[Enregistrement électronique]
Le jeudi 12 décembre 1996
[Traduction]
La présidente: Nous avons le quorum, nous pouvons donc commencer la séance.
Bonjour, mesdames et messieurs. Ceci est une réunion du Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées. Nous continuons notre examen des questions concernant les droits de la personne, le droit au respect de la vie privée et les répercussions des nouvelles technologies sur la vie privée.
C'est un vaste domaine, comme le savent ceux d'entre vous qui ont suivi les discussions à ce propos à la télévision communautaire. Nous traitons de la surveillance physique, de l'identification personnelle et de la surveillance biologique en mettant l'accent sur différentes choses comme les cartes à puce, les cartes d'identité, les technologies biométriques, le relevé des empreintes digitales, ce que l'on appelait autrefois l'espionnage et ce que l'on entend par là maintenant, ainsi que tout le domaine de la biométrique. Jusqu'où pouvons-nous étendre notre conception de ces choses-là et conflit entre le droit de gestion de l'État et le droit de chacun à protéger sa vie privée et sa personne? Voilà quelles sont, je crois, les questions en jeu. Elles sont très complexes, et c'est sur elles que nous nous penchons.
Avant d'ouvrir la séance officielle du comité permanent, je demanderai aux différents membres du comité de se présenter.
Je vois que quelqu'un a levé la main. L'honorable Warren Allmand.
M. Allmand (Notre-Dame-de-Grâce): Madame la présidente, puisque c'est notre dernière réunion avant le congé de Noël, je me demande si, à la fin de la réunion - je ne veux pas que nous en parlions pendant que nos témoins sont là - , vous pourriez nous dire comment nous allons continuer nos travaux au début de l'année prochaine et quand nous allons préparer un rapport. J'aimerais avoir des renseignements à ce sujet.
La présidente: C'est très bien.
M. Allmand: J'aimerais mieux que nous le fassions à la fin, parce que ce pauvre témoin est venu la dernière fois et n'a pas pu intervenir parce que nous avions deux votes et je ne voudrais pas abuser de son temps maintenant.
La présidente: Le témoin est très aimable et il a l'habitude d'intervenir devant un comité.M. Reddick, nous avons simplement quelques questions de routine à régler et, comme les deux autres témoins ne peuvent malheureusement pas être ici aujourd'hui, je pense que vous pourrez disposer de la totalité de la séance du comité. Je pense que nous allons d'abord nous occuper de deux ou trois questions et nous interrogerons ensuite Andrew Reddick, qui est directeur de recherche du Public Interest Advocacy Center. Je vous serais reconnaissante de bien vouloir patienter quelques instants.
En réponse à votre question
[Français]
et à cet égard, monsieur Bernier, il faut savoir qu'il y a eu un petit hic.
[Traduction]
Il a été dit officiellement à la chambre que notre comité allait voyager et que nous allons continuer notre examen de ces questions en nous rendant dans cinq villes de tout le Canada. Nos recherches et le contact que nous établirons avec le grand public - ce que nous ferons pour connaître le point de vue des gens en nous appuyant sur les trois ou quatre études de cas que nous allons préparer et que nous distribuerons à nos invités pour qu'ils puissent les étudier à l'avance - se feront approximativement au cours de la semaine commençant le 10 février. Je demanderai aux membres du comité de ne rien prévoir d'autre à leur calendrier pour la semaine du 10 au 14 février.
Il reste une autre question à régler. Comme nous cherchons à la fois à sensibiliser la population et à la consulter, nous avions demandé que nos séances soient télédiffusées. Pour une raison ou une autre, le terme «télédiffusion» ne figurait pas dans la motion par laquelle la chambre a autorisé nos déplacements. Nous avons été autorisés à voyager, mais aucune décision finale n'a été prise quant à notre droit à la télédiffusion. On est en train de régler ce problème, mais on s'est déjà entendu sur les dates et sur notre droit à voyager ainsi que sur le budget correspondant.
[Français]
Nous voyagerons donc du 10 au 14 février d'est en ouest, ou est-ce le contraire?
Une voix: L'Ouest.
La présidente: Nous commencerons dans l'Ouest, à Vancouver,
[Traduction]
Irons-nous ensuite à Calgary ou à Edmonton?
Le greffier du Comité: À Calgary.
La présidente: Nous irons donc à Vancouver, Calgary, Toronto, Montréal et Fredericton. Nous inviterons des témoins ou les gens du public qui désirent participer à nos audiences. Ces gens peuvent venir des autres parties des provinces ou des régions où nous allons nous rendre et il faudrait qu'ils entrent en contact avec notre greffier, M. Wayne Cole, à la Chambre des communes. Nous allons donc envoyer des invitations.
Nous avons fait des entrevues et nous sommes en train d'engager les experts- conseils nécessaires pour faire ce travail. Je serais heureuse de rencontrer des gens et de voir ce qu'ils pensent des intrusions dans leur vie privée, des tests d'empreintes génétiques, de la technologie de la reproduction, des caméras vidéo - de toutes ces nouvelles choses dont on nous a parlé et qui sont parfois très importantes ou nous imposent certaines contraintes. Voilà pourquoi nous sommes très heureux de vous entendre aujourd'hui, Monsieur Reddick.
Je voudrais attirer votre attention sur une autre chose. Les membres du comité ont voté pour choisir à qui allait être décernée la bourse de recherches de la Flamme du centenaire. J'aimerais annoncer que M. Wayne Westfall, de Kingston en Ontario, a été nommé récipiendaire de la bourse de recherches de la Flamme du centenaire de 1996.
M. Westfall a l'intention de publier un ouvrage sur la vie et l'oeuvre de Mme Francine Arsenault. Les personnes handicapées du Canada et le Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées connaissent bien Mme Arsenault. Elle n'a jamais ménagé ses efforts, aussi bien sur la scène nationale qu'internationale, pour permettre aux personnes handicapées de participer pleinement à la vie sociale et économique de notre pays à l'égal du reste de la population; ses efforts méritent d'être salués plus qu'ils ne l'ont été jusqu'à présent par le monde politique et le grand public.
M. Westfall est le cinquième récipiendaire de la bourse de recherches de la Flamme du centenaire, distinction qui se fait l'écho à la fois de l'engagement international du Canada en faveur des droits des personnes handicapées et de l'importance symbolique de la flamme éternelle qui brûle sur la Colline parlementaire.
La bourse de recherches de la Flamme du centenaire a été créée sur l'initiative de M. Patrick Boyer, ancien président de ce comité et du Comité parlementaire sur les droits à l'égalité de 1985. Quand il a vu, un matin, des employés fédéraux ramasser les pièces de monnaie qui se trouvaient dans la fontaine de la Flamme du Centenaire, il a eu l'idée de se servir du message de vie, d'espérance et de continuité que représente cette flamme pour faire mieux connaître les succès des Canadiens et Canadiennes handicapés.
En présentant un projet de loi à cet effet, M. Boyer pensait aux engagements internationaux du Canada visant à assurer la participation pleine et entière des personnes handicapées, par exemple à la Déclaration de la décennie des personnes handicapées de 1983 qui précise:
- Il faut adopter des mesures et assurer l'éducation du public afin... de corriger les attitudes
sociales qui trouvent leur origine dans l'ignorance, l'indifférence et la crainte puisque ces
barrières, obstacles et attitudes entravent la participation entière des personnes handicapées à la
vie de la collectivité.
Nous recevrons le récipiendaire de cette bourse à une date ultérieure et nous serons heureux d'accueillir ainsi quelqu'un qui a éliminé des barrières et aidé les personnes handicapées.
Notre comité a assuré très activement la promotion des droits des personnes handicapées et a rédigé des rapports très importants. Nous attendons actuellement les conclusions du groupe de travail qui, nous l'espérons, permettront de mettre en oeuvre au niveau politique des mesures et des activités qui offriront de meilleures possibilités d'accès à ces membres de notre société qui ont le droit d'être des citoyens à part entière, égaux aux autres, supprimeront les barrières qu'ils rencontrent et nous mettront en mesure de les aider à atteindre ce but.
Je vous remercie tous d'avoir contribué à évaluer les participants qui ont été assez aimables pour nous soumettre leurs propositions. C'est grâce à l'attention que vous avez porté à cela que cette bourse a pu être décernée à M. Westfall.
Nous allons parler aux présidents de la Chambre et du Sénat pour déterminer comment nous honorerons d'ici peu M. Westfall.
Monsieur Bernier.
[Français]
M. Bernier (Mégantic - Compton - Stanstead): Est-ce que vous avez un autre point à soulever?
La présidente: Non, c'est tout. Est-ce que vous avez autre chose?
M. Bernier: Ai-je bien compris que nous aurions tout le temps voulu pour entendreM. Reddick puisque les autres témoins se sont désistés?
La présidente: Oui.
M. Bernier: M. Reddick me disait que Mme Vallée était présente ou serait ici dans quelques minutes. Est-ce exact?
[Traduction]
M. Andrew Reddick (directeur de recherche, Public Interest Advocacy Centre): Elle pense pouvoir être ici vers 11 h 30, mais elle a dit de commencer sans elle; elle se joindra à moi à son arrivée.
La présidente: D'accord.
[Français]
Nous serons très heureux de l'accueillir lorsqu'elle arrivera.
[Traduction]
Excusez-moi, y a-t-il quelque chose dont je dois m'occuper maintenant? Non. D'accord. C'était une résolution que nous étudierons plus tard.
M. Reddick: Merci de m'avoir invité à nouveau aujourd'hui.
Je parlerai aujourd'hui des trois principaux domaines de préoccupation du comité: la surveillance, les cartes de technologie avancée et la biométrie et, enfin, la surveillance biologique. Toutefois, avant d'examiner chacune de ces questions, il est important de commencer par expliquer le contexte entourant la façon dont les Canadiens perçoivent les initiatives relatives à la collecte de données et les pratiques suivies dans ce domaine.
Comme je l'ai dit la dernière fois, les deux études auxquelles j'ai participé ont montré que les Canadiens continuent d'accorder une grande importance au respect de leur vie privée et à la protection des renseignements personnels. Divers facteurs ont une incidence sur l'importance relative que les Canadiens attachent à certaines questions. Ces facteurs sont notamment le type de renseignements en question, la nature de l'institution impliquée dans la transaction ou l'activité en jeu et le niveau de confiance qu'ils lui accordent, le fait de savoir si une transaction donnée présente un intérêt collectif ou individuel, la transparence pour ce qui est de la collecte des renseignements et de la façon dont ils seront utilisés et la nécessité de pouvoir chaque fois donner son consentement en toute connaissance de cause à la collecte, à l'entreposage et aux utilisations primaires et secondaires de ces renseignements.
La façon dont ces facteurs peuvent se manifester dans la vie quotidienne peut varier, mais il y a certaines constantes très nettes. Les Canadiens considèrent que les renseignements personnels se divisent en deux catégories bien distinctes. Il y a les données d'identification générale, comme le nom, l'âge, l'adresse, etc., et les données sensibles, comme les renseignements relatifs à la situation de fortune et à la santé.
J'ai distribué quelques tableaux. Veuillez consulter le premier, qui présente le graphique de 1992 sur les renseignements personnels. Les renseignements plutôt anodins, comme le nom et l'âge, n'inquiétaient pas très fortement la majorité des répondants. L'âge préoccupait vivement 8,5 p. 100 d'entre eux et le numéro de téléphone personnel et le nom, environ 24 p. 100. Toutefois, les renseignements personnels sensibles suscitaient des niveaux très élevés de préoccupation extrême qui allaient de 30 p. 100 environ pour les habitudes d'achat à 44,6 p. 100 pour les renseignements financiers.
Un niveau de préoccupation identique se retrouve dans le deuxième tableau, datant de 1995, relatif aux types de données et d'organisations. Nous constatons que les préoccupations concernent non seulement le type de renseignements, mais également les institutions en jeu et l'utilisation de ces renseignements. Pour ce qui est des habitudes d'achat, des renseignements concernant la santé et de la vente ou l'échange de ces renseignements, pratiques associées l'une à l'autre, plus de 80 p. cent des répondants les considéraient non seulement comme des atteintes à leur vie privée, mais également comme des pratiques injustifiées. Lorsqu'il s'agissait de transactions relatives à ces renseignements qui étaient limitées à une seule organisation et avaient une fin précise manifestement utile ou répondant à un compromis nécessaire, comme dans le cas des pensions alimentaires pour enfants, des demandes de dons de charité ou des enquêtes sur les fraudes à l'assurance chômage, le degré de préoccupation était beaucoup moins élevé, même si des renseignements sensibles étaient en jeu.
Le troisième tableau, daté de 1992, qui concerne les types d'organisations, montre également que les Canadiens s'inquiètent beaucoup plus de l'utilisation faite des renseignements personnels par certains types d'institutions plutôt que par d'autres. Les gens s'inquiètent moins si l'utilisateur est une institution publique, leur employeur ou leur médecin, que si c'est une entreprise privée, surtout lorsque cette utilisation ne leur apporte aucun avantage particulier, par exemple dans le cas des sociétés qui pratiquent la vente à domicile. Le niveau d'inquiétude est quelque peu atténué lorsque l'utilisation des renseignements peut présenter certains avantages pour le public, par exemple dans le cas de la vente au détail ou des services de téléphone ou de câblodistribution.
De façon générale, les Canadiens considèrent que des pratiques comme les appels téléphoniques non sollicités ou celles qui impliquent l'utilisation de renseignements de nature générale comme le nom et l'adresse constituent plutôt des entorses mineures au respect de leur vie privée ou de simples désagréments. D'autres pratiques, comme la vente, l'achat et le couplage des renseignements personnels, surtout les renseignements sensibles, sont considérées comme des atteintes importantes ou graves, même si elles sont le fait d'organisations du secteur public ou privé. C'est ce qui inquiète le plus les Canadiennes et les Canadiens.
Le consentement, le contrôle et le souci de l'anonymat sont les principales caractéristiques des perceptions, des attitudes et des attentes des Canadiens en ce qui concerne les informations personnelles les concernant et le respect de leur vie privée.
Le tableau suivant, qui porte sur certains aspects concernant le contrôle et le consentement, montre que les Canadiens accordent la même importance à ces facteurs dans les deux études. En 1995, 95 p. 100 d'entre eux voulaient qu'on les mette au courant des raisons pour lesquelles des renseignements étaient collectés et de l'utilisation qui allait en être faite; 80 p. 100 voulaient être informés à l'avance de toute collecte de renseignements; 94 p. 100 voulaient pouvoir donner leur avis sur la transmission de renseignements les concernant à une autre organisation; et près de80 p. 100 étaient prêts à accepter que ces renseignements soient utilisés par des entreprises dans la mesure où ils en étaient informés et où ils pouvaient faire cesser cette utilisation. Ces chiffres n'étaient guère différents de ceux du sondage de 1992.
La présidente: Andrew, combien de gens ont participé à ces sondages? S'agissait- il de groupes témoins?
M. Reddick: Non, c'était des sondages nationaux. Je crois que, dans les deux cas, l'échantillon était composé de 2 500 personnes. Je pourrai vérifier plus tard et vous le confirmer.
La présidente: N'est-ce pas une taille plutôt importante pour un échantillon?
M. Reddick: Oui. Il a été stratifié en fonction du recensement de Statistique Canada et est donc représentatif de la population.
La présidente: Merci beaucoup.
M. Reddick: Vous avez posé des questions l'autre jour au sujet des mesures. On peut utiliser de nombreuses méthodes différentes pour essayer d'évaluer la mesure dans laquelle les Canadiens considèrent que certaines transactions relatives aux renseignements personnels sont justifiées et que d'autres sont une atteinte à leur vie privée. S'il est nécessaire de fournir des renseignements personnels pour pouvoir participer pleinement à la vie de la société, il s'agit d'établir un moyen terme relativement aux autres procédures et contraintes raisonnables s'appliquant à différents types de renseignements et de transactions. Le niveau de préoccupation dépend souvent de la nature des renseignements recherchés, de la façon dont ils sont collectés et utilisés et de l'organisme qui pose les questions.
Mme Vallée vient de se joindre à moi.
On peut, par exemple, faire une distinction entre les données générales et celles qui servent à l'identification ou établir différentes catégories de données sensibles selon une certaine progression allant des données générales aux données modérément sensibles ou sensibles. Les données générales pourraient inclure le nom, l'adresse, l'âge et le numéro de téléphone; les données modérément sensibles incluraient ce que l'on achète, le statut professionnel et les activités publiques; et les données sensibles incluraient les renseignements financiers, la santé, les empreintes génétiques et digitales et les activités personnelles.
Il faudra que les contrôles relatifs aux niveaux de consentement soient de plus en plus rigoureux au fur et à mesure que les données deviennent plus sensibles. On pourrait faire une distinction entre diverses catégories d'organismes utilisant ou recueillant ces données, par exemple entre le secteur public ou privé ou entre certains types de services personnels, comme un médecin. Des contrôles analogues devraient s'appliquer dans tous les cas, mais, étant donné que le gouvernement a une responsabilité globale de gestion de la société, certaines activités pourraient faire l'objet d'une plus grande latitude.
On pourrait établir des catégories correspondant aux diverses utilisations possibles. Les utilisations primaires et secondaires des renseignements devraient être dissociées, séparées et clairement définies. Les catégories générales pourraient inclure les questions reliées au gouvernement, les avantages propres que pourrait en retirer une entreprise ou les avantages personnels pour les particuliers.
Nous avons particulièrement cherché à voir, dans les deux sondages, comment la prise de conscience avait évolué d'une période à l'autre. Les Canadiens ont de vives préoccupations au sujet du respect de leur vie privée, mais ils ne sont que faiblement conscients des moyens techniques ou institutionnels leur permettant de la protéger. La majorité d'entre eux se considèrent peu en mesure de faire face aux problèmes reliés à la vie privée. En 1992, 61 p. 100 des Canadiens ne savaient pas à qui s'adresser s'ils voulaient faire quelque chose à propos de leur vie privée. Un sur cinq seulement connaissait l'existence d'une loi ou d'un organisme susceptible de les aider à cet égard.
Les résultats du sondage de 1995 reflétaient très fidèlement ces constatations. Outre des conclusions identiques concernant les institutions publiques, 14 p. 100 seulement des répondants étaient au courant d'initiatives prises par des entreprises privées pour protéger les renseignements personnels et ils étaient encore moins nombreux, un sur vingt, à pouvoir en citer un exemple.
La sensibilisation à la protection de la vie privée et les préoccupations correspondantes varient également d'une classe sociale à une autre. Les gens qui détiennent moins de pouvoir dans la société, comme les personnes âgées, celles qui ont un faible revenu et qui sont peu instruites, ont tendance à avoir des inquiétudes plus grandes et moins de ressources pour y faire face; elles disposent par exemple de moins de moyens pour se procurer les nouveaux dispositifs technologiques leur permettant de protéger leur vie privée ou ne savent pas à qui s'adresser. Les personnes plus aisées et mieux instruites, qui se procurent et adoptent rapidement les nouvelles technologies, sont souvent mieux à même de faire face à ces problèmes, ont plus d'expérience face aux transactions importantes reliées à la protection de la vie privée et savent à qui s'adresser pour résoudre des problèmes éventuels. Dans l'étude de 1995, les personnes mieux instruites et disposant d'un revenu plus élevé avaient trois fois plus de chance que les autres d'être au courant des dispositions législatives et des programmes pertinents.
Pour ce qui est des nouvelles technologies, les opinions des Canadiens au sujet des répercussions potentielles de celles-ci sur leur vie privée se divisaient de façon assez égale. En 1992, 23 p. 100 pensaient être suffisamment renseignés à ce sujet et 24 p. 100 étaient d'un avis contraire.
Le problème que pose l'évaluation des nouvelles technologies tient en partie au fait que les gens n'en ont qu'une expérience limitée. Les recherches effectuées auprès des utilisateurs d'ordinateurs ont révélé que les personnes qui avaient de meilleures connaissances en informatique étaient légèrement plus rassurées et confiantes que les autres, les pourcentages étant respectivement de54 p. 100 et 63 p. 100. Il est intéressant de noter que les personnes techniquement mieux informées éprouvaient moins de craintes abstraites, mais étaient mieux au fait des menaces spécifiques telle que l'identification des renseignements figurant dans des bases de données.
De façon générale, le gouvernement et ses organismes auront fort à faire pour mieux sensibiliser la population aux questions touchant la vie privée, aux possibilités de protection des intérêts et droits de chacun et pour diffuser de l'information au sujet des technologies et des lois, des organismes et des programmes pour en informer les Canadiens et leur venir en aide.
Je vais maintenant revenir aux questions qui intéressent plus précisément ce comité, c'est-à-dire la surveillance, les cartes de haute technologie et la surveillance biologique. Je dirai d'abord que, malgré leur importance, ce n'est pas sur les technologies directement associées aux informations reliées à la collecte des renseignements qu'il faut ou faudrait mettre principalement l'accent, mais plutôt sur les pratiques employées. Celles- ci touchent toute une gamme de technologies, de transactions concernant les renseignements collectés et d'activités de gestion. Ces trois éléments revêtent toutefois une importance particulière parce que, outre les problèmes que la protection de la vie privée pose relativement aux droits économiques et aux droits de la personne, chacun de ces trois éléments soulève également, à des degrés divers, des questions concernant la démocratie, l'éthique et la moralité.
La surveillance physique envahit de plus en plus notre société, que ce soit sur les lieux de travail ou en public, suite à l'introduction de méthodes telles que l'utilisation de caméras dans les rues, l'observation du comportement des utilisateurs de banques de données informatiques et la surveillance des systèmes de communication. Les deux études ont examiné différents types de surveillance, comme le contrôle des communications téléphoniques par les employeurs, le dépistage des drogues chez les employés, l'écoute des conversations sur téléphone cellulaire, l'observation des habitudes d'achat des consommateurs par des entreprises privées ou l'utilisation d'eau ou d'électricité.
Les opinions des Canadiens au sujet de la surveillance et du contrôle sont très partagées. D'après le sondage de 1995, ils considèrent majoritairement que le dépistage des drogues et l'enregistrement des conversations téléphoniques par les employeurs ne sont pas justifiables. Toutefois, ces activités suscitent des préoccupations moins vives que d'autres. Même si cela les préoccupe un peu, les gens considèrent vraisemblablement que l'existence d'un niveau raisonnable de surveillance au travail est une partie normale des relations entre les employés et la direction. Les formes de surveillance transparentes et manifestes semblaient susciter moins d'inquiétude et, lorsqu'une activité était raisonnablement justifiée, comme le dépistage des drogues, 46 p. 100 y voyaient une atteinte à la vie privée alors que l'enregistrement clandestin des conversations téléphoniques était considéré comme une atteinte à la vie privée par 80 p. 100 des répondants.
Les Canadiens sont fermement convaincus qu'une surveillance généralisée consistant à les soumettre à des observations ou à des écoutes sans leur permission est inacceptable. Soixante-quinze p. 100 des répondants au sondage de 1992 considéraient cela comme extrêmement important. En ce qui concerne un exemple spécifique, celui de l'écoute des communications sur téléphone cellulaire, une forte majorité d'entre eux, 77 p. 100, considéraient cette pratique inacceptable.
Les opinions sont partagées en ce qui concerne la commercialisation des bases de données, les gens étant conscients qu'il peut être avantageux d'obtenir des renseignements commerciaux au sujet des biens et des services. Quarante-huit p. 100 des répondants au sondage de 1995 considéraient cette pratique comme une atteinte à leur vie privée et 46 p. 100 la jugeaient injustifiée, l'échantillon se divisant donc pratiquement en deux moitiés égales.
Tous ces exemples montrent donc qu'un niveau raisonnable d'anonymat et de contrôle de l'information répondrait aux attentes et aux désirs de la population qui considère cela important.
Je peux vous citer l'exemple d'une autre technologie nouvelle, Internet. Les internautes ont l'impression qu'ils peuvent consulter anonymement des pages sur le web. En fait, comme le disait le journal The Toronto Star le 5 décembre, ce n'est qu'un mythe. Beaucoup des sites web prennent en note l'identité, l'adresse et les activités des utilisateurs sans que ces derniers en soient conscients. Il est intéressant de signaler qu'on a mis au point une nouvelle technique pour rétablir l'anonymat des utilisateurs; c'est un masque électronique appelé «anonymizer» et qui est présenté dans cet article.
Le fait est que, en matière de vie privée et de renseignements personnels, les Canadiens s'attendent, par défaut en quelque sorte, à rester anonymes et à être protégés ou à voir s'appliquer une sorte de code de la route relativement à l'utilisation des renseignements fournis lors d'une transaction quelconque.
En matière de surveillance, quand on pense aux centaines de milliers de caméras vidéo installées en Angleterre dans les lieux publics pour contrôler le respect de l'ordre et de l'autorité gouvernementale, on peut se demander à quel point une telle surveillance est exagérée et quand et où elle est appropriée. Si on leur disait que la surveillance permet de réduire la criminalité, beaucoup de gens l'appuieraient, tout au moins théoriquement. Si elle porte manifestement atteinte à la démocratie, leur réponse sera toutefois vraisemblablement différente. C'est une question d'une extrême importance. La surveillance, la biométrie, les cartes à puce, etc. posent la question de savoir si l'existence d'un certain niveau de criminalité et d'utilisation frauduleuse de divers programmes ainsi que certaines entorses à l'anonymat et à la protection des droits individuels ne sont pas un prix à payer pour vivre en démocratie.
Pour ce qui est plus particulièrement des cartes de haute technologie et de la biométrie, on parle souvent de la mesure dans laquelle les cartes à puce, l'enregistrement électronique des empreintes digitales et les nouvelles technologies semblables permettent d'améliorer l'efficacité de la gestion afin, entre autres choses, de réduire les coûts ou la fraude et de fournir un meilleur service aux consommateurs. On obtient en effet tous ces résultats. L'anonymat est parfois totalement respecté, par exemple dans le cas des cartes bancaires numériques. Mais il se pose encore les mêmes problèmes relatifs au respect de la vie privée comme la mise en commun des renseignements, le couplage des données, l'accès non autorisé par des tiers, la sécurité de l'information, le consentement éclairé, ainsi que des questions fondamentales consistant à se demander si ces technologies peuvent servir à stigmatiser ou marginaliser certains membres de la société ou peuvent se prêter à l'exercice d'une surveillance et d'un contrôle par la société.
On peut surmonter certains des problèmes inhérents à ces technologies en agissant sur leur conception même, mais des lignes directrices politiques peuvent alors s'avérer nécessaires. C'est ainsi qu'on peut protéger dans une certaine mesure la vie privée en utilisant des nombres aléatoires pour coder optiquement les empreintes digitales au lieu d'identifier une personne avec un numéro constant. Toutefois, certains problèmes fondamentaux risquent de continuer à se poser, comme l'identification des données.
N'importe quels modes d'identification ou numéros uniques reliés entre eux ou classés dans un système d'entreposage commun, qu'il s'agisse d'une carte à puce ou d'une autre méthode, iraient à l'encontre des attentes du public, telles que nous les avons expliquées précédemment, au sujet de la collecte, du stockage et de l'utilisation des renseignements personnels. La segmentation des différents types de dossiers et la ségrégation des données en fonction de leur degré de confidentialité et de leur nature ainsi que le consentement éclairé quant aux utilisateurs autorisés et aux conditions d'utilisation devraient constituer non seulement les règles et pratiques présidant à la mise en oeuvre de ces technologies, mais également être prises en compte dès leur conception initiale pour répondre aux attentes de la population. En tant que telles, la biométrie et les cartes à puce ont le potentiel de renforcer la protection de notre vie privée ou de la détruire. Il faut un engagement politique pour veiller à répondre réellement aux attentes de la population.
Le cadre de référence proposé par le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada dans son rapport annuel 1995-1996 au sujet des cartes à puce tient compte des multiples préoccupations et attentes des Canadiens, telles qu'elles ressortent de ces études, en ce qui concerne les différentes utilisations des divers types de renseignements personnels. Cela me paraît constituer un guide très utile pour votre comité.
Le comité s'intéresse également à la surveillance biologique et au dépistage génétique. Nous n'avons pas sondé explicitement la population à ce sujet. Toutefois, certaines des mêmes questions fondamentales concernant les renseignements personnels s'appliquent également à cela.
Ces techniques pourraient présenter pour nous tous des avantages exceptionnels, comme des progrès en médecine. Mais il existe également des risques énormes d'abus et de catastrophes. Étant donné que la population est préoccupée par des activités beaucoup plus anodines en matière de traitement des renseignements personnels, je dirai que, dans ce domaine, le gouvernement se doit de protéger les renseignements personnels et les droits des particuliers avec une rigueur extrême.
Il s'agit là de savoir qui possède quelqu'un. Ce domaine touche le coeur du problème de savoir ce qu'est un être humain.
Je voudrais vous faire part de certaines des recherches réalisées à ce sujet par Optima Consultants. C'est le dernier tableau que vous avez, celui sur la génétique. Ces recherches ont été faites en 1994 avec un échantillon de 1000 personnes. On a interrogé les Canadiens au sujet du dépistage génétique en leur demandant qui devrait avoir accès aux renseignements, quelles seraient les procédures à suivre pour publier ces renseignements et si des codes ou des lois devraient en assurer la protection.
Les réponses à la question de savoir s'ils seraient prêts à se soumettre à un dépistage génétique pour déterminer s'ils pouvaient être atteints de maladies héréditaires étaient également partagées. Ce sondage a révélé que 34 p. 100 seraient d'accord, 23 p. 100 ne le seraient pas, le reste des répondants se situant entre ces deux extrêmes.
En réponse à la question de savoir à qui la loi devrait donner accès à ces renseignements,68 p. 100 des Canadiens citaient les médecins et 56 p. 100 d'autres membres de la famille. La majorité était toutefois d'avis que des organisations telles que les compagnies d'assurance, les banques, les ministères provinciaux de la Santé et les employeurs ne devraient pas y avoir accès et ces réponses étaient très nettes, le pourcentage dépassant le plus souvent largement 50 p. 100 et même parfois 60 p. 100.
Pour ce qui est des procédures à suivre pour la publication de renseignements génétiques,62 p. 100 préféraient qu'on utilise un formulaire de consentement signé et 27 p. 100 pensaient que ces renseignements ne devraient être divulgués à personne.
Pour ce qui est de choisir entre le recours à un code ou à des mesures législatives pour protéger ces renseignements, la majorité, 55 p. 100, préférait une loi interdisant leur publication sans le consentement de la personne concernée, et 30 p. 100 considéraient qu'il suffirait que les médecins respectent des codes d'éthique. Neuf pour cent seulement étaient en faveur de l'utilisation de codes par les entreprises privées. Compte tenu de la nouveauté de cette technologie, je pense que les Canadiens savaient très clairement ce qu'ils pensaient à cet égard.
Il me semble que le Comité devrait également être au courant d'une importante étude sur la biotechnologie qui va commencer en janvier. À ma connaissance, elle sera réalisée au Canada, aux États-Unis, au Japon et en Europe, et ses résultats pourraient vous être utiles. Je peux vous donner le nom de la personne contact qui s'occupe de cette étude à l'Université de Calgary.
La présidente: Cela serait très utile à notre comité.
M. Reddick: Je terminerai mon intervention d'aujourd'hui en présentant quelques commentaires au sujet de ce que nos études ont révélé quant aux préférences de la population en matière de politiques.
Premièrement, le fait est qu'il faut être prêt à accepter la divulgation d'une certaine quantité de renseignements personnels pour pouvoir participer à la vie de la société. Les Canadiens disent qu'ils veulent que cela se fasse en respectant des règles clairement définies. Pour ce qui est du respect de la vie privée, les Canadiens pensent fondamentalement que le système actuel n'offre pas des mesures de protection adéquates et ils souhaitent que l'on accorde plus d'importance au contrôle, au consentement et à la protection. Les Canadiens ne se montrent guère enthousiastes envers le gouvernement et la façon dont il gère certaines des affaires et activités qui nous concernent dans la société; ils veulent manifestement qu'il adopte une loi de protection de leur vie privée qui s'appliquerait aussi bien au secteur public qu'au secteur privé.
En 1992, plus de 75 p. 100 des répondants étaient en faveur de cette idée et, d'après un sondage réalisé en 1995, 87 p. 100 étaient d'avis que la protection de la vie privée devrait être une priorité du gouvernement. Ils étaient également fermement convaincus que le gouvernement devrait collaborer étroitement avec le secteur public et le secteur privé pour mettre en place des mesures de protection.
Entre autres éléments clés, ces recherches ont montré qu'un consentement éclairé préalable et constamment renouvelé est essentiel à la protection de la vie privée. Les activités reliées à la collecte, à l'entreposage et aux utilisations primaires et secondaires des renseignements personnels doivent être dissociées et segmentées, et chacune de ces activités doit faire l'objet d'un consentement éclairé. Nous devons séparer les différents maillons de la chaîne. Les exigences relatives au consentement devraient être de plus en plus rigoureuses. En d'autres termes, ce consentement devrait être explicite et non pas implicite, vu que les renseignements utilisés à diverses fins sont de plus en plus sensibles. Les données les plus confidentielles devraient être stockées séparément en utilisant des moyens d'identification différents, et un consentement écrit devrait être exigé lorsque des tiers demandent accès à ces renseignements.
Une loi nationale sur la protection de la vie privée qui devrait s'appliquer à la fois au secteur public et au secteur privé est nécessaire. L'utilisation des renseignements personnels, plus particulièrement celle des renseignements sensibles, par des institutions publiques et privées devrait faire l'objet d'une surveillance rigoureuse et de vérifications spéciales. En outre, certains types de renseignements qui doivent être confiés au gouvernement, par exemple en matière de santé, ne devraient pas être mis à la disposition du secteur privé, ou l'être seulement partiellement.
En ce qui concerne les nouvelles technologies, le Bureau du Commissaire à la protection de la vie privée de l'Ontario a parlé, lors d'une conférence qui s'est tenue en septembre à Ottawa, de la nécessité d'utiliser tout un assortiment de mesures pour assurer le respect de la vie privée en ayant recours aussi bien à divers moyens technologiques qu'à des mesures législatives. Dans cette optique, des mesures de protection de la vie privée doivent être intégrées dans les moyens technologiques dès leur conception et non pas après coup, et ils doivent servir à préserver et renforcer la protection et non pas à la compromettre.
De façon générale, on trouve des réponses satisfaisantes aux préoccupations des Canadiens en matière de protection législative dans des documents tels que les lignes directrices de l'OCDE et le modèle de code de l'ACN. Il y est également question d'autres thèmes importants que je n'ai pas abordés aujourd'hui, notamment l'exactitude et la correction des données, le moment où elles sont stockées, etc. Ces documents pêchent toutefois par leur imprécision. Vu leur caractère flou, certains de ces principes ou codes sont souples et d'autres ambigus.
Il serait dans l'intérêt de la population que l'on se serve des recommandations plus détaillées d'experts en la matière, comme le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada, pour élaborer des pratiques plus claires et précises en matière de traitement des renseignements personnels. J'encouragerai également le Comité à privilégier la précision plutôt que le flou quand il se penche sur ces questions.
Pour finir, je dirai qu'il faut augmenter les crédits accordés au Bureau du Commissaire à la protection de la vie privée du Canada et à ses homologues et, de plus, créer des bureaux analogues dans les provinces qui en sont dépourvues. C'est nécessaire non seulement pour sensibiliser les Canadiens aux questions reliées à la protection de la vie privée et aux recours possibles à cet égard, mais également pour permettre à ces défenseurs des intérêts de la population de mieux faire leur travail face à l'importance croissante de l'information dans notre société.
Merci.
La présidente: Vos idées sont riches d'enseignement et nous vous en remercions beaucoup.
Les membres du Comité souhaitent-ils entendre le témoin suivant?
[Français]
Mme Vallée, avant de continuer? Madame Vallée, je vous invite à vous présenter et à nous faire part de vos coordonnées.
Mme Marie Vallée (analyste en télécommunication, Fédération des associations de consommateurs du Québec): Madame la présidente, je n'ai pas de présentation. Je suis ici à titre de partenaire de M. Reddick. Je représente la Fédération des associations de consommateurs du Québec. J'ai travaillé avec les représentants du PIAC à la réalisation du sondage. Je suis aussi membre du comité CSA qui a élaboré le code de protection des renseignements personnels.
J'ai travaillé de très près à l'élaboration de la loi québécoise sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Nous continuons à travailler sur les questions de protection des renseignements personnels parce que, comme M. Reddick le disait, elles préoccupent grandement tous les Canadiens. Au Québec, même s'il existe une loi qui protège leurs droits, les citoyens continuent d'être extrêmement préoccupés.
Je voudrais m'excuser d'être en retard, mais la personnalité virtuelle n'est malheureusement pas encore inventée.
La présidente: Merci, madame Vallée. Nous sommes très heureux que vous soyez ici. Nous avons de nombreuses questions relativement aux consommateurs et à leur point de vue à cet égard. Avant de commencer la période des questions, j'invite les membres du comité à se présenter.
M. Bernier: Maurice Bernier, député de Mégantic - Compton - Stanstead. Je suis également vice-président de ce comité.
[Traduction]
M. MacLellan (Cape Breton - The Sydneys): Je suis Russell MacLellan, député de Cape Breton - The Sydneys en Nouvelle-Écosse.
M. Allmand: Je suis Warren Allmand, député de Montréal.
Mme Augustine (Etobicoke - Lakeshore): Je suis Jean Augustine, députée de Etobicoke - Lakeshore, en Ontario.
M. Godfrey (Don Valley-Ouest): Je suis John Godfrey, de Don Valley-Ouest à Toronto.
[Français]
Mille excuses.
La présidente: Il n'y a pas de quoi. Monsieur Bernier.
M. Bernier: J'aimerais que vous nous parliez de l'expérience québécoise relativement à l'application de la loi. Avez-vous constaté des effets bénéfiques et, le cas échéant, lesquels? Vous avez dit plus tôt, en entrée en matière, que les gens restent très préoccupés. Est-ce que la loi a su apaiser cette préoccupation?
J'aimerais vous entendre pendant quelques minutes et par la suite vous poser d'autres questions.
Mme Vallée: D'entrée de jeu, il faut souligner qu'avant d'adopter la loi, le gouvernement du Québec était grandement préoccupé par les nombreuses craintes qu'avaient exprimées les entreprises, qui croyaient que cela leur coûterait extrêmement cher. La loi est en vigueur depuis deux ans et je suis heureuse de vous dire qu'aucune entreprise du secteur privé au Québec n'a fait faillite à cause de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Certaines entreprises seraient même prêtes à venir témoigner de ce que cette loi leur a permis de faire un bon ménage dans tous les renseignements qu'elles détenaient et dans leur manière de les recueillir et d'en disposer.
On constate que le niveau de préoccupation des gens a quelque peu baissé. On se rend compte que notre commissaire à la vie privée ne dispose pas de tous les moyens nécessaires pour faire appliquer la loi et que, jusqu'à ce jour, il a choisi l'approche de la persuasion et de l'éducation. Un jour, il faudra peut-être qu'il passe à d'autres choses. Nous faisons actuellement une recherche et une révision de toutes les décisions mettant en cause la loi qu'ont rendues la Commission d'accès à l'information et les tribunaux.
Nous nous sommes rendu compte que des entreprises ont de leur propre initiative mis en oeuvre les principes de la loi. Tous les clients des grandes chaînes de magasins reçoivent une petite formule qui leur dit qu'on dispose de renseignements à leur égard et sur laquelle on leur demande s'ils consentent à ce qu'on échange ou vende ces coordonnées. Si le client y consent, il n'est pas tenu de dire quoi que ce soit, mais s'il s'y oppose, on lui demande d'en aviser la chaîne. Nous aimerions pouvoir pousser plus loin nos recherches, mais enfin, on sait que les entreprises ont mis en oeuvre la loi. Partout, on trouve des gens qui résistent, mais pour leur part, les citoyens du Québec, du moins ceux qui sont au courant... M. Reddick nous parlait d'un important problème d'information et d'éducation.
Au chapitre de la protection des renseignements, ce n'est pas comme quand un pont tombe ou lorsque se produit un accident. Tout se passe dans un univers virtuel; ce sont des choses instantanées. Il est aussi difficile de vérifier si une décision a été prise pour le compte d'un citoyen sans que ce dernier ne puisse savoir sur quels renseignements on a basé cette décision. C'est souvent ce qui arrive. Nous n'avons qu'à prendre le cas des bureaux de crédit, où l'on retrouve peut-être quatre Marie Vallée. Cherchez à savoir quelle partie de mon dossier est dans le dossier d'une autreMarie Vallée.
La présidente: On va vouloir poser des questions après cela, je vous assure.
Mme Vallée: Je vous répondrai avec plaisir s'il m'est possible de le faire. Des erreurs se sont produites, mais nous savons que les bureaux de crédit ont fait de gros efforts pour corriger ces lacunes. Il faut toutefois que ces efforts soient continus et continuels. C'est pourquoi je crois nécessaire d'énoncer des règles du jeu claires, non seulement au bénéfice des citoyens, mais au bénéfice de toutes les entreprises. Je suis très fière du travail que nous avons accompli grâce au code de protection des renseignements personnels. Mes camarades anglophones y font allusion comme étant un level playing field. Si on exige que toutes les entreprises appliquent une loi fondée sur ce code sur lequel nous avons travaillé si fort et au sujet duquel nous nous sommes chicanés assez longtemps, on facilitera un niveau de concurrence équivalent entre les entreprises.
La présidente: J'aimerais savoir si ces cartes qu'on nous demande de signer sont nouvelles. On me disait l'autre jour que je devais signer une nouvelle carte à la banque indiquant que je ne veux plus que mon nom et mes coordonnées soient mis à la disposition de qui que ce soit.
[Traduction]
Ma banque ne me l'a jamais demandé. Je n'étais pas au courant de l'existence d'une telle lettre. Je ne savais pas que j'étais sensée la signer. Comment aurais-je pu le savoir? Il est vrai qu'il s'agit de Montréal et du Québec. Je ne sais pas s'il en va de même dans le reste du Canada. À ma connaissance, il n'y a pas de loi provinciale sur la protection de la vie privée dans le reste du Canada - M. MacLellan pourra peut-être revenir là-dessus. Toutes ces choses sont peut-être en place, mais je ne suis pas au courant... Pourtant, je ne suis pas exactement une personne sans instruction et on me connaît certainement à ma banque. Comment se fait-il qu'elle ne m'a jamais envoyé cette lettre et que je n'étais pas au courant de son existence? Ne l'ai-je simplement pas vue, et y a-t-il eu une campagne d'information dynamique? Comment cela s'est-il fait?
[Français]
Comment a-t-on sensibilisé la population du Québec à ce sujet?
[Traduction]
Mme Vallée: Bien, Mme Finestone, y a-t-il un représentant de l'ABC dans la salle?
La présidente: Non, mais ils nous observent peut-être avec une caméra.
Mme Vallée: D'accord, tant mieux. Alors, je peux à nouveau m'en prendre à eux.
Comme vous le savez peut-être, les banques sont assujetties à une réglementation fédérale. Cela ne me permet pas pour autant de dire que, de leur propre aveu, elles n'appliquent pas le droit québécois. En fait, cependant, elles ne l'appliquent pas puisqu'elles sont assujetties à la réglementation fédérale.
Elles ont un code sur le respect des renseignements personnels qui vient juste d'être révisé, mais c'est un code de l'ABC que chaque banque peut adapter à ses propres besoins en appelant cela comme elle veut. Les banques n'ont pas réellement divulgué publiquement l'existence de ce code. Si vous allez d'une succursale à l'autre et demandez aux employés en quoi consiste la politique de leur banque en matière de protection de la vie privée, on vous regardera sans doute en écarquillant les yeux en disant: «Oh, je ne savais pas que nous avions une politique de ce genre.»
Donc, quand on parle d'éducation, il s'agit d'une éducation interne dans chaque secteur d'activité, ou chaque usine, ou je ne sais quoi. Il faut également mieux sensibiliser la population de façon générale. Je ne pense pas que les banques appliquent automatiquement de telles dispositions, que ce soit quand on demande une carte de crédit ou une hypothèque.
M. Reddick: Je voudrais ajouter que, dans mon exposé, j'ai dit qu'il fallait être précis. La structure générale du code de l'ACN est bonne, mais il contient une ligne qui stipule que les organisations doivent faire prendre conscience à leurs employés qu'il est important de préserver la confidentialité des renseignements personnels. Cela peut vouloir dire... C'est une brochure...
La présidente: Ce code dit qu'elles «doivent» le faire?
M. Reddick: Oui.
La présidente: Eh bien, le mot «doivent» a un sens très fort dans un texte de loi.
Mme Vallée: Mais c'est un code, Madame la présidente.
M. Reddick: D'accord, mais «prendre conscience», peut vouloir dire toutes sortes de choses.
La présidente: Oui, vous avez raison. Bon, je pense que nous laisserons nos avocats, qui sont de ce côté-ci de la table...
Monsieur MacLellan, je vous en prie.
M. MacLellan: Merci, Madame la présidente.
Je signalerai à nos témoins que, comme on le dit en langage juridique, les responsabilités semblent être inversées. En réalité, ce sont les banques qui devraient être tenues de ne divulguer aucun renseignement personnel concernant leurs clients. Ceux-ci ne devraient pas avoir à signer un document indiquant qu'ils ne veulent pas que ces renseignements soient divulgués. Nous avons déjà vu comment le public a réagi lorsque les câblodistributeurs avaient décidé que, si leurs clients ne voulaient pas de nouveaux canaux, ils devaient leur envoyer une lettre pour le leur faire savoir, sinon on les leur facturerait de toute façon. La population canadienne a manifesté très vivement son opposition à ce procédé.
Franchement, je trouve tout à fait choquant que, premièrement, il me faille savoir que les banques agissaient ainsi, et, deuxièmement, que c'était à moi qu'il appartenait de découvrir qu'il existait un formulaire que je devais signer pour les empêcher d'agir ainsi. Je veux parler à leurs témoins pour savoir ce qu'ils en pensent. Je trouve cela tout à fait insultant.
M. Reddick: Oui, je pense qu'en fait, cela se ramène à la question des libertés négatives et positives dans le sens où certains partent du principe qu'ils peuvent faire ce qu'ils veulent des renseignements vous concernant à moins que vous ne leur disiez que non, qu'il s'agisse de les divulguer au gouvernement ou à des particuliers. D'autre part, le public et de nombreuses personnes qui militent en faveur de la protection de la vie privée disent que non, qu'il faudrait faire l'inverse: ce n'est qu'après y avoir été autorisés qu'on devrait pouvoir faire toutes sortes de choses.
Les utilisateurs doivent toutefois dissocier les différents éléments de cette procédure et obtenir la permission des personnes concernées. Il devrait s'agir d'un consentement renouvelable; les gens devraient être informés et avoir la possibilité de mettre un terme à de telles activités. Les banques constituent un bon exemple. Je n'ai pas vu les derniers formulaires, mais il fut un temps où, quand on voulait ouvrir un compte, on signait un formulaire par lequel on abandonnait tous ses droits relativement à l'ensemble des transactions secondaires. Les banques pouvaient faire ce qu'elles voulaient de ces renseignements.
Ce que nous disons, comme beaucoup d'autres, est qu'il faut dissocier ces éléments. Il faut que vous disiez: «Je veux ouvrir un compte et mes renseignements personnels devraient être utilisés seulement à cette fin. Si vous voulez me vendre une assurance, si vous voulez que j'achète des fonds mutuels, ou si vous voulez m'inscrire à un programme de prêt pour l'achat d'une automobile, il faut que vous obteniez mon consentement pour chacune de ces activités différentes.» C'est ce que pense la majorité de la population, qui préfère cela à une liberté négative.
Mme Vallée: Comme cela fait quatre ou cinq ans que je siège à ce comité, je peux vous dire qu'en particulier, les banques - pas seulement elles; on pourrait aussi prendre l'exemple des compagnies d'assurance - sont tout à fait réticentes à l'exercice d'un choix positif plutôt que négatif. Elles disent que, bon, enfin, ça coûte cher, etc. Elles invoquent toutes sortes de raisons.
Je suis vraiment d'accord avec Andy et vous pour dire qu'il faudrait faire un choix positif plutôt que négatif. Les banques et les compagnies d'assurance élargissant le champ de leurs activités, elles pourraient utiliser vos renseignements personnels pour toutes sortes de choses qui n'étaient pas prévues au départ. Il se peut que vous ne soyez pas au courant, mais, un beau jour, vous pourriez recevoir quelque chose provenant de je ne sais où, et voilà.
M. Reddick: C'est un bon exemple. J'aime bien présenter des illustrations concrètes. J'espère que cela ne vous gêne pas.
La présidente: Je suis sûre que nous voudrons tous avoir un exemplaire de ce que vous nous montrez.
La caméra pourrait-elle faire un gros plan sur cela, s'il vous plaît.
M. Reddick: C'est une publicité de VIA Rail.
J'ai récemment pris le train pour aller à Montréal. On nous a distribué ces formulaires nous invitant à demander une carte VIA Préférence. Elle permet d'accumuler des points. Ce qu'il y a de bien c'est que, dans ce formulaire, il faut cocher une case qui précise clairement que la compagnie va collecter des renseignements à votre sujet, mais elle vous donne le choix. Ces renseignements peuvent rester confidentiels et ne servir qu'au programme VIA Préférence ou ils peuvent être communiqués à d'autres commanditaires ou d'autres fournisseurs de services. Il faut cocher cette case pour dire si on veut qu'ils restent confidentiels ou qu'ils puissent être utilisés librement. Dans ce cas- ci, vous pouvez donc donner un consentement préalable relativement à l'utilisation primaire et secondaire de ces renseignements.
Voilà, de façon générale, le type d'information et de consentement que les gens désirent. Ce consentement n'a pas besoin d'être donné avec force détails, mais la chose se fait sans complications inutiles.
Mme Vallée: Comme vous pouvez le voir, cette case est hachurée ou mise en relief et les consommateurs peuvent donc la voir facilement.
La présidente: Est-ce que cela règle la question de la dissociation des divers éléments dont parlait M. MacLellan?
M. Reddick: Cela en fait partie. C'est exact.
Mme Vallée: C'est une partie de la réponse. Il n'y a pas de solution parfaite. Il faut utiliser toute une gamme d'outils. Nous ne voulons pas nous mêler indûment des transactions commerciales correctes ou imposer trop de frais supplémentaires, mais il faut procéder de façon équitable. Je travaille principalement comme analyste en télécommunications. Je pourrais vous donner l'exemple des cartes d'appel. Les gens qui me connaissent savent que j'utilise toujours cet exemple.
Lorsque Bell et d'autres compagnies de téléphone ont mis au point ce produit, elles sont venues nous demander notre avis avant de le vendre. Nous leur avons dit qu'elles risquaient d'avoir tel et tel problème du point de vue de la protection de la vie privée.
Il ne faut pas oublier qu'au départ, si vous ne vouliez pas que votre numéro de téléphone puisse être affiché, cela devait vous coûter 75 cents chaque fois. Nous leur avons dit qu'entre autres choses, cela posait un problème vis-à-vis de la Charte.
Elles ont néanmoins maintenu leur projet initial. Il a fallu deux ans, plusieurs séries d'audiences du CRTC et des dépenses d'au moins deux millions de dollars avant qu'elles ne changent la programmation de leurs ordinateurs. Les Canadiens n'ont maintenant plus rien à payer pour que leur numéro ne soit pas affiché. Or, figurez-vous que cela ne se fait que pour 0,01 p. 100 des appels. Essentiellement parce que les gens ne sont pas au courant.
M. MacLellan: Je suis d'accord. J'écoute avec beaucoup d'intérêt les commentaires des témoins. Je suis tout à fait d'accord.
Deux choses me viennent à l'esprit. La première est que non seulement il faudrait faire un choix positif plutôt que négatif, mais que les renseignements personnels devraient être considérés comme privés à moins que vous ne consentiez pleinement à ce qu'il en soit autrement et que vous sachiez à quelles fins ils vont être utilisés. De même, si vous accordez une telle autorisation, celle-ci doit être énoncée clairement et non pas figurer à la page 17 d'un formulaire imprimé en si petits caractères que vous n'arrivez pas à les lire et qu'on vous glisse sous le nez en disant de signer là et en faisant comme si c'était simplement un petit complément au reste du document. À mon avis, c'est quelque chose de si important qu'il faut attirer l'attention là-dessus.
Je me pose également la question suivante. Admettons que nous disions non et que nous nous attendions à ce que ces renseignements ne soient pas divulgués; avons-nous une possibilité de savoir que des renseignements personnels sont utilisés sans notre consentement? Comment faire pour être au courant?
Deuxièmement, que fait-on pour réglementer cela, pour s'assurer que les renseignements personnels ne sont pas utilisés de façon inapropriée et sans autorisation?
Mme Vallée: Laissez-moi essayer d'abord de vous répondre. Vous avez le droit de consulter votre dossier quand vous voulez - ou vous devriez avoir ce droit. Disons que vous avez un dossier dans une banque. Vous devriez pouvoir y aller et dire que vous voulez voir les renseignements qu'elle possède à votre sujet. Vous devriez pouvoir vous adresser au Bureau du crédit. Je pense que, dans presque toutes les provinces, il est assez facile de se prévaloir de ce droit d'accès.
Voilà donc une chose. Quant au Bureau du crédit de... Bon, pour autant que je sache, il a des règlements et vous avez accès au dossier. Vous avez le droit de demander une correction. Si vous pouvez la justifier, elle sera apportée.
Dans d'autres provinces ou dans d'autres secteurs, ce code a été accepté en septembre comme norme canadienne. Jusqu'à présent, aucun code n'a fait l'objet d'une vérification à part celle qui a été effectuée par Price Waterhouse à propos de la dernière révision du code de protection de la vie privée de l'ABC. Mais c'est tout. Nous n'avons pas examiné la procédure suivie, le système de traitement des plaintes ou la façon de les régler. Voilà pourquoi nous disons qu'il faudrait un projet de loi établissant clairement ce qu'il faut faire.
M. Reddick: Il y a deux autres choses. Vous pouvez par exemple vous rendre compte que votre nom a été vendu ou échangé quand on vous livre un paquet ou une lettre ou que vous recevez un appel téléphonique. Vous vous demandez alors comment ces gens ont eu votre nom; ce n'est pas la façon la plus agréable de s'en rendre compte.
Je sais que toute la notion de vérification des données est très importante, qu'elle soit effectuée par un commissaire ou par un organe de contrôle appartenant à une organisation. Disons, par exemple, que si le dépistage génétique devient plus fréquent, on pourrait constater que quelqu'un a une maladie génétique. Sans des contrôles de ce genre, on pourrait alors lui refuser une assurance ou un emploi. Si vous constatez que vous avez une maladie à cause de laquelle votre employeur devra payer plus pour les primes d'assurance ou les prestations...
Mme Vallée: Cela pourrait également faire suite à des tests pratiqués sur vos enfants, si vous en avez.
M. Reddick: Oui. On pourrait vous refuser un emploi à cause de cela.
Il y a donc un certain nombre de choses que les gens peuvent faire pour se protéger. Ils peuvent demander à voir quels renseignements on détient et comment ils sont utilisés.
La présidente: À qui s'adresser pour le savoir? Les compagnies d'assurance nous donneront-elles ces renseignements? Est-ce là ce que vous dites?
M. Reddick: Elles devraient pouvoir le faire, mais il faudrait peut-être que cela figure dans la loi. Vous devriez avoir la possibilité de demander à n'importe quelle organisation si elle possède des renseignements sur votre compte. Disons que vous êtes une compagnie d'assurance auprès de laquelle je suis assuré. Je devrais pouvoir vous demander ce que vous savez à mon sujet. On devrait pouvoir s'adresser au Bureau du crédit ou au gouvernement. Il devrait être possible de savoir quels renseignements les gens détiennent à votre sujet. Si vous traitez avec une banque et qu'elle utilise de cette façon les renseignements que vous lui avez donnés, elle devrait être tenue de vous dire quelle utilisation elle en a faite.
C'est extrêmement difficile dans notre société. Elle est très complexe. Les gens sont tous très occupés. Il faut avoir un certain niveau de connaissances et disposer d'assez de temps pour déterminer qui fait quoi avec les ordinateurs, les bases de données et la gestion de l'information. Je crois que c'est à cet égard que les organismes de protection, qu'il s'agisse des commissaires à la protection de la vie privée ou de je ne sais quoi, ont un rôle très important à jouer lorsqu'ils font des vérifications sur la confidentialité des renseignements personnels pour déterminer qui fait quoi dans la chaîne des transactions effectuées avec ces renseignements par différentes organisations, qu'il s'agisse du gouvernement ou du secteur privé.
Quelle que soit la méthode utilisée ou la fréquence de ces vérifications, elles me paraissent très importantes pour faire en sorte que les choses se fassent correctement.
M. MacLellan: Pour ce qui est de l'utilisation des renseignements médicaux privés pertinents par les compagnies d'assurance lorsque quelqu'un a une prédisposition pour une certaine maladie et que cela conditionne son assurabilité, l'ensemble du système cesse alors réellement, à mon avis, de servir les intérêts du public.
Les compagnies d'assurance disent que, bon, elles n'insistent pas si quelqu'un a un gène défectueux l'exposant, par exemple, à la fibrose kystique, qu'elles comprennent la situation. J'ai toutefois constaté qu'elles ont peut-être beaucoup de bonne volonté au départ, mais que, vu la concurrence et la recherche du profit, elles ne peuvent pas agir ainsi.
J'aimerais savoir ce qu'en pensent nos témoins, Madame la présidente.
M. Reddick: Oui, j'ai tendance à être d'accord avec vous. Les compagnies d'assurance font le pari que tout le monde ne mourra pas en même temps ou n'aura pas un accident de la route en même temps. Les risques sont ainsi censés s'équilibrer mutuellement. Je suppose qu'en théorie, si c'était possible, il serait très séduisant de pouvoir trier les gens à qui on risquerait de devoir verser une indemnité et d'assurer seulement ceux qui ne sont jamais malades ou qui n'ont jamais d'accidents, ce qui serait très bien pour le bilan.
Vous abordez là certaines questions très importantes dont on commence seulement à se rendre compte maintenant. J'ai beaucoup entendu parler de la sous-traitance. Par exemple, au Nouveau-Brunswick, on me dit que le gouvernement envisage de sous-traiter à des entreprises privées la gestion des dossiers sur les utilisateurs de médicaments et peut-être ceux concernant la facturation des médecins. Tout cela veut dire qu'on sait de quelle maladie est atteinte une personne, quels médicaments elle prend et quelles sont ses chances de se rétablir.
Or, ces entreprises sont peut-être aussi celles qui vous assurent ou vous accréditent pour différents programmes ou je ne sais quoi d'autre. Il est très dangereux de regrouper ce genre d'informations. Vous avez tout à fait raison de dire que, lorsqu'il y a d'autres objectifs en jeu ou des intérêts particuliers qui ne bénéficient pas à l'ensemble de la population, au gouvernement ou à la personne concernée, on risque de faire face à des problèmes très sérieux.
La présidente: Madame Augustine.
Mme Augustine: Merci, Madame la présidente.
Ce travail et cette discussion sont très importants. Je vais vous donner deux exemples dont j'aimerais savoir ce que vous pensez.
Il y a deux ou trois jours, j'ai entendu un matin ici, à Ottawa, sur CBC, que je ne sais plus quelle entreprise, peut-être Ottawa Hydro, demande maintenant le numéro d'assurance sociale de ses clients. Un auditeur protestait: «Pourquoi avez-vous besoin de mon numéro d'assurance sociale alors que vous avez mon adresse et que vous pouvez me retrouver si je ne paie pas ma facture?», etc. Un porte-parole de cette entreprise justifiait le fait de demander ce numéro en expliquant pourquoi il est important pour cette entreprise. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Ma deuxième question concerne l'étude d'un cas personnel qui est une forte source d'irritation pour un de mes électeurs. D'une façon ou d'une autre, une date de naissance erronée a été inscrite dans son dossier et elle se retrouve maintenant à tellement d'endroits différents que cette personne dit: «Voilà qui je suis; voilà l'heure à laquelle je suis né, voilà ma date de naissance», et on ne peut pas faire une rectification dans le système pour indiquer sa vraie date de naissance. On voit constamment apparaître d'autres documents comportant cette date de naissance erronée.
C'est un cauchemar. Étant son député, j'ai essayé de l'aider mais, même au sein de la bureaucratie gouvernementale, l'acceptation de son certificat de naissance alors qu'elle figure sous une forme erronée dans tant d'autres documents continue de poser un problème non encore résolu, mais très pénible pour sa famille.
Mme Vallée: Je répondrai d'abord à la question sur le numéro d'identification personnel d'Hydro parce que c'est une décision de la Commission d'accès à l'information dont je ne suis pas très fière.
Il n'y a pas eu de débat public dans notre pays au sujet de la nécessité des numéros d'identification personnels. Un tel numéro est de plus en plus souvent demandé, et pas seulement par Hydro. Quand vous voulez avoir le téléphone, toutes les compagnies vous le demandent maintenant. Si nous voulons utiliser un numéro d'identification personnel, il faut en débattre publiquement de façon générale ou décider de ne pas l'utiliser.
Comme vous l'avez dit, ces entreprises ont mon adresse ainsi que, généralement, mon numéro de téléphone. Si c'est pour recouvrer une créance, elles sont généralement en mesure de me retrouver pendant très longtemps avec ces renseignements.
Je ne suis réellement pas fière de ce qui s'est passé au Québec et je sais que, dans d'autres provinces, les entreprises de services publics demandent de plus en plus souvent ce numéro.
M. Godfrey: Puis-je poser une question complémentaire?
Si vous n'êtes personnellement pas d'accord avec ça, dans quelle mesure avez- vous le droit de vous y opposer? En d'autres termes, que se passe-t-il si vous dites: «Non, je ne vais pas vous donner mon numéro d'identification personnel» et qu'on vous répond: «Très bien, nous ne vous fournirons pas d'électricité»?
Mme Augustine: C'est ce qui s'est passé.
M. Godfrey: Y a-t-il un tribunal auprès duquel on peut faire appel de ce comportement choquant et abusif d'un monopole? Existe-t-il un recours si l'on dispose réellement des moyens nécessaires?
Mme Vallée: C'est la raison pour laquelle je ne suis pas fière de la décision de la Commission d'accès à l'information. Certaines personnes ont porté l'affaire devant cette commission parce qu'elles pensaient qu'Hydro Québec abusait de ses droits. La Commission d'accès a statué que cette entreprise pouvait demander ce numéro.
M. Godfrey: Est-ce qu'on pourrait alors présenter une plainte en vertu de la Charte?
Mme Vallée: Donnez-moi l'argent et je serai heureuse de m'en occuper.
Des voix: Oh, oh!
Mme Augustine: Non, ce n'était pas un numéro d'identification personnel, mais le numéro d'assurance sociale.
Mme Vallée: Oui, le numéro d'assurance sociale, excusez-moi.
Mme Augustine: L'argument avancé était qu'on pouvait modifier ce numéro. Je peux aller à ma banque demain et dire que je veux un numéro différent.
M. Allmand: Oui, mais le représentant de la compagnie a dit que si quelqu'un refusait, elle lui fournirait quand même de l'électricité - qu'elle ne pouvait forcer personne. J'ai écouté la même émission.
Mme Vallée: Oui, mais j'ai reçu quelques coups de téléphone au sujet de Bell Canada. En juillet, à Montréal, tout le monde déménage et le représentant de cette compagnie rejetait les demandes des personnes qui refusaient de donner leur numéro d'assurance sociale. Je connais une femme qui a dû faire quelques démarches supplémentaires.
Savez-vous ce qui se passe? Les personnes présentes dans cette salle ne représentent pas le grand public. Les gens cèdent, tout simplement, ils ne se plaignent pas.
M. Reddick: Je voudrais ajouter quelque chose à propos de la question du numéro d'assurance sociale. Le principal problème que pose son utilisation est qu'il permet d'établir un lien avec de multiples bases de données différentes et de multiples sortes de renseignements personnels. Je me rappelle qu'en Suède, il y avait une loi - et elle est probablement encore en vigueur - disant que, même au sein du gouvernement, il fallait un numéro d'identification différent pour chaque catégorie de dossiers.
Mme Vallée: Je sais que c'est le cas en Allemagne.
M. Reddick: Oui.
Il n'y avait pas dans ce pays un numéro d'identification unique si bien que des ministères différents ne pouvaient pas afficher à l'écran tous les dossiers relatifs aux activités d'une personne ou à ses relations avec le gouvernement. Il est très important d'avoir des numéros d'identification distincts de ce genre.
Je suppose qu'une autre possibilité serait d'avoir un numéro d'identification contrôlé par la personne concernée, ce qui garantirait à nouveau l'anonymat puisque personne ne connaîtrait en fait votre numéro.
M. Godfrey: Ce serait comme la biométrie où l'on effectue en fait un brouillage...
M. Reddick: Oui, le résultat est chaque fois totalement aléatoire.
M. Godfrey: Comme on nous l'a expliqué précédemment.
M. Reddick: Tout ce que les entreprises ont besoin de savoir avec ce genre de cartes est que vous êtes solvable et que vous avez les moyens d'acheter quelque chose. Elles ne savent pas qui vous êtes ni quoi que ce soit d'autre. Elles ne savent rien des données vous concernant, mais simplement, que vous êtes un être humain, que vous êtes citoyen de ce pays et que vous avez assez d'argent pour acheter un grille-pain. Et voilà.
La présidente: Nous avons entendu parler de l'utilisation de renseignements analogiques plutôt que numériques pour former une sorte de mur protecteur. N'est-ce pas ce qu'on nous a expliqué hier, chers collègues? Je ne sais plus qui nous en a parlé.
M. Godfrey: L'important est de voir en quoi la nouvelle technologie peut, en fait, servir vos intérêts afin que ce soit vous qui ayez le contrôle de ce numéro, comme pour le numéro d'identification personnel, en quelque sorte, mais en utilisant la biométrie pour l'établir en fonction de la structure de votre main.
M. Reddick: Pour autant qu'on procède de cette façon-là.
Mme Vallée: Je voudrais également souligner le problème dont vous avez parlé à propos des informations erronées qui figurent dans des dossiers depuis trois jours ou trente ans. Notre société ayant de plus en plus besoin des ordinateurs, cela va poser des problèmes dont les ramifications s'étendront comme une toile d'araignée.
Lorsqu'une erreur est commise quelque part, tant d'efforts sont nécessaires pour la faire corriger qu'on se retrouve finalement dans une situation comme celle de votre électeur. Une rectification prend énormément de temps, d'énergie et d'argent.
Il faut des règles pour les gens qui sont dans ce cas. Les corrections doivent pouvoir se faire facilement.
La présidente: Quel était le deuxième cas que vous avez présenté, Jean?
Mme Vallée: C'était une erreur de date de naissance. Comme il y avait des tierces parties qui utilisaient ces renseignements et que des décisions avaient été prises, il avait donné la date exacte, mais ces données étaient abondamment utilisées en aval. On pouvait faire la correction auprès du premier utilisateur, mais comme celui-ci n'était pas obligé de la faire faire par les autres utilisateurs, cela créait un gros problème pour ce monsieur.
M. Godfrey: Il n'existait plus.
Mme Augustine: Merci, Madame la présidente.
La présidente: Merci.
Warren, je vous en prie.
M. Allmand: On a déjà répondu à mes questions. Merci.
La présidente: Je vais revenir à vous, John. Êtes-vous satisfait? Vous nous avez expliqué certains problèmes qu'avait eu un de vos électeurs et certains problèmes personnels concernant l'accès à des renseignements sur votre situation en matière de crédit.
M. Allmand: C'était moi.
Des voix: Oh, oh!
La présidente: Oh, d'accord. Je ne voulais pas vous identifier. Vous vous identifiez vous-même, vous voyez?
M. Allmand: Il s'agissait d'une erreur au sujet de ma date de naissance. Une erreur avait été faite à propos d'une dette que j'avais acquittée, et quand j'ai voulu acheter quelque chose, on m'a dit que mon crédit était mauvais. J'ai demandé ce qu'on voulait dire par là en disant que je payais toujours mes factures depuis des années. Il a donc fallu que je me décarcasse et j'ai fini par apprendre qu'on indiquait que je n'avais pas remboursé une dette que j'avais bel et bien acquittée. Cela m'a pris longtemps, et j'ai dû intervenir auprès de tout le monde. C'était une agence de crédit.
Maintenant, avec la sous-traitance, le gouvernement et les entreprises ont recours à des sociétés privées pour faire ce qui était fait autrefois par le gouvernement. Quand c'était fait par le gouvernement, nous pouvions au moins exercer un contrôle plus strict. Nous pouvions faire comparaître le haut fonctionnaire responsable devant notre comité. Maintenant, avec la sous-traitance, ce sont des petites sociétés réparties un peu partout qui font ces choses-là et, bien souvent, elles ne satisfont pas à des exigences aussi strictes que le gouvernement. Le vérificateur général ne fait pas enquête sur elles, etc., etc.
Quoi qu'il en soit, j'ai fini par faire corriger cette erreur, mais cela m'a sensibilisé aux problèmes de Monsieur tout le monde. Je suis avocat, je suis député et je suis capable de faire face à ce genre de chose de façon beaucoup plus efficace, mais il a fallu que je me démène comme un beau diable. Je comprends ce qu'a dit Jean à propos de l'introduction d'une date de naissance erronée dans le système.
La présidente: Puis-je vous poser une question, Warren? Une telle situation doit être très pénible. Vous vouliez acheter quelque chose et c'est donc aussi gênant. Vous vous êtes donné tout ce mal pour régler le problème et cela a dû vous coûter également quelque chose. Est-il fait obligation à la société, au bureau de crédit qui a commis l'erreur au départ et ne l'a pas rectifiée, d'informer toute la série d'utilisateurs auprès de qui votre réputation a été ternie par sa faute?
M. Allmand: Non. Non seulement ça, mais nous sommes tellement occupés par notre travail, notre famille, etc. qu'une fois que l'affaire a été réglée, j'étais en colère, mais j'ai laissé tomber. Je n'avais pas de temps à y consacrer. J'aurais vraiment dû signaler la chose au Bureau d'éthique commerciale ou à un service d'aide aux consommateurs... À cette époque, les moyens de communication étaient meilleurs, plus efficaces. Il y avait un ministère qui s'occupait des consommateurs et j'ai été à sa tête. Il n'existe plus. Combien de temps peut-on consacrer à ces choses-là, même si on a une formation adéquate?
Mme Augustine: Vous traitez avec des gens sans visage.
M. Allmand: C'est exact. Quand on leur parle au téléphone, ils répondent qu'ils ont ça dans leurs dossiers. Comment cela s'est-il retrouvé là? Ils n'en savent rien. Ce sont des sociétés privées. Il y a leur marge bénéficiaire; elles veulent réaliser un profit et cherchent donc à économiser où elles peuvent et choisissent les solutions de facilité.
C'était il y a quelques années. Dieu merci, nous mettons maintenant plus l'accent sur ces problèmes. C'est ce que fait ce comité. Je comprends bien ce qu'ont dit les témoins,
[Français]
Mme Vallée: C'est pourquoi les bureaux de crédit, mais aussi toutes les entreprises qui font beaucoup de transactions à partir de bases de données doivent absolument garder la trace de quiconque a eu accès à l'information. Ils doivent savoir quand l'information a été recueillie, qui la leur a fournie, à qui elle a été passée, afin que s'il se pose des problèmes ou des erreurs, on puisse aviser tout le monde qui a utilisé ces données au moment où on les corrige.
Par exemple, dans le cas de M. Allmand, si c'était à Montréal, cela passerait par Equifax, et il faudrait que toutes les banques, caisses populaires et entreprises qui sont clientes d'Equifax qui ont eu accès à son dossier de crédit puissent avoir également la correction dès qu'elle est faite.
[Traduction]
La présidente: La procédure qu'on nous a expliquée prévoit-elle l'obligation de faire cette correction?
M. Allmand: Ce n'était pas le cas à l'époque.
La présidente: Et maintenant?
M. Allmand: Ces témoins le savent probablement. Ce sont des gens du secteur privé et je ne pense pas que nous puissions les y forcer.
[Français]
Mme Vallée: Je vais vérifier, monsieur Allmand et madame Finestone, mais je pense que dans la loi du Québec...
M. Allmand: Oui, dans la loi du Québec.
Mme Vallée: Si le Québec a été capable de le faire, le gouvernement fédéral en est aussi capable dans les secteurs de sa compétence, et les autres provinces sont aussi capables de le faire.
M. Allmand: Mais nous n'avons pas de loi dans le moment. On doit peut-être légiférer pour...
Mme Vallée: Non, mais j'ai bien entendu M. Allan Rock annoncer qu'on aurait une loi d'ici l'an 2000.
M. Allmand: Madame, c'est le but des travaux de ce comité.
Mme Vallée: Oui.
M. Allmand: Après notre étude, j'espère que nous aurons un rapport avec des recommandations, peut-être entres autres d'adopter une loi sur le modèle de celle du Québec qui s'appliquerait aux cas précis de juridiction fédérale, comme les banques, les transports aériens, etc.
Mme Vallée: Les télécommunications, la câblodistribution.
[Traduction]
M. Reddick: L'alinéa 4.9.6 du code de l'ACN porte sur cette question et, comme je...
La présidente: Pouvez-vous nous dire ce qu'est l'ACN?
M. Reddick: C'est l'Association canadienne de normalisation. Elle a préparé un modèle de code de protection des renseignements personnels. Mais là encore...
La présidente: Une seconde. Nous reviendrons là-dessus parce qu'il y a une motion que nous devons présenter.
M. Reddick: Le principe et les intentions sont bonnes, mais, là encore, il y a des expressions assez vagues comme «should» et «when appropriate». Alors, même si vous avez pu remédier à votre problème, cela ne veut pas nécessairement dire que la correction sera transmise aux autres banques et aux autres institutions. Cela devrait se faire et il est possible de le faire, mais cela ne se fera peut-être pas.
Là encore se pose la question de savoir dans quelle mesure les principes sont précis ou vagues par rapport à des consignes concrètes disant qu'il faut prendre telle ou telle mesure. C'est un aspect très important. Je constate cela aussi bien dans le document de l'OCDE que dans celui-ci - ils sont utiles comme guides mais, si nous prenons vraiment cela au sérieux, il faut des dispositions beaucoup plus strictes, comme vous le savez sans doute puisque vous avez jadis été ministre.
La présidente: Quand vous obtenez des renseignements de ce genre et que vous avez les sondages devant vous, écrivez-vous au ministre de la Justice pour lui dire que cela a été porté à votre attention et que vous y voyez matière à préoccupation? C'est ce que nous ferons dans notre propre rapport, mais, puisque vous êtes dirigeante de la fédération des consommateurs du Québec, quand vous faites ce genre de choses, signalez-vous à cette association que le libellé de ce code vous préoccupe compte tenu du fait que le ministre a annoncé qu'il s'en inspirerait peut-être pour le projet de loi qui devrait être présenté en l'an 2000?
Mme Vallée: Eh bien, nous avons certainement fait beaucoup de lobbying au cours des deux dernières années pour informer les gens ici sur la colline et les bureaucrates que la loi du Québec n'a acculé personne à la faillite. N'oubliez pas que, quand nous avons entamé ce processus, nous disions au gouvernement fédéral que nous voulions une loi. À cette époque, je pense que les conservateurs étaient au pouvoir et ce qu'il fallait faire était aller s'asseoir à une table et élaborer un code.
Pour aussi vague qu'il soit, ce code est au moins un bon point de départ. Il faut y apporter quelques retouches. Il faut rendre certaines de ses dispositions plus contraignantes, mais c'est un très bon point de départ.
M. Reddick: Si je devais préparer un projet de loi, je commencerais en m'appuyant sur quelque chose comme ça et je dirais que ce travail a déjà été fait, qu'il est très bien, très utile et qu'il faut simplement le retravailler un peu et préciser certaines choses. C'est une bonne base de départ, mais il faut être plus précis et aller plus loin pour ce qui est des mesures de redressement.
Mme Vallée: Nous en avons parlé à de nombreuses reprises à John Manley.
La présidente: Monsieur Godfrey.
M. Godfrey: En avez-vous fait une étude détaillée critique que vous pourriez nous remettre? Quelqu'un qui partage vos préoccupations a-t-il fait une étude critique de ce genre qui pourrait nous être utile?
M. Reddick: Je n'en sais rien.
Mme Vallée: Puisque ce code date seulement de septembre dernier, il n'a fait l'objet d'aucune étude critique approfondie.
M. Godfrey: Si vous entendez dire qu'il y en a une ou si l'absence d'autres activités pendant la période de Noël vous incite à en préparer une, vous pourriez nous la transmettre. Ce serait utile.
Mme Vallée: Nous savons qu'Industrie Canada va publier un livre blanc ou quelque chose de ce genre d'ici la mi-janvier. Nous profiterons de cette occasion pour préciser nos attentes.
M. Godfrey: Je voudrais connaître votre avis au sujet de deux choses dont il a été question: tout le concept de la vérification de l'application des dispositions relatives à la protection des renseignements personnels et la notion de chaîne de l'information.
Ce type de vérification paraît être quelque chose de très intéressant et d'utile et j'ai toute une série de questions à ce sujet. Avec la technologie et le savoir-faire actuels, dans quelle mesure une telle vérification est-elle réalisable? S'agit-il d'une activité expérimentale comme les vérifications environnementales ou de quelque chose qui a fait ses preuves? Si quelqu'un a les compétences requises et se voit accorder un accès satisfaisant, peut-il se rendre dans un établissement, s'installer à l'ordinateur et trouver comment ça marche? C'est la première question.
Qui devrait être chargé de ces vérifications? Est-ce que le gouvernement, par exemple le Commissaire à la protection de la vie privée, devrait s'en occuper, ou bien devrait-il s'agir d'une activité commerciale? Qui devrait en couvrir le coût? Quand devrait-elle être réalisée? Devrait-elle être laissée à l'initiative des entreprises qui veulent s'assurer une bonne réputation ou devrait-elle faire suite à des plaintes? Existe-t-il d'autres modèles? Fait-on des vérifications de ce type dans d'autres pays afin que nous puissions nous en inspirer?
Tout cela ne constitue bien entendu qu'une seule question.
Mme Vallée: Je répondrai d'abord, et je suis sûre qu'Andy voudra ajouter des commentaires supplémentaires.
Ces vérifications ne sont pas très répandues en Amérique du Nord et c'est un important sujet de préoccupation pour ceux d'entre nous qui continuent à siéger au comité chargé de l'application de ce code. Je peux devenir vérificatrice spécialisée du jour au lendemain, mais qui saura si je fais ce qu'il faut? Vous avez donc tout à fait raison de soulever cette question.
En Amérique du Nord, cela ne fait que commencer, mais voyons ce qui se passe en Allemagne, en Suède, etc. Ces pays ont tous élaboré toutes sortes de procédures. Cela pourrait relever du Bureau du commissaire à la protection de la vie privée, mais si l'on s'adresse à des gens comme l'ACN, Price Waterhouse ou je ne sais qui, il faudrait qu'ils reçoivent une information adéquate agréée par le Conseil canadien des normes pour s'assurer qu'ils ont passé l'examen et que nous pouvons garantir qu'ils savent ce qu'ils font quand ils se rendent dans votre entreprise.
M. Godfrey: Pour le moment, cela n'existe pas.
Mme Vallée: Non.
La présidente: Il n'y a pas de normes de l'ACN? Je pensais que si.
Mme Vallée: Il y a des normes, mais pas au sujet des vérifications.
M. Godfrey: Comment peut-on savoir si une personne a la compétence requise pour réaliser une vérification, qu'elle a été agréée et ne prétend pas tout simplement que c'est le cas?
Mme Vallée: Il y a quelques personnes au Québec qui sont actives dans ce secteur et elles aident les entreprises à voir au moins si les procédures qu'elles suivent et la façon dont elles prennent les décisions à propos d'autres personnes sont conformes aux principes de la Loi. Il est clair que ce secteur est en train de se développer.
M. Godfrey: On dirait un projet de création d'emploi.
Mme Vallée: Bien entendu. Ceux d'entre nous qui ont siégé à cette table pendant quatre ans envisagent de devenir experts-conseils. C'est quelque chose qu'il faut mettre au point et qui doit être contrôlé. Nous ne voulons pas que quelqu'un se présente du jour au lendemain comme un vérificateur spécialisé dans la protection des renseignements personnels en disant que, comme il est comptable, il peut vérifier la tenue des livres et la conformité des mesures de protection des renseignements personnels. Non, non, non.
M. Godfrey: Monsieur Reddick, vouliez-vous ajouter quelque chose?
M. Reddick: Je pense que Marie s'en est très bien sortie. Je ferai simplement remarquer qu'il existe un code de la route et que la police le fait respecter en effectuant des vérifications à sa manière le long des routes; si nous nous engageons sur l'inforoute, nous devons également nous assurer d'avoir les moyens de faire respecter certaines règles, que ce soit sur l'inforoute elle-même ou en confiant à quelqu'un la réalisation de vérifications de caractère général.
Cela pourrait se faire aux deux niveaux. Le représentant de l'Europe parle de contrôleurs travaillant dans les entreprises, ce qui serait une façon de faire, mais je pense qu'il faut également avoir un organisme public indépendant, le Commissaire à la protection de la vie privée ou quelqu'un d'autre, capable d'effectuer des vérifications aussi bien au sein du gouvernement que dans le secteur privé en disposant des moyens nécessaires pour le faire correctement.
La présidente: Il y a quelque chose qui m'inquiète quand j'entends tout cela et j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Nous examinons les droits de la personne et la protection de la vie privée dans l'optique des droits de la personne. Je pense que, dans ce cas-ci, si certains secteurs se dotaient d'un code, certains éléments de celui-ci outrepasseraient les limites de la paix, de l'ordre et du bon gouvernement d'un point de vue personnel et individuel. Nous intervenons ou nous nous immisçons donc dans quelque chose qui paraît propre à un secteur donné et nous examinons cela dans l'optique des droits de la personne.
M. Godfrey: Je pense qu'il y a différentes façons d'envisager cela. Une possibilité serait certainement que le gouvernement fédéral donne l'exemple en soumettant ses propres activités à une telle vérification pour s'assurer tout simplement qu'il ne se passe pas en fait des choses horribles. Nous avons un vérificateur général qui examine les livres et signale les situations scandaleuses. Nous sommes plus sensibles aux analyses relatives à l'égalité des sexes, par exemple, au budget et à tout ce qui s'ensuit ou aux vérifications environnementales. Nous devons nous demander si une telle activité va avoir des répercussions négatives.
Je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit à critiquer dans le concept présidant à ces vérifications. Elles semblent techniquement faisables et c'est au sein du gouvernement qu'on devrait commencer.
Pour ce qui est du secteur commercial, il semble d'abord qu'il existe déjà une structure au Québec qui constitue en quelque sorte un modèle. Il y a le projet de l'Association canadienne de normalisation et nous connaîtrons la réaction du gouvernement en janvier. Cela constitue une porte d'entrée, et il semble qu'avec ces vérifications, on veut simplement étendre et préciser quelque chose qui est déjà en voie de se réaliser, si vous voulez. Je ne pense donc pas que nous portions atteinte à quoi que ce soit. Je ne suis pas avocat, comme l'a dit un jour Jean Chrétien, mais je ne pense pas que nous portions atteinte à quoi que ce soit.
Mme Vallée: Soit vous possédez un droit, soit vous ne le possédez pas. Si vous le possédez, il s'applique à l'ensemble de vos activités en tant que citoyen. Donc, que vous traitiez avec le gouvernement, avec la Banque de Montréal ou avec un concessionnaire d'automobiles, votre droit au respect de votre vie privée est un droit et non pas un produit. Le monde des affaires doit donc le respecter aussi bien que le gouvernement.
M. Reddick: Je ne pense pas qu'on puisse encore faire une distinction précise entre le secteur public et le secteur privé. Il n'y a plus guère de démarcations en ce qui concerne la prestation des services, si bien que ces vérifications devraient s'appliquer aux deux, surtout quand le secteur privé assure en tout ou partie la prestation de certains services publics. Je ne vois pas comment on pourrait faire une distinction nette. Je pense donc que ces vérifications devraient se faire à des niveaux différents, selon les circonstances.
M. Allmand: J'allais dire qu'il y a des précédents. La Loi sur l'équité en matière d'emploi constitue un très bon précédent. En fait, avant le projet de loi qui a été adopté il y a environ un an, cette loi s'appliquait seulement au secteur privé et non pas aux organisations gouvernementales. Il y avait des vérifications. Cette loi exige la présentation de rapports et la Commission canadienne des droits de la personne vérifie que ses dispositions sont bien respectées. Si cela peut donc se faire pour ce qui est de l'équité en matière d'emploi dans le secteur privé, cela peut se faire aussi pour ce qui est du respect de la vie privée dans le secteur privé, puisque c'est un droit de la personne.
Je ne vois donc pas de problème du tout. Ce n'est pas comme si on s'avançait en terre inconnue. Il y a un précédent.
Une voix: Alors pourquoi une extension?
La présidente: Il a fallu huit ans pour en arriver là, mais vous avez raison.
M. Allmand: Ce sont les Conservateurs qui ont commencé, mais il a fallu attendre les Libéraux pour finir le travail.
[Français]
La présidente: Le Bloc québécois voudrait intervenir et c'est son droit.
M. Bernier: Oui, et je veux justement donner suite à la question qu'a soulevée M. Godfrey concernant le contrôle de toutes les mesures qui pourraient être mises de l'avant.
Je voudrais avoir votre opinion là-dessus, bien sûr, mais je vais d'abord faire une affirmation. Je suis favorable, bien sûr, à ce que les gouvernements introduisent des mesures pour contrôler l'envahissement du secteur de la vie privée, comme la loi qui existe au Québec. Mais ma crainte, c'est que les gens pensent qu'en remettant cette responsabilité entre les mains du gouvernement, on règle tous les problèmes.
Ce n'est pas ce que vous avez affirmé, bien au contraire. Vous nous avez même fait part d'une décision prise par la Commission d'accès à l'information du Québec concernant Hydro-Québec qui ne va pas dans le sens que vous souhaitez, c'est le moins qu'on puisse dire.
Je crois qu'il doit y avoir plusieurs organismes du gouvernement, mais également des organismes du secteur privé - sans vouloir faire de publicité pour votre organisation, je dirais des organismes comme le vôtre - qui non seulement pourraient survivre, mais qui auraient également les moyens, autant que les organismes gouvernementaux, d'assurer le suivi de cela. On aura beau avoir les meilleures lois au monde, si on n'a personne qui peut en surveiller l'application, elles deviendront complètement inutiles. Ce n'est pas le simple citoyen ou même des citoyens extraordinaires comme M. Allmand qui ont le temps d'en assurer le suivi. C'est la réalité.
J'aimerais avoir votre opinion là-dessus parce que je ne suis pas de ceux qui pensent que toute la responsabilité devrait être confiée au gouvernement.
Mme Vallée: Je ne pense pas qu'on doive confier toute la responsabilité au gouvernement. Pourtant, de plus en plus, on voit le gouvernement s'engager dans des activités en partenariat. Je pense que dans les mécanismes qui seront mis en place, lors de l'adoption de la Loi sur la protection des renseignements personnels au niveau fédéral et dans toutes les provinces, il devra y avoir des organismes, soit des organismes existants, soit des organismes spécialement mis sur pied où siégeront des représentants de la communauté, comme des associations de consommateurs ou des groupes intéressés, qui auront droit de regard.
Il y a aussi le problème des nominations, car il y aura sûrement des conflits à résoudre pour lesquels on fera des adjudications. Il faudra veiller soigneusement à faire les nominations adéquates. Il faudra choisir parmi de nombreux experts. Il en existe dans les associations de consommateurs. Il serait peut-être temps qu'on le reconnaisse, pas seulement pour les inviter à venir témoigner devant vous, mais aussi quand vient le temps de nommer des adjudicateurs. C'est vrai pour la vie privée et c'est vrai pour plusieurs autres secteurs.
Je ne pense pas que, malheureusement, nos organismes vont pouvoir remplir des mandats de surveillance. La vie est extrêmement difficile. Je ne suis pas ici pour m'en plaindre, mais je vous le dis en passant. Je ne manque jamais une occasion de le dire.
Cependant, je pense que les temps sont extrêmement difficiles. J'ai dû m'excuser de ne pas encore avoir de personnalité virtuelle, mais je devrais aussi être à Montréal en train de travailler à des dossiers. J'avais une réunion ce matin et j'ai été obligée de quitter. J'ai trois réunions avant de retourner à Montréal ce soir. Ce serait bien qu'on soit deux au lieu d'une pour faire tout le travail. Si, en plus, vous nous dites que je dois être au comité de délibération du protecteur du citoyen ou... Je veux bien, mais payez-nous.
M. Bernier: M. Godfrey a soulevé cette question plus tôt, mais on est toujours pris dans le dilemme suivant. Chaque fois qu'il est question d'adopter une loi qui va nécessairement occasionner des coûts supplémentaires, les gens, surtout ceux du secteur privé, s'élèvent en disant: Ah, de nouvelles taxes, de nouveaux impôts! Toutefois, si les gens trouvent que la protection de la vie privée est importante, comme l'indiquent les sondages, il faudra se donner les moyens d'assurer cette protection.
Personnellement, je pense qu'on devrait songer sérieusement à impliquer le secteur privé dans le financement. Je suis d'accord avec vous que vous ne pouvez pas participer seule à toutes les audiences à travers le pays, faire toutes les enquêtes et fêter Noël et le Jour de l'An en plus.
Mme Vallée: Mon Dieu, c'est au programme aussi?
Écoutez, on a été très chanceux de pouvoir faire le sondage qu'on a fait. C'est un concours de circonstances. Lorsqu'on va élaborer la loi, on devra élaborer des principes transparents, et les entreprises devront être très transparentes dans ce qu'elles devront rapporter à leur organisme de surveillance.
Cela va nous rendre la tâche plus facile. Si on a un rapport tous les six mois ou chaque année qui nous dit que, sur 2 500 plaintes, on en a résolu 2 450 et que les 50 autres sont en procédure, il sera moins nécessaire qu'on soit présents dans le quotidien.
Si ce n'est pas transparent, la population, le gouvernement et même les entreprises vont avoir des problèmes.
J'ai un ami en Colombie-Britannique qui dit: Avant que ça bouge, avant que les entreprises s'aperçoivent que c'est à leur avantage de protéger les renseignements personnels, il va falloir qu'il y ait un privacy Chernobyl». J'espère qu'on n'en viendra pas là.
[Traduction]
La présidente: M. MacLellan voudrait poser rapidement une question, je crois, M. Godfrey.
Je veux simplement signaler au comité que nous devons adopter deux motions. Vous avez le choix entre deux options. Je sais que certains membres du comité ont d'autres responsabilités et doivent s'en aller, mais nous pouvons continuer à entendre les témoins.
Si vous nous le permettez... La décision revient aux témoins. Soit nous adoptons ces deux motions et vous comprendrez, en nous regardant faire, que nous avons certaines choses à faire dans le cadre des activités parlementaires...
M. Godfrey: Elles n'ont pas un caractère privé?
La présidente: Pas du tout. Êtes-vous prêts à rester encore quelques instants pour que nous puissions simplement adopter les projets de motion. Cela vous convient-il?
Une voix: Nous pourrions revenir.
La présidente: Non, nous allons rester. Cela va prendre exactement une minute. Il faut simplement qu'elles puissent être inscrites au procès-verbal.
M. Allmand: Je ne voudrais pas que nous perdions du temps. Si les questions de Russ et John sont très brèves, pourquoi ne pas les laisser les poser, parce que je voudrais soulever certaines questions au sujet de l'une de ces motions.
La présidente: Très bien. Nous allons terminer l'interrogatoire de nos témoins.
[Français]
Vous avez terminé, monsieur Bernier?
M. Bernier: Oui.
La présidente: Russell, s'il vous plaît.
[Traduction]
M. MacLellan: Je voudrais ajouter deux ou trois choses à ce qu'a mentionné M. Reddick. L'une d'entre elles concerne les caméras cachées. Quand il y a, par exemple, des caméras de surveillance dans un centre commercial, il y a une différence si elles sont cachées ou si elles sont mises en place de façon à ce qu'on sache qu'elles sont là, ce qui est une meilleure façon de procéder. Il faudrait peut-être également afficher un avis disant que telle zone est surveillée par des caméras. J'aimerais simplement savoir si les sondages que vous avez réalisés donnaient une indication en ce qui concerne la préférence des gens pour des caméras cachées.
M. Reddick: Le comité devrait consulter certaines des recherches réalisées par Simon Davies qui a abondamment étudié cette question en Angleterre. Le Royaume-Uni est beaucoup plus avancé que nous en matière de surveillance publique.
Je signalerai toutefois qu'il y a là une certaine confusion en ce qui concerne les idées des gens. Dans certains cas, à certains endroits, que ce soit dans des entreprises privées... où on installe des caméras de surveillance pour des raisons évidentes. Les gens diront que c'est très bien, qu'ils s'attendent à ce qu'il y ait une certaine surveillance dans les centres commerciaux, que ce soit pour dissuader les voleurs, pour protéger les enfants ou pour je ne sais quoi encore.
Le problème qui commence à se poser en Angleterre est qu'il y a des caméras à chaque coin de rue, si bien que tout ce qu'on fait, tout ce qui se passe est maintenant surveillé. On dépasse alors une certaine limite dans une démocratie et on peut se demander vers quel genre de société nous nous dirigeons. Est-ce une société comme le Panopticon de Jeremy Bentham où on peut constamment observer tout ce qui se passe? C'est à ce moment-là que certains craignent vivement qu'on aille trop loin. Cela peut être justifié dans certaines circonstances. Le fait que la caméra soit ou non cachée dépend également des circonstances, mais je pense que les gens sont plus à l'aise s'ils savent qu'il y a une caméra. Il faut toutefois faire très attention à ne pas pousser cette surveillance trop loin. C'est à ce moment-là que les gens ne sont plus prêts à accepter un compromis.
Mme Vallée: Ce qui se passe actuellement en Grande-Bretagne est qu'on y installe des caméras dans les quartiers pauvres, mais pas dans les quartiers riches. Elles visent donc un secteur particulier de la population. La police commence à les utiliser pour rassembler des preuves. J'ai vu quelqu'un sortir de tel endroit et entrer là et j'ai perdu sa trace pendant dix minutes; dans l'intervalle, tel incident s'est produit. Oh, on ne vous a pas vu pendant dix minutes, où étiez-vous donc?
Si vous pouvez trouver certains des articles de Simon Davies sur cette question, je pense que vous trouverez cela tout à fait effrayant.
La présidente: Je vous signalerai que Simon Davies est venu ici et nous a également dit qu'on peut numériser le visage de quelqu'un.
M. Reddick: J'ai le même genre de préoccupations que Marie à propos de l'installation de caméras dans les quartiers pauvres. C'est le même genre de problème que ceux que peuvent poser les cartes à puce et l'enregistrement électronique des empreintes digitales. Le faisons-nous parce que quelqu'un est pauvre, qu'il a un faible revenu? Le faisons-nous parce que ces gens-là bénéficient d'un programme gouvernemental ou reçoivent des prestations? Le faisons-nous seulement pour l'assurance-chômage ou bien aussi pour les pensions? Le faisons-nous pour les gens qui prennent un train de banlieue à Toronto?
Toute la question de la démocratie, du but visé par la technologie et des utilisateurs de celle-ci est très importante aussi bien pour ce qui est des droits de la personne que du droit au respect de la vie privée et de toute la question de la démocratie. Nous devons faire très attention et nous demander pourquoi on fait cela pour certaines personnes plutôt que pour d'autres. Est-ce simplement parce qu'elles reçoivent des prestations d'assurance- chômage ou d'assistance sociale? Est-ce parce qu'il s'agit d'une personne âgée recevant une pension? Ne devrions-nous pas alors prendre les empreintes digitales des gens qui empruntent les trains de banlieue de Toronto puisqu'ils bénéficient indirectement d'une subvention gouvernementale? Il s'agit de savoir comment on justifie cela.
Je vous redonne la parole.
M. MacLellan: Cela se rattacherait également à la question de la criminalité.
M. Reddick: Tout à fait. Quel est le niveau acceptable?
La présidente: Avez-vous une question, M. Godfrey?
M. Godfrey: Je ferai avant tout le commentaire suivant: il est intéressant de noter qu'au moins, en Grande-Bretagne, le système de classe se porte bien et est technologiquement avancé - mais cela peut également s'appliquer à nous.
Je reviendrai un instant à la chaîne de l'information à propos de laquelle j'ai une question d'ordre technique et une autre au sujet de ce que nous pouvons faire. Savez- vous par hasard - il n'y a peut-être aucune raison que vous soyez au courant - si, par exemple, quand un bureau de crédit commence à fournir ces renseignements, les demandes sont automatiquement enregistrées? Le système actuel permet-il de les retracer? Je suppose que la réponse est probablement oui.
Quelle est la meilleure façon d'accélérer la résolution de problèmes comme celui qu'on nous a signalé à propos d'une date de naissance erronée, avec tout ce qui s'ensuit. Serait-ce par la voie législative? Comment peut-on, en fait, imposer l'obligation de corriger toute la chaîne à l'organisme qui devrait avoir cette responsabilité et qui est, me semble-t- il, le bureau du crédit?
M. Reddick: Je ne sais pas dans quelle mesure les demandes sont enregistrées, mais...
Mme Vallée: C'est obligatoire à l'heure actuelle.
M. Godfrey: Ceux à qui les renseignements sont fournis...
Mme Vallée: Oui, ceux qui consultent ces dossiers...
M. Godfrey: ...afin qu'ils puissent intervenir et corriger la date de naissance...
Mme Vallée: Disons, par exemple, que je vais demander un prêt à la Banque de Montréal. C'est mon point d'entrée. Je lui donne tous les renseignements requis. Une erreur est commise sur mon formulaire. Quelqu'un fait une faute de frappe. Comment dois- je procéder si je veux que cela soit corrigé? Je retourne à la Banque de Montréal et je dis que quelqu'un a fait une erreur quand j'ai donné ces renseignements et que j'aimerais qu'on la corrige et qu'on dise à tous les gens qui ont eu accès à mon dossier ultérieurement qu'ils doivent également la corriger. Ce qui se passe en fait est que la banque informe Equifax qui met tous les autres au courant. C'est ce qui se passe dans le secteur bancaire.
À mon avis, c'est ceux qui recueillent l'information qui devraient être tenus d'apporter les changements.
M. Godfrey: Quel que soit le point d'entrée.
Mme Vallée: Quel qu'il soit.
M. Reddick: Du point de vue technique, c'est faisable. Si on peut se servir de la technologie pour créer quelque chose, on peut s'en servir également pour remédier à un problème. C'est une question de conception. Si la loi dit qu'il faut le faire, ce sera inscrit dans le programme.
M. Godfrey: La voie législative est-elle la meilleure façon d'aborder cette question?
M Vallée: Si elle n'impose pas des mesures trop complexes et trop coûteuses. Il y a des façons d'y arriver.
M. Reddick: Je pense que la méthode adoptée dans les lois européennes avec une structure générale et des modalités d'application sectorielles... Il faut être souple. Il faut tenir compte de la façon dont les choses se passent dans le monde réel ainsi que du niveau de saisie des renseignements et de leur degré de confidentialité. C'est un domaine très complexe, mais il faut bien concevoir les éléments de base et appliquer les dispositions de façon équitable.
La présidente: Pour continuer sur ce sujet, est-ce la directive de l'OCDE qui est utilisée en Europe?
Mme Vallée: Il y a une politique de protection des renseignements personnels qui est appliquée dans tout...
La présidente: Avez-vous comparé cela à votre propre loi sur la protection des renseignements privés?
Mme Vallée: C'est assez semblable. Les principes de base sont les mêmes. Parfois, le libellé...
La présidente: Très bien. Je pense que la question que M. Godfrey vient de vous soumettre serait importante pour nous maintenant en tant que mesure de prévention, s'il était possible de transmettre ces informations. Si vous pouviez vérifier votre propre comparaison du texte de l'OCDE et de celui de l'ACN pour voir s'il manque quelque chose qui permettrait vraiment de faire en sorte que le point d'entrée fasse la correction et soit tenu de le faire, M. Allmand ne se sentira alors plus aussi coupable d'avoir été trop occupé.
M. Allmand: Je ne me sens pas coupable - plutôt furieux que coupable.
La présidente: Furieux - d'accord. Nous allons régler tout cela.
Mme Vallée: Nous ferons de notre mieux, mais vous avez des personnes ressources au sein du gouvernement fédéral. Je vous citerai Andrea Neill au ministère de la Justice et Stéphanie Perrin à Industrie Canada. Ce sont deux personnes compétentes qui connaissent tout ce qui touche à la protection des renseignements personnels.
La présidente: Excellent. Merci beaucoup.
Au nom du comité, je vous remercie tous les deux pour cet entretien très enrichissant et pour l'aide que vous nous avez apportée. Nous serons heureux de recevoir votre documentation, monsieur Reddick. Je pense que cette analyse peut nous être très utile pour mieux orienter nos travaux.
Cette partie de la séance est maintenant terminée.
Je voudrais maintenant passer à deux choses. La première est le projet de motion indiquant que le greffier, suivant les instructions du comité directeur, fera des arrangements contractuels relatifs aux services d'experts-conseils dans le cadre des audiences à travers le pays sur les nouvelles technologies et le droit à la vie privée.
[Français]
Le greffier, suivant les instructions du Comité directeur, fait des arrangements contractuels relatifs aux services d'experts-conseils dans le cadre des audiences à travers le pays sur les nouvelles technologies et le droit à la vie privée.
[Traduction]
Il s'agit de faire savoir au comité que nous avons eu hier une réunion assez longue qui a duré deux heures. Nous avons eu une entrevue avec les quatre candidats. Après les avoir évalués, le comité exécutif en a choisi deux qui se partageront les responsabilités en anglais et en français. À notre avis, tous deux sont compétents, mais cette motion nous donne au moins le droit de continuer nos recherches et d'embaucher du personnel.
Warren.
M. Allmand: Vous l'avez donc fait avant d'avoir reçu l'approbation du comité.
M. Godfrey: Vous pouvez le faire jusqu'à ce que...
M. Allmand: Ma question...
La présidente: Nous n'émettrons pas le contrat avant d'avoir votre permission, parce que nous avons finalement inclus cela dans notre budget. Je n'avais pas à soulever la question, comme vous le savez tous, parce que non seulement fallait-il que notre budget soit approuvé, ce qui a été fait, mais notre voyage devait l'être aussi. Sinon, nous n'aurions pas pu engager un expert-conseil et nous n'aurions pas pu aller de l'avant. Le voyage a été approuvé hier.
M. Allmand: Pourquoi faut-il engager des experts-conseils de l'extérieur alors que nous avons des greffiers et des gens de la Bibliothèque du parlement?
La présidente: Monsieur Allmand, je ne sais pas où vous étiez, mais nous en avons discuté longuement. Les gens de la Bibliothèque du parlement ne sont pas des gens de terrain qui pourront trouver des personnes représentatives pour participer à nos réunions.
M. Allmand: Je n'ai entendu aucune discussion de cette question.
M. Godfrey: Pouvez-vous nous rappeler quel est le travail que ces gens vont faire?
La présidente: Certainement. C'est un travail en trois volets. Nous vous avons expliqué le type d'études de cas que nous allons utiliser en nous adressant au grand public dans les réunions que nous allons tenir dans l'ensemble du pays pour que ces renseignements soient traités sous trois optiques différentes.
Premièrement, dans chaque ville où nous allons nous rendre, nous organiserons une réunion publique informelle. Il y aura des experts qui jetteront les bases de la discussion et il y aura ensuite un débat pendant la première heure, je crois. Ensuite, nous formerons trois groupes dans la salle, parce que nous voulons rester dans une seule salle avec un nombre raisonnable de gens. Avant de commencer, chaque participant recevra - c'est pour cela que nous avions besoin de ces experts-conseils - les études de cas que nous allons élaborer à partir de problèmes réels et de cas dont nous avons connaissance.
Il s'agit de définir le point de référence et de voir jusqu'à quel point il peut s'éloigner de ce qui constitue un droit fondamental de la personne pour définir ce qu'est la vie privée en tenant compte de l'impact de la nouvelle technologie qui repousse encore plus les objectifs que nous nous fixons par rapport à la façon dont chacun d'entre nous se considère en tant qu'être humain et à notre droit de contrôler l'accès aux renseignements nous concernant et d'intervenir dans notre vie. En d'autres termes, comme nous l'avons dit ce matin, il s'agit de faire un choix positif plutôt qu'un choix négatif en ce qui concerne la communication de ces renseignements.
M. Godfrey: Je suis désolé de vous interrompre, mais pour faire la distinction entre le travail que feront nos collaborateurs habituels et celui des autres, ces derniers feraient...
La présidente: J'allais juste vous en faire lecture.
M. Godfrey: Bon, d'accord.
La présidente: Je pense qu'il faut que vous sachiez comment nous allons procéder et pourquoi nous avions besoin de ces experts-conseils, comme cela a été approuvé par le comité.
On aura une discussion menée par des spécialistes, suivie d'une pause, puis d'une table ronde ou d'un débat informel avec trois groupes différents de gens qui étudieront des études de cas portant sur la surveillance physique, l'identification personnelle et la surveillance biologique. Ils reviendront ensuite poser des questions auxquelles on répondra. Entre-temps, ils auront reçu deux documents - une feuille d'évaluation et cette documentation de base. On leur demandera de remplir ceci après la réunion pour que nous ayons quelque chose sur quoi travailler.
Le travail de préparation à faire est donc le suivant: préparer les réunions, choisir les experts et l'animateur de chaque réunion; contacter les experts et les groupes représentatifs; sélectionner les participants éventuels et établir une liste d'invitations pour les thèmes prévus; encourager les participants sélectionnés à assister à la réunion et à confirmer qu'ils y assisteront; coordonner tout le courrier à envoyer, y compris la préparation d'une trousse d'information pour les experts et l'animateur, en indiquant les objectifs et la structure de la consultation, le rôle de l'animateur, l'ordre du jour, la documentation de base et les études de cas, ainsi qu'une trousse d'information pour les participants qui comprendra les documents ci-dessus.
Les recherchistes prépareront les documents de base, les études de cas et le formulaire d'évaluation. Ce formulaire nous servira à approfondir notre rapport et à montrer que nous avons mesuré le pouls de la société pour savoir jusqu'à quel point on peut réduire l'exercice du droit à la protection de la vie privée pour permettre de s'adapter aux nouveaux progrès technologiques.
Telle était la structure que nous avions définie relativement à la façon dont devait fonctionner ce groupe de travail, son modus operandi. Vous pouvez corriger ou préciser ce que je viens de dire à votre gré.
M. Allmand: Madame la présidente, je me souviens que nous avions dit que c'est comme cela que nous avions structuré le comité, mais - je n'ai peut-être pas assisté à la réunion - je ne me rappelle pas que nous avions discuté longuement du fait que nous avions besoin d'engager des experts-conseils de l'extérieur pour faire ces choses-là. Peut- être cela s'est-il fait un jour où je n'étais pas là.
La présidente: Cela figurait également dans notre budget, Warren.
M. Allmand: Oui, je sais. Je savais que le budget prévoyait des experts-conseils, mais je ne pensais pas que c'était pour faire ça. Quoi qu'il en soit, si vous pensez que c'est nécessaire, je suppose que c'est vrai.
J'hésite à engager trop de gens de l'extérieur, parce que j'ai l'impression que plus notre comité agit ainsi - je parle maintenant de façon générale - , plus nous compromettons la situation de notre personnel permanent, c'est-à-dire les employés du secteur du greffier et de la direction des comités et ceux du parlement. Cela permet au Comité de la régie interne de dire qu'il n'y a pas besoin de tous ces gens-là et de procéder à de nouvelles compressions. Vous savez ce que je veux dire. Nous réduisons constamment le personnel de la direction des comités et du service de recherche de la bibliothèque parce que nous faisons appel à des experts-conseils de l'extérieur.
Je voterai en faveur de cette proposition cette fois-ci, mais je veux simplement dire publiquement que j'examine de très près la nécessité d'engager des experts-conseils de l'extérieur et que, quand nous n'aurons pas vraiment besoin de le faire, je m'y opposerai.
La présidente: D'accord. Je viens d'en parler à nouveau avec notre greffier pour m'assurer que nous ne compromettions la situation de personne, parce que je conviens avec vous que nous avons vu beaucoup de choses, comme les compressions, qui se sont révélées peu efficaces à longue échéance.
Wayne, vous pouvez dire vous-même ce qu'il en est, je vous en prie.
Le greffier: Normalement, les experts-conseils font un travail qui serait exécuté conjointement par les recherchistes et le greffier. Toutefois, puisqu'on a choisi d'organiser une réunion publique informelle, nous pensons que, au cours de ce voyage de cinq jours, nous allons inviter entre 150 et 200 témoins et groupes communautaires. Je pense qu'une initiative de cette envergure dans l'ensemble du pays dépasse nos capacités actuelles.
M. Allmand: J'en suis convaincu en l'occurrence. Je voterai en faveur de la proposition.
La présidente: Quelqu'un veut-il proposer l'adoption de cette motion?
Une voix: J'en fais la proposition.
Des voix: D'accord.
La présidente: Merci.
Est-ce que c'est votre vin ou de l'eau?
M. Bernier: Oui, c'est mon vin.
La présidente: Dans le deuxième projet de motion, on propose que la date limite pour poser des candidatures à la Bourse de recherches de la Flamme du centenaire soit le 31 mars 1997 et que le montant de la bourse soit de 2 500$. Dois-je lire cette motion dans les deux langues?
Une voix: Non.
La présidente: Deuxièmement, qu'un énoncé de presse soit émis invitant les candidatures de la Bourse de recherches à la Flamme du centenaire et que l'énoncé de presse soit affiché au site Internet du comité.
M. Allmand: Le nom que vous avez signalé au début de la réunion était celui du récipiendaire de la bourse de 1996.
La présidente: Oui, c'est exact.
M. Allmand: D'accord.
Des voix: D'accord.
La présidente: Merci.
Je remercie les membres du comité. Je vous souhaite des vacances très agréables. J'espère que vous aurez le temps de lire la plupart des documents nécessaires avant que nous ne reprenions nos travaux au début février et que vous réserverez la semaine du 10 au 14 février.
M. McClelland: Vous nous traitez comme des esclaves, Madame la présidente.
La présidente: Voulez-vous que le rapport soit prêt avant Pâques?
Merci. La séance est levée.