[Enregistrement électronique]
Le jeudi 13 mars 1997
[Traduction]
La présidente (Mme Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.)): Mesdames et messieurs, nous avons le quorum.
Le Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes tient des réunions dans différentes villes du Canada, comme vous le savez. Nous sommes ravis d'être ici, à Fredericton. Nous arrivons de Vancouver, Calgary, Toronto et nous avons le plaisir aujourd'hui de vous rencontrer avant de partir demain pour Montréal.
Cette consultation que nous menons auprès des Canadiens de tout le pays s'avère réellement être une dynamique stimulante et intéressante.
Nous rencontrons des personnes ayant une grande diversité d'optiques en ce qui concerne la vie privée et le droit à la vie privée et les répercussions des nouvelles technologies sur ce droit fondamental.
À l'occasion des tables rondes que nous avons tenues pendant les mois de septembre, octobre et novembre, on nous a longuement parlé de l'impact de la haute technologie sur le respect de notre vie privée en tant que droit fondamental. Je dois dire que les préoccupations qui nous ont été exprimées recouvrent un vaste éventail. De ce fait, nous avons décidé qu'il nous faudrait rétrécir notre champ d'étude et nous concentrer sur trois aspects particuliers, car nous voulons vraiment pouvoir déterminer, à partir de tous les renseignements qui nous sont fournis, quelles sont les répercussions sur notre vie personnelle et ce que sont réellement nos droits sur le plan du respect de la vie privée.
Nous avons adopté un format différent pour ces réunions, que je vais vous expliquer plus en détail dans un instant. Mais pour qu'il soit bien clair qu'il s'agit là d'une réunion officielle du comité permanent de la Chambre des communes, nous allons suspendre la séance sous peu et la reprendre plus tard.
Lorsqu'on regarde les nouvelles formes insidieuses que revêt la technologie nouvelle aujourd'hui, on ne peut s'empêcher de se demander qui nous épie, qui sait quoi sur nous et combien ils ont réellement besoin de savoir. Où tracer la ligne entre des intérêts socio-économiques concurrents, tels que prévention du crime, fraude, santé, pratiques commerciales et droit de chacun de protéger sa sphère personnelle, d'exiger le respect de sa vie privée? Est-il nécessaire d'instaurer un cadre déontologique, l'obligation de se procurer le consentement des intéressés lors de l'emploi de toutes ces technologies nouvelles?
La presse a relaté ces dernières semaines quantité d'événements de l'actualité qui nous ramènent, par coïncidence, à cette problématique. Ainsi, il y avait dans la presse de Vancouver un dessin humoristique sur le radar photo qui était assez comique. Comme vous le savez, l'affaire Dolly a suscité quantité de préoccupations sur le clonage et nos droits face au clonage. Ensuite, évidemment, il y a eu la fausse rumeur sur les jumeaux de quatre ans en Belgique, dont il a fallu démentir le lendemain qu'ils étaient des clones. Il y a eu toute une affaire dans le journal françaisLe Droit qui a suscité beaucoup d'inquiétudes, d'autant qu'il s'agissait apparemment de vente de renseignements personnels. De fait, il y avait aujourd'hui dans le Globe and Mail un article à ce sujet, que j'ai quelque part avec moi.
On peut donc sérieusement se demander comment on peut parvenir à protéger la vie privée, même lorsque la volonté de le faire existe.
Comme nous le savons tous, je pense, le droit au respect de la vie privée n'émane pas d'une source précise. Il s'appuie sur le droit international, le droit constitutionnel, les législations fédérales et provinciales, la jurisprudence, les codes d'éthique et lignes directrices professionnels. De ce fait, les droits à la vie privée et la protection de celle-ci ne constituent guère plus qu'un ensemble très disparate.
Je pense que pour mettre tout cela en perspective il faut partir de la base. Au niveau international, plusieurs textes importants garantissent le droit à la vie privée. Bill Young est l'auteur de l'expression: «la Grande Charte de l'humanité». Il s'agit de la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies, qui a été corédigée en 1948 par un Canadien, John Humphrey, avec Eleanor Roosevelt, et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, dont le Canada est signataire.
Il n'y a pas actuellement au Canada de protection globale de la vie privée. Le seul endroit en Amérique du Nord où existe une législation exhaustive couvrant les données personnelles aux mains du secteur privé est la province du Québec.
En Europe, par exemple, le principe du traitement équitable de l'information adopté par l'Union européenne et les pays de l'OCDE s'applique à tous les renseignements personnels. D'ailleurs, lorsqu'il entrera pleinement en vigueur en 1998, il aura des répercussions sérieuses sur le Canada. Ce principe veut que les renseignements personnels doivent être protégés quel que soit le support et quelle que soit la manière dont ils sont recueillis, détenus, utilisés et distribués par d'autres.
En Europe, tout un chacun a le droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Ce droit n'est pas explicitement reconnu au Canada, bien que les articles 7 et 8 de la Charte des droits et libertés canadienne s'appliquent aux fouilles et perquisitions. Nous n'avons donc que la protection du Code criminel. Le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne a été interprété par les tribunaux comme s'appliquant à la vie privée. Comme je l'ai dit, la seule exception est le Québec.
Les ministres de la Justice et de l'Industrie travaillent à un Livre blanc qui sera publié prochainement dans lequel ils reprendront le code de déontologie de l'Association canadienne de normalisation. Je pense que nous aurons tous intérêt à regarder ce Livre blanc de près. Nous serons intéressés à connaître vos réactions, si vous voulez nous en faire part après la publication du Livre blanc.
Un peu partout dans le monde, on voit dans le respect de la vie privée le droit humain le plus fondamental de tous, un droit vaste et ambitieux. C'est un concept universel, mais ce n'est pas un droit inaliénable. Je pense que vous conviendrez tous que le respect de la vie privée est une valeur humaine fondamentale essentielle à la dignité et à l'autonomie des êtres humains. Je pense que nous tous reconnaissons aussi que le droit à la vie privée est d'une importance suprême dans notre vie à tous.
À propos, j'espère que vous avez tous vos écouteurs de traduction simultanée. Je parlerai français dans certains de nos échanges et nous avons des francophones dans la salle.
[Français]
Certains experts définissent le droit à la vie privée comme le droit de disposer d'un espace à soi, d'effectuer des communications privées, de ne pas être surveillé et d'être respecté dans l'intégrité de son corps.
Pour le citoyen ordinaire, c'est une question de pouvoir, le pouvoir que chacun exerce sur les renseignements personnels qui le concernent. C'est aussi le droit de demeurer anonyme.
[Traduction]
La question devient donc de savoir ce que vaut la vie privée dans la société technologique d'aujourd'hui. Il ne fait aucun doute que les technologies nous apportent à tous des avantages précieux, des gains d'efficience et des commodités. Mais les avantages des nouvelles technologies n'ont-ils pas un prix sur le plan de notre vie privée personnelle? Ce prix est-il trop élevé? Est-il évitable? Où et quand tirons-nous la ligne, car la vie privée est une ressource précieuse qui, une fois perdue, que ce soit intentionnellement ou par inadvertance, ne peut jamais être récupérée.
[Français]
En tant que membres du Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées, nous adoptons résolument l'angle de l'approche des droits de la personne pour mesurer les effets positifs et négatifs des nouvelles technologies sur notre droit à la vie privée.
[Traduction]
Les Canadiens n'ont jamais choisi ni adopté la démarche du voyeur, ni l'écoute électronique sauvage. Ils n'ont jamais réellement approuvé ce type d'approche de notre vie quotidienne. Je pense que notre droit pénal le reflète. La question est de savoir si cette même désapprobation s'étend, par exemple, aux caméras vidéos cachées sur le lieu de travail, aux banques de données sur l'ADN ou aux cartes d'identité?
Dans le but de procéder à un échange de vues avec les Canadiens sur cette question de savoir quelle limite imposer, nous pensons réellement qu'il est important de tenir cette série de tribunes et d'échanges qui, comme je l'ai expliqué, a commencé il y a quelque temps déjà. Nous sommes réellement impatients de débattre de ces questions avec vous et d'être guidés par vous.
Nous avons décidé, pour cerner ces questions, de nous concentrer sur la surveillance vidéo, les tests génétiques et les cartes intelligentes. Nous espérons, par le biais de ces exemples, sensibiliser le public. Je pense qu'il est essentiel de sensibiliser le public aux enjeux qui se profilent, aux risques et aux avantages des technologies avancées, de façon à avoir un débat ouvert et franc sur les promesses et les périls pour la vie privée, considérée en tant que droit humain, en cette ère de mutation technologique.
En conclusion, nous ne pensons pas réellement trouver de solution finale à tous les problèmes soulevés par ces trois scénarios. Nous espérons votre participation aujourd'hui, ainsi que celle de tous les autres Canadiens qui nous suivrons sur l'Internet. Ceux d'entre vous qui sont raccordés pourront nous transmettre par ce moyen leurs réactions à nos autres audiences qui seront diffusées sur CPAC, à partir de dimanche prochain. Nous prendrons connaissance avec intérêt de tout mémoire que vous voudrez transmettre à notre greffier, M. Wayne Cole.
J'espère que nous aurons quelques solutions concrètes à vous soumettre et nous répercuterons vos idées et vos propositions.
Je vous remercie infiniment de participer et d'être venus nous retrouver par une si belle journée, bien qu'un peu froide, dans votre belle ville ensoleillée.
Andy, nous vous sommes reconnaissants de tout votre travail d'organisation. Soyez-en remercié.
Nous connaissons M. Scott comme un député très actif et dynamique dans quantité de domaines.
Valerie Steeves, notre coordonnatrice des audiences, va coordonner nos travaux aujourd'hui. Elle est professeure au Centre des droits de la personne de l'Université d'Ottawa et dirige son projet sur la technologie.
Avant de vous présenter Valerie et de lui donner la parole, j'aimerais demander aux membres du comité de bien vouloir se présenter eux-mêmes.
[Français]
Maurice, comment se fait-il que vous soyez de ce côté de la table?
M. Maurice Bernier (Mégantic - Compton - Stanstead, BQ): I don't know. Je m'appelle Maurice Bernier. Je suis député de Mégantic - Compton - Stanstead et vice-président du Comité des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées. Je suis très heureux de me retrouver dans le royaume d'Andy Scott.
[Traduction]
M. Andy Scott (Fredericton - York - Sunbury, Lib.): Je suis Andy Scott. Je suis député de Fredericton et vice-président du comité permanent. J'informe la présidente que non seulement le coauteur de la Déclaration internationale des droits de l'homme est un Canadien, mais qu'il vient de surcroît du Nouveau-Brunswick.
La présidente: Oh, et il a vécu dans ma circonscription.
Mme Jean Augustine (Etobicoke - Lakeshore, Lib.): Bonjour. Je suis Jean Augustine, députée de la circonscription Etobicoke - Lakeshore.
M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Je suis John Godfrey. J'ai été président de l'University of Kings College, à Halifax, qui, comme vous le savez tous, est plus ancienne que l'Université du Nouveau-Brunswick.
Des voix: Oh, oh!
M. John Godfrey: C'était juste pour voir si vous êtes réveillés. Actuellement, voyons si je peux me souvenir - hier je n'y suis pas arrivé - je suis député de la circonscription de Don Valley-Ouest, à Toronto.
La présidente: Merci beaucoup. À l'extrémité de la table se trouve Bill Young, de la Bibliothèque du Parlement, codirecteur de... Quel est votre titre exact, Bill?
M. Bill Young (attaché de recherche du comité): De la Division des affaires politiques et sociales.
La présidente: Merci beaucoup. Il est un membre très précieux de notre équipe.
À côté de Valerie se trouve Nancy Holmes. Nancy, je vous ai fait cela trop souvent, c'est odieux. Elle est un membre très précieux de notre équipe. Nancy, êtes-vous également à la Division des affaires politiques et sociales, ou bien...?
Mme Nancy Holmes (attachée de recherche du comité): Je suis à la Division des affaires législatives et gouvernementales.
La présidente: Merci beaucoup.
Wayne Cole, je vous ai déjà présenté.
Nous avons également avec nous Roger Préfontaine, qui se trouve au fond de la salle. Il nous a été très utile pendant cette tournée.
Sans plus tarder, je donne la parole à Valerie.
Mme Valerie Steeves (facilitatrice du comité): Merci beaucoup, madame Finestone.
De façon à inscrire nos délibérations de ce matin dans une espèce de contexte personnel ou social, le comité va vous présenter trois études de cas. Comme Mme Finestone l'a indiqué, elles portent sur la surveillance vidéo, le dépistage génétique et les cartes intelligentes. Ces études de cas sont également disponibles sur notre site Internet pour ceux qui nous regardent sur CPAC.
Comme vous le savez, ces études de cas ou récits cherchent à illustrer à la fois les avantages et les inconvénients de ces nouvelles technologies.
Nous espérons qu'en discutant de l'impact de ces technologies sur la vie des gens apparaissant dans les récits, nous parviendrons à mieux appréhender deux choses: premièrement, ce que signifie la vie privée pour les Canadiens; et deuxièmement, comment, en tant que société, nous pouvons équilibrer au mieux les avantages de ces nouvelles technologies et nos valeurs sociales sous-jacentes, y compris notre respect pour la vie privée.
Vous, les participants présents ce matin, êtes largement représentatifs de la société canadienne. Il y a parmi vous des porte-parole de groupes militants, de banques et de sociétés d'assurances, d'associations professionnelles diverses, d'organisations de personnes handicapées, des éducateurs, des fonctionnaires, des travailleurs de la santé, des groupes de défense des droits de la personne, des organisations multiculturelles, des syndicats, des agents de police, des avocats, des journalistes, des entreprises technologiques, des sociétés de télécommunication, des sociétés de câblodistribution et des jeunes.
De façon à pouvoir mieux explorer les optiques très diverses que vous apportez à ce débat, nous allons commencer le processus de consultation en vous répartissant en petits groupes. Vous aurez ainsi l'occasion de vous asseoir et d'avoir des échanges détaillés sur les études de cas et les problèmes qu'elles soulèvent.
Chacun de ces petits groupes sera animé par un expert dans le domaine de la protection de la vie privée. Nous sommes tous convenus que nous n'aimons pas le mot «expert», mais ce sont bien des experts. Nous avons réellement eu de la chance dans nos audiences à travers le pays. Nous avons bénéficié de la participation de facilitateurs incroyables, et cela a stimulé la discussion. Chacun de ces groupes comprendra au moins un membre du comité, qui participera également à la discussion.
Une fois que nous aurons pu explorer les études de cas en petits groupes, nous reviendrons en séance plénière pour tenir un débat général sur les enjeux. Pour lancer celui-ci, nous demanderons aux membres du comité de faire un bref résumé des échanges intervenus dans chacun des groupes. Ensuite, les animateurs pourront ajouter quelques mots de leur cru et nous ouvrirons ensuite la discussion avec vous.
Nous espérons un échange de vues très ouvert et libre entre vous, les experts et les membres du comité sur le sens de la vie privée à l'ère technologique.
J'ai maintenant le plaisir de vous présenter les trois personnes qui vont animer les discussions de groupe.
À l'extrémité de la table, à ma gauche, se trouve Bill Hall. Bill est dans l'informatique depuis 1966. Il a déménagé de Montréal à Fredericton en 1973 pour un projet de deux ans et n'est jamais reparti. Il me dit que le projet est terminé. Mais nous n'en sommes pas trop sûrs encore. Bill travaille au Secrétariat de l'autoroute de l'information, auquel il a été détaché depuis sa création en janvier 1994. Il s'intéresse en particulier à la gestion des systèmes de l'autoroute de l'information. Il a participé l'année dernière à un comité interministériel chargé de rédiger un Livre blanc sur la législation en matière de protection de la vie privée pour le gouvernement du Nouveau-Brunswick. Bill connaît très bien tous ces problèmes.
À la droite de Bill, vous voyez Ron Byrne. Ron Byrne est attaché de recherche au Atlantic Human Rights Centre et il mène actuellement des recherches dans le domaine de la technologie de l'information et de la vie privée. Ron est diplômé en droit de l'Université du Nouveau-Brunswick et prépare actuellement sa maîtrise en droit.
À la droite de Ron, je vous présente David Townsend. David Townsend est le vice-doyen de la faculté de droit de l'Université du Nouveau-Brunswick, où il enseigne divers sujets relatifs à la politique réglementaire depuis 1979. Il détient un baccalauréat en droit de l'Université Dalhousie et une maîtrise en droit de l'Osgoode Hall Law School. Ses principales recherches intéressent l'élaboration et la mise en oeuvre de politiques juridiques, techniques et sociales relatives aux communications sans fil. Il a reçu en 1993 la plus haute récompense de son université, le prix d'excellence pédagogique Allan P. Stuart. J'ai eu la chance de faire partie d'un groupe animé par David l'année dernière, lors d'une conférence à Fredericton. Je suis ravie qu'il ait pu se joindre à nous aujourd'hui.
Nous vous avons répartis en petits groupes en tentant de les rendre aussi diversifiés que possible, de manière à interféconder le dialogue. Vous remarquerez que vos étiquettes portent un code couleur. Si vous avez une étiquette bleue, vous travaillerez avec Ron Byrne dans le coin avant-droit de la salle. Si vous avez une étiquette verte, vous serez avec David Townsend au fond de la salle. Si vous avez une étiquette jaune, vous travaillerez avec Bill Hall dans le coin avant-gauche de la salle. Si vous avez une étiquette rouge, vous serez avec moi dans le coin arrière-droit.
Lorsque nous serons répartis en petits groupes dans un instant, la première chose que fera l'animateur, c'est de vous demander de choisir l'une des trois études de cas. Une chose que nous avons constatée dans nos réunions précédentes, c'est que le temps pour ces discussions manque toujours, et je vous rappelle donc que les études de cas ne sont qu'un point de départ. N'hésitez pas à leur consacrer aussi peu ou autant de temps que vous le voulez et n'hésitez pas à établir des liaisons entre elles, de façon à bien mettre en évidence vos préoccupations sur l'effet de ces technologies sur la vie privée, selon votre optique.
Du café sera disponible pendant toute la matinée. Nous nous retrouverons pour la séance plénière peu après 11 heures. Dans un instant, car la procédure officielle l'exige, le maillet va tomber. Mme Finestone va suspendre la séance, et lorsque ce sera fait je vous demanderais de vous diriger vers votre groupe de façon à ne pas perdre le temps que nous avons à passer ensemble.
Je veux, moi aussi, vous remercier de votre participation.
La présidente: Merci beaucoup. Tout cela est très cérémonieux, mais c'est nécessaire pour l'enregistrement électronique.
La séance est suspendue jusqu'à nouvel ordre.
La présidente: Nous reprenons la séance du Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées.
Nous allons commencer par les rapports des groupes.
Je vous rends la direction des travaux, Valerie, pour écouter les rapports des députés.
Mme Steeves: Merci beaucoup.
Madame Augustine, voudriez-vous commencer?
Mme Jean Augustine: Je vous remercie, Valerie et madame la présidente.
Le groupe dont je faisais partie était dirigé, de façon excellente, par David Townsend. En faisaient partie des personnes intéressées par la question et des experts dans leurs propres domaines et d'autres qui se penchent plus particulièrement sur la vie privée ou les atteintes à la vie privée.
Nous avons commencé par la surveillance vidéo. On nous a signalé qu'elle est utilisée dans les autobus scolaires. En partant de là, nous avons parlé de la technologie et de ses limites. Nous avons établi la distinction avec le milieu de travail et les pratiques qui y ont cours. Certains participants ont exprimé des objections à l'utilisation de la surveillance vidéo contre les employés. Nous avons donc vu les deux extrêmes.
Bien sûr, nous nous sommes penchés sur la nécessité juridique de cette technologie. Nous avons parlé de la nécessité de l'écoute électronique. Celle-ci est soumise à certaines règles juridiques. De là nous sommes passés à l'empiétement sur les droits personnels. Nous avons perçu l'impératif de la lutte contre la criminalité, mais aussi les dangers et les risques pour les individus.
Nous avons relevé que c'est une façon moins chère d'exercer une surveillance, mais noté en même temps qu'une fois les moyens techniques en place, il n'est plus possible d'y échapper. Les participants se sont généralement accordés à dire que ce qui fait la différence, c'est le caractère secret ou non de la surveillance. Il y a davantage lieu de s'inquiéter lorsque les personnes ne sont pas au courant de la surveillance.
De là nous sommes passés à la question du son. La surveillance se limite-t-elle aux images ou bien capte-t-on également les paroles? Évidemment, si les paroles sont enregistrées, cela pose un problème réel.
Nous avons discerné là une pente glissante, d'où l'impératif de lignes directrices et de protocoles. Les uns après les autres, les membres du groupe ont parlé de la nécessité d'une législation rigoureuse. On nous a parlé de la situation de l'Île-du-Prince- Édouard où il n'y a pratiquement pas de législation protégeant la vie privée. On a parlé de la nécessité d'une législation coordonnée aux paliers fédéral, provincial et territorial et de lignes directrices fondamentales sur les droits de la personne dans notre ère technologique.
Certains ont parlé de la nécessité de trouver une façon de légiférer pour éviter que les renseignements recueillis dans un système soient transmis ou utilisés dans un autre. On a soulevé à cet égard le problème de l'utilisation primaire et de l'utilisation secondaire.
Une personne a soulevé la question de la sensibilisation du public au droit de dire non - peut-on dire non et quand? Tout ce problème a commencé lorsque le gouvernement nous a attribué des numéros d'assurance sociale et autorisé l'entreprise privée à exiger la communication de ce numéro comme condition de la prestation de certains services.
Cela nous a amenés au problème de la latitude de recueillir des renseignements, les conditions entourant cette collecte, la durée de conservation et la faculté des administrations gouvernementales de vendre des listes. On a mentionné qu'une province vend la liste des immatriculations de véhicules. Nous avons parlé de la nécessité d'un consentement éclairé des personnes à la communication de renseignements les concernant.
Nous sommes passés ensuite à l'information génétique. Une personne a insisté pour que le formulaire soit court et restrictif. Nous avons parlé de la collecte, de l'utilisation de ces renseignements et de la limite de temps qui devrait être imposée, et convenu que rien ne devrait être fait sans le consentement de l'intéressé.
Nous avons parlé des entreprises de recherche et de l'anonymat du point de vue de la recherche. Cela suppose la mise en place de cloisons coupe-feu. Il faut un cloisonnement pour protéger les différents jeux de renseignements. Par conséquent, pour pouvoir traverser certaines cloisons... Par exemple, un infirmier peut avoir accès à un jeu de renseignements, un psychologue ou psychiatre à un autre et un médecin à un autre encore. S'il y a décloisonnement, il faudrait une façon de mettre le public au courant.
La question du droit à l'information par opposition à la protection de la vie privée, les conséquences d'abus... Nous en revenions toujours à l'impératif de l'information du public, de l'éducation du public et de quelque législation pour prévenir les abus sur le plan de l'échange d'information.
Nous avons parlé aussi des cartes biométriques, de la prise d'empreintes digitales et de toute une série de choses. Nous avons réfléchi aux mesures de prévention et relevé que la technologie est bonne, que c'est l'utilisation qui en est faite qui pose problème. Notre discussion s'est ensuite portée au niveau philosophique, la prise de décisions éthiques, le droit de savoir, ce qu'est le droit de savoir. Par exemple, le droit d'accès à des renseignements sur son futur conjoint. Qui détient les renseignements sur les patients? Est-il toujours dans l'intérêt du patient de lui communiquer ces renseignements? Je ne suis pas sûre que nous ayons résolu ce problème, mais nous avons fini par parler de biologie, de technologie, de religion, de recherche et de toute une série de choses que l'on pourrait résumer sous l'appellation de valeurs. Je pense que c'est moi qui ai posé cette question à la fin: qu'est-ce que la société est prête à accepter dans tout ce domaine?
Voilà en gros ce qu'a été notre discussion - très animée dans notre groupe, avec un appel très fort à promulguer une législation. Je vous remercie.
La présidente: Je vous remercie.
Mme Steeves: Merci beaucoup, madame Augustine.
La présidente: Le monsieur de Terre-Neuve pourrait-il se présenter, s'il vous plaît?
Mme Steeves: Est-ce que le monsieur de Terre-Neuve pourrait se présenter? Je suppose qu'il était dans l'un des groupes.
La présidente: Oui, il était dans le groupe de Jean.
J'aimerais vous dire un mot tout à l'heure, si vous voulez bien. Je m'en suis souvenue pendant le rapport de Jean. Merci.
Mme Steeves: Monsieur Godfrey, voulez-vous faire votre résumé, s'il vous plaît?
M. John Godfrey: On m'a demandé hier à Toronto si j'avais détecté jusqu'à présent, dans notre tournée à travers le Canada, des différences régionales sensibles. Ce n'était pas le cas jusqu'alors, mais aujourd'hui j'en ai trouvé.
Je suppose qu'une façon de résumer le débat - et le groupe a le droit de me lyncher, bien entendu, si je le trahis - est de dire qu'il y avait une scission assez nette entre, d'une part, ceux que l'on pourrait appeler les tenants de «la paix, l'ordre et le bon gouvernement» et, d'autre part, les partisans de «la vie, la liberté et la poursuite du bonheur». Cela a été une belle bagarre et assez équilibrée, mais je pense que nous avons davantage entendu le camp de «la paix, l'ordre et le bon gouvernement» que dans le reste du pays.
D'une certaine façon, cela traduit une vision assez pessimiste de la nature humaine dans le camp de «la paix, l'ordre et le bon gouvernement» qui estime que, sur le plan de la confiance, il vaut mieux pécher par excès de sécurité. Je dois dire que nous avons surtout parlé des caméras vidéos. Il y avait là deux façons de considérer la société, et une scission assez nette au sein du groupe. Cela traduit aussi, bien entendu, l'expérience des Maritimes où, depuis toujours, les habitants des petites localités ont toujours tout su des affaires de leurs voisins, si bien qu'il importe peu que l'on utilise une caméra ou non.
Des voix: Oh, oh!
M. John Godfrey: Je me souviens avoir vécu à Upper Kingsburg, en Nouvelle-Écosse, où la surveillance audio se faisait par le biais de la ligne téléphonique commune.
Des voix: Oh, oh!
M. John Godfrey: Il y avait également, pourrais-je dire, un certain pessimisme ou fatalisme face à la technologie, le sentiment que les choses vont évoluer si rapidement que, quoi que nous fassions, nous ne parviendrons jamais à suivre.
Je pense que cela a été exprimé par un membre du groupe qui a noté l'écart entre la lente évolution dans l'histoire de notre conception des droits de la personne et la manière dont nous avons douloureusement pris conscience du fait que les droits de certains étaient enfreints - à notre insu - et la prise de mesures législatives et réglementaires pour rectifier cela, et la rapidité du changement technologique.
Cette personne a estimé que le défi pour nous, en tant que société et en tant que comité en quête de réglementation, était de trouver des façons de combler plus rapidement cet écart. Dans mon esprit s'est imposé le parallèle avec la législation en matière de droits d'auteur, qui évolue très lentement et lourdement, alors que toutes les nouvelles technologies avancent à un rythme accéléré.
Comment peut-on donc combler cet écart de façon à protéger et promouvoir les droits individuels, auxquels tout le monde dans le groupe tient passionnément, je pense.
Si quelques principes ont émergé de notre tentative de trouver des solutions à cela, il convient de ranger en première place toute cette notion de la raison d'être, de l'objectif de la collecte des renseignements. Dans le cas des caméras vidéos, d'aucuns pensent que c'est une surveillance du public gratuite. Elle peut être nécessaire dans certains cas, mais une surveillance généralisée est inutile et une illustration de ce que l'on a appelé le «dérapage fonctionnel».
Le deuxième principe est l'utilisation faite des renseignements, qui est en fait un prolongement du premier principe. On a estimé dans notre groupe qu'il fallait se méfier particulièrement de l'utilisation abusive par des intérêts privés, mais dans notre groupe pessimiste et fataliste on ne faisait guère confiance non plus à l'État.
De là émerge un troisième principe, qui a été formulé, dois-je dire, dans toutes nos réunions à travers le pays, celui du consentement éclairé et libre: les gens ne doivent pas être contraints à donner leur consentement pour obtenir quelque chose, pas plus que dans le cas d'une opération chirurgicale ou d'une intervention médicale. Et quelqu'un nous a dit - et si j'ai mal saisi, j'espère que la personne rectifiera - que le Nouveau- Brunswick, par exemple, est sur le point de sous-traiter la fonction de gestion de l'information du système de santé à une filiale de la Croix Bleue, une société privée. Donc, 740 000 personnes qui ignoraient cela à l'origine verront leur dossier médical contrôlé, en quelque sorte, par une société privée ayant son siège ailleurs, peut-être hors de notre atteinte en tant que législateurs.
Cela ne pose peut-être pas de problème du tout, mais n'y a-t- il pas un risque d'abus à l'intérieur de cette entreprise, s'il n'y a pas des cloisons coupe-feu entre la fonction de gestion et la fonction de vente, mettons? Y a-t-il là consentement véritable? Devons-nous donner notre consentement chaque fois que la structure change, chaque fois que les conditions fondamentales changent, comme dans cet exemple? Je ne donne peut-être pas un compte rendu fidèle et j'espère que l'on me reprendra si je me trompe, mais le groupe a vu là un exemple frappant des problèmes qui peuvent surgir.
Pour ce qui est des deux derniers points, le groupe voit le besoin d'une sorte d'organisation de contrôle indépendante pour superviser la manière dont les données sont recueillies et utilisées, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Le groupe n'est pas vraiment entré dans la question de savoir s'il s'agirait d'une commission de protection de la vie privée ou d'une commission des droits de la personne. Enfin, il a estimé que s'il doit y avoir une législation, la première tâche sera clairement de trouver un équilibre entre, d'une part, les droits, les besoins, la commodité et la sécurité de la société et, d'autre part, les droits de la personne qui sont souvent une gêne et une entrave à l'efficacité mais qui sont tout simplement essentiels.
Je vous remercie.
Mme Steeves: Quel camp a gagné?
M. John Godfrey: C'était un groupe divisé.
Mme Steeves: Je vous remercie, monsieur Godfrey.
[Français]
Monsieur Bernier.
M. Maurice Bernier: Un peu comme le relatait John, notre groupe n'a pas discuté de façon approfondie de l'un des trois cas. Nous avons fait un tour des trois cas soumis, et les participants ont conclu que ces cas correspondaient à leur réalité, qu'ils se reconnaissaient dans ces histoires. Tout comme John, nous sommes conscients que les nouvelles technologies sont un fait inéluctable; nous faisons face à une espèce de fatalisme par rapport à l'arrivée des nouvelles technologies. On se demande comment les contrôler et on en craint les graves conséquences sur notre vie privée. À titre d'individus, nous nous sentons dépourvus par rapport aux possibilités d'intervention.
Autrement dit, nous sommes d'accord sur le fait que l'individu qui est concerné par telle ou telle situation est souvent le dernier à en être informé; tout le monde, sauf lui, connaît son dossier.
Un de mes amis qui travaille dans le milieu médical me parlait du secret professionnel et me disait que tout le monde à l'hôpital, sauf lui, connaissait son dossier. C'est un peu la situation que nous disions vivre en nous penchant sur ces études de cas.
Nous reconnaissions également qu'il existait très peu ou pas de protection législative et que souvent aucun consentement n'était requis ou qu'il n'était pas donné de façon éclairée. On a également donné plusieurs exemples concernant l'utilisation du numéro d'assurance sociale qui, au début, il y a quelque 30 ans, avait un objectif très précis lié à l'assurance-chômage. Il est maintenant utilisé à toutes les sauces et à toutes sortes de fins. On a donné l'exemple d'Hydro-Québec, qui menace même de couper les services à des abonnés qui refuseraient de divulguer leur numéro d'assurance sociale. C'est assez invraisemblable.
On nous a aussi raconté une histoire vraie pour démontrer comment des gens pouvaient être pénalisés. On a demandé à deux dames enceintes qui risquaient de donner naissance à un enfant handicapé de se soumettre à des tests. Elles ont refusé et on leur a fortement recommandé de subir un traitement psychiatrique ou d'avoir recours aux services d'un psychiatre pour qu'elles comprennent bien les conséquences de leurs actes. C'est assez invraisemblable, mais c'est le genre de situation qui se produit dans la vie de tous les jours.
Nous avons discuté longuement de ces situations et en sommes arrivés à la conclusion qu'il était nécessaire de légiférer. Nous avons tous convenu qu'il devrait y avoir un cadre juridique qui réglementerait tant les juridictions fédérales que provinciales. Ce cadre juridique serait basé sur un certain nombre de principes, le premier étant bien sûr le consentement éclairé. Ce consentement présupposerait qu'un individu a toute l'information le concernant, qu'il peut avoir accès à ses dossiers, qu'il peut savoir ce que les autres savent de lui et qu'il peut également apporter les corrections nécessaires à ses dossiers. La base du consentement éclairé consiste à savoir ce que l'on sait de nous et à savoir ce que l'on veut faire de telle ou telle technologie, qui va l'utiliser et à quelles fins.
Nous insistons également, et c'est vraiment un point fort dont on a entendu parler pendant toute la semaine, sur la nécessité d'informer et de sensibiliser la population par rapport à ces nouvelles technologies. Le gouvernement a la responsabilité de faire en sorte que les gens en connaissent la portée.
Nous réclamons qu'on adopte une loi qui aura des dents et qu'on mette à la disposition de la population toutes les ressources nécessaires afin que cette loi soit appliquée. On a également souhaité qu'on fasse une distinction entre l'ombudsman et le commissaire à la vie privée et que ces deux ressources soient vraiment disponibles.
Finalement, un participant suggérait que si des compagnies font de l'argent avec l'information qui nous concerne, notre information personnelle, elles devraient peut-être nous verser des royautés. Les individus devraient pouvoir récolter des bénéfices quand on utilise de l'information à leur sujet.
Mme Steeves: Merci, monsieur Bernier.
Monsieur Scott.
[Traduction]
M. Andy Scott: Merci beaucoup.
Bien que les gens dans mon groupe vous diront que j'ai utilisé le tableau à feuilles volantes, je vais essayer de résumer à partir des notes que j'ai griffonnées dans le coin, car je ne voudrais pas que quiconque s'imagine que mon choix du feutre rouge est significatif.
Des voix: Oh, oh!
M. Andy Scott: Je ne peux que vous dire qu'en Alberta j'ai utilisé un feutre bleu.
Quoi qu'il en soit, nous avons eu l'avantage dans notre groupe d'avoir le scénario numéro quatre, en ce sens que nous avions une expérience tirée de la vie réelle d'un établissement du Nouveau- Brunswick, avec surveillance vidéo, en particulier les effets sur les travailleurs du fait que l'employeur fait surveiller les activités tout au long de la journée et également les répercussions sur le plan du secret médical, vu qu'il s'agit d'un hôpital.
Je me souviens qu'aux États-Unis, en 1968, un candidat à la vice-présidence a dû se retirer parce qu'on a su qu'il avait consulté un psychiatre. Notre groupe a donc voulu attirer l'attention sur cet aspect.
Mais le groupe semblait penser que la technologie existe et que nous nous ferons du tort à nous-mêmes si nous pensons pouvoir l'arrêter. C'est impossible. Nous pouvons peut-être la contrôler, la gérer et la réglementer, mais les moyens techniques sont là et ne disparaîtront pas. Il sera très difficile de contrôler la technologie, et peut-être faudrait-il commencer par mettre en question certaines choses que nous tenons pour acquises sur le plan de la protection.
Des participants ont fait valoir que les Canadiens ont tous encore l'impression que le sens du bien et du mal prévaut, que personne ne veut enfreindre la vie privée et que nous sommes tous protégés d'une certaine façon. Mais je pense qu'au cours des 90 dernières minutes, nous en sommes tous venus à réaliser que nous tenons un peu trop de choses pour acquises à cet égard. C'est pourquoi très peu de voix s'élèvent, car tout le monde se dit: «Oh, personne ne ferait cela».
Peut-être le meilleur indice de notre conviction instinctive que notre vie privée est protégée est-il que la plupart des gens ne se méfient pas de l'Internet. Je sais que mon fils de 12 ans s'est fait prendre à quelques reprises en train de faire des choses assez bizarres et parce qu'il ne se rendait pas compte qu'il n'y a pas de confidentialité sur l'Internet.
Notre groupe a mis le doigt sur un autre phénomène dont il faut prendre conscience. C'est peut-être moi qui ai forgé le mot, à moins que je m'approprie l'expression de quelqu'un d'autre: les «stéroïdes cognitifs». En gros, cela signifie qu'il y a tellement d'informations nouvelles que les gens en sont comme intoxiqués. Nous courons tous après, parce qu'elles existent.
Nous devons prendre conscience de la nécessité de nous contrôler, collectivement et individuellement. Cela nous a amenés à parler d'autoréglementation, par opposition à la réglementation collective et à la nécessité d'une éducation et du sens critique au moment de prendre les décisions.
Cela nous a conduits à la question du consentement éclairé. Nous avons disséqué à la fois la notion d'«éclairé» et les conditions à réunir pour qu'il puisse y avoir consentement éclairé.
Je dois dire que je suis fier du fait que Fredericton soit la première ville où un groupe ait fait valoir que si quelqu'un ne sait pas lire - on parle beaucoup du problème de l'illettrisme à Fredericton - comment cette personne pourrait-elle être éclairée? Si la solution consiste à placer une affichette sur un guichet automatique disant: «Vous êtes surveillé», cela n'apprend rien à une personne qui ne sait pas lire. Voilà un élément important.
Un autre est celui-ci: le consentement est-il réel si vous avez besoin du service offert et si la condition pour l'obtenir est de signer. Que se passe-t-il s'il n'y a pas une seule épicerie dans la région qui vous autorise à utiliser son service sans vous demander des renseignements? Il faut bien manger. Peut-on alors parler de consentement?
Nous nous sommes demandés ensuite si le problème est la collecte de renseignements ou l'usage qui en est fait, et nous avons exploré toute la question de l'utilisation secondaire. Peut- être est-ce positif d'avoir une surveillance vidéo dans un dépanneur pour la sécurité de l'employé etc., mais cela signifie-t- il que la caméra peut être dirigée sur le caissier pour voir s'il fait bien tout ce qu'il est censé faire? Quel est l'usage qui en est fait? Où est le bien et où est le mal? Quels sont respectivement les impératifs de la protection de la vie privée et ceux de la sécurité publique?
En gros, nous avons conclu qu'il faut réglementer la collecte de l'information et amener les gens à faire preuve d'esprit critique, et en même temps réglementer son utilisation, particulièrement au niveau de l'utilisation secondaire etc.
Cela nous a amenés à l'idée qu'il faut engendrer un meilleur sentiment de copropriété. En tant que travailleurs canadiens, employeurs etc., il nous faut reconnaître qu'il y a là un conflit de valeurs et que la seule façon de ne pénaliser personne est de prendre ces valeurs, de s'asseoir et d'essayer de dégager une sorte de consensus, afin que tout le monde participe des avantages et reconnaisse les périls associés à cette technologie.
Pour ce qui est des modalités pratiques, nous avons envisagé une espèce de charte des droits à la vie privée ou quelque autre déclaration qui énoncerait nos valeurs canadiennes. Même si elle était difficile à faire appliquer, le seul fait que nous, en tant que peuple, nous lèverions pour affirmer notre façon d'appréhender ces questions serait un atout pédagogique. Cela nous donnerait l'occasion d'élever le débat. Nous avons assez longuement discuté de la question de savoir si une valeur peut exister en l'absence de moyens de la faire respecter.
Nous avons parlé aussi des responsabilités des pouvoirs publics. Si les gouvernements préfèrent se voir en protecteurs, il est possible aussi qu'ils soient les premiers fautifs, dans le contexte de la fourniture de services qui exigent une forme de consentement, qui peut être éclairé ou non ou qui peut être volontaire ou non. Nous sommes donc en même temps ceux vers qui les citoyens se tournent pour les protéger et peut-être aussi les plus grands coupables. Cela nous impose une très grande responsabilité.
Nous avons terminé sur le constat qu'une action urgente est nécessaire. Il faut porter ce problème à l'avant-plan. Le sentiment du groupe, si je l'interprète bien, est que nous attachons une grande importance à la protection de la vie privée et que des mesures s'imposent parce que cette norme n'est pas respectée. Nous ne savons pas trop quels moyens utiliser, mais le groupe pense que le problème mérite que le comité et le gouvernement lui consacrent leur temps et leurs efforts, sans tarder.
Si j'ai mal exprimé les positions de notre groupe, je sais que les participants n'hésiteront pas à me le faire savoir.
Je vous remercie.
La présidente: Vous êtes probablement un membre de son association de circonscription.
Des voix: Oh, oh!
Mme Steeves: Je vous remercie, monsieur Scott. Je veux simplement vous signaler l'arrivée de M. Assadourian, qui est un membre du comité. Son avion a malheureusement été retardé.
Monsieur Assadourian.
M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Je suis de Toronto. J'ai été retenu à Montréal à cause de la grève d'Air Nova et d'Air Atlantique. Les compagnies ont annulé les vols. Quoi qu'il en soit, je suis ravi d'être arrivé. Merci beaucoup.
Mme Steeves: Nous sommes heureux que vous soyez là aussi. Avant d'ouvrir les micros dans la salle, nous aimerions donner à nos experts la possibilité d'ajouter quelques mots, le cas échéant. Nous commencerons par David Townsend, s'il vous plaît.
M. David Townsend (faculté de droit, Université du Nouveau-Brunswick): Merci, Valerie. Ma tâche a été très facile, grâce à Jean Augustine et aux membres du groupe vert. Ils étaient réellement les experts et mon rôle s'est limité à celui de facilitateur.
J'aimerais dire un mot ou deux sur ce que les membres du groupe ont en commun, et ensuite sur certaines de leurs divergences. Ces dernières portent surtout sur les solutions.
Pour ce qui est des points communs, j'ai constaté beaucoup d'émotion sincère dans le groupe. On y ressentait véritablement une menace, un risque, celui de voir la technologie échapper à notre contrôle, de perdre le contrôle de vie. Il y avait un certain manque de confiance, en particulier envers le secteur privé, sur le plan de la vie personnelle des gens et leur situation professionnelle. C'est surtout du côté du secteur privé, et moins du secteur public, que cette menace semblait être perçue.
Pour ce qui est des divergences au sein du groupe, il y avait ceux qui se préoccupaient surtout du rôle de l'individu et ceux qui se préoccupaient surtout du rôle du gouvernement.
Le rôle de l'individu... Les participants rangés dans ce camp estimaient pouvoir négocier leur protection dans ce contexte. Autrement dit, si on vous avertit que vous êtes enregistré, vous pouvez éviter cette surveillance. De même que vous avez à signer un formulaire de consentement détaillé avant traitement médical, qui vous permet de contrôler le type de consentement que vous donnez, s'il existait un formulaire détaillé pour la communication de renseignements, chacun pourrait décider en connaissance de cause quels renseignements communiquer et savoir à quelles fins.
Le rôle des pouvoirs publics... Les participants disaient avec force que le gouvernement devrait se retrousser les manches et faire quelque chose. Cette responsabilité lui incombe. Le gouvernement a introduit certaines technologies, d'une certaine façon, mis en place certains protocoles - par exemple, le numéro d'assurance sociale. Une fois que le gouvernement joue un rôle dans la mise en place d'une technologie ou d'un moyen d'identification particulier, alors il a certaine responsabilité consistant à surveiller leur utilisation.
Ils ont parlé de choses telles que l'établissement de protocoles au niveau de l'administration gouvernementale régissant l'accès à l'information, qui peut accéder à quoi, l'établissement de cloisons coupe-feu, ce genre de choses.
Pour ce qui est de ma position personnelle sur les observations des deux camps, je partage certainement la crainte et l'émotion communes. Pour ce qui est des protections négociées - le rôle de l'individu - je doute beaucoup de notre capacité à négocier notre protection dans ce contexte.
Ce chiffre est variable et j'en ai entendu différentes interprétations, mais j'ai entendu dire que le Canadien moyen n'a qu'une capacité de lecture du niveau de la huitième année et ne comprend qu'environ 60 p. 100 de ce qu'il lit. Mon expérience de juriste me dit que lorsqu'on donne des formulaires de consentement détaillés aux gens, il faut réellement se demander dans quelle mesure ils sont capables de les lire et de prendre une décision éclairée concernant ce à quoi ils consentent et ce qu'ils autorisent.
L'une des préoccupations soulevées par le groupe et que je partage moi-même est la question de savoir si les jeunes d'aujourd'hui n'ont pas été tellement observés et surveillés dans leur vie quotidienne qu'ils sont devenus quelque peu désensibilisés par rapport au problème de la protection de la vie privée. Si c'est le cas, c'est inquiétant pour l'avenir.
En ce qui concerne le rôle du gouvernement, certains membres du groupe réclamaient très vivement une intervention du gouvernement. La petite réserve que je ferai à cet égard, c'est que, quoi que fasse le comité, il ne pourra recommander un rôle énormément plus grand car en cette période de restrictions budgétaires, il est tout simplement exclu que des crédits importants soient débloqués pour quoi que ce soit.
J'ai trouvé excellente la suggestion d'un des membres: dans la mesure où la technologie permet au gouvernement de réaliser des économies, peut- être le gouvernement devrait-il être tenu d'en consacrer une partie à la protection de la vie privée. Si le recours à une technologie particulière aux frontières lui permet de réduire les effectifs de douaniers, peut-être faudrait-il lui imposer d'investir un certain pourcentage de cette économie à cette fin.
Un autre aspect du rôle du gouvernement est que celui-ci peut prendre la forme de sanctions après coup. Si le gouvernement avait des protocoles impératifs, ou un cloisonnement ou quelque chose du genre, si une personne s'aperçoit que les règles ont été enfreintes, le gouvernement serait obligé de poursuivre en justice.
Ma seule réaction à cela est que le préjudice et le risque sont si grands, comme il ressort de certaines des notes détaillées qui ont été distribuées, qu'une fois la confidentialité rompue, il n'y a pas de réparation possible. Punir les contrevenants après le fait sera une piètre consolation pour la personne qui ne retrouvera jamais son anonymat si, mettons, une municipalité découvre qu'elle est atteinte du SIDA ou quelque chose du genre.
Je n'envie certainement pas le travail du comité permanent et tous mes voeux l'accompagnent.
Mme Steeves: Je vous remercie, David. Ron.
M. Ron Byrne (Atlantic Human Rights Centre, St. Thomas University): Au risque d'infirmer un stéréotype ou un cliché, pour ceux qui me connaissent, je vais essayer d'être bref. Ce n'est pas toujours facile pour moi, tant à cause de ma formation de juriste que du fait que, moi aussi, je suis de Terre-Neuve. Il y a beaucoup de sang irlandais en moi.
Comme David, l'une des choses qui m'a le plus impressionné est que ma tâche de facilitateur a été très facile. À tel point que je n'ai pas tant facilité les échanges que j'y ai participé activement, ce que j'ai fait avec grand plaisir.
M. Scott a résumé les avis du groupe et, en réfléchissant à ce que j'allais dire dans cette «catégorie d'expert», je me suis dit que j'allais peut-être simplement vous faire part de mes opinions propres concernant la direction dans laquelle il faudrait s'engager dans tout le domaine de la protection de la vie privée face aux technologies de l'information.
Je vais tout de suite vous faire part de mes partis pris. Mon premier parti pris est que je considère véritablement le droit à la vie privée comme le droit le plus fondamental. Je tiens à l'assurance que mes actes, dans la sphère privée et peut-être même dans une certaine mesure dans la sphère publique, m'appartiennent. L'assurance que mon droit à la vie privée est protégé m'encourage à exercer ma liberté de parole ou ma liberté d'association ou ma liberté de croyance, etc.
Je suis sincèrement et fermement convaincu qu'il faut trouver un équilibre. Il est clairement apparu dans notre groupe que, dans une certaine mesure, le droit à la vie privée, comme la plupart des autres droits mais peut-être encore davantage, fait ressortir le heurt entre les droits individuels et les droits collectifs et la nécessité de trouver un équilibre. Notre groupe n'a pas fait exception, nous avons longuement parlé de la nécessité de trouver un équilibre entre ces intérêts.
C'est peut-être un lieu commun, mais je pense que la seule façon de réaliser cet équilibre est par un échange de vues, par la communication et le débat sur toute la question de la vie privée, ce qui nous ramène à l'éducation. Sur ce dernier plan, l'une de mes préoccupations est de voir que nombre d'entre nous, chaque jour, chaque heure, chaque minute, renonçons sans le savoir à notre droit à la confidentialité. Dans bien des cas, nous ne sommes pas suffisamment renseignés sur la technologie pour seulement nous rendre compte que l'information que nous donnons peut être utilisée sous une forme et dans un cadre entièrement différents.
À mes yeux, il est très important de sensibiliser le consommateur au problème, ce qui signifie que tant le collecteur que l'utilisateur de ces renseignements ont la responsabilité d'éduquer ce consommateur. Je pense qu'il nous faut des mécanismes pour cela, pour garantir que cela se fasse.
Je ne suis pas entièrement méfiant à l'égard de l'entreprise, pas plus qu'à l'égard des individus ou des gouvernements. Mais je pense qu'il est extrêmement important que nous tous, en tant qu'individus, oeuvrions de concert pour essayer de mettre en place des protocoles pour prévenir l'utilisation ou l'entreposage inappropriés ou tout ce qui dans les technologies nouvelles peut porter atteinte à notre droit à la vie privée.
Ce que je vais dire trahit un peu du fasciste de droite en moi. J'estime qu'il faut une forme de sanction. Je ne pense pas que les belles déclarations d'intention, en soi, suffisent. C'est pourquoi, franchement, je ne pense pas que la plupart des codes d'entreprise et codes professionnels vont être efficaces. Je pense qu'ils ne représentent qu'un élément de la solution; il faut mettre en place d'autres mécanismes.
Quand on parle de vie privée et de technologie, j'ai parfois l'impression que chacun se cantonne dans un splendide isolement. Ne croyez pas que je sois ennemi de la technologie; au contraire, je suis un mordu de toutes les techniques nouvelles, de tout ce qui est nouveau et dans le vent. Ne prenez donc pas ce que je vais dire comme une attaque contre la technologie. Mais je pense que cet isolement existe, que beaucoup de gens qui apprécient la technologie le font sans restriction, sans nuance. Ils la voient comme merveilleuse, sans réserve et sans nuance.
À l'inverse, ceux qui se préoccupent des droits de la personne et se soucient de les protéger ne voient souvent rien de bon dans la technologie. Elle est toute mauvaise. Elle est tout envahissante. Ce ne sont que des choses horribles qui nous réduisent à l'impuissance face au «Grand Frère» tout-puissant qui nous épie.
Je pense que la vérité se situe quelque part entre les deux. Je pense que plus ceux dans le camp des droits de la personne prêtent attention à la technologie et se familiarisent avec elle et, inversement, ce qui est tout aussi important, plus ceux que j'appelle les mordus de la technologie en sauront sur les considérations humanitaires et les dangers pour les droits de la personne... c'est réellement ainsi que l'on pourra instaurer la meilleure protection. Cela réduira les craintes irrationnelles, mais nous permettra aussi de cerner les raisons rationnelles de s'inquiéter. Ensuite, on pourra trouver les solutions.
Qu'en dites-vous? N'ai-je pas été relativement bref?
Mme Steeves: C'était pas mal. Merci beaucoup de ces remarques.
Bill.
M. Bill Hall (Secrétariat de l'autoroute de l'information du Nouveau-Brunswick): Merci beaucoup. Je me suis réellement amusé. Comme Ron, je n'ai pas eu à beaucoup jouer le rôle de facilitateur. Les membres du groupe ont pris les choses en mains et nous avons eu un échange d'information agréable. Comme vous pouvez le voir sur mon étiquette manuscrite, je suis un expert récemment découvert dans ce domaine. Je n'ai pas l'habitude de faire des conférences dans les universités, comme mes deux collègues ici, et je vais donc tenter d'être réellement bref.
M. Byrne: Voyons voir de quoi vous êtes capable.
M. Hall: Mon point de vue peut se résumer ainsi. Il me semble que le facteur essentiel pour ce qui est de la protection de la vie privée, c'est que nous soyons bien informés, d'une façon très large et générale. Je ne parle pas ici du consentement, bien que cet aspect aussi soit essentiel. Je pense que des choses comme les trois études de cas qui nous ont été présentées devraient être diffusées dans le public. Les gens devraient pouvoir comprendre les risques chaque fois qu'ils donnent leur numéro d'assurance sociale à quelqu'un qui le demande ou comprennent les possibilités d'abus de la surveillance vidéo. Il faut réellement un effort concerté pour informer le Canadien moyen de ces choses. S'ils n'ont tous qu'une capacité de lecture du niveau de la huitième année, au maximum, il faut en tenir compte, mais s'efforcer néanmoins de faire comprendre aux gens ce qu'implique la communication de renseignements, ce qui peut arriver et ce qu'ils peuvent faire.
Un autre élément qui est ressorti dans notre groupe, et je suis sûr dans d'autres aussi, c'est l'impossibilité d'arrêter la marche technologique. C'est comme la muraille de Chine. On ne peut arrêter ce mouvement, il va se poursuivre. Il faut donc se donner les moyens de protéger les droits de l'individu. Les gens doivent savoir à quel usage leurs renseignements personnels pourraient être exploités et pouvoir limiter cette utilisation. Il faut pour cela une législation. Il faut pouvoir sanctionner. C'est bien joli de se payer de belles paroles, mais il faut des sanctions suffisamment dissuasives pour que les gens y réfléchissent à deux fois avant d'abuser des renseignements confidentiels qui leur sont confiés.
C'est tout ce que j'avais à dire. Merci beaucoup de m'avoir donné la parole.
Mme Steeves: Nous allons maintenant donner la parole aux membres de l'auditoire qui veulent intervenir. Lorsque vous aurez le micro, nous vous prions de donner votre nom aux fins duprocès- verbal.
M. Michael MacDonald (participant à titre individuel): Je me nomme Michael MacDonald. J'aimerais aborder un certain nombre de points.
Tout d'abord, vous n'êtes pas les seuls à vous débattre avec ce problème. Je travaille avec l'Association canadienne de l'informatique. C'est une association professionnelle. Je travaille actuellement pour l'université. Nous sommes en train d'élaborer des lignes directrices sur le respect de la vie privée et l'informatique. Elles sont sous forme d'ébauche. Elles ne sont pas encore publiées.
Nous sommes un groupe d'environ 6 000 informaticiens canadiens qui se sont rassemblés et qui savent qu'il y a là un problème fondamentalement épineux qu'il faut étudier plus à fond. Les lignes directrices opérationnelles sont imminentes.
La Société canadienne de l'informatique et le Atlantic Human Rights Centre travaillent de concert. Nous organisons une conférence les 27, 28 et 29 avril prochain, ici à Fredericton, qui portera sur le respect de la vie privée et l'informatique. Je vous encourage tous à venir. L'auteur du code modèle de respect de la vie privée de l'Association canadienne de normalisation y sera. Un certain nombre de personnalités très éminentes et certains des meilleurs esprits du pays y seront. Je vous encourage tous à y aller.
Je vais maintenant enlever ma casquette de vendeur et parler des autres questions.
Une chose que je juge importante est que le Canada se trouve dans une situation très enviable, en ce que le public fait généralement confiance au gouvernement. Statistique Canada fait l'émerveillement dans le monde entier pour sa capacité à poser aux gens des questions et à obtenir des réponses. En Allemagne, ce n'est pas du tout le cas. Dans beaucoup de pays, le gouvernement ne jouit d'aucune confiance. À moins que le Parlement n'agisse d'une manière décisive, il y aura une perte de confiance irréversible et cela aura des conséquences très sérieuses.
Un autre point qui a été soulevé dans notre groupe, et je ne sais pas si cela a été couvert, est que le consentement doit être véritablement éclairé et doit être assorti d'un processus de vérification, de façon à éviter les problèmes tels que le «dérapage fonctionnel».
Merci beaucoup.
La présidente: Michael, avant de vous rasseoir, j'aimerais vous demander quelque chose. Nous tous dans ce comité avons admiré le dynamisme manifesté par l'Association canadienne de normalisation et l'appui rencontré par son code modèle. Cependant, il nous incombe d'aborder le respect de la vie privée dans une perspective des droits de la personne plutôt que du point de vue de l'éthique commerciale des entreprises.
Je dis cela parce que vous venez de mentionner que vous allez à l'assemblée nationale à Toronto, je crois. Je me demande dans quelle mesure le code reflète les opinions, préoccupations et angoisses exprimées aujourd'hui. Dans la négative, pensez-vous que vous devriez vous pencher d'un peu plus près sur les intérêts de l'individu? Percevez-vous ces besoins, par rapport aux pratiques commerciales? C'est là toute la question du consentement éclairé, du consentement véritable et la question de l'accès au dossier sur soi-même de façon à pouvoir en vérifier le contenu.
M. MacDonald: Je ne suis pas membre de l'ACN; je fais partie de l'Association canadienne de l'informatique. C'est une association professionnelle. Nous sommes...
La présidente: Mais vous êtes membre de ce groupe.
M. MacDonald: Non.
La présidente: Non?
M. MacDonald: Seulement une organisation parallèle.
La présidente: D'accord, je n'avais pas saisi.
M. MacDonald: Nous sommes une association professionnelle, un peu comme une association professionnelle d'ingénieurs. Nous travaillons sur le code modèle de l'ACN. Nous avons apporté ce que nous considérons être un certain nombre d'améliorations, et nous en faisons la promotion auprès de nos membres pour leur faire comprendre la nécessité d'une réflexion sérieuse sur les problèmes de respect de la vie privée. Des éléments tels que la vérification sont importants, pour assurer qu'il y a non seulement consentement éclairé au début, c'est-à-dire que la personne qui signe le formulaire sache bien à quoi elle s'engage, mais aussi que les systèmes que nous élaborons autorisent une vérification de la fonction.
La présidente: Voyez-vous également ce besoin au moment où Terre-Neuve songe à mettre en place de nouvelles lignes directrices ou de nouvelles procédures plus efficientes et plus efficaces. On l'a vu aussi à l'Hôpital de Vancouver. L'Hôpital de Vancouver achète un nouveau logiciel d'archivage de ses données. Cela devrait lui rapporter une économie de 20 millions de dollars.
Est-ce que vous travaillez à l'intégration des garde-fous technologiques - le codage, le cloisonnement - dès le stade de l'élaboration du système informatique, de façon à ce que la protection que tout le monde ici semble rechercher existe dès le départ, c'est-à-dire que l'objectif, l'utilisation, l'accès et l'information fassent tous partie des éléments protégés de la technologie mise au point par les membres de votre groupe?
M. MacDonald: C'est une question extrêmement complexe. Je suppose que la réponse l'est aussi.
Nous sommes de plus en plus sensibilisés aux préoccupations relatives au respect de la vie privée. Les questions que vous avez soulevées font partie de celles que nous examinons sérieusement et cherchons à cerner. Bon nombre des logiciels mis au point répondent à vos critères, mais beaucoup d'autres ne le font pas. Les systèmes de cette nature exigent une structure de gestion professionnelle, une organisation professionnelle. Tout comme vous avez besoin d'un ingénieur professionnel pour certifier la conformité d'un pont, vous aurez besoin d'un informaticien professionnel connaissant bien le problème du maintien de la confidentialité pour certifier que les systèmes mis au point et les logiciels qui sont élaborés correspondent à ces normes.
L'ACI regroupe un certain nombre d'organisations professionnelles du pays. L'accréditation professionnelle est une responsabilité provinciale. La Nouvelle-Écosse a déjà la désignation professionnelle d'informaticiens de l'Association canadienne de l'informatique... enregistrée comme société professionnelle. La Colombie-Britannique y travaille. L'Ontario y travaille. L'Alberta y travaille. Cela commence à se répandre dans le pays, mais c'est loin d'être fait.
L'un des codes sur lesquels nous travaillons est celui de la vie privée. Si vous voulez exercer comme informaticien dans le pays, voilà le type de code que vous devrez suivre. Cela vient, mais ce n'est pas encore fait. Nous y travaillons.
La présidente: J'en suis très heureuse, car c'est l'une des préoccupations que nous avons entendues à travers le pays et l'un des besoins qui nous ont été exprimés. Je vous remercie grandement de votre présence et du fait que vous réfléchissez à ces problèmes, notamment certains des développements futuristes auxquels nous songeons tous, comme la montre de Dick Tracy. En fait, nous avons déjà dépassé ce stade, nous avons dépassé Superman - je ne sais pas pour arriver à quoi, mais peu importe... Merci beaucoup.
Monsieur Assadourian, vous aviez une question.
M. Sarkis Assadourian: J'ai une question, non pas pour ce monsieur, mais d'ordre plus général.
Quelqu'un a mentionné tout à l'heure, et cela m'inquiète, que le Nouveau-Brunswick envisage de confier la gestion des archives médicales à une société ou une filiale de la Croix Bleue. Est-ce exact?
M. Randy Dickinson (Conseil du premier ministre sur la condition des personnes handicapées): Oui. C'est fait.
M. Sarkis Assadourian: Que se passe-t-il si une société est rachetée par un gouvernement étranger hostile? Qu'advient-il des renseignements sur moi que possède la société? Une société étrangère ou un gouvernement étranger va être en possession de renseignements sur moi. Que se passe-t-il alors? Ce problème est-il réel ou non?
La présidente: C'est une question très importante.
M. Sarkis Assadourian: Confier cela à des petites ou grandes entreprises pour économiser l'argent du contribuable, très bien, mais il faut un contrôle. Tout le monde sait bien que l'URSS n'existe plus. Mais que se passerait-il si l'URSS avait mis la main sur ces renseignements? Le KGB aurait un dossier sur ma santé, n'est-ce pas? C'est aberrant.
La présidente: Nous allons garder cela à l'esprit, Sarkis, lorsque nous aurons les réactions de l'auditoire qui nous suit sur Internet et de gens comme vous. Je vous remercie d'avoir soulevé la question.
M. Dickinson: Je ne parlerai pas du KGB...
La présidente: Vous pourriez bien le faire, ainsi que de la CIA, du CSRS et de tous les autres services de renseignement.
M. Dickinson: Je suis membre du Conseil du premier ministre sur la condition des personnes handicapées. Je vais me concentrer particulièrement sur la question des renseignements médicaux et relatifs à l'invalidité. J'ai apprécié tout ce qui a été dit ce matin sur l'élaboration de codes, l'éthique professionnelle etc. Tout cela est bien joli comme cadre de référence, mais notre expérience montre que s'il n'y a pas une loi protégeant la confidentialité...
Étant donné les technologies nouvelles aujourd'hui employées, il faut des méthodes claires pour prévenir les méfaits de gens qui ne sont pas aussi scrupuleux et honnêtes que nous tous ici. Lorsqu'il y a un profit à faire en vendant des renseignements sur des personnes... que ce soit la liste des produits que vous achetez à l'épicerie saisie par la caisse enregistreuse... et surtout lorsque vous demandez des prestations d'assurance-maladie ou décidez d'avoir un avortement ou non parce que des tests génétiques indiquant la présence éventuelle - non pas certaine - d'une maladie chez l'enfant en gestation...
Nous pensons qu'il est très important que chacun puisse choisir à qui donner accès à ses données médicales personnelles etc. Il y a certainement des cas où le public a le droit d'accéder à certains types de renseignements pour certaines fins, mais notre sentiment en ce moment est que la technologie permet la divulgation de quantité de renseignements sans le consentement préalable express de l'intéressé.
On s'en sert pour des fins commerciales. Il peut aussi y avoir des conséquences financières personnelles pour ceux qui se voient refuser certains avantages, pas seulement une police d'assurance mais aussi, comme le scénario l'indiquait, une hypothèque, la participation à un régime d'assurance-maladie, un emploi - sous prétexte d'un risque potentiel - ou jusqu'au cas extrême de l'avortement.
Nous aimerions que toute législation ou mécanisme que vous mettrez en place définisse clairement le droit de l'individu à la propriété des renseignements sur sa personne et d'accéder à toute base de données contenant des renseignements sur soi.
La partie de la base de données intéressant cette personne devrait être communiquée d'abord à l'intéressé avant d'être transmise à toute tierce partie. Les renseignements recueillis pour une fin donnée ne peuvent être communiqués à autrui sans le consentement express et éclairé de l'intéressé.
Encore une fois, s'agissant de beaucoup de renseignements, nous ne sommes plus seulement en 1984; nous sommes en 1997. Nous avons déjà dépassé ce stade.
La crainte des personnes handicapées tient beaucoup aux pressions économiques qui s'exercent sur le système de santé etc. L'eugénisme n'est plus seulement une pratique d'avant la Seconde Guerre mondiale. Il est redevenu un sujet d'actualité dans le domaine de la santé publique et le programme du secteur privé visant les programmes et avantages sociaux.
J'espère que le gouvernement fédéral fera preuve d'initiative de façon à protéger l'avenir de tous les Canadiens, et en particulier de ceux qui ont des raisons très précises de s'inquiéter.
Je vous remercie.
Mme Steeves: Très bien dit. Je vous remercie, Randy.
La présidente: Oui, allez-y.
M. Andy Scott: Je voudrais simplement revenir un peu sur ce que Randy a dit, pendant juste une seconde. L'un des autres avantages de ce débat est de mettre en lumière la discrimination systémique exercée à l'égard des Canadiens handicapés.
Sur le plan des divers types de décisions déterminées par des considérations économiques et d'efficience, l'une des conséquences prévues ou imprévues de ce débat est qu'avec la multitude de tests médicaux réalisés aujourd'hui, on constate que nombre d'entre nous présentons une particularité génétique qui permet que ces décisions discriminatoires soient prises à notre détriment.
Ainsi, la masse critique des Canadiens qui se sentent particulièrement menacés par ce type de discrimination augmente, au fur et à mesure que l'on découvre que très peu d'entre nous n'ont pas quelque donnée quelque part dans le système qui permettrait à une compagnie d'assurances ou à quelqu'un d'autre de prendre une décision nous pénalisant.
Par conséquent, l'un des avantages - si on peut l'appeler ainsi - est le fait que le nombre de Canadiens qui se sentent concernés par ce que je viens de dire augmente très rapidement.
M. Dickinson: Puis-je juste ajouter un mot? Ce n'est pas de la paranoïa non plus.
Une voix: Bravo, bravo!
M. Dickinson: Je me fonde sur des centaines de cas réels dont j'ai eu à connaître. Des renseignements tirés du dossier médical personnel ou des renseignements de nature financière se retrouvent dans quantité d'endroits que les intéressés ne soupçonnaient pas, ou ne voulaient pas voir aboutir là, sinon ils n'auraient jamais donné leur consentement.
Le travail de votre comité est donc extrêmement opportun. Nous ne sommes pas contre la technologie ni l'informatique. Simplement, nous pensons qu'il faut s'en servir pour le bien de la collectivité et qu'il faut protéger les citoyens. Ne permettons pas que ces techniques soient exploitées par des gens qui n'ont pas les mêmes normes morales que ceux réunis ici aujourd'hui.
La présidente: Je vous remercie. Soyez assuré que nous allons prendre en compte de très près cet aspect dans nos réflexions. Vous avez des amis et des collègues à travers le pays qui partagent vos craintes et pas seulement dans le milieu des handicapés.
Quelqu'un d'autre souhaite-t-il la parole? Oui.
M. Don McNaughton (comparution à titre personnel): Ma société s'occupe de systèmes de sécurité industrielle. Je peux vous dire, à ce titre, que ce secteur est en train d'éprouver les limites du respect de la vie privée.
C'est un secteur d'activité très peu réglementé et presque dépourvu de normes. Il emploie des professionnels qui sont des experts dans leur domaine, tels que détectives privés, experts en caméra de télévision en circuit fermé, systèmes d'alarme et détecteurs de mensonge. Ces derniers utilisent différentes méthodes telles que le polygraphe pour déterminer si une personne dit la vérité.
De ce fait, nous sommes très intéressés de voir ce que votre comité recommandera pour l'avenir et en particulier ce qu'il dira de la technologie utilisée dans notre industrie à des fins commerciales.
C'est une industrie d'envergure internationale et nos normes sont en partie fixées par les pouvoirs publics et en partie par le fait que nous utilisons des méthodes d'espionnage industriel pour déterminer quel produit est bon, quel produit est mauvais, comment il est utilisé, si les gens disent la vérité ou s'ils cherchent à commettre une escroquerie etc.
De ce fait, toute réglementation qui pourra être adoptée et qui retentira sur nous aura des répercussions très lointaines et nous vous demandons d'être très prudents dans vos recommandations pour l'avenir.
Je vous remercie.
La présidente: Je pense que c'est important pour...
J'ai une réponse aussi, mais allez-y d'abord, John.
M. John Godfrey: Ai-je raison de penser que, de manière générale, une réglementation serait une bonne chose pour votre secteur qui en est dénué? Serait-ce une bonne chose pour les entreprises honorables et honnêtes, mais qui se trouvent toujours menacées par de nouveaux venus moins scrupuleux, pourvu que cette réglementation soit raisonnable et précédée de consultations? Est- ce que cela n'améliorerait pas tant la réputation que la qualité du travail que vous faites?
M. McNaughton: À l'heure actuelle, la réglementation est provinciale. Jusqu'à présent, les normes fixées par les gouvernements provinciaux se préoccupent surtout de la perception des droits de licence pour chaque vigile ou détective privé.
L'industrie elle-même cherche à changer cela, mais je pense qu'il ne faut pas trop compter sur des initiatives de sa part, car la motivation est le profit. C'est une activité commerciale, et qui n'a rien à voir avec la déontologie et la morale, sauf peut-être chez certains de ceux qui exercent ce métier.
Nous aimerions...
La présidente: Avez-vous dit que cette industrie n'a rien à voir avec la déontologie et la morale qui devraient s'imposer à tous les Canadiens?
M. McNaughton: Les personnes individuellement, oui. Elles ont leur propre morale et leurs propres valeurs déontologiques.
Cependant, vu la concurrence, il y a beaucoup de latitude dans la manière dont cela est interprété ou appliqué lorsqu'il s'agit de trouver le renseignement que veut votre client.
La présidente: Il me semble alors que la question de M. Godfrey est d'autant plus pertinente, vu que les Canadiens souhaitent... Je pense que, pour la plupart, les Canadiens se font mutuellement confiance dans notre société du partage. Cela fait partie des valeurs canadiennes. C'est un peu une valeur générale qui nous lie en tant que peuple, qui nous différencie en tant que peuple.
Il me semble que le praticien sans morale qui adore les histoires d'espionnage et qui utilise la technique la plus récente et le dispositif d'écoute le plus nouveau, sans hésitation ni doute moral, n'est pas le bienvenu sur la scène canadienne, et il me semble que vous devriez aspirer à une réglementation.
Ce n'est pas nécessairement de notre ressort. Je pense que le Comité de l'industrie et celui de la justice feront sans doute en sorte que le protocole ou la loi qu'ils prévoient de présenter avant l'an 2000 encadre quelque peu votre profession.
Mais vous ne pouvez certainement pas dire que les Canadiens se moquent de l'éthique. Je ne pense pas qu'ils soient fous du SCRS et de la CIA ni de quiconque de cet acabit.
M. McNaughton: Absolument.
La présidente: J'espère donc que vous accueillerez à bras ouverts toute intervention prochaine et vous recevrez bientôt un Livre blanc qui va examiner ces questions. Nous serons intéressés à connaître vos réactions le moment venu.
M. McNaughton: Je vous remercie. Comme je l'ai dit, les compagnies canadiennes aspirent à des «normes». Malheureusement...
La présidente: Vous dites donc que vous souhaitez un encadrement?
M. McNaughton: ... nous sommes en concurrence avec des «organisations» internationales qui font de l'espionnage et avec des enquêteurs privés qui travaillent des deux côtés de la frontière, et ignorent les frontières.
Ce sont donc là nos concurrents et leurs normes sont très différentes des nôtres.
Nous n'avons pas, pour le moment, de normes pour nous guider. Nous serions heureux d'en avoir quelques-unes.
La présidente: Merci beaucoup.
Quelqu'un d'autre souhaitait-il intervenir? Aimeriez-vous ajouter quelque chose à cela, John?
M. John Godfrey: Non, j'ai simplement trouvé le sujet fascinant.
La présidente: Monsieur Vink.
M. Gerry Vink (Newfoundland/Labrador Human Rights Association): L'intervenant précédent a abordé un sujet que nous avons effleuré dans notre groupe de discussion. Je veux y revenir.
La technologie est de nature telle qu'elle ne connaît pas de frontières. C'est un fait, et nous le savons.
Un certain nombre de conventions internationales ont été adoptées pour régir la plupart des droits humains. Je pense qu'il nous incombe, et j'entends par là le gouvernement canadien et le peuple canadien, de prendre l'initiative pour tenter d'obtenir la mise en place de normes internationales sur le plan du respect de la vie privée, quelque chose comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ou la Convention sur les droits de l'enfant etc.
Une fois que nous aurons un tel instrument, il deviendra plus facile d'établir des règlements nationaux, qui me paraissent nécessaires et dont je suis fervent partisan. Nous aurions alors une réglementation nationale qui serait le pendant d'autres réglementations nationales à l'étranger.
J'invite votre comité à recommander que le gouvernement oeuvre en faveur de l'adoption d'une convention internationale sur le respect de la vie privée face aux nouvelles technologies.
Je vous remercie.
La présidente: Avez-vous eu l'occasion, monsieur, d'examiner la nouvelle législation sur le respect de la vie privée de l'Union européenne et de l'OCDE? Le mouvement est lancé, mais ces textes n'entreront en vigueur à l'échelle internationale qu'en 1998.
M. Vink: Non, mais vous avez mentionné cela ce matin. Je n'ai pas vu ces textes.
La présidente: Si vous souhaitez en avoir des exemplaires et si vous n'êtes pas relié à Internet, je suis sûre que notre greffier vous en fera parvenir.
M. Vink: Mais cela n'empêche pas qu'il faut travailler à l'échelle internationale.
M. John Godfrey: Avec nous.
La présidente: Je dirais qu'il faut commencer par nous.
Merci beaucoup; je pense que c'est un aspect important.
Mme Liz Burge (Université du Nouveau-Brunswick): J'interviens maintenant en tant que présidente de l'Association canadienne pour l'enseignement à distance.
Le Canada est considéré de longue date comme un pionnier de l'apprentissage libre et à distance, lequel fait maintenant appel à un nombre croissant de technologies de transmission et de communication.
Ayant écouté parler diverses personnes ce matin, je me dois de vous demander, au nom de l'association, de prendre en considération l'importance de l'éducation à distance dans notre pays, où les apprenants sont dans une relation de pouvoir avec les enseignants et les enseignants dans une relation de pouvoir avec les établissements.
Il y a un énorme potentiel d'empiétement sur la vie privée et d'abus des droits de la personne en ce moment. Ce que je dis vous paraît peut-être mélodramatique, mais j'essaie de mettre en lumière le problème.
On oublie souvent l'éducation à distance, car elle n'est pas visible. Il n'y a pas de murs, il n'y a pas de fenêtres ni de portes que l'on puisse voir. C'est une énorme industrie au Canada. Par exemple, les chiffres de Statistique Canada nous indiquent que 500 000 adultes canadiens suivaient des études à distance en 1993.
Rien qu'en Ontario, où j'ai habité de 1980 à 1993, plus de 90 000 adultes passaient leur diplôme d'études secondaires en suivant des cours à distance dispensés par le ministère de l'Éducation ontarien.
Les chiffres sont énormes. On fait appel de plus en plus à la technologie. Des intérêts commerciaux se profilent derrière la plupart de ces technologies.
Notre association défend les droits des étudiants et des enseignants et promeut l'utilisation appropriée de la technologie. Je vous demande donc de prendre en considération tout ce domaine éducatif, qui concerne tant les adultes que les enfants, sous l'angle des droits de la personne.
M. John Godfrey: Pourriez-vous nous expliquer un peu quels sont les abus...? Y a-t-il des abus dont vous avez connaissance à cause de cette technologie? Quelles sont vos craintes?
Mme Burge: Je peux vous donner deux exemples, John, dont l'un qui m'est arrivé.
J'enseigne. J'enseigne à distance et j'ai recours principalement aux audioconférences, mais je commence aussi à utiliser l'Internet.
Je me suis fait prendre il y a plusieurs années au Nouveau- Brunswick parce que je supposais que notre classe audio du Nouveau- Brunswick - 30 étudiants répartis en cinq endroits, tous reliés par téléphone - était à l'abri des oreilles indiscrètes. Nous avons commencé à critiquer une technologie payée par le gouvernement. À mon insu, les fonctionnaires dans les sites répétaient mes propos à l'administration centrale. On m'a fait des remontrances.
Il y a eu d'autres exemples. Il faut vraiment être très prudent avec l'Internet. Dans mon université, il s'est déjà produit quelques cas où des pirates informatiques sont intervenus dans des discussions de classe que nous pensions confidentielles. Il y a là des risques très sérieux.
La présidente: Pourquoi pensiez-vous qu'il y avait confidentialité sur l'Internet?
Mme Burge: Parce que c'est une tradition académique voulant que ce qui se passe dans un cours soit confidentiel.
Je me suis fait prendre dans un environnement de conférence audio, mais cela va arriver encore davantage, je pense, sur l'Internet, même avec le recours à des mots de passe.
La présidente: C'est comme le téléphone cellulaire qui, comme vous le savez tous, emprunte les ondes radio. Les ondes radio sont interceptables et il n'y a donc pas de confidentialité. Si vous voulez faire un appel téléphonique confidentiel, utilisez les fils de Bell Téléphone.
Mme Steeves: Peut-être la technologie n'est-elle tout simplement pas conforme au cadre culturel de l'activité. Le fait que vous passiez par l'Internet ne fait que souligner qu'il s'agit là d'un réseau non protégé ou ouvert, et vous devez en tenir compte.
Mme Burge: Oui. Ce que nous aimerions voir, par exemple, c'est une sorte de charte des droits technologiques des étudiants et enseignants, pour que chacun comprenne les problèmes et sache à quoi il peut s'attendre dans un environnement pédagogique à médiation technologique où tout le monde devrait se sentir en sécurité.
La présidente: Cela nous ramène à certaines des remarques faites par les participants, et particulièrement certains de nos experts, à savoir que notre rôle fondamental est d'abord d'éduquer, afin que les gens comprennent ce que la technologie fait à tout leur environnement, que ce soit un environnement audio ou visuel - son ouverture, l'impératif de réfléchir au médium d'échange que vous allez utiliser si vous voulez réellement la confidentialité.
Mme Burge: Oui, absolument.
La présidente: Cela sera certainement porté à notre attention tel que consigné. Je sais que vous avez pris la parole à notre table ronde, et c'est donc consigné sur le tableau, et même si Andy n'a pas voulu utiliser la feuille rouge, c'est là...
Des voix: Oh, oh!
La présidente: ... et cela figurera dans le rapport que nous allons utiliser.
Mme Burge: Il a fait un excellent résumé. Je ne sais pas comment il a fait, mais il y est parvenu.
La présidente: C'est un homme très intelligent. Rougissez encore un peu plus.
Mme Steeves: Je pense que nous sommes tous d'accord - nous aimons bien Andy.
Y a-t-il d'autres interventions? Il est extrêmement utile, surtout pour la rédaction du rapport, que vous fassiez enregistrer vos propos, car tout ce qui est dit maintenant sera intégralement transcrit. N'hésitez donc pas.
Mme Ellen King (ombudsman, gouvernement du Nouveau-Brunswick): Merci beaucoup.
Je me nomme Ellen King et je suis l'ombudsman du Nouveau- Brunswick.
En décembre 1994, on m'a également confié des attributions sur le plan du respect de la vie privée, lorsque le gouvernement a déposé son code en matière de vie privée à l'Assemblée législative et chargé mon service d'instruire les plaintes.
Lorsque j'ai reçu le code, j'avais déjà eu l'occasion de le lire. Lorsque mon service l'a reçu et a eu connaissance de la nouvelle, j'ai immédiatement écrit au conseil exécutif et au gouvernement pour lui demander de promulguer une loi dès que possible.
Je suis une fervente partisane des lois, par opposition aux codes, bien que j'aime garder l'esprit ouvert. Pour ce qui est du code de l'Association canadienne de normalisation, il est un pas dans la bonne direction et nous allons voir ce qu'il en sortira. Je suis cela de près et j'admire les efforts déployés jusqu'à présent, mais je persiste à penser qu'une loi vaut mieux qu'un code.
J'ai donc été ravie d'apprendre, six mois environ après ma lettre, que le gouvernement rédigeait un document de discussion et organisait des audiences publiques à ce sujet, dans l'intention d'introduire un projet de loi dès que possible.
Ayant travaillé dans la sphère publique pendant longtemps, j'ai été très impressionnée par la rapidité avec laquelle le gouvernement a agi à cet égard. Cela me donne beaucoup d'espoir, car je pense que c'est là le problème de la décennie. Je pense que la technologie galope bon train - certainement l'Internet et toutes ces choses dont on a parlé ce matin. Comme l'a indiqué Bill Hall, qui est mon expert résident lorsque j'ai des problèmes technologiques - je crois que c'était vous, Bill - c'est une avancée inéluctable et nous devons donc nous adapter, gérer et mettre en place les dispositifs de contrôle que nous pouvons.
Pour ce qui est de la législation, si le projet de loi proposé n'est pas aussi rigoureux que certains le souhaiteraient, c'est un grand pas dans la bonne direction dans notre province. Je pense qu'il pourra encore être modifié et amélioré au fur et à mesure des audiences. Je crois savoir que le gouvernement est disposé à accepter des amendements.
Je suis d'accord avec beaucoup de choses qui ont été dites ici aujourd'hui, et en particulier les remarques de Randy Dickinson.
Quelqu'un a fait état de la privatisation par le gouvernement des archives médicales. Ce point est couvert dans le document de discussion publié par le gouvernement, je pense dans la troisième ou quatrième recommandation. Je n'ai pas le texte ici et je ne peux donc vous le citer, mais il y a là une mention ou une recommandation disant que la loi va assurer une protection, et je me sens donc rassurée. Je n'ai pas encore vu le libellé, mais c'est une recommandation qui figure dans le document de discussion.
Par ailleurs, de fortes pressions sont exercées dans la province par la Société médicale du Nouveau-Brunswick, et c'est excellent. Elle fait pression sur le gouvernement en ce sens, et c'est très bien. Elle sensibilise au problème.
Je suis ravie également que le comité ait choisi de siéger ici. C'est une occasion merveilleuse peut-être pas seulement pour vous-mêmes, mais certainement pour nous tous au Nouveau-Brunswick et dans la région Atlantique de vous faire part de nos préoccupations et de nos réflexions.
Le fait que la presse soit là va contribuer également à la sensibilisation. Pour ceux d'entre vous qui ne le savent pas, le Commissaire à la liberté de l'information et à la protection de la vie privée de Nouvelle-Écosse est ici. Je ne le vois pas en ce moment. Il travaille à peu près seul, dans sa province. Je veux donc plaider pour tous ceux qui travaillent avec les commissaires ou qui appliquent la législation dans les diverses régions du pays.
Je ne veux certainement pas oublier le Commissaire à la protection de la vie privée fédéral. J'ai lu récemment son rapport annuel, très rapidement. Il se penche sur bon nombre des problèmes qui ont été soulevés ici et il fait un excellent travail à bien des égards.
La législation fédérale, tout en étant imparfaite, existe depuis pas mal de temps. Il faut la renforcer et je suis sûre que M. Phillips est en mesure de vous dire comment. Il a aussi besoin de ressources. Son bureau est d'une grande aide aux provinces. Nous pouvons prendre le téléphone et appeler son bureau et obtenir des renseignements très rapidement. Il nous est d'un grand secours et nous soutient beaucoup, tout comme les réseaux dans d'autres domaines tels que les droits de la personne.
Je pense que nous sommes réellement au stade embryonnaire au Nouveau-Brunswick. Nous avons beaucoup de travail à faire - beaucoup de sensibilisation à faire. J'exhorte tout le monde, à chaque occasion que je trouve, de ne pas donner aussi facilement des renseignements personnels.
Le Nouveau-Brunswick est une province en grande partie rurale et, comme quelqu'un l'a mentionné tout à l'heure, nous avons tendance... notre voisin sait ce que nous faisons etc. C'est un peu notre mentalité dans la région Atlantique, si vous voulez, ou en tout cas au Nouveau-Brunswick.
Le travail que fait votre comité est tellement important. Je tiens à vous remercier d'être venus siéger ici et je veux vous remercier pour toutes les choses que vous allez proposer, j'en suis sûre.
Notre bureau n'a pas compétence sur cela, mais je m'en voudrais de ne pas vous dire une chose que j'ai entendue récemment - et ce qui me l'a rappelé, c'est la dame de l'université - à savoir qu'à l'Université du Nouveau-Brunswick, par exemple, tous les professeurs peuvent accéder en ligne aux dossiers de tous les étudiants. Je ne sais pas si c'est vrai - je n'ai pas compétence là-dessus - mais cela m'a préoccupée, et bien que je ne sois pas certaine de ce que cela implique, je suis sûre que ce n'est pas anodin.
Je pourrais en dire beaucoup plus. Je me contenterai de vous remercier d'être venus dans notre merveilleuse province et dans notre froide ville ce matin. Merci.
La présidente: Eh bien, merci beaucoup. C'était une excellente conclusion à cette matinée. Je veux vous remercier, Valerie, pour...
Une voix: Nous avons encore un intervenant...
La présidente: Oh, nous en avons encore un? Désolée.
Nous avons environ une minute. Je suis désolée. Notre temps d'antenne et de séance est limité.
M. Terry Mullin (président, Syndicat canadien de la Fonction publique, Section 865): Pas de problème. Je me nomme Terry Mullin. Je suis ici en tant qu'employé de l'Hôpital régional Miramichi. Comme la plupart des gens dans la salle le savent sans doute, c'est un hôpital tout neuf, qui vient d'ouvrir en décembre. Il est à la pointe de la technologie.
La présidente: La ville est toute neuve aussi.
M. Mullin: Oui, notre ville est neuve aussi. Elle n'est pas encore très bien rodée.
Il y a trois systèmes en place dans notre hôpital - deux fonctionnent, un sera en service fin avril: la surveillance vidéo, les cartes d'accès et Smartlink. Smartlink n'est pas encore en service. Il y a des caméras de surveillance vidéo qui nous épient huit ou 12 heures par jour - tout le temps où nous travaillons.
Les cartes d'accès - chaque employé en a une à son nom. Pour obtenir la carte d'accès, nous avons dû donner au service du personnel des renseignements sur notre taille, notre poids, la couleur de nos cheveux, notre voiture, ce genre de choses. Ces cartes nous donnent accès à certains secteurs de l'hôpital et sont enregistrées dans l'ordinateur de la salle de sécurité. L'ordinateur peut dire à tout moment de la journée où je me trouve, dans quel secteur je me suis rendu et combien de temps j'y suis resté.
Lorsque j'ai posé des questions à ce sujet lors de réunions avec la direction, on m'a dit que c'est pour notre protection: s'il se produit un vol dans le vestiaire, alors on sait qui se trouvait dans le vestiaire à telle ou telle heure.
Lorsque nous contestons toutes ces technologies, on nous répond que c'est pour notre propre bien, mais on ne nous dit pas comment cela peut être utilisé contre nous.
Notre convention collective dit que nous n'avons pas à pointer à notre arrivée au travail. Lorsque j'ai posé des questions sur ces cartes d'accès - en faire un moyen de pointage détourné - ils m'ont dit que oui, elles donnent cette capacité, mais que la direction n'allait pas l'utiliser.
J'aimerais que le comité se penche sur le problème de cette surveillance orwellienne permanente, tout au long d'un quart de 12 heures. Je sais que les caméras sont nécessaires pour certaines choses - déceler des personnes dangereuses venant à l'urgence, ce genre de choses. Mais les employés ont l'impression qu'elles servent davantage à nous surveiller nous plutôt que le public et j'espère que le comité va se pencher sur ce genre de problèmes.
La présidente: Eh bien, tout d'abord, merci beaucoup. Je suis heureuse que tout l'auditoire ait pu vous entendre, car je vous ai entendu exprimer les mêmes préoccupations - et elles sont légitimes - dans le groupe d'Andy. Est-ce exact?
M. Mullin: Oui. Je vous remercie.
La présidente: Je pense que c'est un problème auquel tout le monde aimerait une solution, car il faut trouver un juste équilibre entre les intérêts économiques et les intérêts personnels et la tension du personnel. Je vous remercie donc beaucoup.
Mme Steeves: J'aimerais vous remercier tous d'avoir participé. Il est incroyablement précieux d'avoir la possibilité d'un tel échange de vues. Nous allons nous atteler à la rédaction de notre rapport et espérons entendre vos réactions. Merci.
La présidente: Au moment de conclure cette séance, chers collèges, je pense qu'il est devenu pas mal évident que la discrimination génétique sera le problème de droits de la personne du XXIe siècle.
John, nous serons intéressés de voir qui va l'emporter, de «la paix, l'ordre et le bon gouvernement» ou de «la vie, la liberté et la poursuite du bonheur».
Je vous remercie de vos avis éclairés. Je remercie aussi les experts qui ont partagé la journée avec nous. Merci à tous. Vous nous avez aidés à élargir nos connaissances et notre base de réflexion en vue de la rédaction de notre rapport.
La séance est levée.