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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 8 octobre 1996

.1108

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Nous passerons directement au premier point à l'ordre du jour qui est de nature plutôt administrative. Nous avons une réunion du sous-comité du programme. Bien que nous l'ayons expliqué à tout le monde et que nous ayons demandé si tout le monde était d'accord, l'adoption du rapport du sous-comité n'a pas été proposée officiellement. Il faudrait donc que quelqu'un propose l'adoption du quatrième rapport du sous-comité du programme et de la procédure, que vous avez sous les yeux, sachant que le sous-comité s'est réuni la semaine dernière et que vous avez déjà approuvé ses décisions. Quelqu'un veut-il le proposer?

M. Duncan (North Island - Powell River): Je le propose.

La motion est adoptée

Le président: Merci.

Y a-t-il des observations à faire avant que nous ne repassions à l'article 6 du projet de loi C-39, puis au projet de loi C-40?

Nous avons reçu un avis juridique que nous avions demandé. Il semble que l'on nous proposera aujourd'hui un amendement à l'article 6 qui semble satisfaire tout le monde, me dit-on. Je ne demande qu'à être surpris.

M. Patry (Pierrefonds - Dollard): J'aimerais simplement faire une petite modification au préambule de l'article 6 du projet de loi C-39.

À la première ligne du préambule, il est dit «que le projet de loi C-39, à l'article 6, soit modifié par substitution, aux lignes 24 à 33, page 2, de ce qui suit». Il nous faut maintenant remplacer cela par «substitution, aux lignes 24 à 30, page 2, de ce qui suit». C'est maintenant 30 et non plus 33.

Le président: Je crois que vous avez reçu l'assentiment de...

M. Patry: Oui. Et, pour la version française, il y a un mot qui...

.1110

[Français]

Il est écrit à l'article 6:

6. Les personnes et les organes ci-après peuvent présenter...

Au lieu de lire «peuvent présenter», nous allons lire «présentent». On doit donc enlever le mot «peuvent» et remplacer le mot «présenter» par «présentent». Je peux vous donner le texte des modifications.

Le président: Est-ce que vous avez indiqué les modifications sur votre document?

M. Patry: Les modifications sont inscrites sur la copie que je viens de donner à la greffière, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Avez-vous tous bien compris ce que l'on propose.

M. Charles Bellemare (greffier à la procédure): Monsieur le président, je me demandais simplement s'il pouvait clarifier ses intentions quant à la première partie de l'article 7. Il semble qu'il remplace cela par le texte que nous avons ici.

Le président: La question de l'article 7 est réglée.

M. Bellemare: Il est question de la ligne 1 à 3, à la page 3.

M. Patry: Dans la version anglaise.

M. Bellemare: Oui, en effet.

Le président: Je vous rappellerai qu'à la dernière réunion, nous avons adopté tous les articles. Nous ne nous occupons aujourd'hui que de l'article 6, à moins que le comité décide de rouvrir la discussion.

M. Patry: En effet, monsieur le président, je suis désolé. Nous ne travaillions pas hier sur la dernière version mais sur le projet de loi qui a été déposé à la Chambre des communes. Cela signifie que les modifications à la version anglaise ne s'appliquent pas à la version française. Nous conservons ce qui a été présenté ce matin. Il n'y a pas de modification à la version anglaise. Nous en restons aux «lignes 24 à 30, page 2», parce qu'il n'y a rien à la page 3.

Le président: Dois-je comprendre que nous traitons du projet d'article sans modification à la version anglaise?

M. Patry: Oui. Mais dans la version française, nous changeons

[Français]

les mots «peuvent présenter» par le mot «présentent».

.1115

[Traduction]

Le président: La raison pour laquelle nous changeons la version française est qu'il faut la rendre compatible avec la version anglaise. Les conseillers juridiques des témoins ont été mis au courant de cette étude et sont d'accord.

M. Patry: Oui, ils sont d'accord. J'ai reçu une lettre le confirmant.

Le président: Je suppose que nous sommes donc tous d'accord. Quelqu'un n'est-il pas d'accord?

[Français]

Monsieur Bachand, vous avez besoin de ... Ça va?

M. Bachand (Saint-Jean): Oui, mais je vais avoir une autre petite modification à proposer plus tard. Il faut disposer d'abord de celle-là, n'est-ce pas?

Le président: Oui.

[Traduction]

Tout d'abord, il faut que quelqu'un présente l'amendement. Cela n'a pas encore été fait.

M. Murphy (Annapolis Valley - Hants): Je le propose.

Le président: Le proposez-vous sous la forme dans laquelle nous l'avions ou avec les suggestions de M. Patry?

M. Murphy: De la façon suggérée ici.

Le président: Ainsi, nous en sommes à la motion principale. Il ne s'agit pas d'un amendement. La motion principale inclut toutefois les observations de M. Patry. Tout le monde comprend-il où nous en sommes?

D'accord. Autre discussion sur l'amendement à l'article 6 du projet de loi C-39?

[Français]

M. Bachand: J'avais annoncé une autre petite modification. C'est maintenant le temps de la présenter, n'est-ce pas?

Le président: Oui.

M. Bachand: C'est peut-être une erreur de traduction, mais à la version française, on parle des personnes et des organes. Il me semble que le mot «organismes» conviendrait mieux.

[Traduction]

M. Murphy: Bien, Claude. Je suis content que vous ayez soulevé la question.

M. Duncan: Soyez charitable, Claude.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Nous attirons l'attention sur la version française. Nous parlons de

[Français]

les personnes et les organes. La recommandation serait qu'on emploie plutôt le mot «organismes». Êtes-vous d'accord pour qu'on incorpore votre recommandation dans la motion ou si vous voulez présenter un amendement?

M. Bachand: Elle peut être incorporée.

[Traduction]

Le président: Il n'est pas nécessaire de proposer un amendement. Cette observation et le résultat seront incorporés dans la motion.

La motion est adoptée [Voir Procès-verbaux]

L'article 6 tel que modifié est adopté

Le président: L'article 1 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: Le titre est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: Le projet de loi est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: Le comité doit-il ordonner la réimpression du projet de loi pour l'étape du rapport? Pas nécessaire.

Dois-je faire rapport du projet de loi à la Chambre tel que modifié?

Des voix: D'accord.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons en faire autant pour le projet de loi C-40.

À propos de l'article 6 - Demandes

[Français]

M. Patry: J'aurais une modification à apporter. Celle qu'on a faite au projet de loi C-39 s'applique aussi au projet de loi C-40 dans la version française. Au lieu du mot «organes» on devrait plutôt lire le mot «organismes», comme l'a proposé notre collègue. On l'incorpore? Ça va.

Le président: On s'est entendus pour que tout cela soit incorporé à la motion principale telle que modifiée.

M. Patry: D'accord. Ça va.

[Traduction]

Le président: Donc ce qui a été décidé pour le projet de loi C-39 est maintenu pour le projet de loi C-40.

L'amendement est adopté [Voir Procès-verbaux]

L'article 6 tel que modifié est adopté

Le président: L'article 1 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: Le titre est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: Le projet de loi est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: Dois-je faire rapport du projet de loi à la Chambre tel que modifié?

Des voix: Adopté.

Le président: Merci. Nous avons réglé la question des projets de loi C-39 et C-40.

Le prochain point à l'ordre du jour, conformément au mandat du comité en vertu de l'article 109(2) du Règlement, est l'étude de la motion suivante:

.1120

Je reviendrai très brièvement là-dessus. C'est une motion qui a été présentée par le Parti réformiste. Elle a été reçue mais non pas acceptée par le comité, et nous avons fait quelques recherches par la suite. Il fut ensuite décidé de l'accepter. Le comité directeur a décidé que nous en discuterions aujourd'hui. C'est donc le sujet que nous avons maintenant à l'ordre du jour.

Je donne la parole à M. Duncan.

M. Duncan: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je considère que cette motion est très importante. Tout le territoire en question représenterait pour les Cris environ 240 000 kilomètres carrés et pour les Inuit environ 560 000 kilomètres carrés, entièrement situés à l'intérieur des frontières provinciales actuelles du Québec.

En octobre 1995, les Cris ont posé la question suivante en langue Cri à l'occasion d'un référendum:

On estime la population des Cris au Québec à environ 12 000 personnes, dont 6 380 disposaient du droit de vote et dont 4 849 ont voté, soit un taux de participation de 77 p. 100. Or, 96 p. 100 ont déclaré par leur vote qu'ils ne voulaient pas faire partie d'un Québec souverain.

Au cours du même mois, les Inuit du Québec ont posé la question suivante dans leur langue également à l'occasion d'un référendum: «Acceptez-vous que le Québec devienne souverain?». Ce vote eu lieu le 26 octobre 1995. La population inuit au Québec est estimée aux alentours de 8 000, dont 2 944 ont voté, soit un taux de participation de 75 p. 100, et 95 p. 100 ont déclaré qu'ils ne voulaient pas faire partie d'un Québec souverain.

Le 27 octobre, The Montreal Gazette publiait que:

Le grand chef Matthew Coon Come a déclaré:

La Convention de la Baie-James, qui a été signée par les Cris, les Inuit, Ottawa et le Québec au milieu des années 70, est souvent invoquée par le gouvernement québécois qui déclare que ce document met fin à toute revendication autochtone sur ce territoire. Toutefois, l'article 2.11 de cette convention stipule que: «Rien dans la présente Convention ne doit menacer les droits des Autochtones en tant que citoyens canadiens». L'article 2.12 ajoute que les obligations du gouvernement fédéral: «continuent à s'appliquer aux Cris de la Baie James et aux Inuit du Québec tout comme aux autres Indiens et Inuit du Canada».

Le ministre fédéral des Affaires autochtones a été cité à de nombreuses reprises à ce sujet. En voici trois exemples:

.1125

Je reconnais que tant Lucien Bouchard que Jacques Parizeau ont refusé de reconnaître que les Autochtones ont le même droit à l'autodétermination que les Québécois. Ils déclarent que les frontières de la province sont inviolables et qu'une fois que l'on aura reconnu le Québec comme un État indépendant, les Autochtones relèveront tout simplement de la compétence de cet État.

Lorsqu'André Ouellet était ministre, il avait comme Ron Irwin déclaré que si le Canada était divisible, le Québec l'était aussi. Un sondage de Southam News et Angus Reid en décembre 1995 indique que 81 p. 100 des personnes sondées en dehors du Québec conviennent que le gouvernement fédéral devrait défendre les Autochtones au Québec.

Les Cris du Québec ont fait faire un sondage en décembre 1995 qui a révélé que 63 p. 100 des Québécois estiment que les Autochtones de leur province ont le droit de continuer de faire partie du Canada et que 90 p. 100 des Canadiens partagent ce sentiment. Ce sondage commandé par les Cris révèle d'autre part qu'une action claire du gouvernement Chrétien visant à garder les Cris et leurs terres pleines de richesses au sein du Canada pousserait près d'un quart des Québécois ayant voté oui à voter non ou à demeurer indécis s'il devait y avoir un autre référendum au Québec.

Stéphane Dion, lui aussi ministre fédéral, aurait déclaré:

En septembre 1995, un rapport provisoire a été publié par la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones. Là encore, une autre citation:

Le Parti réformiste a publié un document intitulé 20/20. Je puis en citer deux paragraphes. À propos de la délimitation des frontières:

Au paragraphe 4, à propos des Autochtones, on dit:

C'est tout ce que je voulais dire à ce sujet, monsieur le président. J'invite ainsi mes collègues à appuyer cette motion.

Merci beaucoup.

Le président: Merci.

[Français]

Monsieur Bachand.

M. Bachand: Nous allons discuter aujourd'hui pour décider si on retient ou non la proposition de mon collègue pour en débattre. Il a décliné plusieurs arguments pour étoffer sa thèse. Laissez-moi cependant vous dire que ses arguments sont malheureusement un peu contraires aux miens. Je voudrais prendre quelques minutes pour les réfuter un à un.

D'abord, je pense que je ne vous surprendrai pas en vous disant que la position du Québec quant à son intégrité territoriale et à son avenir est qu'il revient de droit au peuple du Québec d'en décider. Allan Rock, Ron Irwin et Stéphane Dion peuvent bien avancer les arguments qu'ils veulent, notre argument à nous est qu'il revient au peuple du Québec de décider de son avenir et aussi de son intégrité territoriale, parce que la proposition de notre collègue soulève la question.

.1130

Là-dessus, nos positions sont claires. Je trouve que la position du Québec est blindée, autant juridiquement que politiquement.

Donc, je me vois mal accepter qu'on discute à fond de cette question dans le cadre de ce comité alors que nous n'acceptons même pas qu'un ministre puisse en référer à la Cour suprême pour en disposer.

Je pense que le comité s'arroge une trop grande importance et qu'il outrepasse vraiment son mandat. C'est mon premier argument.

Sur le contenu et le fond de la motion de mon collègue, sans être un grand spécialiste de la citoyenneté, il m'apparaît important de rappeler que le projet de souveraineté soumis lors du dernier référendum ne comportait pas d'interdiction, pour les gens qui deviendraient citoyens québécois, de conserver leur citoyenneté canadienne.

De même, on verrait mal que le Canada n'accepte pas de reconnaître la citoyenneté québécoise advenant que le Québec devienne souverain, alors qu'il accepte que toutes les personnes qui viennent de n'importe quel pays et veulent conserver leur citoyenneté d'origine le fassent. Cependant, comme je vous le dis, je ne suis pas un spécialiste de la citoyenneté.

Sur l'intégrité territoriale, il m'apparaît important de mettre de l'avant encore une fois les positions traditionnelles du Québec. Cette question comporte deux aspects: un aspect de droit constitutionnel et un de droit international. Il n'y a pas de limite entre les deux.

Dans le cadre d'une confédération ou d'une fédération, ce qui est notre situation actuelle, c'est le droit constitutionnel qui s'applique. Là-dessus, la Constitution du Canada est claire. L'article 43 stipule qu'on ne peut décider d'amputer le Québec, par exemple, d'une de ses parties sans l'accord de l'Assemblée nationale elle-même. De même, en Colombie-Britannique, si les Nisga'a décidaient de devenir souverains, on ne pourrait accepter qu'ils partent. La Constitution dit que le gouvernement fédéral ne peut pas décider du jour au lendemain d'amputer une province, que ce soit la Colombie-Britannique ou le Québec, d'une de ses parties. Il faut l'accord de l'Assemblée nationale de cette province et des assemblées législatives des autres provinces qui sont touchées par cette mesure.

Certains disent qu'on pourrait peut-être changer la façon de faire prévue à l'article 43 de la Loi constitutionnelle. L'article 41 prévoit de son côté que, pour changer cette règle, il faudrait que sept provinces et 50 p. 100 de la population du Canada décident que oui, elle peut être modifiée. Je pense qu'il y a des populations qui côtoient des territoires fédéraux aussi. Je ne suis pas sûr que le Manitoba et la Saskatchewan seraient d'accord pour modifier cette règle-là.

Donc, du côté constitutionnel, en vertu du droit interne du Canada, l'argument du Québec me semble fondé. Il n'y a pas d'aspect juridique valable qui permette de mettre de l'avant une proposition visant à briser son territoire ou à l'amputer d'une de ses parties. Si jamais, au prochain référendum, le peuple du Québec décidait de quitter le Canada tout en maintenant son offre de partenariat, ce serait alors le droit international qui s'appliquerait.

Le droit international, lui, utilise une expression latine qui veut tout dire: Uti possidetis, uti possideatis. Peut-être M. Patry, qui a fait du latin, pourrait-il la traduire. Grosso modo, elle signifie que ceux qui ont possédé continuent de posséder. C'est une loi importante en droit international parce qu'il est important de maintenir la stabilité des frontières. La Charte de l'ONU prévoit qu'on ne peut pas user de force.

Si on ne peut user de force, on peut user d'arguments juridiques ou d'arguments de droit international comme le Parti réformiste veut le faire. Mais la loi internationale est claire là aussi: on ne pourra pas bouger les frontières du Québec le lendemain du jour où le peuple aura décidé qu'il veut son autonomie complète et sa souveraineté.

Du côté politique, par ailleurs, je trouve que ce que notre collègue avance est sans fondement. En effet, au lendemain de la proclamation de la souveraineté, ce qui importe pour un nouveau pays, c'est la reconnaissance internationale. Là-dessus, les règles internationales sont assez souples, parce qu'on ne peut pas appliquer en droit international la même règle à toute la planète. Toutefois, il y a des choses qui sont bien établies et qui font jurisprudence en droit international, entre autres le respect des minorités.

Je ne voudrais pas engager un long débat là-dessus. Il me semble que la minorité anglophone est absolument respectée au Québec. On connaît le succès qu'a eu M. Galganov quant il est allé à New York. Des financiers lui ont fait remarquer qu'ils étaient aux prises avec des problèmes raciaux, alors qu'au Canada, on ne connaissait pas cela.

.1135

Je suis d'accord sur cette remarque: il n'y a pas de problème du côté de la minorité anglophone au Québec. Ils ont leurs propres systèmes de santé et d'éducation et leur propres institutions. C'est un respect qu'on manifeste à peu de minorités sur la planète.

Pour ce qui est des autochtones, je trouve que pour eux aussi on a un modèle, celui de la Convention de la Baie-James. Je ne veux pas revenir sur les propos de mon collègue concernant les principaux impacts et les principaux articles de la Convention de la Baie-James. Un des points était la renonciation des nations autochtones pour le transfert de juridiction au Québec. Il y a d'ailleurs une loi qui s'appelle la Loi sur les Cris et les Naskapis qui consacre cette renonciation. Le gouvernement fédéral était d'ailleurs d'accord sur cette entente.

Je veux aussi rappeler à mon collègue qu'il risque fort d'ouvrir une boîte de Pandore avec sa proposition ou en poursuivant dans cette voie. Si on permet à des autochtones vivant dans une province de demeurer dans le pays d'origine, de ne pas faire partie du nouveau pays, voici ce qu'il pourrait s'ensuivre. Les nations autochtones pourraient devenir libres non seulement d'autodétermination, mais également de sécession. À ma connaissance, les Nisga'a de Colombie-Britannique font toujours partie du Canada. Mais si on procède de la façon que propose mon collègue, les Nisga'a pourront aller plus loin et ne plus vouloir faire partie du Canada. À ce moment-là, le Canada et le Québec risqueraient de devenir un fromage gruyère, un fromage plein de trous, où les lois ne seraient pas nécessairement compatibles. Cela deviendrait ingouvernable.

Je suis d'accord, quand il est question d'autodétermination, qu'on accorde l'autonomie gouvernementale. C'est ce que nous avons fait avec les Cris et les Naskapis et c'est cela qu'on tente de faire avec les Atikamekw actuellement, à condition que leurs lois soient compatibles avec les nôtres. On s'accorde pour reconnaître leur culture et on croit qu'on devrait peut-être leur céder la justice et l'éducation dans le respect des lois mutuelles, compatibles avec les lois du Québec et du Canada.

Cependant, leur donner un droit complet de sécession qui leur permettrait, par exemple, de court-circuiter toutes les lois économiques, avec tous les problèmes que cela occasionne.,. On sait que cela se fait déjà dans certaines réserves. Imaginez ce qu'il adviendrait si on multipliait ces problèmes par 500 ou 600 communautés autochtones.

Donc, mon collègue ouvre une boîte de Pandore avec sa proposition, en s'aventurant plus loin dans ce domaine.

Maintenant, pour ce qui est des positions de M. Irwin et de M. Dion... Écoutez, on a même demandé la démission de M. Irwin parce qu'on juge que ce n'est pas démontrer un bon sens des responsabilités que de prôner l'agitation chez les nations autochtones au Québec en leur promettant de les défendre. Je pense que le gouvernement fédéral sait très bien que les nations autochtones au Québec sont bien traitées. Brad Morse, l'adjoint du ministre à l'époque, le reconnaissait lui-même, tant du point de vue de la conservation de la langue que du point de vue socio-économique, du point de vue socioculturel et du point de vue de la reconnaissance des Premières Nations par l'Assemblée nationale.

Ce sont là des faits connus. Ils savent très bien qu'ils dressent les nation québécoise et autochtone l'une contre l'autre au Québec. Nous allons lutter contre cela parce que nous estimons être des modèles du côté québécois en ce qui concerne les autochtones. Je ne dis pas qu'on est parfaits; nous avons encore du chemin à faire. Mais je peux vous dire que la Convention de la Baie-James a servi de modèle partout au Canada. Nous n'avons pas grand-chose à nous reprocher en ce qui a trait au traitement réservé aux nations autochtones au Québec.

Je ne veux pas me résumer parce que j'ai parlé assez longtemps. Mais je pense que nous outrepassons le mandat du comité. Quant à la position du Québec et à la motion comme telle, je ne veux pas en débattre ici. Je vous ai exposé les arguments repris par le gouvernement du Québec partout ad nauseam, arguments qui veulent que du point de vue juridique et du point de vue du droit international, la position du Québec soit inattaquable.

Donc, pour ces motifs, monsieur le président, je vous annonce que je vais voter contre la proposition de mon collègue.

Le président: Merci, monsieur Bachand. Comme membre du gouvernement, monsieur Patry, vous avez la parole.

M. Patry: Je ne voudrais sûrement pas ouvrir ici un débat de fond avec mon collègue du Bloc québécois sur ceux qui ont possédé et continuent de posséder et sur l'infaillibilité du gouvernement du Québec en matière de sécession.

Je voudrais surtout parler de la motion de mon collègue du Parti réformiste.

[Traduction]

J'estime que cette motion de mon collègue du Parti réformiste est totalement inutile. Tout d'abord, la question de la sécession du Québec a été prise en main par notre ministre de la Justice et il y a maintenant trois questions sur la sécession du Québec devant la Cour suprême du Canada. C'est très important.

.1140

Cette motion me semble très paternaliste vis-à-vis des Inuit et des Premières nations du Québec. Je suis convaincu que les Premières nations et les Inuit de cette province sont tout à fait capables de défendre leurs droits et leurs intérêts. Mes raisons diffèrent de celles de mon collègue du Bloc québécois, mais j'estime que ce comité devrait rejeter totalement cette motion.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci. Monsieur Dhaliwal.

M. Dhaliwal (Vancouver-Sud): Monsieur le président, je ne pense pas qu'il faille passer trop de temps sur cette motion. Très franchement, j'estime que c'est une perte de temps. On se demande pourquoi les réformistes présentent une telle motion. Leur bilan concernant les droits autochtones est très clair. Nous savons comment ils votent à la Chambre à ce sujet. Il ne s'agit que d'un jeu politique de la part du Parti réformiste. Votons et occupons-nous de choses plus importantes plutôt que de perdre le temps du comité.

Les réformistes s'inquiètent toujours du temps et de l'argent que l'on perd dans l'administration, mais cela ne les empêche pas de présenter des motions comme celles-ci. Cela me rappelle beaucoup le débat sur l'Afrique du Sud et les sanctions commerciales. Les Britanniques disaient toujours qu'ils étaient contre les sanctions commerciales parce qu'ils s'inquiétaient des Noirs d'Afrique du Sud et du fait que cela pourrait être nuisible pour la population noire; que c'était la raison pour laquelle ils s'opposaient aux sanctions commerciales. Cette motion me rappelle un peu ce débat.

Je demanderais donc que nous mettions la question aux voix et que nous passions à autre chose, monsieur le président.

Le président: On m'a demandé de mettre la question aux voix.

M. Breitkreuz (Yorkton - Melville): J'aimerais tout d'abord prendre la parole, s'il vous plaît.

Le président: Permettez-moi de terminer ma phrase.

On a demandé que la question soit mise aux voix. Le comité doit décider si nous mettons tout de suite la question aux voix et je dois lui signaler que M. Breitkreuz a demandé de dire quelques mots et que la courtoisie dicterait de donner le dernier mot à l'auteur de la motion. Je n'en dirai pas plus pour ne pas influencer le vote sur l'opportunité de mettre la question aux voix.

Le problème est résolu. Beauchesne stipule que l'on doit voter lorsque quelqu'un demande que la question soit mise aux voix, mais cela ne s'applique pas au comité me dit-on. Donc, monsieur Breitkreuz.

M. Duncan: Permettez-moi de vous interrompre un instant, monsieur le président? Je ne sais pas exactement quel est le règlement, mais -

Le président: On ne peut demander que la question soit mise aux voix. M. Breitkreuz a la parole.

M. Duncan: Étant l'auteur de la motion, aurais-je la possibilité de prendre la parole aprèsM. Breitkreuz?

Le président: Oui, vous serez le dernier à prendre la parole.

Si cela doit se poursuivre, nous limiterons le temps de parole, mais j'aimerais que tous ceux qui veulent participer puissent le faire.

Monsieur Breitkreuz.

M. Breitkreuz: Merci beaucoup, monsieur le président. J'essayerais d'être aussi bref que possible. J'estime qu'il faut en effet répondre à certains des points qui ont été soulevés.

Il est important que le comité adopte cette motion parce que cela montrerait aux Québécois, et à tout le Canada, ce que pense le reste du Canada: à savoir que les Autochtones devraient jouir des mêmes droits que le reste des Québécois, et évidemment que tous les Canadiens. Il ne s'agit pas là de politique partisane. Nous devons, en tant que comité, recommander à la Chambre d'exhorter le gouvernement à déclarer que si le Québec peut diviser le pays, le Québec est également divisible.

Certes, je ne suis pas d'accord pour que le Québec fasse éclater le pays. Mais il nous faut considérer les choses dans cette optique.

Ce n'est pas dépasser le mandat du comité, comme l'a dit le député du Bloc. Il nous appartient de prendre position à ce sujet. Si un gouvernement, tel que celui du Québec, peut prendre position sur la séparation et sur toute question qui en découle, un autre gouvernement, un gouvernement qui est lié par des ententes spéciales avec une partie de cette population du Québec, a le droit aussi de prendre clairement position et c'est ce que nous essayons de faire ici. Nous ne voulons pas nous accaparer le territoire du Québec, comme certains le laissent entendre. C'est une question de principe.

On a parlé d'«intégrité territoriale». Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est un argument vide de sens, car avec ce raisonnement, le Canada pourrait prétendre que ce territoire appartient au Canada et non pas au gouvernement du Québec.

Le député qui me fait face a dit également que ces gens-là étaient bien traités au Québec. Là encore, cela n'a rien à voir. La question est de savoir si ces gens-là ont le droit de rester au Canada, et non pas s'ils seraient mieux traités ici ou là-bas.

.1145

La question dont nous discutons aujourd'hui est un élément clé de tout ce débat. Est-ce que les gens qui se sont installés au Québec, ceux qui sont là depuis des siècles, qui ont toujours pensé qu'ils faisaient partie du Canada, n'ont pas le droit de rester au Canada?

Je vais répéter cela; est-ce que les gens qui sont là depuis des siècles ou qui se sont installés au Québec en pensant qu'ils vivaient au Canada n'ont pas le droit de rester au Canada? Notre devoir de parlementaires est de parler de cela et de nous faire entendre.

C'est une démarche qui n'est pas inutile, comme une personne l'a prétendu. Il est bien possible que les tribunaux en soient saisis, mais les tribunaux et le Parlement sont deux entités distinctes. Le Parlement doit prendre une position très claire. C'est le Parlement qui adopte les lois. Les tribunaux sont là pour interpréter ces lois. Nous devons absolument prendre une position très claire.

Pour toutes ces raisons, je considère que cette motion est une motion clé, et c'est la raison pour laquelle j'ai essayé de répondre aux arguments du Parti québécois de la façon la plus claire et la plus succincte possible.

Le président: Merci, monsieur Breitkreuz. Monsieur Murphy, puis monsieur Harper.

M. Murphy: Il y a une chose dont cette motion ne tient pas compte, ce sont les droits inhérents de notre peuple autochtone. À mon avis, les Autochtones évoluent de plus en plus vers une situation d'autonomie gouvernementale et ils peuvent prendre leurs propres décisions.

Quant à la motion, c'est presque du paternalisme de la part de ce comité, et nous n'avons pas le droit de prendre des décisions à leur place. Nous devons les laisser se former une opinion parce que c'est leur droit inhérent. Voilà mon argument. À mon avis, nous allons trop loin, nous usurpons les droits de notre population autochtone.

Le président: Merci. Monsieur Harper.

M. Harper (Churchill): Merci, monsieur le président.

À mon avis, nous avons un gouvernement qui est là pour gouverner le pays, et nous devons le laisser accomplir cette tâche. Le gouvernement a décidé de se pencher sur cette question, de soumettre cette affaire à la Cour suprême du Canada, et quelle que soit la décision, nous devons nous conduire comme un gouvernement, comme un organe dirigeant.

Je suis donc d'accord avec mon collègue et je pense que nous devons mettre cette motion aux voix le plus vite possible. C'est à mon avis une façon de soutenir la population autochtone. Les Affaires indiennes ont énoncé un certain nombre de politiques relatives à l'autonomie gouvernementale et aux revendications territoriales, etc. Nous devons nous occuper de ces politiques. C'est certainement la chose à faire car cela ne change pas la façon de procéder. C'est donc ce que nous devons faire.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Harper.

Y a-t-il d'autres observations? Monsieur Patry.

[Français]

M. Patry: Avant que vous ne laissiez le mot de la fin au proposeur de la motion, je dois dire que nous avons reçu une lettre de M. Jack Anawak, le député de Nunatsiaq, qui est remplacé ici ce matin par M. Dhaliwal, qui le fait très bien d'ailleurs, lettre qui se prononce contre la résolution comme telle. Il ne s'agit pas de dire s'il se prononce pour ou contre la motion. Je vous demanderais simplement de porter cette lettre aux dossiers de ce comité et de la faire ensuite circuler parmi les autres députés.

[Traduction]

Le président: Cette observation se réfère à une lettre que nous avons reçue de Jack Anawak et que je vais vous lire. Vous êtes d'accord? Évidemment, il n'est pas en faveur. Est-ce que vous préférez que je vous la distribue? Je veux être juste pour l'opposition.

M. Duncan: Est-ce que c'est long, monsieur le président?

Le président: Deux paragraphes.

M. Duncan: S'il vous plaît, lisez-la.

Le président: Il écrit:

.1150

Cela fait maintenant partie du procès-verbal.

Monsieur Duncan, vos observations pour terminer.

M. Duncan: Merci, monsieur le président. Je vais essayer de répondre aux observations des députés qui ont parlé.

M. Patry a dit que c'était du paternalisme de la part du Parti réformiste et, à ce sujet, j'aimerais faire observer deux choses. Premièrement, les membres du comité ont reçu hier de M. Harper un préavis de motion. Si ma motion est paternaliste, quand est-il de celle-là? Je ne vois pas beaucoup de différence. J'ai l'impression que votre jugement porte plus sur la source de la motion que sur son contenu, ce qui me préoccupe.

De plus, jeudi dernier, en présence du grand chef Matthew Coon Come, j'ai lu cette motion pour le procès-verbal du Comité des affaires étrangères. Je lui ai demandé ce qu'il en pensait, et il ne m'a certainement pas accusé de paternalisme à ce moment-là. En fait, j'ai même eu l'impression que le fond de la motion l'intéressait passablement.

M. Dhaliwal a dit que cette motion n'était qu'une manoeuvre politique, et effectivement, la politique est un élément des activités des partis politiques à Ottawa. Toutefois, je tiens à signaler que cette motion est tout à fait dans la ligne du document sur la sécession du Québec, notre document 20/20, qui existe depuis janvier 1996. Il ne s'agit donc pas d'une manoeuvre pratique, nous sommes là depuis longtemps.

M. Harper a dit que le mieux serait peut-être de suivre aveuglément les décisions de la Cour suprême, et il a dit aussi que le rôle de ce comité n'était pas d'influencer la politique du gouvernement.

J'aimerais rappeler aux membres du comité que le règlement 108(2) établit le rôle des comités permanents, et je cite:

a) les textes législatifs liés au ministère qui leur est confié;

b) les objectifs des programmes et des politiques du ministère et l'efficacité de leur mise en oeuvre;

c) les plans de dépenses immédiats, à moyen terme et à long terme, et l'efficacité de leurs mises en oeuvre par le ministère;

d) une analyse de la réussite relative du ministère, mesurée en fonction des résultats obtenus et comparée aux objectifs énoncés;

e) d'autres questions liées au mandat, à l'administration, à l'organisation ou au fonctionnement du ministère...

Donc, effectivement, notre rôle est à mon avis d'essayer d'influencer le gouvernement par nos délibérations.

.1155

Mon collègue du Bloc a longuement discuté de toute cette affaire, hésitant très fort à ouvrir ce qu'il appelle une boîte de Pandore. À mon avis, nous avons toutes les raisons du monde d'en discuter, parce que c'est effectivement une boîte de Pandore. C'est notre rôle en notre qualité de parlementaires et de personnes responsables appelés à représenter les diverses régions du Canada et leurs habitants, d'ouvrir les boîtes de Pandore.

À mon avis, la plupart des arguments de mon collègue du Bloc sont de la fumisterie. Le Québec est une province qui parle de se séparer. Les autres provinces, elles, n'en parlent pas. Il n'est donc pas vraiment question d'autodétermination, mais plutôt du droit des citoyens canadiens de continuer à vivre dans le pays qu'ils ont choisi.

Monsieur le président, voilà qui termine mes observations. Je tiens à vous féliciter car vous avez ménagé un véritable débat sur cette motion que j'ai proposée. Vous avez scrupuleusement suivi la procédure, le comité directeur, etc.

La seule chose qui me reste à dire, c'est que nous devrions passer au vote et le faire par appel nominal.

Merci beaucoup.

Le président: Merci.

Avant de passer au vote, bien que le proposeur ait le dernier mot, il peut arriver que des députés souhaitent répondre à ce qu'il a dit, mais les règles l'interdisent. Toutefois, j'aimerais apporter deux précisions; M. Harper n'a pas dit que nous devons accepter aveuglément les décisions de la Cour suprême. Je tiens à le préciser.

Également, à propos des sujets confiés au comité, le Règlement dit «confiés [...] par la Chambre». Autrement dit, parce que nous recevons une motion, elle n'est pas forcément acceptable. Notre comité garde un esprit ouvert, et quand nous pouvons travailler comme nous l'avons fait aujourd'hui, c'est une excellente chose.

Nous sommes prêts à passer au vote.

La motion est rejetée

Le président: Y a-t-il autre chose? Monsieur Harper.

M. Harper: Je vous avais envoyé une motion, et c'est à vous de décider si je dois donner des explications. Quelle est la procédure?

Le président: Je vais vous expliquer la procédure, et n'importe lequel d'entre vous pourra contester.

Comme cela n'était pas à l'ordre du jour d'aujourd'hui, je considère que c'est un préavis de motion. Il sera référé au comité directeur, tout comme nous l'avons fait avec la motion précédente. Sans débat sur le préavis de motion, le comité décidera à quel moment la motion doit être référée à notre comité. Un exemplaire de la motion sera envoyé à tout le monde.

Cela vous va, monsieur Harper?

.1200

M. Harper: Merci.

M. Breitkreuz: J'invoque le Règlement. Si nous sommes tous d'accord, est-ce qu'on ne pourrait pas s'en occuper immédiatement?

Le président: Ce n'est pas un rappel au Règlement. S'il veut accélérer la procédure, il peut demander le consentement unanime.

M. Breitkreuz: D'accord, excusez-moi.

Le président: À moins que vous sollicitiez le consentement unanime...

M. Harper: Monsieur le président, le consentement unanime ne dépend pas vraiment de moi. Personnellement, je ne vois pas tellement de controverse.

Le président: La question est de savoir si vous voulez demander à vos collègues d'étudier cette motion immédiatement, ou bien préférez-vous suivre la procédure que nous avions suggérée: considérer cette motion comme un préavis de motion, la soumettre au comité directeur et prévoir autant de temps pour étudier cette motion que nous en avons prévu pour celle du Parti réformiste?

M. Harper: Je tiens surtout à ce que les membres du comité aient le temps de lire la motion.

Le président: Par conséquent, nous allons considérer que c'est un préavis de motion et suivre la procédure dont j'ai parlé tout à l'heure?

M. Harper: Absolument.

Le président: Merci.

Autre chose?

La séance est levée.

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