[Enregistrement électronique]
Le mardi le 11 mars 1997
[Traduction]
La présidente: Bonjour, tout le monde. Je suis heureuse d'être ici avec vous. Je m'appelle Sheila Finestone; je suis présidente du Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées.
Aujourd'hui est une journée très importante ici à Calgary, et je suis vraiment contente que vous ayez pris le temps de venir en cette importante journée d'élections. Nous avons suivi la situation avec beaucoup d'intérêt.
Nous venons d'avoir une réunion très intéressante à Vancouver avec des interventions passionnantes qui nous ont beaucoup intéressés et nous espérons que les différents groupes que vous représentez et la population dans son ensemble participeront et contribueront de la même façon à nos réunions.
C'est notre troisième consultation. La première a eu lieu à Ottawa, la deuxième à Vancouver, nous sommes avec vous aujourd'hui, demain à Toronto, puis à Fredericton et à Montréal vendredi.
Nous examinons l'état, si je peux m'exprimer ainsi, du droit au respect de la vie privée face aux techniques de pointe qui existent aujourd'hui.
Notre comité a décidé que, étant donné tout ce que nous avons entendu lors de nos tables rondes de septembre, octobre et novembre et tout ce que nous avons lu, c'est-à-dire énormément de choses ces derniers temps, au sujet des nouvelles technologies de l'information et de l'utilisation qu'on en fait, nous aimerions savoir quelles en sont les retombées sur notre vie personnelle, notre vie privée et les droits de la personne.
Nous avons adopté une formule différente par rapport aux réunions habituelles de ce comité permanent de la Chambre. Après avoir ouvert formellement la séance, ce que nous sommes en train de faire, il y aura une pause. Nous formerons ensuite de petites tables rondes et nous nous réunirons à nouveau pour faire un grand débat public.
Quand on examine les nouvelles façons dont la technologie s'immisce dans notre vie et dont elle évolue, on ne peut pas s'empêcher de se demander qui nous observe, qui sait quoi à notre sujet et ce que d'autres ont réellement besoin de savoir. Il s'agit vraiment de chercher un moyen terme entre des intérêts sociaux et économiques opposés tels que la prévention du crime, la fraude, les soins de santé, l'intérêt économique des entreprises et notre droit de protéger notre vie privée. Un cadre éthique est-il nécessaire et faut-il exiger que chacun donne son consentement éclairé à l'utilisation de toutes ces technologies nouvelles?
Je pense que cette étude est particulièrement d'actualité quand on voit tous les titres parus dans les journaux ces six derniers jours. Je vous signalerais simplement qu'on a parlé de cela dans l'ensemble du pays, c'est intéressant de notre point de vue, par exemple dans le journal The Gazette de Montréal.
On arrive même maintenant à retracer l'arbre généalogique de quelqu'un jusqu'à 9 000 ans en arrière à partir d'une analyse de l'ADN. Ne croyez donc pas pouvoir vous cacher. Vous pouvez même établir votre arbre généalogique. Je pense que l'homme de Cheddar a maintenant trouvé, je ne sais pas après combien de générations, un arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-petit-fils qui est enseignant et était tout étonné d'apprendre qu'il avait un tel ancêtre.
Hier, dans The Vancouver Sun, il y avait une caricature très amusante - je ne pense pas que son auteur était au courant de notre venue, ou peut-être que si - qui montrait ce qui se passe maintenant avec les photos au radar. C'est une caricature très mignonne qui montre que nous sommes toujours dans le champ de vision d'une caméra vidéo, que ce soit quand nous faisons la queue pour commander un hamburger, dans le supermarché Safeway du quartier ou quand nous achetons un hot-dog. Lors de la course Molson Indy, les photos au radar ont constitué une source supplémentaire de revenus: on utilisait un film spécial à haute vitesse pour photographier les gens qui roulaient trop vite et on les invitait à acheter six épreuves de taille portefeuille et trois tirages de 8 X 10 pour chaque procès-verbal. L'argent ainsi gagné devait ensuite être partagé entre la municipalité, le gouvernement provincial et les gens qui s'étaient fait écraser les orteils par la camionnette du radar.
[Français]
Selon La Presse de Montréal, le marché noir...
Je vais m'arrêter là.
Revenons au marché noir. Le droit à la vie privée est une base de la démocratie. Or, on apprend que des renseignements personnels sur les contribuables sont offerts sur le marché noir par des fonctionnaires. Il est normal de s'inquiéter.
[Traduction]
En bref, la Commission d'accès à l'information a constaté que les renseignements personnels, comme les renseignements médicaux ou fiscaux et ceux que détient Hydro-Québec, sont vendus en cachette et au marché noir pour 25$ à 120$ pièce. Je trouve cela très inquiétant puisqu'on envisage également d'émettre des cartes d'identité individuelles.
Après Dolly, la brebis, il y a maintenant le premier clone humain. C'est un médecin belge qui nous en a parlé. Cet enfant a quatre ans. Ensuite, le lendemain, on lit ailleurs un autre article qui explique que c'est une fausse nouvelle, qu'il ne s'agissait pas réellement d'un clone mais de la scission d'un ovule et que les deux enfants étaient jumeaux. On peut aussi lire dans The Gazette que beaucoup de gens sont fortement préoccupés par l'avenir et craignent, qu'après avoir cloné un mouton, nous ne possédions bientôt les clefs de l'immortalité. Les échecs de la science donnent plutôt à penser le contraire.
Vous nous avez signalé hier que B.C. Tel et une société du nom de Phamis, qui appartient à des intérêts étrangers, travaillent ensemble à l'installation de gros systèmes de renseignements cliniques dans un hôpital de Vancouver. Peut-être existe-t-il déjà, mais on n'en signale pas l'existence, un protocole assurant la protection de la vie privée des personnes au sujet desquelles les médecins et les infirmières rassemblent tous ces renseignements médicaux, qu'il s'agisse de la nature des interventions pratiquées ou des médicaments administrés dans les hôpitaux; ce programme est destiné à rendre le système beaucoup plus efficace et productif et à permettre d'économiser 20 millions de dollars.
Cela nous amène à nous préoccuper de ce qui se passe exactement et de la mesure dans laquelle on peut réellement s'attendre à ce que cela n'ait aucune conséquence sur notre vie privée.
Le droit à la protection de la vie privée a plus d'une source. Il est reconnu par le droit international et constitutionnel, par les lois fédérales et provinciales, les précédents établis par les juges, les codes de déontologie et les lignes directrices de certaines professions, ce qui donne, au Canada, tout un ensemble hétéroclite de mesures de protection de la vie privée.
Au niveau international - et cela va avoir des répercussions particulières sur le Canada et les États-Unis - , plusieurs documents très importants relatifs aux droits de la personne contiennent des garanties en matière de protection de la vie privée: historiquement parlant, il y a ce que j'appelle la Grande Charte de l'humanité - c'est-à-dire la Déclaration universelle des droits de l'homme, dont nous devrions d'ailleurs, soit dit en passant, tous être un peu fiers, puisque c'est John Humphrey - qui se trouvait vivre dans ma circonscription et qui est décédé l'année dernière - qui l'a rédigée avec Eleanor Roosevelt; ainsi que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, dont le Canada est également signataire.
Il n'existe actuellement pas une protection totale de la vie privée au Canada. Québec est le seul endroit en Amérique du Nord où l'utilisation des données personnelles par le secteur privé fait l'objet d'une réglementation exhaustive.
En Europe, par exemple, le principe de l'utilisation équitable de l'information s'applique, dans l'Union européenne et dans les pays de l'OCDE, à toutes les personnes et à tous les renseignements personnels, sous quelque forme que ce soit et quelle que soit la façon dont on peut y avoir accès ou dont ils sont rassemblés, détenus, utilisés et distribués par d'autres personnes.
Je vous signalerais toutefois qu'il est important de noter que le ministère de la Justice fédéral est en train de rédiger un livre blanc de concert avec le ministère de l'Industrie. Ceux qui voudraient pouvoir participer aux consultations à ce sujet peuvent nous laisser leur nom et nous veillerons à ce que vous receviez ce livre blanc pour que vous puissiez l'examiner et vous assurer qu'il inclut les sortes de mesures de protection de la vie privée que vous jugez souhaitables. Il inclut le code de déontologie de l'Association canadienne de normalisation.
En Europe, tout le monde a droit au respect de sa vie privée, de la vie de sa famille, de son foyer et de sa correspondance. Il n'existe aucun droit explicite de cette nature au Canada. Toutefois, les articles 7 et 8 de la Charte canadienne des droits, qui s'appliquent aux fouilles, aux perquisitions et aux saisies, garantissent le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, ce que les tribunaux ont interprété comme s'appliquant à la vie privée. Bien entendu, le Québec fait exception, puisqu'il a déjà une loi à ce sujet.
J'ajouterais simplement que le concept de vie privée, je pense que vous serez tous d'accord, est le plus étendu de tous les droits de la personne existant dans le monde, c'est un droit général et ambitieux, un concept universel, mais on ne le considère pas comme inaliénable. Je pense que vous conviendrez que le respect de la vie privée est une valeur humaine fondamentale essentielle à la préservation de la dignité humaine et de notre autonomie. Pour la plupart d'entre nous, le droit au respect de la vie privée est quelque chose qui a une importance prépondérante dans notre vie personnelle.
[Français]
Certains experts le définissent comme le droit de disposer d'un espace à soi, d'effectuer des communications privées, de ne pas être surveillé et d'être respecté dans l'intégrité de son corps.
Pour les citoyens ordinaires, c'est une question de pouvoir, le pouvoir que chacun exerce sur les renseignements personnels qui le concernent. C'est aussi le droit de demeurer anonyme.
[Traduction]
Il s'agit donc de savoir ce que vaut la vie privée dans notre société où la technologie de pointe est reine. Les nouvelles technologies offrent indubitablement de précieux avantages, simplifient les choses et facilitent la vie de tous, mais y a-t-il un prix à payer du point de vue de notre vie privée pour tout cela? Ce prix est-il trop élevé? Où doit-on s'arrêter et ne peut-on faire autrement que d'accepter ce compromis? Où et comment imposer une limite?
À mon avis, la vie privée est une ressource précieuse, parce qu'une fois qu'on l'a perdue, délibérément ou par inadvertance, on ne peut plus jamais la récupérer.
[Français]
En tant que membres du Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées, nous adoptons résolument l'angle de l'approche des droits de la personne pour mesurer les effets positifs et négatifs des nouvelles technologies sur notre droit à la vie privée.
[Traduction]
La population canadienne n'a jamais approuvé les voyeurs ni les écoutes téléphoniques non autorisées, ce qui se reflète dans notre Code criminel. Cette même désapprobation s'étend-elle, par exemple, à l'utilisation de caméras vidéo cachées sur les lieux de travail, aux bases de données génétiques ou aux cartes d'identité individuelles?
Pour échanger des idées sur ces questions avec les Canadiennes et les Canadiens, le Comité organise une série de débats publics de caractère général qui, comme je le signalais, a commencé à Ottawa. Ces réunions sont télévisées pour que plus de gens puissent les regarder et se mettre à réfléchir à ces problèmes et peut-être à en parler avec leurs amis et leurs voisins.
On trouve cela sur notre site Internet; les téléspectateurs peuvent le consulter maintenant pour lire les études de cas que nous vous avons présentées et auxquelles vous avez tous eu accès; ils pourront alors peut-être suivre la prochaine partie de la réunion au cours de laquelle vous nous ferez part de vos réflexions et nos experts commenteront certains des problèmes et certaines des questions qui se posent.
Nous allons donc examiner trois catégories fondamentales de questions. D'après tout ce qu'on nous a dit, les atteintes à la vie privée peuvent prendre de multiples formes. Nous avons pu finalement isoler trois activités relativement courantes qui suscitent des préoccupations - soit dit en passant, même si ces études sont imaginaires, elles sont fondées sur la réalité - la surveillance vidéo, les tests d'empreintes génétiques et les cartes à puce. Nous espérons utiliser ces études de cas pour sensibiliser la population à ces questions, aux risques et aux avantages des progrès de la technologie et pour lancer un débat franc et ouvert au sujet de ce qu'on peut espérer et craindre en ce qui concerne le droit au respect de notre vie privée à notre époque où la technologie moderne est en pleine évolution.
Pour conclure, nous ne nous attendons pas à résoudre définitivement tous les problèmes soulevés dans ces scénarios. Nous espérons qu'avec votre contribution et celle d'autres personnes dans notre pays, nous pourrons présenter au gouvernement des recommandations concrètes concernant les mesures à prendre dans ces domaines. C'est dans ce but que nous écouterons vos idées, vos préoccupations et vos propositions. Nous déposerons un rapport dans le courant du printemps.
Je tiens à vous remercier beaucoup d'avoir accepté de participer à cette réunion un jour comme aujourd'hui.
Nous sommes accompagnés de Valerie Steeves. C'est la coordinatrice de ces audiences. Elle est également professeur au Centre des droits de la personne de l'Université d'Ottawa où elle dirige le projet d'études sur la technologie.
Avant de donner la parole à Valerie, je voudrais toutefois demander aux membres du Comité de se présenter. Je commencerais par ce côté ci.
M. Andy Scott (Fredericton - York - Sunbury, Lib.): Je m'appelle Andy Scott. Je suis vice-président du Comité et député de Fredericton au Nouveau-Brunswick.
M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Je m'appelle John Godfrey. Je suis membre du Comité et député de Don Valley-Ouest à Toronto.
Mme Jean Augustine (Etobicoke - Lakeshore, Lib.): Jean Augustine. Je suis députée d'Etobicoke - Lakeshore, qui fait partie de la région métropolitaine de Toronto.
M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Je m'appelle Sarkis Assadourian. Je suis député de Don Valley-Nord, dans la ville de North York, une ville qui a du coeur.
[Français]
M. Maurice Bernier (Mégantic - Compton - Stanstead, BQ): Je m'appelle Maurice Bernier et je suis vice-président du comité et député de la circonscription de Mégantic - Compton - Stanstead dans les Cantons de l'Est, au Québec.
[Traduction]
Mme Sharon Hayes (Port Moody - Coquitlam, Réf.): Je m'appelle Sharon Hayes. Je suis membre du Comité. Je viens de la circonscription de Port Moody - Coquitlam dans la belle province de Colombie-Britannique.
La présidente: Où nous avons eu hier une table ronde tout à fait merveilleuse. Merci de votre hospitalité.
Je dois vous dire que c'est aujourd'hui l'anniversaire de M. Bernier. Nous lui avons tous chanté «Bonne fête».
Le greffier du comité est Wayne Cole. Notre directrice de recherche est Nancy Holmes, de la Bibliothèque du Parlement. Jean-Yves Durocher est notre conseiller-médias. Je ne sais pas où il est en ce moment - en train de travailler avec les médias, je suppose.
Je vous confie maintenant la responsabilité de la réunion, Valerie.
Mme Valerie Steeves (animatrice du Comité): Merci, madame Finestone.
Nous vous avons fourni ces études de cas précisément pour donner un contexte personnel ou social à vos discussions. Comme vous le savez, ces études de cas ou ces récits essaient d'illustrer aussi bien les avantages que les inconvénients de ces nouvelles technologies. Nous espérons qu'en discutant de leurs répercussions sur la vie des personnages de ces récits, nous commencerons à comprendre deux choses: premièrement, ce que la vie privée signifie pour les Canadiens et, deuxièmement, quelle est la meilleure façon pour notre société de trouver un équilibre entre les avantages de ces nouvelles technologies, qui exercent une attraction sur nous, et leurs valeurs sociales sous-jacentes, y compris notre volonté de préserver notre vie privée.
Vous qui participez à cette réunion aujourd'hui représentez en fait un large échantillonnage de la société canadienne. Il y a parmi vous des gens qui représentent des groupes d'intervention, des associations générales du monde des affaires, des organisations de personnes handicapées, des pédagogues, des fonctionnaires, des travailleurs de la santé, des groupes de défense des droits de la personne, des organisations multiculturelles, des syndicats, des policiers, des avocats, des médias, des sociétés de télécommunication et des câblodistributeurs.
Pour étudier le mieux possible les points de vue variés que vous apportez à la discussion de ce matin, nous allons commencer la consultation en nous divisant en petits groupes pour nous donner l'occasion d'examiner ces études de cas en profondeur. Chacun de ces petits groupes sera animé par un spécialiste du droit à la protection de la vie privée et comprendra au moins deux membres du Comité qui participeront à la discussion avec vous.
Une fois que nous aurons eu l'occasion d'examiner les études de cas dans les petits groupes, nous reprendrons la séance plénière pour tenir un grand débat public. Nous demanderons d'abord à un des membres du Comité de résumer les principales préoccupations actuelles soulevées lors des discussions de vos petits groupes. Nous donnerons aux spécialistes l'occasion d'ajouter des commentaires ou de faire part de leurs préoccupations, puis tout le monde pourra participer à la discussion.
Nous espérons qu'il y aura tout au long de la matinée un échange d'idées souple et ouvert entre vous, les participants, les spécialistes et les membres du Comité au sujet de ce qui signifie le respect de la vie privée face aux nouvelles technologies modernes.
J'ai le plaisir de vous présenter les quatre personnes qui vont animer les petits groupes.
Frank Work est directeur et avocat général du Bureau du Commissaire à l'information et à la vie privée de l'Alberta. Il a obtenu une maîtrise en aménagement du cadre de vie à l'Université de Calgary. Pendant les années 1970, il a travaillé comme urbaniste à Edmonton et à Calgary avant de s'inscrire à la faculté de droit. Une fois diplômé en droit, il a travaillé pour le procureur général des Bermudes pendant plusieurs années et il a également effectué plusieurs missions outre-mer pour le programme des Nations Unies sur l'environnement et la Banque mondiale. Depuis 1990, Frank est conseiller parlementaire à l'Assemblée législative de l'Alberta ainsi qu'avocat général auprès du Commissaire à l'éthique.
John Ennis a vingt ans d'expérience dans la fonction publique fédérale et celle de l'Alberta. Pendant cette période, il s'est occupé de la formulation des politiques, de l'élaboration des systèmes d'information, de la conception des programmes, du recrutement des cadres et du règlement des différends. Pendant les trois années précédant l'entrée en vigueur de la Loi de l'Alberta sur l'accès à l'information et la protection de la vie privée, John a été le premier commissaire à l'information et à la vie privée du Bureau de la vie privée et de l'accès à l'information. Quand le Bureau du Commissaire à l'information et à la protection de la vie privée a été créé en août 1995, John est devenu un de ses deux premiers agents de portefeuille. Il a consacré sa première année dans ce bureau aux appels relatifs aux services sociaux et aux plaintes concernant les atteintes à la vie privée, et son travail porte actuellement principalement sur les demandes d'accès à l'information relatives aux questions environnementales.
John s'intéresse professionnellement surtout aux enquêtes sur le respect de la vie privée et à la sécurité des systèmes informatiques. Je dois dire qu'il a contribué avec beaucoup d'enthousiasme à l'organisation de cette consultation et je voudrais l'en remercier.
M. Joe Forsyth est directeur de la liberté d'information et de la protection de la vie privée dans la gestion des dossiers au ministère du Développement communautaire de l'Alberta. Avant d'assumer cette responsabilité en 1995, il a été, pendant deux ans, sous-ministre adjoint à la division des droits individuels et de la citoyenneté du même ministère. Ses responsabilités concernaient alors les domaines des droits de la personne, des programmes pour les femmes, des programmes pour les personnes âgées et du multiculturalisme. Joe a été président du comité interministériel sur les droits de la personne de l'Alberta et il a représenté cette province aux réunions fédérales-provinciales de hauts fonctionnaires sur les droits de la personne. Il vient de terminer une vérification complète des mesures de protection de la vie privée appliquées dans le cadre du programme de prestations pour les personnes âgées de l'Alberta. En outre, il vient de terminer un mandat de deux ans comme président du comité provincial pour le programme d'accès communautaire qui offre l'accès à l'Internet aux localités rurales de l'Alberta.
Charles Hitchfeld est président d'Adsum Consulting Limited. Adsum, dont le siège est à Edmonton, se spécialise dans les questions concernant la gestion de l'information, l'accès à l'information et la protection de la vie privée. Charles a également plus de 20 ans d'expérience dans la fonction publique fédérale et celle de l'Alberta. Il a occupé des postes de haute responsabilité dans des domaines comme l'accès à l'information et la protection de la vie privée, les services financiers, la gestion des dossiers et la technologie de l'information. De 1994 à 1996, il a élaboré et mis en oeuvre un programme complet d'accès à l'information et de protection de la vie privée au ministère du Développement économique et du tourisme de l'Alberta. En outre, depuis 1994, il a également préparé plus de 40 séances d'information et de formation sur ces questions.
Nous vous avons réparti en groupes de façon plus ou moins aléatoire en nous efforçant, dans la mesure du possible, de faire en sorte que des points de vue aussi variés que possible soient représentés dans chaque groupe.
Vous remarquerez que vos cartons d'identification n'ont pas tous la même couleur. Si le vôtre est bleu, vous travaillerez avec Frank Work et John Ennis. S'il est jaune, vous travaillerez avec Joe Forsyth, et s'il est vert, avec Charles Hitchfeld.
Quand nous nous interromprons dans quelques instants pour commencer la discussion en petits groupes, votre animateur vous demandera par laquelle des trois études de cas vous aimeriez commencer. Nous avons extrêmement peu de temps à passer ensemble pendant ces consultations, et je voudrais donc vous rappeler que ces études de cas sont en fait là pour fournir un point de départ pour vos discussions. Je vous en prie, n'hésitez pas à consacrer autant ou aussi peu de temps que vous le voulez à chacune d'elles. N'hésitez pas non plus à établir des liens entre elles ni à exprimer vos propres préoccupations au sujet des répercussions de ces nouvelles technologies sur la protection de la vie privée telle que vous la comprenez.
Nous nous retrouverons pour le grand débat public un peu après 11 h. Mme Finestone donnera le signal de la fin de cette réunion initiale en en prononçant la suspension. Comme nous avons si peu de temps, rejoignez alors votre groupe aussi rapidement que possible afin que nous puissions utiliser du mieux possible le temps dont nous disposons pour participer à cette discussion. Merci.
La présidente: Merci beaucoup. La séance est suspendue. Veuillez prendre place à la table qui vous a été indiquée.
La présidente: Nous reprenons cette séance à Calgary. C'est la troisième table ronde.
Mme Steeves: Pour commencer, nous allons demander aux députés de nous résumer brièvement les discussions des petits groupes; je demanderais à Andy Scott de commencer.
M. Andy Scott: Merci beaucoup.
Pardonnez-moi d'être traumatisé par ce microphone, mais la dernière fois que j'en ai utilisé un, j'effectuais l'examen d'un programme de sécurité sociale et c'était plutôt...
En bref, je pense que la discussion de notre groupe a bien commencé. Lorsque nous avons demandé aux participants de voter pour choisir un des trois scénarios, chacun d'entre eux a reçu une voix. Je pense que cela a donné le ton.
Nous avons commencé en gros avec la surveillance vidéo. Je pense que nous avons établi que c'était réellement une question de choix personnel, qu'il s'agissait de déterminer si les renseignements qui concernent la personne lui appartiennent, quel est son espace personnel, etc. Je pense que nous allons entendre constamment l'expression «consentement éclairé» à ce sujet.
Il y a une énorme discussion au sujet de la définition de «lieu public» et de «lieu privé». Nous n'avons pas vraiment trouvé de solution, mais nous avons au moins soulevé la question. Je crois pouvoir dire qu'au moins un membre de notre groupe a trouvé que Disneyland était révoltant parce que Mickey était au courant de tout, ou quelque chose de ce genre.
Quoiqu'il en soit, nous avons abordé la question de la sécurité. Je crois pouvoir dire qu'on a accepté un moyen terme et qu'on a pensé qu'il était impossible de trancher de façon absolue. Dans le cadre de cette discussion, on s'est aussi demandé si certains éléments de cette question étaient ou non liés à des mesures concrètes de dissuasion. Nous avons discuté spécialement de cela.
Je pense que nous avons commencé à nous rendre compte que nous ne sommes pas du tout conscients - c'est le cas en ce qui me concerne - de certaines choses. Nous nous sommes demandés si on pouvait ou non parler de consentement éclairé quand, en réalité, nous ne savons pas ce qui se passe vraiment. Je pense que cela remet fondamentalement en cause la notion de consentement éclairé. Par ailleurs, qui a accès aux renseignements? Cela se rattache également à la question du consentement éclairé.
Vous remarquerez maintenant qu'on m'a rappelé qu'il y avait aujourd'hui une élection en Alberta et que j'ai changé de couleur, adoptant le rouge au lieu du bleu. Je ne voulais pas être accusé de parti pris et je me suis à nouveau retrouvé rouge.
Quoiqu'il en soit, nous sommes passés pendant un moment à une discussion sur ce qui était, je suppose, une question de liens. Quand nous parlions des questions concernant le consentement éclairé, la propriété des renseignements, etc., nous nous sommes rendu compte que nous commencions à voir les liens entre tous ces scénarios. C'était l'élément important.
Nous avons alors essayé de dépasser la distinction entre lieu public et lieu privé, étant donné que c'était une question qui touchait les droits individuels. Ce qui était en jeu n'était pas tant le lieu que l'un de ces droits individuels fondamentaux. Nous avons à nouveau parlé de la sécurité publique, de l'équilibre à établir et de la façon de le déterminer. Là encore, la question était de savoir si celui qui nous filme doit ou non nous en informer, etc. Le spécialiste des médias qui était là m'a signalé que je suis toujours filmé, mais on ne me l'avait jamais dit.
Je pense que l'une des questions intéressantes à propos desquelles nous sommes parvenus à une conclusion est celle du consentement éclairé, surtout si on le rattache à celle de la sécurité que donne la dissuasion. Le fait de savoir qu'on est filmé soulève une question intéressante. Par exemple, nous avons parlé des guichets automatiques et du fait que tous les gens qui les utilisent sont filmés. Je passe énormément de temps à utiliser ces machines et, jusqu'à présent, je ne le savais pas. Cela veut peut-être dire que je ne suis pas l'actualité, mais je pense que c'est important quand on parle de consentement éclairé. Qu'entend-on par «éclairé»?
Nous avons parlé des préoccupations en matière de sécurité qui entrent en jeu quand on cherche un moyen terme. Nous avons brièvement parlé de la façon de réglementer les gens qui seraient en fait en mesure d'utiliser des renseignements d'une façon qui ne nous paraissait pas acceptable.
Nous avons ensuite parlé de la question du droit des gens à savoir et de l'optique des journalistes à ce sujet. Vu l'usage qu'ils font de ces renseignements, les restrictions qui sont imposées à la police ne s'appliquent pas à eux. Je pense que cela nous donne certaines indications quant au fait de savoir si ce qui devrait compter pour nous est la collecte de ces renseignements ou leur utilisation, parce que, dans ce cas-là, nous avons déjà pris une décision, à tort ou à raison. Je pense que c'est ce que je voulais dire.
En ce qui concerne les effets que cela a sur notre société, il y a eu aussi une observation intéressante à propos des conséquences non planifiées de la collecte de ces renseignements. Nous avons parlé des villes où la criminalité diminue d'un seul coup une fois qu'il n'y a plus rien. Il y en a aussi d'autres où, si on laisse sa voiture au bord de la route, les gens commencent à en prendre des morceaux et, d'un seul coup, le taux de criminalité augmente. La question est donc principalement de savoir ce qu'on dit ou qu'on fait à la société quand on installe toutes ces caméras et qu'on fait des choses de ce genre.
Nous nous sommes brièvement demandés s'il était difficile ou facile de réglementer les différentes personnes qui seraient en mesure de faire mauvais usage de ces informations ou d'en faire ce qui pourrait être considéré comme un mauvais usage.
Nous avons ensuite examiné ce qui se passerait si nous mettions en place un tel régime. Que se passerait-il en détail et comment le faire respecter? Comment les tribunaux détermineraient-ils le montant des dommages-intérêts? Que ferions-nous pour faire respecter ces valeurs si nous pouvions en fait nous entendre sur ce qu'elles sont? Nous avons donc dit qu'en dernière analyse, il s'agit d'agir de bonne foi et non pas de s'appuyer sur un règlement. Cela pouvait se discuter, ce que le groupe a fait longuement, mais je ne pense pas que nous soyons parvenus à un quelconque consensus. Là encore, nous semblions essentiellement pencher vers l'idée suivante: tant qu'on utilise constamment les renseignements aux fins pour lesquelles ils ont été collectés, c'est moins critiquable.
Nous nous sommes demandés qui du secteur privé ou du secteur public risquait moins de faire un usage abusif de ces renseignements. Je ne pense pas non plus que nous soyons parvenus à un consensus à ce sujet, mais cela a certainement fait l'objet d'une discussion.
Pour finir, en dernière analyse, nous nous sommes demandés qui contrôle cette information et son utilisation, quels sont nos droits et à qui ils appartiennent. Nous avons plus ou moins reconnu qu'on peut en faire un usage approprié, même si nous ne sommes probablement pas d'accord sur ce que veut dire «approprié». On peut toutefois probablement trouver un moyen terme.
Nous revenions sans cesse sur la question du choix et du consentement éclairé. Je pense que nous avons fait ressortir qu'il faut examiner la notion de consentement éclairé de façon très prudente. Même compte tenu du caractère très général, très collectif de ce que nous faisons aujourd'hui en tant que députés, si tout le monde a le droit fondamental de pouvoir donner son consentement éclairé et si, en tant que député - je pense que les gens ne semblent pas au être courant de certaines des choses qu'on fait avec les renseignements les concernant et je crois que je ne risque guère de me tromper en concluant cela - , alors, en tant que député responsable des affaires publiques, n'ai-je pas une certaine obligation de les en informer? En d'autres termes, si je demande un consentement et si c'est une valeur reconnue par notre société, je pense que nous avons des... Dans un certain sens, le fait même de faire ce que nous faisons veut dire que nous adoptons cette valeur et que nous insistons sur cette notion.
Cela nous amène alors à nous demander ce qui est le plus important, l'individu ou la société? Nous avons discuté de différents modèles. Je pense que cela correspond d'assez près à notre conclusion. Il s'agissait plutôt d'essayer de déterminer à quoi correspond ce consentement éclairé.
Une autre chose intéressante a été dite dans notre groupe. Ce qui nous met en maudit - je n'ai pas utilisé cette expression dans notre groupe - est qu'on utilise depuis très longtemps certains de ces renseignements pour prendre des décisions concernant certaines catégories de Canadiens ou des personnes vivant dans une situation particulière. Si quelqu'un souffre d'un handicap visible, les compagnies d'assurance prennent constamment des décisions à son sujet. Bon, je suis handicapé, mais je peux garder cela pour moi, parce que personne n'est autorisé à détenir ces renseignements. Je suis furieux maintenant parce que certains y ont accès et ils vont désormais me traiter exactement comme ils traitent ma soeur qui souffre d'un handicap visible. Cela me fâche. Je ne sais pas ce que cela révèle à notre sujet, mais je pense que c'est quelque chose dont notre groupe a pris conscience et c'est très, très important.
Nous en sommes alors venus à dire que ce qui est répréhensible n'est pas la collecte de ces renseignements, leur utilisation ainsi que la question des profits et de la privatisation - ce qui soulève à nouveau la question de savoir si le problème concerne la collecte ou l'utilisation de ces renseignements. Là encore, nous avons dit dans une certaine mesure que certaines de ces questions vont plus loin que la vie privée - c'est ce que je disais tout à l'heure - et qu'il ne s'agit pas seulement de savoir si certains ont accès à ces renseignements à mon sujet, mais s'il n'est pas discriminatoire de refuser d'assurer quelqu'un à cause d'un handicap visible alors qu'on n'acceptera pas que je ne puisse pas être assuré à cause d'un handicap invisible. Qu'est-ce que cela veut dire?
Les lois du marché - les choix à faire - le fait que beaucoup de ces choses arrivent maintenant... Si quelqu'un est inconscient, les médecins peuvent lui faire une prise de sang pour déterminer s'il était en état d'ivresse. Cela ne m'est jamais arrivé. Est-ce que nous avons des droits?
Pour finir, les différents organismes auxquels nous pourrions nous adresser: je pense qu'à la fin, nous essayions d'imaginer quoi faire à ce sujet. En bref, la question qui a été posée quand il ne nous restait plus que dix minutes était de savoir ce que nous pouvions faire à propos de ce problème maintenant que nous en avions pris conscience. Je pense qu'il nous paraît nécessaire de réglementer les gens qui seraient les mieux placés pour faire mauvais usage de ces renseignements. Il faut réglementer les organismes dont le rôle est de nous protéger et leur donner les pouvoirs nécessaires. Je pense que, dans une certaine mesure, il faut vraiment mettre l'accent sur le consentement éclairé.
Voilà, à mon avis, ce qui a été discuté dans notre groupe.
J'aimerais également remercier tous les participants et l'animateur. C'était vraiment passionnant de participer à cela. J'espère que j'ai restitué correctement cette discussion très stimulante.
Mme Steeves: Merci, monsieur Scott.
Madame Hayes, voulez-vous nous donner un résumé?
Mme Sharon Hayes: Je veux à nouveau remercier les membres de groupe. Nous avons eu une discussion intéressante.
Nous avons mis l'accent sur deux domaines principaux, la surveillance vidéo et les tests génétiques. J'ai pris pas mal de notes et je vais essayer de les synthétiser pour en faire un exposé beaucoup plus bref.
Pour ce qui est de la surveillance vidéo, nous avons d'abord dit que l'étude de cas elle-même reflétait un certain parti pris, dans le sens où elle présentait quelqu'un qui commettait une infraction caractérisée, se faisait prendre et devait alors rendre des comptes. Il est intéressant de constater comment la question de l'équilibre entre le bien de la société, sa protection, et les atteintes aux droits d'autres personnes et les conséquences qui en découlent est apparue dès le début et à nouveau plus tard pendant d'autres parties de notre discussion.
Si je dois faire ressortir certains des thèmes principaux, le premier serait qu'il faut prouver la nécessité d'employer une technologie quelconque, qu'il s'agisse de la vidéo ou des tests d'empreintes génétiques; c'est-à-dire qu'il faut inverser le fardeau de la preuve à ce sujet. On ne devrait pas commencer par accepter cette technologie en laissant ensuite les gens se battre contre elle. Il faut prouver qu'elle est utile à la société.
Il faut ensuite définir l'utilisation potentielle, le champ d'application et même la façon de conserver des renseignements, avec les conséquences qui en découlent. S'ils sont conservés pendant longtemps, il faut définir cela en même temps que la légitimité de cette technologie.
Nous avons dit que l'atteinte à la vie privée résultant de l'utilisation de cette technologie est plus grave si les renseignements sont communiqués à d'autres, par exemple dans le cas du télémarketing. Là encore, si cela va plus loin, si les renseignements personnels concernant une personne sont transmis d'une personne à l'autre, l'atteinte à sa vie privée est de plus en plus grave.
L'autre chose est que ces deux questions dépendent des valeurs reconnues par notre société. Il s'agit en fait d'un moyen terme entre la vie privée de chacun et la sécurité de la société, sa bonne marche, ou je ne sais quoi. Tout cela se ramène en fait aux valeurs morales et autres de la société.
Le devoir d'informer... En fait, Andy a mentionné qu'il fallait informer les gens quand on utilisait des caméras de surveillance. Nous avons également parlé des guichets automatiques et de ce que les gens savent de cette atteinte à leur vie privée. Cela nous ramène au sujet du consentement éclairé. Pour la surveillance vidéo, on pourrait apposer un panneau sur la machine pour avertir les utilisateurs qu'ils sont filmés. Là encore se pose toute la question du consentement éclairé. On peut choisir, par exemple d'utiliser un guichet automatique qui n'est pas équipé d'une caméra si on considère cela comme une atteinte à la vie privée. Chacun peut donc dans une certaine mesure faire un choix, examiner la situation et prendre une décision.
La deuxième question que nous avons abordée était celle des tests d'empreintes génétiques. Un très bon spécialiste de ce domaine - là encore, d'après ce que j'en sais - a dit qu'un cloisonnage était nécessaire quand on obtient des renseignements d'ordre génétique; que la collecte d'information est légitime pour la recherche et à certaines autres fins - elle est alors nécessaire - , mais qu'elle a d'énormes implications pour les gens, car leur ADN définit l'essence même de leur être; mais on peut également faire de plus en plus de connections entre les membres d'une même famille. Donc, on porte non seulement atteinte à la vie privée d'une personne, mais potentiellement aussi à celle de beaucoup d'autres gens.
Tout au long de notre discussion, nous avons souligné l'importance de la sensibilisation pour atteindre notre objectif.
Les tests d'empreintes génétiques, les études de cas... Je vais laisser tomber cela et continuer avec ce dont je dois vous parler.
La page suivante porte sur le consentement éclairé aussi bien pour la vidéo que pour les tests d'empreintes génétiques. Là encore, il faudrait qu'il soit rédigé clairement et non pas en termes trop juridiques... Cela nous a ramenés aux répercussions potentielles des tests d'empreintes génétiques parce que, là encore, pour la plupart de ces choses, même si les technologies sont différentes, les problèmes en jeu sont les mêmes. Le consentement éclairé donne un pouvoir à quelqu'un s'il sait à quoi il consent et cela peut aussi éventuellement faire naître la confiance nécessaire.
Nous avons parlé du secteur des assurances pendant un moment. Bien entendu, pour ce qui est de la génétique, le niveau des connaissances dont peuvent disposer les compagnies d'assurance ou ceux qui assument les risques est beaucoup plus élevé. Nous avons également parlé de la façon dont cela élargit le champ de ce qu'on peut considérer comme un handicap. Je pense que nous avons tous un handicap par rapport à d'autres.
Cela a donné lieu à une conversation fascinante au sujet de l'équilibre entre le pouvoir d'un secteur économique et celui des particuliers. Mais il y a également l'équilibre de la connaissance. Cela me rappelle un livre que j'ai lu jadis. Si savoir, c'est pouvoir, quand quelqu'un possède certaines connaissances, c'est bien entendu lui qui détiendra le pouvoir face aux compagnies d'assurance. Je pense que ces deux questions là sont très importantes pour ce qui est de l'assurance-maladie et de ce qu'elle couvre.
Alors, la question de ce que nous devons faire dans ce cas et de savoir si c'est moral ou légal est quelque chose que je vais simplement essayer de résumer dans la dernière page.
Que devrait faire le gouvernement? Nous avons fait le tour de la salle. Nous avons à nouveau souligné qu'il était important qu'un consentement éclairé soit véritablement donné en connaissance de cause. Là encore, nous avons souligné les similitudes génétiques entre les membres d'une même famille et les implications et l'importance que cela a. Il y a le fait que les gens ne devraient pas pouvoir tirer profit des renseignements les concernant, mais, là encore, cela nous amène à dire que l'État ou le secteur privé ne devrait pas non plus pouvoir le faire.
Il nous faut un cadre moral; les lois ne sont pas suffisantes. Il faudrait des codes de déontologie. L'éducation est constamment revenue sur le tapis, c'est-à-dire la sensibilisation de la population aux problèmes et l'éducation dès la jeunesse. Nous ne parlons donc pas nécessairement seulement des adultes, mais du fait que tous les membres de la société devraient connaître les implications de ce qui se passe.
Nous avons exprimé un certain scepticisme. Il faut élargir cette discussion, l'étendre au-delà des limites d'une salle comme celle-ci, y faire participer toute la société et amener tous les gens à prendre conscience du problème et à s'y intéresser activement. Les mesures qui vont être prises devront être énergiques.
L'une des questions que doit examiner le gouvernement est celle de savoir comment réagir face aux atteintes à la vie privée. Comment le faire, dans la mesure même si possible, à n'importe quel niveau?
Quelqu'un a fait un commentaire intéressant à la toute fin. Vous ne pouvez pas le lire parce qu'il est tout en bas.
Il y a trois niveaux de contrôle. Le gouvernement constitue probablement le premier. Il s'agit des règles et des lois concernant des choses comme les renseignements médicaux et génétiques. Ce sont très précisément les choses sur lesquelles il faut se pencher ici.
Un deuxième niveau serait celui du code de déontologie pour les entreprises et les utilisateurs. Quels seraient les valeurs et les principes moraux généraux qui guideraient?
Le troisième niveau m'a paru intéressant. Il est ressorti à différents moments lors de la conversation, mais il a été en quelque sorte synthétisé à la toute fin. Les gens eux-mêmes, avec les renseignements qu'on leur fournit, peuvent donner leur consentement éclairé et décider d'abandonner la protection de leur vie privée en utilisant une entreprise ou une technologie. Cela suppose donc en partie que les gens connaissent l'ensemble de la situation et fassent un choix. Ils ont donc également une responsabilité partielle. Là encore, cela nous ramène à la sensibilisation de la population.
Merci.
Mme Steeves: Merci beaucoup, Mme Hayes. Monsieur Godfrey.
M. John Godfrey: Je dirais que nous avons consacré la majeure partie de notre temps à toute la question des cartes à puce, en faisant un petit détour du côté de la génétique, etc.
Notre thème général, s'il y en avait un, concernait les répercussions de l'évolution de la technologie sur celle de la société ou des valeurs.
Il y a une phrase de l'étude de cas au sujet de Marie qui nous a frappés. C'est la femme qui devait se procurer une carte d'assurance-chômage pour pouvoir recevoir des prestations. C'est ce qui nous a paru caractéristique de l'évolution de la société face à la technologie: Marie se sentait d'abord gênée, mais elle s'y est habituée petit à petit.
C'est un thème qui est revenu constamment dans notre groupe. C'est toute cette notion d'une pente qui nous entraîne dangereusement vers une situation du genre de 1984, dans ce qu'on appelle la Nouvelle Océanie ou je ne sais quoi.
Quelles sont quelques-unes des caractéristiques de cette évolution que le groupe a retenues? Quelqu'un a dit qu'en réalité, le problème tenait au fait qu'on a de moins en moins l'impression qu'on peut, de façon générale, se fier aux membres de la société et qu'on part de plus en plus du principe que les gens sont mauvais. Parallèlement à cela, on trouve dans toute la société, qu'il s'agisse de la santé, de la sécurité publique, de la fraude du commerce, le désir de réduire les risques et d'avoir une société plus agréable dont les membres mèneraient une vie rangée.
Dans le cadre de cette évolution, le groupe a signalé qu'il existe une sorte de schizophrénie dans notre société canadienne. D'un côté, on souhaite attraper les méchants et mettre un terme à la criminalité et à la fraude, mais, par contre, on est profondément indigné si les mesures prises nous touchent de trop près. Cette tension est à l'arrière-plan de l'ensemble de cette discussion.
Cela nous a amenés à la question suivante, à laquelle les groupes précédents ont également fait allusion. Où se situe le problème? Au niveau individuel ou à celui de la société? À quel bout faut-il intervenir?
S'agit-il simplement de mieux informer les citoyens? Ils pourraient être mieux sensibilisés à toutes les étapes de leur vie pour pouvoir ensuite défendre leurs droits individuels contre ces technologies, que leur utilisation soit entre les mains du gouvernement ou du secteur privé.
Ou est-ce la société qui doit protéger tous les gens qui la composent pratiquement selon les principes de la protection des consommateurs, comme pour les poids et mesures, si vous voulez? Les législateurs que nous sommes seraient tenus de vous écouter et d'adopter en votre nom des règlements qui contribueraient à vous rassurer. C'est ce que nous faisons dans de nombreux autres domaines, qu'il s'agisse de garantir la sécurité de vos dépôts ou quoi que ce soit d'autre. À qui incombe cette obligation? C'est quelque chose sur quoi notre comité devra se pencher.
Le thème suivant concernait l'évolution de la technologie. Quelqu'un a dit une chose assez intéressante: autrefois, beaucoup de choses que l'on considérait comme privées n'étaient pas protégées par des lois ou un code, mais par le fait qu'il n'était pas facile d'obtenir des renseignements à notre sujet.
On a cité l'exemple des titres de propriété foncière. Ils ont toujours été publics, mais il fallait faire tellement d'efforts pour y avoir accès que, de facto, les renseignements personnels qu'ils contenaient étaient protégés. Mais maintenant, tout étant si facilement accessible avec un ordinateur, nous perdons cette protection. Nous n'avions jamais pensé que c'était nécessaire, mais maintenant nous nous débattons pour essayer de protéger quelque chose qui nous avait toujours paru aller de soi.
Il faut toujours trouver un équilibre entre ce qui est commode, efficace, bon marché et pratique, d'un côté, et, de l'autre côté, la protection de la vie privée. Dans ce domaine, les risques que l'on évoque portent toujours sur ces aspects commodes, efficaces, bon marché et pratiques.
Comme beaucoup des autres groupes, nous étions dans l'ensemble d'avis que le consentement éclairé est absolument crucial. Mais dans le cas que nous avons étudié, celui de Marie, nous avons constaté que quelqu'un comme elle ne pouvait pas donner un véritable consentement éclairé, parce qu'elle était prestataire de l'assurance sociale ou de l'assurance-chômage. Elle n'avait pas le choix: si elle voulait avoir cet argent, il fallait qu'elle demande la carte. Il ne s'agissait donc pas d'un véritable consentement éclairé, certainement pas.
Un autre thème lié à celui-là est celui du contrôle, le revers de la médaille par rapport au consentement. Par exemple, qui garantit la sécurité des cartes? Qui garantit la sécurité des échantillons prélevés pour un test d'empreintes génétiques? Qui contrôle ces renseignements? Je ne vais pas insister là-dessus, parce que c'est un thème commun à tout ce qui a été dit.
Une partie de l'évolution dont nous parlons est la commercialisation accrue, surtout pour ce qui est du cas que nous avons examiné et qui concernait les cartes à puce. Il y a le problème général de savoir s'il est dans l'intérêt des entreprises non assujetties à une réglementation de prendre au sérieux nos préoccupations relativement à notre vie privée ou s'il est plus intéressant et plus profitable pour elles de savoir qui nous sommes et de ne pas protéger notre anonymat.
Les entreprises commerciales devraient-elles être forcées de protéger notre anonymat parce que, sinon, elles ne le feraient pas? Faut-il les réglementer de l'extérieur? Un membre du groupe qui connaît un peu cette question a dit que pratiquement toutes les entreprises vendent leurs listes, parce que les listes qui comportent votre nom ont une valeur marchande. On se souvient qu'on a utilisé des listes à des fins plus déplaisantes pendant la Deuxième Guerre mondiale.
Vous serez ravis de savoir que l'avant-dernier thème était la préoccupation relative à l'utilisation de ces renseignements à des fins différentes de celles pour lesquelles ils ont été recueillis; je veux simplement souligner cela parce que c'était une préoccupation partagée par tous les groupes.
Enfin, quand nous sommes arrivés à toute la question des tests d'empreintes génétiques, le consensus du groupe était, je pense, qu'il fallait aborder cette question de façon particulière. Ces renseignements représentent une telle ingérence dans notre vie privée qu'on en n'en retrouve pas l'équivalent, dans un certain sens, dans les deux autres cas. Comme quelqu'un l'a dit, les deux autres, la télévision en circuit fermé et les cartes à puce, concernent notre mode de vie, alors que la génétique concerne le moment où nous mourrons d'une certaine façon. Il faut probablement aborder cela dans une optique particulière en connaissant spécialement les aspects juridiques et scientifiques de la question.
Merci beaucoup.
Mme Steeves: Nous allons donner à nos spécialistes la possibilité de mettre leur grain de sel.
Peut-être pouvons-nous demander aux autres députés s'ils ont de brefs commentaires à ajouter en leur nom personnel. Voulez-vous ajouter quelque chose? Non?
Alors peut-être allons-nous commencer avec vous, Joe.
M. Joseph Forsyth (directeur de la liberté de l'information et de la protection de la vie privée, Développement communautaire de l'Alberta): Merci beaucoup.
Je pense qu'une des choses qui m'est apparue très clairement - les gens présents autours de la table étaient relativement bien informés - est la mesure dans laquelle on ne sait pas quels renseignements nous concernant sont détenus à différents endroits. Comme l'a dit Andy, tant que nous ne savons pas ce qui existe à notre sujet dans les différentes banques de données, aussi bien publiques que privées, il est réellement difficile de se prononcer sur ce que l'on va faire à ce sujet. Une des choses qui pourront résulter de cela est une meilleure connaissance ou un inventaire de ces choses-là.
J'ai été frappé par le fait qu'on a beaucoup parlé du consentement éclairé. En écoutant les membres du Comité, je me suis dit que, puisqu'on n'a plus de possibilités de choix, la société a-t-elle à un moment donné accepté de facto cette atteinte à la vie privée?
Si vous ne pouvez pas utiliser un guichet automatique ou vous présenter au comptoir d'une banque sans être filmé et si vous ne pouvez pas effectuer vos transactions monétaires sans être filmé, la société a-t-elle dit en quelque sorte «tant pis pour vous»? Je n'en sais rien, mais il me semble que, dans certains cas, nous nous rapprochons dangereusement d'une telle situation. Si vous ne pouvez pas vous promener dans un centre d'achat sans être filmé, voulez-vous réellement aller y magasiner?
Je voudrais également mentionner brièvement la chose suivante. Maintenant que les gouvernements pratiquent de plus en plus la privatisation ou la déadministration, je pense qu'il leur incombe de s'assurer que les règles qui protégeraient notre vie privée si nous traitions avec le secteur public s'appliquent maintenant au secteur privé dans le cadre de cette privatisation.
Si on crée des hôpitaux et des cliniques privées, si les responsabilités sont transférées d'un palier de gouvernement à un autre, par exemple pour l'immigration, l'éducation ou la formation, nous devrions nous assurer qu'après ce transfert, on conserve les mêmes protections que si celles-ci étaient imposées par souci de l'intérêt public.
J'ai un dernier commentaire avant de terminer, parce que nous n'avons pas beaucoup de temps.
Il me semble que nous constatons que, la technologie nous facilitant l'accès à l'information, si on peut l'utiliser, elle le sera. Son existence même offre la possibilité de l'utiliser. Il est vraiment important qu'il existe une sorte de règle, que ce soit un règlement ou un code, qui dise que si un renseignement est collecté pour faire telle chose, il ne peut être utilisé que pour cela.
Nous sommes sur une pente dangereuse mais très séduisante. C'est comme le fait de vouloir glisser le long de la rampe de l'escalier quand on est enfant. L'occasion se présente et c'est agréable. Quand on arrive en bas, on se fait mal, mais on s'est amusé en descendant.
Je pense parfois que c'est la situation dans laquelle nous nous trouvons maintenant. C'est là et c'est agréable, mais quand on arrive en bas, ça pourrait nous faire mal.
Mme Steeves: Merci beaucoup.
Charles.
M. Charles Hitchfeld (président, Adsum Consulting): Merci, Valerie. Il y a deux ou trois brèves observations qui résument en quelque sorte ce que je pense de cela, de ce que j'ai entendu et de mes propres idées à ce sujet.
Premièrement, nous n'arrêterons pas l'évolution de la technologie. Elle existe et elle va continuer à évoluer. C'est à nous qu'il incombe réellement d'essayer d'aménager le monde qui entoure cette technologie afin qu'elle donne des résultats positifs qui soient nettement plus nombreux que les résultats négatifs. Ces résultats positifs représentent un énorme potentiel. Un grand nombre d'entre eux échappent même à notre compréhension, mais je pense qu'ils existent.
Je pense qu'il faut prendre des mesures législatives énergiques qui créeront des conditions dans le cadre desquelles il faudra définir l'utilisation de ces renseignements. Si quelqu'un veut collecter des renseignements personnels, c'est très bien, mais il faut que les gens comprennent pourquoi on les collecte et quelle utilisation on va en faire.
Je pense qu'il faut diffuser plus d'information, mieux comprendre la notion de consentement éclairé et en savoir plus sur la question avant de donner son consentement. Il faut que ce consentement puisse être donné en toute connaissance de cause; ce ne doit pas simplement être un acte ponctuel consistant à poser sa signature en bas d'un formulaire et permettant que, neuf ans plus tard, quelque chose puisse se produire en conséquence du fait qu'on a donné ce consentement.
Troisièmement, nous devons déterminer dans la loi à qui appartiennent réellement les renseignements personnels. Dans la société, on considère qu'ils appartiennent aux personnes concernées, quel que soit l'endroit où on les conserve, mais je ne sais pas si c'est stipulé expressément et si c'est clair pour tout le monde. Si quelqu'un veut se battre avec une entreprise qui détient des renseignements, il faut savoir à qui ils appartiennent. Et, s'ils ne sont plus utilisés, il est peut-être possible de les récupérer, de les faire retirer d'un dossier entre les mains du secteur privé.
Voilà le résumé de mes idées à ce sujet.
Mme Steeves: Merci beaucoup.
Frank.
M. Frank Work (directeur et avocat général, Bureau du Commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de l'Alberta): Merci, Valerie. Premièrement, à titre personnel, je voulais simplement dire aux gens avec qui j'étais que je les remercie de m'avoir éclairé sur plus d'une chose.
J'ai trois observations à faire à titre personnel.
Pour ce qui est de toutes ces questions touchant la vie privée et la technologie, je crois qu'il faut d'abord dire qu'il faut prouver de façon claire et concise que ce qu'on veut faire est nécessaire. Je trouve très préoccupant que nous ayons tendance à nous laisser mener par la technologie et que nous le fassions simplement parce que nous en avons la possibilité, au lieu de dire: «Avons-nous réellement besoin de cela? Avons-nous besoin de cette surveillance? Avons-nous besoin de ces réseaux, etc.?» Il est maintenant normal pour presque tout ce qui touche à l'environnement d'évaluer tout projet en commençant par la démonstration de sa nécessité. Je pense que ce principe devrait s'appliquer aussi dans ce domaine.
Deuxièmement, le problème réel que pose le fait de s'appuyer sur des lois ou sur une sorte quelconque de réglementation officielle pour protéger la vie privée est quelque chose d'inhérent à la nature des renseignements concernés: une fois qu''une chose est connue, on ne peut plus l'ignorer. On peut purger des dossiers, payer des dommages-intérêts, etc., mais une fois que des renseignements sont connus, on ne peut plus les ignorer. Il faut tenir compte de cette caractéristique inhérente à ce dont nous parlons.
Troisièmement - et c'est aux gens avec qui j'étais assis que je dois de pouvoir en parler - , il est impossible d'engager assez de policiers, de commissaires et d'inspecteurs spécialisés pour protéger la vie privée de tout le monde chaque jour de l'année. Les gens doivent eux-mêmes assumer la responsabilité principale de cette protection. Ils doivent commencer à se méfier un peu, à se poser un peu de questions et à être un peu exigeants. Je suppose que cela se rattache probablement aux concepts d'éducation et de prise de conscience.
Merci.
Mme Steeves: Merci.
John.
M. John Ennis (agent de portefeuille, Bureau du Commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de l'Alberta): Merci, Valerie. Je commencerai par remercier les gens que vous avez réunis pour cette réunion, Valerie. La discussion qui s'est déroulée à notre table a certainement reflété une grande variété de points de vue différents, souvent très réfléchis.
J'ajouterai quelques observations. J'étais à la même table que Frank, j'essaierai donc de m'appuyer un peu sur ce qu'il a dit.
Quand on parle des cartes à puce, il semble que les gens du secteur privé qui ont mis au point cette technologie n'en envisagent pas l'utilisation de la même façon que le gouvernement. Il est probablement important de se pencher sur les idées du secteur privé à ce sujet de façon à en tenir compte pour l'utilisation que le gouvernement pourrait faire de ces cartes, parce qu'il semble que leurs créateurs et leurs utilisateurs potentiels ne parlent pas du tout la même langue dans ce domaine. Pour en revenir à ce qu'a dit Joe, c'est-à-dire que si une technologie peut être utilisée, elle le sera, il est très vraisemblable que le principal utilisateur des cartes à puce soit le gouvernement. Je me contente donc d'observer les conceptions différentes qui existent à l'heure actuelle et la façon dont on pourrait étudier les rapports entre ces deux conceptions.
Mon deuxième commentaire concerne les tests d'empreintes génétiques et les renseignements relatifs à l'ADN. Ce qui s'est dit dans notre groupe... Il comprenait des gens qui connaissaient bien ce sujet, mais même eux étaient prêts à dire qu'il faudrait examiner toute la question de l'utilisation de l'ADN et des renseignements fournis par les tests d'empreintes génétiques du point de vue des mesures de protection applicables et des dispositifs concrets qu'on utilise actuellement pour protéger ces renseignements afin de déterminer dans quelle mesure le système actuel est efficace ou offre des garanties avant d'envisager de prendre des dispositions différentes. Mais l'idée que les renseignements génétiques posent un problème particulier en matière de vie privée est clairement ressortie.
Mme Steeves: Merci.
Nous aimerions maintenant entendre ce que vous avez à dire et inviter le public à participer à la discussion.
La présidente: Pendant que vous vous préparez à prendre la parole, je voudrais vous demander si vous pensez que les rapports qui ont été présentés ont bien exprimé vos idées et vos préoccupations, vous permettant ainsi de faire connaître votre point de vue dans de nombreux cas. Hochez simplement la tête pour dire oui ou non. Merci.
M. Brian Edy (Alberta Civil Liberties Association): Bonjour, madame la présidente. Je m'appelle Brian Edy. Je suis membre du conseil d'administration de l'Association canadienne des libertés civiles et de l'Alberta Civil Liberties Association et président de la Freedom of Information and Privacy Association of Alberta.
Nous faisons depuis pas mal de temps du lobbying non seulement pour la liberté de l'information, mais également pour la protection de la vie privée. Nous avons une loi en Alberta. Nous avons également un avantage dans le sens où le projet de loi 204 a été présenté à l'Assemblée législative au printemps dernier. Il aurait étendu la portée des droits à la vie privée en Alberta. Comme il était proposé par les Libéraux, il est resté sans résultat, mais certains commentaires intéressants ont été exprimés durant le débat, ce qui a permis, à certains égards, de prendre conscience de la situation. Il s'inspire de la loi du Québec - j'espérais entendre le point de vue de M. Bernier - ; Québec est vraiment une société distincte puisque c'est la seule province à avoir une protection de la vie privée qui protège aussi celle-ci dans le secteur privé. Je pense que c'est unique, et j'aimerais certainement entendre M. Bernier nous en parler plus tard.
J'ajouterais, pour votre information, que j'espérais présenter le projet de loi 204 au Comité, parce qu'il met l'accent sur certains des problèmes que nous avons en Alberta et auxquels d'autres provinces peuvent faire face, par exemple la privatisation des soins de santé. Notre propre législation sur la vie privée va être étendue aux soins de santé au cours des prochaines années, mais pour le moment, aucune disposition n'assujettit aussi les soins de santé privée à un examen en ce qui concerne les droits à la vie privée. C'est juste une des questions spécifiques sur lesquelles il faut mettre l'accent: l'étendue de la vie privée.
La présidente: Je suis curieuse. Est-ce que cette série de consignes inclut le chiffrage, et qui en assure l'application? Le gouvernement? Je pense que c'est Frank ou John qui a dit qu'il faut préserver la vie privée d'une façon différente si on utilise des renseignements personnels. Les conserve-t-on sous forme chiffrée? Y a-t-il des cloisonnements? Ce projet de loi prévoit-il ce genre de choses?
M. Edy: C'est un projet de loi proposé par Gary Dickson, le député provincial de Calgary-Buffalo. Il énonce certainement de façon très précise les objectifs visés par ce projet de loi, les possibilités qu'a un particulier de savoir à quelle fin ces renseignements vont en fait être utilisés. Comme le commissaire fédéral à la protection de la vie privée l'a indiqué, il faut souvent corriger ces renseignements, car près du quart de ceux qui sont placés dans les bases de données comportent des erreurs. Ils ne sont pas exacts. Cette inexactitude peut entraîner d'autres problèmes. Le projet de loi aborde également cette question.
La présidente: Et qui y a accès?
M. Edy: Qui y a accès - et la nécessité de corriger des renseignements de ce genre qui sont erronés. Mais l'utilisation en vue de laquelle ces renseignements sont collectés est très importante. Si vous allez donner votre consentement éclairé, il doit s'appliquer à une utilisation très précise et limitée, et les renseignements ne doivent pas être conservés au-delà d'une durée déterminée. C'est également important, parce que ces renseignements sont très rapidement dépassés, ce qui est une source d'inexactitude. Il y a aussi la question du contrôle et de ceux qui ont accès aux données qui est très importante.
Je n'en dirai pas plus, parce que beaucoup d'autres gens ici présents ont des commentaires intéressants à faire. Mais, si vous me le permettez, je voudrais déposer le projet de loi 204 à votre intention.
La présidente: Merci. C'est très utile pour notre comité.
[Français]
Maurice Bernier, voulez-vous répondre à ces observations?
M. Maurice Bernier: Cela exigerait beaucoup de temps, madame la présidente.
Je peux dire, en résumé, que les craintes formulées par le secteur privé - puisque l'intérêt que présente la loi actuelle du Québec est d'assujettir le secteur privé - , craintes qui concernaient les coûts énormes qu'entraînerait l'application de cette loi, ne se sont pas concrétisées. Les gens ont continué à développer leurs affaires et cette loi, au contraire, est bien acceptée dans tous les milieux.
La protection de la vie privée, malgré la loi qu'on applique au Québec, est une question qui n'est jamais réglée. Elle concerne, bien sûr, le secteur privé, mais aussi le secteur public.
Le dernier rapport du vérificateur général du Québec signale des cas vraiment épouvantables d'intrusion dans la vie privée. Je donnerai simplement l'exemple d'un artiste très connu dont le nom a circulé, Roch Voisine, qui a vu son dossier fiscal scruté par environ 150 fonctionnaires à peu près 500 ou 600 fois au cours des deux dernières années, sans qu'il en soit informé en aucune façon. On peut se demander pourquoi tout ce monde-là était si intéressé à examiner la déclaration de revenus de M. Voisine.
Quand on apprend, au cours d'une commission parlementaire qui se tient au Québec sur la «carte intelligente», le gouvernement du Québec ayant l'intention de proposer une carte du citoyen, que des fonctionnaires vendent des renseignements dans les domaines de la santé, du revenu et d'autres secteurs, on a raison d'être très vigilants et de souhaiter que des règles s'appliquent dans le secteur privé, mais également dans le secteur public. La bataille ne sera jamais terminée.
[Traduction]
La présidente: Je me demande, Maurice, si vous voudriez peut-être répondre à cette question. Est-ce que cette commission sur la vie privée a vraiment mis l'accent sur les entreprises et ce qui peut être collecté et vendu, ou est-ce qu'elle fait également en sorte que les choses qui me définissent comme un génome humain ou je ne sais quoi soient réellement protégées? Sur quoi ces travaux étaient-ils axés, à votre avis?
[Français]
M. Maurice Bernier: C'est-à-dire que la loi permet au Québec de réglementer la cueillette, le stockage, la circulation et la vente de l'information, mais surtout nous donne, en tant qu'individus, un organisme que nous pouvons consulter, auprès duquel nous pouvons porter plainte et duquel nous pouvons obtenir qu'une enquête soit faite.
Je pense que c'est là le principal acquis d'une loi semblable: un citoyen ordinaire a les moyens de demander plus d'information lorsqu'il se sent brimé dans ses droits. Autrement, il doit faire des démarches individuelles auprès des tribunaux avec toutes les conséquences que cela comporte.
[Traduction]
La présidente: Je pense que vous trouverez intéressant de savoir que, lors de nos tables rondes de l'automne, nous avons eu...
[Français]
M. Maurice Bernier: Paul-André Comeau.
[Traduction]
La présidente: ... le commissaire à la vie privée, qui, en fait, s'est adressé à nous depuis Bruxelles. Il sera à nouveau avec nous à Montréal, donc, en suivant cette discussion et en lisant le hansard, vous pourrez découvrir ce qu'il a à dire ainsi que les excellentes explications de Maurice.
Bon, merci.
La prochaine personne peut se présenter au micro, s'il vous plaît.
M. Colin Laughlan (témoigne à titre personnel): Bonjour, madame la présidente. Je m'appelle Colin Laughlan. Je suis journaliste et je milite en faveur de la protection de la vie privée; je porte les deux chapeaux en même temps. Je veux remercier les gens de mon groupe. Ils étaient très compétents et m'ont beaucoup appris; je veux donc vous remercier de m'avoir donné la possibilité de participer à cette réunion.
L'une des questions soulevées et dont on n'a pas vraiment parlé est celle des efforts à entreprendre pour mettre la population au courant de certaines de ces questions hautement techniques qui ont de grosses répercussions sur la société mais dont, de l'avis du groupe, la plupart des gens ne sont pas au courant. Du fait que je travaille dans les médias, j'en suis conscient constamment.
Je voudrais dire que, pour ce qui est d'informer la population, une des choses les plus importantes que votre comité pourrait faire serait de faire un effort concerté pour sensibiliser les principaux journalistes et les directeurs de journaux ainsi que les réalisateurs d'émissions d'information sans se contenter d'envoyer simplement des communiqués de presse disant que vous organisez un forum sur la vie privée, parce que voici ce qui va se passer: si je reçois ça et qu'on m'envoie couvrir la réunion, il faudra que je vienne et que je fasse ce qu'on appelle «présenter l'autre aspect de la question», c'est-à-dire que je prendrai connaissance des idées de quelqu'un qui propose un projet de loi sur la vie privée ou englobe les valeurs relatives aux droits de la personne dans toute cette question, et je devrai chercher, par ailleurs, l'autre élément de cette dichotomie.
Normalement, les médias établissent de fausses dichotomies. Ils présentent des articles contenant des informations qu'ils créent. Ils ne trompent pas leurs lecteurs, mais ils ne disent pas toute la vérité. Le problème est que, par souci d'objectivité, nous devons trouver l'autre aspect, et il peut s'agir de quelqu'un qui met en valeur les bons côtés d'une question particulière, si bien que cela devient un article qui frappe très peu les lecteurs. Il n'aborde pas le vrai problème.
Ce qu'un comité comme le vôtre pourrait apporter de positif avec ces audiences est que vous ne cherchez pas tant des solutions que des principes sur lesquels fonder ces solutions, et il faut communiquer ces principes aux gens qui communiquent avec l'ensemble de la population. Ils n'ont pas le temps de les apprendre. Ce n'est pas leur travail. Mais je sais qu'ils seraient réceptifs si on prenait le temps de leur dire quels sont ces principes et de les amener à adopter un point de vue qui leur permettra d'évaluer les ce qui se passe dans ces domaines.
On présente les questions touchant la technologie de pointe de façon séduisante. Personnellement, je comprends la nécessité de beaucoup de ces technologies, mais je ne suis pas de ceux qui pensent que les solutions dont la société a réellement besoin sont toutes fournies par les technologies qui améliorent la protection de la vie privée et les différentes solutions technologiques aux problèmes technologiques.
La principale question concerne le changement de notre société sous l'effet de la technologie. Ce changement de la société est la transformation des activités publiques et privées. Cela entraînera un changement radical et fondamental de notre mode de vie à l'avenir. Je pense qu'il faut apprendre aux médias comment couvrir cela.
La présidente: Merci d'avoir réellement changé les paradigmes. C'est quelque chose que nous essayons de faire. Grâce à vos observations, nous pourrons peut-être intéresser le comité de rédaction.
Puis-je vous indiquer que vous avez un collègue à Vancouver qui a porté une question analogue à notre attention. Peut-être qu'avec l'idée que vous lancez tous les deux, nous aurons peut-être plus de succès auprès des gens que nous essayons assidûment d'inviter, mais qui ne réagissent pas comme nous aurions espéré qu'ils le fassent, surtout étant donné que c'est une question qui concerne les particuliers et l'État.
Oui, monsieur.
M. Peter Bridge (directeur, Collège canadien de généticiens médicaux): Bonjour. Je m'appelle Peter Bridge. Je suis directeur du Collège canadien de généticiens médicaux et je suis également président de son comité des tests d'empreintes génétiques depuis six ans. C'est également moi qui dirige le laboratoire qui effectue tous les tests d'empreintes génétiques pour l'Alberta.
Mes commentaires vont évidemment porter sur l'étude de cas relative à ces tests. Je veux déclarer officiellement que cette histoire et la discussion étaient excellentes, mais puisqu'on en discute dans tout le pays, je voudrais également dire que le sujet qui a déplu à Frank était ce que nous appellerions une étude de recherche. Ce n'est pas une étude médicale comme celles qu'effectue le Collège canadien de généticiens médicaux dans l'ensemble du pays au sujet des maladies génétiques clairement identifiées. Le médecin responsable de cet examen aurait contrevenu aux lignes directrices du Conseil de recherches médicales, aux valeurs morales de l'université et de l'hôpital locaux, à l'approbation du comité de déontologie, etc. en pratiquant un examen de ce type et en l'incluant dans le dossier médical de Frank.
Donc, même si c'était un excellent sujet de discussion et qu'il a permis de présenter des observations intéressantes, je dois dire officiellement que j'espère que cela ne se passerait pas de cette façon au Canada et que ces problèmes sont fictifs.
La présidente: Peut-être pourriez-vous expliquer ce qui suit à l'intention de ceux qui nous écoutent et de ceux d'entre nous qui ne sont peut-être pas aussi bien informés que vous: si un projet de recherche portant sur la mise au point d'une nouvelle biotechnologie est entrepris par les hôpitaux et les conseils de recherche du secteur public et non pas dans le secteur privé, quels sont les protocoles qui s'appliquent? Qui est responsable de leur préparation? Qui les examine pour s'assurer que leur objectif principal est la sécurité du public? Comment savons-nous et comment pouvons-nous être sûrs qu'il est important de rassembler ces renseignements et qu'ils permettent d'améliorer la santé de la population ou le bien-être de la société? En même temps, comment garantissons-nous qu'on respecte l'anonymat autant que les personnes concernées le souhaitent?
Les recherches qui se font ont souvent des implications touchant tous les membres d'une même famille. Elles peuvent déterminer qui vous êtes, mais vous ne savez rien tant que vous n'avez pas accès à ces renseignements. Il faut alors que vous puissiez être sûr qu'on pratique une forme de gestion du risque afin d'éviter des conséquences négatives comme celles qui ont détruit la vie de cet homme.
Ce que vous venez de nous dire peut peut-être nous rassurer en ce qui concerne le secteur public ou parapublic, mais n'arrive-t-il jamais qu'il soit nécessaire de faire respecter des dispositions législatives - soit provinciales, soit à la fois fédérales et provinciales - garantissant que les activités de recherche du secteur privé et des entreprises vont également nous protéger?
M. Bridge: Absolument, c'est nécessaire.
En ce qui concerne les études de recherche, les organismes officiels qui les subventionnent suivent presque toujours les lignes directrices du Conseil de recherche médicale du Canada. Elles exigent que les participants donnent leur consentement éclairé en signant un formulaire, ce qui veut dire qu'il incombe au chercheur de rencontrer la personne, de lui expliquer dans tous les détails la nature de cette recherche et les avantages potentiels qu'elle pourrait en retirer, etc. Le genre de tests clandestins décrits dans ce scénario contreviendrait certainement à tous ces principes.
Il faudrait que Frank comprenne exactement sur quoi porte l'examen effectué par le chercheur et si ses recherches présentent tout ou non un intérêt - Frank n'en retirerait généralement aucun avantage immédiat. Comme c'est de la recherche, ces renseignements seraient dans l'ensemble conservés de façon anonyme et ils ne devraient certainement pas figurer de quelque façon que ce soit dans le dossier médical de Frank. Si l'examen révélait quelque chose, le chercheur devrait dire à Frank qu'on a constaté une chose inhabituelle et qu'il devrait aller consulter un généticien et que, du point de vue de la médecine conventionnelle, il devrait se soumettre à des tests d'empreintes génétiques portant sur telle ou telle chose.
Mais cela relèverait alors d'un système totalement différent assujetti à des contrôles très stricts et les examens seraient pratiqués par des personnes formées et qualifiées en bonne et due forme dans un centre accrédité, ce qui est très différent d'une étude de recherche.
La présidente: Mais ces renseignements sont indiqués dans une demande d'examens médicaux. La procédure exacte que vous venez de décrire est vraisemblablement mentionnée dans le protocole ou dans le cadre de référence de la recherche en question.
Hier, cependant, à une de nos tables, une jeune femme a dit sans équivoque que ces principes avaient été enfreints, pas nécessairement de façon délibérée, mais c'est ce qui s'était produit sans que cela ait été voulu lorsque le chercheur a parlé au directeur du programme qui a ensuite parlé à la personne concernée, si bien qu'elle a alors appris pour la première fois qu'elle était porteuse d'une maladie ou d'un gène chromosomique. La demande d'établissement d'un diagnostic supplémentaire a alors été indiquée sur un formulaire qui a été envoyé au laboratoire médical et remis à l'infirmière, à l'interne, etc., et il s'est ensuite produit ce résultat qui n'avait pas été voulu au départ. On nous a donné cette information hier, à Vancouver.
John, je pense que vous vouliez vous étendre là-dessus.
Je n'essaie pas de vous mettre sur la sellette, je dis simplement que nous avons des... Je suis contente que vous nous disiez que nous n'avons pas à nous inquiéter, mais nous nous inquiétons.
M. Bridge: Il devrait y avoir une séparation entre l'étude de recherche et ensuite...
La présidente: Ces activités devraient être cloisonnées.
M. Bridge: Oui, il devrait y avoir une séparation nette. Le problème peut notamment se poser lorsque les médecins qui effectuent la recherche s'occupent également de patients et que quelqu'un qui participe à une de ces études devient tout à coup le patient d'un de ces médecins. Il y a une différence. Dans la plupart des cas, ces deux activités sont tout à fait séparées et les examens sont effectués par des personnes différentes, ce qui constitue un cloisonnement important.
Je peux également signaler au Comité qu'il existe un manuel couvrant toute la question des tests d'empreintes génétiques et du calcul des risques génétiques. Il se trouve que c'est moi qui l'ai rédigé, c'est donc un ouvrage canadien. J'ai évité dans la mesure du possible d'utiliser des termes trop techniques. Mais il contient de nombreux commentaires au sujet des dangers des tests d'empreintes génétiques et des conséquences possibles de la diffusion des données. Je serais heureux d'en communiquer le titre au Comité afin qu'il soit mentionné au procès-verbal.
Je voulais dire pour finir que, traditionnellement, les dossiers médicaux indiquent ce qui est arrivé jusqu'à présent à la personne concernée, seulement à cette personne. Les tests d'empreintes génétiques sont très différents, parce qu'ils peuvent permettre d'établir des prévisions et qu'ils peuvent également avoir des conséquences touchant de nombreux membres de la même famille. Donc, si quelqu'un accepte de se soumettre à des tests, il entraîne également toute sa famille dans cette affaire. C'est une des questions très épineuses qui font l'objet d'un débat permanent et on ne l'a pas encore réglée de façon satisfaisante.
J'espère que le Comité discutera des méthodes de protection des renseignements prédictifs et se penchera également sur la différence entre les renseignements relatifs à une personne et qui ne concernent qu'elle et ceux qui modifient le risque auquel sont exposés tous les membres de sa famille.
La présidente: Pourriez-vous rester un moment au micro, s'il vous plaît, parce que je sais que John Godfrey... Allez-y.
Mme Steeves: Avant de donner à M. Godfrey l'occasion de mettre son grain de sel, pourriez-vous nous indiquer le titre de cet ouvrage, parce que cela nous aiderait pour la préparation du rapport.
M. Bridge: Certainement. Il s'appelle The Calculation of Genetic Risks: Worked Examples in DNA Diagnostics. Il a été publié en 1994 par la Johns Hopkins University Press.
Mme Steeves: Merci beaucoup.
Monsieur Godfrey, vous avez été patient.
M. John Godfrey: Si j'ai bien compris, vous avez vraisemblablement une assez bonne idée du nombre d'Albertains ou du nombre de gens qui ont pu subir un test d'empreintes génétiques dans cette province pour une raison ou une autre. Pouvez-vous nous indiquer approximativement, pour le moment, le pourcentage de la population qui a subi jusqu'à présent ces tests pour une raison ou pour une autre?
M. Bridge: Mes tests de laboratoire sont effectués sur environ 2 500 personnes par an.
M. Godfrey: D'accord.
M. Bridge: Ce laboratoire existe depuis près de 15 ans. Les chiffres n'étaient pas aussi élevés au départ. Je dirais que, en tout, peut-être 15 000 Albertains ont subi un test de détection relatif à des maladies génétiques spécifiques, non pas pour la recherche, mais pour déceler la dystrophie musculaire ou l'hémophilie ou la fibrose kystique ou la maladie de Huntington.
M. John Godfrey: Y aurait-il aussi un petit nombre de gens qui auraient subi un test dans le cadre d'une enquête criminelle ou par mesure de prévention de la criminalité? Cela ne relève pas de vous.
M. Bridge: Non, nous n'avons rien à voir avec la médecine légale.
M. John Godfrey: Merci.
Mme Steeves: Monsieur Scott.
M. Andy Scott: Merci beaucoup.
Je voudrais poser quelques questions. Lorsque vous avez commencé à parler de cette expérience, vous avez mentionné la signature et la notion du consentement éclairé. Cela me pose des problèmes à deux égards. Premièrement, pour ce qui est du consentement éclairé, étant donné l'énorme écart entre ce que vous connaissez à ce sujet et la connaissance que j'en ai - et j'en sais sans doute plus que la moyenne des gens, ne serait-ce qu'à cause de ce que nous faisons en ce moment - , je me demande si je pourrai jamais en apprendre assez pour donner mon consentement. Je ne veux pas dire qu'on ne peut rien faire, mais on pourrait prévoir certaines mesures pour me protéger contre ma propre ignorance.
Nous avons parlé de cela, pas nécessairement à ce sujet, mais à propos d'autres domaines où le consentement est peut-être théorique, mais peut être moins concret. Étant donné la situation qui prévaut dans de nombreux cas, par exemple celui de ce scénario, où les parties en présence n'ont pas toutes autant de pouvoir, si je veux recevoir un traitement médical et que quelqu'un me demande si je suis prêt à autoriser que les renseignements ainsi obtenus soient utilisés à d'autres fins, dois-je donner mon consentement ou être pris de panique?
Donc, de ces deux points de vue, est-il au moins loisible de dire qu'une certaine protection est nécessaire? S'agit-il d'un véritable consentement éclairé?
M. Bridge: Je pense qu'il s'agit généralement d'un consentement éclairé, pas d'une coercition éclairée.
Je parle uniquement des études de recherche, par exemple celles qui sont approuvées par l'Université de Calgary. Si je voulais vous faire participer à une étude visant à déterminer la fréquence de différentes mutations de la fibrose kystique en Alberta, il faudrait que je présente ce projet au comité de déontologie, dont les membres ne sont certainement pas tous des généticiens. Il est composé d'un assortiment de gens différents. Il faudrait leur présenter les choses d'une façon qu'ils puissent comprendre. Ils examineraient le formulaire de consentement qui indiquerait exactement ce que je veux faire, que la participation est laissée à l'initiative de chacun, qu'on peut s'en retirer n'importe quand indépendamment de toutes les considérations liées à des soins médicaux ou quoi que ce soit d'autre, que les renseignements resteront anonymes, etc. Donc, enfin de compte, je peux calculer que 0,01 p. 100 de la population de l'Alberta présente la mutation en question. Aucun nom n'est mentionné, et je ne connaîtrai jamais, jamais, votre numéro d'assurance-maladie. En fait, c'est également vrai pour les tests d'empreintes génétiques médicaux normaux. Nous n'utilisons pas les numéros d'assurance- maladie, tout au moins pas à ma connaissance.
Mme Steeves: Monsieur Hayes, avez-vous une question?
Mme Sharon Hayes: Oui. En fait, j'ai trouvé ce chiffre de 2 500 personnes fascinant. Est-ce qu'elles s'adressent généralement à vous pour participer à des projets de recherche?
M. Bridge: Non. Il s'agit des tests de diagnostic pratiqués lorsque les gens savent qu'un membre de leur famille est atteint ou lorsqu'ils doivent consulter un généticien pour une autre raison; ils sont donc dirigés vers nous dans le cadre d'un programme de consultation génétique. Je ne parle pas des projets de recherche universitaires pour lesquels je recrute des participants. Ces gens- là viennent nous voir.
Mme Sharon Hayes: Y a-t-il d'autres populations qui ne sont pas comptées dans ces 2 500.
M. Bridge: Tout à fait, oui.
Mme Sharon Hayes: Il y a des populations qui choisissent de participer à des projets de recherche. Les personnes examinées par les médecins légistes seraient sélectionnées autrement. Il y a donc d'autres tests d'empreintes génétiques qui sont pratiqués dans d'autres centres.
M. Bridge: Absolument, oui.
Mme Sharon Hayes: Avez-vous une idée de l'importance de ces populations?
M. Bridge: Je pense que c'est un chiffre plus élevé. Je ne le connais pas exactement, mais je pense qu'il y a un nombre encore plus grand de gens qui sont examinés d'une façon ou d'une autre, mais il peut s'agir d'une vérification de la fréquence de certaines mutations ou je ne sais quoi portant sur un nombre très limité de personnes.
Mme Sharon Hayes: Mais comment limite-t-on l'utilisation courante de cela?
M. Bridge: Le formulaire de consentement précise en général ce qu'il advient de l'échantillon. Normalement, les gens devraient subir le test indiqué sur le formulaire de consentement et le spécimen devrait être ensuite détruit s'il s'agit d'une étude de recherche. Si le test est pratiqué pour établir un diagnostic, les spécimens sont souvent conservés de façon permanente parce que, si on a, par exemple, une famille touchée par la maladie de Huntington depuis de nombreuses générations, il peut être utile d'examiner les générations précédentes à des fins médicales au fur et à mesure qu'on connaît mieux cette maladie.
Mme Sharon Hayes: Dans notre groupe, nous avons mentionné très brièvement le fait que le résultat de ce test figure peut-être déjà dans le dossier de tous les nouveau-nés. Lors de discussions précédentes, nous avons parlé de l'ADN et du fait que tout type de vie privée pourrait être défini comme une forme potentielle de ce qui pourrait en advenir; en outre, à l'avenir, ce qu'on jugera bon de faire ne sera peut-être pas ce qu'on fait maintenant. Notre population s'attendant de plus en plus à ce que les tests d'empreintes génétiques portent atteinte à l vie privée, pensez- vous que nous devrions avoir une loi pour contrôler cela maintenant, au lieu d'attendre jusqu'à ce que quelque chose se produise dans l'avenir?
M. Bridge: Oui, absolument. Je pense que nous devrions avoir une loi avant que le problème ne se pose. Ces spécimens existent à coup sûr. Je dirais, pour l'information de tout le monde, qu'on prélève des frottis de sang séché sur tous les nouveau-nés. On les utilise pour détecter les cas de phénylcétonurie et on obtient une réponse positive ou négative. Si elle est positive, on pratique d'autres tests, parce que si on ne traite pas cette maladie, elle entraîne une grave arriération mentale. On peut cependant la traiter par l'alimentation et on effectue donc ces tests sur tous les nouveau-nés parce qu'on peut prévenir le déclenchement de la maladie si on agit immédiatement.
Cela a néanmoins pour conséquence qu'il y a des échantillons de ces frottis de sang séché de tous les nouveau-nés de la province dans un laboratoire d'Edmonton. J'ai parfois une raison légitime d'essayer de les obtenir ou d'obtenir des échantillons équivalents de gens d'autres provinces. Ils sont difficiles à se procurer. Il est évident qu'on n'en permettrait pas l'utilisation pour des études de recherche, tout au moins pas avec des renseignements permettant l'identification des sujets, etc. Nous devons présenter de bonnes justifications pour les obtenir. Il faudrait des mesures de protection disant que ce spécimen est un échantillon conservé en archive et qu'il ne devrait être utilisé que dans des cas bien déterminés. Je ne suis certainement pas d'avis qu'ils devraient être utilisés pour la recherche générale ou, disons, pour comparer un échantillon prélevé sur les lieux d'un crime avec celui d'une personne née il y a 20 ans. Certains des ces échantillons sont conservés depuis plus de 20 ans.
La présidente: Je tiens à vous remercier beaucoup pour cela, Sharon et monsieur Bridge, parce que j'allais vous interroger au sujet des tests d'empreintes génétiques des enfants et du fait que le Canada a signé la Convention sur les droits de l'enfant. Je me demandais simplement ce qu'il en était des droits de ces enfants et de ce que les gens savent, ce qu'ils devraient savoir et comment ils peuvent le savoir.
Dans le même ordre d'idées, à qui incombe la responsabilité? Vous dites que vous avez pris des mesures de protection. La question qui a été posée hier, et vous pouvez peut-être nous donner une réponse que nous avons apparemment été incapables d'obtenir hier, concernait les enfants qui sont adoptés et qui, par la suite, avant de se marier ou de prendre d'autres engagements, veulent savoir tout ce qui peut concerner leurs antécédents familiaux. On a laissé entendre hier, je crois, que les parents qui font don de leur semence pour l'insémination artificielle ou la fertilisation in vitro, etc., devraient donner un échantillon de leur sang qui serait conservé en lieu sûr. Il y a une discussion très complexe au sujet des droits de l'enfant. En dehors de la voie législative, existe-t-il quelque chose de spécial que nous ne connaissons pas?
M. Bridge: En premier lieu, les enfants ne peuvent pas donner leur consentement éclairé à un test d'empreintes génétiques...
La présidente: Je le sais.
M. Bridge: Dans le cas de la phénylcétonurie, on prélève cet échantillon à cause des avantages qui en découlent pour l'enfant s'il est traité. En général, tout test d'empreintes génétiques est repoussé jusqu'à l'atteinte de la majorité s'il ne s'agit pas d'une maladie potentiellement traitable se déclenchant pendant l'enfance.
Pour les maladies qui se déclenchent pendant l'enfance et pour lesquelles il existe un traitement, nous testons les enfants, parfois même à des fins prédictives. Je peux peut-être vous donner un exemple précis, celui de la maladie dominante qui cause un type de cancer de l'oeil qu'on appelle le rétinoblastome. Certains iraient même jusqu'à pratiquer un diagnostic prénatal de cette maladie, non pas en vue d'interrompre la grossesse, mais parce qu'au moment de l'accouchement, les enfants qui ont 50 p. 100 de chances de souffrir de ce cancer doivent subir un examen de l'oeil sous anesthésie générale à des intervalles réguliers de quelques semaines jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de trois ou quatre ans. La moitié d'entre eux n'en ont pas besoin, et l'anesthésie générale constitue un risque important. Donc, si on effectue un test prénatal, on peut dire que tel bébé n'aura plus jamais besoin d'être testé, alors que tel autre devra être contrôlé expressément. Voilà donc un cas où nous effectuerions en fait un test prédictif.
La présidente: S'agit-il d'une maladie héréditaire?
M. Bridge: Parfois oui, parfois non, mais il faudrait évidemment savoir quand c'est le cas.
Pour un enfant adopté, on peut utiliser les tests d'empreintes génétiques pour identifier les liens génétiques entre les membres de sa famille biologique et lui. Ce n'est pas la même chose qu'étudier les maladies génétiques. C'est comme un test de paternité ou de parenté biologique, mais on peut utiliser la même technologie.
Pour les maladies génétiques, c'est un peu plus problématique. Si quelqu'un dit qu'il veut savoir s'il a certains antécédents familiaux, je pense qu'on ne procédera généralement pas à un tel test. Je peux penser à certains cas où on l'a fait. Il y a eu le plus souvent des problèmes. Or, la plupart des familles découvrent la présence d'une maladie génétique non pas à la suite d'un test, mais à la naissance d'un enfant qui en est atteint. Une fois qu'on a constaté un premier cas, on examine les autres membres de la famille.
Donc, un enfant adopté restera sans doute dans l'ignorance tout comme le reste de la population jusqu'à ce qu'il se produise quelque chose d'imprévu.
Mme Steeves: Merci.
Il nous reste environ cinq minutes. Monsieur Assadourian, avez-vous une question brève?
M. Sarkis Assadourian: Je vais poser rapidement une question. Vous devriez peut-être devenir membre honoraire de notre comité et être notre expert en génétique. Sur les 2 500 cas que vous avez examinés ici en Alberta, combien ont-ils vraiment pu savoir qu'ils avaient une maladie parce que le test d'empreintes génétiques l'a prouvé? Cela a-t-il eu des suites médicales bénéfiques pour la société?
M. Bridge: On pratique toujours un suivi. L'avantage qui découle de ce que nous faisons est que cela nous donne des renseignements. En général, la plupart des maladies génétiques ne sont pas traitables, mais une des choses qui handicapent les gens qui sont susceptibles d'avoir une maladie génétique est l'incertitude. Donc, si un membre de votre famille a la maladie de Huntington et que vous avez 50 p. 100 de chances d'en être atteint, pourquoi, même si vous n'avez aucun symptôme, ne pas vous faire examiner pour savoir si vous avez la mutation ou non? Il s'agit d'éliminer l'incertitude. Ceux qui ne l'ont pas pourront désormais, je suppose, vivre sans plus craindre d'avoir eux-mêmes cette maladie, même s'ils ont des membres de leur famille qui en souffrent. Ceux qui en sont atteints peuvent prendre certaines décisions, par exemple choisir l'adoption, ne pas avoir d'enfants ou préférer une autre solution encore. Il s'agit d'éliminer l'incertitude.
Le but principal des tests d'empreintes génétiques sera de donner aux gens des renseignements sur leur état avant que des symptômes ne se manifestent ou qu'ils n'aient des enfants atteints d'une maladie déterminée.
Mme Steeves: Madame Hayes, voulez-vous rapidement poser une question? Il y a ensuite quelqu'un d'autre qui attend devant le micro.
Mme Sharon Hayes: Je poserai rapidement une question pour obtenir des précisions. Je connais personnellement une famille qui a dû faire face à la maladie de Huntington, ou a essayé de le faire, et c'est une maladie tout à fait tragique. À ma connaissance, ils auraient pu faire tester leur enfant quand il avait un ou deux ans. Est-ce exact?
M. Bridge: Non. Nous le déconseillons très fortement, et il serait extrêmement difficile de trouver quelqu'un qui le fasse.
Mme Sharon Hayes: Est-ce une ligne directrice provinciale ou fédérale?
M. Bridge: Cela ne figure dans aucune loi. C'est une ligne directrice et une recommandation professionnelles.
Mme Sharon Hayes: Pour en revenir aux droits de l'enfant, ce n'est actuellement qu'une ligne directrice déontologique.
M. Bridge: Le fait de savoir s'il a ou non cette maladie n'apporte rien à l'enfant avant l'âge de, disons, 18 ans; la décision normale est donc de ne pas proposer ce test. Il faudrait des raisons très particulières pour justifier que nous vérifions si un enfant souffre d'une maladie qui ne se manifeste pas avant l'âge de, disons, 40 ans.
Mme Sharon Hayes: À ma connaissance, les gens que je connais avaient la possibilité de le faire.
M. Bridge: Je ne dis pas que cela ne s'est jamais fait ou que cela ne se fait pas à l'occasion, mais, en général, cela ne devrait pas se faire.
Mme Sharon Hayes: Merci.
Mme Steeves: Merci beaucoup pour votre contribution à ce dialogue, Dr Bridge.
M. Tim Caulfield (directeur de la recherche, Health Law Institute): Je m'appelle Tim Caulfield et je travaille au Health Law Institute à l'Université de l'Alberta.
Je serai extrêmement bref, vu le temps dont nous disposons, et je soulignerai simplement au Comité que les questions dont nous venons juste de parler à propos des risques génétiques, de la génétique pédiatrique, etc. ont toutes été étudiées par de nombreux groupes, comme le comité HUGO, l'UNESCO et la Commission royale sur les nouvelles technologies de reproduction que, j'en suis sûr, vous connaissez bien. Plusieurs États des États-Unis ont également adopté des lois portant spécifiquement sur la génétique. Que nous soyons ou non d'accord avec elles, j'encouragerais le Comité à se procurer ces documents.
C'est un domaine très complexe, qui mérite peut-être qu'on lui consacre des recherches spécifiques. En fait, des recherches sont en cours en Alberta, de concert avec le CRDP de l'Université de Montréal; elles portent sur la génétique pédiatrique et les droits des enfants dans plusieurs des situations que vous avez vous-même mises en relief.
Je serais heureux d'aider le Comité dans toute la mesure de mes moyens.
La présidente: Merci beaucoup.
Mme Steeves: Notre petit groupe a eu une discussion fascinante à propos des rapports entre les tests d'empreintes génétiques et la discrimination. Je crois que Gregor Wolbring voudrait faire une dernière contribution au débat public d'aujourd'hui.
M. Gregor Wolbring (département de biochimie médicale, Université de Calgary): Merci. Je suis biochimiste au département de biochimie médicale de l'Université de Calgary, mais je travaille aussi avec de nombreux groupes de personnes handicapées au sujet des dangers présentés par les tests d'empreintes génétiques en ce qui concerne la discrimination et leur statut dans la société.
Je voudrais faire deux commentaires. Premièrement, le désir d'obtenir des renseignements génétiques reflète le désir croissant de notre société d'obtenir des êtres humains parfaits, qui coûtent moins d'argent et constituent un moindre fardeau. À l'avenir, les compagnies d'assurance et les autres entreprises seront prêtes à les embaucher parce qu'elles veulent des gens qui représentent moins un fardeau pour elles et qu'elles veulent réaliser le plus de profits possible en s'exposant aux moins de dangers possible. Cela correspond exactement à ce que nous faisons déjà aujourd'hui avec les tests prénataux, et le fait de chercher à réduire le plus possible les dangers et les coûts que doit assumer la société prend de plus en plus d'importance.
J'ai devant moi un projet de cadre d'action sur la santé sexuelle et reproductive qui vient de Santé Canada. On y emploie beaucoup le mot «prévention». Il faut être en faveur des interventions visant à prévenir les troubles héréditaires et les malformations congénitales. Il n'y est pas question d'aider des gens ou de donner en fait naissance à une personne handicapée. L'accouchement n'est pas mentionné. Ce que la société vous demande et attend maintenant de vous est en fait de prévenir le handicap ou la malformation congénitale, pour toutes sortes de raisons. Il s'agit donc de beaucoup plus que simplement des renseignements génétiques ou du risque de voir sa vie privée compromise, parce qu'on peut imposer aux gens beaucoup plus que simplement des atteintes à leur vie privée; en effet, si une femme sait qu'elle sera exposée à des réactions de ce genre si elle met cet enfant au monde, dans ce cas, même si elle décide personnellement de faire une certaine chose, il y a déjà eu atteinte à sa vie privée, puisqu'elle sait déjà ce que cela aura pour résultat.
Il y a ensuite les compagnies d'assurance. Bien entendu, certaines d'entre elles demandent vos dossiers médicaux pour savoir si elles peuvent vous accorder une assurance-vie. Elles refusent d'assurer sur la vie les personnes victimes de la thalidomide. Beaucoup d'entre nous ont essayé. À ma connaissance, aucun n'y est parvenu parce que nous avons une maladie préexistante.
Les renseignements génétiques ne sont qu'une forme de renseignements médicaux parmi d'autres, et il est donc déjà établi qu'on peut utiliser des renseignements médicaux de façon discriminatoire en ce qui concerne certains groupes cibles et certains consommateurs, comme le font les compagnies d'assurance. La génétique n'est qu'un cas de plus. Si nous ne nous attaquons pas aux racines de ce problème, les renseignements génétiques seront simplement un élément supplémentaire. Si nous ne luttons pas contre le contrôle de la qualité des êtres humains et acceptons que, parce qu'on porte une certaine étiquette, on ne peut pas faire ceci ou on n'est pas autorisé à faire cela, etc., alors que si l'on en porte une autre, on peut le faire, nous finirons tous par porter une étiquette. Nous deviendrons tous ce que j'appelle des «génétiquement positifs». On verra apparaître une nouvelle sous- catégorie d'êtres humains qui seront comme les séropositifs - des génétiquement positifs.
Certaines catégories seront touchées avant d'autre. Comme Andy Scott l'a dit dans notre groupe, beaucoup de gens sont déjà touchés. Mais ce n'est pas la majorité. Les prochains seront, par exemple, les Autochtones, chez qui le diabète est très fréquent. C'est également génétique, alors allons-nous les tester et voir ce qu'on peut faire à partir de là?
C'est très dangereux si nous ne nous rendons pas compte de tout ce qui va de pair avec l'insistance que l'on met sur ces nouvelles sortes de technologie. On peut faire des recherches dans un laboratoire, beaucoup de bonnes recherches, mais la société utilise les technologies de ce genre à sa façon. Voilà où, je pense, nous devons intervenir et montrer que tous les êtres humains ont la même valeur.
Je pense que Mme Steeves nous a raconté une histoire qui est vraiment effrayante. Peut-être pourra-t-elle nous en faire part, parce que cela veut dire que nous sommes bien loin d'une utilisation objective des renseignements.
Mme Steeves: Je crois que je peux le faire en moins d'une minute. C'est comme quand les enfants disent les pires des choses - parfois, les médecins disent aussi les pires des choses.
J'étais enceinte de ma deuxième fille, et on m'a demandé de passer un examen aux ultrasons. J'ai dit qu'il n'y avait pas de raison médicale de le faire et que je préférais m'en abstenir. Le médecin a dit qu'il fallait que je le fasse au cas où le bébé soit handicapé ou ait une malformation quelconque. J'ai dit que je n'envisagerais pas un avortement dans un tel cas. Le médecin, qui était en fait une femme, s'est tourné vers moi en disant: «Il n'y a qu'à vous regarder.» J'ai dit «Qu'avez-vous dit?» Elle m'a répondu qu'il était évident que personne n'avait fait de test avant ma naissance. Je lui ai demandé si cela voulait dire que ma mère aurait dû se faire avorter parce qu'il se trouvait que j'avais une main plus petite que l'autre.
Je pense que les attitudes de ce genre sont une bonne illustration de ce qu'a dit Gregor. Si nous cherchons une certaine forme de perfection, je pense que nous nous berçons d'illusions. Nous avons tous des capacités différentes, et ce sont ces différences qui nous permettent de connaître des expériences très diverses.
La présidente: Tout ce que je peux dire, Valerie, est que, sans votre participation très compétente, nous n'aurions pas pu attirer autant de monde et avoir l'excellente discussion que nous avons eue aujourd'hui, et nous n'aurions pas non plus pu planifier tout ce comité.
Je peux seulement vous dire que l'une des choses auxquelles réfléchit notre comité est qu'on dit que la discrimination génétique sera le grand problème du XXIe siècle en matière de droits de la personne. Notre comité est vivement préoccupé par cette question. Je suis donc vraiment très heureuse que Gregor l'ait particulièrement mise en relief. Je pense que c'était inhérent dans les questions que Sharon, Andy Scott et les autres personnes présentes ont posées.
Je voudrais remercier vivement tous nos spécialistes d'être venus ici, de nous avoir consacré leur temps et d'avoir éclairé notre lanterne. Votre participation nous aidera à résoudre certaines questions très complexes.
La séance est levée.