux qui étaient suffisamment préoccupés par les licences de synchronisation pour mousser l'affaire Bishop. Nous le faisons lorsque nous estimons que c'est approprié.
Dans le cas présent, nous ne pensons pas que c'est approprié, mais nous préférons nettement un environnement avec des licences négociées à une exemption qui peut se répandre partout, comme c'est le cas aux États-Unis. Une fois que vous dites aux gens qu'il y a une exception, beaucoup pensent qu'elle s'applique à eux alors que ce n'est pas le cas.
M. Abbott: C'est intéressant. Il me semble que c'est une arme à double tranchant.
À la question que vous a posée M. Leroux, vous avez rétorqué que vous aimeriez avoir la parité avec la situation américaine. Je me demande si les radiodiffuseurs canadiens aimeraient également avoir la parité avec leurs homologues américains.
J'ai été vraiment impressionné par la candeur et la transparence de votre exposé, ainsi que par la rencontre que vous et moi avons eue auparavant, ce qui fait que j'ai été plutôt intrigué en arrivant à la page 11 de votre exposé d'aujourd'hui dans lequel vous parlez de l'exemption aux États-Unis qui court pendant six mois à partir de la première diffusion de l'émission. Le radiodiffuseur n'a nullement l'obligation de tenir un registre des copies éphémères.
Si vous me permettez un commentaire très gentil, j'ai eu l'impression que c'était un petit peu déloyal, car le fait est que la situation pourrait être résolue, n'est-ce pas? Autrement dit, au lieu d'avoir la situation flexible qui existe actuellement aux États-Unis, si on apportait des changements et si on avait l'obligation convenable de rendre des comptes, et si en fait il y avait une exemption éphémère au Canada et la nécessité de rendre des comptes... il me semble que c'est un peu une proposition bidon qui peut se dégonfler assez rapidement.
M. Basskin: Vous ne serez pas surpris d'apprendre que je ne suis pas d'accord. J'ai passé huit années comme conseiller juridique du réseau de télévision CTV, j'ai donc une bonne idée de ce qui se passe à l'intérieur d'un organisme de radiodiffusion. Désolé, c'est peut-être exagéré de dire «conseiller juridique». Disons avocat de la société ou secrétaire général.
Les radiodiffuseurs n'aiment pas consigner ces renseignements. Nous avons rencontré des représentants du Cable Advertising Bureau (CAB) américain et nous avons abordé cette question avec eux. Ils n'ont pas du tout envie de devoir consigner la musique qu'ils utilisent ainsi que les dates et les résultats. De nos jours, dans les émissions télédiffusées, les gens ne suivent pas ces choses, et je peux vous dire qu'ils n'aimeraient pas et ne voudraient pas avoir à supporter le coût de consigner cette information.
Si une exemption éphémère devait nous être imposée - et je suis très clair à ce sujet: ce n'est pas acceptable pour nous - il faudrait avoir l'obligation absolue de rendre des comptes, pas seulement l'obligation de rendre des comptes, mais que les radiodiffuseurs soient tenus de rendre les renseignements disponibles sur demande. J'ai essayé d'attraper trop de radiodiffuseurs au Canada. Je les appelle pour leur dire que je crois savoir que l'une de leurs émissions a utilisé une de nos chansons, si bien que j'aimerais avoir la possibilité de la voir par moi-même. Ils me répondent: «Obtenez une ordonnance d'un tribunal». Je remarque qu'ils la diffusent à 25 millions de Canadiens et de Canadiennes et ils me répondent: «Obtenez une ordonnance d'un tribunal; nous ne vous devons aucune faveur».
Est-ce un secret d'état? Ils disent que c'est un secret et qu'ils s'en fichent. Ils disent qu'ils ne nous doivent rien.
De toute évidence, le plus grand contrevenant en la matière est la Société Radio-Canada, que nous poursuivons à l'heure actuelle parce qu'on nous a dit franchement que nous pouvions aller nous faire voir ailleurs, ou des paroles du même genre. Ils disent qu'ils ne nous doivent aucune faveur. Ils nous rendent la tâche pratiquement impossible à l'heure actuelle pour vérifier et constater ce qui se passe.
Croyez-vous que je sois confiant d'obtenir vraiment leur collaboration? Obtenir quelque chose pour rien est une émotion très forte.
M. Abbott: Je le suppose. J'essaie en réalité de me tenir loin d'une argumentation. Je suggère seulement que... De nouveau, à la page 12, lorsque vous parlez du fait que les radiodiffuseurs pourraient créer des publicités pour leurs clients annonceurs et y inclure de la musique de nos membres sans permission ni rétribution sous prétexte qu'il s'agit d'une utilisation éphémère à court terme, n'est-ce pas un tout petit peu exagéré?
M. Basskin: J'aimerais bien.
M. Abbott: N'exagérez-vous pas juste un petit peu lorsque vous nous le présentez de cette façon?
M. Basskin: Je vous invite à relire le mémoire de CHUM si vous pensez que j'exagère. Je me ferai un plaisir de vous fournir des exemples détaillés de cas dans lesquels des stations radiophoniques canadiennes ont fait des annonces pour leur clientèle locale de détail en utilisant une musique très précieuse. Lorsque nous finissons par les attraper - et c'est uniquement par hasard que quelqu'un nous le dit ou que nous avons la chance de l'entendre à la radio en voiture - ils nous répondent: Eh bien, nous payons la SOCAN. Nous ne savions pas que nous devions vous payer pour cela.
Je ne pense pas que les Allan Slaight et les Doug Bassett de ce monde sont réunis et conspirent pour voler de la musique. Ils connaissent la situation mais ils ne se fatiguent pas beaucoup pour informer leur personnel sur ces questions. Nous avons rencontré à maintes reprises du personnel d'exécution des services de radio et de télédiffusion qui n'ont jamais entendu un traître mot sur le droit d'auteur. On leur dit simplement de faire le travail, de prendre le disque sur l'étagère. C'est un véritable problème.
Si vous créez une exception au lieu de reconnaître la réalité des licences, la désinformation se répandra à grande échelle. Ce sera comme aux États-Unis où, lors d'une émission comme The Tonight Show, qui n'est pas produite par NBC, le producteur déclare: Eh bien, NBC a cette exception et elle s'applique à moi; si vous n'êtes pas d'accord, monsieur l'éditeur de musique, je suppose que vous pouvez me traîner devant les tribunaux. Cette émission n'est pas faite par un radiodiffuseur. Elle est très rentable. Le producteur déclare que si le radiodiffuseur bénéficie de l'exception, lui aussi. Je peux vous citer le texte de la loi américaine sur le droit d'auteur pour vous dire que ce n'est pas le cas, mais cela se passe tous les jours.
Nous favorisons l'octroi de licences pour nos droits et nous estimons que nous faisons un bon travail à ce sujet.
Le président: Nous accusons 15 minutes de retard et j'ai des questions de M. Bélanger, deM. O'Brien, de Mme Phinney et de M. Arseneault. Voulez-vous poser des questions brèves?
Monsieur Basskin, veuillez également répondre brièvement. Nous avons deux autres groupes de témoins et nous devons retourner ensuite à la Chambre.
Monsieur Bélanger.
M. Bélanger (Ottawa - Vanier): J'ai eu la chance de rencontrer M. Basskin et j'ai déjà abordé beaucoup de ces points, si bien que je sauterai certaines questions concernant les exceptions éphémères, si je puis les appeler ainsi.
M. Basskin: Merci.
M. Bélanger: Cela vous plaira, sans aucun doute, de m'entendre les appeler ainsi.
J'aimerais revenir à une question posée au départ par mon collègue. C'est le fait de rendre le répertoire disponible. Nous avons effectué une nouvelle vérification et le libellé proposé du paragraphe 70.11(1) du projet de loi parle de mettre le répertoire à la disposition du public pour examen, alors que vous avez choisi d'interpréter qu'il s'agit de publier des répertoires entiers. Pensez-vous que mettre à la disposition du public impose la publication?
M. Basskin: Je suppose que cela dépend. J'estime qu'il y a là un renvoi au règlement, n'est-ce pas?
M. Bélanger: Oui, mais ce règlement n'existe pas encore.
M. Basskin: Ce qui nous préoccupe, dans ce projet de loi, c'est qu'on laisse vraiment beaucoup de matière de fond pour le règlement.
M. Bélanger: [Inaudible - Éditeur]
M. Basskin: Très bien, je vous en remercie. Nous sommes de toute évidence disposés à travailler avec cela. Je ne veux pas en faire des choux et des raves. Si nous devons le publier, nous le publierons. Je pense simplement...
M. Bélanger: À ce stade-ci, le texte ne dit nulle part qu'il faut «publier».
M. Basskin: Je sais, mais tel que je le lis, il impose une obligation assez considérable. J'estime que les gens peuvent honnêtement -
M. Bélanger: Comment consultez-vous à l'heure actuelle?
M. Basskin: Comment consultons-nous les gens?
M. Bélanger: Non, comment consultez-vous votre répertoire?
M. Basskin: Dans l'ordinateur.
M. Bélanger: Quelqu'un d'autre pourrait-il le faire?
M. Basskin: Beaucoup de ces renseignements sont exclusifs. Certains organismes spécialistes du droit d'auteur ont déjà mis beaucoup de renseignements en accès direct dans le monde. Il n'est pas facile de trouver un moyen de le faire sans divulguer les renseignements exclusifs.
Je vous répète que nous répondons aux questions aussi rapidement que possible. À notre avis, c'est le meilleur mode de consultation. Nous faisons également un peu de vente de cette façon.
M. Bélanger: Pour le reste, je pense que c'est vraiment simple. Ayant choisi d'interpréter une loi en disant «publier», ce qui n'est pas ce qui est exigé -
M. Basskin: Si je me trompe et que le texte n'impose pas une publication complète, alors je me considère satisfait dans ce cas.
M. Bélanger: Merci.
Pour le reste, monsieur le président, je devrai passer. C'est dommage.
Le président: Monsieur O'Brien.
M. O'Brien (Labrador): Dans le même ordre d'idée, monsieur le président, j'ai trois questions mais je pense que je me limiterai à une seule.
J'aimerais poursuivre un instant avec vous sur la question de l'exemption et des droits éphémères. Nous avons la tâche peu enviable d'essayer de trouver un équilibre entre les diverses parties avec ce projet de loi. Êtes-vous d'accord qu'avec le libellé actuel du projet de loi, du point de vue des radiodiffuseurs, s'il n'y avait pas d'exception ils enfreindraient la loi? Je pense que c'est évident.
Vous avez déclaré, monsieur Basskin - je suis heureux de l'entendre et je suis persuadé que les radiodiffuseurs aussi - que les titulaires de droits d'auteur n'ont vraiment pas l'intention de modifier le statu quo et de partir en guerre contre les radiodiffuseurs. De fait, vous dites que les pourparlers continuent. J'ai déjà entendu cela et ce sont de bonnes nouvelles.
Cependant, là où je ne me sens pas très à l'aise, étant donné que je devrai voter en fin de compte sur ce projet de loi, c'est d'entendre sans cesse que les pourparlers continuent. Quand aboutiront-ils? Ce serait vraiment merveilleux pour nous, les membres du comité, si ces pourparlers portaient fruit avant que nous ayons à prendre une décision sur cette exception et ces droits, décision qui ferait enfreindre la loi à des gens qui ne veulent pas la violer.
Où en sont ces pourparlers? Est-il possible qu'ils aboutissent avant que nous présentions ce projet de loi à la Chambre?
M. Basskin: Tout d'abord, permettez-moi de préciser que vous parlez de la demande des radios en vue d'une exemption pour la transposition entre supports. Ce n'est pas une question insignifiante. Les droits sont rattachés aux oeuvres. Les exceptions sont des exemptions de l'obligation de les utiliser.
Depuis des années, les radiodiffuseurs utilisent l'expression «droit éphémère». À titre d'ancien président du comité des droits d'auteur de la télévision du CAB, je connais tout cela. Ils utilisent l'expression «droit éphémère» parce qu'un droit représente un dû important. Ce n'est pas un dû. Les droits sont rattachés aux oeuvres. Si vous ne le croyez pas, essayez de prendre le produit d'un radiodiffuseur et de l'utiliser sans sa permission. Il vous dira que ce sont ses droits.
Nous discutons avec eux. Nous continuerons de le faire. J'aimerais que tout cela aboutisse le plus tôt possible. Si cela pouvait être fait avant la date prévue d'achèvement des travaux de votre comité et si possible avant la fin de l'année, j'en serais très heureux.
Je ne peux pas parler au nom de tout le monde, mais je pense pouvoir parler pour mon conseil d'administration qui représente les intérêts les plus importants et les mieux connus. Du côté de la radio, nous ne cherchons pas à modifier le statu quo. Si cela aboutit à une entente à un tarif très bas ou gratuit, je pense que nous serons parfaitement heureux. Je ne peux pas faire de prévisions mais nous ferons assurément de notre mieux et nous vous tiendrons au courant de nos travaux à cet égard.
M. O'Brien: Je suis heureux de l'entendre. Je vous enjoins de persévérer avec ces pourparlers. Nous allons devoir trouver suffisamment de points d'équilibre dans ce projet de loi. Ce serait formidable si ces pourparlers permettaient d'éliminer un irritant de la discussion. Continuez et je vous souhaite beaucoup de succès dans cette entreprise.
M. Basskin: Merci.
Le président: Madame Phinney.
Mme Phinney (Hamilton Mountain): Je passe mon tour.
Le président: Monsieur Arseneault.
M. Arseneault (Restigouche - Chaleur): Tout d'abord, j'ai apprécié votre exposé. Il était très clair. Nous pouvions suivre le fil conducteur.
Je voudrais soulever un point et clarifier quelque chose dans mon esprit. Lorsque les radiodiffuseurs sont venus témoigner ici, ils ont semblé insister sur la nécessité de cette exception éphémère. Ils ont déclaré que si cela ne figurait pas dans la loi, des émissions locales ne pourraient pas être offertes au public. Nous parlons plus ou moins de télévision dans ce cas. Ils ont fait allusion aux parades du Père Noël. Ils ont fait allusion aux matches de hockey et aux services religieux locaux. Ils ne l'ont pas mentionné, mais ils visaient probablement les émissions-débats. L'un des exemples était également une émission de variétés. Je pense que l'émission locale à Ottawa s'appelle Homegrown Café. Ils ont précisé qu'il serait trop difficile de diffuser de telles émissions. Je ne dis pas qu'elles disparaîtraient, mais il y aurait de moins en moins d'émissions locales. Pouvez-vous faire des commentaires à ce sujet?
M. Basskin: Absolument. Dans la pratique, la ligne de démarcation visée par les réalisateurs consiste à savoir si oui ou non l'émission a été, en fait, une émission produite. Y a-t-il eu une décision consciente d'y mettre la musique?
Lorsque l'orchestre marche dans la rue lors de la parade du Père Noël en jouant «Noël blanc», les propriétaires de cette chanson ne se donnent pas la peine de demander une licence de synchronisation. Disons, par ailleurs, que la station décide de produire une émission spéciale de nouvelles durant cinq soirs à propos des Fêtes de Noël imminentes, et ils produisent un petit générique en utilisant la chanson «Noël blanc». Il s'agit d'une décision consciente d'inclure la musique dans l'émission, tout comme il s'agissait d'une décision consciente de prendre une photo ou une autre ou d'utiliser un annonceur ou un autre.
Lorsque la musique représente l'un des éléments de la production que la station a pris sur l'étagère et décidé d'utiliser, nous méritons le droit de faire respecter nos droits et de faire rétribuer nos oeuvres, tout comme les autres intervenants qui ont contribué à la production. Nous n'avons pas poursuivi, et nous n'avons pas l'intention de le faire, l'élément d'actualité en direct comme la parade du Père Noël ou la fête du Jour du Dominion ou quelque chose de cette nature. Est-ce que j'ai dit le Jour du Dominion? Je vous demande pardon. Je voulais dire les fêtes du Jour du Canada. Il ne s'agissait pas d'un commentaire politique. Je vous ai simplement indiqué mon âge par inadvertance.
Pour ce qui est des événements en direct, le marché joue. N'oubliez pas que les réalisateurs sont présents et se font concurrence sur le marché. Si un éditeur de musique considérait que chaque utilisation insignifiante donne matière à poursuite jusqu'au bout de la terre, il constaterait rapidement que personne ne veut faire affaire avec lui.
M. Arseneault: Êtes-vous familier avec l'émission Homegrown Café? C'est une émission de variétés.
M. Basskin: Je suis familier avec les émissions de variétés. Ces émissions se vendent en fonction de la valeur de la musique. C'est la raison pour laquelle les artistes-interprètes sont présents. Ce n'est pas différent du fait qu'il a fallu brancher la caméra pour la faire fonctionner. Dans la réalité, les émissions de variétés ne sont pas vraiment populaires à la télévision depuis de nombreuses années. Elles existent, et encore, sur une base locale.
Nous recevons sans cesse des demandes de producteurs, plus ou moins importants, en vue d'affranchir la musique. Si un producteur indépendant doit payer pour la musique, il n'y a aucune raison pour laquelle le radiodiffuseur ne devrait pas payer lui aussi. L'argument que vous ont avancé les radiodiffuseurs repose essentiellement sur le fait qu'ils gravitent dans une sorte de cercle magique dans lequel ils obtiennent la musique gratuitement, mais les gens de l'extérieur qui pourraient produire l'émission Homegrown Café et la leur vendre doivent payer pour la musique. Ils ne vous ont pas parlé de cet aspect. Ils essaient de tourner le processus d'octroi de licences de synchronisation en tâche impossible et insurmontable. Ce n'est pas le cas. Il suffit de demander une licence.
M. Arseneault: Disons qu'un jeune de quatorze ans vient à l'émission Homegrown Café et veut imiter une chanson qu'il a entendue à la radio. Où ce cas se situe-t-il dans le décor?
M. Basskin: Si l'émission passe en direct et qu'il n'y a pas de fixation, on n'exige aucune licence. Si l'émission est enregistrée, il faut une licence.
La dernière fois que j'ai regardé la télévision, le radiodiffuseur acceptait encore des dollars canadiens pour la vente de publicité pendant l'émission. L'éclairagiste était payé pour l'émission. Tous les autres intervenants étaient payés. Nous sommes les seules personnes auxquelles on dit: «vous devez abandonner vos droits pour rien car c'est malcommode pour nous d'affranchir la musique». Je n'accepte pas cela. Il s'agit encore d'une opération commerciale. Cela n'a aucune importance qu'il s'agisse de Céline Dion ou d'un jeune amateur de quatorze ans.
M. Arseneault: Qu'en est-il de la reprise d'un championnat de patinage artistique avec une chanson en fond sonore?
Le président: Veuillez répondre brièvement, monsieur Basskin. Nous dépassons vraiment notre temps car votre exposé a été extrêmement long.
M. Basskin: Je vous remercie de votre indulgence, monsieur. Malheureusement, la réponse à cette question est très longue. C'est avec plaisir que je vous répondrai par écrit ou que je poursuivrai, en fonction de la décision du président.
Le président: Nous avons une brève question de Mme Phinney avant de terminer.
Mme Phinney: Pouvez-vous également nous donner votre point de vue sur l'heure de diffusion de l'émission? Elle commence à une certaine heure sur la côte Est et ensuite il y a un décalage horaire. Pensez-vous que le radiodiffuseur devrait payer pour cela?
M. Basskin: Là où le radiodiffuseur a obtenu une licence pour la chanson, le droit de faire de telles copies est déjà compris dans la licence.
Mme Phinney: Qu'en est-il d'un événement comme la coupe Grey? Elle est diffusée à des heures différentes. Il y a un spectacle à la mi-temps et il y a de la musique dans le programme de la coupe Grey. Au fait, elle se déroulera à Hamilton cette année.
M. Basskin: Très simplement, des événements en direct comme la coupe Grey ne sont pas des décalages horaires - ils arrivent.
Si vous parlez d'un événement qui a débuté en direct, les antécédents de mes membres indiquent que si le tout a commencé par une actualité en direct, ils ne cherchent pas à émettre une licence de cette nature. Mais si quelqu'un veut prendre cette bande et la diffuser deux semaines plus tard au chapitre des meilleures coupes Grey de la dernière décennie, avec les plus grands spectacles à la mi-temps de la dernière décennie, il s'agit alors d'une utilisation pour laquelle nous avons le droit d'être indemnisés.
Mme Phinney: Ils pourraient peut-être diffuser le match sur un plan strictement sportif, mais ils ne pourraient pas remontrer le spectacle de la mi-temps.
M. Basskin: Le point de départ est l'actualité en direct. Si le tout a débuté comme un événement d'actualité en direct et si le radiodiffuseur n'a pas choisi d'y mettre la musique, alors nous ne donnons généralement pas suite au dossier. Je vous rappelle que je me ferai un plaisir de vous donner davantage de renseignements par écrit si vous le désirez.
Le président: Merci, monsieur Basskin, pour votre témoignage et vos renseignements. Nous l'apprécions.
M. Basskin: Merci et je remercie les membres du comité pour leur patience.
Le président: Nous souhaitons la bienvenue à l'Association du marketing de la photo International du Canada, représentée par M. John Asa, président de Japan Camera Centre Limited, M. Robert Gauthier, de la société L.L. Lozeau, et M. G. Fisk. La parole est à vous.
M. George Fisk (conseiller juridique, Association du marketing de la photo International - Canada): Merci, monsieur le président. Bonjour mesdames et messieurs les membres du comité. Nous sommes très heureux de présenter le mémoire de l'Association du marketing de la photo.
Il ne fait aucun doute que vous serez heureux d'apprendre que nous n'avons pas grand chose à dire, parce que la plupart des questions qui préoccupent nos membres, en particulier la technologie numérique, ne sont pas étudiées par votre comité aujourd'hui car elles ne font pas partie de la phase deux.
Nos commentaires portent aujourd'hui exclusivement sur le libellé proposé de l'article 38.1, traitant des dommages-intérêts préétablis. Si cet article devait être adopté, il poserait vraisemblablement de graves problèmes aux membres de l'AMPI - Canada. Dans notre mémoire, nous avons proposé trois options et nous sommes heureux d'apprendre que la Coalition canadienne des créateurs, qui va témoigner après nous et comprend les photographes professionnels, a endossé l'une des solutions que nous proposons.
Je suis ici à titre de conseiller juridique de l'association, fonction que j'occupe depuis le début des années 80. Bon nombre des problèmes qu'elle me soumet ont trait au droit d'auteur, même s'il y a également des questions concernant tout l'éventail des activités exercées par ses 1 318 compagnies canadiennes membres.
Pour vous donner une idée de la portée de l'organisme et de la façon dont le libellé proposé de l'article 38.1 l'affectera, nous avons demandé à deux de ses membres de venir ici aujourd'hui.
L'industrie du développement et du tirage compte au Canada environ 2 000 magasins équipés de mini-laboratoires - vous savez, ces grosses machines installées à l'entrée du magasin dans lesquelles le film entre à une extrémité et les épreuves ressortent à l'autre bout. Il y a également environ 2 800 magasins qui sont des dépôts à photos. Ce sont simplement des pharmacies où l'on accepte les films pour les mettre dans des enveloppes et les envoyer aux laboratoires. Il y a aussi des laboratoires de gros qui reçoivent le travail des dépôts de photos et des magasins équipés de mini-laboratoires. Nous avons également dans notre organisation des photographes, des laboratoires couleurs et des fabricants de films. Cela représente un large éventail.
Pour vous donner une idée de cet éventail, M. Asa est venu vous montrer à quoi ressemble un établissement principalement axé sur la clientèle individuelle. M. Asa est le co-fondateur d'une société appelée Japan Camera Centre Limited, qui appartient à 100 p. 100 à des intérêts canadiens. M. Asa et son co-fondateur sont tous deux citoyens canadiens.
M. Asa est arrivé du Japon dans sa tendre jeunesse et a ouvert son premier magasin de photos en 1959 à Toronto. En 1979, c'est lui qui a lancé le concept du développement-tirage en une heure au Canada. Il possède maintenant 26 magasins et 103 franchises répartis dans les dix provinces.
Il est membre de l'Association du marketing de la photo depuis 1963 et en était l'an dernier le président international, pas seulement pour le Canada mais pour le monde entier. Il va vous dire de quelle façon le libellé proposé de l'article 38.1 influe sur les activités de détail.
Robert Gauthier est le directeur des opérations de la société L.L. Lozeau Ltée. C'est une compagnie ayant pignon sur rue à Montréal et dont les activités concernent le haut de gamme du développement-tirage. Il effectue donc le développement et le tirage pour des compagnies de publicité, des magazines et des photographes professionnels. Il effectue des duplicatas de diapositives pour en tirer des négatifs et des épreuves. Il fait beaucoup de retouche et de restauration d'épreuves endommagées, en utilisant les dernières techniques électroniques de laboratoire.
M. Gauthier vous parlera des incidences du libellé proposé de l'article 38.1 sur ce secteur.
Je demande à M. Asa de vous faire son exposé.
M. John Asa (président, Japan Camera Centre Limited): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour.
Chez Japan Camera, nous sommes des développeurs-tireurs au détail équipés de mini-laboratoires et nous vendons également des appareils-photos. Comme vous le savez, la plupart de nos magasins sont principalement situés dans les centres commerciaux régionaux et 65 p. 100 de notre clientèle est surtout composée de femmes. Dans notre chaîne, nous traitons chaque année pour environ 4 millions de dollars de films. C'est ce que nous appelons le développement et le tirage.
Cet après-midi, j'aimerais vous expliquer ce qui se passe au comptoir, ce qui arrive au comptoir des ventes d'un mini-laboratoire lorsqu'un client apporte un rouleau de film.
Notre entreprise comporte quatre volets. Le premier, c'est l'arrivée du client qui apporte un rouleau de film au comptoir. Nous lui posons les questions d'usage pour remplir l'enveloppe - nom, numéro de téléphone, nombre de tirages et type d'épreuves, et date de récupération du travail. Nous n'avons aucune idée des sujets photographiés sur ce film.
Le deuxième type de rencontre au comptoir est la commande de retirage. Après qu'un client a reçu ses négatifs, il les emporte chez lui et décide s'il veut obtenir des épreuves supplémentaires ou des retirages, si bien qu'il nous rapporte la pochette des négatifs et nous demande d'autres tirages. Ni nos employés au comptoir, ni nos clients ne nous disent que c'est l'original ou qu'ils sont propriétaires d'un droit d'auteur. Nous ne le savons pas.
Au cours de ce retirage, ils veulent parfois des agrandissements - 8 pouces sur 10 ou 11 pouces sur 14 - et dans la plupart de nos magasins nous n'offrons pas ce service. Au lieu d'être le développeur, nous devenons alors plutôt l'agent du développeur-tireur en gros ou du tireur de grandes photos auquel nous envoyons les agrandissements à effectuer.
Le troisième volet concerne le fait que tous les films ne sont pas des rouleaux de négatifs en couleurs. Environ 8 à 10 p. 100 des films sont des diapositives couleurs. De nouveau, nous n'avons pas le matériel nécessaire dans chacun de nos magasins pour les traiter chez nous, si bien qu'une fois de plus nous remplissons l'enveloppe et nous envoyons le rouleau pour traitement chez les développeurs-tireurs en gros. Nous devenons l'agent. Encore une fois, nous n'avons aucune idée du sujet qui se trouve sur le film.
Le quatrième type de client est celui qui nous apporte une épreuve. Il ne retrouve pas le négatif et nous demande si nous pouvons en faire une copie. Là encore, la plupart des magasins envoient cette commande à un développeur-tireur en gros, parce qu'il faut d'autres machines pour le faire.
À titre de développeur-tireur pour les consommateurs, le mini-laboratoire de Japan Camera est essentiellement un agent pour une majorité de travaux demandés à un développeur-tireur en gros. Notre société a une politique voulant que si l'épreuve originale comporte une marque quelconque indiquant un droit d'auteur, même dans la mesure où la photo originale porte le nom d'un studio, nous n'acceptons pas d'en faire une copie. C'est une politique courante.
Nous n'avons aucun moyen pratique de savoir si une commande est assujettie à un droit d'auteur ou non. C'est un fait. Par conséquent, nous pourrions à tout moment être poursuivis si cet article 38.1 était adopté tel que recommandé. En fait, à titre d'exploitant d'un mini-laboratoire, nous aurions une peur bleue advenant l'adoption de l'article recommandé sur les dommages-intérêts préétablis.
Nous ne voyons pas comment nous pourrions prendre des mesures supplémentaires pour vérifier si la commande devrait être remplie. Le fait de demander aux clients de vérifier si le travail est protégé par un droit d'auteur ne ferait que retarder les choses et leur coûter davantage, ce qui n'est pas une très bonne idée. Dans la situation actuelle, la concurrence est déjà assez rude.
À titre d'exploitants de mini-laboratoires, chez Japan Camera Centre, nous tenons à préciser que c'est le dilemme auquel nous ferons face si cette proposition est adoptée.
C'était mon témoignage sur ce point.
[Français]
M. Robert Gauthier (directeur des opérations, L.L. Lozeau Ltée, Photo Marketing Association International - Canada): Chez L.L. Lozeau, une grande partie de notre clientèle se compose de professionnels de la photo, soit des photographes de mariages, des photographes de presse, des photographes commerciaux, des photographes de plateau, etc. L'autre partie est composée d'amateurs de différents niveaux.
Nous offrons les services suivants en magasin: développement de photos, agrandissements, développement de diapositives, retouche électronique, copie de photos traditionnelle, en recopiant la photo, ou électronique, en numérisant l'image, copie de négatifs et duplicata de diapositives.
Les clients nous apportent le travail, on prend leurs instructions et on livre aux clients le produit fini.
Depuis toujours, nous refusons de reproduire du matériel affichant une mention de droit d'auteur, cela par respect pour le photographe qui, souvent, est un de nos clients. Lui nuire, c'est nous nuire.
La question du droit d'auteur reste entière si le détenteur du droit livre ses produits sans y inscrire son droit d'auteur afin que personne ne puisse reproduire sans autorisation ses photos, diapos ou négatifs. Voici un exemple de cas qui peut être un problème. Un de nos clients professionnels nous apporte des photos de panneaux publicitaires à reproduire. Nous ne sommes pas en mesure de vérifier le contrat de ce client et de voir s'il est autorisé à faire reproduire ces affiches-là.
Le même principe s'applique pour les photographes de plateau qui demandent des agrandissements de photos prises lors de l'enregistrement d'émissions de télévision. Comment pouvons-nous vérifier la véracité des faits? Nous devons croire nos clients.
En terminant, nous ne voulons pas nous retrouver dans une situation où nous serions poursuivis pour bris de droit d'auteur parce que nous n'avions aucun moyen de vérifier si du matériel faisant l'objet d'un droit d'auteur était impliqué.
[Traduction]
Le président: Monsieur Fisk, êtes-vous maintenant prêt pour répondre aux questions?
M. Fisk: Oui, n'importe lequel de nous trois se fera un plaisir de répondre à vos questions.
Le président: Merci.
Monsieur Leroux.
[Français]
M. Leroux: J'ai une première question et mon collègue en aura une lui aussi.
Vous dites à la page 5 de votre mémoire:
- Même si l'on fait abstraction des modifications proposées dans le projet de loi C-32 qui
constituent la deuxième étape du processus de remaniement de la Loi, les poursuites contre les
développeurs-tireurs demeurent possibles dans les situations citées. Toutefois, elles sont rares
dans le cadre de la loi actuelle, parce que les seuls dommages-intérêts que le photographe
(titulaire du droit d'auteur) peut obtenir correspondent aux préjudices...
- Et vous détaillez cela.
- Or, même si l'utilisation abusive de ses oeuvres lui a causé de graves préjudices,...
- Et on reconnaît qu'il y a parfois des préjudices très graves et que les recours sont souvent
absents.
- ...le grand responsable de cette situation est la personne qui a demandé la reproduction. Le tort
causé par le rôle joué par le développeur-tireur est habituellement minime.
- C'est ce qu'on voit dans la situation actuelle.
- Si le développeur-tireur a reproduit les photographies de bonne foi et dans le cadre de son
travail normal, il est peut probable qu'on lui impose des dommages-intérêts exemplaires.
M. Fisk: Puis-je répondre en anglais?
[Traduction]
Évidemment, si un acte est posé sans le savoir, un montant minimum peut encore être imposé à titre de dommages-intérêts préétablis. Le problème, c'est que pour prouver que cela est fait sans le savoir, vous devez vous présenter devant le tribunal. Par conséquent, le photographe - monsieur Asa, par exemple, ou son employé dans son mini-laboratoire - accepte un film et le développe. Par la suite, il reçoit une demande d'introductive d'instance. Il doit se présenter devant le tribunal. Quelque part parmi les quatre millions de rouleaux de films qu'il a développés cette année - et n'oubliez pas qu'il n'a aucun registre à ce sujet - , il est présumé avoir copié quelque chose qui est assujettie au droit d'auteur et il l'a copiée à tort.
Tout d'abord, il ne dispose d'aucun registre. Il a développé ce rouleau de film il y a bien longtemps. Il n'a pas le film en mains. Il n'a rien. Il doit prouver qu'il l'a fait sans le savoir. Maintenant, il doit trouver un avocat. Il doit faire des démarches et tout le reste. Il finira probablement par payer au moins 7 000 à 8 000$ avant que l'affaire ne soit réglée - peut-être même plus - et tout cela pour avoir effectué une commande de développement-tirage de 25$. Même s'il gagne et ne paie pas les 200$ - et n'oubliez pas que cela pourrait dépasser 200$ car il s'agit d'un rouleau de film de 36 poses, ce qui peut monter à 36 fois 200$ - il doit cependant payer ce montant intégral. Il se pourrait qu'il en récupère une partie à titre de frais judiciaires, mais ce n'est pas sûr.
[Français]
M. Leroux: Je comprends très bien.
[Traduction]
M. Fisk: Évidemment, si la personne obtient les dommages-intérêts préétablis, elle a gagné. M. Asa n'assumera pas les frais. La personne qui a intenté la poursuite assumera les frais de M. Asa car il a obtenu les dommages-intérêts. M. Asa n'obtiendra pas les frais pour avoir comparu et avoir défendu sa cause. Il se pourrait qu'il paie les frais.
[Français]
M. de Savoye (Portneuf): J'ai lu votre mémoire attentivement. Je constate que vous nous proposez une solution, mais j'ai encore des préoccupations et j'aimerais que vous m'éclairiez.
Lorsqu'un client, par exemple moi-même, se présente dans un des magasins de M. Asa et remet un rouleau de film à son commis, lorsque ce dernier l'accepte, il y a effectivement contrat. Il y a un contrat et une obligation de résultats. C'est-à-dire que je m'attends en retour à avoir des photos développées et en bon état, sinon on me remettra un rouleau de film vierge. La pénalité en cas de non-livraison du résultat est connue à l'avance.
Ne serait-il pas possible pour le photographe d'ajouter sur la petite enveloppe avec le petit coupon une mention disant que le client l'assure qu'il détient tous les droits et que, si poursuite il y a, il sera en droit à son tour de revenir en recours contre le client?
D'autres organisations ont une attitude comme celle-là. Je pense entre autres à ces boutiques où on peut faire faire des photocopies et qui, bien sûr, s'assurent que le droit d'auteur est respecté. Comme M. Gauthier le disait, si on arrive avec un volume, c'est évident, mais dans d'autres cas, ça l'est moins.
Pourquoi croyez-vous que des approches utilisées dans d'autres domaines ne seraient pas bonnes pour les personnes qui développent des photos?
[Traduction]
M. Fisk: Ces approches sont utilisées dans cette industrie. En fait, je n'ai pas interrogéM. Gauthier sur ce sujet, mais je ne serais pas du tout surpris que quelque chose de semblable figure dans les documents qu'il signe avec les agents commerciaux qui lui présentent des projets.
Dans ce cas, le problème auquel fait face le consommateur ordinaire, celui qui apporte le film dans le centre commercial, c'est que premièrement il n'a peut-être pas d'argent. Par conséquent, si vous déposez une réclamation contre lui, il n'aura pas d'argent pour la satisfaire. Je ne peux m'imaginer exiger une garantie financière de quiconque apporte un film à développer. Même si cela était possible, il serait assez facile pour quiconque veut dissimuler ses traces de donner simplement une fausse adresse ou une fausse identité ou un faux numéro de téléphone sur ce coupon.
Ainsi, comme l'a déclaré M. Gauthier, vous devez essentiellement faire confiance à vos clients. Dans la pratique, vos clients peuvent facilement vous rouler.
[Français]
M. de Savoye: J'ai un peu de mal à accepter cette argumentation. La plupart des gens ont un logement; soient qu'ils sont propriétaires de leur demeure, soient qu'ils sont à loyer. Un propriétaire d'édifice à logements prend un risque avec chacun de ses locataires. Un locataire pourrait créer des dommages à l'immeuble. Par conséquent, normalement, les locataires et les propriétaires ont des assurances. Ces assurances comportent une assurance-responsabilité au cas où une poursuite serait intentée contre un individu. Par conséquent, vous ne seriez pas sans recours.
Quant à votre argument qui veut que quelqu'un puisse donner une fausse adresse ou de fausses coordonnées, si jamais poursuite était intentée, le dossier de la personne détentrice des photos finies vous permettrait de connaître sa vraie adresse et sa véritable identité, et vous seriez donc en mesure d'intenter des recours.
Je ne suis pas très à l'aise devant votre explication. Je me pose toujours ma question.
[Traduction]
M. Fisk: Lorsque quelqu'un apporte un rouleau de film à un endroit, comme au magasin deM. Asa, aucune vérification n'est effectuée parce que le rouleau de film est présenté. Vous n'envoyez rien à l'adresse de la personne. Elle revient une heure plus tard, paie ce qu'elle doit et disparaît.
Tout ce qu'a fait la compagnie de M. Asa, c'est de développer un film. Ce film est simplement inséré à une extrémité d'une machine. Il ressort à l'autre extrémité et le produit est remis au client. Il n'y a aucune intention de violer un droit d'auteur. Il n'y a aucune connaissance du droit d'auteur.
À l'heure actuelle, comme vous le savez, de la façon dont le droit d'auteur s'applique au film, le propriétaire du négatif est le titulaire du droit d'auteur. Il faut espérer, en croisant les doigts, que la personne qui apporte le film est propriétaire du film et ne l'a pas volé.
Cette personne apporte le film. Elle paie le montant dû. Elle obtient ses photos. Il n'y a pas d'autre transaction. Il n'y a aucun moyen de vérifier...
Je ne peux pas imaginer, par exemple, qu'il serait raisonnable de demander à quiconque apporte un film une preuve de son adresse. Cette mesure compliquerait sûrement encore davantage les affaires.
[Français]
M. de Savoye: Monsieur Fisk, imaginons que nous sommes dans 20 ans et que dans le magasin de M. Asa, on ait réussi à remplacer tous les commis par de l'équipement électronique, des robots au besoin. Je ne le souhaite pas, car vous créez de l'emploi et c'est très bien, mais imaginons les circonstances dont je vous parle. Le client confie le processus à une machine et non pas à un être humain et il obtient son résultat à l'autre bout. Cela changerait-il la nature des choses pour vous?
[Traduction]
M. Fisk: Pas vraiment, parce que lorsque vous parlez de violation du droit d'auteur, jusqu'à présent, en attendant l'adoption de ces dommages-intérêts préétablis, la violation du droit d'auteur implique une notion, une sorte d'intention, en dépit des commentaires exprimés par le témoin précédent qui représentait les éditeurs de musique.
La raison pour laquelle il y a une notion d'intention, c'est que vous devez vouloir copier une chose particulière. Dans ce cas, si vous voulez en prendre une photo, vous devez pointer la caméra vers cette chose particulière et prendre la photo. Il y a donc une certaine volonté de le faire. Si vous avez photocopié un livre, vous avez dû cadrer la photocopieuse sur une page particulière du livre, etc.
Il y a donc toujours eu une certaine intention. Dans le cas du développeur-tireur, il n'est cependant qu'une simple étape du processus. Il fait quelque chose que pourrait faire une machine. C'est la raison pour laquelle, lorsque vous avez posé une question sur votre...
M. Asa mentionne qu'au Japon il existe déjà des distributeurs automatiques dans lesquels vous entrez, payez et récupérez votre film développé et imprimé.
M. de Savoye: Votre inquiétude s'appliquerait-elle à ces cabines que nous voyons dans les centres commerciaux, dans lesquels le client entre, paie, attend le flash et récupère ensuite sa photo? Pourrait-il simplement montrer disons une photo de La Joconde et en faire faire une copie?
M. Fisk: Il le pourrait et il enfreindrait le droit d'auteur. Mais la personne qui a installé la cabine devrait-elle payer des dommages-intérêts préétablis?
Je vous remercie infiniment pour cette question, car elle montre la différence de rôle entre le développeur-tireur et la personne qui veut la copie. Le développeur-tireur ressemble exactement à cette machine. Quelqu'un lui donne de l'argent ou met de l'argent dans la machine et il produit la photo qui est demandée, mais il n'a aucune intention de faire une photo en particulier ou de copier l'oeuvre d'une personne en particulier.
M. Bélanger: Y a-t-il encore un droit d'auteur sur La Joconde?
Le président: Madame Phinney.
Mme Phinney: Merci, monsieur le président, et merci monsieur.
Pouvez-vous nous dire combien il y a eu de poursuites jusqu'à présent impliquant des duplicateurs de photos? Savez-vous combien de fois ou à quelle fréquence cela est arrivé?
M. Fisk: Il y a eu des poursuites contre des développeurs-tireurs. Il n'y en a cependant pas eu pour ce problème particulier et pour une raison très simple. Jusqu'à présent, vous ne pouviez obtenir des dommages-intérêts réels que pour une violation du droit d'auteur, ou des dommages-intérêts exemplaires évidemment. Mais si vous deviez poursuivre un développeur-tireur, quels sont les dommages-intérêts réels résultant de ce qu'il a fait? Il a réalisé un travail de développement d'une valeur de 15$. Ce développement aurait pu être effectué par n'importe qui d'autre et ne constituait aucunement une utilisation qui a porté énormément préjudice à vos droits. Vous pourriez donc obtenir 15$.
Cependant, lorsqu'il y a...
Mme Phinney: Vous pensez donc qu'il y aura une escalade du nombre de poursuites maintenant, en raison du libellé du projet de loi?
M. Fisk: Maintenant, vous pourriez très bien rechercher une personne qui a de l'argent et ensuite la poursuivre; n'importe quel intervenant fortuné de la chaîne.
Mme Phinney: Vous avez suggéré comme modification au projet de loi, la façon dont vous l'avez rédigée... Je présume que si quelqu'un a vraiment envie de poursuivre quelqu'un d'autre, il pourrait encore le faire et il vous incomberait de prouver que la personne ne sait pas que le développement du film n'était pas autorisé. Si quelqu'un devait poursuivre... C'est bien ainsi que vous l'avez rédigée et je suis contente que vous nous ayez suggéré une modification, car bien des gens se présentent devant nous et disent qu'ils n'aiment pas ceci ou cela et ils ne nous proposent aucune suggestion, mais je me demande... Je ne suis pas juriste mais j'estime que si je voulais poursuivre quelqu'un, je pourrais toujours regarder ce texte et dire, eh bien je vais intenter une poursuite pour prouver que ce qu'ils ont signé est... qu'ils savaient, même s'ils prétendent le contraire.
M. Fisk: C'est une lapalissade de dire que quelqu'un peut toujours poursuivre quelqu'un pour quelque chose. La question est de savoir si vous pouvez gagner une poursuite.
Mme Phinney: C'est pour faire peur à certaines personnes et les empêcher de poursuivre.
M. Fisk: Oui. Notre intention était de rédiger le texte de façon telle que, si une poursuite était intentée, on pourrait y mettre fin par une motion de jugement sommaire. J'espère que nous y sommes parvenus.
Mme Phinney: Ne pourriez-vous pas faire les deux choses? Si cela figurait dans la loi, ne serait-il pas également bon pour vous de faire signer tous vos clients lorsqu'ils apportent leurs films, pour leur dire que vous n'êtes pas responsable si quelque chose n'a pas été protégée par un droit d'auteur ou s'ils ne détiennent pas de licence pour la faire photocopier? Cela ne me dérangerait pas. Je puis vous assurer que je vous ferais faire beaucoup d'affaires. Je serais tout à fait disposée à signer un petit bout de papier disant qu'il n'y a rien sur le film qui ne devrait pas y figurer. Je ferais les deux choses en même temps.
M. Asa: Au moment de signer, nous pourrions avoir quelque chose comme un coupon. En cas de perte ou de dommages, nous aurions des conditions. Mais dans le cas d'un droit d'auteur, nous pourrions faire une affiche -
Mme Phinney: Non, ce n'est pas ce que je veux dire. Vous me donnez un morceau de papier lorsque j'apporte un film. Vous me donnez le talon. Avant de me remettre le talon et de me dire que vous allez développer mon film, je devrais signer quelque chose vous dégageant de toute responsabilité à l'égard des photos pour lesquelles je n'aurais pas de licence.
Une voix: Pendant combien de temps conservez-vous ces petits talons?
Mme Phinney: Cela ne me ferait rien de signer cela.
M. Asa: Lorsqu'un client rapporte ses talons, nous les jetons.
Mme Phinney: Non, non. Lorsque j'apporte le film et que je vous demande de le développer, vous me dites que vous allez le développer. Vous me demandez mon nom, mon adresse et d'autres renseignements. Vous me demandez ensuite de remplir cela, je le lis et je le signe. Après l'avoir lu la première fois, je saurais de quoi il s'agit. Est-ce que cela ne vous protégerait pas contre d'éventuels dommages-intérêts? Si j'ai signé avant le développement du film, j'en suis responsable. Vous ne développez rien...
M. Asa: Oui, cela semble raisonnable de faire quatre millions de copies pour toutes les années durant lesquelles nous devons les conserver. Mais c'est cinquante ans plus tard. Combien de temps devons-nous garder ce bout de papier? Il est peut-être petit, mais...
Mme Phinney: Vous le conservez jusqu'à ce que je reprenne mes photos et lorsque je reviens la fois suivante, je remplis à nouveau un petit bout de papier.
M. Asa: Non, ce n'est pas... Vous avez peut-être besoin de voir les photos, et ensuite quelqu'un d'autre décide de poursuivre Japan Camera. Je devrais donc les garder pendant au moins cinquante ans.
Mme Phinney: Oh, je vois. Mais vous ne conservez pas tous ces millions de photos dans chaque magasin. Cela représenterait peut-être une boîte de cette grandeur ou quelque chose du genre. Dans chaque magasin, à chaque endroit où l'on fait le développement et le tirage, il n'y en aura pas des millions. Je suis simplement en train d'essayer de vous faciliter la tâche. J'essaie de vous protéger contre des poursuites.
M. Asa: J'apprécie cela.
Le président: Monsieur Bélanger.
M. Bélanger: Mme Phinney vous a interrogé sur le nombre de poursuites qui sont en attente, sur le nombre de poursuites qui ont été intentées, et il n'y en a pas. Je veux simplement m'assurer que nous ne faisons pas une montagne d'une taupinière.
Vous admettez deux choses dans votre mémoire. La première, c'est qu'un demandeur peu scrupuleux - ou n'importe qui, si vous voulez - peut intenter une poursuite en cour. Vous admettez que rien de ce que nous faisons et rien de ce que vous suggérez ne pourrait l'en empêcher. Êtes-vous d'accord avec cela?
M. Fisk: Oui, nous sommes d'accord.
M. Bélanger: Très bien. Vous admettez également dans votre mémoire que le système judiciaire est en général assez rationnel et raisonnable. Est-ce...?
M. Fisk: Dans la majorité des cas, oui.
M. Bélanger: En général, oui.
Deux autres groupes ont proposé un concept qui instaurerait un seuil de déclenchement des dommages-intérêts. Il ne pourrait y avoir des poursuites au criminel que si les dommages-intérêts sont évalués à un certain niveau - la suggestion qui a été présentée à notre comité est de 5 000$. Est-ce que cela éliminerait une grande partie de vos inquiétudes?
M. Fisk: Il ne s'agit évidemment pas d'un article sur les poursuites au criminel.
M. Bélanger: Eh bien, vous pourriez également être poursuivi au criminel.
M. Fisk: Oui, cela soulagerait une inquiétude à propos des poursuites au criminel. Je suis d'accord avec vous. Mais l'article dont nous parlons concerne les dommages-intérêts préétablis. Il n'y a donc pas de seuil pour les dommages-intérêts, parce que si vous choisissez cette option, vous obtenez des dommages-intérêts...
M. Bélanger: Vous avez également admis dans votre mémoire, dans le libellé proposé du paragraphe 38.1(3), qu'une plus grande discrétion est encore accordée au système judiciaire qui, en général, est raisonnable et rationnel. Un juge pourrait imposer ce qu'il estime équitable, même moins que le minimum de 200$. Votre inquiétude concerne ici le support unique, est-ce exact?
M. Fisk: Oui, mais ce qui me préoccupe également, c'est que pour en arriver à ce stade, vous devez vous présenter à un procès. Vous devez franchir l'étape préliminaire...
M. Bélanger: Oui, mais nous sommes bien d'accord que rien de ce que nous faisons, rien de ce que vous suggérez, et rien de ce qui est praticable ne pourrait empêcher cela, monsieur. Quelqu'un peut toujours essayer de vous poursuivre, et vous devez ensuite vous fier au système.
M. Fisk: Mais il y a une différence entre le fait d'être poursuivi et le fait de se présenter à un procès. À l'heure actuelle, dans tous les tribunaux du Canada - depuis que la Cour fédérale a adopté récemment cet amendement - il y a des procédures de jugement sommaire au cours desquelles une poursuite est rejetée à un stade précoce sur la base d'affidavits si elle semble non fondée. Cela signifie qu'il est très difficile pour quelqu'un d'intenter une poursuite parfaitement contraire à la loi ou quelque chose du genre.
M. Bélanger: Êtes-vous en train de nous dire que cela empêcherait l'exercice d'un tel pouvoir discrétionnaire de fonctionner dans le système?
M. Fisk: Non. Dans une procédure de jugement sommaire - ou plus exactement une motion de jugement sommaire - quelqu'un a intenté une poursuite contre vous. Vous présentez votre défense et ensuite vous déposez une motion devant le tribunal en disant...
M. Bélanger: Mais j'aimerais savoir si oui ou non il y a quelque chose là pour empêcher quelqu'un de déposer une telle motion en vertu du système.
M. Fisk: Non, mais il n'y a rien là qui permette au tribunal de l'accepter.
M. Bélanger: Très bien.
M. Fisk: À l'heure actuelle, puisqu'on peut obtenir des dommages-intérêts, le tribunal doit dire qu'il ne peut pas prendre cette décision car il y a des dommages-intérêts disponibles en vertu de la disposition concernant les dommages-intérêts préétablis. Vous devez donc vous présenter en cour pour savoir combien vous obtiendrez de dommages-intérêts. Vous ne pouvez pas limiter cette action par une procédure préliminaire.
M. Bélanger: Monsieur le président, je pense qu'il s'agit d'une interprétation que nous devrions vérifier avec le ministère, ou peut-être avec le ministère de la Justice: si une poursuite est intentée dans le cadre de ces articles, un juge pourrait-il entendre une motion visant à renvoyer sommairement toute la question? Je pense qu'on essaie de nous dire ici que cela ne serait pas possible car ce n'est pas énoncé explicitement. En tant que comité, nous devrions peut-être vérifier cela auprès des autorités compétentes.
Merci.
Le président: Monsieur O'Brien, vous serez le dernier...
M. O'Brien: Oui, merci monsieur le président.
Après avoir entendu tout cela, je me demande si nous ne ferions pas mieux de prendre la photo de la personne qui apporte son film.
Des voix: Oh, oh!
M. O'Brien: Vous auriez une petite cabine comme celle dont a parlé M. de Savoye, mais j'imagine que cela pourrait provoquer également un problème d'entreposage.
M. Arseneault: Y aurait-il également un numéro sur la photo?
M. O'Brien: C'est exact, un numéro et tout le reste.
Je pense que vous avez proposé votre propre solution à ce problème, si je comprends bien d'après la question de ma collègue Mme Phinney, si bien que je vais laisser tomber ce sujet et passer à ce que nous pourrions apprendre de la situation américaine, si c'est le cas.
Ils ont des dommages-intérêts préétablis. Quelle est la situation là-bas? Est-ce que les duplicateurs de photos et les développeurs-tireurs sont exemptés aux États-Unis?
M. Fisk: C'est une question très intéressante. M. Asa était président de l'AMP au niveau international lorsque cela est arrivé.
John, pouvez-vous faire des commentaires à ce sujet?
M. Asa: La même question a été soulevée à Washington devant un comité comme le vôtre. Les représentants de l'AMP ont apporté tout un sac de films, pas seulement un rouleau, et nous avons demandé aux membres du comité d'identifier celui qui contenait des photos protégées par un droit d'auteur. Aux États-Unis, l'AMP a donc réussi à dire qu'il s'agissait d'infractions inoffensives et nous en sommes exemptés.
M. O'Brien: Vous êtes exemptés aux États-Unis.
M. Asa: Oui.
M. O'Brien: Êtes-vous en train de nous dire que c'est la solution que nous devrions adopter au Canada? Ce n'est pas vraiment ce que vous nous dites, n'est-ce pas? Si je comprends bien, vous proposez une solution différente du projet de loi.
M. Fisk: Il s'agit d'une approche essentiellement semblable.
Je pourrais ajouter qu'il y a également un autre élément aux États-Unis. L'AMP a signé une entente - il s'agit d'une entente volontaire et non pas d'une entente exécutoire devant les tribunaux - avec la plupart des autres principaux organismes qui traitent avec les photographes, dans le cadre de laquelle les membres de l'AMP sont tenus de ne pas copier une chose qui est apportée par un client et constitue en apparence une violation du droit d'auteur. Comme vous l'avez constaté, c'est ce que font également les compagnies de M. Asa et de M. Gauthier.
M. O'Brien: Monsieur le président, j'ai simplement une petite question complémentaire que je pourrais tout aussi bien poser.
Quelle est la norme à l'échelle internationale, et pas seulement aux États-Unis? M. Asa pourrait probablement répondre à cette question. Que fait-on ailleurs dans le monde? Quelle est la façon la plus courante de solutionner ce problème que vous nous exposez?
M. Asa: Je suis allé au Brésil, en Australie, au Japon et en Corée, et la question du droit d'auteur ne pose pas vraiment un problème. Elle n'a jamais été soulevée.
Aux États-Unis, comme l'a mentionné M. Fisk, c'est volontaire. Il y a les Professional Photographers of America, les associations de laboratoires photographiques et l'AMP. Les membres de l'AMP comptent évidemment de nombreux photographes. J'étais signataire de l'entente stipulant que le bon sens prévaut.
C'est légèrement différent des éditeurs de musique - j'écoutais les autres membres - et des artistes. Pour tout ce qui concernait le domaine photographique... nous avions une entente générale parmi nos diverses associations à propos de l'image photographique. Le problème a été résolu après environ huit ans, devrais-je ajouter.
M. O'Brien: Merci beaucoup de votre aide pour répondre à cette question.
Le président: Merci, monsieur Fisk, monsieur Gauthier et monsieur Asa.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à la Coalition canadienne des créateurs,
[Français]
représentée par M. André Amyot, président du Comité du droit d'auteur, Photographes professionnels du Canada;
[Traduction]
M. Duncan Read, directeur de l'Association canadienne des photographes et illustrateurs en communication (ACPIC), M. Struan Campbell-Smith, président de l'ACPIC, M. John Harquail, secrétaire de la Coalition canadienne des créateurs, et M. Richard Bell, agent de liaison en matière de droit d'auteur, PPC.
Qui veut commencer?
[Français]
Allez-y, monsieur Amyot.
M. André Amyot (président du Comité du droit d'auteur, Coalition canadienne des créateurs; Photographes professionnels du Canada): Membres du Comité permanent du patrimoine canadien, nous sommes heureux de participer aujourd'hui à cet important processus qu'est la réforme de la Loi sur le droit d'auteur à l'égard des créateurs photographiques.
J'aimerais d'abord vous présenter mes collègues. Ce sont M. Struan Campbell-Smith, qui est photographe de mode; M. John Harquail, qui est photographe corporatif et industriel;M. Duncan Read, qui est avocat et ne fait pas de photo; et M. Richard Bell, qui est photographe commercial et industriel. Je suis aussi photographe commercial.
Nous sommes ici présents aujourd'hui afin de nous associer au Comité permanent du patrimoine canadien en vue d'envisager les réformes nécessaires que doit subir la Loi sur le droit d'auteur afin de mieux protéger les quelque 12 000 photographes qui exercent leur métier tous les jours dans des collectivités d'un océan à l'autre du pays.
À titre de créateurs, nous croyons que la meilleure façon de nous présenter consiste à nous servir des images photographiques que nous créons à tous les jours pour la population canadienne. Vous en avez des exemples dans votre document.
Nous démarrons et exploitons de petites entreprises tous les jours dans diverses collectivités à l'échelle du pays. Nous créons des images qui sont reproduites dans les magazines et les journaux, sur les panneaux d'affichage, dans les rapports annuels et sur les étalages publicitaires en divers lieux de vente, qui aident les compagnies à annoncer leurs produits et à raconter leur histoire. Nous créons des images souvenirs de vos enfants et de vos petits-enfants lors d'occasions spéciales, qu'il s'agisse de leur naissance, de l'obtention de leur diplôme ou de leur mariage. Enfin, nous créons les images que vous utilisez tous dans vos campagnes électorales.
Les photographes portraitistes ou publicitaires exercent en grande partie leur profession de façon autonome, travaillant seuls ou partageant un petit studio avec un confrère ou une consoeur.
Pour vous donner un exemple, 84 p. 100 des photographes font partie d'une équipe d'une à trois personnes dans leur studio et, parmi ces 84 p. 100, une seule personne travaille dans le studio dans 62 p. 100 des cas.
À l'heure actuelle, deux associations nationales, soit les Photographes professionnels du Canada (PPC) et l'Association canadienne de photographes et illustrateurs de publicité (ACPIP), représentent les photographes et illustrateurs professionnels canadiens. Afin de mieux nous faire entendre par le comité, nous nous sommes regroupés sous la bannière de la Coalition canadienne des créateurs.
Plus de 12 000 photographes travaillent à temps plein et à temps partiel au Canada. Un grand nombre d'entre eux exploitent un modeste studio et leurs activités profitent grandement à l'économie canadienne. Ainsi, l'achat de pellicules, une importante ressource faisant partie intégrante du processus de création, représente à lui seul une dépense de 60 à 75 millions de dollars par année au Canada, dépense engagée par les photographes professionnels à temps plein ou à temps partiel.
Cela peut résulter, selon nos études, en un chiffre d'affaires variant de 500 à 600 millions de dollars par année. Donc, c'est une industrie qui a un impact important.
La Coalition regroupe plus de 10 000 photographes, créateurs, illustrateurs et journalistes indépendants de nombreuses disciplines. Les membres de la Coalition, de concert avec les associés du secteur de l'industrie, notamment les manufacturiers de film, les laboratoires de développement et les agences de photomarketing ont élaboré la présente soumission en août, qui a été déposée par la suite auprès du comité au début septembre. Les membres de la Coalition continuent de nous appuyer sans réserve.
[Traduction]
M. Struan Campbell-Smith (président, Association canadienne des photographes et illustrateurs en communication (ACPIC)): Depuis plus d'une décennie, afin de mieux protéger les droits des créateurs canadiens, l'ACPIC et PPC réclament des améliorations au régime des droits d'auteur. Ces associations ont présenté des mémoires au gouvernement fédéral revendiquant la réforme de la législation en matière de droit d'auteur. Ces efforts se sont soldés presque toujours par un échec ou ont donné peu de résultats perceptibles.
Nous avons présenté des mémoires et des soumissions à de nombreux comités et groupes de travail parlementaires, notamment le sous-comité du Comité permanent des communications et de la culture en juin 1985 et plus récemment le Comité consultatif sur l'autoroute de l'information. Tant PPC que l'ACPIC ont témoigné devant le Comité parlementaire de Consommation et Corporations au cours de la première phase du processus de réforme du droit d'auteur.
L'heure de garantir l'équité en matière de droit d'auteur pour les photographes a maintenant sonné. La Loi sur le droit d'auteur actuelle ne tient pas compte des changements actuels et futurs qui caractérisent la propriété intellectuelle, les nouvelles technologies et les nouveaux médias.
L'industrie photographique au Canada se trouve, selon certains, à la limite du changement de la technologie. Au cours des dix dernières années, l'arrivée de la technologie numérique et de l'Internet a voilé la disparition des activités de composition et a éclipsé l'implantation, la mise au point et le perfectionnement de la retouche électronique de photographies, l'essor de l'illustration informatisée et la création de photodisques compacts.
Les modifications que propose le projet de loi C-32, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur, et l'examen entrepris par le Comité permanent du patrimoine canadien offrent l'occasion d'aborder certaines questions d'intérêt spécial pour les photographes canadiens.
La coalition appuie les efforts continus du gouvernement en vue de moderniser la protection des droits d'auteur au Canada. Telles que proposées, les modifications visent à accorder des droits supplémentaires aux producteurs d'enregistrements sonores et artistes-interprètes, à rémunérer les créateurs d'enregistrements sonores pour la copie privée et à mieux protéger les distributeurs de livres canadiens.
Un nombre limité de mesures proposées répondent aux revendications de longue date des photographes désireux d'obtenir une protection égale à celle dont jouissent déjà les autres créateurs d'oeuvres culturelles. Voilà pourquoi nous sommes ici aujourd'hui, pour aider les membres du comité à comprendre les questions qui ont une incidence sur notre industrie et les raisons pour lesquelles il est essentiel que les modifications que nous proposons soient adoptées.
Dans son document intitulé Pour la création d'emplois, pour la relance économique: le plan d'action libéral pour le Canada, le Parti libéral affirme qu'à l'heure de la mondialisation des échanges et de l'explosion des technologies de l'information, les frontières entre les pays s'estompent. Le Canada doit plus que jamais favoriser son développement culturel.
L'apport important des photographes canadiens au développement culturel au Canada est indéniable. Une visite au Musée canadien de la photographie contemporaine, situé à proximité de la colline du Parlement, ou encore la célèbre photographie du premier ministre britannique Winston Churchill, dont le regard défiant a été immortalisé par un photographe, témoignent de l'importance de ce secteur culturel.
Le droit d'auteur est reconnu comme un élément essentiel au renforcement de la culture canadienne et à la réalisation des objectifs sociaux et économiques du Canada. En annonçant les modifications envisagées dans le projet de loi C-32, Mme Sheila Copps, ministre du Patrimoine canadien, a déclaré: «Ces mesures sont des mesures de justice et prennent en compte le droit des créateurs à être reconnus comme auteurs de leurs oeuvres, ainsi qu'à une rétribution pour l'utilisation de celles-ci».
Nous souscrivons à la position de Mme Copps et du gouvernement fédéral et c'est pourquoi nous avons élaboré les recommandations de principe suivantes afin d'atteindre les buts énoncés et de répondre aux besoins des photographes à l'échelle nationale.
M. Richard Bell (agent de liaison en matière de droit d'auteur, Photographes professionnels du Canada): À propos des recommandations sur la réforme du droit d'auteur, certaines modifications précises liées au projet de loi C-32 figurent à l'annexe de la présente soumission. Les modifications proposées les plus importantes touchent la définition du terme «auteur» et la notion de «vie de l'auteur plus période de 50 ans».
Tout d'abord, à propos de la modification de la définition du terme auteur, la coalition demande une définition plus claire du terme «auteur». Elle revendique également un autre aspect d'importance égale, mais aussi cruciale pour la protection future des photographes, soit la reconnaissance, en vertu de la Loi sur le droit d'auteur, des photographes à titre de premiers titulaires du droit d'auteur, quel que soit le processus de création utilisé. Selon la loi actuelle, un photographe qui désire garder l'emprise sur les images commandées doit, au préalable, négocier un contrat avec son client. Sans un tel contrat, un photographe perd toute emprise sur son travail, tandis que d'autres créateurs n'ont pas à faire face à cette situation.
L'absence de mesures de protection fondamentales dont jouissent d'autres créateurs oblige les photographes à avoir recours au régime judiciaire pour protéger leurs droits et ce, à grands frais. Par exemple, en octobre 1995, un photographe de Toronto a obtenu gain de cause dans une cour de justice de l'Ontario contre un important journal canadien. Le litige portait sur l'utilisation d'une photographie, prise en 1985, de la ministre actuelle du Patrimoine canadien, l'honorable Sheila Copps, alors vêtue de cuir et à califourchon sur une motocyclette Harley Davidson.
Le journal a reproduit la photographie telle qu'elle avait été publiée dans la revue Saturday Night en 1990 pour l'intégrer à un reportage-portrait qu'on faisait d'elle lors de la campagne à la direction du Parti libéral. Selon le journal, puisque la photographie avait déjà été publiée en première page d'une revue, le droit d'auteur n'existait plus et le photographe n'avait plus droit à une rétribution supplémentaire.
En octobre 1995, le tribunal a attribué au photographe une somme équivalant à ses droits de réutilisation. Toutefois, les frais de justice s'élevaient à quinze fois la somme qui lui a été accordée.
Si la Loi sur le droit d'auteur offrait une protection aux photographes semblable à celle qu'elle garantit aux illustrateurs et rédacteurs, le litige en question au sujet du travail commandé ne se serait pas produit. En reconnaissant les photographes comme étant les premiers titulaires du droit d'auteur, la Loi sur le droit d'auteur protégerait ces photographes contre quiconque utiliserait leurs images photographiques sans les rétribuer comme il se doit.
Comme les droits économiques peuvent être cédés sans contrainte, nous reconnaissons qu'il est possible de renoncer à la protection du droit d'auteur aux termes d'une entente contractuelle. Cependant, en protégeant les droits des photographes face à leurs créations, le gouvernement fédéral leur permettrait de jouer selon les mêmes règles que les autres créateurs qui sont rétribués pour l'utilisation future de leurs oeuvres.
À propos de la photographie en tant qu'oeuvre artistique, au gré de l'évolution de la technologie, il devient de plus en plus important de définir clairement ce qu'est une photographie afin de protéger l'auteur de l'oeuvre. L'expression du concept du photographe devrait continuer à être reconnue, quelle que soit la forme sous laquelle il a été présenté. Même s'il n'y a aucune planche et aucun cliché, il y a toujours une image photographique. Nous avons recommandé une définition précise que nous soumettons au comité à des fins d'examen et que nous présentons en annexe.
À propos de la vie de l'auteur plus période de 50 ans, l'octroi d'une période de protection aux créateurs a pour but, en principe, de les encourager à créer, tout en rendant leurs oeuvres viables du point de vue commercial à l'égard des membres du public.
La période de protection accordée aux photographes, en vertu de la Loi sur le droit d'auteur, est plus courte que celle dont jouissent les autres artistes. Pour cette raison, les photographes ont moins d'intérêt à créer et ils sont tenus d'amortir leur droit d'auteur sur une période de temps plus courte, ce qui rend leurs oeuvres plus coûteuses.
Comme je l'ai déjà mentionné, la célèbre photographie de Winston Churchill ne jouit pas de la même protection que les oeuvres d'autres créateurs. Le droit d'auteur sur cette oeuvre a maintenant pris fin. Certains journalistes de l'époque, notamment Bruce Hutchison, éminent écrivain et rédacteur, sont toujours titulaires du droit d'auteur sur leurs récits de la visite du premier ministre Churchill au Canada. M. Hutchison est décédé en 1992, mais son droit d'auteur subsistera jusqu'en 2042.
Tant que persistera cette iniquité de période de protection accordée au droit d'auteur, les photographes se verront nier la protection nécessaire pour leurs oeuvres. Voilà pourquoi nous appuyons les efforts d'Industrie Canada désireuse d'établir un traité international par l'entremise de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Cet organisme se penchera sur un certain nombre de questions liées à la réforme du droit d'auteur, notamment l'utilisation de la notion «vie de l'auteur plus période de 50 ans» applicable aux images photographiques. Nous nous sommes entretenus avec certains dirigeants d'Industrie Canada au sujet des recommandations que nous proposons, et nous avons convenu d'appuyer publiquement leurs efforts lors de la conférence de l'OMPI qui se déroulera en décembre 1996.
À propos des dommages-intérêts préétablis, la Coalition canadienne des créateurs appuie les dispositions proposées par le projet de loi C-32 au sujet des dommages-intérêts préétablis. Nous sommes d'avis que ces dispositions protégeront davantage tous les créateurs tout en offrant un processus équitable pour tous les Canadiens et toutes les Canadiennes. La période d'examen de cinq ans permettra tant au gouvernement qu'au monde de la création de mettre à l'essai, par voie d'expérience pratique et d'activités de sensibilisation, la loi proposée afin de s'assurer qu'aucun secteur en particulier n'est victime d'injustice.
M. John Harquail (membre, Conseil d'administration, Association canadienne des photographes et illustrateurs en communication (ACPIC)): Les discussions sur les nouvelles questions de droit d'auteur sont déjà entamées. Le rapport définitif du Comité consultatif sur l'autoroute de l'information, de même que la réponse subséquente du gouvernement fédéral, ont clairement délimité les questions essentielles liées au droit d'auteur face à l'Internet et aux nouvelles technologies.
Une troisième phase est envisagée afin de traiter des questions de droit d'auteur dans le secteur des politiques de l'autoroute de l'information. Nous avons déjà participé aux travaux du Comité consultatif sur l'autoroute de l'information et nous sommes désireux d'unir nos efforts à ceux du gouvernement fédéral lors de consultations ultérieures. Toutefois, avant d'être en mesure de participer avec d'autres créateurs à de tels travaux futurs, il est essentiel que les photographes jouissent d'une protection égale en vertu de la Loi sur le droit d'auteur.
En conclusion, nous vous remercions de l'occasion que vous nous avez donnée de partager nos importantes propositions de réforme avec les membres du Comité permanent. Nous serons heureux de répondre à vos questions. Nous serons alors en mesure de vous faire part d'autres exemples de situations malheureuses qu'ont vécues les photographes au fil des ans, situations que doit maintenant empêcher le régime du droit d'auteur au Canada. Ce que nous demandons ne constitue pas un changement fondamental à la Loi sur le droit d'auteur, mais plutôt une protection égale à celle dont jouissent actuellement tous les autres créateurs.
Nos propositions de réforme sont uniformes depuis plus d'une décennie. Nous demandons votre appui face aux modifications demandées. Nous remercions les dirigeants d'Industrie Canada et du ministère du Patrimoine canadien pour leur aide continue et nous serons heureux de travailler en collaboration avec les membres du Comité en vue d'apporter ces réformes essentielles.
Le président: Monsieur Amyot, monsieur Harquail et vos collègues, on dit qu'une image vaut mille mots - du moins, je le suppose. De toute façon, vous avez fait preuve de beaucoup de créativité et d'intelligence pour nous présenter les outils de votre métier sous des expressions magnifiques.
Je vois, monsieur Harquail, que vous avez toute une page là-dedans, une de vos photographies. Avez-vous un lien de parenté avec Randy Harquail?
M. Harquail: Randy est un cousin lointain. Il est assis derrière moi. Je tiens à souligner que Malak y figure également.
Le président: Félicitations. C'est quasiment une oeuvre d'art. Est-elle protégée par un droit d'auteur?
M. Harquail: Si vous jetez un coup d'oeil sur la page arrière, monsieur, vous verrez que tous les droits sont réservés.
Le président: J'invite les membres du comité à poser des questions.
[Français]
Monsieur Leroux.
M. Leroux: Je vous remercie pour vos propos très artistiques et très bien choisis.
En ce qui nous concerne, nous sommes très contents que vous comparaissiez devant le comité. On vous appuie fondamentalement dans cette revendication que vous faites depuis longtemps, à savoir d'être reconnus comme des auteurs.
Avec le développement artistique de la photo, les gens du monde de la photo ont imposé l'art visuel qu'est la photo. Il y a un musée de la photo à Ottawa et il y a beaucoup d'indices très nets, très clairs qui démontrent que vous êtes des créateurs. Cependant, il reste un pas à franchir et j'espère que le comité et le gouvernement, de concert avec nous, accepteront de trouver le moyen de vous faire reconnaître comme des auteurs dans cette loi.
En ce qui a trait à cette reconnaissance, vous faites une suggestion. J'aimerais qu'on en parle un peu plus. Vous dites que vous avez un libellé modifié à nous suggérer. Je ne l'ai pas vu.
Le président: C'est à la fin du livret.
M. Leroux: D'accord. On trouve ce libellé sous la rubrique «Modification 3». Pour vous, il est clair qu'il devrait être inclus dans les dispositions générales.
[Traduction]
M. Duncan Read (directeur, Association canadienne des photographes et illustrateurs en communication (ACPIC)): Oui, nous estimons que cela devrait être inclus dans les dispositions générales. En supprimant tout simplement l'article 13.2, nous créons ensuite une situation dans laquelle nos oeuvres sont traitées sur un pied d'égalité.
M. Leroux: Très bien.
M. Read: La modification vise essentiellement à nous redonner la pleine titularité du droit d'auteur en vertu de cet article. Aux termes de l'article 10, l'autre partie de la disposition nous donne la parité pendant la vie de l'auteur plus une période de 50 ans, et ensuite nous finissons par obtenir l'égalité avec tous les autres créateurs à tous les égards en vertu de la loi.
[Français]
M. Leroux: En ce qui a trait au paragraphe 10(2), vous suggérez que l'article 2 de la loi soit modifié de façon à définir l'auteur d'une photographie comme étant le propriétaire du cliché initial. C'est beau. C'est assez clair. Je ne l'avais pas vu auparavant.
Dans votre mémoire, vous dites que vous devrez faire des efforts pour vous regrouper en association. Le fait de vous regrouper dans le monde de la photographie va-t-il faciliter la reconnaissance de l'auteur-photographe?
Pensez-vous pouvoir mettre en place des mécanismes pour aller chercher vos droits en tant que collectif de gestion, ce qui n'existe pas actuellement? Un collectif de gestion va faciliter les choses. Êtes-vous prêts à vous joindre à la revendication des autres auteurs, qui veulent être reconnus non seulement comme des auteurs, mais aussi comme des négociateurs? Le projet de loi prévoit de nombreuses exceptions qui élimineront les gens avec qui vous pourriez négocier des droits.
Rejoignez-vous les autres groupes d'auteurs qui revendiquent leurs droits aux collectifs de gestion, à la négociation et à l'obtention de licences d'exception, s'il le faut?
M. Amyot: C'est l'une des raisons pour lesquelles on s'est regroupés sous le parapluie de la Coalition canadienne des créateurs qui regroupe des écrivains, etc. C'est bien notre intention. Les deux associations qui sont présentes ici aujourd'hui représentent une bonne partie des photographes qui sont en affaires.
Notre recherche en vue d'obtenir un niveau équitable de négociation au niveau de la photographie va aider considérablement nos associations à grossir et à être représentatives. Les photographes attendent depuis des années que la Loi sur le droit d'auteur leur accorde un droit quelconque sur leurs oeuvres.
Donc, les idées de collectif, etc., sont tout à fait envisagées et voilà pourquoi notre démarche a été faite.
M. de Savoye: J'aimerais faire un commentaire et ensuite poser une question. D'abord, j'aimerais vous féliciter pour votre très beau mémoire. C'est vraiment une oeuvre d'art. Je n'ai jamais vu quelque chose d'aussi agréable non seulement à lire, mais aussi à regarder.
J'aimerais aussi vous indiquer ainsi qu'à mes collègues que cette année, comme les autres années, j'ai invité un artiste de ma circonscription à me faire une oeuvre que j'utilise sur ma carte de voeux de Noël et du Nouvel an. Cette année, par pure coïncidence, je me suis adressé à un photographe qui apparaît dans votre cahier, M. Étienne Du Sablon de Saint-Casimir.
C'est tout à fait par hasard et j'en suis surpris. M. Du Sablon ne m'avait pas dit qu'il avait autant de notoriété. J'ai demandé par écrit à M. Du Sablon le droit de reproduire un certain nombre d'exemplaires de son oeuvre sur ma carte, et je suis allé chez l'imprimeur avec cette permission, avec ce droit en vertu duquel M. Du Sablon reçoit une rétribution.
Par ailleurs, il y a déjà quelque temps, j'avais aussi demandé à M. Du Sablon de prendre ma propre photo. Comme vous le savez, ici à la Chambre, les députés ont des pages sur Internet et on y met notre photo. J'avais demandé à M. Du Sablon de me préparer une photo à cette fin-là.M. Du Sablon n'est pas seulement un artiste. Regardez la photo: il fait des miracles.
Depuis que la photo est disponible sur Internet, elle a été reproduite à divers endroits. Évidemment, je ne vois pas comment je pourrais contrôler cela. Je ne sais pas comment cela s'insère dans un processus de droit d'auteur. Pourriez-vous me donner votre point de vue là-dessus?
[Traduction]
M. Read: Monsieur, cela s'insère très bien dans le droit d'auteur, mais dans la phase trois de la Loi sur le droit d'auteur. Lorsque le Parlement sera prêt à étudier la phase trois, nous viendrons témoigner avec des documents et des propositions spécifiques, mais ces propositions dépassent la portée de la présente phase du projet de loi sur le droit d'auteur.
C'est un grave problème dans l'industrie. Nous collaborons et nous essayons de négocier avec les intervenants dans l'industrie en vue contrôler le processus, mais nous estimons que nous devrons revenir et l'aborder dans le projet de loi au cours de la prochaine phase.
M. de Savoye: Le but de ma question était le suivant. Est-ce que ce que nous faisons à l'heure actuelle va à l'encontre de ce qui pourrait être fait pendant la phase trois? Ou encore la phase trois pourrait-elle facilement s'appuyer sur ce que nous faisons à l'heure actuelle? Devrions-nous nous préoccuper maintenant de certaines choses pour nous assurer de ne pas nous retrouver coincés pendant la phase trois?
M. Read: Ce que nous vous demandons de faire aujourd'hui nous met sur un pied d'égalité afin que nous puissions aborder la phase trois avec les mêmes droits et les mêmes options que les autres créateurs.
M. de Savoye: Je vous remercie de cette réponse.
[Français]
M. Leroux: Premier pas: auteur.
[Traduction]
M. Harquail: Vous découvrirez également les problèmes que nous rencontrons en tant que créateurs...
Le président: Madame Phinney.
Je suis désolée, monsieur Harquail.
M. Harquail: J'allais simplement mentionner, monsieur, que vous avez découvert l'un des principaux problèmes que nous rencontrons en tant que créateurs, en particulier en ce qui concerne le réseau Internet. Il est facile d'y accéder et il est facile de se faire exploiter.
M. de Savoye: Merci.
Le président: Monsieur Arseneault, ensuite madame Phinney.
M. Arseneault: Merci, monsieur le président.
Je tiens aussi à féliciter les témoins pour la présentation imaginative de leur mémoire. Je remarque qu'ils ont inclus des photos provenant de la région de chaque membre.
Des voix: Oh, oh!
M. Arseneault: Dans ma région, je connais assez bien les deux Studios 2000 et je peux vous garantir qu'ils sont d'excellents ambassadeurs de leur profession. En fait, ils consacrent de nombreuses heures de travail bénévole mais professionnel à des activités comme le Festival Bon Ami dans ma ville natale.
La question que je me pose concerne votre mémoire et l'idée de définition du terme auteur - je suppose que cela touche directement au but de votre mémoire - à savoir que les photographes devraient être reconnus comme étant les premiers titulaires. Dans la situation actuelle, quelqu'un prend des photos pour une personne et cette dernière, qui a commandé les photos, en est le propriétaire réel, je suppose.
Vous voulez renverser cette situation. Autrement dit, si quelqu'un se marie au cours de la fin de semaine et si une loi était adoptée avec les changements que vous souhaitez, le photographe qui est embauché serait le propriétaire des photos de ce mariage. Vous ai-je bien compris?
[Français]
M. Amyot: Excusez-moi, monsieur Arseneault. Il ne serait pas propriétaire des photos; il serait propriétaire de la création des images. Les photographies elles-mêmes, si on parle d'un produit, appartiennent au client, mais le droit de création reviendrait au photographe et non pas au client.
M. Arseneault: Sans la permission du client pour les utiliser dans un autre domaine?
M. Amyot: Je peux vous donner un exemple.
M. Arseneault: Je pense à des annonces, à de la publicité.
M. Amyot: C'est cela. Lorsqu'on serait dans une situation de contrat où le photographe devrait avoir le droit d'auteur... On imagine la situation idéale. Le photographe aurait investi toute son âme dans la création des photos et il aurait même fait sa tarification en se basant sur le fait qu'il est propriétaire des photos. Il aurait fait un contrat avec le client disant que, pour telle somme d'argent, il donnera tel service et tel produit.
Actuellement, de plus en plus souvent, le photographe crée ses images et présente des épreuves à son client. Le client a un choix à faire. Souvent il arrive que le client dise: «Écoute, je ne peux pas faire mon choix ce soir. Est-ce que je peux apporter les photos à la maison pour faire un choix plus judicieux?» Le photographe répond: «Il n'y a pas de problème». On est accommodants. On veut bien servir notre client.
Il arrive quelquefois, et c'est une préoccupation, que les clients ne reviennent pas parce qu'ils prennent les épreuves et vont les faire reproduire dans un bureau local de photocopie. Vous connaissez la qualité des images qui sortent de ces machines-là aujourd'hui. Ils se font leur propre album ou leurs propres photos pour toute la famille.
Par conséquent, les photographes se retrouvent dans une situation économique très difficile, non seulement parce que les clients n'ont pas rempli leur contrat jusqu'au bout, mais aussi parce que dans la majorité des cas, ils ont encore un solde à payer. Lorsque le photographe téléphone à son client pour lui demander s'il peut avoir sa commande, le patinage traditionnel commence et, finalement, il n'y a pas de commande de photographies.
Je vais vous donner un exemple très clair pour répondre à votre question, monsieur Arseneault. Une photographe de Granby m'a appelé dernièrement pour me dire qu'un encadreur local venait de l'appeler pour lui dire qu'il recevait souvent des photos de ses clients. Il savait que cela vient de chez elle parce qu'il reconnaissait son style de photographie. Les gens n'arrivent pas avec des photos, mais avec des photocopies qu'ils font encadrer, des photocopies faites dans la boutique de photocopie locale. On leur demande ce qu'ils font des droits d'auteur. Ils répondent que les gens de la boutique de photocopie leur ont dit que les droits d'auteur n'existaient pas en photographie et de ne pas se casser la tête avec cela.
Cela a été vérifié par la photographe elle-même, qui s'est fait passer pour une consommatrice. Elle a téléphoné au bureau de photocopie et a dit: «Si j'ai une photographie qui porte un symbole de droit d'auteur, allez-vous me la copier quand même?» La réponse a été: «Madame, il n'y a pas de problème. Il n'y a pas à se préoccuper de ça. On va vous faire des copies tant que vous en voudrez.» C'est une situation qui revient continuellement.
M. Arseneault: Disons que vous prenez une photo de moi et que, dans deux ans, vous voulez l'utiliser pour des annonces publicitaires. Ai-je le droit de refuser ou si c'est vous qui allez décider?
M. Amyot: Si moi j'utilise votre photo dans une publicité pour mon...? Oui, tout à fait. Cela ne nous donne pas le droit de faire ce qu'on veut de la photographie.
M. Arseneault: Sans permission?
M. Amyot: Tout à fait. D'ailleurs, nous encourageons très clairement nos membres à conclure des contrats avec leurs clients au cas où ils voudraient utiliser la photographie dans une exposition quelconque. Ils peuvent négocier avec leur client. Ils demandent alors: «Est-ce que tu verrais des objections à ce que j'utilise la photographie que j'ai faite de ta famille ou du mariage dans ma vitrine? Dans ces cas-là, les parties peuvent en venir à une entente.
M. Arseneault: Avez-vous le droit de vendre les droits à quelqu'un d'autre?
M. Amyot: Je peux vous dire que, personnellement...
M. Arseneault: Sans ma permission.
M. Amyot: Sans votre permission, je ne le ferai jamais.
M. Arseneault: D'accord, mais en avez-vous le droit? La proposition que vous voulez faire va vous donner certains droits pour la photographie.
Pourrez-vous vendre ce droit à quelqu'un d'autre sans ma permission?
[Traduction]
M. Harquail: Monsieur Arseneault, j'aimerais simplement clarifier ceci. Parlez-vous de portrait personnel, disons, de vous-même?
M. Arseneault: Pour n'importe quel type de photographie que vous prenez d'une personne - pas d'une scène, d'un individu - vous voulez maintenant que les photographes soient reconnus comme les premiers titulaires.
M. Harquail: Les premiers titulaires du droit d'auteur.
M. Arseneault: Ainsi, vous en êtes titulaire. Maintenant une compagnie pourrait vous contacter parce qu'elle veut cette photo. Par exemple, vous avez ici une photo d'un jeune d'Edmonton. La compagnie Heinz vient vous voir et vous dit: «J'ai vu cette photo dans votre vitrine». Vous aviez la permission de l'utiliser dans votre vitrine, et cela remonte peut-être à trois ou quatre ans. Le représentant de la compagnie déclare: «Verriez-vous un inconvénient à me vendre les droits sur cette photo afin que je puisse l'utiliser pour promouvoir les aliments Heinz?».
M. Harquail: C'est la pratique de l'industrie qui dicterait la conduite.
M. Arseneault: Pas la pratique; d'après le texte législatif que vous proposez, les changements que vous voulez effectuer, cela serait-il permis? C'est ce que je veux savoir.
M. Read: Non, monsieur, la loi ne le permettrait pas.
M. Arseneault: Pas à l'heure actuelle.
M. Read: Pas à l'heure actuelle, et pas même après les changements que nous proposons, car il y a une disposition dans la loi à propos de l'utilisation de votre image, de votre visage. Nous ne pouvons pas l'utiliser sans votre permission.
M. Arseneault: Pouvez-vous prendre une photo sans permission et l'utiliser?
M. Read: Non.
M. Arseneault: Pas dans une foule?
M. Read: En général non, vous ne pouvez pas. La Cour d'Appel du Québec a rendu dernièrement un jugement dans l'affaire Duclos qui a réaffirmé le principe que vous ne pouvez pas prendre de photos d'une foule et les utiliser lorsque les membres de la foule sont facilement reconnaissables. Si nous prenons une foule de 15 000 à 20 000 personnes au Centre Molson, dans laquelle personne n'est reconnaissable, c'est une chose, mais la photo d'une partie de la foule qui montre et envahit clairement la vie privée des gens, comme dans le cas du monsieur qui se trouve avec sa maîtresse et non avec sa femme, ce qui causerait un scandale si la photo était publiée - , ça vous ne pouvez pas le faire.
M. Arseneault: Ce n'est pas ce qui me préoccupe. C'est le côté vie privée...
M. Read: Cela ne modifierait pas cette partie de la loi.
M. Harquail: Vous avez le droit de contrôler votre image, sans tenir compte du droit d'auteur...
Le président: Madame Phinney.
Mme Phinney: Vous semblez avoir été oubliés dans le projet de loi. Dans un sens, nous pouvons comprendre cela, parce que vous représentez un nouvel art et vous avez progressé bien après les peintres et les écrivains. Mais il y a quelque chose que je ne comprends pas. Il me semble que vous n'auriez pas dû être oubliés, même au cours des dernières années de votre existence. La partie concernant la vie de l'auteur plus période de 50 ans...
La Loi sur le droit d'auteur prévoit une période de protection du droit d'auteur plus courte pour les photographes que pour les autres artistes. Je ne comprends pas comment cela peut arriver. Vous pourriez peut-être m'expliquer comment cela a pu arriver. Pourquoi devriez-vous bénéficier d'une période de protection du droit d'auteur plus courte que celle de tous les autres artistes? Je peux comprendre le principe selon lequel vous avez presque été oubliés dans le projet de loi, parce que vous formez un nouveau groupe artistique, mais cette clause a été spécifiquement insérée dans le projet de loi pour vous conférer une période de protection plus courte.
M. Harquail: Si je me souviens bien, la loi a été rédigée en 1924, lorsque la photographie était une profession relativement nouvelle, si je puis dire. Pendant longtemps, la photographie a été considérée comme un dispositif mécanique pour reproduire des choses artistiques. Si vous possédiez un «talent artistique» et si vous pouviez peindre ou dessiner, vous pouviez réaliser un beau paysage. Si vous n'aviez pas ce talent, vous pouviez utiliser un dispositif mécanique et recréer ce paysage. D'après ce que je sais, la photographie n'a jamais obtenu dans l'historie le statut d'art dont elle jouit actuellement à la fin des années 90.
C'est la seule raison à laquelle je peux attribuer cette situation. Je ne pense pas que cela ait été fait exprès. À l'époque, c'était considéré comme un non-art.
Mme Phinney: Si la loi vous a conféré une sorte de protection du droit d'auteur, ce qui est le cas, pourquoi l'a-t-elle raccourcie? C'est ce que je ne comprends pas. Avez-vous une idée du motif de cette décision?
M. Harquail: Je n'en ai aucune idée.
Mme Phinney: Vouliez-vous faire un commentaire?
M. Read: Un commentaire. C'est tout simplement que les temps étaient différents lorsque les gens étaient assis dans cette salle, il y a soixante-dix ans, pour examiner la Loi sur le droit d'auteur article par article. Les temps sont différents et les perceptions sont différentes sur la durée de vie d'une photographie et sur son importance. D'après toutes les recherches que nous avons pu effectuer, c'est tout ce que nous avons pu trouver comme raison à cette décision.
[Français]
Le président: Monsieur Bélanger.
M. Bélanger: Je voudrais parler brièvement de la modification 2 que vous proposez, celle qui a trait au paragraphe 13(2). Vous avez trois propositions d'amendement différentes. Une première supprimerait le paragraphe, ce qui causerait probablement plus de problèmes qu'autre chose. La deuxième dirait que le photographe est essentiellement le propriétaire du droit d'auteur. La troisième stipulerait que le droit d'auteur serait la propriété du photographe jusqu'au moment où une rémunération lui serait versée. C'est bien cela? Me suivez-vous, monsieur Amyot?
M. Amyot: Oui.
M. Bélanger: Je voudrais surtout qu'on parle de la proposition C. Si on ajoutait les mots «que la rémunération a été versée», lorsqu'on vous demanderait, en tant que professionnels, de faire des photos quelconques, vous garderiez le droit d'auteur jusqu'à ce qu'on vous paie. Essentiellement, vous vendriez le droit d'auteur. Est-ce que je décris bien la situation?
[Traduction]
M. Read: Non. La relation est assez simple. Cette partie de la proposition est seulement centrée sur les réalités économiques de l'époque actuelle. Je vais utiliser l'exemple précis et récent d'une société appelée Distribution aux consommateurs.
Lorsque cette compagnie a fait faillite, le photographe qui avait photographié leur catalogue m'a téléphoné en me disant qu'il venait tout juste de leur envoyer des photos commandées d'une valeur de 177 000$. Il se doutait qu'il ne serait pas payé et il se demandait si la compagnie demeurait titulaire du droit d'auteur sur toutes ses photos. À l'heure actuelle, la réponse brève est oui. En vertu de la loi actuelle, non seulement il ne sera pas payé, mais le syndic de faillite possède le droit d'auteur sur les photos. Cependant, si le catalogue avait été illustré, le droit d'auteur sur l'ouvrage appartiendrait toujours à l'illustrateur.
M. Bélanger: Très bien, je veux être sûr de bien comprendre. En ajoutant ces mots, on s'assure que, pour du travail commandé, le photographe - le professionnel - conserve le droit d'auteur jusqu'à ce qu'il soit payé.
M. Read: Oui.
M. Bélanger: À ce moment-là, le droit d'auteur passe à la personne qui a commandé le travail. Est-ce exact?
M. Read: C'est exact, s'il n'y a pas eu de contrat à l'effet contraire.
M. Bélanger: Très bien. Je voulais seulement clarifier ce point. À première vue, j'estime que c'est une requête plutôt raisonnable.
M. Read: C'est une requête raisonnable mais je dois, en guise de réponse supplémentaire, mentionner que c'est nettement notre troisième choix.
M. Bélanger: Je comprends cela, mais vous l'avez mis dans votre mémoire.
M. Read: Il est clair que nous l'avons inséré dans notre mémoire parce que nous reconnaissons qu'il s'agit d'un problème commercial existant. Toutefois, je ne veux pas vous laisser l'impression, monsieur, que si nous obtenons le choix numéro trois, nous serons aussi heureux qu'avec le choix numéro deux ou le choix numéro un.
M. Bélanger: Je pense que c'est clair.
[Français]
Merci, monsieur.
[Traduction]
M. Bell: Si vous le permettez, j'aimerais répondre à la question de Mme Phinney concernant l'année 1924 et la raison pour laquelle un photographe a alors été traité un peu différemment. D'après mes connaissances historiques, les photographes étaient principalement des chimistes ou des pharmaciens, des gens de ce genre, parce qu'ils devaient en réalité fabriquer leurs propres plaques. Ils devaient travailler avec des produits chimiques. Ils ont peut-être été traités un peu différemment lorsque le droit d'auteur a été instauré, et ils n'étaient peut-être même pas présents aux discussions et n'ont peut-être pas été tellement pris en considération. Ceci expliquerait peut-être davantage la raison pour laquelle certaines omissions ont été faites à cette époque.
Le président: Monsieur Read.
M. Read: Monsieur le président, j'aimerais faire une allusion rapide à un point. Deux autres avocats sont venus témoigner et ont parlé des dommages-intérêts préétablis. Vous avez choisi de ne pas nous parler des dommages-intérêts préétablis. Je voudrais simplement suggérer deux choses.
Nous appuyons les dispositions du projet de loi. Nous estimons qu'elles sont pratiques. Je tiens à dire que les commentaires de M. Bélanger visant à consulter les avocats du ministère de la Justice à propos des interprétations légales sont très judicieux. Je me contenterai de suivre les avis que vous donnera le ministère de la Justice à ce sujet.
M. Bélanger: C'est plus que certains d'entre nous sont disposés à faire.
M. Read: Avec cet avertissement, monsieur: que lorsque vous parlez de poursuites juridiques, ce qui n'a pas été abordé par les autres parties ce matin c'est le point de vue pratique. Si l'une de ces personnes veut intenter une poursuite en termes d'infractions inoffensives ou pour d'autres raisons, la première réponse que fera l'avocat c'est que cela prendra environ trois ans et qu'il lui faudra un acompte de 4 000 ou 5 000$ avant d'entamer le processus. Des sommes importantes sont impliquées avant de déclencher le processus. En raison des réalités financières du marché, il n'y aura pas une avalanche de poursuites juridiques.
Le président: Monsieur Read, afin qu'il n'y ait pas de malentendu, nous avons pris note de la demande de M. Bélanger. Je ne pense pas qu'à l'heure actuelle le comité demandera un avis juridique en tant que tel au ministère de la Justice. Notre comité bénéficie déjà des conseils de deux avocats très compétents spécialisés en droit d'auteur. Ils ont pris note de la demande et ils l'étudieront et parleront à d'autres avocats spécialisés avant de faire rapport au comité. Je ne pense pas qu'à l'heure actuelle nous allons demander des avis juridiques officiels avant qu'un projet de loi ne soit déposé à la Chambre. J'aimerais obtenir d'autres directives sur ce sujet avant de le faire. Mais nous en avons assurément pris bonne note et nous allons poursuivre les recherches sur la question.
M. Read: Monsieur le président, je n'ai assurément pas l'intention de lancer un débat. Je ne faisais que reprendre le commentaire de...
Le président: Oh, non.
M. Read: ...M. Bélanger. Je reconnais qu'il s'agissait d'une omission de ma part dans mes commentaires. J'admets que le comité dispose de conseillers juridiques compétents et je me fie à leurs réponses.
Le président: Je pense que nous nous comprenons bien.
Juste avant votre départ, j'aimerais vous poser une question brève.
Si je possède une collection de peintures et si j'achète une peinture, le peintre, s'il veut la reproduire, devra demander ma permission car il n'y a pas de double. Il n'en a fait qu'un seul exemplaire. Dans le cas d'un photographe, la seule différence est que vous pourriez disposer d'un négatif que vous gardez et que vous pouvez reproduire. Cet élément de contrôle n'est-il pas plus difficile dans le domaine de la photographie que dans d'autres domaines comme la peinture? Ne s'agit-il pas d'un élément très épineux? Comment pourriez-vous contrôler le fait qu'en dépit des dommages-intérêts ou d'autres choses, quelqu'un qui vous a commandé une photo de famille ou des travaux privés... Si un photographe, par inadvertance ou d'une façon ou d'une autre, utilise cette photo à des fins publicitaires ou autres, comment contrôlez-vous cela?
M. Harquail: Pour utiliser votre exemple, si vous étiez le propriétaire de l'oeuvre et s'il s'agissait d'un portrait de votre famille, vous disposeriez du même recours qu'en vertu de la loi actuelle. Si aucune entente à l'effet du contraire n'a été signée au préalable et si vous avez commandé le travail, vous serez le premier titulaire du droit d'auteur. Vous auriez tous les recours mis à la disposition des titulaires de droits d'auteur afin d'intenter une poursuite pour le préjudice présumé qui vous est causé par l'utilisation non autorisée de cette photographie. Ce serait mon interprétation.
Le président: Merci beaucoup. Votre exposé a été extrêmement inspirant et stimulant. Vous avez pu constater d'après les questions posées par les membres de notre comité que nous sommes très sympathiques à votre cause.
La séance est levée.