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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 18 mars 1997

.1114

[Traduction]

La présidente (Mme Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.)): Mesdames et messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Nous poursuivons aujourd'hui notre étude concernant le droit à la vie privée et les incidences qu'ont les nouvelles technologies sur cet aspect des droits de la personne.

Nous sommes vraiment très heureux d'accueillir aujourd'hui des représentants du ministère du Développement des ressources humaines.

.1115

Je peux vous dire qu'en général notre visite de certaines des principales villes du Canada a été des plus réussies. Les interventions ont été de très haute qualité. Nous avons accueilli un large éventail de gens que ces questions préoccupent. Ainsi, nous avons pu entendre des banquiers, des assureurs, des représentants d'associations de consommateurs, des conseillers juridiques, des syndicalistes, et même de simples citoyens.

Un aspect intéressant de la dynamique que nous avons adoptée tient à ce que, contrairement à ce qui se passe généralement quand des comités permanents entendent des témoins, les gens se sont présentés à nous sans texte. Dans chaque ville, la discussion a pris la forme d'une table ronde animée par différents experts. Les membres de notre comité ont agi pour la circonstance à titre de secrétaires et ont ensuite fait rapport aux participants de ce qu'ils avaient retenu des discussions. Ainsi, au lieu d'entendre près de 200 personnes nous lire des mémoires, nous avons opté pour de simples discussions en table ronde exemptes d'exposés formels. La formule s'est révélée des plus heureuses.

Si je vous fais part de tout cela, c'est qu'au Québec, des gens ont pris soin de nous exprimer leur satisfaction à cet égard. Je songe à M. Fortin, qui est responsable du projet de carte à puce à Rimouski, à M. Comeau, le Commissaire de l'accès à l'information du Québec, de même qu'à un participant de Chicoutimi - Lac-Saint- Jean... Quelle est sa profession déjà?

[Français]

M. Maurice Bernier (Mégantic - Compton - Stanstead, BQ): Le professeur Mélançon.

La présidente: Que fait-il, lui?

M. Maurice Bernier: C'est un professeur d'éthique.

[Traduction]

La présidente: Il s'agit donc d'un professeur d'éthique, qui, soit dit en passant, mentionnait, dans une lettre ouverte à La Presse au sujet de la nature des consultations publiques, à quel point il avait trouvé formidable l'expérience qu'il avait vécue en venant témoigner devant notre comité.

Pour nous, ce fut un exercice à la fois agréable et enrichissant.

Nous espérons être bientôt en mesure d'en tirer des conclusions, en tenant compte des recherches qui ont été effectuées et des sondages qui ont été réalisés entre 1992 et 1995, et dont on nous a soumis les résultats. Ces sondages indiquent que les gens sont de plus en plus sur leurs gardes et inconfortables. Ils ne savent pas trop pourquoi, mais ils se sentent surveillés.

On a du mal à établir où devrait se situer le juste milieu entre, d'une part, la nécessité, dans l'intérêt public, d'exercer une surveillance pour lutter contre la criminalité, créer un climat de sécurité et régler d'autres problèmes de cette nature, et, d'autre part, la pertinence de permettre aux gens de contrôler l'utilisation qu'on fait de l'information et de leur donner le droit de déterminer ce qui doit être du domaine public. Car une fois qu'il y a eu violation du droit à la vie privée, il devient non seulement très difficile d'avoir accès au détenteur de l'information, mais il est alors impossible de rétablir la confidentialité, l'information étant déjà connue.

Je tiens à mentionner publiquement que les trois scénarios qui ont été utilisés pour amorcer la discussion étaient tout d'abord très bien rédigés, et nous nous devons de féliciter nos attachés de recherche pour le beau travail qu'ils ont accompli à cet égard. Mais surtout, ces scénarios ont provoqué une discussion très éclairée, qui a montré le potentiel de fécondation réciproque d'idées émanant de domaines aussi hétérogènes que les trois sur lesquels nous nous sommes penchés, à savoir celui du dépistage et de la rétention génétiques, celui de la surveillance vidéo et de ses répercussions selon que les droits sont détenus par un tel ou par tel autre et selon la façon dont ces droits sont exercés, et celui des cartes à puce et du contrôle de l'information qui y est emmagasinée. Ce sont toutes des questions qui ont été abordées franchement.

Les membres du comité ont exécuté avec beaucoup de dévouement les tâches qui leur avaient été assignées. Ils ont été très attentifs à ce qui se disait et ils ont pu en présenter des résumés vraiment intéressants qui, à mon avis, ont donné à tous le sentiment qu'on les avait écoutés et que leurs points de vue avaient été bien véhiculés par les députés. Aucun d'entre eux n'a cherché à imposer ses idées personnelles; ils se sont plutôt employés à faire écho aux messages qu'on voulait nous transmettre. Beaucoup d'intervenants sont venus nous dire à quel point ils avaient trouvé cette façon de procéder rassurante et qu'ils en étaient même venus à croire que peut-être le Parlement fait vraiment un bon travail et que les députés sont à leur écoute, ce qui n'était pas du tout désagréable à entendre.

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Cela dit, la question des cartes d'identité et des cartes à puce suscite beaucoup d'intérêt. Forcée de reconnaître qu'il existe une certaine inquiétude face à la décision du gouvernement de se servir des renseignements obtenus auprès des bureaux des douanes de Revenu Canada et de la liste des bénéficiaires de l'assurance- emploi pour procéder à une compilation croisée, je me suis demandé si c'était vraiment une bonne idée. Quand est-il justifiable de recourir à des méthodes de compilation croisée ou de couplage informatique de données? Dans quelle mesure les gens devraient-ils être informés d'une telle pratique? A-t-on le droit de recourir à de telles méthodes? Que fait-on du droit d'être informé? Où ce droit commence-t-il et où s'arrête-t-il?

Vous pouvez donc facilement imaginer pourquoi nous sommes si heureux de vous avoir avec nous. Qu'il s'agisse de données provenant de sociétés d'assurances, de banques, ou d'émetteurs de cartes Visa, ou encore de données tirées de déclarations aux douanes, qui a le droit d'en connaître la teneur? Il s'agit après tout de renseignements personnels.

Peut-être pourriez-vous nous éclairer sur certaines de ces questions. Nous sommes impatients de savoir où vous en êtes dans tout cela et ce que vous faites en matière de collecte de données dans l'intérêt et pour la protection de la société. Et où s'arrête le droit à la vie privée dont il est question dans les chartes européennes, dans celle de l'OCDE, dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, dans la convention sur les libertés civiles et politiques, la convention de 1966...? Son nom vient de m'échapper.

Mme Nancy Holmes (attachée de recherche du comité): La Convention sur les droits civils et politiques.

La présidente: C'est bien cela.

Ce serait notre point de départ, car à ce qu'on nous a dit, le gouvernement fédéral projetterait de moderniser le NAS, le numéro d'assurance sociale, et de proposer un nouvel identificateur commun pour accroître l'efficacité administrative, rationaliser les opérations gouvernementales, et dépister et endiguer les abus et la fraude dans l'obtention des prestations et des services de sécurité sociale.

Il intéresserait au plus haut point les membres de notre comité de savoir si le NAS est protégé en quelque sorte. Dans quelle mesure a-t-on pris soin de renseigner les gens sur l'obligation qu'ils ont ou non de révéler leur NAS?

Avant de débuter, les membres du comité assis autour de la table voudront bien se présenter.

M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Je m'appelle John Godfrey. Je viens de Toronto et je représente la circonscription de Don Valley-Ouest.

M. Andy Scott (Fredericton - York - Sunbury, Lib.): Mon nom est Andy Scott et je suis de Fredericton - York - Sunbury.

La présidente: Il est notre vice-président.

M. Russell MacLellan (Cap-Breton - The Sydneys, Lib.): Je m'appelle Russell MacLellan et je représente la circonscription de Cap-Breton - The Sydneys.

M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Je suis Sarkis Assadourian, non pas de Don Valley-Ouest, mais de Don Valley-Nord.

Des voix: Oh!

M. John Godfrey: Ça demeure Toronto.

La présidente: Nous n'avons pas encore déterminé où se situe leur frontière commune.

Et bienvenue, madame Sheridan.

Mme Georgette Sheridan (Saskatoon - Humboldt, Lib.): Merci. Mon nom est Georgette Sheridan. Je représente la circonscription de Saskatoon - Humboldt. Je viens de me joindre au comité et je dois relever un défi de taille: remplacer M. Warren Allmand. Ce ne sera pas facile.

Mme Jean Augustine (Etobicoke - Lakeshore, Lib.): Warren, où êtes-vous quand nous avons besoin de vous?

Mme Georgette Sheridan: Ne dites pas cela. Je m'en sens diminuée.

Des voix: Oh!

Mme Jean Augustine: Mon nom est Jean Augustine, et je suis députée de Etobicoke - Lakeshore.

[Français]

M. Maurice Bernier: Je m'appelle Maurice Bernier et je suis député de la circonscription de Mégantic - Compton - Stanstead et vice-président du comité.

[Traduction]

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Je m'appelle Myron Thompson, de la circonscription de Wild Rose, en Alberta.

La présidente: Bienvenue. Nous sommes très heureux de vous avoir avec nous.

M. Myron Thompson: Merci.

La présidente: Je vous en prie.

Mme Norine Smith (sous-ministre adjointe, Assurance, ministère du Développement des ressources humaines): Madame la présidente, je n'ai pas rédigé de mémoire à l'intention du comité, mais je vais commencer par me présenter et par présenter mes collègues.

Je suis sous-ministre adjointe et je suis chargée du programme de l'assurance-emploi. J'ai avec moi David McNaughton, sous- ministre adjoint du groupe Systèmes, et Ron Stewart, directeur général - Enquêtes et contrôle, au programme de l'assurance.

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La gestion du programme de l'assurance comporte naturellement un certain nombre de stratégies et de mécanismes propres à nous aider à prévenir les abus et la fraude de la part des prestataires. Nous devons répondre auprès des cotisants et des contribuables en général de l'efficacité et de l'efficience de la gestion du programme ainsi que de l'intégrité du compte d'assurance-emploi.

Au sein du groupe Systèmes, M. McNaughton est notamment responsable du développement technologique des systèmes nationaux d'information servant à la gestion non seulement du programme de l'assurance-emploi, mais également de tous les programmes de ressources humaines qui relèvent de notre ministère. C'est donc dire qu'en ce qui concerne les questions relatives à la protection de la vie privée, il ne doit rien négliger pour assurer que toute donnée informatique qui concerne un individu et qui a été recueillie ou produite par le ministère soit traitée, conservée et éliminée adéquatement et en toute sécurité conformément aux dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de toute autre loi régissant nos opérations.

Le droit des Canadiens à ce qu'on protège raisonnablement les renseignements personnels qui les concernent est au centre des préoccupations de tous les gestionnaires de programmes au sein du ministère du Développement des ressources humaines. Tous les renseignements personnels recueillis par DRHC sont protégés conformément aux dispositions législatives qui nous régissent.

La présidente: De quelles dispositions voulez-vous parler?

Mme Smith: De toutes celles qui sont contenues dans nos lois, à commencer, bien sûr, par la Loi sur la protection des renseignements personnels. Tout renseignement qui est communiqué doit l'être en conformité avec nos lois, et nous n'acceptons pas non plus de renseignements venant de quelque ministère que ce soit si leur communication n'est pas expressément autorisée par une disposition législative.

Au ministère du Développement des ressources humaines, nous avons un groupe dont le principal mandat est de s'occuper des questions relatives à la protection de la vie privée. Il s'agit de la Division de la protection des renseignements personnels et de la sécurité, qui veille à ce que toutes les activités ministérielles soient conformes à la Loi sur la protection des renseignements personnels et à ce que les gestionnaires et le personnel soient conscients de leurs responsabilités à cet égard. Ce groupe est également le principal point de liaison du ministère avec le Commissariat à la protection de la vie privée.

Dans notre cadre législatif et dans celui de la Loi sur la protection des renseignements personnels, tous nos échanges d'information se font en conformité avec les politiques du Conseil du Trésor relatives au couplage de données. Les règles applicables au couplage de nos données sont établies en consultation et en collaboration avec le Commissariat à la protection de la vie privée. Toutes les données faisant l'objet d'un couplage sont conservées, protégées et éliminées en conformité avec législation régissant ces couplages. Seules peuvent être couplées les données qui ont fait l'objet d'une autorisation à cet effet en vertu d'ententes intervenues entre les organismes concernés et nous. En outre, toutes les utilisations de ces données sont décrites dans Info Source, conformément à la politique du Conseil du Trésor.

Pour ne pas accaparer davantage le temps dont dispose le comité et pour que ses membres aient plus de temps pour poser des questions précises, j'aimerais simplement insister sur un point en guise d'introduction à notre dialogue. À l'instar, j'imagine, des membres du comité, nous sommes très conscients, au courant, et soucieux de la nécessité de trouver le juste milieu entre, d'une part, les attentes des Canadiens concernant leur droit à la protection de leur vie privée et, d'autre part, le droit légitime du gouvernement d'utiliser l'information dont il dispose, premièrement pour administrer ses programmes avec efficacité et efficience, et deuxièmement, pour veiller à ce que les conditions régissant l'admissibilité à ses programmes, qui sont inscrites dans les lois votées par le Parlement, soient respectées.

Nous pourrions peut-être dès maintenant donner la parole aux membres du comité pour leur permettre de poser des questions.

La présidente: Merci beaucoup.

Il intéressera sans doute les membres du comité d'en savoir davantage sur la politique du Conseil du Trésor concernant le couplage et l'échange de données. Nous aimerions en outre avoir des précisions sur les points que vous avez soulignés concernant la communication entre ministères des seuls renseignements autorisés par nos lois.

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J'aimerais poser une question avant de demander à mes collègues de prendre la relève. Vous avez sans doute pris connaissance du rapport du Commissaire à la protection de la vie privée,M. Bruce Phillips. Avez-vous lu les déclarations qu'il a faites devant notre comité, déclarations qui sont parmi les facteurs qui nous ont incités à entreprendre l'étude de cette question?

Mme Smith: Oui, nous les avons lues.

La présidente: Vous les avez lues. C'est bon, nous pourrons alors en discuter.

[Français]

Nous allons commencer par vous, monsieur Bernier.

M. Maurice Bernier: J'ai écouté les propos de Mme Smith ayant trait aux mesures qui sont prises par le ministère pour assurer la confidentialité des dossiers, de même qu'à tout le cadre juridique qui existe pour surveiller les opérations du ministère.

Cependant, il y a quelques semaines - et c'est un sujet de préoccupation dont on a entendu parler lors de notre consultation de la semaine dernière - , on lisait dans le journal The Gazette, je crois, et peut-être dans d'autres quotidiens, qu'il existait au ministère du Développement des ressources humaines un comité de fonctionnaires qui discutent de la mise sur pied d'une éventuelle carte d'identité qui remplacerait le numéro d'assurance sociale et qui pourrait possiblement même être utilisée dans le domaine de la santé.

J'aimerais, dans un premier temps, que vous puissiez nous confirmer si ce comité existe réellement et que vous nous disiez qui en fait partie. Également, y a-t-il d'autres ministères d'impliqués dans ces discussions, à quel niveau ces discussions se situent-elles et de quoi exactement est-il question?

J'aurai peut-être d'autres questions par la suite, mais celle-ci m'intéresse davantage.

[Traduction]

M. David McNaughton (sous-ministre adjoint, Systèmes, ministère du Développement des ressources humaines): À ma connaissance, il n'existe pas, au sein de notre ministère, de comité qui discute de ce genre de questions, absolument pas. En ce sens, l'article auquel vous faites allusion était tout à fait erroné.

Cependant, il existe depuis de nombreuses années un comité composé de représentants du gouvernement fédéral, de notre ministère uniquement, et des gouvernements provinciaux et territoriaux. Ceux qui participent à ces rencontres sont des gens comme moi, qui travaillent à l'élaboration de systèmes. Les discussions que nous y tenons se limitent généralement aux systèmes et à la technologie. Tous les membres de notre équipe travaillent pour et en collaboration avec des gens comme Norine, qui sont responsables de programmes sociaux, aux niveaux fédéral, provincial ou territorial.

Depuis quelques années, un des sujets qui nous intéresse au plus haut point concerne les moyens d'utiliser, tout en respectant les lois qui nous régissent, l'information que nous possédons afin de pouvoir mieux servir les Canadiens et les résidants des provinces et territoires.

Permettez-moi de vous faire part de l'exemple qui m'est venu à l'esprit en me préparant pour cette comparution. Je me souviens que lorsque j'étais écolier ma mère conservait mes bulletins scolaires. Elle le faisait au cas où nous déménagerions un jour dans une autre ville. Elle pourrait alors les transmettre à l'école que je fréquenterais dans l'autre ville. Naturellement, à l'ère électronique, on n'a peut-être plus besoin de faire cela, mais elle estimait que c'était important que mon nouveau professeur sache comment je me tirais d'affaire à mon ancienne école.

Aussi, il serait peut-être utile que le spécialiste que mon médecin généraliste m'envoie consulter puisse avoir accès à mon dossier médical. Ce serait rassurant.

C'est le même esprit qui anime nos discussions à ce comité. Il serait sans doute avantageux que le fonctionnaire fédéral et le fonctionnaire provincial à qui on s'adresse successivement pour obtenir de l'aide pour retourner sur le marché du travail, par exemple, puissent se communiquer leurs dossiers, puisqu'ils ont tous les deux comme objectif commun d'aider le client. Voilà pourquoi nous cherchons des mécanismes pour faciliter la transmission de ce genre d'information. Nous avons abondamment discuté de cette question, et nous avons fait appel à des experts notamment pour la réalisation d'études.

Nous espérons soumettre éventuellement le fruit de nos réflexions communes aux députés et de là à nos ministres. Si jamais nous formulons une recommandation, elle partira du principe que nous trouvons souhaitable, lorsqu'il est approprié et juridiquement possible de le faire, de pouvoir nous communiquer des renseignements pour mieux servir nos clients, les Canadiens.

Ce groupe a exploré toutes les options technologiques que vous avez examinées. Nous y avons consacré très peu de temps, un peu à ma suggestion, car ceux qui font partie de ce groupe sont tous des mordus de la technologie qui adorent parler d'innovations technologiques comme les cartes à puce, etc. C'est un sujet qui passionne toujours les technologues, mais ce n'est pas le thème dont notre groupe est censé traiter. Notre objectif est plutôt d'échanger l'information que nous possédons, lorsqu'il est approprié et juridiquement possible de le faire, pour mieux servir les Canadiens.

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Si j'avais à résumer en quelques mots ce dont nous discutons dans ces rencontres, je vous dirais que nous y examinons la possibilité d'attribuer à chaque bénéficiaire de services sociaux au Canada un numéro, qu'on pourrait appeler numéro de service, dont l'accès serait contrôlé par lui-même. Ainsi, quand quelqu'un s'adresserait successivement à des bureaux relevant de deux ordres de gouvernement pour obtenir des services sociaux, il pourrait, s'il le souhaite, autoriser l'échange de renseignements à son sujet pour qu'on puisse lui donner un meilleur service.

C'est ce dont nous discutons dans ces rencontres. C'est, à mon avis, ce à quoi l'article de journal dont vous parlez faisait référence. Comme responsable des systèmes, je puis vous dire qu'à ma connaissance c'est en cette matière le seul comité, la seule tribune, ou le seul groupe de discussion qui existe au sein de notre ministère ou dans notre secteur.

[Français]

M. Maurice Bernier: Vous me dites qu'aucun comité n'a pas pour objectif précis d'en arriver à une carte d'identité unique. Vous me dites qu'il y a des discussions de nature plus technique entre fonctionnaires de votre ministère en vue d'évaluer ce qui se passe et également de faire un peu de prospection.

Cependant, existe-t-il des discussions au ministère, à quelque niveau que ce soit, en vue d'en arriver à une carte d'identité unique, comme doit l'être ou devrait l'être le numéro d'assurance sociale? Même si on dit que ce comité n'existe pas, y a-t-il des discussions formelles là-dessus? Y a-t-il quelqu'un, au ministère, qui se préoccupe de tenir des discussions formelles avec d'autres ministères ou des provinces à ce sujet? Récemment, y a-t-il eu une commande politique afin que votre ministère se dirige dans cette voie?

[Traduction]

M. McNaughton: Je vous le répète, il n'existe, à ma connaissance, aucune autre initiative, nul autre forum de discussion de quelque nature que ce soit concernant ce que nous examinons ici, à savoir la possibilité d'améliorer nos mécanismes de collecte de l'information afin d'accroître l'efficacité de nos services.

Si je vous ai bien compris, vous avez dit que je n'avais pas fait référence à un numéro qui pourrait faciliter cet échange de renseignements. Je pense l'avoir fait. Aurait-on idée d'imaginer qu'on puisse ainsi échanger des renseignements entre deux paliers de gouvernement ou plus, sans avoir un moyen de s'assurer que les renseignements couplés concernent la même personne, qu'il s'agit bel et bien de David McNaughton, par exemple, et non de Drew McNaughton, mon fils? Cet identificateur pourrait peut-être comporter le nom de la personne, son adresse, sa date de naissance ou un numéro, ou encore un autre moyen d'assurer qu'il s'agit bien de la bonne personne. On discute de cette possibilité dans ce groupe fédéral-provincial.

C'est à cet égard le seul lieu, le seul groupe de discussion qui existe à ma connaissance, encore qu'il ne réunit que des technologues comme moi, qui se communiquent des projets qu'ils proposeront peut-être, s'ils en valent la peine, aux gens chargés de mettre en oeuvre des programmes, comme Norine, nos députés et les ministres. Il ne s'agit pas d'une initiative de DRHC. Il s'agit d'un groupe d'homologues fédéraux, provinciaux et territoriaux qui discutent entre eux de projets à long terme. C'est la seule initiative de cette nature que je connaisse, monsieur.

La présidente: S'agirait-il de simples données élémentaires d'identification personnelles - de ce qu'on appelle en anglais «tombstone data», une expression que nous utilisions à l'époque de notre examen des projets CANPASS et INSPASS?

M. McNaughton: À mon sens, c'est plus que cela. Songez simplement à l'exemple que vous aimez bien utiliser, celui du médecin, de l'enseignant ou du conseiller en emploi. Pour bien servir le client dont s'est déjà occupé un de vos collègues, vous avez besoin, bien sûr, de connaître ses coordonnées et les renseignements élémentaires qui le concernent. Mais cela ne suffit pas; vous devez aussi savoir quels événements sont survenus dans sa vie, et cela va au-delà des données d'identification personnelles. Ce sont des renseignements d'une toute autre nature et d'une toute autre utilité.

La présidente: Les données d'identification personnelles seraient conservées à part et ne serviraient pas aux mêmes fins que d'autres renseignements du genre de ceux qu'à l'époque votre mère peut avoir transférés à la direction de votre nouvelle école et qui concernaient vos résultats scolaires et votre réputation.

M. McNaughton: Ce pourrait être le cas. Tout dépendrait de la manière dont le verrait le législateur. Techniquement, nous pouvons procéder de la façon que vous venez de décrire. Ces données peuvent être conservées ensemble ou séparément.

La présidente: Ma dernière question est la suivante: Le Québec, qui a la seule véritable loi sur la protection des renseignements personnels en Amérique du Nord, participe-t-il à ces discussions? Êtes-vous familier avec ce qui se fait à Rimouski, avec la façon dont on y a élaboré cet outil si fascinant sur le plan technologique?

M. McNaughton: Je travaille pour le gouvernement fédéral depuis seulement trois ans. Il n'y a pas assez longtemps que je participe aux travaux du comité dont je vous ai parlé pour vous dire dans quelle mesure le Québec a été de la partie. Tout ce que je sais, c'est que, depuis que je suis membre du comité en question, nos collègues du Québec ne se sont joints à nous qu'à la toute dernière rencontre qui a eu lieu à Québec, il y a de cela un certain nombre de mois. Ils ont aidé aux préparatifs de la rencontre. Ils étaient très heureux d'être des nôtres, et ont dit espérer pouvoir continuer de collaborer à nos travaux.

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Pour moi, leur présence a plus qu'une valeur symbolique; elle m'apparaît même revêtir une grande importance. Le Québec est un acteur clé dans ce projet, et nous ne pourrions sans lui instaurer un système applicable à l'ensemble des Canadiens. C'est la première fois que je voyais des gens du Québec participer à nos rencontres.

Quant à votre deuxième question, je ne suis personnellement pas familier avec le projet pilote dont vous parlez - je présume qu'il est à l'essai à Rimouski - , mais je suis au courant de nombreuses tentatives qu'on a effectuées un peu partout dans le monde au cours de 5 ou 10 dernières années, et je sais dans quelle mesure elles ont été concluantes ou non. Je suis au fait, par exemple, d'un autre projet pilote qui est en cours à Guelph, en Ontario. Il porte sur l'utilisation d'une même carte à des fins fort diverses, mais principalement comme moyen de remplacer la petite monnaie. Vous n'avez plus besoin, par exemple, d'avoir des pièces de 25c. ou de 1 $ pour prendre l'autobus, puisque vous pouvez utiliser votre carte.

Quand on discute de projets de cartes à puce ou d'autres outils technologiques de ce genre, il est très important de se rappeler que rarement les gouvernements en sont les initiateurs. C'est ordinairement l'entreprise privée, par exemple le secteur des banques, qui introduit ce genre d'innovations technologiques dans nos vies. Ce n'est que par la suite que les gouvernements jugent indiqué ou non d'emboîter le pas.

La présidente: Merci.

Monsieur Scott.

M. Andy Scott: Merci beaucoup, madame la présidente.

Je ne semble pas pouvoir prendre congé de la question de l'assurance-emploi.

La présidente: Comme vous vous en êtes occupé fort utilement jusqu'à présent, pourquoi ne pas continuer?

M. Andy Scott: J'aimerais porter à votre attention les préoccupations dont on nous a fait part au cours de notre exercice de la semaine dernière. Je tiens notamment à vous signaler que beaucoup de gens semblent craindre davantage les intrusions du gouvernement - je ne veux parler d'aucun gouvernement en particulier - que celles de l'entreprise privée.

Le problème que la plupart des gens ont soulevé en ce qui concerne les avantages et les inconvénients d'une bonne part de ces nouveautés technologiques avait trait à la notion de consentement éclairé. On se demande, au départ, si le citoyen se voit vraiment offrir un tel choix, et dans l'affirmative, s'il peut se permettre de refuser son consentement.

Je sais que vous étudiez des moyens d'accroître l'efficacité des programmes, mais j'aimerais savoir très précisément quels mécanismes utilise votre ministère pour s'assurer que les renseignements sont obtenus en tenant compte de certains aspects, dont le risque que l'information soit utilisée par des tiers et que cette utilisation secondaire ne respecte pas les limites que le gouvernement impose par ses lois. Bien sûr, cela m'effraie, car je ne crois pas qu'on tienne compte de toutes les possibilités d'utilisation abusive qui existent. Ce point est nettement ressorti des discussions que nous avons eues la semaine dernière.

Je crois avoir entendu M. McNaughton dire que ces limites étaient prévues dans les lois. D'après moi, nous sommes loin du compte à cet égard, car la technologie progresse si rapidement qu'il se pourrait fort bien que les limites que nous avons établies se révèlent de piètres instruments de défense.

Le deuxième problème qu'on soulève touche les nombreux Canadiens qui dépendent des programmes gouvernementaux. Dans quelle mesure peut-on parler de consentement quand on veut avoir accès à un programme sur lequel on compte absolument? Peut-on vraiment parler de consentement dans un tel cas? Permet-on vraiment à une personne de toucher des prestations même si elle refuse de fournir une information à l'agent de l'assurance-emploi? Je ne le pense pas. Par quels mécanismes s'assure-t-on, dans l'application de ce principe de consentement éclairé, que le consentement est suffisamment «éclairé», et que le sujet se sent suffisamment libre de donner son «consentement»?

Mme Smith: Concernant votre premier point, je vous signale que nous ne ménageons aucun effort pour nous assurer que tous les prestataires de l'assurance-emploi sont bien au courant de leurs droits et obligations en vertu du programme. Nous mettons donc à leur disposition toute une panoplie de publications, de brochures, de dépliants, ainsi que de documents que nous annexons aux chèques, et nous utilisons autant de mécanismes que possible pour demeurer en constante communication avec les prestataires et les informer de ce qu'on attend d'eux et de ce qu'ils peuvent attendre de nous, car, à mon sens, nos relations avec les prestataires se fondent sur une entente qui est, en quelque sorte, contractuelle.

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C'est peut-être le seul moyen qui s'offre à nous, dans la conduite d'un tel programme, pour tenter de faire en sorte qu'il y ait consentement éclairé de la part du prestataire. Comme vous le dites, un chômeur qui n'a pas d'autre source de revenu n'a pas un très grand choix, car ce programme est sa planche de salut.

À mon sens, le mieux que nous puissions faire pour que le consentement obtenu soit éclairé, c'est de fournir aux prestataires le plus de renseignements possibles au sujet de leurs droits et obligations de même qu'à propos de nos obligations envers eux.

M. Andy Scott: Je reconnais, comme vous je crois, que le consentement est une notion très difficile à cerner dans ce genre de cas, à cause du facteur de dépendance.

Il y a autre chose également. Par exemple, lorsque je soumets ma demande de prestations d'assurance-emploi, m'avise-t-on que si je traverse la frontière, je risque de me faire prendre à ne pas être ce jour-là à chercher du travail dans la ville où j'habite? Me met-on au courant de cette possibilité?

Mme Smith: On vous informe que vous n'êtes pas censé sortir du pays. Vous savez que vous êtes tenu d'être constamment disponible pour travailler, chaque jour. On vous le rappelle toutes les deux semaines, chaque fois qu'on vous envoie une carte-réponse que vous devez remplir et sur laquelle vous devez nous déclarer ce que vous avez fait au cours des deux dernières semaines, et où il est expressément mentionné que vous devez nous dire si vous avez été en vacances durant la période de référence.

Sur ce point, nous nous sommes vraiment efforcés de nous assurer que les prestataires sont au courant de leurs obligations en vertu du programme. Depuis que nous faisons ce couplage de données avec celles des douanes, nous mettons encore davantage de soin à informer les prestataires des divers types de couplages que nous effectuons, et nous multiplions dans nos publications les rappels aux prestataires concernant leur obligation de demeurer au pays et d'être disponibles chaque jour pour travailler.

M. Andy Scott: Je ne veux pas accaparer tout le temps, mais je ferais une distinction entre être au courant du fait qu'il m'est interdit de franchir la frontière et être conscient qu'on pourra utiliser ma carte de passage de la frontière pour découvrir que je l'ai fait. Je n'oserais pas parler ici de piège; je veux simplement dire que c'est un scénario qui s'y apparente drôlement, et je suis curieux de savoir... Donc, le prestataire ne serait pas au courant - personne ne lui dirait que s'il traverse la frontière, il risque fort de perdre son AE?

Mme Smith: Nous sommes à réviser nos publications pour nous assurer que cela y est clairement expliqué. Entre-temps, cette possibilité de couplage est mentionnée dans Info Source, le dépôt central d'information du gouvernement qui renseigne les intéressés sur les diverses utilisations qui peuvent être faites des différents types de données que le gouvernement a en sa possession.

La présidente: Puis-je vous interrompre un instant? Vous avez dit très clairement au début que vous n'utilisiez l'information que de la façon prévue par la loi. Quelle loi vous autorise à coupler les données du ministère du Développement des ressources humaines avec celles de Revenu Canada, et de le faire même rétroactivement? Voilà la question à laquelle on vous demande de répondre.

Mme Smith: La Loi sur les douanes contient une disposition qui permet au ministre du Revenu national de fournir à sa discrétion des informations à d'autres ministères. C'est le fondement légal qui nous a permis d'accéder aux dossiers des douanes.

La présidente: Cela répond-il à votre question, Andy?

M. Andy Scott: Je comprends cela. Par ma question, j'essayais plutôt de nous amener à examiner de plus près la question du consentement «éclairé». Une personne a le droit de savoir que cela peut lui arriver. Ceux qui ont comparu devant nous la semaine dernière vous diraient, je pense - et la plupart n'étaient pas des prestataires de l'AE - , que les gens devraient avoir le droit de savoir que cette mesure pourrait être prise contre eux.

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Je sais qu'ils n'ont pas le droit de traverser la frontière. Je le comprends. Mais je ne crois pas qu'ils soient forcément au courant qu'ils risquent, pour ainsi dire, qu'on procède à un tel couplage. Et le devoir de les en informer ne devrait pas incomber à Revenu Canada ou aux agents des douanes, mais bien à DRHC.

Mme Smith: C'est dans cet esprit que nous prenons actuellement des mesures, comme nous l'avons déjà mentionné, pour nous assurer que nos publications seront plus claires et plus explicites à cet égard.

En lisant votre document de consultation en vue de cette comparution, une de choses qui m'a frappée, c'est qu'on y fait observer qu'il faudrait trouver un certain équilibre, qu'on se doit de concilier des intérêts divergents et qu'il faudrait viser le juste milieu.

C'est un très bon exemple de ce que nous tentons de faire pour trouver le juste milieu. Ce qui nous importe, en quelque sorte, c'est que nous savons, d'après les études que nous avons d'abord pris soin d'effectuer dans ce domaine, que de 50 à 60 millions de dollars de prestations sont versés à des gens qui sont à l'étranger et qui ne sont pas disponibles pour travailler. Or, le gouvernement n'a-t-il pas l'obligation d'essayer de s'assurer que les fonds des cotisants soient protégés et que l'intégrité du programme soit sauvegardée dans la mesure du possible?

Nous administrons un programme qui repose fondamentalement sur l'honneur et nous essayons de faire suffisamment d'enquêtes pour que ce système fondé sur l'honneur demeure honnête, si je puis m'exprimer ainsi. C'est là un aspect très important dans la recherche du juste milieu.

M. John Godfrey: J'aimerais poursuivre avec cet exemple, car je le trouve fort intéressant. Ce qu'il faut se demander tout d'abord, c'est si une telle situation s'est déjà présentée? Vous dites que oui, c'est déjà arrivé. Vous dites aussi que les dispositions législatives régissant Revenu Canada vous autorisent à confronter des données. Dois-je comprendre en outre, d'après ce que vous dites, que les règles du Conseil du Trésor concernant le couplage d'information vous y autorisent également?

Mme Smith: Oui.

M. John Godfrey: Et vous avez consulté le Commissaire à la protection de la vie privée avant de prendre cette mesure?

Mme Smith: Oui, nous l'avons fait. Je ne dis pas qu'il nous a donné son aval, mais nous l'avons effectivement consulté.

M. John Godfrey: Que vous a répondu le Commissaire? Est-ce secret?

Mme Smith: Non, pas vraiment. Il nous a dit la même chose qu'il a dite à votre comité.

M. John Godfrey: C'est bien. J'essaie de bien comprendre. Quand le Commissaire à la protection de la vie privée...

La présidente: Je m'excuse, mais au moment où John s'est joint à notre comité, le Commissaire à la protection de la vie privée nous avait déjà présenté son rapport.

Mme Smith: Oh! je vois.

M. John Godfrey: Aidez-moi à comprendre. Imaginons une situation où il s'impose de chercher à atteindre votre objectif de maintenir l'honnêteté d'un système fondé sur l'honneur, ou d'assurer l'efficacité du système. Supposons que le Commissaire vous donne une opinion qui va plutôt dans le sens de la défense des intérêts de l'individu. En cas de litige, vous ne seriez pas nécessairement d'accord avec lui, n'est-ce pas?

Mme Smith: Nous avons consulté le ministère de la Justice et nous avons obtenu des opinions juridiques bien étayées. Ce que nous ont dit nos avocats, c'est que ce couplage d'information est légal au sens des dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

M. John Godfrey: Mais si le Commissaire à la protection de la vie privée le voyait d'un autre oeil, en cas de litige, vous opteriez pour l'interprétation de vos conseillers juridiques, n'est-ce pas?

Mme Smith: C'est juste.

M. Godfrey: Très bien. Vous avez dit également que le but que vous poursuivez en acceptant une information d'un autre ministère, qui doit d'abord être autorisé à vous la communiquer, est de bien servir le client. C'est bien cela, n'est-ce pas?

Une des choses qu'il faut prendre ici en considération - et ce petit exemple pourra nous servir quand nous reparlerons de la carte à puce - , c'est que les simples données brutes contenues dans le dossier d'une personne qui séjourne à l'extérieur du pays peuvent très bien ne pas nous renseigner sur les raisons pour lesquelles la personne s'est rendue à l'étranger. Elles nous disent uniquement que la personne a franchi la frontière. Pourtant, elle s'est peut-être absentée du pays pour aller chercher du travail, ce qui n'est pas un motif illégitime, je présume, si nous faisons profession d'aider les gens à se trouver un emploi. Cette personne pourrait aussi être allée à l'extérieur du pays pour des raisons de famille - sa mère est tombée malade à Buffalo, par exemple.

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J'ai deux questions. Cette pratique vise-t-elle vraiment à bien servir le client, car elle semble plutôt servir l'intérêt du système? Vous me répondrez peut-être qu'elle est dans l'intérêt général du client, puisqu'il fait partie du système.

Où cela est-il écrit? Vous voulez donner au client le plus de renseignements possibles concernant ses droits et obligations, et tout et tout. Lui dites-vous clairement qu'il ne peut s'absenter du pays, qu'il doit chercher du travail ici même, mais que s'il doit quand même se rendre à l'étranger il est tenu de vous en informer? Vous prenez bien soin, je présume, de le prévenir - en mettant fermement les points sur les i - qu'une des choses que vous allez faire, ce sera de vérifier sa carte de passage de la frontière auprès de Revenu Canada. Vous ajoutez, bien sûr, que vous êtes convaincu qu'il est honnête, mais que c'est votre devoir de lui faire savoir ces choses. Je compare la situation d'un prestataire qu'on aurait ainsi clairement prévenu de cette pratique à celle de l'automobiliste qui sait très bien que s'il roule à une vitesse excessive, il risque fort d'être trahi par un radar de police.

Prenez-vous vraiment bien soin d'informer ainsi très clairement les prestataires en mettant fermement les points sur les i, de les conseiller, de les renseigner au maximum? Comment vous y prenez-vous?

Mme Smith: Quand un prestataire soumet une demande de prestations, on lui remet, le jour même où il présente sa demande, un document d'une importance capitale. Tous les prestataires reçoivent ce document où leurs droits et obligations sont expliqués. Une des obligations du prestataire consiste à être en permanence disponible pour travailler et à rester au pays.

Ce n'est pas une règle qui ne souffre pas d'exception. Un prestataire peut venir nous dire, par exemple, qu'il doit se rendre à l'étranger pour assister aux funérailles de sa grand-mère, ou pour y postuler un emploi vacant qui l'intéresse. Il existe des motifs acceptables pouvant justifier quelqu'un de se trouver à l'extérieur du pays. Tout ce qu'on demande au prestataire, c'est de nous informer de ce qu'il en est.

En outre, quand nous découvrons, en couplant les dossiers des douanes avec les nôtres, qu'un prestataire est allé à l'extérieur du pays sans nous en aviser, nous ne le pénalisons pas automatiquement. En premier, nous lui écrivons. Nous lui disons que nous avons des informations nous laissant croire qu'il a séjourné à l'extérieur du pays et nous lui demandons si tel est le cas. Dans l'affirmative, nous lui demandons s'il avait une raison le justifiant, au sens du Règlement de l'assurance-emploi, d'avoir quitté le pays.

M. John Godfrey: Le point où je veux en venir concerne la manière dont vous vous y prenez pour obtenir ce renseignement. Ce qu'il faut se demander, c'est à quoi l'individu devrait s'attendre, par exemple s'il traverse la frontière. Doit-il s'attendre à ce que l'information soit communiquée à quelqu'un d'autre, à ce que sa déclaration serve à d'autres fins qu'à vérifier ce qu'il apporte en rentrant au pays, ou encore s'il a le statut de citoyen ou d'immigrant ayant obtenu le droit d'établissement? Qui aurait pu deviner que... Personnellement, je ne me serais pas attendu à ce que ce renseignement soit communiqué à des gens comme vous.

Je veux dire non pas qu'on devrait pouvoir déjouer le système, mais que le prestataire devrait raisonnablement savoir à quoi s'attendre. Si je demandais des prestations d'assurance-emploi, je ne m'attendrais pas à ce que les renseignements à mon sujet fassent l'objet d'un couplage avec des données de Revenu Canada me concernant.

Ce n'est pas que je sois contre la lutte aux fraudeurs, mais ce que j'accepte mal, dans les deux cas, c'est qu'on ne renseigne pas mieux le principal intéressé. Il y a une double question qui se pose ici: à quoi s'attend-on normalement, d'une part, en traversant la frontière, et, d'autre part, en devenant bénéficiaire de l'assurance-emploi. Si la notion de consentement éclairé veut dire quelque chose, il faudrait au moins que la personne concernée soit bien renseignée, dans les deux cas, non seulement dans un, mais dans les deux.

Mme Smith: Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, nous prenons actuellement des mesures pour nous assurer que tous les moyens seront pris pour que les prestataires sachent que nous allons faire systématiquement ce couplage et pour leur rappeler leurs obligations en ce qui concerne la recherche d'un emploi.

M. John Godfrey: Dois-je y voir un aveu partiel de votre part que les dispositions qui étaient prises jusqu'à maintenant n'étaient pas autant à l'avantage du client et du système qu'on ne l'avait d'abord prévu?

Mme Smith: Nous tenons compte de l'opinion du Commissaire à la protection de la vie privée, qui estime nécessaire ou souhaitable que nous informions mieux les prestataires de l'existence d'un tel couplage. Le couplage tel que nous le pratiquons actuellement est néanmoins conforme à la Loi sur la protection des renseignements personnels, et nous continuerons d'y recourir.

M. John Godfrey: C'est bien là le problème.

La présidente: Merci.

Myron.

M. Myron Thompson: Merci.

C'est une nouvelle expérience pour moi. Je viens tout juste de quitter un autre comité, qui étudie la Loi sur les jeunes contrevenants, ce qui est quelque peu différent. Par conséquent, si vous me voyez un peu perdu, vous comprendrez tout de suite pourquoi.

J'ai quelques inquiétudes dont j'aimerais vous faire part. Vous avez fait allusion aux dossiers scolaires il y a un instant. Je suis un ancien principal d'école qui a passé 30 années de sa vie dans une même école et qui a eu à conserver des dossiers pendant 15 de ces 30 ans, ce qui remonte à aussi loin que 1948. Nous étions tenus de prendre certaines précautions, notamment de garder les dossiers sous clé.

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De temps à autre, un ancien élève demandait à consulter son dossier, et nous devions alors suivre une procédure bien définie. Il nous fallait le vérifier soigneusement avant de permettre à la personne d'en prendre connaissance, par exemple pour en retirer au besoin tout ce qui aurait pu compromettre un ancien enseignant. Il y avait toutes sortes de règles à suivre. Cette procédure m'a toujours inquiété sur le plan de la protection des renseignements personnels.

Depuis que je suis député, j'ai eu par ailleurs l'occasion d'être au fait d'un autre type de situation qui me préoccupe. Je veux parler de celle où une entreprise exécute à contrat des travaux pour d'autres entreprises, en l'occurrence des sociétés pétrolières... S'il se trouve quelqu'un parmi vous qui a déjà travaillé pour l'une d'elles, il sait qu'il faut parfois patienter pendant 60, 90, voire 120 jours avant d'être payé. Un tel retard peut parfois amener un entrepreneur à se retrouver à court de liquidités au point de ne pas pouvoir effectuer ses remboursements de TPS. Il demande alors un délai, qu'il obtient normalement sans problème.

Dans l'exemple précis dont je veux vous faire part, l'entrepreneur avait même dû obtenir un emprunt pour payer ses employés. Il avait déposé l'argent dans son compte de banque et émis des chèques au nom de ses employés. Le lendemain, les employés se sont rendus à la banque pour encaisser leurs chèques, tout heureux d'avoir enfin été payés, et ce qu'ils y ont découvert, c'est que le gouvernement avait retiré tous les fonds pour recouvrer le montant de TPS qui lui était dû. L'argent avait disparu du compte de banque.

Je vais vous citer un autre cas. Il s'agit cette fois d'une personne qui a touché des prestations d'assurance-chômage durant trois semaines pour apprendre six mois plus tard qu'elle n'y avait pas droit en raison du moment où elle s'est trouvé un nouvel emploi. On l'oblige à rembourser les prestations qu'on lui a versées. On exerce sur elle des pressions en ce sens, parce qu'elle a réussi à se dénicher un emploi à 8 $ l'heure pour nourrir ses trois enfants. Vous pouvez imaginer dans quelle situation se retrouve cette personne. Il n'est pas très facile de rembourser des prestations auxquelles on croyait avoir droit et qu'on a utilisées pour faire vivre sa famille. Il est pénible de voir soudainement disparaître de l'argent de son compte de banque.

J'ignore si ces histoires sont vraies ou non. Après avoir mené ma propre enquête relativement au premier cas que je vous ai cité en exemple, j'ai constaté qu'en vertu des dispositions législatives régissant la perception de la TPS, le ministère du Revenu est autorisé à saisir l'argent qui se trouve dans un compte de banque. Je présume donc que cette histoire est authentique, que l'argent avait effectivement été déposé dans le compte de banque, mais que soudain, sans qu'on sache comment il a pu apprendre qu'on venait d'y déposer de l'argent, le ministère a vidé le compte. Je trouve cela pour le moins étrange.

Je serais simplement curieux de savoir de combien de plaintes vous avez été saisis concernant la protection des renseignements personnels. J'aimerais aussi savoir par qui elles ont été portées et quel en était l'objet.

Mme Smith: En ce qui concerne l'exemple du trop-payé, nous sommes tout à fait conscients que, presque par définition, un grand nombre de bénéficiaires du programme de l'assurance-emploi n'ont pas les moyens de rembourser, à brûle-pourpoint, de lourds montants de prestations qu'ils ont, par inadvertance ou consciemment, selon le cas, touchés sans y avoir droit. Nous faisons en sorte de convenir de conditions de remboursement par versements que le prestataire a les moyens de respecter.

Nous lui écrivons d'abord pour l'informer du trop-payé et de ses obligations à cet égard, et nous l'invitons à venir nous rencontrer à nos bureaux afin de discuter avec nous des moyens qu'il pourrait prendre pour rembourser sa dette envers l'État. C'est ainsi que nous procédons normalement pour recouvrer des trop- payés.

En ce qui concerne les plaintes relatives à la protection des renseignements personnels...

La présidente: Je m'excuse de vous interrompre, mais pourriez-vous répondre à la deuxième partie de la question? Avez-vous le droit de saisir l'argent d'un prestataire? Vous arrive-t-il de le faire, ou Revenu Canada le fait-il?

Mme Smith: Je ne suis pas au courant. L'êtes-vous, Ron?

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M. Ron Stewart (directeur général, Enquêtes et contrôle, Programme de l'assurance-emploi, ministère du Développement des ressources humaines): Nous avons le droit de saisir les salaires. Nous avons le droit de saisir l'argent dans les comptes de banque. Ce sont des droits que nous confère la Loi sur la gestion des finances publiques. Ce n'est toutefois qu'à l'extrême limite que nous...

La présidente: Prévenez-vous alors le principal intéressé?

M. Stewart: Naturellement. D'ailleurs, avant d'en venir là, nous aurons probablement tenté durant un certain nombre d'années de recouvrer le trop-payé, de convenir d'un mode de remboursement par versements. Certains de nos prestataires nous remboursent à raison de 10 $ par mois.

Une disposition de la Loi sur l'assurance-emploi prévoit que le remboursement d'un trop-payé ne doit pas causer de privations injustifiables au prestataire. L'expression «privations injustifiables» correspond à un concept général, qui signifie bien sûr que le remboursement exigé ne doit pas priver le prestataire du montant nécessaire au paiement des vêtements, de la nourriture, du loyer, et d'autres nécessités de la vie.

Donc, la commission ne saisira le salaire d'un prestataire ou ne bloquera et ne saisira l'argent de son compte de banque qu'en ultime ressort, après avoir vainement tout tenté pour conclure avec lui un autre arrangement satisfaisant.

M. Myron Thompson: Puis-je vous interrompre? Je suis ravi de voir que vous essayez de prendre entente avec la personne, d'en arriver à un commun accord. J'ignore toutefois si vous avez travaillé à raison de 8 $ l'heure récemment, mais dans l'exemple dont je parle, c'est exactement le salaire que touche cette personne qui a trois enfants. La commission a refusé toute entente prévoyant des versements inférieurs à 20 $ par mois. Vous pouvez m'en croire, j'ai examiné le cas de près, et la personne en question n'a vraiment pas un excédent de 20 $ par mois à consacrer à ce remboursement.

Dans quelle mesure vous penchez-vous sur ce genre de cas, et quand en venez-vous à la conclusion que vous devez prendre des mesures radicales? Je vous prierais de ne pas me répondre que vous attendez longtemps avant d'en arriver là, parce que tel n'est pas le cas, du moins pas toujours.

M. Stewart: Monsieur Thompson, c'est le préposé qui prend la décision. Nous traitons chaque année des milliers et des milliers de cas de trop-payés. Je ne connais pas les détails de celui dont vous me parlez, mais la décision est toujours prise par la personne responsable de recouvrer la créance.

La présidente: Seriez-vous prêt à vérifier le cas dont vous parle M. Thompson et à y apporter une attention particulière?

M. Stewart: Certainement. Nous verrons à ce que les autorités compétentes jettent un coup d'oeil attentif sur ce dossier.

La présidente: Merci. Pourriez-vous, s'il vous plaît, répondre à la deuxième partie de la question de M. Thompson, concernant le nombre de plaintes relatives à la protection des renseignements personnels?

Mme Smith: Connaissez-vous la réponse?

M. Stewart: Je n'ai eu connaissance que de trois ou quatre plaintes, toutes relatives au couplage de nos données avec celles des douanes. À part ces cas, nous n'avons été saisis, autant que je sache, d'aucune plainte concernant la façon dont nous traitons, recevons, consignons, utilisons, éliminons, etc. les renseignements personnels.

La présidente: Myron, aviez-vous terminé?

M. Myron Thompson: Oui, merci beaucoup. Je dois maintenant vous quitter. Je suis heureux d'avoir eu un moment...

La présidente: Soyez bien à l'aise. Faites en sorte que ce dossier parvienne à M. Stewart et il veillera à ce qu'il soit revu. Je pense que M. Stewart vous aidera volontiers à cet égard.

Sarkis.

M. Sarkis Assadourian: Merci beaucoup.

Madame Smith, mon numéro d'assurance sociale débute par 236. Ça vous dit quelque chose?

Mme Smith: Absolument pas.

M. Sarkis Assadourian: Ce chiffre n'indique-t-il pas que j'ai demandé ma carte d'assurance sociale au Québec?

Mme Smith: Il dit peut-être quelque chose à d'autres, mais pas à moi.

M. Sarkis Assadourian: J'ai l'impression que le chiffre 2 indique que la personne a demandé son numéro d'assurance sociale au Québec, le chiffre 4, en Ontario, et le chiffre 6, en Colombie- Britannique, ou quelque chose de ce genre. Pourquoi a-t-on besoin d'un tel renseignement sur cette carte?

M. John Godfrey: Vous trichez.

M. Stewart: Ce système a été établi en 1965.

M. Sarkis Assadourian: J'ai obtenu ma carte en 1971.

M. Stewart: Ce que je veux dire par là, monsieur, c'est que la mise en place du système remonte à passablement loin. J'avais 15 ans à ce moment-là. Je ne saurais donc vous dire exactement pourquoi on a à cette époque jugé utile d'inclure une donnée géographique dans le NAS. Les gens qui l'ont alors conçu avaient sans doute une raison de le faire, mais je ne suis pas actuellement en mesure de vous l'expliquer.

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M. Sarkis Assadourian: Pensez-vous qu'il y aurait maintenant lieu de le repenser?

M. Stewart: Un des problèmes que cela pose, monsieur, c'est que nous avons émis des millions et des millions de cartes portant de tels numéros. Voulez-vous parler de revoir cet aspect du système pour l'avenir, en vue de le rendre plus...?

M. Sarkis Assadourian: Oui, pour l'avenir, de manière à ce que nous n'ayons pas...

La présidente: Je m'excuse, Sarkis, mais lui demandiez-vous si un de ces chiffres révèle la date de votre entrée au pays?

M. Sarkis Assadourian: J'y viendrai dans une seconde.

La présidente: Oh! je vois.

M. Sarkis Assadourian: Ces chiffres vous disent-ils que je suis un immigrant ayant obtenu le droit d'établissement, un citoyen canadien ou un réfugié?

M. Stewart: Non. Toutefois, si vous n'étiez pas citoyen canadien, le premier chiffre de votre numéro d'assurance sociale serait le 9.

M. Sarkis Assadourian: Vous voulez parler des réfugiés?

M. Stewart: Pas uniquement. Cela vaut également pour des gens qui, sans avoir la citoyenneté canadienne, ont un autre statut que celui de réfugié, pour les immigrants ayant obtenu le droit d'établissement, par exemple. Le chiffre 9 est utilisé dans le cas d'une personne qui a un statut autre que celui de citoyen.

M. Sarkis Assadourian: Si je vous pose cette question, c'est que j'ai obtenu ma carte au moment où j'habitais au Québec en 1970. Une fois déménagé à Toronto, j'ai fait une demande d'emploi et le type qui m'a reçu m'a dit:

[Français]

«Eh, monsieur, comment ça va?»

[Traduction]

Je lui ai demandé comment il savait que je venais du Québec.

Pourquoi une personne susceptible de m'engager a-t-elle besoin de savoir d'où je viens? En quoi ce renseignement m'est-il utile ou est-il utile à celui à qui on demande un emploi? Il pourrait être un instrument de discrimination. L'employeur pourrait se dire: «Je ne l'embauche pas parce qu'il vient du Québec, ou parce qu'il a un accent.» Il est inconvenant de dire aux employeurs potentiels d'où viennent les postulants. Ils ont déjà suffisamment de renseignements sur les candidats sans que le gouvernement leur en fournisse davantage.

M. McNaughton: Peut-être serait-il utile que je vous rappelle un peu l'historique des systèmes d'information dans notre merveilleux monde. Il y a quarante, trente, voire vingt ans, les organismes, tant publics que privés, utilisaient couramment des chiffres comme instruments d'information. Les deux premiers chiffres voulaient dire ceci, les deux suivants, cela, et les trois derniers, autre chose. Tout un chacun bâtissait son système d'information de cette manière. C'est surtout avant l'apparition de l'ordinateur, ou avant que son utilisation se généralise qu'on procédait ainsi.

Avec l'avènement de l'ordinateur, comme vous le savez sûrement, on a commencé à pouvoir se servir de nombres aléatoires qui ne sont porteurs d'aucune signification. Depuis, tout ce qu'une personne peut souhaiter, légitimement ou non, savoir à votre sujet, est gardé en mémoire dans un ordinateur, et les chiffres n'ont plus aucune valeur de renseignement.

Quant au numéro d'assurance sociale et à tous les autres types de numéros que vous et moi détenons et qui sont porteurs de renseignements, ils appartiennent, plus souvent qu'autrement, à d'imposants systèmes, comme Ron l'a signalé, et ils figurent sur des cartes qu'une multitude de gens ont dans leurs poches actuellement. Si nous voulions réinventer le numéro d'assurance sociale, le concevrions-nous de cette manière? Certainement pas, pas plus qu'on ne l'a fait dans aucun des systèmes à numéros qui ont vu le jour depuis de nombreuses années.

M. Sarkis Assadourian: Peut-être notre comité devrait-il recommander une révision complète de ce système à numéros pour prévenir toute discrimination contre des Canadiens. Nous sommes tous Canadiens. Nous ne sommes peut-être pas venus sur le même bateau, mais nous sommes tous dans le même maintenant. Nous ne devrions donc pas...

La présidente: Sarkis, si vous n'y voyez pas d'objection, Andy et Maurice voudraient surenchérir sur cette idée. Nous vous reviendrons ensuite. Cela vous convient-il? Pouvons-nous poursuivre sur le même sujet?

M. Sarkis Assadourian: J'ai une autre question sur le même sujet, moi aussi, si vous me le permettez.

La présidente: Allons-y comme ça, et Andy et Maurice pourront intervenir au moment qu'ils jugeront opportun.

M. Sarkis Assadourian: Y a-t-il à votre ministère un mécanisme me permettant de faire apporter une correction à mon dossier s'il contient un élément erroné? Comment doit-on s'y prendre pour faire corriger une erreur?

M. John Godfrey: À propos de n'importe quel type de renseignement emmagasiné dans votre système.

La présidente: C'est une chose que nous aimerions tous savoir.

M. Sarkis Assadourian: C'est bon, ça.

Mme Smith: Pour faire corriger un renseignement qui figure dans n'importe quelle banque de données du gouvernement, on n'a qu'à demander au ministère concerné d'apporter la correction.

La présidente: Comment une personne peut-elle savoir qu'il faut apporter une correction à son dossier quand elle ne sait même pas quels renseignements y sont consignés?

Mme Smith: Vous pourriez, de la même façon, demander à avoir accès à votre dossier.

La présidente: Les gens savent-ils où aller pour demander à consulter leur dossier?

M. John Godfrey: Comment vous y prendriez-vous vous-même? Si vous vouliez savoir quels renseignements le ministère possède à votre sujet concernant l'assurance-emploi, vos heures travaillées et diverses données de ce genre, vous suffirait-il de demander l'accès à votre dossier, pour voir de vos yeux ce qu'on sait à votre sujet? Comment feriez-vous?

Mme Smith: Si je voulais voir mon dossier, je me rendrais au bureau de DRHC le plus près, j'irais voir le préposé et je demanderais à consulter mon dossier. Je ne m'attendrais pas à ce qu'on puisse me l'apporter sur-le-champ, mais on serait tenu en loi de m'y donner accès, de me permettre de le consulter.

[Français]

La présidente: Vous voulez ajouter quelque chose, Maurice?

M. Maurice Bernier: Oui, je...

.1215

[Traduction]

M. Andy Scott: Si j'allais au bureau de DRHC à Fredericton et demandais à avoir accès à ces renseignements, me dirait-on que le premier chiffre inscrit sur ma carte d'assurance sociale indique l'endroit où je l'ai demandée? Je ne pense pas qu'on me le dirait. Personnellement, jusqu'à ce que le ciel m'envoie Sarkis il y a quelques minutes, je ne me doutais absolument pas de l'existence de cette réalité.

C'est tout un problème. Dans notre discussion d'aujourd'hui, il a été question à quelques reprises de cadre législatif. Malheureusement pour nous, il ne faudrait peut-être pas s'attendre à ce qu'on puisse protéger légalement les gens contre des réalités dont nous ne soupçonnons même pas l'existence. J'ignorais ce genre de chose, moi qui suis un législateur. Je ne savais pas que ce chiffre avait cette signification.

Une des choses qu'on nous a répétées durant toute la semaine dernière, c'est que souvent les organismes recueillent des renseignements au seul motif qu'ils en ont la possibilité. Il me semble qu'on ne respecte pas suffisamment le droit des gens à la protection de leur vie privée. C'est la conclusion à laquelle j'en suis venu. Il n'y a pas lieu d'en blâmer qui que ce soit, à mon avis. J'estime simplement qu'on ne réfléchit pas suffisamment à ce genre de question.

Notre problème à nous, les législateurs, c'est que nous ne savons pas quels renseignements on recueille. Je suis sûr que si je me présentais au bureau de DRHC à Fredericton, on ne me dirait pas qu'en voyant le premier chiffre de ma carte d'assurance sociale on sait immédiatement que je l'ai demandée au Nouveau-Brunswick. J'ignore quelle information on tient à détenir.

Si, en tant que simple citoyen, je ne sais même pas comment me protéger moi-même, comment espérer que, comme législateur, je sache comment protéger les Canadiens. D'ailleurs, j'ignore même de quoi il faudrait les protéger? C'est pourquoi, pour en revenir à mon intervention initiale, il serait si important que DRHC et les autres ministères mettent en place des mécanismes qui respectent cette valeur qu'est le droit à la protection de sa vie privée.

J'ai bien aimé entendre Norine dire qu'il fallait trouver le juste milieu. Nous demandons instamment au ministère de prendre très au sérieux la crainte qu'éprouvent les Canadiens qu'on recueille à leur sujet des renseignements pour l'unique raison qu'on a le loisir de le faire.

On nous a fait remarquer qu'une bonne part de ces renseignements avaient été recueillis avant l'ère de l'informatique. Probablement qu'alors, la possibilité qu'on s'en serve abusivement n'existait à peu près pas. Depuis l'apparition des moyens informatiques, tous ces renseignements qu'on a compilés à notre sujet peuvent beaucoup plus facilement être utilisés à mauvais escient.

M. John Godfrey: On en abuse plus rapidement.

M. Andy Scott: Nous devons donc revoir tous les renseignements que nous détenons pour établir si, dans le monde d'aujourd'hui, on jugerait encore utile de les recueillir. Je pense vous avoir entendu dire qu'on ne devrait plus le faire.

Mme Smith: À ma connaissance, le fait que le NAS comporte un chiffre qui révèle l'endroit où la personne a demandé sa carte n'a jamais été utile à notre ministère.

M. Sarkis Assadourian: Mais peut-être que d'autres s'en servent.

Mme Smith: Je saisis l'hypothèse que vous soulevez. Je dois dire toutefois qu'à ma connaissance, le NAS n'est pas une source de renseignements utile à notre ministère, bien que nous en fassions abondamment usage comme pièce d'identité.

Vous posez là une question intéressante. Si cette carte ne nous donne pas de renseignements utiles, pourquoi y maintenons-nous des chiffres porteurs de signification? Voilà une question à laquelle je me propose de trouver réponse incessamment.

Quant à la question que vous nous avez posée à savoir si le personnel de notre bureau de Fredericton connaissait la signification de ce chiffre, j'imagine que tous nos préposés doivent en prendre conscience presque spontanément, du seul fait qu'ils soient à l'emploi de nos bureaux locaux, où ils ont affaire à un flot ininterrompu de gens qui résident et travaillent dans cette région et dont le NAS, qu'ils doivent produire pour demander des prestations, commence invariablement, ou presque, par le même chiffre. Autrement dit, même si on n'apprend pas aux membres du personnel, dans le cadre de leur formation, la signification de ce chiffre, je serais étonnée qu'ils ne sachent pas qu'il y a un lien entre le chiffre en question et l'endroit où la personne a demandé sa carte.

M. Andy Scott: Je dois me rendre à une étonnante évidence. Nous voyons nous aussi beaucoup de NAS. Moi, par exemple, j'ai probablement eu l'occasion de voir plus de formulaires portant un NAS que je ne pourrais l'imaginer, car cela fait partie de mon travail. Je dois sûrement être plus sot que la plupart de mes collègues de DRHC, car je n'ai jamais pris conscience d'une telle réalité. J'en vois pourtant à longueur de journée, quotidiennement.

M. Sarkis Assadourian: À compter de maintenant, vous allez les remarquer.

M. Andy Scott: Ça ne m'est jamais venu à l'idée.

Mme Jean Augustine: C'est que vous ne faites pas partie d'une minorité.

M. Andy Scott: Je vous promets que je ne m'en servirai pas pour faire de la discrimination, même si maintenant je m'y connais.

M. Sarkis Assadourian: Vérifiez la vôtre.

.1220

La présidente: Il y a deux volets à cette question. Premièrement, nous avons entendu toutes sortes de choses à propos de ce comité qui est censé se pencher sur la question des nouvelles technologies et qui doit bien savoir que ces chiffres permettent à quelqu'un de reconnaître la région où le détenteur a obtenu sa carte, s'il est un réfugié, s'il ne possède pas de carte verte, et d'obtenir toutes sortes d'autres renseignements. Dans quelle mesure cet aspect vous préoccupe-t-il sur le plan technologique? Nous avons été à même de constater qu'il n'est pas possible de protéger cette information autrement qu'en utilisant comme on le fait couramment de nos jours des codes numériques, et non analogiques, ce qui fait toute une différence.

Deuxièmement et surtout, un point qui est ressorti de cette discussion et qui m'inquiète de plus en plus à mesure que nous nous dirigeons vers la privatisation de toutes choses et que nous nous délestons de nos responsabilités, c'est de savoir comment protéger cette information qui était autrefois emmagasinée dans d'énormes ordinateurs qui occupaient trois fois la superficie de la pièce où nous nous trouvons, et qui l'est maintenant dans des micro- ordinateurs? Quelle protection avons-nous? Je ne nous trouvais pas protégés quand nous avons privatisé Air Canada, pas plus que lorsque nous avons privatisé les tâches qu'exécutaient nos fonctionnaires dans bien des secteurs, sauf dans le cas de VIA Rail.

Qu'avez-vous fait de toute cette information? Qui y avait accès? En vertu de quels droits avez-vous transféré ces renseignements confidentiels que vous déteniez, tant sur les employés qui sont restés que sur ceux qui ont été mis à pied en cours de route? Dans quelle mesure votre ministère a-t-il été associé à cette opération? Incluez-vous dans vos contrats, dans vos ententes de sous-traitance, ou dans leurs annexes, des dispositions visant à garantir la confidentialité des renseignements personnels?

M. McNaughton: Je ne peux répondre à cette question en entier, madame la présidente, mais je vais essayer de le faire partiellement.

La présidente: Vous pourriez compléter votre réponse par écrit.

M. McNaughton: Je peux répondre très explicitement à quelques-unes des questions que vous avez posées, et je peux offrir au député de Don Valley-Nord de lui montrer comment décoder le numéro de n'importe quelle carte de crédit qu'il détient pour voir s'il a une bonne cote de solvabilité. Ce renseignement est souvent encodé sur la carte même. Si je vous mentionne cela, c'est simplement pour que vous sachiez qu'il n'y a pas que le gouvernement qui recourt à cette pratique.

La présidente: Je m'excuse de vous interrompre, mais il a fallu sept ans à Warren Allmand, qui n'est plus membre de notre comité, pour faire corriger sa cote de solvabilité. Nous sommes donc au courant que ce renseignement figure sur les cartes de crédit.

M. McNaughton: Au comité dont j'ai parlé, qui réunit des représentants des provinces, des territoires et du gouvernement fédéral, je vous avouerai bien ouvertement et bien honnêtement que personne n'a abordé la question des renseignements encodés dans le numéro d'assurance sociale - de la signification du premier chiffre. Nous n'avons jamais discuté de cette question à nos réunions.

J'espère que vous estimez utile que je vous apprenne que ce n'est qu'aujourd'hui, après trois ans de service à notre ministère et 53 ans de ma vie au Canada, que j'ai appris que le numéro d'assurance sociale avait une signification. Comme vous, monsieur Scott, je n'en savais rien. Je n'ai simplement jamais porté attention à ce détail.

Nous pourrions modifier cet aspect, comme Norine l'a laissé entendre, et nous sommes impatients d'examiner cette question avec les personnes concernées au ministère pour voir ce qui devrait être fait dans ce sens. Mais nous n'avons jamais abordé ce genre de sujet, madame la présidente, au comité dont je vous ai parlé. Tout ce dont nous y discutons, c'est de moyens d'améliorer le service au client et de nous assurer qu'il n'y a pas erreur sur la personne quand nous couplons des dossiers fédéraux et provinciaux.

Vous avez soulevé une question très importante, à propos de ce que faisait notre ministère, en premier lieu, pour protéger la confidentialité de l'information gardée en mémoire dans nos ordinateurs, qu'il s'agisse de gros ordinateurs ou de micro- ordinateurs. Nous utilisons tous les dispositifs que n'importe qui, gouvernement, banque ou entreprise privée, peut se procurer et installer pour verrouiller ses tiroirs, qu'il s'agisse de protéger toute l'information emmagasinée dans des cartes à puce portables ou dans les plus gros ordinateurs dotés des plus gros disques au monde.

De nos jours, les outils disponibles dans le monde de l'informatique nous permettent d'installer autant de verrous de protection qu'on le désire. Un coffret de sûreté, par exemple, peut ne pas avoir de serrure, si c'est ce qui convient, comme il peut en avoir dix. S'il le faut, on se servira d'un coffret que le simple quidam ou le député devra ouvrir avec une clé. La technologie permet ce genre de chose. Nous utilisons les outils que nous pouvons nous procurer. Nous ne les inventons pas. Nous les achetons comme tout autre...

La présidente: Monsieur McNaughton, nous avons aussi appris, au comité, qu'il se produit parfois des fuites de renseignements personnels, notamment de données sur le revenu de certains particuliers - nous pourrions peut-être laisser cette question à M. Bernier - , sur leur santé ou sur leur emploi. Il y a des gens qui vendent ce genre de renseignements sur le marché noir.

J'imagine que vos verrous ne sont pas à l'abri des émules de Houdini et que vos données, toutes blindées qu'elles soient censées être, peuvent elles aussi faire l'objet de fuites. Voilà pourquoi nous voulons savoir ce que vous, les experts en nouvelles technologies, faites pour prévenir plus efficacement ces fuites; nous aimerions savoir aussi quand vous allez commencer à utiliser des données numériques pour protéger cette information.

.1225

[Français]

M. Maurice Bernier: Plus tôt, Mme Smith a parlé de la nécessité, pour les dirigeants du ministère et les fonctionnaires, de protéger l'intégrité du système d'assurance-chômage. Autrement dit, il faut faire en sorte que l'argent soit bien utilisé.

J'aimerais que vous nous disiez, en ce qui a trait à la formation que vous donnez à votre personnel, quelle place prend la protection de l'intégrité de la vie privée. Autrement dit, quand vous formez vos employés, quel message leur transmettez-vous? Doivent-ils d'abord et avant tout s'occuper seulement de l'intégrité du système, ou doivent-ils tenir compte également de l'intégrité de la personne, de sa vie privée ou si, selon vous, c'est la responsabilité du commissaire à la vie privée que de faire cela?

[Traduction]

Mme Smith: La protection des renseignements personnels occupe, dans la formation que nous donnons à nos employés, une place très importante, et, qui plus est peut-être, elle est, pour ainsi dire, au centre de la culture opérationnelle de notre ministère.

Telle personne peut accéder à tel type d'information. Comme le disait M. McNaughton, nous essayons d'utiliser des mots de passe, des codes et tous les outils de protection possibles pour nous assurer que vraiment seules peuvent avoir accès à nos banques de données, qui contiennent une foule de renseignements sur les individus, les personnes qui y ont droit.

Par exemple, nous utilisons des codes de conduite très stricts pour des fonctions aussi simples que l'allumage des écrans d'ordinateurs. Nous demandons à nos employés de toujours laisser leur écran éteint en quittant leur poste de travail, pour éviter que des passants y voient, sans y être autorisés, des renseignements personnels qui y seraient affichés.

Par ailleurs, dans beaucoup de nos bureaux locaux, nos fonctionnaires travaillent en collaboration très étroite avec leurs homologues provinciaux. Il y a, on le sait, une importante interface entre le réseau de l'aide sociale et celui de l'assurance-emploi. Ce n'est là qu'un exemple parmi d'autres de domaine où nous concluons des ententes écrites fort explicites avec les autorités provinciales et avec des agents contractuels qui nous aident dans la prestation de nos programmes et services.

Toutes ces ententes contiennent des dispositions nous permettant d'exercer un contrôle très strict sur l'utilisation de l'information par la partie contractante ou par des tiers. À cet égard, non seulement nous décrivons la nature des renseignements que nous sommes censés nous communiquer de part et d'autre, mais nous limitons et circonscrivons très concrètement la manière dont cette information peut être utilisée par un tiers.

Nous sommes donc très soucieux de préserver la confidentialité des renseignements personnels. Nous veillons très minutieusement au ministère à ce que l'information que nous possédons soit utilisée correctement. Nous ne la transmettons qu'aux personnes qui sont autorisées à l'utiliser et nous nous assurons qu'à leur tour elles s'en servent judicieusement.

[Français]

M. Maurice Bernier: Pouvez-vous me confirmer, madame Smith, que vous êtes en mesure de déterminer précisément qui, dans le cas de l'assurance-chômage, consulte le dossier de qui et combien de fois ce dossier est consulté au cours d'une période donnée? Avez-vous tous les contrôles nécessaires pour nous dire qui a consulté le dossier de tel individu, combien de fois et pour quelle raison?

[Traduction]

La présidente: Je présume que oui, du moins je l'espère.

M. Stewart: C'est plutôt l'inverse. Nous pouvons dire à quels dossiers chaque employé a eu accès.

La présidente: La question que pose M. Bernier me rappelle que Lloyd Axworthy parlait de guichet unique. Dans une telle hypothèse, une seule et même personne aurait accès à mon dossier chaque fois que je soumets un problème ou que je téléphone pour avoir un renseignement. Cette personne devrait-elle être à Moncton, ou à Fredericton, ou à Végréville? De qui cela relèverait-il? C'est, je crois, le sens de cette question.

.1230

[Français]

M. Maurice Bernier: Absolument.

[Traduction]

La présidente: Et si vous ne pouvez nous dire combien de fois ce dossier a été consulté, c'est plutôt lamentable.

[Français]

M. Maurice Bernier: Cependant, c'est ce qui est arrivé à Québec. Vous avez probablement entendu parler de cet exemple, au Québec, qui a été donné par le vérificateur général en ce qui a trait au ministère du Revenu. Le dossier d'un artiste québécois - tout le monde sait maintenant de qui il s'agit - a été consulté entre 500 et 600 fois par 125 personnes différentes.

La présidente: Cent quarante-sept.

M. Maurice Bernier: Cela importe peu. Il a été consulté par un nombre incroyable de fonctionnaires. On connaît peut-être le nombre de personnes et le nombre de de fois, mais on ne sait pas qui a consulté le dossier et on ne sait pas non plus pour quelle raison il a été consulté. Êtes-vous capable de nous dire que ces informations sont contrôlées à l'assurance-chômage?

[Traduction]

M. Stewart: Nous contrôlons ces échanges de la manière suivante: Nous gardons un relevé par employé de chaque manipulation ou de chaque demande d'information se rapportant à un dossier. Autrement dit, nous exerçons ce suivi par employé.

Comme Mme Smith le mentionnait, nos employés doivent se servir d'un code d'utilisateur pour accéder au système et ils ne peuvent y effectuer qu'un certain nombre d'opérations. Nous utilisons, selon le niveau de leur poste et le genre de travail qu'ils font, des moyens pour restreindre leur capacité d'accéder aux fonctions du système. Nous nous servons d'instruments électroniques de repérage pour suivre chaque opération effectuée par un employé. Par exemple, dans le cas d'un employé qui aurait le code 2, nous pourrions, à l'aide de ce code, repérer toutes les opérations qu'il a effectuées dans le système.

La présidente: Je vois.

[Français]

M. Maurice Bernier: Plus tôt, on a parlé d'échanges d'information avec d'autres ministères. On a donné l'exemple de votre ministère, en ce qui a trait à l'assurance-emploi, et du ministère de l'Immigration. Avec combien de ministères le service de l'assurance-emploi fait-il affaire? Quels sont les ministères avec lesquels vous faites affaire? Existe-t-il d'autres agences non gouvernementales avec lesquelles vous faites affaires en termes de demandes et d'échanges d'information? Si oui, lesquelles?

[Traduction]

M. Stewart: En ce qui à trait aux prestations d'assurance- emploi, nous avons, au niveau national, une entente d'échange de renseignements avec un seul ministère, et c'est Revenu Canada, dont relèvent l'impôt et les douanes. Au niveau national, c'est le seul ministère avec lequel nous échangeons de l'information.

L'entreprise privée nous transmet également, sur une base volontaire, des renseignements; l'échange est alors à sens unique. Nous ne lui fournissons aucune information en retour.

La présidente: Qu'en est-il des échanges avec les provinces?

M. Stewart: Cela dépend des régions. Nous avons des ententes avec certaines provinces. Par exemple, je sais qu'en Colombie- Britannique, le ministère du Développement des ressources humaines a conclu une entente de ce genre avec le ministère provincial des services correctionnels. On nous indique à quelles personnes il faut cesser de verser des prestations d'AE parce qu'elles viennent d'être incarcérées et qu'elles n'ont de ce fait plus droit aux prestations.

La présidente: Avez-vous une entente semblable avec le ministère du Solliciteur général du Canada?

M. Stewart: Non, nous n'avons pas de telle entente avec ce ministère.

La présidente: En résulte-t-il que des détenus touchent indûment des prestations?

M. Stewart: J'espère que non. Une personne incarcérée dans un pénitencier fédéral ne peut continuer de toucher des prestations sans l'aide d'un complice, et sans se rendre coupable de fraude. Nous avons des programmes visant à détecter ces cas. Au niveau fédéral, nous avons avec Revenu Canada une entente qui vaut pour l'ensemble du pays, et, comme je le disais, nous obtenons aussi des renseignements de l'entreprise privée.

La présidente: Qu'en est-il dans le cas du Régime de pensions du Canada?

M. Stewart: Il relève de notre ministère.

La présidente: Vous aviez donc oublié de mentionner cet échange d'information. Vous échangez des renseignements concernant les dossiers du Régime de pensions du Canada et de Revenu Canada.

M. Stewart: Non. Ce que je vous ai dit, madame la présidente, c'est que le seul ministère fédéral avec lequel nos échangeons de renseignements est Revenu Canada. Le Régime de pensions du Canada relève de notre ministère.

La présidente: Puis-je vous interrompre un instant, s'il vous plaît?

M. Stewart: Allez-y.

.1235

La présidente: Ce que demandait M. Bernier, je pense,...

Nous parlons des échanges d'information en général. Nous avons passablement traité du cas de l'assurance-emploi, mais votre ministère s'occupe de bien d'autres programmes, notamment du Régime de pensions du Canada, des prestations pour enfants, du crédit d'impôt pour enfants, des allocations aux jeunes chômeurs, et des bourses d'études. Il nous serait très important d'avoir une idée - peut-être pourriez-vous nous fournir ce renseignement par écrit - des croisements d'information que vous effectuez et qui pourraient porter atteinte au droit de chacun à la protection de sa vie privée. C'est ce que nous cherchons vraiment à savoir.

M. Maurice Bernier: Exactement.

La présidente: Prenons-le sous l'angle des droits de la personne. Notre comité aimerait savoir combien de fois et de combien de manières le gouvernement du Canada peut échanger des renseignements au sujet d'un individu aux différentes étapes de sa vie - enfance, adolescence, vie adulte ou troisième âge - avec des gouvernements provinciaux ou territoriaux et en collaboration avec l'entreprise privée, et dans quelles circonstances il peut effectuer de tels échanges?

Voilà ce que nous aimerions savoir. Il serait très important pour nous d'être au fait de ce qu'il en est pour pouvoir examiner sérieusement les questions de la protection de la vie privée d'une personne, de l'accès aux renseignements personnels, et du consentement éclairé.

Je puis vous dire que selon une recherche effectuée en 1995, Des frontières à définir, 95 p. 100 des 2 400 personnes interrogées se disaient hautement préoccupées par la question de savoir qui devrait être informé, pourquoi et comment; 80 p. 100 disaient craindre fort que les gens ne soient pas informés d'avance de la possibilité qu'on consulte un de leurs dossiers. En outre, 94 p. 100 disaient qu'un dossier ne devrait pas être communiqué sans le consentement de la personne concernée, et, dans le cas du secteur privé, 79 p. 100 disaient que les entreprises ne devraient avoir accès à des renseignements personnels qu'avec le consentement du principal intéressé, qui pourrait en tout temps retirer, s'il y a lieu, son autorisation.

Nous voyons donc que la population attend beaucoup de notre comité. Nous devons d'abord essayer d'obtenir l'éclairage dont nous avons besoin, de bien cerner la question, avant de pouvoir trouver la réponse.

J'ignore si ma question est trop vaste. J'inviterais mes collègues à y apporter de précisions s'ils le jugent à propos. À vrai dire, nous avons besoin de cette information le plus tôt possible. Nous voulons déposer notre rapport à la Chambre des communes d'ici un mois.

Je me sens très coupable, car j'ai fait patienter Jean plus que tout autre à cette table.

Jean, la parole est à vous, pourvu que vous posiez la question 6.

M. John Godfrey: Les droits de la personne, ça vaut pour elle aussi.

La présidente: Tout à fait. Allez-y, posez la question 6.

Mme Jean Augustine: Vous savez, il y a plusieurs choses que je pourrais mettre sur la table, pas seulement mes droits en tant que personne, mais peu importe.

Des voix: Oh!

Mme Jean Augustine: Heureusement que j'ai pu entendre les questions de mes collègues, car elles correspondent essentiellement à celles que j'avais jetées sur mon bloc-notes dans l'intention de les poser à cette séance de notre comité.

J'aimerais vous ramener sur la question de l'exactitude des renseignements recueillis. À maintes reprises, dans le cadre de nos consultations, des personnes nous ont dit craindre vraiment le risque d'inexactitude des renseignements consignés - que ce soit par vous ou par l'entreprise privée. On ne semble pas avoir prévu de mécanisme visant à permettre la correction des renseignements erronés. On semble agir comme si, à un moment donné, on avait pris un instantané auquel il n'est plus possible d'apporter des corrections, et je trouve cela très préoccupant.

Je peux vous citer l'exemple d'un cas de ce genre où cela fait trois ans que j'essaie personnellement d'aider quelqu'un à cet égard. Il y a combien de temps que nous avons été élus, déjà? Plus de trois ans.

M. John Godfrey: Nous sommes dans la quatrième année.

M. Maurice Bernier: C'est trop.

[Français]

La présidente: Maurice, allez-vous vous présenter en Ontario?

[Traduction]

Mme Jean Augustine: Madame la présidente, quand cet homme s'est présenté à mon bureau pour m'exposer son problème, cela faisait déjà trois ou quatre ans qu'il se débattait en vain pour faire rectifier sa date de naissance dans le système. Depuis quatre ans, nous avons tout fait pour essayer de régler le problème - affidavits, lettres d'un député, lettres de voisins et de connaissances, etc - et nous n'arrivons pas à faire corriger ce petit détail.

J'aimerais que vous me disiez si on a prévu des mécanismes permettant aux gens de prendre connaissance des renseignements contenus dans les dossiers qui les concernent et de les faire rectifier au besoin, car rien ne justifie que la teneur de tels renseignements soit laissée à la discrétion des dépositaires des dossiers.

.1240

Mme Smith: Chose certaine, ces mécanismes existent. Sans connaître les détails de ce cas particulier, je constate qu'il s'agit là d'un exemple où il y a sans conteste quelque chose qui empêche la correction de l'information.

En principe, donc, les mécanismes sont là. Toute personne a le droit d'accès à son dossier et peut demander que les renseignements qu'il contient soient corrigés. Si elle estime qu'on ne lui a pas donné satisfaction, elle peut soumettre son cas au ministre. Les procédures à suivre sont d'ailleurs décrites dans les politiques du Conseil du Trésor.

Nous avons naturellement autant intérêt que l'individu concerné à ce que les données à son sujet soient exactes et précises. C'est très important pour nous aussi. Je ne sais trop s'il y aurait autre chose à ajouter, si ce n'est de répéter que les dépositaires de ces banques de données ne peuvent que souhaiter que les renseignements qu'elles renferment soient exacts, car ils ont tout intérêt à ce qu'ils le soient.

La présidente: Madame Augustine, puis Russell.

Mme Jean Augustine: Si nous nous dotons, à l'échelle nationale, d'un identificateur commun - d'un NIP ou d'un moyen exclusif d'accès - quelles garanties...? Vous nous avez parlé de vos rencontres avec des homologues pour discuter du système. Quels mécanismes et quelles procédures envisagez-vous de mettre en place pour garantir que les renseignements sur lesquels reposera le système seront exacts ou pourront être rectifiés au besoin?

M. McNaughton: Une des hypothèses que nous envisageons dans ces rencontres de technologues, compte tenu des possibilités que nous offre la technologie moderne, c'est de donner à chacun une clé lui permettant de contrôler les renseignements le concernant - qui y aura ou n'y aura pas accès?

Nous nous interrogeons sur la nécessité ou non d'exiger de l'éventuel bénéficiaire d'un programme gouvernemental, comme celui de l'assurance-emploi, qu'il fournisse tel ou tel renseignement, mais il y a un outil potentiel qui pourrait y faire toute une différence: le principal intéressé aura-t-il ou non la clé d'accès à cette information. Dans le secteur bancaire, par exemple, on doit fournir au client une clé ou un NIP. C'est de ce genre de clé que je veux parler. Si nous le jugeons à propos, nous avons techniquement la possibilité d'évoluer dans cette direction.

Une autre hypothèse que nous caressons - nous ne savons pas trop encore comment nous pourrions nous y prendre pour concrétiser ce projet, mais nous l'avons à coeur - , c'est de faire en sorte que le principal intéressé puisse facilement avoir accès aux renseignements qui le concernent. Nous ne voyons rien qui s'y oppose. Vous et moi pouvons aller à un guichet bancaire et obtenir une foule de renseignements nous concernant et ne concernant que nous. Cette possibilité devrait nous être offerte de plus en plus dans nos relations avec des organismes, privés ou publics, pour que nous puissions nous assurer que les renseignements qu'ils détiennent à notre sujet sont exacts.

La présidente: Oui, mais êtes-vous détenteur d'une carte Visa? N'oublions pas que si vous l'êtes, vous avez signé un contrat autorisant l'émetteur de la carte à communiquer à d'autres, à des fins commerciales, l'information qu'il détient à votre sujet.

M. McNaughton: Oh! je comprends ce que vous voulez dire, mais ce n'est pas le cas de l'information que détient le gouvernement.

La question, à mon avis très importante, que je soulève ici est de savoir si nous devrions avoir le droit et la possibilité d'accéder à l'information que n'importe quel organisme, privé ou public, possède à notre sujet.

La présidente: Vous avez raison.

M. McNaughton: Nous cherchons des moyens technologiques d'offrir cette possibilité. Les législateurs décideront ensuite.

La présidente: Comme le temps presse, je vais vous expliquer comment nous allons procéder. Je regrette, Russell, que vous ayez eu à vous absenter. Je sais qu'il vous a fallu aller contribuer à ce qu'on ait quorum ailleurs.

Je vais demander à Russell de prendre la parole en premier, et je vous prierais de répondre à sa question. Ensuite, je sais que MM. Scott, Godfrey et Bernier voudront peut-être enchaîner avec quelques questions brèves. Je vais leur demander de poser leurs questions d'affilée et, si le temps nous le permet, les témoins pourront y répondre. Sinon, nous les prierons de le faire par écrit. Ça vous convient? Merci.

Allez-y, Russell.

M. Russell MacLellan: Merci, madame la présidente. Je suis ravi de vos directives et des informations que vous avez demandées à nos témoins. Elles couvrent presque l'entier du sujet qui nous intéresse.

Je vois toutefois un aspect qui n'a pas été abordé, à moins qu'il ne l'ait été pendant mon absence. Le gouvernement a de plus en plus tendance à confier certaines tâches administratives au secteur privé, et je songe en particulier à la gestion des prêts étudiants. Quelle garantie avons-nous que les renseignements concernant les intéressés demeureront confidentiels une fois entre les mains de l'entreprise privée?

.1245

Mme Smith: Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, quand nous concluons une entente avec une personne ou un organisme qui agit en notre nom pour l'administration de nos programmes, nous prévoyons dans le contrat une disposition relative à la protection des renseignements personnels qui stipule que...

La présidente: Qu'entendez-vous par protection des renseignements personnels? Quelles balises mettez-vous en place pour garantir cette protection dans le secteur privé?

Mme Smith: Je devrais peut-être vous donner l'exemple des ententes sur la main-d'oeuvre que nous négocions actuellement avec des provinces, et que nous avons effectivement conclues dans le cas de deux ou trois d'entre elles. Nous discutons des intérêts de toutes les provinces à ce sujet.

Ces ententes couvrent des aspects fort divers. Elles comportent toutes une annexe qui traite expressément de la protection de la vie privée. Cette annexe dit, par exemple, que toute information se rapportant à l'administration de ces programmes que nous transmettons à la province est assujettie à la Loi sur la protection des renseignements personnels.

On y ajoute que l'information fournie à la province est assujettie également à la loi provinciale relative à la protection des renseignements personnels. Dans les provinces où cette loi est moins exigeante que la loi fédérale équivalente, on inclut des dispositions visant à renforcer...

M. Russell MacLellan: Je m'excuse d'interrompre le témoin, madame la présidente, mais ce qui m'intéresse surtout, c'est ce qui se passe quand c'est l'entreprise privée qui est en cause.

J'étais ici quand on a discuté des négociations avec les provinces. Elles ne sont pas encore finalisées, mais, dans le cas de l'entreprise privée, nous sommes devant un fait accompli. Je voudrais savoir quelles garanties on exige de l'entreprise privée et quelles sanctions sont prévues en cas de dérogation aux obligations fiduciaires auxquelles elle s'engage à cet égard.

La présidente: Ce second volet est aussi très important.

Mme Smith: Nous prévoyons des dispositions similaires.

M. Russell MacLellan: Qu'entendez-vous par «dispositions similaires»? Vous ne pouvez inclure dans le cas de l'entreprise privée des dispositions similaires à celles qu'on trouve dans les ententes avec les provinces. Il doit y avoir des différences.

Mme Smith: Pour vous éclairer sur cette question, le plus facile pour moi serait peut-être de fournir au comité un exemple concret du genre de protection que nous exigeons.

La présidente: C'est ce que nous aimerions savoir en réalité.

Pour étoffer la question de M. McLellan, nous aimerions avoir des précisions sur la nature, la taille et le poids des sanctions que vous prévoyez utiliser pour décourager vraiment toute dérogation aux règles. Une amende de 1 000 $, par exemple, n'aurait aucun effet dissuasif.

Quel était le montant de l'amende dont on nous a parlé? Une société a été condamnée à payer 50 000 $ d'amende, ce qui porte davantage à réfléchir qu'une simple tape sur les doigts. Avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Russell MacLellan: Non. D'autres membres du comité veulent poser des questions.

M. Andy Scott: J'aimerais ajouter un élément à la demande de renseignements qu'a soumise la présidente à propos de ce que le ministère détient comme information qu'il est censé protéger. Très précisément, en ce qui concerne l'entente sur la main-d'oeuvre qui a été conclue avec la province du Nouveau-Brunswick, on nous dit que la province devra se conformer à la Loi fédérale sur la protection des renseignements personnels dans le cas des renseignements recueillis par le gouvernement du Canada.

Mais une telle entente change énormément le profil de la situation, car je sais de bonne source que la province va utiliser ces renseignements et les coupler avec ceux de l'aide sociale et de la main-d'oeuvre. Par conséquent, il ne s'agit plus uniquement de RPC, de SV, de prêts étudiants, etc., mais aussi de jumelage de dossiers de l'aide sociale et d'autres types de dossiers, dont peut-être ceux du solliciteur général de cette province.

Nous faisons vraiment ici de grandes enjambées à cet égard. Peut-être a-t-on prévu des moyens de contenir quand même le mouvement de l'information, mais nous devons savoir ce qu'il en est.

Mon deuxième point a trait à l'entreprise privée. Je reconnais qu'il est beaucoup plus simple et pratique d'impartir certains services dans le secteur privé que de mettre en place des appareils énormes. J'ai une question très précise à poser. Disons que vous voulez informer un employeur qu'un de ses employés doit rembourser des prestations versées en trop et que vous allez recouvrer vos dus par prélèvement sur son salaire. L'employeur est-il libre de dévoiler ce fait à n'importe qui? À qui peut-il en parler?

Je connais le cas d'une personne qui est au chômage depuis deux ou trois ans, qui n'arrive pas à se trouver un emploi parce qu'aucun employeur ne veut de lui. C'est que chacun d'eux prend d'abord soin de parler avec son ex-employeur, qui n'hésite pas à affirmer que c'est un candidat qu'il vaut mieux ne pas embaucher puisqu'il a un trop-payé d'assurance-emploi à rembourser.

.1250

L'employeur a-t-il des limites à respecter ou peut-il aller crier sur les toits de tout Fredericton que le salaire de cet employé a été saisi pour recouvrement de trop-payés d'assurance- emploi?

La présidente: Diriez-vous qu'il devra faire son deuil de sa vie privée?

M. Andy Scott: Je serais curieux de savoir quelles restrictions sont imposées à l'employeur dans un tel cas. En réalité, l'employeur joue alors un rôle d'agent de recouvrement au nom de DRHC.

M. Stewart: L'employeur n'est assujetti à aucune restriction. Le fondement législatif sur lequel nous nous appuyons pour recouvrer ces créances est souvent la Loi sur la gestion des finances publiques. C'est un problème qui se pose pour tout organisme qui a à recouvrer des trop-payés. Autant que je sache, rien n'empêche l'employeur de divulguer cette information.

La présidente: John.

M. John Godfrey: J'aimerais ajouter un élément à la petite liste des tâches que vous aurez à faire rendu à la maison.

Je vous préviens que ma première question comporte un volet général et un volet particulier, et qu'elle s'adresse vraiment à M. McNaughton. Elle a trait à l'utilisation des systèmes telle que la conçoivent les cadres supérieurs, d'une part, et telle qu'on peut l'observer dans la réalité, chez les exécutants de la base, d'autre part.

L'exemple qui m'est venu à l'esprit pendant que vous parliez - et, sauf erreur, c'était M. Stewart qui en parlait - concerne toute la question des moyens de trouver quel fonctionnaire consulte tel ou tel dossier, de la nécessité d'assigner des codes personnels, etc. Mais quand on remarque comment on protège l'information dans certaines administrations, dans les hôpitaux, par exemple, on constate que les renseignements emmagasinés dans l'ordinateur ne sont pas toujours très secrets dans la vraie vie, car l'employé lance le système le matin, il allume son ordinateur, puis entre en communication. Ensuite, il laisse l'ordinateur ouvert le reste de la journée, car il s'évite ainsi d'avoir à recommencer le processus chaque fois qu'il quitte son poste de travail.

En réalité, je ne sais trop ce qu'il en est du système que vous utilisez. Peut-être que chaque fois que vous avez besoin d'un renseignement, vous devez entrer un code d'utilisateur, mais dans le cas des hôpitaux, quiconque passe à proximité d'un ordinateur déjà lancé peut entrer en communication et obtenir tous les renseignements qu'il cherche. C'est la facilité même.

Voilà ce que nous enseigne ma petite enquête sur le terrain. Je me demande si, quand vous vous interrogez sur vos systèmes, vous effectuez ce genre de vérification.

Ma deuxième question vise en réalité à préciser, en allant d'ailleurs un peu plus loin, le point qu'a soulevé la présidente. Le couplage des données internes de DRHC me préoccupe vraiment sous deux angles. Premièrement, quels couplages effectue-t-on normalement et dans quel but? Quelle est la politique du ministère à cet égard? Deuxièmement, quels règlements régissent le couplage de données internes? Quelles mesures prend-on pour garantir que les données sont protégées?

Ce sont donc les deux questions que je me pose: quels couplages fait-on actuellement - peut-être en effectue-t-on une foule portant sur les données relatives aux divers programmes du ministère - et comment le processus est-il contrôlé? Que fait-on pour renseigner les gens sur l'existence même de cette pratique?

Ma troisième question est à savoir par quels moyens vous vous assurez qu'une personne est au courant qu'on a effectivement couplé son dossier de SV avec celui du RPC, de l'assurance-emploi, etc.?

Mon intervention vient-elle appuyer la demande de renseignements que vous avez formulée, ou lui nuit-elle?

La présidente: Vos interventions sont toujours utiles, John, à nous tous, d'ailleurs.

[Français]

Maurice, voulez-vous ajouter quelque chose?

[Traduction]

Je tiens à vous remercier beaucoup d'avoir accepté de comparaître devant nous. Vous avez peut-être maintenant une bonne idée des préoccupations qui nous habitent pour en avoir été saisis, car ce que nous apercevons à l'aide de notre microscope, de nos lentilles, c'est l'image de cette démocratie remarquablement libre et ouverte que constitue le Canada, où les droits de la personne et la vie privée sont respectés comme nulle part ailleurs. La crainte de voir le gouvernement s'ingérer indûment dans la vie des gens semble toutefois se généraliser dans la population, et ce n'est pas le genre de société à laquelle rêvent les Canadiens. Ils ne tolèrent pas l'intrusion.

Je pense que nous avons tous le sentiment qu'il nous incombe, et je suis sûre que c'est également votre cas, de veiller à empêcher que des renseignements soient exigés ou transmis plus qu'il n'en faut, et que l'exceptionnelle liberté dont nous tenons à continuer de jouir ne soit pas menacée par la recherche de l'efficacité à tout prix et par les choix de gestionnaires qui veulent avant tout permettre à notre société de réaliser des économies.

Je serais très curieuse de connaître l'ampleur des économies qui découleront de tout cet effort de rationalisation que nous avons entrepris. Existe-t-il un moyen de nous indiquer par quelles économies se traduit cette orientation et à quel prix pour l'individu? C'est une question sur laquelle je vous invite à réfléchir.

Si nous réalisons effectivement des économies dans l'ensemble, à quoi allons-nous les utiliser? Vont-elles aller grossir les fonds du Trésor, vont-elles enrichir notre programme d'assurance-emploi ou vont-elles servir à accroître les fonds destinés à l'allocation de bourses d'études? Vont-elles aider à résoudre le problème proprement intolérable de la pauvreté chez les enfants? Vont-elles permettre d'allouer un peu plus de fonds au Commissaire à la protection de la vie privée pour qu'il puisse disposer d'un effectif à la mesure de ses responsabilités ou à la Commission des droits de la personne pour qu'elle puisse s'acquitter convenablement de son mandat essentiel?

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Ce sont tous là des objectifs qui apparaissent vitaux à tous les membres du comité, comme à vous aussi, j'en suis sûre. Je sais que, même si vous avez des tas d'autres responsabilités, vous vous ferez un devoir de nous offrir encore votre collaboration et que vous nous fournirez le plus tôt possible les renseignements que nous vous avons demandés, car notre comité est tenu de déposer bientôt son rapport sur cette question.

Je dois rappeler aux membres du comité que nous avons deux autres activités de prévues pour cette semaine. D'abord, demain, nous allons avoir le plaisir de rencontrer la personne handicapée qui s'est mérité la Bourse de recherches de la flamme du centenaire. Cette rencontre doit débuter à15 h 30. Nous nous rendrons ensuite, pour 16 h 30, à une réception offerte dans la salle du Commonwealth par les Présidents de la Chambre et du Sénat. C'est le programme de la journée de demain. Je serai ravie d'accueillir ces gens. Jeudi, nous tiendrons notre dernière séance avant le congé, et notre personnel de recherche, parlementaire et politique...

Quelle est votre fonction au juste? J'oublie toujours. Je sais que vous êtes important, mais je ne me souviens plus de votre titre.

M. John Godfrey: Il protège jalousement sa vie privée.

La présidente: Le personnel de recherche - politique, juridique, et je ne sais trop - a besoin que nous lui donnions des lignes directrices pour pouvoir amorcer la rédaction de la version préliminaire de notre rapport. J'aimerais bien que vous preniez connaissance de la charte de l'Australie et de quelques-uns des autres documents qui nous ont été remis, pour que nous puissions lui fournir des instructions concernant la rédaction du rapport.

Après nos rencontres de demain et de jeudi, nous serons en congé. Vous n'aurez des nouvelles de nous qu'à notre retour.

John, je vous cède la parole.

M. John Godfrey: J'ai une petite question découlant des propos que M. Thompson a tenus à titre d'information générale.

Quand vous nous enverrez les réponses à nos questions, pourriez-vous nous faire savoir quel serait, autant que vous sachiez, le nombre approximatif de fraudeurs de l'assurance-emploi? J'ai personnellement l'impression qu'il doit y en avoir beaucoup moins qu'on a tendance à le croire, mais pourriez-vous nous indiquer où nous pourrions trouver ce genre de renseignement - nous donner aussi la meilleure idée possible de ce que ces fraudes nous coûtent? Vous nous avez fourni certaines informations tout au long de notre discussion, mais celles que j'aimerais obtenir ont plutôt trait au côté efficacité de l'équation.

La présidente: Je vous remercie beaucoup de votre présence parmi nous et de l'échange d'information. Nous espérons recevoir vos réponses le plus tôt possible. Merci encore une fois.

La séance est levée.

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