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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 4 juin 1996

.0936

[Traduction]

Le président: Je déclare la séance ouverte. Avant de commencer, je souhaite la bienvenue à nos témoins.

Les travaux que nous avons entrepris s'avèrent très profitables aux membres du comité et seront donc profitables à vos communautés. Parce que périodiquement les membres du comité changent, il est très difficile d'avoir une connaissance et une expérience continues de ce qui se passe et de ce qui devrait se passer.

Ce que vous allez nous dire aujourd'hui ne tombera pas dans l'oreille d'un sourd. Nous allons préparer un rapport. Pour la première fois, les membres du comité ont décidé de préparer un cartable, de sorte qu'à l'avenir, lorsque les membres du comité seront remplacés, les nouveaux membres pourront profiter de la connaissance accumulée assurant ainsi la continuité.

Vous avez peut-être déjà fait l'exposé que nous vous demandons de présenter aujourd'hui. Vous pouvez être assurés que tout sera consigné et gardé.

Il y aura une période de questions. Vous avez jusqu'à 11 heures, et ensuite nous entendrons un autre groupe à ce moment-là. Nous allons nous en tenir à cet horaire.

Donc, je vous invite à faire vos exposés, en espérant que vous garderez du temps pour les questions des membres du comité. Vous avez la parole.

M. Tony Belcourt (président, Métis Nation of Ontario): Peut-être puis-je vous donner un bref aperçu de ce qu'est le Ralliement national des Métis, notre structure. M. Morin vous parlera des questions qui nous préoccupent actuellement.

Le Ralliement national des Métis représente les Métis au Canada depuis toujours. Nous sommes un peuple autochtone, ce que reconnaît maintenant la Constitution du Canada. Bien que nous soyons des Autochtones, nous n'avons jamais habité dans les réserves indiennes et nous n'avons pas le statut d'Indien au sens de la Loi sur les Indiens.

Le Ralliement national des Métis regroupe des Métis de l'Ontario à la Colombie-Britannique. Nous avons un organisme représentatif officiel dans chaque province. Afin d'être membre du ralliement, chaque organisme officiel doit tenir des scrutins secrets. Comme peuple, nous croyons fermement en la démocratie, et nous exigeons donc des scrutins secrets, chacun ayant ainsi la possibilité de participer lors des élections.

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Le Ralliement national des Métis a été créé en 1984. Avant cette date, au niveau national, nous étions membres d'organismes qui exerçaient des pressions et représentaient les Métis et les Indiens non inscrits. Nous participions donc à des organismes cadres, mais depuis 1984, au niveau national, nous avons un organisme qui représente particulièrement les Métis, le Ralliement national des Métis.

Le conseil des gouverneurs se compose d'un président, élu lors d'une assemblée générale annuelle pour un mandat de trois ans, et des présidents provinciaux, qui y représentent leur province. Nous avons donc six membres au conseil des gouverneurs.

J'aimerais maintenant vous présenter Gerald Morin, qui va faire un exposé au nom du Ralliement national des Métis.

M. Gerald Morin (président, Ralliement national des Métis): Merci beaucoup, Tony.

Le Ralliement national des Métis représente la nation métisse au Canada.

Je tiens à remercier les membres du Comité permanent sur les affaires autochtones et M. Bonin, son président, d'avoir bien voulu nous entendre, nous et des dirigeants autochtones, au début de la présente session parlementaire. C'est une excellente idée à notre avis, car il est extrêmement important que vous entendiez ce que les dirigeants autochtones ont à dire sur des questions qui touchent leurs communautés et qui touchent également tous les Canadiens.

J'aimerais commencer par déposer au Comité permanent des affaires autochtones... Je pense que vous avez, pour la plupart, déjà reçu copie du rapport bilatéral national que nous avons fait parvenir à Mme Anne McLellan, ministre fédérale qui représente les Métis au Bureau du Conseil privé.

Nous avons conclu une entente avec le Bureau du Conseil privé et avec le ministère d'Anne McLellan en vue de préparer des rapports bilatéraux et d'établir des relations bilatérales entre le ralliement et le gouvernement du Canada. Dans le cadre de ce projet, nous avons préparé un rapport pour l'année financière 1995-1996, document que j'aimerais déposer ici au comité.

J'aimerais aborder plusieurs questions et vous donner un aperçu général de quelques-uns des principaux sujets qui touchent et intéressent la nation métisse au Canada.

Je vais commencer par toute la question des territoires et des ressources. La nation métisse aspire notamment à reprendre ses territoires et ses ressources, les territoires occupés et les ressources utilisées traditionnellement par de nombreuses générations dans les terres ancestrales métisses dans l'ouest du Canada.

J'aimerais commencer par souligner que bien que la Constitution nous reconnaisse comme l'un des peuples autochtones du Canada, les Métis sont complètement exclus du processus de revendication territoriale et de la politique mise en place à cet effet il y a de nombreuses années par le gouvernement du Canada. Cela ne s'est pas fait du jour au lendemain. Nous avons été exclus au départ, et nous continuons à être exclus.

Comme Métis, donc, nous n'avons pas accès au processus et à la politique des revendications territoriales globales du gouvernement fédéral ni au processus et à la politique des revendications territoriales particulières. Tout récemment encore, la Commission des revendications des Indiens, créée il y a quelques années pour examiner les revendications particulières rejetées, n'avait toujours pas le mandat d'examiner les revendications des Métis. Nous sommes donc exclus du processus des revendications territoriales.

En 1981, nous avons présenté une lettre au nom de la nation métisse afin de présenter officiellement une revendication territoriale aux termes du processus et de la politique des revendications territoriales globales du gouvernement fédéral. En 1981 toujours, le ministre de la Justice de l'époque nous a répondu que nous n'avions pas accès à ce processus et à cette politique, car en ce qui concerne les revendications territoriales globales et particulières, on ne peut se prévaloir de ce processus que dans le cas d'un titre non éteint dans les territoires.

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Or, dans cette lettre, le gouvernement fédéral affirme que les titres des Métis se sont éteints par suite de la mise en place du système des certificats des Métis au XIXe siècle et au début du XXe. Par conséquent, le processus des revendications territoriales ne s'applique pas à nos titres et à notre peuple.

Je ne veux pas entrer dans les détails du système des certificats. D'une façon très générale, le Ralliement national des Métis et notre peuple ont adopté la même position depuis l'instauration de ce système aux termes de la Loi sur le Manitoba et de la Loi des terres fédérales.

Le système des certificats des Métis a été essentiellement un mécanisme visant à déposséder notre peuple de ses terres et de ses ressources. Il s'agissait d'un régime frauduleux mis en place par le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et le secteur privé pour dépouiller notre peuple de ses terres et de ses ressources. À notre avis, ce système ne constituait pas une façon valide de prescrire notre droit de propriété.

Les études que nous avons effectuées révèlent que de 95 à 98 p. 100 des territoires réservés aux Métis se sont finalement retrouvés entre les mains de tierces parties et que les Métis n'ont pas profité des certificats qui avaient été émis. À cause de cette situation, nous avons été forcés d'intenter des poursuites devant les tribunaux. Tout récemment, il y a eu beaucoup d'activités à ce niveau.

Au Manitoba, au début des années 80, par l'entremise de la Manitoba Métis Federation, les Métis ont intenté des poursuites contre le gouvernement fédéral et celui du Manitoba. Ces deux derniers se sont opposés aux poursuites en prétendant que nous n'avions pas qualité pour exercer une action. Nous nous sommes alors adressés à la Cour suprême du Canada.

La Cour suprême du Canada a déclaré que nous avions qualité pour exercer une action, que l'attribution des terres aux termes de la Loi sur le Manitoba était essentiellement l'attribution d'un droit collectif à la nation métisse dans son ensemble, que nous étions les descendants légitimes de la nation métisse qui devaient bénéficier des certificats et des terres, et que nous avions qualité pour ester en justice.

En mars 1994, à l'époque où j'étais président de la nation métisse de la Saskatchewan, nous avons poursuivi le gouvernement du Canada et le gouvernement de la Saskatchewan. Dans une demande exposée à la Cour du Banc de la Reine à Saskatoon, nous avons revendiqué quelque 145 000 kilomètres carrés de terres dans le nord-ouest de la Saskatchewan.

Il s'agit d'une action type, car cette action est présentée au nom de l'ensemble de la nation métisse. Dans la poursuite, nous affirmons qu'il subsiste un titre aborigène métis visant ces terres, titre que le système des certificats des Métis n'a pas éteint en toute validité.

Ainsi, si l'on décidait en notre faveur et si l'on jugeait que les certificats, que l'on a offerts à tous les Métis, ne valident pas l'extinction de nos droits territoriaux, ce jugement s'appliquerait alors à l'ensemble de la nation métisse. Il obligerait également les gouvernements fédéral et provinciaux dans le territoire métis à négocier avec notre peuple des traités et des accords en matière de revendications territoriales.

Voilà pourquoi nous parlons de cause type. Nous avons intenté deux actions en justice devant les tribunaux du Manitoba et de la Saskatchewan.

Nous tenons actuellement des discussions avec le ministre fédéral de la Justice, M. Allan Rock, au sujet d'une enquête visant à établir les faits de cette cause, en vue éventuellement de nous entendre sur ces faits, à défaut de quoi nous accepterons de ne pas nous entendre. Ces discussions visent avant tout à faciliter le litige en instance. Elles ne constituent pas un processus de revendication territoriale pour notre peuple.

Ce n'est évidemment pas la solution idéale, car nous préférerions un règlement politique du conflit plutôt qu'un litige devant les tribunaux. Mais nous n'avons pas le choix, je le répète.

J'attire également votre attention sur le fait qu'il y a environ trois semaines nous étions à Edmonton. Un Métis du nom d'Ambrose Maurice, qui est président de l'association locale Sapwagamik du nord-ouest de la Saskatchewan, a intenté des poursuites contre le gouvernement du Canada devant la Cour fédérale du Canada. Il prétend qu'en tant que Métis il n'a pas accès au processus et à la politique des revendications territoriales particulières, ni non plus à la Commission des revendications des Indiens du gouvernement fédéral.

Ce Métis habite à quelque 25 milles du polygone de tir aérien du lac Primrose, dans le nord-ouest de la Saskatchewan. Il s'agit d'un territoire que sa famille et ses ancêtres occupaient autrefois. Or, il en a été déplacé lorsqu'on y a établi ce champ de tir.

M. Maurice souhaitait comparaître devant la Commission des revendications des Indiens pour lui parler d'indemnisation, de son déplacement et de ses droits fonciers, mais la commission lui a répondu qu'elle n'avait pas pour mandat d'entendre les revendications du peuple métis, qu'elle ne pouvait entendre que les peuples des Premières nations.

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M. Maurice poursuit donc le gouvernement du Canada. Il affirme essentiellement qu'à titre de Métis il est victime de discrimination au titre de l'article 15 de la Charte des droits et libertés, car la réaction de la commission constitue un traitement inégal des peuples autochtones qui sont reconnus dans l'article 35 de la Constitution. Il invoque donc la discrimination et a intenté une action en justice devant la Cour fédérale du Canada.

Je répète que nous n'avons d'autre choix que d'intenter ces poursuites, qui démontrent également que le rétablissement de notre assise territoriale et de notre base de ressources est en train de devenir rapidement la priorité de l'heure pour notre peuple. Les actions en justice sont le résultat des pressions qu'a exercées notre peuple sur nous.

Je voudrais signaler une autre chose importante au sujet de notre assise territoriale et de notre base de ressources. Dans le rapport qu'il a publié il y a quelques mois, l'enquêteur nommé par le ministre des Affaires indiennes, le juge Hamilton, a recommandé notamment au gouvernement fédéral soit d'étendre le processus et la politique des revendications territoriales aux Métis, soit d'instaurer un processus de revendication territoriale pour les Métis. Il a donc recommandé quelque chose de positif en ce qui concerne le territoire et les ressources des Métis.

Voilà donc certaines des questions les plus saillantes et les plus importantes dans ce dossier du rétablissement de l'assise territoriale et de la base de ressources de la nation métisse sur son propre territoire.

J'aimerais maintenant aborder la question des droits d'exploitation des ressources fauniques, qui constituent une autre priorité de la nation métisse: j'entends par là le droit de pratiquer la chasse, la pêche et le piégeage.

Tout comme il nous a poussés à nous adresser aux tribunaux pour faire affirmer nos droits territoriaux, notre peuple se tourne de plus en plus vers ses chefs métis, de même que vers ses gouvernements et ses organisations, pour leur demander de faire de leurs droits de chasse, de pêche et de piégeage une des priorités de notre mouvement politique. Voilà pourquoi nous avons pris certaines mesures.

Partout sur le territoire métis, notre peuple, à l'échelle individuelle ou par le truchement d'organismes métis, affirme son droit de pratiquer la chasse, la pêche et le piégeage. Depuis, il y a plus d'affaires judiciaires sur le territoire métis de l'ouest du Canada, où les Métis sont accusés d'avoir chassé en dehors de la saison de chasse. Il en va de même dans toutes les provinces du Canada: en Ontario, dans les Prairies et en Colombie-Britannique.

La semaine dernière, j'étais dans ma localité de Green Lake, en Saskatchewan, pour témoigner au procès d'un Métis qui avait été accusé d'avoir chassé en dehors de la saison de chasse. Il y a de plus en plus de nos gens qui font face à ce type d'inculpation.

Nous les défendons, et je suppose que nous faisons des progrès, puisque nous remportons des victoires dans les tribunaux. Mais je répète que ce n'est pas la solution idéale; nous préférerions discuter avec les gouvernements provinciaux et fédéral pour élaborer des accords de cogestion et d'autres accords qui nous permettraient de faire valoir notre droit inhérent de pratiquer la chasse, la pêche et le piégeage; nous voudrions également nous entendre avec les gouvernements sur la cogestion des ressources de façon à les préserver et à nous assurer que les générations futures de Canadiens pourront elles aussi profiter des ressources fauniques.

Voilà ce que nous préférerions, mais comme les gouvernements hésitent à négocier avec nous sérieusement sur cette question, notre peuple, de plus en plus impatient et frustré, a décidé d'affirmer tout bonnement son droit de pratiquer la chasse, la pêche et le piégeage, et fait donc désormais face à des inculpations qui le mènent devant les tribunaux.

La chasse, la pêche et le piégeage font partie de notre mode de vie et de notre culture et sont un moyen de subsistance pour les Métis, notamment pour nombre de ceux qui vivent dans la pauvreté. Or, c'est ce mode de vie que l'on attaque.

Je souligne en passant que le projet de loi sur le contrôle des armes à feu qu'a adopté le gouvernement fédéral rendra la pratique de la chasse, de la pêche et du piégeage encore plus difficile pour notre peuple.

Nous l'avons signalé à la Chambre des communes et au Sénat, ainsi qu'au Comité permanent de la justice et des questions juridiques, et je ne reviendrai pas sur ce sujet. Je tiens simplement à signaler que la loi sur le contrôle des armes à feu pourrait constituer un nouvel obstacle pour notre peuple, qui ne cherche qu'à exercer ses droits d'exploitation des ressources fauniques et son mode de vie traditionnel.

En outre, nous continuons à exercer des pressions en Europe depuis que le Parlement européen s'est proposé d'interdire les fourrures sur le marché européen.

Actuellement, de 75 à 80 p. 100 de toutes les fourrures que nous vendons dans le monde sont vendues sur le marché européen. Par conséquent, si le Parlement européen nous interdit ce marché et nous le rend inaccessible, cela pourrait avoir un effet dévastateur et faire disparaître du jour au lendemain un mode de vie et un moyen de subsistance pour notre peuple: le piégeage. Au cours de la dernière année, nous avons réussi à faire retarder d'une année l'entrée en vigueur de ce règlement. Le Parlement européen l'a reportée au 1er janvier 1997.

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Le Canada, les États-Unis, la Russie et le Parlement européen sont actuellement à élaborer une norme internationale qui serait acceptable à notre peuple, aux peuples représentés au Parlement européen et, je suppose, aux défenseurs des droits des animaux.

Nous espérons pouvoir en arriver à une norme de ce genre qui nous permettrait de continuer à piéger, puisque cela fait partie de notre mode de vie et que c'est ainsi que nous assurons notre subsistance. Cependant, encore une fois, il s'agit d'une autre mesure qui empiétera sur notre mode de vie.

Étant donné que nous avons peu de temps, monsieur le président, je vais m'en tenir aux principaux problèmes auxquels fait face la nation métisse, puis passer très rapidement sur le reste. Je sais que certains de mes collègues voudraient aussi faire quelques remarques.

La question de la compétence est un autre obstacle majeur au progrès de la nation métisse au Canada. Qui du gouvernement fédéral ou des provinces a compétence pour ce qui est de la nation métisse au Canada?

L'article 91.24 de la Loi constitutionnelle de 1867 stipule que le Parlement fédéral a compétence en ce qui concerne les Indiens et les terres réservées pour les Indiens. Depuis 1867, le gouvernement fédéral exerce donc ce pouvoir dans ses relations avec les collectivités et peuples des Premières nations.

En 1939, dans le renvoi concernant les Inuit, la Cour suprême du Canada a jugé que le terme «Indien» s'entendait aussi des Inuit ou Esquimaux, comme on les appelait à l'époque. Depuis, le gouvernement fédéral a exercé sa compétence dans ses relations avec les collectivités et peuples inuit.

Par conséquent, ces peuples ont pu négocier avec le gouvernement fédéral la création du Nunavut dans les Territoires du Nord-Ouest, par exemple. En pratique, cela semble avoir répondu grandement aux aspirations du peuple inuit et des habitants des Territoires du Nord-Ouest.

J'aimerais aborder brièvement les façons dont on pourrait régler le problème de l'article 91.24 à la satisfaction de la nation métisse et du Canada. C'est un obstacle au progrès de notre peuple dans toutes sortes de domaines, qu'il s'agisse de revendications territoriales, de droits d'exploitation, ou d'autres.

Diverses options s'offrent au gouvernement du Canada à ce chapitre. Premièrement, le gouvernement du Canada pourrait changer d'attitude et adopter une politique fondée sur l'application de l'article 91.24 aux Métis. Il pourrait tout simplement accepter de gouverner le pays conformément à cette politique et accepter sa responsabilité à l'égard des Métis.

Mais, bien sûr, les avocats du ministère de la Justice et d'autres prétendent que cela créerait un précédent.

Moi, je leur réponds: «Et alors?» Qu'on établisse un précédent, qu'on se retrousse les manches et qu'on se mette au travail.

C'est là une option qui s'offre au gouvernement fédéral et que nous préconisons, et qui en plus est tout à fait réalisable.

La deuxième option est probablement la moins souhaitable. Nous l'avons aussi préconisée parce que notre peuple est de plus en plus frustré par l'inaction des gouvernements, qui refusent de répondre à nos besoins et à nos aspirations. C'est l'option des poursuites judiciaires.

Au fil des ans, depuis... en fait, depuis que le Ralliement national des Métis existe, nous demandons au ministre fédéral de la Justice de renvoyer la question à la Cour suprême du Canada, comme on l'a fait pour les Inuit en 1939.

Jusqu'à présent les ministres de la Justice qui se sont succédé ont refusé de le faire. Sans l'approbation ou la reconnaissance du ministre de la Justice, la question ne peut être renvoyée à la Cour suprême du Canada. Nous continuons néanmoins de proposer cette solution.

Nous avons déjà intenté plusieurs poursuites. J'ai déjà parlé de poursuites concernant les revendications territoriales et de celles concernant les droits de pêche et de chasse. Dans presque toutes ces causes, qui en sont encore pour la plupart au niveau des premières instances, nous invoquons l'article 91.24 et faisons valoir plus précisément que cet article s'applique aux Métis.

Les tribunaux provinciaux de la Saskatchewan ont jugé que l'article 91.24 s'applique aux Métis et que c'est le gouvernement fédéral qui a compétence à l'égard des Métis.

Ces causes sont en appel. Un de ces appels est entendu par la Cour fédérale du Canada à Edmonton; les cours du Banc de la Reine sont saisies de deux ou trois autres.

Par conséquent, tôt ou tard, les tribunaux supérieurs, que ce soit une cour d'appel ou la Cour suprême du Canada, devront se prononcer sur cette question dans le cours normal des poursuites judiciaires. Encore une fois, ce n'est pas la solution que nous préférons. Nous préférerions en venir à une entente politique avec les gouvernements du Canada et des provinces à cet égard.

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Troisièmement, on pourrait simplement modifier l'article 91.24, et préciser qu'il s'applique aussi aux Métis. C'est ce que prévoyaient l'Accord de Charlottetown et l'Accord relatif à la nation métisse de 1992.

Nous avions réussi à obtenir cette modification à l'issue des négociations, comme l'indique le document public qu'est l'Accord de Charlottetown. L'accord prévoyait que, pour plus de certitude, l'article 91.24 s'applique à tous les peuples autochtones du Canada. C'est donc une autre option qui s'offre à nous.

Encore une fois, cette solution n'est réalisable que si la Constitution est à l'ordre du jour des prochaines conférences des premiers ministres. C'est une possibilité pour le gouvernement du Canada et pour nous.

Toute cette question de la compétence et du vide dans lequel nous nous trouvons continue d'être un obstacle d'importance à notre progrès. Comme je l'ai déjà dit, cela nous empêche de trouver des réponses à nos besoins et à nos aspirations, que ce soit en matière de territoire, d'autonomie gouvernementale, de traités, de recensement ou d'accès équitable aux services et programmes fédéraux. Tant que nous ne saurons pas de quel palier de gouvernement nous relevons, nous ne pourrons réaliser de progrès dans ce domaine. Ce problème doit être réglé.

Je signale aussi que, dans son Livre rouge, le gouvernement fédéral s'est engagé à faire preuve d'initiative en ce qui concerne la compétence à l'égard des Métis. Or, jusqu'à présent, rien n'a été fait. C'est une question d'importance. C'est un des principaux obstacles à notre avancement et à notre participation à titre de partenaires à part entière à la Confédération canadienne.

Dans son Livre rouge, le Parti libéral fédéral s'est aussi engagé à tenir un recensement de la nation métisse. D'après notre interprétation, cela signifie qu'on recensera la nation métisse dans son ensemble, et non pas seulement dans une région ou dans une province.

Aucun progrès n'a encore été fait à ce chapitre, sauf peut-être en Saskatchewan. Le gouvernement du Canada et celui de la Saskatchewan envisagent de mener un projet pilote dans cette province.

Mais cela exclut les autres provinces qui voudraient aussi recenser la nation métisse, ainsi que le Ralliement national des Métis qui ne pourrait participer à ce recensement.

Le projet pilote prévu en Saskatchewan a été sévèrement critiqué. D'après ce que nous avons vu et entendu, il semble que le problème soit en partie attribuable au fait que les gouvernements fédéral et provincial exercent un trop grand contrôle sur la définition du terme «Métis» et sur le recensement comme tel. En outre, des tiers tels qu'entreprises et organismes indépendants, vont aussi contrôler la façon dont on définira l'identité métisse et procédera au recensement.

Il y a trois semaines, les Métis ont tenu une conférence nationale des anciens à Edmonton. Une motion a été adoptée à l'unanimité pour condamner le projet de recensement en Saskatchewan. Le RNM a également fait savoir aux responsables fédéraux que nous sommes opposés à ce projet pilote en Saskatchewan.

Depuis le début, la position du RNM n'a pas changé. Un registre de la nation métisse doit être créé, mais ce registre doit appartenir aux Métis, être contrôlé par eux, et le recensement doit se faire conformément aux engagements du Livre rouge, c'est-à-dire dans l'ensemble de la nation métisse.

De même que les domaines de compétence empêchent notre population de faire des progrès au sein du Canada, l'absence de recensement constitue également un obstacle majeur et empêche les nôtres de faire des progrès au Canada. Les gouvernements vont forcément dire: qui sont les Métis, où se trouvent-ils, combien sont-ils, et quelles sont les données démographiques relatives aux Métis? Le plus souvent, ces informations et ces données ne sont pas disponibles.

D'autre part, nous pensons que le système fédéral n'offre pas aux Métis un accès égal aux programmes et aux services. Le plus souvent, les Métis n'ont aucune part aux programmes fédéraux destinés aux Autochtones, ou du moins une part minime.

Nous n'avons droit à aucun service du ministère des Affaires indiennes, et son budget annuel d'environ 5 milliards de dollars nous est totalement fermé. À cause de cela, les besoins de nos communautés restent sans réponse, et notre population a désespérément besoin de programmes qu'elle ne reçoit jamais.

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Le logement en est un bon exemple. David Chartrand vous parlera tout à l'heure du problème du logement dans son ensemble, ce qui est tout à fait d'actualité, puisque c'est la première journée d'une conférence internationale sur le logement qui a lieu à Istanbul, en Turquie, et où les Métis ne sont absolument pas représentés.

En dépit de ces obstacles que j'ai mentionnés, l'entente cadre signée par le ministère du Développement des ressources humaines et le Ralliement national des Métis pourrait devenir un modèle. Aux termes de cette entente, Développement des ressources humaines accepte de confier certains programmes et services à la nation métisse par l'entremise du RNM et de ses affiliés. C'est un beau modèle, et nous sommes satisfaits de l'entente.

Toutefois, il reste un problème dû à la répartition inégale des ressources, en particulier au niveau régional. Beaucoup de fonctionnaires et de responsables continuent à vouloir contrôler le processus au lieu de céder véritablement le contrôle à notre population. Toutefois, nous considérons que c'est un modèle viable pour acheminer des programmes et des services vers notre population.

En ce qui concerne la politique et les processus tripartites qui existent dans la province, cette politique tripartite a été adoptée par les Conservateurs en 1985. Depuis l'adoption de la politique sur les droits inhérents en 1995, le contexte a changé. De toute évidence, ces processus tripartites d'autonomie gouvernementale font maintenant partie de la nouvelle politique fédérale en ce qui concerne les droits inhérents. Nous considérons que c'est un pas dans la bonne direction et que des progrès limités ont été accomplis.

Un des problèmes posés par les mécanismes tripartites, c'est que le RNM les considère comme des mécanismes d'application. Nous avons donc besoin d'une politique nationale élargie pour déterminer comment ces mécanismes tripartites doivent fonctionner. Nous avons toujours été en faveur d'une entente cadre nationale pour les Métis, quelque chose de comparable à l'accord négocié pour la nation métisse dans le cadre de l'Accord de Charlottetown en 1992. Une telle entente situerait les tripartites dans un contexte élargi qui conduirait à des négociations et à un processus d'application.

Les tripartites ont conduit à très peu d'accords et de changements dans nos communautés. Les résultats ont été très rares. La plupart du temps, nous consacrons tout notre temps au processus, aux budgets, comités et sous-comités, etc., et il reste très peu de temps pour négocier les questions de fond. Nous manquons de ressources. L'année dernière, le gouvernement fédéral a réduit le budget des tripartites de 5 p. 100.

Avec les années, le ministère du Patrimoine canadien a réduit le financement de base destiné aux organismes métis et autochtones, et ces ressources s'amenuisent de plus en plus. Au cours de l'année passée, la plupart des budgets des associations provinciales ont été réduits de 17 p. 100, et beaucoup d'organisations sont forcées d'utiliser le financement tripartite à des fins administratives et autres. Ce n'est pas une situation idéale.

Nous ne voulons donc pas qu'on supprime les tripartites, mais nous pensons qu'elles pourraient devenir plus utiles si elles disposaient de plus de ressources, et également si elles existaient dans un contexte national, comme une entente cadre nationale avec les Métis.

De plus, depuis plusieurs années, le gouvernement fédéral nomme ce qu'on appelle un interlocuteur métis fédéral. À l'heure actuelle, c'est Anne McLellan. Depuis plusieurs années que ce poste existe, nous considérons qu'il n'a jamais été un moyen efficace de déterminer quelles sont les préoccupations de la nation métisse au Canada.

Cet interlocuteur n'a pas un mandat clair et ne dispose pas non plus des fonds nécessaires pour accomplir sa tâche. Ce mécanisme ne constitue pas un lien efficace entre la nation métisse et le gouvernement du Canada, et cela mériterait peut-être d'être reconsidéré.

Je passe maintenant à la réunion des premiers ministres qui doit avoir lieu en juin, ce mois-ci. Pour commencer, en notre qualité de Métis, nous devons participer à toutes les conférences de premiers ministres à l'avenir, toutes les conférences de premiers ministres à part entière, et ce, tout particulièrement lorsque des questions d'unité nationale et des questions autochtones figurent à l'ordre du jour.

Puisqu'on reconnaît à tous les Autochtones un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, nous pensons qu'une période de transition s'impose pour que nous arrivions à un véritable partenariat avec la Confédération.

Toutefois, en ce qui concerne la réunion des premiers ministres qui doit avoir lieu ce mois-ci, j'aimerais vous expliquer comment nous envisageons notre participation lors de cette conférence et pendant les mois qui vont suivre, et cela, jusqu'à la grande conférence des premiers ministres. Il doit y en avoir une d'ici avril prochain pour discuter du processus et des formules d'amendement.

Pour commencer, en ce qui concerne les discussions qui s'annoncent pour les semaines et les mois à venir, nous voudrions que le premier ministre nous assure le plus tôt possible que nous serons invités à toutes les futures conférences des premiers ministres.

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Deuxièmement, dans l'intervalle, et en attendant la grande conférence des premiers ministres, un processus parallèle devrait exister, soit une série de réunions des ministres du gouvernement fédéral et du premier ministre avec les dirigeants autochtones pour discuter de nos préoccupations et de nos problèmes et définir l'ordre du jour de la prochaine conférence des premiers ministres.

Troisièmement, le premier ministre doit nous assurer que l'on ne discutera plus dorénavant des droits autochtones et de l'unité nationale sans la participation des populations autochtones.

Quatrièmement, aucune discussion sur la dévolution de responsabilités aux provinces ne saurait empiéter sur les droits autochtones et les droits issus de traités au Canada.

Enfin, le gouvernement fédéral doit immédiatement aider le Ralliement national des Métis et les autres groupes autochtones en leur permettant de consulter leur population pour adopter une position officielle. Dans notre cas, il s'agirait d'une position de la nation métisse unie qui pourrait ensuite être présentée à une future conférence des premiers ministres. Pour pouvoir présenter notre position sur les droits des Métis et l'unité nationale, nous devons pouvoir consulter nos populations et obtenir un mandat solide dans ce sens.

Enfin, j'aimerais aborder une dernière question avant de terminer mon intervention. Il s'agit de Louis Riel. Depuis un siècle, et en particulier depuis la pendaison de Louis Riel à Regina en 1885, c'est un sujet dont on a beaucoup discuté. Depuis quelques années, le débat sur Louis Riel et le rôle qu'il a joué au Canada a été relancé.

Aujourd'hui, si je comprends bien, le Bloc québécois va proposer en première lecture à la Chambre des communes une résolution portant l'annulation de la condamnation de Riel. Si je comprends bien, ce sera déposé à la Chambre des communes aujourd'hui en première lecture. Nous ferons des commentaires plus tard aujourd'hui aux médias au sujet de cette question.

Je tiens également à souligner qu'il y a quelques semaines, à Winnipeg, on a dévoilé une statue de Louis Riel dans le jardin du Parlement provincial; une statue digne qui montre l'homme d'État en Riel.

On a fait enlever la statue tordue qui ne montrait que le personnage tourmenté en Riel, et nous avons réussi à la faire remplacer par une statue digne de Riel, qui fait honneur au peuple métis.

De même, en 1992, par voie de résolution unanime, la Chambre des communes a reconnu en Riel le fondateur de la province du Manitoba.

Nous soutenons le mouvement visant à faire casser la condamnation de Riel, et nous exprimerons ce soutien aujourd'hui. Mais nous tenons également à dire qu'en plus, nous voulons qu'il y ait une autre résolution à la Chambre des communes et au Sénat qui non seulement reconnaîtra en Riel le fondateur de la province du Manitoba, mais reconnaîtra expressément en lui aussi un père de la Confédération, ce qui est pour nous une évidence et une réalité dans notre pays.

Je vous remercie beaucoup de m'avoir écouté. Je tiens à vous rappeler que l'article 35 reconnaît en nous l'un des trois peuples autochtones du Canada. Nos droits autochtones et nos droits issus des traités y sont affirmés.

Nous croyons que les peuples autochtones ne sont pas traités de manière égale au Canada, et que cela contrevient à l'article 15 de la Charte, et nous voulons que l'on mette un terme à cette discrimination et que tous les gouvernements du Canada assurent le respect des droits de la personne pour tout le peuple métis.

Nous vivons une époque de changements et de renouveau, particulièrement en cette décennie des droits des peuples indigènes, qui est fêtée à l'heure actuelle à l'échelle internationale. Dans les quelques mois à venir, la Commission royale sur les peuples autochtones déposera son rapport final. Il semble qu'il y aura des conférences des premiers ministres dans un avenir prochain. De même, on parle de modifier et de renouveler la fédération. Je crois que tout cela donnera au Canada une belle occasion d'entreprendre des pourparlers avec la nation métisse et les autres peuples autochtones et de concrétiser le fait que nous devons être des partenaires à part entière dans la Confédération canadienne. La nation métisse a toujours réclamé cela.

Je vous remercie beaucoup de m'avoir écouté.

Monsieur le président, j'ignore comment vous voulez procéder. Je sais que quelques collègues à moi aimeraient aussi faire des observations, et, bien sûr, nous voulons aussi répondre à vos questions.

Le président: Merci.

Idéalement, nous devrions consacrer encore 15 minutes au maximum aux exposés. Cela nous laissera une demi-heure pour les questions, ce qui n'est pas beaucoup, mais le nombre de nos questions sera fonction du temps que vous prendrez. Nous vous écoutons.

M. Belcourt: Je pense que c'est à mon tour, monsieur le président.

Premièrement, je tiens à remercier le Bloc québécois pour la motion qu'il compte déposer aujourd'hui.

.1015

Maintenant, il se peut que notre appui à cette motion obéisse à des motifs différents. Comme bien d'autres, les Métis ont le sentiment de ne pas appartenir au Canada, de ne pas participer à la société canadienne. Nous partageons ce sentiment avec nombre de personnes au Québec, et si nous sommes les descendants d'Autochtones, pour la plupart nous sommes aussi les descendants de gens du Québec qui pratiquaient le commerce des fourrures.

Nous sommes aussi mécontents de nos rapports avec le Canada. Mais nous avons des attitudes différentes à cet égard.

Nous croyons vivement dans l'avenir du Canada. Il est prouvé que les Métis ont pris une part importante à la croissance et à l'évolution du Canada. Le Parlement britannique a reconnu en 1869 et 1870 la légitimité du gouvernement de Louis Riel.

C'est lorsque ses gens sont venus au Parlement pour négocier les conditions d'adhésion du nord-ouest à la Confédération qu'ils ont été mis en prison, et le Parlement britannique a ordonné au gouvernement fédéral de les libérer. La Grande-Bretagne a reconnu le gouvernement du Manitoba, et c'est la raison pour laquelle des négociations ont eu lieu; c'est la raison pour laquelle le nord-ouest a adhéré à la Confédération, c'est dans ce cadre juridique que le nord-ouest...

Quand on parle du nord-ouest, on entend par là aussi une bonne partie du nord de l'Ontario et du nord du Québec d'aujourd'hui. Il s'agissait ici de la Terre de Rupert et de toutes les terres dont les cours d'eau se jetaient dans la baie d'Hudson et la baie James. Ce sont ces terres que Riel et son gouvernement ont apportées au Canada.

Quelques années plus tard, cet homme, cet homme d'État qui a été élu au Parlement trois fois, n'a jamais pu prendre son siège à la Chambre des communes parce que le parlement provincial de l'Ontario avait mis sa tête à prix pour 5 000$. Cet homme a été pendu pour trahison.

Le sort de Riel demeure un symbole pour nous des manoeuvres malhonnêtes auxquelles le gouvernement du Canada a eu recours pour écraser le peuple Métis. Ce qui a été fait alors se poursuit aujourd'hui. J'ai dit auparavant, devant d'autres comités, que le Canada devrait avoir honte de la façon dont il traite ses peuples autochtones, particulièrement le peuple Métis.

Gérald a dit comment nous avions été exclus du processus de revendications territoriales, il vous a dit tous nos autres griefs. Tout cela émane simplement du mépris total que le gouvernement du Canada a pour la loi. Ce gouvernement ne tient aucun compte de la Constitution du Canada, et il ne tient aucun compte non plus des droits issus des traités et des droits autochtones reconnus qui ont été confirmés par la Cour suprême du Canada.

J'ignore ce que peut faire votre comité. Si j'en étais membre, et si j'avais le souci du Canada et de notre réputation, je voudrais y voir d'un peu plus près. Et je vous demande moi d'examiner attentivement les revendications juridiques et les griefs de la nation Métis du Canada.

L'article 15 est explicite. On a fait valoir à maintes reprises devant les tribunaux et la Cour suprême que la loi fédérale - et pas seulement la loi fédérale, mais aussi aujourd'hui la politique provinciale comme on le voit dans l'affaire Perry dont les tribunaux ontariens sont actuellement saisis - est anticonstitutionnelle si elle traite les peuples autochtones différemment.

Je ne connais personne qui a été traité aussi différemment que nous, le peuple Métis.

Nous ne voulons pas du ministère des Affaires indiennes. Nous ne voulons pas être inscrits comme Indiens au sens de la Loi sur les Indiens. Nous voulons simplement que le Parlement se conforme à ce qui est aujourd'hui la politique fédérale, qu'il mette en oeuvre le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Qu'il négocie avec nous sur une base acceptable pour que nous puissions commencer à mettre en oeuvre ce que nous voulons faire depuis longtemps, parce que notre peuple a la plus grande foi dans l'autonomie gouvernementale.

.1020

Le mépris de nos droits a eu pour effet de criminaliser nos gens car ceux-ci doivent continuer à faire ce qu'ils font depuis toujours pour nourrir leur famille et conserver leur mode de vie. Nos gens en Ontario, qui sont reconnus aujourd'hui comme étant la nation Métis de l'Ontario, sont présents dans 280 localités de la province. Bon nombre de nos gens vivent dans des régions rurales de la province et tirent encore leur gagne-pain des moyens de subsistance traditionnels - pas seulement la chasse et la pêche, mais aussi d'autres moyens de cueillette - afin de préserver leur mode de vie.

Il fut un temps où nos gens allaient travailler pour gagner de quoi compléter leur mode de subsistance traditionnel. Aujourd'hui, ils gagnent un peu d'argent, mais ils doivent conserver leurs moyens de subsistance traditionnels pour trouver ce qui leur manque, parce qu'ils n'ont pas assez d'emplois et parce que nos gens ne sont pas bien formés. Nous n'avons pas de ressources en matière d'éducation, et nous habitons loin des établissements d'enseignement que nos impôts financent dans les grandes villes. Nos gens sont au dernier échelon de l'échelle socio-économique.

Nous demandons constamment aux parlementaires, et nous ne cesserons de vous le demander: est-ce juste que vous écoutiez nos supplications, les bras croisés, et que vous ne fassiez absolument rien pour y donner suite? N'est-on pas conscient qu'il y a un déséquilibre, que les Métis sont traités complètement différemment, qu'il y a des politiques fédérales comme la politique de revendication territoriale qui nous empêchent de nous présenter devant vous, ne serait-ce que pour présenter notre point de vue?

Il y a un processus de revendication territoriale qui est actuellement en cours à l'égard d'un territoire de l'Ontario qui n'a pas fait l'objet de cession, le territoire algonquin. Notre peuple peut légitimement revendiquer ce territoire, car nous avons du sang autochtone qui coule dans nos veines. Croyez-moi, il y aura beaucoup de problèmes à l'avenir si notre peuple ne bénéficie pas de ce règlement territorial.

Par ailleurs, le traité no 3, dans l'angle nord-ouest de l'Ontario, comportait l'adhésion des sang-mêlé.

Qu'est-il arrivé des terres des Métis? Notre peuple ne cesse de se poser cette question.

Nous avons beaucoup de griefs. Vous n'entendez pas beaucoup parler de Métis qui sont impliqués dans des confrontations, mais laissez-moi vous dire qu'en Ontario, nous venons de tenir des élections démocratiques. Notre liste d'électeurs comprend 4 000 noms, ce qui n'est pas mal pour une organisation exclusivement Métis qui n'a été formée qu'il y a deux ans. Auparavant, nous faisions partie de l'organisation cadre que j'ai mentionnée.

Nous avons donc 4 000 électeurs. Ce sont des gens non seulement qui s'identifient en tant que Métis, mais qui s'affairent à compléter leur documentation généalogique afin de prouver qu'ils ont des ancêtres autochtones et d'étayer leurs revendications à des droits à titre de peuple Métis.

Nous avons des gens qui commencent à se rassembler et à devenir plus forts dans nos propres collectivités, et ces gens-là commencent à exiger leur dû. Jusqu'à maintenant, ces demandes sont adressées à moi et à notre conseil. Pourquoi ne pouvons-nous pas y donner suite? Pourquoi faut-il que nous nous cachions la nuit pour aller à la chasse? Pourquoi nos droits ne sont-ils pas reconnus?

Bientôt, les gens dont je parle ne se contenteront plus de s'en remettre à nous pour négocier.

Je vous lance un avertissement: prenez-nous au sérieux. Prenez-moi au sérieux. Nous ne sommes pas un peuple violent. Nous voulons construire, nous ne voulons pas démolir. Mais si vous ne faites rien et si vous continuez de faire semblant que nous n'existons pas, quel choix nous restera-t-il?

.1025

Au sujet du pardon de Riel, nous croyons que ce serait un important symbole, très important même, que le Parlement se mette à la tâche pour commencer à réparer toutes les injustices qui ont été commises à l'endroit de la nation Métis au Canada. Ce serait un important symbole et le signal que nous voulons faire quelque chose pour amener les gens à mieux comprendre l'histoire de notre pays, des événements qui nous ont fait ce que nous sommes en tant que Canadiens.

On n'enseigne pas beaucoup d'éléments de notre histoire dans nos écoles, on n'enseigne pas ce qui nous rendrait vraiment fiers d'être Canadiens, car nous avons une compréhension approfondie et complète de ce qui a fait le Canada le grand pays qu'il est aujourd'hui.

Le pardon de Riel serait une excellente chose pour tous les Canadiens. Nous ne savons pas si vous pouvez mettre de côté vos petits jeux politiques pour permettre que cette motion soit entendue, renvoyée au comité pour y être discutée, et enfin adoptée.

Pour notre part, nous avons essayé d'obtenir que le gouvernement de l'Ontario appuie une motion en faveur du pardon de Riel. C'est le gouvernement de l'Ontario qui a mis sa tête à prix en 1872, offrant une récompense de 5 000$. Nous avons des documents, des lettres qui ont été écrites par une foule de gens et qui disaient tous, donnez-moi 50$, donnez-moi 100$, donnez-moi 500$, je sais où se cache ce bandit.

Il n'y aucun doute dans notre esprit quant aux raisons pour lesquelles le peuple Métis était déconsidéré dans la province de l'Ontario jusqu'à très récemment, puisque le gouvernement et l'Assemblée législative de cette province avaient mis de côté une forte somme pour mettre à prix la tête du chef de ce peuple. Nous voulons que l'on apporte un changement, que l'on fasse quelque chose pour que le Canada soit un endroit plus sain, un endroit où il fait bon vivre et un endroit où nous pouvons nous sentir mieux dans notre peau. Le pardon de Riel contribuerait puissamment à un tel changement.

Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup. Nous allons passer aux questions.

Si vous avez vu des députés arriver en retard, sachez qu'ils ne viennent pas seulement de commencer leur journée en entrant dans cette salle. Personnellement, c'est ma troisième réunion et tous les autres membres peuvent en dire autant.

Je donne la parole à Claude Bachand,

[Français]

représentant du Bloc québécois.

Monsieur Bachand, vous avez cinq minutes.

M. Bachand (Saint-Jean): Je vais poser trois questions rapides avant de faire un commentaire, particulièrement sur ce que monsieur vient de dire à propos du pardon de Louis Riel. Pouvez-vous nous dire où en est le dossier et nous donner les numéros d'énumération et de registre?

Je sais que c'est un problème majeur et que le gouvernement fédéral a beaucoup de difficulté à reconnaître les Métis autrement que dans la Constitution. La Constitution est un document de base, mais on a de la difficulté à les définir. J'aimerais savoir où le dossier en est rendu. Par exemple, le gouvernement fédéral vous soutient-il?

J'ai aussi constaté que vous aviez une fiche pour le recensement canadien qui vient d'avoir lieu. Vous avez dû l'envoyer à tous vos membres afin qu'ils s'identifient comme Métis.

Vous pourriez peut-être nous dire où en est rendu ce dossier et quel est l'état du financement du Conseil métis du Canada. À un moment donné, il avait des difficultés financières, mais je ne sais pas si elles ont été résolues.

J'ai lu également dans votre document que vous aviez fait une constitution, la Métis Nation Constitution. Pourriez-vous en faire parvenir une copie aux membres du comité? Personnellement, j'aimerais l'examiner.

.1030

Je terminerai en parlant du pardon de Louis Riel. J'aurais de commentaires à faire et j'aimerais avoir votre réaction. À la page 5 de votre document, vous traitez du référendum du Québec, mais vous n'en avez pas parlé aujourd'hui.

Vous auriez écrit à Matthew Coon-Come que vous recommandiez aux Québécois de voter Non. Dans un contexte où vous dites que le Canada ne reconnaît pas vos droits, et même que le Canada a pendu l'un de vos leaders, je m'explique mal que vous ne soyez pas en mesure de voir que le Québec veut peut-être la même chose que vous, soit un peu plus d'autonomie et de reconnaissance.

Pour nous, cela se fait par le biais mouvement de la souveraineté, dont le but n'est pas de briser le Canada, mais d'établir un nouveau partenariat avec lui. Au Québec, on pense que le Canada est irréformable. Donc, si je vous comprends bien, vous pensez que le Canada est réformable, même après les événements que vous venez de nous décrire.

Vous pouvez d'abord répondre à mes trois questions, mais j'aimerais que vous preniez aussi quelques minutes pour revenir sur ce que je viens de lancer. Pour nous, Riel est important parce qu'on pense que c'est une erreur fondamentale et historique qu'il faut réparer aujourd'hui. Deuxièmement, pourquoi ne reconnaissez-vous pas qu'au Québec, nous pensons que le Canada est irréformable et pourquoi ne restez-vous pas à l'écart de ce débat?

[Traduction]

Le président: Vous avez la parole et je vous demande de répondre en quatre minutes environ.

M. Morin: Très bien, je vais essayer d'être bref, car mes collègues voudront peut-être répondre aussi à l'un ou l'autre de ces points.

Premièrement, nous n'avons pas d'objection à vous remettre une ébauche de la constitution de la nation Métis. Je m'engage à le faire.

Je vais répondre à la dernière partie de votre question et peut-être certains de mes collègues voudront-ils répondre aux autres points que vous avez soulevés. Essentiellement, vous avez absolument raison: il y a beaucoup de torts historiques au Canada et, dans l'ensemble, nous ne sommes pas trop contents du traitement qui nous a été réservé au Canada pour ce qui est de respecter nos droits et nos intérêts.

Notre histoire et notre avenir au Canada sont étroitement liés à la colonisation et à l'évolution du Canada. Comme je l'ai dit en 1992, Riel est reconnu comme le fondateur de la province du Manitoba. Il est un père de la Confédération, puisque c'est essentiellement grâce à lui que le Manitoba est entré dans la Confédération canadienne. Notre peuple a également joué un rôle important dans la mise en valeur du nord-ouest et, en fin de compte, du Canada tout entier.

Ainsi, notre évolution en tant que peuple et la défense de nos droits et de notre autodétermination se sont toujours inscrits dans le contexte de la Confédération canadienne, en fonction de l'évolution d'un Canada fort et uni. C'est notre marque de commerce dans ce pays et nous sommes très fiers du fait que nous sommes des bâtisseurs, pas seulement parce que nous avons édifié notre propre nation Métis, mais parce que nous avons contribué à bâtir la Confédération canadienne.

Bien que nous ayons beaucoup de préoccupations, nous n'entrevoyons aucun problème, nous n'avons aucune objection à ce que le Canada puisse répondre à nos préoccupations dans le cadre de la Confédération canadienne. Rien n'empêche les gouvernements canadiens de changer d'attitude, de politique et de traiter autrement le peuple Métis, rien ne les empêche de répondre à nos aspirations et à nos intérêts à l'intérieur du Canada. C'est ce que nous avons toujours préconisé.

Dans le cas du Québec, à chaque fois que nous nous sommes prononcés sur la question, nous avons toujours exhorté les membres de notre peuple, et nous continuerons à le faire, dans le sens que, comme M. Belcourt l'a signalé, nous avons une histoire commune et beaucoup d'intérêts et d'aspirations semblables et nous estimons que non seulement la nation Métis, mais aussi nos représentants au Québec peuvent s'attaquer à ces dossiers dans un nouveau partenariat au sein de la Confédération canadienne.

Nous ne voyons pas le besoin de faire éclater le Canada, ou de faire en sorte que le Québec devienne un pays séparé du Canada. Nous estimons que ces divergences peuvent être aplanies à l'intérieur de la Confédération canadienne.

Nous nous en tenons également à l'idéal que le Canada peut évoluer dans le cadre d'un renouvellement de la fédération pour devenir une nation modèle dans laquelle des peuples de langues et de bagages culturels différents peuvent y travailler ensemble et poursuivre leur mode de vie et leurs intérêts communs côte à côte, en toute harmonie. Telle est la vision que nous avons d'une nation Métis.

.1035

Quelqu'un d'autre veut-il répondre spécifiquement à un autre point?

M. David Chartrand (représentant, Fédération des Métis du Manitoba): Je veux donner suite aux propos de notre président relativement à cette vision que nous avons.

Je suis certain que les députés du Bloc eux-mêmes s'efforcent de faire adopter cette résolution pour blanchir le nom de Riel. C'est fondé sur des convictions relativement à ce que Riel défendait.

Riel défendait un pays uni. Il croyait que les nations peuvent vivre côte à côte dans un cadre unique.

Je crois que cette même vision est toujours opérante dans notre nation. Nous continuons d'être habités par cette vision qui nous a été léguée, l'espoir que notre nation pourra un jour faire du Canada un tout, afin que toutes les nations puissent y habiter côte à côte dans une belle harmonie.

Nous estimons que la réhabilitation du nom de Riel permettrait de faire avancer cette vision. À notre avis, cela constituerait un progrès majeur. Il s'agirait donc de rétablir la réputation de Riel en soulignant que les gouvernements de l'époque avaient tort; son nom serait donc blanchi dans les livres d'histoire et les cours qu'on enseigne à l'école.

Encore une fois, nous remercions le Bloc d'avoir pris cette initiative au Parlement. Mais comme l'a fait remarquer Gérald, c'est une vision qui remonte très loin chez notre peuple, depuis des générations il y a une vision d'un Canada uni et nous cherchons à la maintenir.

Tout en respectant la position du Bloc, nous avons toujours préconisé un Canada uni et nous continuons à le faire.

Le président: Je dois dire que j'aime mieux la réponse que la question.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Mais chacun son tour.

Monsieur Duncan.

M. Duncan (North Island - Powell River): Oui, j'ai une brève question à vous poser.

Le caractère légitime des organismes Métis semble être une chose qui revient assez souvent sur le tapis. Je vois ici un article du Globe de la semaine dernière où on semble poser certaines questions sur qui représentent les intérêts Métis au niveau national et à certains niveaux provinciaux.

Il faut évidemment définir le concept de légitimité et s'entendre sur les conditions d'adhésion et les procédures d'élection afin de régler cette question une fois pour toute.

Ce n'est pas un phénomène récent, le problème existe depuis quelque temps. Depuis le début de la présente législature, j'ai l'impression que nous avons vu des changements importants au sein de la direction de votre mouvement. Il y a eu un certain nombre de remplacements et ce qu'on pourrait appeler de la chamaillerie.

Vous pourriez peut-être nous donner votre point de vue.

M. Chartrand: Certainement. Je vous remercie de la question. J'espérais que j'aurais l'occasion de vous dire quelques mots à ce sujet.

Je viens du Manitoba et comme vous pouvez le constater, deux autres administrateurs viennent de la même province. Nous avons un conseil de 17 à l'heure actuelle au Manitoba et 12 d'entre nous ont adopté une position très rigoureuse au conseil d'administration en faveur du resserrement de notre budget et de l'application de certaines directives d'Ottawa concernant l'utilisation des fonds.

Il y a eu aussi une certaine opposition au président de notre association de la part d'une certaine faction ou partie, pour ainsi dire.

.1040

Je pense que notre plus gros problème... Prenons le cas du Parti réformiste, c'est un bon exemple. Je ne veux pas exploiter la situation mais je sais qu'il y a eu beaucoup de critiques formulées à l'égard de Preston Manning comme chef du parti, etc. Que se passerait-il si un groupe était créé de toute pièce et qu'il annonçait la nomination de M. Untel comme chef du Parti réformiste? Est-ce que les Canadiens accepteraient ce changement? Il y a effectivement de la chamaillerie, il y a des divergences et il y a quelqu'un qui prétend qu'il est le nouveau chef.

Dès qu'il y a un Autochtone qui se démarque du groupe, on veut tout remettre en cause. Nous avons nos institutions, nous avons nos règles.

Comme l'a fait remarquer le Bloc, qui voulait voir notre Constitution, je pense que c'est une excellente idée et que d'autres devraient aussi se renseigner sur notre Constitution, nous avons des structures très démocratiques.

Le problème c'est quand un Autochtone fait une proposition, que ce soit quelqu'un des Premières nations ou un représentant des Inuit, on prétend que l'idée n'a pas l'appui des Autochtones dans leur ensemble. Je crois que c'est une mauvaise approche de la part des gouvernements et de la bureaucratie.

Nous avons un président au Manitoba qui a pris position contre une majorité de deux tiers de son conseil d'administration. D'après ma connaissance des règles en vigueur au Canada, c'est la majorité qui l'emporte. Nous avons tous été élus en bonne et due forme et nous avons adopté une position ferme, mais il y a une personne qui a décidé de faire cavalier seul et tout d'un coup c'est le chaos dans notre organisme.

Nous nous sommes adressés aux tribunaux. Le tribunal a adopté une attitude paternaliste en disant qu'en tant qu'Autochtones nous devrions travailler de façon harmonieuse et procéder par voie de consensus.

J'étais chargé d'une affaire de logements impliquant plusieurs millions de dollars, en fait c'était une activité très rentable, et nous avions de nombreuses propositions à faire au Canada, au gouvernement libéral afin d'économiser des millions à l'avenir. Ces propositions sont toujours sur la table. Le gouvernement libéral nous a reconnus comme chef de file en matière de logement au Canada. Nos initiatives permettaient des économies de 50 p. 100 pour les contribuables canadiens dans la prestation de ce service de logement.

Cela vous donne quelques exemples et je pourrais vous en donner d'autres surtout dans le domaine du logement concernant les économies réalisées et les possibilités pour l'avenir.

Mais pour revenir à cette question d'autorité, je crois que le gouvernement a eu tort d'annoncer inopinément qu'il continue à reconnaître Gérald Morin qui était le président national comme président - vous pourriez affirmer clairement que vous avez l'appui de la majorité des provinces représentées ici. Il y a eu une personne qui a contesté, deux personnes qui l'ont nommé et voilà qu'il se prétend le chef.

Je pense que le gouvernement devrait lui dire de faire la preuve de son allégation en cour et ensuite on pourra parler affaires. Mais on dirait que c'est toujours sur nous que le fardeau de la preuve tombe et en attendant, ils nous disent qu'ils ne veulent plus faire affaire avec nous tant que nous ne réglerons pas nos problèmes.

Nos problèmes ont été réglés. Nous avons élu notre chef et il reste toujours le chef national.

Il faudrait bien que les gouvernements y réfléchissent. C'est bien trop facile pour eux de dire qu'il y a toujours de la bisbille entre vous, que vous n'avez pas de structure. Nous avons une structure bien claire. Après tout, Nunziata a été renvoyé du Parti libéral. Cela veut-il dire que tout d'un coup le Parti libéral se trouve dans le chaos? Non, le gouvernement reste en place.

Nous respectons cela et nous nous attendons à ce que ce soit réciproque. Nous avons une Constitution, nous avons des règles et un régime démocratique. Quand une personne se prononce, elle ne peut pas prétendre représenter la nation, elle parle à titre personnel.

M. Duncan: Très bien. On semblait laisser entendre que le gouvernement reconnaît cette contestation mais à ma connaissance, ce n'est pas le cas. C'était plutôt une question de perception du public.

Je crois que c'est par rapport au public que se pose la question du fardeau de la preuve quand il s'agit d'un organisme provincial ou national. Ce n'est pas tellement le cas de faire la preuve au gouvernement. Je ne sais pas si le gouvernement reste encore très important, sauf peut-être comme source principale de financement pour vous.

Avez-vous une certaine stratégie pour faire face au public?

M. Morin: Je vais essayer de vous répondre aussi rapidement que possible. C'est une question qui revient régulièrement, cette idée de chamaillerie ou de divergences d'opinion au sein de la communauté Métis. Je n'estime pas que ce soit quelque chose de négatif; pour moi c'est plutôt une dynamique positive dans la nation Métis. Nous estimons, et c'est maintenant reconnu par le gouvernement fédéral dans sa politique, que nous constituons une nation qui a le droit inhérent à l'autodétermination et l'autonomie politique. Cela est également reconnu dans le droit international.

.1045

Étant donné que nous sommes un peuple avec nos propres institutions et gouvernements, il s'ensuit naturellement que nous aurons nos propres politiques. Quand les médias font état de débats et de différences d'opinion non seulement concernant les affaires fédérales et provinciales mais aussi les affaires autochtones, j'estime que c'est quelque chose de très positif qui indique qu'il y a un brassage d'idées chez nous. Nous croyons très fort au débat, à la possibilité d'exprimer librement ses différences, et nous croyons aussi très fort à la démocratie. Cela concorde tout à fait avec notre tradition Métis.

Nous croyons à la primauté du droit. Un des principes fondamentaux de la primauté du droit c'est que lorsque votre Constitution parle du Métis National Council, il s'agit là d'un document suprême que l'on doit respecter et c'est ce que nous faisons en principe et en pratique au Métis National Council. Nous croyons aussi aux règles et procédures de la justice naturelle.

Cela étant, je n'y vois absolument aucun problème. Je crois qu'il s'agit d'une évolution naturelle dans notre cheminement pour acquérir la reconnaissance de notre nationalité et de nos droits.

Ces disputes dont vous parlez ont lieu à tous les niveaux de gouvernement, que ce soit fédéral ou provincial. Les désaccords et les divergences que nous connaissons au sein de la nation Métis entre nos divers gouvernements ne sont ni plus ni moins que des divergences du même ordre que ceux que l'on constate au niveau du gouvernement fédéral, au Parlement du Canada et ailleurs. Ce sont des choses qui arrivent.

Tenant compte de ce débat et de ces divergences, les traditions Métis, la primauté du droit, nos constitutions, les principes de la démocratie et de la justice naturelle - voilà les paramètres généraux auxquels nous croyons tous et qui doivent être respectés.

Il faut donc que le public voie ces choses dans ce contexte et de façon positive.

Le président: Monsieur Murphy.

Une voix: Monsieur le président s'il vous plaît...

Le président: Désolé, monsieur Murphy.

Ce qu'il faut faire, c'est faire chevaucher vos réponses et les réponses suivantes. C'est ce qu'il faut faire lorsque le temps nous presse.

Une voix: Oh! Oh!

M. Murphy (Annapolis Valley - Hants): Merci.

Tout d'abord, je suis heureux d'entendre dire que Riel - et j'en étais bien conscient - était un bâtisseur de nation et heureux aussi que le Bloc québécois appuie cet aspect et leur motion.

J'essaie de comprendre un peu mieux les Métis. Monsieur Morin, vous nous disiez un peu qui décide qui est Métis. Si cette définition devait être adoptée, où cela nous mènerait-il pour certaines des questions que vous avez soulevées à propos de ce qui empêche le peuple Métis de progresser? J'aimerais aussi savoir ce qui ne va pas au niveau de ce projet pilote pour le recensement.

J'ai encore une autre question brève: quelle est la raison fondamentale qui, à votre avis, fait que le gouvernement canadien persiste à ne pas reconnaître le peuple Métis. Quelle est cette raison fondamentale?

Enfin, à propos du développement économique du peuple Métis, pourriez-vous nous toucher un mot de certaines des choses que vous faites? De toute évidence, vous semblez faire ces choses de votre propre chef parce que vous avez bien dit qu'il existait certains programmes ciblant le peuple Métis et j'aimerais bien que vous nous donniez quelques détails supplémentaires.

M. Morin: Je vais demander à mon collègue, M. Belcourt, de vous répondre.

Tony.

M. Belcourt: Merci, Gerald.

Je n'ai pas saisi toutes les questions, mais vous en avez posé une qui est cruciale: quelle est la raison fondamentale qui empêche le fédéral de nous reconnaître? Nous ne le savons pas.

Nous savons que le ministère fédéral de la Justice a bien demandé l'avis de certains avocats à savoir si le gouvernement fédéral a une responsabilité de fiduciaire vis-à-vis des Métis et si les Métis sont visés par le paragraphe 91.24. Le gouvernement a fait la ronde des avocats jusqu'à ce qu'il obtienne une opinion négative. Depuis lors, le fédéral étaye sa position en citant ce vieil avis juridique. Les premiers avis ne faisaient pas son affaire puisqu'ils portaient que le gouvernement fédéral a une telle responsabilité.

.1050

Les ministres des Affaires autochtones ou des Affaires indiennes ou nos interlocuteurs fédéraux, par le passé, nous ont dit en privé, et à quelques reprises, que le problème le plus important c'est que s'il n'existe pas de définition de ce qu'est un Métis, la porte est alors grande ouverte à toutes les interprétations. S'il est question de droits sans que l'on sache à quel nombre précis de gens ces droits s'adressent, que le Canada pourrait-il faire?

C'est pourquoi ce n'est pas tellement le recensement qui compte pour nous, mais plutôt l'enregistrement. C'est la raison pour laquelle j'ai apporté ce document. Nous, la nation des Métis, nous savons bien qui sont les Métis. C'est nous qui pouvons définir qui sont les Métis. Nous sommes les Métis.

On m'a demandé ce que c'est que d'être Métis. Nous sommes les descendants d'un peuple qui est autochtone. Mes parents étaient des Métis, ainsi que leurs parents, leurs grands-parents, et ainsi de suite.

Nous les Métis sommes depuis toujours des Autochtones dont le patrimoine est indien ou Métis, qui vivent séparément des Premières nations, qui ne vivent pas dans des réserves, et qui s'identifient au peuple Métis. Nous avons notre propre culture et notre propre langue, la langue Michif, qu'on parle de Mattawa, en Ontario, jusqu'à Pouce Coupé, en Colombie-Britannique. Nous savons donc qui sont les Métis.

Si le gouvernement du Canada acceptait donc de négocier avec nous, comme il l'a fait récemment... Et je dois féliciter le gouvernement actuel d'avoir pris la décision importante de transférer les programmes de développement de ressources humaines aux autorités indiennes, inuit et métis. Le gouvernement a signé un accord cadre national avec l'Assemblée des premières nations, avec Inuit Tapirisat du Canada, et aussi avec le Ralliement national des Métis.

Il est donc évident que le gouvernement croit en la stabilité du Ralliement national des Métis, même si on laisse entendre que nos représentants ont changé régulièrement à cette table depuis le début de la législature actuelle, monsieur le président.

M. Morin est président depuis novembre 1994, après avoir été élu par acclamation à une assemblée de notre peuple. Comme beaucoup des gens autour de cette table le savent, auparavant notre représentant était l'honorable Yvon Dumont, actuellement lieutenant gouverneur du Manitoba. La stabilité est donc une chose que nous connaissons.

Il va sans dire que nous avons eu des discussions internes sur des questions politiques et d'autres sujets. C'est tragique que quelqu'un de la réputation de Billie Joe Delerande ait fait ce qu'il a fait. Mais il s'est retiré lui-même du circuit ne se disant plus président de la Manitoba Métis Federation. Il essaie maintenant de créer une autre organisation.

La MMF est membre du Ralliement national des Métis, et comme Gérald l'a dit, au moins nous respectons la loi. Nous n'avons pas le droit de critiquer les autres si nous ne respectons pas nos propres lois. Notre position est qu'il faut suivre le processus démocratique que nous avons établi.

Le président: Monsieur Harper.

M. Harper (Churchill): Merci.

J'aimerais dire à mes frères, le peuple Métis, que je sais qu'il y a beaucoup de questions à traiter, mais je n'ai que quatre minutes.

Je crois que vous voulez qu'on établisse une tribune qui se pencherait sur les questions touchant les Métis et leur reconnaissance. Je crois que la conférence des premiers ministres, et surtout les conférences constitutionnelles qui se tiendront avant le 19 avril 1997, offrent cette possibilité.

Comment faut-il aborder les questions touchant la nation Métis? J'ai toujours vu les réunions préparatoires à la conférence des premiers ministres comme une bonne occasion d'aborder des questions autochtones avec les ministres fédéraux et provinciaux. Au lieu de s'attarder sur ces questions pendant la conférence des premiers ministres, on pourrait les étudier en profondeur au cours des réunions préparatoires.

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Pensez-vous qu'une telle formule vous permettrait d'aborder plus efficacement les questions touchant les Métis, ou auriez-vous d'autres suggestions?

M. Morin: Elijah, vous avez tout à fait raison. La tribune idéale pour aborder les questions qui nous intéressent serait évidemment la conférence des premiers ministres, car il existe tant d'obstacles graves au progrès de notre peuple. Pour supprimer certains de ces obstacles, il faut apporter des modifications importantes à la Constitution. Comme en 1992 dans le cadre de la «ronde du Canada» aboutissant à l'accord de Charlottetown, la meilleure tribune...

Notre but ultime est de participer en tant que partenaires égaux aux futures conférences des premiers ministres afin de faire reconnaître clairement et sans équivoque nos droits dans la Constitution du Canada. Nous estimons que c'est la seule façon de devenir des partenaires égaux dans la Confédération et de contribuer à la prospérité du pays.

C'est donc notre but ultime. Nous allons procéder de cette façon pour faire enchâsser nos droits dans la Constitution. Voilà ce que nous recherchons en fin de compte.

Nous ne savons pas encore comment nous allons atteindre cet objectif ni ce qui va se passer au cours des mois à venir. Nous constatons qu'il y aura une réunion des premiers ministres cette semaine. Il s'agit d'une réunion des premiers ministres. À bien des égards, il s'agit d'une réunion préparatoire, car, comme nous le savons, lorsqu'il est question de l'unité nationale, il y a une série de réunions des premiers ministres, et il y a des discussions très importantes, tant au niveau des politiciens qu'au niveau des fonctionnaires.

Donc nous jugeons qu'à bien des points de vue il s'agit d'une réunion préparatoire, mais nous pensons qu'à l'avenir il y aura des conférences élargies des premiers ministres. Le premier ministre du pays doit en tenir une avant avril 1997 pour discuter de la formule d'amendement, et il sera forcément question de l'unité nationale. Nous pensons que c'est inévitable.

Selon nous, la seule façon de s'attaquer aux problèmes urgents du Québec passe par un renouvellement de la Fédération qui reconnaît et respecte les droits des Québécois, des Autochtones et de tous les Canadiens. C'est le processus que nous envisageons et c'est le but à atteindre.

Mais entre-temps nous préconisons, en tant que chefs des Métis, d'assister à la conférence des premiers ministres et de prendre des positions fondamentales sur les droits des Métis et sur l'unité nationale. Nous croyons à la démocratie et nous sommes convaincus qu'il faut qu'on nous donne la possibilité de consulter notre peuple dans nos collectivités, comme nous l'avons fait dans le cadre de l'accord de Charlottetown. Le problème c'est que nous n'avons pas les ressources nécessaires pour ce faire.

Nous avons besoin de l'aide du gouvernement fédéral afin de consulter notre peuple et d'en arriver à des positions officielles avant de participer à une conférence des premiers ministres. Je suis sûr que les Premières nations et les Inuit sont du même avis.

Si nous pouvons consulter les Métis, nous pouvons dire avec certitude que nous avons l'appui de notre peuple pour les positions que nous présenterons lors des futures conférences des premiers ministres.

J'exhorte donc le comité et ses membres à convaincre le gouvernement fédéral de travailler avec nous pour faire une consultation et de nous donner les ressources nécessaires pour ce faire. En attendant une conférence élargie des premiers ministres, il nous faut les garanties dont j'ai parlé auparavant, pour que rien ne se produise entre-temps qui risque de compromettre la position ou les intérêts des Autochtones et des Métis du Canada.

Nous pensons que c'est extrêmement important, mais vous avez raison de dire que l'objectif le plus important pour nous c'est de participer à la conférence des premiers ministres sur l'unité nationale.

Le président: Vous avez vite appris à intégrer beaucoup d'éléments dans une seule réponse. Je vous en félicite.

J'ai une petite observation à faire et ensuite je vais vous redonner la parole pour faire des commentaires en guise de conclusion. Je serai bref.

Merci beaucoup des renseignements utiles que vous nous avez communiqués. Nous savons que si nous pouvions passer une semaine ensemble, nous apprendrions encore davantage, mais vous nous avez brossé un bon tableau qui nous sera précieux. Nous allons déposer un rapport qui restera courant, qui ne sera pas relégué aux oubliettes. Nous allons l'avoir avec nous dans nos classeurs.

Avant de vous redonner la parole, j'aimerais permettre à M. Cliff Gladue de prendre la parole, car je sais qu'il voulait intervenir. Je vous demande d'être bref, et ensuite nous allons permettre au président ou à quelqu'un qu'il désignera de faire des remarques de clôture.

M. Cliff Gladue (conseiller constitutionnel, Métis Nation of Alberta): Merci, monsieur le président. Je voulais profiter de l'occasion pour répondre à la question de M. Murphy. En fait, il demandait quels étaient les problèmes fondamentaux des Métis.

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En Alberta, je discute avec nos gens de la façon de résoudre nos problèmes et ils ont du mal à comprendre des termes comme autonomie gouvernementale, autodétermination et ainsi de suite. Donc, je leur ai trouvé une réponse très simple. Je leur dis que dans ce pays on a des gouvernements et que l'autonomie gouvernementale signifie simplement gérer les choses pour soi-même. On gouverne pour soi-même.

Donc, les Blancs ont leurs gouvernements fédéral et provinciaux. Ils ont leurs villes, leurs municipalités, leurs villages, leurs médecins et leurs cartes d'identité et ces genres de gouvernements. Les Inuit et les peuples indiens ont leurs gouvernements, leurs réserves et ainsi de suite. Mais il n'y en a pas pour les Métis.

Ne pensez-vous pas que nous méritons notre propre gouvernement, nous aussi? Je pense que oui. Pour le comprendre, il suffit de tenir compte du contexte que je viens de décrire.

Merci.

M. Chartrand: Je veux faire encore un commentaire. Ce que j'essayais de dire à John - et je présente mes excuses, John. Un bon exemple est la lettre que nous avons reçue à propos de la conférence sur l'habitation organisée à Istanbul. C'est avec plaisir qu'on nous annonce que la délégation canadienne qui se rend à Habitat II comprendra des représentants autochtones.

C'est en l'honneur des Premières nations qu'on inclut deux représentants des territoires des Premières nations. Mais nous savons tous que les Premières nations ne parlent pas au nom des Métis. Ils ne nous représentent pas et nous ne les représentons pas.

Le plus gros problème et celui qui porte le plus à confusion est l'emploi du mot «autochtone». Le gouvernement fait des annonces - 5 millions de dollars ou 10 millions ou 5 milliards ou 50 milliards - peu importe le montant, et on dit que ce sont des fonds destinés aux autochtones. Tout le monde pense que nous recevons cet argent. Nous n'en recevons pas un cent. Nous avons parlé avec le ministre des Affaires indiennes. Quand ils parlent du budget, ils se servent du mot «autochtone».

Je l'ai dit clairement au ministre des Affaires indiennes en Colombie-Britannique. J'ai siégé à divers conseils. Cela entraîne beaucoup de problèmes pour nous et beaucoup de confusion. Les gens pensent que nous recevons tout cet argent. Nous ne recevons pas tout cet argent.

Nos budgets sont très petits. De fait, notre budget provincial au Manitoba est à peu près trois fois plus petit que celui d'une réserve de 100 personnes.

Encore une fois, je ne veux pas discréditer les réserves. Ces gens ont besoin de cet argent. Mais cela laisse entendre que nous touchons tout cet argent. Ce n'est pas le cas.

Votre comité ou ministère doit trouver une façon d'éduquer le gouvernement. S'ils vont se servir de l'expression premières nations, qu'ils s'en servent. Utilisez Inuit. Utilisez Métis. Ainsi nous saurons qui reçoit quoi. Au moins nous pourrons faire comprendre aux gens chez nous que nous ne recevons pas tous les fonds annoncés dans les nouvelles la veille. Merci.

Le président: Bien dit. Merci beaucoup.

J'aimerais demander aux membres du comité d'adopter la motion que nous devons adopter, c'est-à-dire que le comité approuve l'impression de 250 exemplaires du rapport sur l'éducation pour les Autochtones en plus des 550 exemplaires autorisés par le Bureau de la régie interne.

La motion est adoptée

Le président: Nous allons prendre une pause d'une minute pour inviter nos témoins suivants.

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Le président: Je déclare la séance ouverte.

Mesdames, bienvenue. Nous sommes heureux de pouvoir vous accueillir. Vous pourrez certainement présenter une perspective différente aux membres du comité et nous avons hâte de vous écouter. Le message que vous venez nous livrer nous intéresse beaucoup.

Pour vous expliquer un peu le contexte, les membres du comité ont décidé qu'étant donné qu'il y a un changement de députés d'une séance à l'autre, un «processus d'éducation» nous serait très utile. Cela vous donne l'occasion de sensibiliser tout le monde aux questions importantes, à vos points de vue, à tout ce que vous désirez partager avec nous.

Je ne sais pas si vous avez déjà comparu ici, mais notre comité se sert de ce classeur pour effectuer ses travaux, alors il contiendra un compte rendu de l'exposé que vous ferez aujourd'hui. Votre exposé constituera un chapitre dans ce classeur. Nous n'avons aucune intention de le reléguer aux oubliettes, car chaque membre du comité en aura un exemplaire. Ce sera un document qui sera mis à jour continuellement.

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Ceci est une occasion pour vous de nous instruire et de faire valoir vos principales préoccupations. Vous avez donc la parole.

Mme Janice Walker (présidente, Native Women's Association of Canada): Merci, et bonjour, monsieur le président, membres du comité, mesdames et messieurs. Je vous remercie de m'avoir invitée, ainsi que Mme Pat Baxter, qui travaille pour notre association, pour vous parler des questions qui nous intéressent et de nos préoccupations.

J'ai un bref exposé, mais avant de commencer, je voudrais vous expliquer qui je suis.

Je suis une femme Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse. Moi aussi j'habite dans la vallée de l'Annapolis et j'y ai déjà rencontré M. Murphy. Je suis très heureuse de le voir ici aujourd'hui.

J'ai été élue il y a deux ans au poste de porte-parole national pour la Native Women's Association of Canada. À ce moment-là, en parlant avec nos aînés et avec les délégués à l'assemblée ainsi qu'avec le conseil immédiatement après l'assemblée, j'ai constaté que j'avais un mandat bien précis.

L'une des préoccupations était que les représentants gouvernementaux avaient l'impression que les groupes et organisations autochtones ne travaillaient pas ensemble, et c'est justement ce genre de mentalité et de perception qui doit être corrigé. Je suis heureuse de pouvoir dire que nous estimons avoir atteint ce but.

Au cours des deux dernières années, la Native Women's Association of Canada a collaboré avec l'Assemblée des premières nations pour mettre sur pied des initiatives de soins aux enfants. Les Inuit font partie de certains de nos projets. Nous travaillons en étroite collaboration avec les Métis. Je rencontre souvent leurs chefs. À mon avis, il n'y a pas de dissension ou de discorde.

La Native Women's Association of Canada appuie d'autres organismes autochtones. Moi-même, je siège à un conseil de bande depuis près de 12 ans. Je crois, honnêtement, que notre participation aide à la prise de décision.

Les membres de notre association et moi-même sommes d'avis que nous constituons la pierre angulaire de nos collectivités. Nous sommes les premiers intervenants lorsqu'il s'agit de défendre nos intérêts tels que la garde d'enfants, la santé et l'éducation. Ces femmes s'attaquent à des questions qui touchent le noyau familial, et donc le noyau de la communauté.

Même si nos rôles s'effectuent sur des voies parallèles, ils apportent une perspective différente aux divers processus en cours.

La dernière fois que la Native Women's Association of Canada a comparu devant ce comité était en 1994. Depuis lors, il y a eu de nombreux changements quant au programme d'action du gouvernement fédéral dans les dossiers autochtones. Hélas, dans l'ensemble, les conditions économiques et sociales des femmes autochtones au Canada n'ont pas changé.

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J'aimerais faire le point sur la situation. Toutefois, avant d'y procéder, je voudrais d'abord vous parler de la Native Women's Association of Canada, de nos buts et de notre structure.

Notre association est en importance la cinquième association politique autochtone nationale au Canada, et représente les femmes autochtones de toutes les régions du pays. Parmi nos membres des diverses provinces et des territoires, on compte des femmes autochtones qui sont Métis, Inuit et des Premières nations.

Ces femmes habitent dans des régions urbaines, dans les réserves ou dans des régions rurales du Nord. Aujourd'hui, on compte plus de 522 000 femmes autochtones au Canada, ou 52 p. 100 de la totalité de la population autochtone, ce qui constitue un peu plus de 4 p. 100 de la population féminine du Canada.

À titre d'organisme politique, notre mandat est d'intervenir, de représenter et d'exécuter des programmes visant une meilleure qualité de vie pour les femmes autochtones et leur famille. Pour atteindre ces objectifs, nous exerçons des pressions, nous veillons à l'exécution de programmes et nous insistons pour avoir voix au chapitre dans l'élaboration de politiques à tous les paliers de gouvernement, y compris nos gouvernements autochtones.

Notre association vise surtout la modification des lois et des politiques gouvernementales pertinentes, l'égalité garantie des droits et la participation accrue des femmes autochtones au réétablissement des gouvernements autochtones.

Les enseignements de nos aînés décrivent notre rôle par rapport à ces questions:

Nos organismes provinciaux et territoriaux défendent les femmes autochtones qui souffrent quotidiennement de cette double discrimination et de la pauvreté. Nous luttons dans le but d'apporter des changements d'ordre social dans le secteur des soins de santé, de counseling, de l'alphabétisation, du développement du marché du travail et de la formation professionnelle ainsi que des conseils juridiques. Nous faisons la promotion de l'équité et de la participation des femmes autochtones pour que les collectivités autochtones puissent, ensemble, devenir un milieu sain pour notre peuple.

Au cours des deux dernières années, j'ai eu l'occasion de rencontrer plusieurs ministres, des représentants des Premières nations, des leaders métis et inuit afin de discuter de ces questions touchant les femmes autochtones. Lors de ces réunions, j'ai toujours transmis le même message: la NWAC et ses membres s'engagent à trouver des solutions qui feront progresser et qui soutiendront les femmes autochtones.

Personne parmi nous n'a de temps à perdre pour débattre cette question qui consiste à savoir qui devrait jouer le rôle principal face à ce changement critique. Le défi auquel nous faisons face représente, sans aucun doute, assez de travail pour tout le monde.

Les statistiques canadiennes sur les femmes autochtones racontent la vraie histoire. Ce sont chez les femmes autochtones que l'on rencontre le taux le plus élevé de monoparentalité au Canada. De plus, les taux de revenu et d'emploi de ce groupe sont les plus bas au pays. Par conséquent, les femmes autochtones sont en mauvaise santé et ont beaucoup de mal à prendre soin de leurs enfants et de leur famille.

On a parfois laissé entendre que les femmes autochtones sont représentées à titre égal par l'entremise d'autres structures. Si c'est le cas, comment expliquer pourquoi nos femmes souffrent toujours de façon si flagrante?

La NWAC représente une voix collective de femmes autochtones pour s'assurer que les questions qui nous préoccupent figurent à l'ordre du jour et qu'on s'en occupe convenablement et efficacement.

Les infrastructures des femmes autochtones reflètent l'engagement des gouvernements. Le financement que nous recevons ne peut pas se comparer aux autres organismes autochtones. La rationalisation à laquelle se livrent les gouvernements au niveau de leurs effectifs et de leurs dépenses a considérablement nui à notre capacité de répondre aux besoins de façon efficace. Les coupures au Programme des femmes autochtones de Patrimoine Canada constituent un exemple parmi d'autres des défis de financement auxquels notre association doit faire face.

Notre association nationale a toujours été réduite au minimum, son personnel ne comportant que trois personnes à temps plein. Si le gouvernement veut créer des solutions pour les femmes autochtones, il doit reconnaître nos besoins de financement et nous fournir les budgets en conséquence.

Ce gouvernement a choisi d'établir des priorités de financement lorsqu'il s'agit d'organismes autochtones. Les femmes autochtones et les groupes autochtones urbains sont obligés d'accepter de très maigres ressources, ce qui est tout à fait inacceptable, surtout lorsqu'on tient compte du fait que près de 70 p. 100 dont 59 p. 100 sont des femmes, de la population autochtone habite en ville au Canada.

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Le gouvernement fédéral doit cesser d'établir de telles priorités lorsqu'il s'agit du financement et il doit appuyer la NWAC pour permettre à notre organisme de répondre aux besoins et d'effectuer des changements efficaces pour nos femmes. De plus, nous proposons l'établissement de nouvelles formules de financement. Pour ce faire, il faut faire participer tous les intervenants, y compris les femmes autochtones, d'arriver à une parité du financement.

Le ministère des Affaires indiennes et du Nord doit allouer un montant adéquat de ressources pour permettre aux femmes autochtones de faire face aux défis. À titre d'exemple, lorsqu'on a discuté avec ce ministère de la possibilité de financer un projet portant sur les questions féminines, on nous a dit que le coût de tels projets nationaux ne pouvait pas dépasser 10 000$. Comme vous pouvez le comprendre, ce montant n'aura aucun impact, n'apportera pas beaucoup de changement, surtout lorsqu'il s'agit de s'attaquer aux questions législatives visées par la Loi sur les Indiens, comme les droits aux biens matrimoniaux et les questions qui relèvent du projet de loi C-31.

Il y a toujours de la discrimination à l'égard des femmes autochtones lorsqu'il s'agit de la propriété foncière parce que, dans le cas d'une rupture de mariage, c'est presque toujours l'homme qui obtient le droit foncier. La femme n'est pas reconnue et n'a aucun droit foncier, même si les propriétés se trouvent dans sa collectivité d'origine.

Le projet de loi C-31 a aidé les femmes autochtones à maintenir ou à recouvrer leur statut d'Indiennes. Toutefois, le gouvernement fédéral n'a pas fourni suffisamment de ressources aux collectivités des Premières nations pour leur permettre de prendre les dispositions nécessaires face à l'augmentation des populations dans les réserves. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord a fourni de modestes ressources aux Premières nations pour les aider à pallier la pénurie, déjà critique, de logement dans les réserves. Toutefois, ces ressources n'ont pas toujours été utilisées pour répondre aux besoins de logement des femmes visées par le projet de loi C-31. Conséquemment, ces femmes nous disent qu'elles ne peuvent pas rentrer dans leur collectivité d'origine.

Notre association, la NWAC, a à plusieurs reprises discuté de ces questions avec le ministre des Affaires indiennes, M. Irwin. Il nous a dit qu'il appuyait la position de la NWAC quant aux mesures à prendre dans ce domaine. Toutefois, quand il s'agit de financement, il n'y a jamais de suivi.

La NWAC recommande que le ministère des Affaires indiennes travaille avec notre organisation pour qu'on puisse trouver un niveau de ressources réaliste qu'on pourra allouer pour aider les femmes autochtones à combattre ces pratiques discriminatoires au sein de nos collectivités.

Dans la dévolution des programmes gouvernementaux, les femmes autochtones ont encore une fois été exclues, surtout dans les domaines de l'emploi et de la formation. Les femmes autochtones ont déjà été prioritaires dans le cadre de la politique des Chemins de la réussite relevant du ministère du Développement des ressources humaines. De fait, la NWAC était la seule organisation autochtone nationale qui avait un siège garanti au niveau national en tant que partenaire égal.

Enfin, on a reconnu les problèmes des femmes autochtones par le biais de notre représentation et de notre participation aux niveaux national, régional et local au sein des conseils de gestion autochtones qui ont été mis sur pied dans le cadre du processus des Chemins de la réussite.

La situation est très différente aujourd'hui. En fait, la nouvelle orientation et les nouvelles politiques du ministère du Développement des ressources humaines ont mis un terme au progrès des femmes autochtones et les ont même fait reculer en matière de formation et de perfectionnement de la main-d'oeuvre, progrès qui avait été effectué dans le cadre du processus des Chemins de la réussite. À l'heure actuelle, DRHC a cédé les crédits de 600 millions de dollars seulement aux groupes qui représentent les Premières nations, les Métis et les Inuit. On a dit aux femmes autochtones qu'elles devaient se fier à ces groupes pour obtenir leur part des ressources.

Avant cela, les femmes autochtones avaient l'occasion de prendre et de revoir les décisions sur l'allocation des ressources en matière de formation de la main-d'oeuvre en tant que partenaires égales. Depuis le mois d'avril de cette année, les femmes autochtones et leurs organisations nous disent qu'elles sont exclues du processus actuel, ce qui signifie qu'en vertu des nouvelles structures de prestation des services, les femmes autochtones n'ont plus accès à la formation ou au perfectionnement de la main-d'oeuvre.

De tout temps, les femmes autochtones n'ont pas pu profiter pleinement des programmes offerts dans les réserves, ou des programmes offerts aux Métis ou Inuit. Cet état de fait a été documenté à maintes et maintes reprises. C'est la raison particulière qui explique la création des groupes de femmes autochtones.

Si les femmes autochtones ne contrôlent pas leurs propres ressources, nous ne verrons jamais le type de changement qui est nécessaire si nous voulons lutter contre le taux de chômage élevé dont nous souffrons dans ce pays. La NWAC tente depuis janvier de rencontrer le ministre de DRHC. Le ministre Young refuse de nous rencontrer. Nous avons pourtant rencontré plusieurs autres ministres pour discuter de nos préoccupations en la matière. Il ne fait aucun doute que cette nouvelle approche est discriminatoire et ne répond pas à nos besoins fondamentaux.

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On a effectivement mis un terme à notre participation à la main-d'oeuvre par le biais de cette approche fractionnée qui exclut les femmes autochtones. Nous sommes à toutes fins utiles exclues du processus parce que rien ni personne ne milite en faveur de notre inclusion juste et équitable.

La NWAC, l'Association des femmes autochtones, ne permettra pas qu'on efface cette question du tableau. Il faut qu'on modifie les politiques pour garantir la participation des femmes autochtones, ainsi que leur accès au financement de DRHC. C'est une priorité pour les femmes autochtones et leurs organisations; c'est un problème qui doit être résolu.

DRHC a suggéré que la formation de la main-d'oeuvre qui vise les femmes autochtones vivant hors réserve pourrait faire l'objet d'un financement partagé dans le cadre duquel on nous accorderait cinq millions de dollars par année pendant les trois prochaines années. Ce partage en vertu duquel on accorderait 600 millions de dollars à 30 p. 100 de la population autochtone, et seulement 15 à20 millions de dollars aux autres 70 p. 100 de la population est inacceptable.

La NWAC recommande qu'on modifie immédiatement la politique nationale et l'entente cadre. Nous recommandons que DRHC alloue à nouveau des ressources qui seraient consacrées exclusivement à la formation et au perfectionnement des femmes autochtones.

En ce qui concerne les coupures dans le domaine de la santé, notre association a déclaré qu'elle n'était pas d'accord avec les changements au programme dentaire, et pas d'accord non plus avec les changements en ce qui concerne les prestations de santé non assurées.

Je le répète, la politique de ce gouvernement touche sévèrement les femmes autochtones et leurs enfants. Le niveau de pauvreté des femmes autochtones est bien inférieur au seuil national de la pauvreté. Notre revenu annuel, quand nous avons de la chance, est inférieur à 25 000$ par année. Si le gouvernement conserve cette stratégie, les besoins de nos enfants en matière de services dentaires et de services de santé spéciaux vont continuer à être ignorés.

Nous vivons déjà dans des conditions où vivent les gens du tiers monde. En nous refusant des traitements médicaux, on va encore aggraver le risque de maladies chroniques chez les femmes et les enfants autochtones. Santé Canada doit mettre fin à ces coupures de budget.

La NWAC comprend que tous les Canadiens doivent contribuer à la relance de notre économie. Les décisions difficiles sont inévitables et les coupures de programme font partie de cette réalité. Toutefois, le Canada doit comprendre que les femmes autochtones ne pourront pas apporter leur contribution à la société si elles sont visées par des coupures qui menacent leur existence même dans des domaines comme la santé, l'emploi et la justice.

Depuis des années, l'association demande aux gouvernements de faire participer les femmes autochtones à la conception et à l'élaboration de la politique fédérale. Pourquoi cela est-il si difficile? Il suffirait au gouvernement de pratiquer ce qu'il prêche, sur les scènes nationale et internationale, pour régler ses problèmes financiers et assumer sa responsabilité envers les femmes autochtones. En effet, le Canada est un grand défenseur de l'égalité. Le temps est venu pour le gouvernement d'établir un processus qui garantisse la participation des femmes autochtones et qui permette de s'attaquer au véritable programme, un programme de solutions.

J'aurais encore beaucoup à dire, mais je répondrai volontiers à vos questions.

Quand je suis arrivée, quand j'ai regardé autour de la salle, je me suis dit, Pat, il n'y a qu'une seule femme à cette table. C'est alors que j'ai décidé de vous raconter mon histoire de soupe. Je veux vous raconter cette histoire.

On peut faire une soupe seulement avec un os, une soupe nourrissante, qui apaise la faim. Évidemment, cette soupe risque d'être un peu fade. On peut aussi y mettre un peu de sel et de poivre, mais ça reste une soupe de base, une soupe fade, rien d'extraordinaire. Toutefois, si on y ajoute quelques légumes, un peu d'épices, ça l'améliore beaucoup, elle a meilleur goût et en même temps, il y en a plus.

C'est un exemple que j'utilise pour expliquer à quel point il est important de faire participer les femmes autochtones. Qu'il s'agisse de comités, de commissions, de conseils, d'enquêtes, etc., si vous demandez aux femmes autochtones de participer, le produit final sera meilleur. Je vous demande donc à tous de réfléchir à cela dans vos activités quotidiennes, et chaque fois que ce sera possible, ajoutez donc une femme autochtone et mélangez doucement.

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Le président: Évidemment, vous savez que le chemin qui mène au coeur d'un homme passe par son estomac.

Nous allons maintenant passer aux questions. Nous devrions avoir le temps de donner cinq minutes à chaque député, pour les questions et les réponses. Si l'un d'entre vous n'a pas de question, nous aurons terminé cinq minutes plus tôt. Autrement dit, les autres députés ne peuvent pas utiliser son temps.

Je vous donnerai ensuite du temps pour une dernière déclaration. Je tiens à vous remercier beaucoup pour l'information que vous nous avez apportée. Vous avez très bien engagé le débat, et nous allons continuer sur cette base.

Je donne maintenant la parole à M. Duncan.

M. Duncan: Je vais commencer, parce que vous n'aurez pas besoin d'interprétation.

Je ne sais pas de quelle région de la Nouvelle-Écosse vous êtes, j'y étais moi-même la semaine dernière. C'était magnifique, je suis allé dans la vallée de l'Annapolis, et également à Digby, à Kentville dans la baie de St. Margarets et à Port Royal.

Les femmes autochtones peuvent participer de diverses manières. Pour citer mon cas personnel, ma femme est autochtone, ce qui donne un peu de piquant à notre existence, et je peux vous dire que chez nous, la soupe n'est pas fade.

Vous avez mentionné le projet de loi C-31 et vous avez parlé de «droits sur les terres». Est-ce que vous faites allusion à des certificats de possession?

Mme Walker: Non.

M. Duncan: C'est donc d'autre chose que vous parlez.

Dans ces deux cas, je me dis que les plaintes légitimes pourraient être qualifiées de «traitement discriminatoire». À l'heure actuelle, les possibilités d'appel sont très limitées. J'aimerais savoir pourquoi notre association ne s'est pas attaquée au problème posé par le fait que la Loi canadienne sur les droits de la personne n'autorise pas cette commission à accepter des causes de discrimination puisqu'elle exclut les Indiens qui sont régis par la Loi sur les Indiens. J'aimerais savoir pourquoi votre organisation n'a pas pris le ministre et le public à partie à cause de cette exclusion.

Le président: Je vais vous demander de répondre en deux minutes, mais comme tout à l'heure, si cela ne vous donne pas suffisamment de temps, vous pourrez compléter en répondant à d'autres questions plus tard.

Mme Walker: Je vais demander à Pat de répondre à cette question.

Mme Pat Baxter (représentante d'Ottawa, Native Women's Association of Canada): Monsieur Duncan, c'est une question à laquelle je réponds avec plaisir. J'aimerais vous remercier de nous avoir dit que votre femme a des origines autochtones, je suis certaine que c'est une femme merveilleuse.

Pour commencer, vous avez parfaitement raison de mentionner la Commission des droits de la personne. Notre association connaît bien cet organisme.

Toutefois, comme vous le savez probablement, la Commission des droits de la personne a un arriéré de causes qui remonte à plusieurs années, et il est particulièrement frustrant d'essayer de faire entendre une cause dans des délais raisonnables. C'est coûteux, cela prend du temps, et avec un bureau composé de trois personnes à temps plein, nous n'avons tout simplement pas les ressources nécessaires pour mener cette lutte et venir à bout de l'arriéré de la Commission des droits de la personne. On a vu des cas où il a fallu attendre trois ans pour avoir la moindre réaction de la Commission.

Nous ne voulons pas critiquer la Commission des droits de la personne, mais il est certain que cet organisme est débordé. Il est submergé par une avalanche de causes.

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À l'automne dernier, nous avons comparu devant le comité du Sénat qui étudiait la législation sur l'équité en matière d'emploi. À cette occasion, nous avons recommandé aux sénateurs de ne pas confier l'application de la loi sur l'équité en matière d'emploi à la Commission canadienne des droits de la personne, car cet organisme n'a même pas les pouvoirs nécessaires pour suivre ses propres cas, pour ne pas parler d'un mandat supplémentaire qui pourrait lui être confié.

C'est donc une des raisons pour lesquelles nous n'avons pas donné suite. Toutefois, vous avez raison, cela pourrait être envisagé pour l'avenir.

Mme Walker: J'aimerais ajouter une chose. Il y a beaucoup d'aspects de ces questions qui n'ont jamais été documentés. Cela fait partie du problème. Qu'il s'agisse de gestion des terres ou de l'impact des questions de logement en relation avec le projet de loi C-31, on n'a pas de statistiques, pas d'éléments qui permettraient d'établir les faits devant un tribunal ou une commission, qu'il s'agisse d'une commission des droits de la personne ou d'autre chose. C'est une partie du problème et c'est dû au manque de ressources. Par exemple, avec 10 000$, nous ne pouvons pas faire les recherches nécessaires sur la gestion des terres, c'est tout simplement impossible.

M. Duncan: Mais des causes de comportement discriminatoire ont été établies prima facie par un tribunal et par la suite, des particuliers sont allés plus loin. Ni les tribunaux ni la Commission des droits de la personne ne peuvent accepter une telle cause de discrimination à cause de l'article 67 de la Loi canadienne des droits de la personne qui détermine qu'aux termes de la Loi sur les Indiens, les Indiens régis par cette loi sont exemptés des dispositions de la Loi sur les droits de la personne. Pourquoi notre association ne s'est-elle pas attaquée à cela? C'est ma question.

Mme Walker: Je ne peux pas vous citer telle ou telle raison. Toutefois, nous savons tous que plusieurs affaires sont en cours devant les tribunaux et qu'éventuellement, elles finiront devant la Cour suprême du Canada. Notre association intervient chaque fois que cela est possible, lorsqu'elle trouve du financement pour intervenir ou pour mener à bien une cause type.

Pour diverses raisons, dont certaines ont été mentionnées par Pat, les femmes autochtones ne considèrent pas que la Commission des droits de la personne est une option viable. Sandra Lovelace avait essayé cette option, elle s'était adressée à la Commission des droits de la personne, mais la cause avait pris des années, et finalement, elle a dû s'adresser à la Commission internationale des droits de l'homme. Cela peut donc être utile dans certains cas, mais dans d'autres, ce n'est pas une option. Toutefois, peut-être les femmes autochtones n'ont-elles pas suffisamment étudié cette possibilité.

[Français]

M. Bachand: J'ai en main un document du Comité canadien d'action sur le statut de la femme intitulé Questions pour le lobby de 1996. Une partie de ce document porte sur la question des femmes autochtones. Votre organisation, la Native Women's Association of Canada, y est mentionnée.

Je dois donner des réponses à ce sujet aujourd'hui et je suis content que, dans votre exposé, vous ayez parlé de la formation de la main-d'oeuvre et du marché du travail.

On demande que l'accès aux ressources fédérales en matière d'emploi et de formation soit donné aux femmes autochtones. On dit aussi que la Native Women's Association of Canada exige que le gouvernement fédéral se montre juste et équitable, comme il s'y est engagé, et qu'il accorde directement aux femmes autochtones, qui se chargeront elles-mêmes de la prestation des programmes et des services par l'entremise de leurs propres structures, des ressources pour le développement de la main-d'oeuvre.

Les questions qui suivront seront toutes pertinentes à cette trame de fond. Je suis un peu embêté quand on parle de formation de la main-d'oeuvre. Parfois le gouvernement reconnaît des organismes représentatifs comme l'Assemblée des Premières nations, les Métis du Canada et les Inuit-Tapirisat et leur dévolue l'ensemble de ces programmes. Il passe par le conseil de bande en ce qui a trait à l'APN ou par la structure inuit en ce qui à trait aux Inuit.

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Comment peut-on faire en sorte que des services pour le développement de la main-d'oeuvre soient octroyés directement aux femmes autochtones en passant à côté des structures qui existent déjà?

Tel est mon problème actuellement, et je dois répondre à cela aujourd'hui. Donc, j'aimerais que vous me donniez un peu d'explications sur la façon dont vous voyez la chose.

[Traduction]

Mme Walker: Je suis heureuse que vous ayez posé cette question. Comme je l'ai dit dans ma déclaration d'ouverture, lorsque le programme Les chemins de la réussite a été mis en place, un programme destiné à mettre des fonds pour la formation à la disposition des Autochtones, notre association a eu un siège réservé. Cela a très bien fonctionné.

Vous nous demandez ce que nous pouvons faire pour nous assurer que l'argent parvient bien à destination, qu'il soit contrôlé par les femmes autochtones. Voici comment les choses ont fonctionné jusqu'au 1er avril de cette année. À cette date, le ministre Axworthy, qui était à l'époque ministre des Ressources humaines, a décidé unilatéralement, et pour des raisons que je ne comprends pas, de retenir la deuxième option d'un document politique qu'il avait préparé. Il a constitué un comité d'examen qui a formulé des recommandations et signalé plusieurs options pour assurer l'avenir du programme Les chemins de la réussite. De son propre chef, il a choisi l'option numéro 2 qui exigeait des ententes cadres avec les organisations nationales des Premières nations, des Inuit et des Métis. Les centres d'amitié et la Native Women's Association of Canada étaient exclus.

Nous avons protesté immédiatement, disant que c'était régresser, qu'on nous enlevait tout ce que nous avions gagné. Nous avons rencontré la ministre Ethel Blondin-Andrew, nous avons écrit des lettres, et avec la collaboration du Congrès des peuples autochtones et de l'Association nationale des centres d'amitié, nous avons déclaré qu'une autre entente était nécessaire. Avec l'option retenue, il y avait trop de gens qui passaient à travers les mailles du filet. Tous ceux qui vivent dans les centres urbains et qui ne sont pas affiliés aux Premières nations, comment feront-ils pour obtenir une formation?

Par le passé, des commissions locales étaient établies dans toutes les provinces, des commissions qui relevaient d'un conseil provincial. Elles comprenaient des représentants de chaque groupe et organisation autochtones. Il y avait quelqu'un pour représenter les gens. Toutes les propositions de formation étaient soumises à ces commissions, et les autochtones, selon les mérites des propositions et les possibilités de formation, décidaient qui obtenait un financement.

Ces commissions locales et régionales tenaient des séances de stratégie. Elles décidaient que puisqu'un certain pourcentage de la main-d'oeuvre d'une province était composé de femmes, tant d'argent serait réservé aux femmes. Ces commissions décidaient dans quels secteurs on avait besoin de formation, ou encore dans quelle mesure cela pourrait servir au développement de la main-d'oeuvre.

Le ministre a décidé de supprimer tout cela et de ne conserver que trois ententes avec les Premières nations, avec les Inuit et avec les Métis. Nous avons dit: Et les femmes autochtones? Vous êtes en train de nous exclure, vous nous enlevez notre siège à la table des décisions, vous nous empêchez de participer véritablement. On nous a répondu: Non, non, ne vous inquiétez pas, dans chaque entente, nous allons mettre une clause pour préciser que les femmes autochtones doivent participer au processus.

Après des réunions avec DRHC, on nous a dit qu'on ne pouvait rien faire, que cela ne pouvait pas être appliqué. On nous a dit que c'était à nous d'aller voir ces organisations et de négocier pour avoir notre part. Nous avons dit très bien, c'est ce que nous allons faire, sachant fort bien que ce genre de chose n'a jamais marché par le passé, quel que soit le programme, sachant fort bien que ça ne marcherait pas plus cette fois-ci. C'est ridicule de penser que le chef et le conseil d'une réserve, qui sont élus par la population de cette réserve, pourraient dépenser de l'argent en dehors de la réserve.

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Mme Baxter: Pour les femmes qui ont le statut d'Indienne.

Mme Walker: Pour n'importe qui. Ils feront tout pour s'assurer que les gens qui votent pour eux sont servis les premiers. Par conséquent, tous les autres seront forcément exclus, tous ceux qui sont dans les centres urbains, toutes les femmes autochtones, tous ceux qui vivent hors réserve, tout le monde, qu'il s'agisse de la Ulnooweg Development Corporation, ou des Mi'kmaq Family and Children's Services en Nouvelle-Écosse, par exemple.

Je ne blâme pas les chefs, qui font face à de terribles conditions dans les réserves. Ils ont besoin de l'argent. Notre association dit seulement que nous aussi, nous avons besoin d'une partie de ces ressources, de cette formation.

La meilleure solution à ce problème, c'était de prévoir une quatrième entente cadre. Le ministère des Ressources humaines a dit que cela serait fait. Nous nous sommes mises au travail, nous avons utilisé notre main-d'oeuvre, nos ressources, et avec la collaboration de l'Association nationale des centres d'amitié du CPA, nous avons élaboré cette quatrième entente cadre qui devait inclure tous ceux qu'on avait ignorés ou exclus jusque-là.

C'était une merveilleuse entente cadre. À la onzième heure, quelques jours avant la déclaration finale, nous avons reçu un coup de téléphone et on nous a dit que cela n'était pas possible, sous prétexte que le BCP ne l'avait pas approuvée. J'ai entendu toutes sortes de versions contradictoires de la part de plusieurs ministres, mais voilà ce qu'on nous a dit.

Toutefois, on nous a fait une offre, nous disant qu'il serait peut-être possible de nous donner quelques dollars pour la formation en puisant dans un autre fonds de transition. C'est la raison pour laquelle j'ai dit que 600 millions de dollars étaient destinés aux réserves et qu'on offrait cinq millions de dollars au reste de la population autochtone. Cela n'a aucun sens.

Ensuite, quand j'ai rencontré les ministres, j'ai eu l'impression que cette quatrième entente cadre était lettre morte, qu'en dépit de tous nos efforts, cette option avait définitivement disparu. Je me suis dit: si seulement ils voulaient bien respecter les termes de ces ententes cadres.

Je suis donc allée voir plusieurs ministres parce que je n'arrivais pas à rencontrer le ministre Young. Je leur ai demandé s'ils accepteraient, sur la base de ces ententes cadres, d'écrire à leurs directeurs régionaux au niveau provincial et territorial, pour leur dire de ne signer aucune entente où les femmes autochtones ne seraient pas représentées dans une proportion équitable. L'entente précise qu'elles doivent être traitées équitablement, que toute disposition doit les inclure et les traiter équitablement.

Il me semble que ce n'est pas beaucoup demander. Les négociations sur le financement ont lieu au niveau provincial et territorial. C'est là qu'on doit tenir compte des femmes. C'est à la base, dans tout le Canada, qu'on refuse aux gens l'argent destiné à la formation.

Cela a eu des effets désastreux. Cette année, plusieurs provinces n'ont pas reçu d'argent. Il y a des gens qui se demandent ce que devient leur formation. Ils devaient retourner à l'école, continuer leurs études, dans tel et tel domaine. Ils demandent à qui ils doivent s'adresser. Tout cela parce que les ententes bilatérales ne sont pas signées. Ils ne veulent pas qu'un tel ou que tel autre reçoive de l'argent.

L'autre élément important que j'ai oublié de mentionner, c'est qu'avant le 1er avril, les commissions étaient composées entièrement de bénévoles. Personne n'était payé. Les gens faisaient ce travail parce que cela servait leur intérêt, parce qu'ils s'y connaissaient dans ce domaine et parce qu'ils voulaient absolument voir cet argent utilisé comme il devait l'être.

Depuis le 1er avril, avec ces nouvelles ententes, et en particulier celle avec les Premières nations, les commissions sont maintenant constituées exclusivement de chefs. Je peux vous parler de la Nouvelle-Écosse en particulier, où il y a 13 chefs. On a donné un siège à une femme autochtone et on a dit que c'était juste et équitable. Tout l'argent disponible a été alloué aux réserves, aucun projet de l'Association des femmes autochtones de Nouvelle-Écosse n'a été financé.

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Nous avons donc un siège, mais absolument pas d'argent. En plus, tous les chefs reçoivent des honoraires. Il n'y a plus de bénévoles parce que les chefs ne veulent pas travailler s'ils ne sont pas payés. À mon avis, c'est de l'argent qui est détourné de l'usage qu'on devrait en faire.

Voilà donc la situation. Je suis désolée d'avoir été si longue, mais pour les femmes autochtones, c'est une priorité absolue. Ayant siégé à un conseil de gestion autochtone local, ayant présidé un conseil provincial et participé aux travaux du conseil national, tout cela avant le 1er avril, j'ai vraiment du mal à avaler cette situation, je ne comprends absolument pas pourquoi un système qui fonctionnait bien, qui donnait des résultats, des résultats prouvés, a été changé. J'espère avoir répondu à votre question.

M. Duncan: Est-ce que le chef de la bande Acadia n'est pas une femme? Est-ce que ce n'est pas la plus grosse bande de la Nouvelle-Écosse?

Mme Walker: Non, ce n'est pas la plus grosse, mais effectivement, le chef de la bande Acadia est une femme. Je fais partie de la bande Horton. En Nouvelle-Écosse, il y a trois chefs qui sont des femmes.

M. Duncan: Trois sur 13. Mais elles n'aident pas votre cause?

Mme Walker: Non, pas vraiment. Une d'entre elles nous aide et supporte beaucoup notre cause.

M. Duncan: D'accord.

Le président: Merci. C'est une question particulièrement importante, c'est la raison pour laquelle je vous ai permis de continuer. Nous passons maintenant à M. Finlay.

M. Finlay (Oxford): J'ai beaucoup apprécié vos observations, mais j'aimerais des précisions sur certaines choses que vous avez dites. À propos de financement, vous avez dit que le gouvernement se basait sur la hiérarchie. Pouvez-vous développer un peu?

Vous avez dit autre chose qui m'a semblé particulièrement intéressant, et c'est certainement un problème pour vous. Vous avez dit, je crois, que près de 70 p. 100 des Autochtones au Canada vivaient dans des régions urbaines, et que 59 p. 100 d'entre eux sont des femmes, ce qui est bien sûr disproportionné. Vous avez dit également que les femmes autochtones subissaient une double discrimination. Pouvez-vous nous donner des détails à ce sujet?

Mme Walker: Les statistiques que nous utilisons sont celles de Statistique Canada. Vous m'avez posé une question au sujet du pourcentage?

Le président: Une question au sujet d'une double discrimination?

Mme Walker: Il y a double discrimination dans la mesure où nous sommes des femmes et, en même temps, autochtones.

M. Finlay: Vous êtes des femmes et vous êtes autochtones.

Mme Baxter: Une précision à propos de l'origine de nos statistiques: l'Association nationale des centres d'amitié a préparé un rapport national sur les populations urbaines du Canada pour le compte de la Commission royale sur les peuples autochtones, en 1994. Cette statistique, 70 p. 100 d'Autochtones hors réserve dont 59 p. 100 de femmes, est tirée de ce rapport.

M. Finlay: Il est certain que cela ne facilite pas les choses quand on veut desservir cette population.

Mme Walker: Effectivement, c'est certain.

Vous avez posé une question au sujet de l'ordre des préséances. Je disais seulement que les organisations de femmes autochtones sont toujours en dernière position pour avoir du financement. Ce sont toujours les restes que nous obtenons.

Nous sommes l'organisme autochtone national le plus responsable sur le plan financier, et parfois je me dis que cela nous désavantage. Les femmes ont un grand sens de la responsabilité financière. Il semble que nos finances sont plus en ordre que celles de certains autres organismes. C'est probablement parce qu'on nous demande de fonctionner avec un budget plus restreint.

Il n'y a aucune parité, et c'est la raison pour laquelle nous parlons de discrimination. Est-ce que les problèmes et les opinions d'un organisme constitué de chefs sont plus importants que ceux d'un organisme constitué de femmes autochtones? À mon avis, il devrait y avoir parité sur le plan du financement. Voilà ce que nous entendons par ordre des préséances. Nous sommes toujours les dernières servies.

M. Finlay: Merci.

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Le président: Monsieur Harper.

M. Harper: Merci pour ces observations.

Je m'intéresse tout particulièrement aux jeunes autochtones. Vous n'avez pas parlé des jeunes.

Dans votre rapport, vous dites que c'est chez les femmes autochtones qu'on trouve la plus grosse proportion de mères qui élèvent seules leurs enfants. À cause de cela, en particulier à Winnipeg, que je connais particulièrement bien, le taux de criminalité parmi les jeunes est particulièrement élevé. Le taux de décrochage également, etc.

Est-ce que les femmes autochtones se sont intéressées à ce problème des jeunes? La majorité de nos jeunes vivent dans des centres urbains. Avez-vous des informations à ce sujet?

Mme Walker: Oui. Les femmes autochtones accordent une grande priorité aux jeunes. Ce sont les enfants de notre avenir, et notre organisation accorde la plus grande importance à leur contribution. On les invite à participer.

Nous avons des jeunes autochtones dans nos conseils à tous les niveaux. Nous avons un organisme national... Quand notre association tient son assemblée générale, il y a une petite assemblée réservée aux jeunes, et à cette occasion, ils peuvent élire un chef national.

Au cours de l'année passée, nous avons consacré un projet aux jeunes autochtones, aux femmes autochtones canadiennes. Notre rapport final a été publié en février, je crois, et je me ferai un plaisir de vous en envoyer un exemplaire.

Ce rapport final portait sur toutes les provinces et territoires et il contenait, entre autres, une liste de recommandations. Dans tous les ateliers organisés au niveau provincial et territorial, le même thème est revenu, et les gens ont réclamé la création d'un atelier national de jeunes. Ils veulent pouvoir rencontrer plus d'aînés, mieux se familiariser avec leur propre culture, leurs traditions et leurs cérémonies. Je suis heureuse de pouvoir dire qu'il y a quelques semaines, à cause de ce rapport final, nous avons soumis une proposition relative à la création d'un atelier national. Le financement a été approuvé et cet atelier aura lieu en octobre prochain.

Le président: Puisqu'il n'y a pas d'autres questions, je profite de cette occasion pour remercier très sincèrement nos témoins. Ensuite, si vous le souhaitez, je vous redonnerai la parole pour vous permettre de conclure.

Les informations que vous nous avez apportées seront intégrées dans un rapport, un document vivant que nous continuerons à consulter pendant nos réunions. Nous aurons donc cette documentation sous la main, ce sera très utile. Nous ne nous contentons pas d'une soupe ordinaire, nous sommes trop gâtés, nous aimons beaucoup d'ingrédients. Vous nous avez apporté ces ingrédients dont nous avons besoin pour améliorer la soupe et corriger ces injustices.

Maintenant, je vous rends la parole pour une dernière intervention; vous pouvez parler toutes les deux.

Mme Walker: Pat aimerait poser une question.

Mme Baxter: J'ai une question à poser. Je suis heureuse d'entendre que vous aurez ce rapport dans vos documents ou dans vos classeurs. Est-ce que notre comparution risque d'avoir d'autres résultats? Lorsque nous vous apportons des suggestions et des recommandations, est-ce qu'elles sont transmises aux ministres? Y a-t-il un moyen de...? Nous sommes vraiment dans le noir. Nous venons témoigner, et ensuite, nous ne savons pas ce qui se passe. Est-ce qu'on nous préviendra des résultats, si résultats il y a?

Le président: Cet exercice sert avant tout à informer les députés. Lorsque nous étudions un sujet ou un projet de loi, ou encore lorsqu'un député nous recommande un sujet d'étude, nous nous formons une opinion sur les effets de ces études et de ces travaux. Les questions relatives aux femmes sont évidemment très importantes. Votre intervention nous permet de nous former une opinion.

Le secrétaire parlementaire du ministre est membre du comité. Par conséquent, le ministère et le ministre vont s'assurer qu'ils participent et qu'ils ont un classeur. Je suis certain que les partis d'opposition et leur chargé de recherche en auront un également.

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Ils ont déjà un exemplaire des rapports, mais vous n'avez qu'à venir dans mon bureau pour me demander un document d'urgence: chaque jour, nous recevons une pile de documents grosse comme ça. Avec ce système, la documentation sur les Autochtones sera dans tous les classeurs, un après l'autre. Cela deviendra un bon outil qui permettra aux députés de donner suite rapidement. Toutefois, je ne peux pas vous promettre que toutes vos recommandations seront retenues. Nous avons invité énormément de gens à venir nous informer, et ce serait vous tromper que de vous dire que toutes vos recommandations seront suivies d'actes. Cela dit, l'information, c'est terriblement important.

Mme Walker: Je voulais seulement dire que j'étais à Beijing, en Chine, à la Conférence des Nations Unies. J'ai entendu le Canada s'engager à faire respecter l'égalité des sexes et à apporter des améliorations dans beaucoup de domaines. En rentrant, j'ai eu le plaisir de recevoir un exemplaire du plan fédéral pour l'égalité et l'équité entre les sexes. Après l'avoir lu, j'espère de tout mon coeur que ces plans seront exécutés, qu'ils étaient sincères, et qu'au cours des prochaines années, ils seront suivis d'actions concrètes.

Je tiens à vous remercier tous de nous avoir écoutées. N'oubliez pas la soupe.

Le président: Merci beaucoup.

Si les députés n'ont rien d'autre, la séance est levée.

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