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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 11 mars 1997

.1329

[Traduction]

Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): La séance est ouverte. Nous commençons en retard parce que notre témoin, du gouvernement national Tsilhqot'in, Ray Hance, ne s'est pas présenté. Nous accueillons donc maintenant M. Joe Bartleman, du Conseil de village de Tsartlip, qui a accepté de commencer 10 minutes plus tôt que prévu et nous lui en sommes très reconnaissants.

.1330

Monsieur Bartleman, le comité a décidé que chaque témoin disposerait de 40 minutes. C'est à vous de décider comment utiliser ces 40 minutes.

Hier, une bonne partie des témoignages n'avait pas vraiment de rapport avec le projet de loi.

Notre comité a été chargé d'étudier le projet de loi C-79. Nous vous permettrons de dire tout ce que vous voulez. Là n'est pas la question. Vous pouvez utiliser votre temps de parole comme vous le souhaitez, mais je vous rappelle simplement que les membres du comité ne pourront étudier pendant leurs délibérations que les questions relatives au projet de loi. Nous vous serions aussi reconnaissant de donner aux députés le temps de vous poser des questions.

Merci d'être venu, monsieur Bartleman. Nous avons bien hâte de vous entendre. Vous pourrez commencer quand vous serez prêt.

M. Joe Bartleman (conseiller, Conseil de bande de Tsartlip): Mon exposé ne durera que cinq minutes environ. Comme je l'ai dit plus tôt, je n'ai pas vraiment eu le temps de me préparer.

Tout d'abord, je voudrais vous expliquer qui je suis. Je fais partie du Conseil du village Tsartlip sur l'île de Vancouver. Je suis un descendant des signataires du Traité de North Saanich Douglas de 1852. Certains de mes propos portent sur le traité et les droits qu'il nous conférait.

Après avoir examiné le projet de loi C-79 et avoir assisté à toutes les réunions à ce sujet, je dois dire qu'il y a bien des choses qui me déplaisent dans ce projet de loi, mais je n'ai pas l'intention de les passer toutes en revue aujourd'hui.

Selon moi, le projet de loi C-79 ouvre la voie à certaines choses auxquelles mon peuple n'est pas vraiment prêt. Nous, du peuple Saanich, nous opposons au processus de traité en Colombie-Britannique parce que nous avons déjà un traité qui date d'il y a 150 ans et qui n'est toujours pas respecté. D'après moi, les changements prévus dans le projet de loi ne permettront pas d'appliquer notre traité comme il devrait l'être selon nous vu que cette question est en suspens depuis 150 ans.

Nous considérons que c'est une erreur que de proposer ces 75 amendements à la Loi sur les Indiens. À notre avis, le Canada essaie de se dérober à ses obligations fiduciaires et issues des traités. Ces amendements donnent au conseil davantage de pouvoirs qu'il pourra exercer sans le consentement de son peuple et c'est un problème de taille. Il me semble que le conseil pourrait fonctionner sans l'appui de la majorité de la bande.

D'après ce qu'on m'a dit personnellement, les habitants des villages touchés par les changements ne sont pas vraiment au courant de la situation. Selon nous, tout changement de ce genre devrait faire l'objet d'un référendum auprès des conseils de bande et d'un vote national de tous les chefs du Canada. Lors de nos assemblées communautaires, certains ont signalé que ce n'était qu'un début et que le gouvernement se contentait de reprendre les mêmes vieilles politiques que dans le Livre blanc de 1969.

Nous croyons que la majorité des bandes qui appuient ces changements ou ces amendements n'ont rien à perdre à cause de baux sur leurs terres et d'autres facteurs.

On est en train de perdre de vue notre territoire et la nature démocratique de ce processus. Les membres de nos bandes ne sont pas aussi bien renseignés sur le C-79 que les conseils de bande et les conseils n'ont pas consulté ceux qu'ils représentent pour obtenir l'autorisation de demander de telles modifications.

Un autre problème, c'est que cette mesure va de pair avec le nouvel ALE, sur lequel nous ne sommes pas d'accord. Je répète que l'on devrait permettre aux membres des bandes de voter sur ces amendements et qu'on devrait tenir un référendum auprès des bandes.

.1335

Le projet de loi C-79 ne fait rien pour résoudre certains des problèmes que connaissent maintenant les conseils de bande. Dans le cas de ma propre bande, nous dépensons des dizaines de milliers de dollars pour défendre les droits de la bande contre les titulaires de certificats de possession qui sont en train d'aménager des parcs pour roulottes. Cela fait maintenant 10 ans que nous luttons contre cet aménagement et cela nous coûte très cher, mais les changements proposés à la Loi sur les Indiens risquent de nous coûter encore 10 ans. Nous devrons tout recommencer à zéro parce que les changements favorisent les titulaires de certificats. Pourtant, cela prive mon conseil de bande et ma bande de terrains pour construire des choses comme des logements dont nous avons grandement besoin.

Cela fait maintenant deux ans que nous sommes en procès avec les titulaires de CP et que le ministère des Affaires indiennes refuse de nous aider. Nous essayons par tous les moyens de trouver de l'argent pour nous défendre contre ces projets. Nous perdrons la bataille si le projet de loi C-79 est mis en vigueur. Comme l'a dit le conseil, ce serait aussi bien de plier bagages et de partir et de laisser les entreprises prendre notre village en main. Nous en sommes convaincus parce que nous ne pouvons pas influer sur ce que font les titulaires de CP.

Nous n'avons pas de préjugés à leur endroit, mais selon la Loi sur les Indiens, ils peuvent lancer n'importe quel projet d'aménagement sans le consentement du conseil de bande ou des habitants du village. Cela nous préoccupe beaucoup.

Le procès maintenant en cours est important pour nous parce que si l'on peut aménager ce parc de roulottes, une douzaine d'autres détenteurs de CP voudront faire le même genre de choses et construire des casinos, des parcs pour roulottes et des logements locatifs. Nous appuierons de tout coeur un projet susceptible d'aider la bande à résoudre son problème de logement, mais il serait tout à fait injuste selon nous qu'un titulaire de CP se remplisse les poches pendant que la bande n'obtient rien et doit sacrifier toutes ses terres à des non-Indiens. Nous craignons d'être inondés par de tels projets si les amendements sont adoptés.

Il me semble aussi que le conseil de bande pourrait prendre n'importe quelle décision sans consulter le peuple. Cela liera les mains à notre conseil parce que nous ne pourrons plus contrôler les projets de ce genre. Nous appuyons les projets qui sont utiles à notre communauté et non pas à de simples particuliers.

Selon nous, il est essentiel d'obtenir le consentement du peuple. Toutes les nations indiennes du Canada pensent que c'est ainsi qu'il faut procéder au lieu de simplement nous dire que nous pouvons adhérer ou non à ces modifications. Cela ne fera que diviser davantage notre peuple et nous le sommes déjà suffisamment sur d'autres questions.

Pour revenir encore au problème des détenteurs de CP... Selon nous, le conseil peut exercer beaucoup trop de droits ou de pouvoirs sans demander le consentement de la bande pour des choses comme les obligations envers la SCHL. Le conseil peut maintenant contracter une dette au nom de la bande sans le consentement des membres de la bande. Le pouvoir d'emprunt conféré maintenant au conseil ne dit rien au sujet des défauts de paiement et surtout de la possibilité qu'on offre les terres en garantie.

Quant aux droits issus des traités, si le gouvernement du Canada veut les modifier, il devrait le faire en traitant avec chaque bande individuelle. Nous avons maintenant l'impression que le gouvernement viole notre traité.

.1340

Je voudrais bien qu'il y ait plus de gens ici aujourd'hui. Je ne sais pas ce qui est arrivé à tout le monde. J'ignore si leur absence est due à un manque d'intérêt ou à autre chose. Comme vous pouvez le voir, il n'y a personne ici pour présider. Il n'y a personne d'autre dans l'immeuble.

J'ai noté ces quelques points ce matin parce que, comme je vous l'ai dit tantôt, je suis arrivé tard hier soir. Je m'en tiendrai là parce que ce sont les questions qui me préoccupent le plus.

Je voudrais cependant mettre en lumière quelques autres éléments. Selon nous, le conseil de bande pourra exercer trop de pouvoirs sans le consentement du peuple. On devrait tenir un référendum dans les bandes qui décident d'adhérer aux modifications. Nous croyons aussi qu'on devrait tenir un référendum au sujet de tous ces changements et qu'on devrait organiser une assemblée nationale quelconque pour que nos peuples puissent se prononcer sur les modifications publiquement.

Chaque bande du Canada devrait avoir la chance de donner son avis au lieu qu'on laisse quelques bandes décider au nom des petites bandes comme la mienne qui ne compte que750 membres. Nous risquons de perdre beaucoup à cause de ces amendements, ce qui n'est pas le cas des bandes plus riches, vu que nous avons beaucoup de terres louées et que le conseil de bande et les détenteurs de CP ont toutes sortes de projets en vue. Selon nous, il faudrait consulter les membres des bandes et obtenir leur avis au lieu que ce soit quelques personnes qui imposent leur volonté aux autres. Ce n'est pas une bonne façon de procéder pour quelque gouvernement que ce soit, surtout pour notre peuple. Nous n'avons pas coutume de faire affaire de cette façon.

Nous espérons que le ministre des Affaires indiennes et du Nord réfléchira à nouveau et ne demandera pas l'adoption à toute vapeur de ce projet de loi-ci avant qu'il y ait eu un long débat public.

Il y a sans doute plusieurs autres grands problèmes que je n'ai pas relevés, mais je répète que la Bande de Tsartlip m'a demandé de me faire son porte-parole et de me prononcer contre le projet de loi.

Merci de m'avoir donné la parole.

Le président: Merci, monsieur Bartleman. Lorsque vous dites que vous êtes seul et que personne ne préside la séance, sachez que la technique nous a permis de vous transporter ici avec nous. Nous nous trouvons devant de grands écrans de télévision sur lesquels vous apparaissez seul. Voilà pourquoi je dis que nous vous avons transporté dans cette salle-ci avec nous.

Je ne suis pas ici pour noter les exposés. Je ne suis plus professeur d'école, mais je puis vous assurer que vous avez bien discuté de la question dont nous sommes saisis. Vous nous avez présenté un des meilleurs exposés que nous ayons entendus jusqu'à ce jour. Vous avez parlé de la question sur laquelle la Chambre des communes nous a demandé de nous pencher. Je vous en remercie et vous en félicite.

Je cède maintenant la parole aux membres du comité pour qu'ils puissent poser des questions. Nous commençons par M. Bachand du Bloc québécois.

[Français]

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur Bartleman, j'ai cru comprendre que vous n'avez été avisé qu'hier soir que vous étiez invité à faire une présentation aujourd'hui sur le projet de loi C-79.

À plusieurs reprises, des personnes ont contesté la façon dont on a mené les consultations. Plusieurs disent que c'est la première fois qu'elles en entendent parler et qu'elles ne disposent que de très courts délais pour réagir. Ai-je bien compris que vous n'avez été avisé qu'hier soir? Quand le conseil de bande a-t-il été avisé de la possibilité d'une consultation sur le projet de loi C-79?

.1345

Il m'apparaît clair que vous vous opposez au projet de loi C-79. J'aimerais que vous me précisiez votre position et me disiez si vous rejetez aussi le processus de la Commission des traités de la Colombie-Britannique, parce que vous voudriez résoudre une fois pour toutes, après 100 ans de suspension, la question du Traité de Douglas. Vous concluriez ainsi vos négociations sans nécessairement passer par la Commission des traités de la Colombie-Britannique ou sans qu'on adopte un projet de loi tel le projet de loi C-79 que nous étudions.

[Traduction]

M. Bartleman: Pour ce qui est du Traité de Douglas, nous estimons avoir été lésés par le processus qui été mis sur pied, et particulièrement celui de la Colombie-Britannique. Actuellement, une bonne partie des problèmes de fond touchent le chevauchement. Ne serait-ce qu'à Saanich, là où j'habite, il y a quatre différents chevauchements. Or, si vous regardez les cartes des revendications, nous n'existons même pas, car il s'agit toutes de revendications déposées par de nouveaux joueurs dans toute la démarche émanant des traités. Les territoires visés par les revendications chevauchent les territoires des traités qui ont déjà été définis au moment même où nous avons consenti au traité de paix en 1852.

Il aurait fallu, au préalable, demander à chaque nation de définir son propre territoire, au lieu d'attendre à la troisième ou à la quatrième étape et de diviser. Cela ne fait que créer d'autres problèmes entre les tribus voisines. Il est de notoriété publique que nous avons combattu les uns contre les autres pour définir ces territoires. Le peuple Saanich a conclu un traité de paix en toute bonne foi, et le territoire a été défini dès 1852; pourtant, il y a toutes sortes de revendications qui sont déposées encore aujourd'hui.

Je ne souscris pas au processus des traités de la Colombie-Britannique, mais 70 p. 100 de nos peuples y sont assujettis. Mais on ne tient même pas compte des 14 autres traités de Douglas. Le chevauchement semble être un problème généralisé. Les territoires de pêche et de chasse sont tous définis sur de petites cartes qui ne font que gruger le territoire du peuple Saanich et des autres peuples assujettis aux 13 autres traités de Douglas.

Pour revenir aux amendements, dans leur ensemble, bon nombre des recommandations me semblent méritoires, mais encore une fois, elles ne proviennent pas de la base, des peuples eux-mêmes. Elles nous sont suggérées d'en haut, mais ce n'est pas ainsi qu'il faut procéder. Cela ne sert à rien si notre peuple n'est pas véritablement consulté en cours de route. Peut-être avons-nous enfin aujourd'hui la chance de nous exprimer. Lors de toutes les réunions avec l'Assemblée des premières nations et lors de toutes les assemblées spéciales, tous nos membres nous ont demandé de transmettre le même message au ministre: nous n'en voulons pas.

Nos propos semblent tomber dans l'oreille d'un sourd, et c'est pourquoi je vous suis vraiment reconnaissant de me donner l'occasion de prendre la parole; en effet, lors des assemblées nationales, il est rare qu'on nous laisse suffisamment de temps au micro.

Si l'on avait agi différemment, si l'on avait demandé aux peuples eux-mêmes de faire des recommandations, avec l'approbation de chaque tribu, et sans que ce projet de loi ne soit étudié à toute vapeur par le Parlement, nous n'en serions pas là aujourd'hui. Votre projet de loi ne serait pas rejeté à ce point. Mais rien de ce qui est proposé n'émane des petites nations, comme je nous appelle. Je répète que les modifications proposées émanent de bandes qui sont déjà riches et qui sont déjà autosuffisantes. Je n'ai pas la liste des 66 bandes, mais d'après ce que j'ai vu et entendu, ces bandes n'ont rien à perdre, puisque le processus enclenché fait de nous les grands perdants.

.1350

Vous pourriez peut-être me poser à nouveau les questions auxquelles je n'ai pas répondu.

Le président: Merci. Nous passons maintenant à

[Français]

au besoin nous ferons un deuxième tour.

[Traduction]

Quelqu'un d'autre?

Monsieur Murphy.

M. John Murphy (Annapolis Valley - Hants, Lib.): Monsieur Bartleman, merci de votre exposé. J'ai une ou deux questions.

Vous affirmez que ce ne sont pas les gens de la base qui ont proposé les modifications, mais je crois que ce n'est pas tout à fait la vérité. En fait, cela fait déjà quelques années que la consultation se fait avec les gens de la base, et ce sont eux qui ont proposé les modifications. Vous n'avez peut-être pas eu vous-même votre mot à dire, mais je vous assure que c'est de là que viennent les propositions. Ce n'est pas comme si nous, à Ottawa, avions décidé il y a à peine quelques mois de proposer des changements. On nous a demandé à de nombreuses reprises de nous pencher sur bon nombre des propositions qui ont été faites.

J'aimerais que vous nous parliez un peu plus en détail de vos chefs, puisque vous les avez mentionnés. Vous avez affirmé que les conseils de bande ne consultaient pas le peuple, à la base, et qu'ils ne l'avaient même pas fait avant le dépôt de ce projet de loi-ci. Quel problème pose la structure, d'après vous? La structure ne permettait-elle pas aux conseils de bande de consulter plus à fond les bandes?

Voici maintenant ma dernière question. Préféreriez-vous que l'appartenance à la bande soit déterminée par consultation plutôt que par une simple résolution du conseil de bande? Nous pourrions peut-être envisager de proposer cet amendement-là. Vous dites que les bandes n'ont pas vraiment la possibilité de faire valoir leur point de vue, et pourtant le projet de loi contient six nouvelles dispositions qui exigent le consentement des membres de la bande. J'espère que cela vous rassurera et vous convaincra que le projet de loi vise à donner aux bandes pleine voix au chapitre, grâce à ces six nouveaux articles.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Bartleman: Commençons par la consultation: dès le début, nous avons su que le ministère des Affaires indiennes avait demandé que nous lui suggérions des modifications qui seraient les plus souhaitables pour nos peuples. Je ne représente que ma propre bande, et je dois vous dire que nous n'avons pas pris cette demande au sérieux, car nous étions d'avis que la majorité des bandes de la Colombie-Britannique ne souscrivaient pas à ce projet.

Une consultation qui se fait par le biais d'un échange de correspondance ne me convient pas. Or, depuis mon retour au conseil il y a 18 mois, je n'ai assisté qu'à cela, c'est-à-dire à un simple échange de lettres. Il n'y a eu aucune tribune d'organisée là-dessus ni de discussions.

J'appartiens à l'Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique et je suis membre de l'Assemblée des premières nations. Ces deux grands organes politiques ont rejeté cette consultation car elle ne répondait pas à nos besoins.

Personnellement, je ne crois pas qu'il suffise d'abolir la Loi sur les Indiens et de la remplacer par ces amendements mineurs. Je sais que certains amendements étaient des amendements de fond, comme ceux qui composaient le projet de loi C-31, et que l'on s'est attaqué à certains des autres problèmes. Il semblerait juste que ceux qui se sont émancipés ou qui ont perdu leur statut puissent revenir dans la réserve.

.1355

En six ans à peine, notre village a accueilli 200 personnes de plus. On avait prédit qu'advenant l'adoption de l'amendement, nous nous heurterions à de graves problèmes. Et en effet, notre village connaît de graves problèmes.

Il n'y a eu aucune consultation publique sur la façon dont le projet de loi C-31... On ne peut pas vraiment dire que l'on nous ait consultés. Pas vraiment. On nous a plus ou moins informés des problèmes que le projet de loi pourrait créer.

L'amendement a fait en sorte que nous ne pouvons plus aujourd'hui répondre à la demande en matière de logement. Je sais que nous ne discutons pas ici du projet de loi C-31, mais les autres amendements qui sont proposés auront tous une incidence sur la façon dont nous sommes traités. En effet, ils feront varier les formules de financement. Le nouveau projet de loi semble plein de promesses, mais je ne crois pas que ce qui est proposé soit la panacée.

Quant à la Loi sur les Indiens, s'il advenait que nous soyons convenablement consultés, nous pourrions décider tous ensemble s'il convient de l'abolir ou de la modifier. Mais les conseils vont et viennent, chacun apporte ses modifications et c'est nous qui nous retrouvons aux prises avec les problèmes.

Si je mentionne le projet de loi C-31, c'est seulement qu'en raison de l'augmentation de notre population au cours des six dernières années, nous avons besoin de 90 logements par année, au lieu de 20, pour répondre à nos besoins. Et c'est sans compter les adolescents à qui nous devrons une explosion de notre population au cours des trois ou quatre prochaines années.

L'arriéré que nous avons accumulé est tellement grand. Le projet de loi ne règle pas le vrai problème que pose la Loi sur les Indiens. Les gens disent qu'ils n'aiment pas la Loi sur les Indiens, mais c'est le seul outil dont nous disposions à l'heure actuelle. Si on veut la modifier - je le répète - il faudrait tenir un scrutin ou un référendum national à l'échelle des bandes.

Je ne connais pas ces six dispositions dont vous avez parlé, mais comme je l'ai dit, je ne suis pas avocat et je ne suis pas en mesure de comprendre toutes ces choses. À l'heure actuelle, les gens chez nous ne souhaitent pas que la Loi sur les Indiens soit modifiée à moins que les modifications ne règlent tous les problèmes et que l'on puisse évaluer de façon sérieuse quels seront leurs effets sur notre bande.

Pour ce qui est de certains des points principaux, comme je l'ai dit, la mesure créera de très graves problèmes, car elle permettra aux titulaires de CP de gérer tout le village. Dans mon village, à l'heure actuelle, les titulaires de CP ont plus de pouvoirs sur l'utilisation des terres que le conseil lui-même. Cela nous inquiète parce qu'il ne nous reste plus de territoire de bande.

C'est cela qui devrait être négocié: le territoire. Peut-être qu'alors certaines de ces recommandations n'auraient pas eu tant d'effet. Si nous avions un plus vaste territoire, nous pourrions répondre aux besoins d'à peu près tout le monde. D'où je viens, chaque personne a environ un quart d'acre. Ce n'est pas suffisant, du moins pas pour nous.

Le président: Merci. Pour votre information, les CP dont on parle sont des certificats de possession.

Y a-t-il d'autres questions? Non? Alors je vous remercie, monsieur Bartleman. Votre excellent exposé nous a donné matière à discussion. Nous vous remercions d'avoir commencé plus tôt que prévu car cela nous a permis d'avoir un peu d'avance sur notre programme. Merci beaucoup.

M. Bartleman: Merci.

.1400

Le président: J'informe les membres du comité que le chef Marilyn Belleau et Bruce Mack ne comparaîtront pas.

.1401

.1413

Le président: Nous reprenons nos audiences publiques. Nous avons le plaisir d'accueillir Judith Sayers, de Vancouver, de la Première nation Opetchesaht.

Je vois que vous êtes accompagnée d'une collègue. Fera-t-elle un exposé?

Mme Judith Sayers (conseillère en chef, Première nation Opetchesaht): Non, elle est ici pour m'appuyer et répondre peut-être à des questions, si c'est nécessaire.

Le président: D'accord. Si ses propos figurent au compte rendu - c'est-à-dire si elle répond à des questions ou prend la parole - pourriez-vous lui demander d'indiquer son nom et son titre?

Mme Sayers: Je suis conseillère en chef de la Première nation Opetchesaht. Ma collègue, Irene Tatoosh, fait également partie du conseil.

Le président: Merci beaucoup.

Madame Sayers, nous comptons parmi nous M. Bachand, du Bloc québécois, Elijah Harper,M. Hubbard et M. Murphy. Pour ma part, je m'appelle Ray Bonin et je suis le président du comité.

Nous disposons de 40 minutes. C'est à vous de décider comment vous souhaitez utiliser ce temps. Nous aimerions que vous laissiez suffisamment de temps à la fin de votre exposé pour que les députés puissent vous poser des questions. Vous pouvez commencer dès que vous serez prête.

Mme Sayers: Merci.

Notre communauté nous a donné le mandat de venir vous rencontrer pour vous faire part de notre opposition au projet de loi C-79, Loi sur la modification facultative de la Loi sur les Indiens. Notre communauté n'a jamais demandé au ministre des Affaires indiennes, non plus qu'à aucun de ses fonctionnaires, de modifier la Loi sur les Indiens. En fait, au début de ce processus, notre représentant a indiqué aux fonctionnaires des Affaires indiennes que cela ne nous intéressait pas du tout que la loi soit modifiée. Qu'on nous écrive à nos bureaux pour nous demander notre opinion sur un avant-projet de loi, le tout avant une certaine date, ce n'est pas pour nous une «consultation».

.1415

Si le ministre des Affaires indiennes veut vraiment améliorer la situation de notre première nation, qu'il visite notre communauté et qu'il voit dans quelles conditions nos gens vivent. Alors seulement pourra-t-il comprendre ce qu'il convient de faire pour redonner vie à notre communauté.

En ne tenant aucun compte des motions qui ont été adoptées par l'Assemblée des premières nations en juillet et en septembre 1996, motions dans lesquelles les Premières nations condamnaient la démarche adoptée par le ministre pour produire ce projet de loi et rejeter les modifications proposées, le ministre des Affaires indiennes a refusé de respecter les décisions des chefs.

Tout ce qu'a fait le ministre pour tenir compte des objections de 85 p. 100 des Premières nations du Canada, c'est de changer le projet de loi de façon à ce que les Premières nations puissent adhérer de façon facultative à la mesure législative.

Mais selon le paragraphe 5(2) du projet de loi proposé, une fois le nom de la bande inscrit à l'annexe, il n'est plus possible de le retrancher. Notre communauté estimait qu'elle devait exprimer ses objections, puisque le gouvernement pourrait interpréter notre silence comme un consentement.

Le territoire de la Première nation Opetchesaht a une superficie de 229 000 hectares et comprend la ville de Port Alberni, sur l'île de Vancouver. Le territoire de notre réserve actuelle, de 265 hectares, est si petit qu'il représente bien moins qu'un pour cent de notre territoire réel.

C'est la Loi sur les Indiens qui nous a refoulés sur ces petites parcelles de terrain, et la Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens ne changera rien à cette situation. Si notre première nation s'est vue octroyer aussi peu de terrain, c'est que nous trouvions dans les rivières et les océans notre nourriture et ce dont nous avons besoin pour vivre. Sur un territoire aussi petit, tout développement économique, communautaire et récréatif est à peu près impossible. La terre est essentielle à notre développement en tant que peuple.

Depuis plus de deux ans, la Première nation Opetchesaht participe au processus de traité de la Colombie-Britannique. Nous sommes en train de négocier un accord de principe. Ces négociations portent en grande partie sur les questions de compétence et de gestion publique. En modifiant la Loi sur les Indiens au point où nous en sommes rendus dans nos négociations, le gouvernement fédéral ne fait pas preuve de bonne foi. Au contraire, cela revient à balayer du revers de la main ce que nous essayons d'accomplir. Comme l'a dit l'un des membres de notre communauté, ce projet de loi enlève toute signification au processus de traité.

Le gouvernement nous impose pendant trop longtemps ses idées sur ce qui est le mieux pour nous et sur la façon de mener nos affaires. Le moment est venu de reprendre nos affaires en main. Nous sommes les seuls à savoir ce qui est le mieux pour nous.

Dans le préambule du projet de loi C-79, le projet de loi proposé, on dit qu'il s'agit d'une mesure législative provisoire «en attendant la conclusion d'accords en matière d'autonomie gouvernementale». On utilise également le terme «notamment» sans préciser dans le projet de loi ce qu'il peut y avoir d'autre.

Dans le rapport du Groupe de travail de la Colombie-Britannique sur les revendications globales, rapport que le gouvernement a accepté et appuyé, on décrit à la recommandation 16 ce qu'est une mesure provisoire:

Le ministre des Affaires indiennes est au courant de cela, bien sûr, de même que son prédécesseur qui a signé l'Accord sur la Commission des traités de la Colombie-Britannique et le gouvernement fédéral qui a adopté la loi créant cette même commission.

On n'a jamais parlé, dans nos négociations, de mesure provisoire modifiant la Loi sur les Indiens. Il s'agit d'une mesure unilatérale du ministre. Les modifications à la Loi sur les Indiens ne répondent pas aux critères établis à l'égard des mesures provisoires. En fait, le projet de loi C-79 pourrait bien être ce qui mine le processus de traité.

.1420

Notre communauté estime que le gouvernement fédéral, par le truchement des lois qu'il nous impose, continue de violer nos droits de la personne. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels énonce à l'article 1, que tous les peuples ont le droit à l'autodétermination. C'est en vertu de ce droit que les peuples peuvent librement décider de leur statut politique et pourvoir librement à leur développement économique, social et culturel. Encore une fois, le projet de loi C-79 nie notre droit à l'autodétermination. Ce projet de loi autorise encore le gouvernement fédéral à diriger nos vies, à déterminer notre statut et continue de nous assujettir à l'approbation finale ou au pouvoir discrétionnaire du ministre.

L'article 5 du projet de loi permet au conseil d'une Première nation d'adhérer à ces modifications. D'après cet article, il n'est pas nécessaire de consulter la population ni d'obtenir son consentement. Pour un gouvernement fondé sur la communauté, c'est totalement inacceptable. Dans notre cas, la majorité du conseil, ce serait deux personnes, Irène et moi, comparativement à une liste d'électeurs de 135 personnes. C'est injuste, de toute évidence.

Pire encore, d'après ce projet de loi, le conseil n'a même pas à tenir de réunion dûment convoquée pour discuter de l'adhésion à cette mesure législative. Il suffit de recueillir des signatures à une résolution du conseil de bande, et ce, sur une question qui aura des effets importants sur la communauté. C'est du moins ce que propose le sous-alinéa 6(2)b) du projet de loi. On ne saurait parler d'autonomie gouvernementale.

En outre, l'article 8 du projet de loi constitue notre Première nation en personne physique. C'est avilissant et dégradant. Nous sommes une nation. Votre gouvernement nous reconnaît ce titre depuis la Proclamation royale de 1763. Nous n'avons jamais été conquis par la guerre et n'avons pas non plus signé de traité. Nous n'avons jamais consenti à faire partie du Canada. Rien n'a changé le statut que nous possédons depuis des temps immémoriaux.

C'est révoltant de faire de notre Première nation une personne physique. Et la personne physique créée par ce projet de loi n'est même pas indienne, ce qui nous amène à douter de l'application des exemptions fiscales qui nous sont consenties par la Loi sur les Indiens. C'est tout à fait discriminatoire.

Le gouvernement s'est toujours servi de la Loi sur les Indiens pour détruire nos gouvernements. Dans des versions antérieures de la Loi sur les Indiens, on a essayé de modifier notre source d'influence en nous imposant un système électoral. De toute évidence, en faisant une personne de notre gouvernement, on continue d'essayer de détruire ce que nous sommes.

Notre communauté a examiné ce projet de loi article par article. Je n'a pas l'intention de commenter chaque article, mais je me dois de faire certaines observations.

L'article 42 du projet de loi permet au ministre de conclure des accords pour l'instruction de nos enfants avec à peu près qui il veut. Le ministre n'a pas à obtenir notre consentement ni même à consulter notre Première nation. N'est-ce pas aux institutions religieuses que l'on doit les cas d'agression dans les pensionnats? Et pourtant, les institutions religieuses font partie des institutions auxquelles le ministre peut confier l'instruction de nos enfants. Cette disposition sent le paternalisme à plein nez. Elle ouvre la voie à d'autres cas d'agression ou de négligence.

Aux termes des articles 18 et 21 du projet de loi, le ministre peut, avec le consentement des membres du conseil, autoriser celui-ci à exercer certains pouvoirs dans la gestion des réserves et des terres cédées, ainsi qu'à gérer ou conclure des transactions relatives aux terres des réserves. Ce pouvoir conféré ou délégué est assujetti aux conditions imposées par le ministre, mais il n'existe ni lignes directrices ni critères pour déterminer ces conditions. Elles pourraient tout aussi bien rendre sans effet tout pouvoir conféré ou délégué.

En outre, le pouvoir délégué ou conféré peut être révoqué en tout temps par le ministre. Il n'est pas indiqué pour quelle raison ou de quelle façon le ministre peut révoquer ce pouvoir.

.1425

Ces dispositions sont trop arbitraires et accordent au ministre des pouvoirs très généraux. Par ce projet de loi, on essaie de réduire le pouvoir du ministre, mais dans des cas comme ceux-là, ses pouvoirs se trouvent accrus. La mesure ne constitue donc pas une amélioration par rapport à la Loi sur les Indiens et ne saurait en aucun cas être interprétée comme une mesure d'autonomie gouvernementale.

D'après notre communauté, le processus entamé et poursuivi par le ministre, malgré les objections formulées par 85 p. 100 des Premières nations de ce pays dans les audiences tenues jusqu'à maintenant, représente une énorme dépense pour ces mêmes Premières nations qui adhéreront à la mesure législative, si celle-ci est adoptée. Nous estimons qu'on aurait pu faire meilleur usage de cet argent en l'investissant dans le logement et l'infrastructure, dont toutes nos communautés ont si grand besoin.

Les temps et les gens changent, les Premières nations aussi. La seule chose qui ne change pas, c'est le désir du gouvernement fédéral de conserver une mainmise paternaliste et écrasante dans nos vies. Il est temps que cela cesse.

Le traité que nous négocions remplacera la Loi sur les Indiens, le ministère des Affaires indiennes et le régime des réserves. Notre peuple est autosuffisant. Progressivement, nous reprendrons le contrôle de tous les aspects de notre vie, ce contrôle qu'avaient nos ancêtres avant l'arrivée des Blancs. Nous ne tolérerons plus d'ingérence du gouvernement dans nos vies. Il faut que votre gouvernement reconnaisse que la solution à nos problèmes et la source de notre progrès ne se trouvent pas dans la Loi sur les Indiens, non plus que dans la Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens. Plus vite il le reconnaîtra, plus grand sera notre progrès. Il ne faut pas adopter le projet de loi C-79.

Nous avons hâte que soit établi notre nouveau partenariat par le biais de notre traité. Nous n'envisageons pas d'intégrer la Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens dans ce partenariat et nous nous opposons énergiquement et officiellement au projet de loi C-79.

Klecko, klecko.

Je suis prête à répondre à toutes les questions des membres du comité.

Le président: Merci beaucoup de votre exposé, madame Sayers. Il contient beaucoup de renseignements et porte sur le projet de loi, ce dont nous vous sommes reconnaissants.

Passons maintenant aux questions. Monsieur Bachand.

[Français]

M. Claude Bachand: Je voudrais vous remercier de votre présentation, madame Sayers. Bien que je me sois rendu en Colombie-Britannique à plusieurs reprises, je n'ai malheureusement pas eu l'occasion de vous rencontrer avant aujourd'hui. Lors d'un prochain voyage, je pourrais peut-être aller visiter votre communauté. La Colombie-Britannique compte de nombreuses communautés, soit 225, et je prends toujours plaisir à découvrir de nouvelles communautés.

J'ai écouté attentivement votre présentation. Vous semblez partager entièrement l'approche du grand chef des Premières Nations qui dit qu'une consultation ne se limite pas uniquement à l'échange de quelques lettres. Vos propos m'apparaissent très semblables aux siens. Pourriez-vous nous expliquer la façon dont votre communauté a été consultée sur cette question? Est-ce que vous n'en avez entendu parler pour la première fois que la semaine dernière? Le ministre vous aurait-il envoyé des lettres auxquelles vous auriez répondu en disant que vous n'étiez pas du tout intéressés à participer aux consultations? Donnez-nous un aperçu du processus de consultation. Comment a-t-elle été faite chez vous plus particulièrement?

J'ai une deuxième question. Sur la question des traités de la Colombie-Britannique et de la commission, est-ce que vous considérez qu'actuellement, et ma question sera très claire, le projet de loi C-79 menace le processus de la Commission des traités de la Colombie-Britannique?

Entre Noël et le Jour de l'An, j'ai rencontré un des commissaires à Vancouver. La commission semblait fonctionner relativement bien et avançait dans certains dossiers. Je ne saurais dire où votre communauté se situait, mais de nombreuses communautés avaient donné leur aval et franchissaient les six étapes nécessaires à la conclusion d'une entente définitive. À votre avis, le projet de loi C-79 menace-t-il actuellement l'ensemble de la démarche de la commission, qui conduit justement à des ententes complètes entre la province, le gouvernement et les Premières Nations impliquées?

.1430

[Traduction]

Mme Sayers: Je vous remercie de vos questions. Il y aura un an cet été, nous avons reçu des lettres des Affaires indiennes sur la tenue d'un atelier à Nanaimo. Nous avons envoyé notre autre conseiller à cet atelier. Au cours de l'atelier, certaines personnes ont exprimé leur désir de voir modifier la Loi sur les Indiens. Notre représentant avait alors déclaré que nous n'étions pas intéressés.

Par la suite, nous avons reçu à notre bureau des documents que je n'ai jamais lus. Je ne sais pas si vous savez combien de documents nous recevons à nos bureaux, mais c'est énorme. Je n'ai jamais pris connaissance de la mesure législative proposée avant le début de septembre. À ce moment-là, nous avons commencé à recevoir un grand nombre d'appels téléphoniques et de documents de l'Assemblée des premières nations. C'est alors que j'ai étudié le projet de loi en détail.

J'ai assisté à la réunion des chefs en septembre, à Winnipeg, réunion au cours de laquelle le ministre des Affaires indiennes a expliqué le projet de loi article par article. J'avais l'impression qu'il ne savait pas que nous savions lire. Ensuite, il a répondu à une quinzaine de questions posées par certains des délégués. Je n'ai pas estimé que c'était une consultation non plus.

Je n'ai pas eu l'occasion de faire entendre mon opinion. Trop de gens attendaient. En fait, j'ai pensé qu'il ne voulait pas nous écouter. Il n'a montré aucun respect à l'égard de motions qui avaient été adoptées et il faisait vraiment la sourde oreille.

Ensuite, lorsqu'il y a eu des amendements, nous avons étudié de nouveau le projet de loi en février et nous en avons préparé une version simplifiée à l'intention des membres de notre communauté, version que nous avons examinée et à partir de laquelle nous avons adopté la position que nous énonçons aujourd'hui.

C'est tout ce que nous avons eu comme consultation. Personne des Affaires indiennes n'est venu dans notre communauté. Cela s'est résumé à quelques lettres. Cela s'est trouvé mêlé à la correspondance que nous avons reçue. Nous avons accordé davantage d'attention à ce qui nous venait de l'Assemblée des premières nations et des autres Premières nations.

Pour répondre à votre deuxième question, sur la Commission des traités de la Colombie-Britannique et pour ce qui est de savoir si la mesure législative menace le processus de traité, je répondrai que, pour notre part, nous nous sommes engagés à négocier un traité. C'est ce que nous voulons. Le projet de loi ne sera qu'un autre des éléments qui créent un climat de méfiance entre nous et le gouvernement fédéral, alors que nous essayons d'établir entre nous la confiance nécessaire à la négociation d'un traité. Nous nous demandons quelle autre surprise nous réserve le gouvernement, ce qu'il fera entre-temps, pendant que nous négocions un traité. Nous craignons que cette mesure législative crée un précédent. C'est de cette façon que la mesure législative influe sur le processus de traité, puisque nous mettons en doute les motifs du gouvernement fédéral, sa bonne foi et ses intentions.

Je suis convaincue que nous continuerons de négocier. Cela dure déjà depuis trop longtemps. Dans les années 20, mon grand-père avait participé à la négociation de revendications territoriales. J'espère que mes enfants ou mes petits-enfants n'auront pas à le faire également.

C'est ma façon de répondre à votre question. Si vous le désirez, je peux vous donner de plus amples détails.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Bachand.

[Traduction]

Monsieur Murphy.

M. John Murphy: Je tiens à vous remercie de votre présentation, madame Sayers.

Pour ce qui est des services d'éducation et de la participation du ministre à des accords, vous savez peut-être que par le passé le ministre ne pouvait pas être partie à des accords avec les conseils de bande. Cette nouvelle disposition lui permet dorénavant de le faire. Évidemment, ce projet de loi permet également aux bandes d'éduquer leurs propres enfants grâce à cette entente ou à cet accord conclu avec le ministre. Je me demande pourquoi vous y voyez quelque chose de négatif. Vous avez signalé que la disposition sur l'instruction n'était pas acceptable.

Mme Sayers: Le problème est qu'on accorde un pouvoir discrétionnaire au ministre. Il peut consulter le conseil, la province, les conseils scolaires publics, une institution religieuse ou de charité. C'est le pouvoir qu'on lui accorde en fait. Il n'est nullement tenu de nous consulter, de nous rencontrer et de discuter de la question, ou même de nous demander si nous sommes d'accord. Nous n'aimerons peut-être pas ce qu'il fait. S'il transfère tous les dollars prévus pour l'éducation à cet organisme religieux sans nous avoir consultés, que pourrons-nous faire? À qui nous adresser?

.1435

Nous avons toujours une certaine méfiance à l'égard du ministre des Affaires indiennes. Je ne crois pas que nos... et c'est ce que nous n'aimons pas. Ces termes généraux et... si l'on disait «avec le consentement du conseil», cela serait peut-être plus acceptable. Cette disposition dit que c'est au ministre qu'il revient de décider comment on assurera l'instruction de nos enfants. À nos yeux ce n'est tout simplement pas acceptable.

M. John Murphy: Quelles modifications proposeriez-vous à cette disposition?

Mme Sayers: On pourrait dire le ministre... «avec le consentement du conseil de la Première nation», peut conclure des accords avec le conseil, la province, les organisations religieuses - la liste figure déjà dans la disposition. À ce moment-là cela permettrait d'assurer une participation directe.

Le président: Monsieur Hubbard.

M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Si j'ai bien compris, vous croyez qu'il vaut mieux composer avec le texte de loi actuel que d'avoir une nouvelle loi. Pouvez-vous nous dire quels aspects de la loi actuelle vous préoccupent? Nous apportons peut-être des modifications à certaines des dispositions qui vous préoccupent, mais peut-être pas à toutes les dispositions qui vous préoccupent. Y a-t-il des aspects de la loi qui vous concernent?

Mme Sayers: Parlez-vous ici de la loi ou du projet de loi?

M. Charles Hubbard: Du texte actuel de la Loi sur les Indiens.

Mme Sayers: Essentiellement, nous n'aimons pas la Loi sur les Indiens. Nous n'avons pas recours à toutes ses dispositions. Notre communauté n'a pas de règlements. La majorité des dispositions actuelles de la Loi sur les Indiens ne s'appliquent pas à nous. Nous n'avons pas de règlements en matière de fiscalité. La seule chose que nous respectons ce sont les règlements d'appartenance à la bande.

Nous ne disons pas qu'il vaut mieux composer avec la Loi actuelle sur les Indiens; nous disons simplement qu'il faudrait complètement s'en défaire. Il faudrait la déchirer. Pourquoi essayer de modifier quelque chose qui n'est pas bon de toute façon? Nous allons arranger les choses dans le cadre des négociations de notre traité. Laissez-nous faire. Laissez-nous faire les choses comme nous le voulons, de la façon dont nous le voulons, plutôt que de laisser le gouvernement fédéral nous imposer de façon unilatérale certaines choses.

Je sais que la participation est facultative, mais nous n'aimons pas la façon dont on procède. Pourquoi le gouvernement fédéral fait-il cela maintenant? Pourquoi ne pas penser à autre chose? Il y a plusieurs dispositions dans ce projet de loi qui m'inquiètent, mais comme je l'ai dit, je ne voulais pas trop entrer dans les détails.

Plusieurs aspects du texte actuel de la Loi sur les Indiens nous préoccupent. Cette loi est désuète, démodée et paternaliste. Nous cherchons une nouvelle solution à laquelle nous puissions arriver en partenariat, non pas une chose sur laquelle nous n'avons pas été consultés.

M. Charles Hubbard: Vous avez dit que dans votre Première nation 165 personnes vivaient sur la réserve. Combien vivent hors réserve?

Mme Sayers: Il s'agissait là du nombre d'électeurs. Il y a un peu plus de 100 personnes qui vivent sur la réserve. Nous comptons environ 214 membres.

M. Charles Hubbard: D'après vous, ceux qui vivent hors réserve devraient avoir les mêmes avantages et responsabilités comme membres des Premières nations que ceux qui vivent sur les réserves? Sont-ils d'après vous des gens qui n'ont aucun lien avec le gouvernement de la Première nation que vous représentez?

Mme Sayers: Tous les membres devraient avoir les mêmes droits, qu'ils vivent sur les réserves ou pas. Ils devraient pouvoir voter. Ils devraient pouvoir participer au processus décisionnaire. La terre nous appartient collectivement. Il en va de même pour nos ressources. Nous devons avoir un droit de vote et voix au chapitre quant à l'utilisation de nos biens.

Le président: Monsieur Harper.

M. Elijah Harper (Churchill, Lib.): Madame Sayers, je m'appelle Elijah Harper.

J'aimerais faire quelques commentaires sur les propos que vous avez tenus. J'aimerais simplement signaler que je suis également assujetti aux traités, je suis membre d'une Première nation. Je suis également député, député ministériel. Je participe au processus politique général depuis déjà longtemps.

.1440

À mon avis, ce n'est pas sur la Loi sur les Indiens que reposent nos droits. J'ai toujours cru que la Loi sur les Indiens aurait dû servir à définir les rapports entre les Premières nations et les gouvernements du Canada, notamment le gouvernement fédéral. C'est toujours la façon dont j'ai perçu la Loi sur les Indiens. À mon avis, elle ne saurait constituer l'assise de nos droits.

Je n'ai pas changé d'idée. Tout droit acquis par les Premières nations, tout rapport établi l'ont toujours été de nation à nation ou de gouvernement à gouvernement. C'est d'ailleurs la raison d'être de nos traités.

La Loi sur les Indiens est une mesure législative qui a été proposée et adoptée par le gouvernement fédéral. Évidemment, le gouvernement fédéral, si nous présentions notre position comme nation souveraine, représenterait une institution étrangère.

J'ai toujours cru qu'il ne s'agissait pas d'une mesure législative autochtone compatible avec notre interprétation du droit inhérent à l'autonomie autochtone qui est reconnu par la Constitution canadienne.

Ainsi, toute mesure législative adoptée par le Parlement ne l'emporte pas nécessairement sur les droits des Autochtones. En fait, la Constitution canadienne garantit que les droits issus de traités l'emportent sur les lois fédérales ou provinciales.

Je voulais simplement vous dire que même si cette loi peut sembler être quelque chose qui est imposée aux Autochtones, je peux vous dire en toute confiance que notre peuple pourra toujours défendre son droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, et ce avec dignité. Ce droit ne sera jamais retiré, même si les gouvernements semblent essayer de le faire.

Je suis également ici à titre de député pour protéger les intérêts des Autochtones. Je suis un des rares Autochtones à avoir le privilège et l'honneur de défendre les intérêts des nôtres dans cette institution étrangère. Je suis très fier de pouvoir le faire. Je reçois l'appui des nôtres, parce que je ne crois pas que j'aie mis en péril quelque droit que ce soit.

En fait, le ministre a indiqué... Le gouvernement, le Parlement, propose ainsi une option. Il existe une disposition non dérogatoire qui précise que les droits ancestraux et les droits issus de traités, y compris le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, ne seront pas touchés.

Comme Autochtones, nous devons y voir un engagement qui a été garanti par le gouvernement. Ce n'est pas un problème parce que le gouvernement peut garantir ce droit. Je crois que les Autochtones sont beaucoup plus honorables que l'ont été les gouvernements de ce siècle.

C'est pourquoi j'ai dit que nous pouvions survivre. Nous jouissons de la crédibilité nécessaire. À mon avis, la plupart des dispositions de ce projet de loi ne recevront pas l'appui des Premières nations du Canada.

Je voulais simplement vous expliquer ma position. Je suis ici pour défendre les intérêts des nôtres, et je continuerai à le faire. Je voulais simplement apporter ces précisions.

.1445

Le président: Merci beaucoup, monsieur Harper. Y a-t-il d'autres questions?

Voulez-vous faire quelques derniers commentaires, madame Sayers?

Mme Sayers: En réaction aux commentaires de M. Harper, j'aimerais signaler que nous choisissons tous la voie qui nous convient. M. Harper a décidé de consacrer ses énergies à votre gouvernement et à votre Assemblée législative.

Je sais pertinemment que la Loi sur les Indiens n'est pas la source de nos droits. Il demeure cependant que cette mesure législative existe. Elle touche tous les aspects de notre vie. Si quelqu'un empiète sur notre réserve, nous devons avoir recours à cette loi même si nous ne pouvons pas assurer qu'elle sera observée. Si nous voulons contrôler les chiens par exemple, nous devons adopter un règlement. Si nous voulons avoir accès à notre argent que détient Ottawa, nous devons faire parvenir une RCB, démontrant que la nation est d'accord. Il s'agit des réalités avec lesquelles nous devons composer, et il ne s'agit certainement pas là de choses que nous voulons continuer à accepter.

Comme je le dis, nous avons hâte d'avoir un traité pour ne plus avoir à comparaître à ce genre de tribunes pour discuter de ce genre de choses. Il y aura des mécanismes de règlement des différends pour traiter des questions qui nous intéressent, de nos droits ou de toutes autres choses que nous voulons inclure dans nos traités.

Monsieur Harper, vous avez également dit que vous ne croyez pas que dans l'ensemble les Premières nations acceptent ce projet de loi. Alors pourquoi l'adopter? À quoi cela sert-il? Sera-ce utile? S'agit-il là simplement d'une chose que le gouvernement croit devoir faire pour prouver qu'il est à la page? Mais ce n'est pas le cas. Il a peut-être fait un tout petit en avant, et les seules choses qui nous rendent heureux dans ce projet de loi c'est l'augmentation des amendes jusqu'à concurrence de 5 000 $ et la capacité de renforcer les lois que nous n'avons pas encore adoptées mais que nous adopterons peut-être maintenant puisque le jeu en vaut peut-être la chandelle.

Nous avons hâte au jour où nous pourrons dire que nous avons accompli cela, qu'il s'agit maintenant d'un système que nous avons conçu, que nous avons créé. Il est vrai que nous ferons des erreurs. Il est vrai que nous allons trébucher. Nous allons apprendre, nous relever et essayer quelque chose de nouveau. Mais au moins c'est nous qui l'aurons fait. Ce n'est pas le gouvernement qui a détruit le système héréditaire de chefferie. Ce n'est pas le gouvernement qui a détruit le système d'appartenance lorsqu'on a décidé d'exclure les femmes qui épousaient des non-Autochtones. Nous aurons pris ces décisions. Nous en serons responsables. C'est ça être une nation. Ça fait partie de ce qu'ont fait nos ancêtres, et c'est ce que nous continuerons de faire.

Je vous remercie de nous avoir entendues et de nous avoir posé des questions. Comme je l'ai dit, je ne vous ai pas donné trop de détails sur l'analyse article par article. Nombre de préoccupations ont été soulevées lors de l'étude de cette mesure législative dans la collectivité, mais je voulais simplement vous faire part des points saillants.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup.

Cela met fin à ce volet de nos audiences.

J'aimerais signaler aux députés et au personnel de soutien qui seront peut-être heureux de l'apprendre que le dernier intervenant, qui devait comparaître à 20 h 20 à l'heure avancée de l'Est comparaîtra à 18 h 20. Le chef Saul Terry, président de l'Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique, a accepté notre demande et accepté de remplacer M. Bruce Mack du Conseil tribal caribou. M. Mack nous a dit qu'il ne pouvait être des nôtres; ainsi les députés et le personnel de soutien devraient être libres à 20 h 20 au plus tard.

Après la prochaine présentation, nous allons faire une pause jusqu'à 16 h 20. Le témoin prévu à 15 h 40 ne se présentera pas.

.1450

Nous accueillons maintenant Mme Dawn Mills de Vancouver. Mme Mills est la porte-parole de la Coalition des droits autochtones.

Je vous souhaite la bienvenue. Je vois que des collaboratrices vous accompagnent, madame Mills. Voulez-vous nous les présenter?

Mme P. Dawn Mills (principale attachée de recherche et secrétaire rédactrice, Coalition des droits autochtones (Projet Vancouver-Nord)): Trois collègues m'accompagnent: Mme Mary Reilly, Mme Lydia Sayle et Mme Cynthia Llewellyn.

Le président: Merci beaucoup, madame Mills. Nous allons passer 40 minutes ensemble. C'est votre temps, à vous de l'utiliser comme il vous plaira. Toutefois, nous vous serions reconnaissants de prévoir le temps nécessaire pour que les membres du comité puissent vous interroger. Cela dit, vous pouvez commencer quand vous voudrez.

Mme Mills: La Coalition des droits autochtones (Projet Vancouver-Nord)» est un groupe oecuménique qui réunit des citoyens intéressés et des organismes religieux qui oeuvrent dans le domaine des questions de justice sociale qui touchent les peuples des Premières nations. Dix Églises et organismes religieux ont donné à notre coalition le mandat de parler en leur nom sur les questions qui touchent les Premières nations, tant au niveau national qu'au niveau local. Nous faisons front commun avec les communautés et les peuples des Premières nations afin d'obtenir la justice par des pressions, des recherches et l'éducation du public tout en cherchant à sensibiliser davantage les responsables des Églises, les décideurs et l'ensemble de la collectivité aux questions autochtones.

La Coalition de Vancouver fait partie de la Coalition de la Colombie-Britannique et de la Coalition nationale. Aujourd'hui, nous voulons notamment vous donner un bref aperçu de notre position sur la Loi sur les Indiens, dire quelques mots sur le processus de consultation antérieur à ces amendements et inviter instamment le comité permanent à revoir le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones avant de recommander l'adoption de ce projet de loi.

La Loi actuelle sur les Indiens et les amendements proposés sont, au sens conceptuel et historique, essentiellement des lois victoriennes. Les principales hypothèses philosophiques et les politiques sur l'administration moderne des Indiens remontent aux années 1820 et se sont perpétuées sous diverses formes. Les amendements proposés représentent encore un autre niveau qui vise à maintenir la tutelle du gouvernement sur les Premières nations empêchant ainsi leurs communautés de parvenir à l'indépendance et à sortir du XIXe siècle.

La Loi sur les Indiens, dans sa forme actuelle ou modifiée selon les options présentées, continue à être protectrice en ce sens que toute mesure prise par les conseils de bande doit obtenir le consentement ministériel, le ministre conservant son droit de veto. De plus, tout compte fait, cette loi est un instrument d'assimilation puisque le ministre continuera à déléguer leurs pouvoirs et leur financement aux bandes, quelle que soit la perception que les bandes ont d'elles-mêmes ou de leurs besoins, perpétuant ainsi l'idée que de vivre dans la réserve conduit à la pauvreté et à l'exclusion.

Le paradoxe, c'est que dans sa forme actuelle ou modifiée, la Loi sur les Indiens est essentielle à l'identité de certaines communautés des Premières nations et des peuples qui vivent dans les réserves. La Loi sur les Indiens est donc tout autant un élément de la vie des Premières nations que l'instrument de leur destruction, ce qui explique que ses structures et intentions continuent à exister dans des localités malgré leur manque d'intérêt. La définition d'une bande indienne, la procédure d'élection d'un conseil, ses pouvoirs et attributions, constituent les moyens par lesquels le gouvernement fédéral reconnaît la présence d'un Indien dans un endroit particulier.

L'idée même de modifier cette loi est source de nombreuses complications. La Loi sur les Indiens est une loi, une mesure législative. Comme telle, elle a des répercussions politiques et constitutionnelles. Du point de vue politique, cette loi soulève la question essentielle, c'est-à-dire qu'une société ne saurait légiférer pour une autre - un aspect dont il est question dans le contexte international et dans le contexte de la colonisation. Depuis 1945, on constate une tendance marquée en droit international selon lequel une société ne saurait régir les affaires d'une autre.

.1455

Dans ce contexte, de nombreux membres des Premières nations font valoir qu'ils appartiennent à des peuples. Comme tels, ils sont protégés contre des mesures unilatérales; il faudrait donc abroger complètement la loi. Néanmoins, d'autres peuples des Premières nations hésitent à prôner une opinion aussi poussée que l'abandon de cette loi fédérale qui leur donne une certaine protection même si elle n'est pas sans prix.

Même si elles reconnaissent les divers niveaux de légitimité dans l'État canadien, les Premières nations exigent que l'on reconnaisse dans une plus grande mesure leur statut constitutionnel spécial. Ces questions particulières sous-tendent toute discussion sur la Loi sur les Indiens. Nous n'entrerons pas dans les détails, mais vu l'existence et l'importance de ce débat, il faudrait en tenir compte. Il est également à espérer que le comité permanent reconnaîtra que ce débat influera sur toute évaluation des réformes proposées puisque le projet de loi fédéral visant à rectifier la situation devra être adopté par la société dominante pour le compte de cette autre société.

De nombreuses questions sans réponse se posent du point de vue de la Constitution canadienne en ce qui concerne la Loi sur les Indiens. L'article 91, paragraphe 24, de la Loi constitutionnelle de 1867 ne précise pas les limites du pouvoir du Parlement. Plusieurs ont même fait valoir que le gouvernement fédéral pourrait, s'il le souhaitait, adopter des lois hors de son domaine de compétence qui visent les peuples des Premières nations. Telle n'est pas la pratique, puisque, ainsi, les réserve indiennes deviendraient des enclaves fédérales - semblables aux réserves fédérales aux États-Unis - et les localités des Premières nations deviendraient souveraines. À toutes fins utiles, les terres représentent la relation spéciale dont il est fait état dans la catégorie 24. Elles relèvent de la responsabilité de nos législateurs fédéraux alors que les peuples des Premières nations sont des habitants provinciaux dans le cadre de la vie quotidienne, pour tout ce qui ne relève pas du gouvernement fédéral.

Les relations des provinces avec les peuples des Premières nations n'ont pas toujours été de soi, c'est-à-dire qu'il a fallu négocier l'inclusion de ces populations au nombre des résidants provinciaux, laquelle dépend de la garantie financière que donne le gouvernement fédéral pour chaque membre des Premières nations. L'existence des pensionnats et la question de l'accès aux soins médicaux constituent des exemples flagrants de cette relation négociée avec les provinces.

Outre la relation ambiguë qu'entretient le gouvernement fédéral avec les populations des Premières nations, le Parlement n'a jamais légiféré dans toute la mesure de ses pouvoirs sur les territoires que l'on appelle «terres réservées aux Indiens». Aux termes de la Loi sur les Indiens, le mot «terres a été interprété de façon étroite et limité aux réserves. De même qu'il n'a pas reconnu au sens large la protection des terres indiennes mentionnées dans la Proclamation royale de 1763 ou dans les traités, le Parlement n'a pas légiféré pour tous ceux qui entrent dans la catégorie des «Indiens».

Deux groupes de peuples des Premières nations ont été créés à des fins administratives: les Indiens de plein droit et les Indiens de fait. Aux termes de la Loi sur les Indiens, les Indiens de plein droit sont les seuls parmi les Premières nations à être reconnus comme relevant du pouvoir législatif du Parlement. Au cours de l'histoire, le Parlement a modifié la définition de personnes des Premières nations dans la Loi sur les Indiens, démontrant ainsi qu'il pouvait adopter des lois visant ce que l'on appelle les Indiens de fait ou métis s'il le souhaitait en incluant tout simplement ces derniers dans la définition de «Indiens».

Il est peu probable que les modifications proposées à la Loi sur les Indiens puissent refléter la réalité politique ou constitutionnelle actuelle du Canada. C'est pour cela que les communautés des Premières nations doivent pouvoir exercer un contrôle au niveau local sur les questions culturelles, y compris la politique publique, l'appartenance, l'éducation, les services sociaux, etc. Au niveau de la nation, les Premières nations doivent également avoir compétence sur les terres et les ressources à l'intérieur de la localité tout en partageant celle-ci sur leurs territoires traditionnels. Il faudra donc des relations légitimes avec les gouvernements provinciaux, des relations fondées sur l'égalité et la confiance.

Je vais maintenant dire quelques mots sur le processus de consultation.

.1500

Il a été démontré que le gouvernement du Canada a l'obligation fiduciaire de consulter les Premières nations sur les questions d'importance qui les touchent. Puisque la Loi sur les Indiens actuelle ou proposée est ce qui s'est le plus approché pour les communautés des Premières nations de l'autonomie, il se peut que comme nation, nous allions un peu trop vite dans la mauvaise direction. On aurait pu espérer qu'en ce qui concerne les ajustements au document le plus fondamental, la Loi sur les Indiens, le gouvernement fédéral prêterait une oreille très attentive.

En mars 1995, le bureau de M. Irwin annonçait l'intention du gouvernement de modifier la Loi sur les Indiens. En avril 1995, les chefs ont reçu une première demande dans laquelle était présentée l'ampleur des modifications proposées. En septembre 1995, dans une autre lettre encore, on recevait une liste des changements proposés et une demande de réaction à ces changements. Ensuite, on nous a encore prévenus qu'une fois terminée la préparation des documents, ceux-ci seraient transmis au Cabinet pour que l'ébauche des amendements y soit approuvée au mois de juin 1996. Quelqu'un travaillait au chalet au cours de l'été 1996 pour avoir une ébauche préliminaire en septembre à soumettre au Cabinet. Ensuite, en décembre 1996, les modifications ont été présentées à la Chambre, sans deuxième lecture. Le projet de loi a été envoyé en comité où on a prévu des séances partout au pays.

Cela ressemble plus à un monument érigé sur de fragiles fondations qu'à un projet de loi gouvernemental. Tout devait être fait et adopté avant le déclenchement des élections soit à la fin du printemps ou au début de l'automne. On ne peut s'empêcher de se demander où en est la Loi relative à la gestion des terres des Premières nations qui remettrait à 14 communautés le pouvoir réel de gérer leurs baux avec des entreprises non autochtones dans leurs réserves.

Pour que des consultations portent fruit, il faut que le gouvernement fasse preuve d'un esprit ouvert et de bonne foi avant de prendre la décision d'ouvrir la consultation. C'était peut-être le cas, mais le moment choisi laisse songeur. Le gouvernement ne peut pas penser s'acquitter de son obligation de consulter en se contentant de prévenir les Premières nations de son intention ou de sa décision. Si l'on regarde le moment choisi et si l'on songe à l'envergure des modifications proposées, qu'il s'agisse de légitimer des pratiques actuelles ou non, il semblerait que les consultations aient été minimes, brèves et entamées à la toute veille de l'adoption.

Commentaire sur la Commission royale sur les peuples autochtones.

Le rapport final de la Commission sur les peuples autochtones, les mémoires, les exposés et les rapports de commissions antérieures constituent un abrégé des relations historiques entre les peuples des Premières nations du Canada, la Couronne britannique et le gouvernement canadien. Ces documents représentent un point de départ au renouveau des peuples des Premières nations, à partir duquel les gouvernements fédéral et provinciaux peuvent entreprendre des discussions réelles avec les communautés des Premières nations à l'avantage de tous. Dans les recommandations, il est proposé d'attaquer plusieurs fronts, y compris une redéfinition des obligations fiduciaires et des relations des Premières nations avec le gouvernement fédéral, y compris les traités et autres lois concernant les affaires des peuples des Premières nations.

Nous savons que jusqu'à présent le gouvernement fédéral a dit qu'il ne saurait examiner le rapport de la Commission sur les peuples autochtones avant les élections. Par ailleurs, le gouvernement peut préparer des modifications à la Loi sur les Indiens, perdant ainsi l'occasion rêvée d'apporter des amendements avec la collaboration des Premières nations, les meilleures alliées de la Couronne.

Nous, membres d'un groupe confessionnel, considérons que la version actuelle et proposée de la Loi sur les Indiens constitue un document paternaliste qui sert les intérêts de l'administration des terres des réserves. Nous estimons que l'on doit accorder la priorité au rétablissement de la relation historique entre la Couronne et les peuples des Premières nations. Il faudra à cette fin des changements fondamentaux d'attitudes entre le gouvernement du Canada et les Premières nations. Il faudra également prévoir le transfert de pouvoirs réels aux communautés des Premières nations, et non pas d'une façon ad hoc. Il faudra également planifier attentivement aux paliers fédéral, provincial et des Premières nations. Cela signifie que tous ceux qui seront invités à la table doivent être ouverts aux compromis, et que les communautés des Premières nations ne doivent pas être les seules à faire des compromis.

À cette fin, nous pouvons nous inspirer de la sagesse du rapport de la commission royale où il est recommandé de ne pas accorder le pouvoir au niveau de la bande locale mais au niveau d'une région ou d'une Première nation afin que ce pouvoir englobe plusieurs localités et une plus grande base territoriale. Nous exhortons donc les membres du comité permanent à mettre un terme aux changements proposés et à examiner le rapport de la commission royale où il est recommandé que le gouvernement participe activement à aider les communautés des Premières nations à travailler sur des questions d'intérêt local et sur des questions qui permettront aux communautés des Premières nations de devenir ce troisième palier du gouvernement.

.1505

Le président: Merci beaucoup. Avant de passer aux questions, j'aimerais revenir à ce que vous avez dit à la fin, que le comité devrait mettre un terme aux travaux... Le comité ne possède pas le pouvoir de mettre un terme aux travaux de la Chambre des communes. Ce projet de loi a été déposé à la Chambre. Il n'appartient plus au ministre; il appartient à la Chambre des communes. La Chambre peut déléguer à ce comité la responsabilité de l'examiner, de tenter de l'améliorer par des amendements ou par toute autre recommandation avant de le renvoyer à la Chambre. Je veux donc qu'il soit très clair que notre comité ne possède pas le pouvoir de mettre un terme aux travaux de la Chambre.

Nous allons maintenant passer aux questions.

Monsieur Bachand.

[Français]

M. Claude Bachand: Monsieur le président, je me dois d'invoquer le Règlement avant de commencer. C'est la deuxième fois en deux jours. La langue officielle du français continue de souffrir aujourd'hui. Il n'y a pas eu de traduction simultanée. On m'avais promis qu'il n'y aurait pas de réverbération ou de vrombissement. D'après ce que je comprends, les traducteurs sont incapables de traduire lorsqu'on fait des présentations.

Je ne veux pas faire un débat de principe. Vous savez que je suis assez bilingue et que je comprends les deux langues, mais mettez-vous à la place. Que feriez-vous si vous aviez un collègue qui parle uniquement le français? Il a le droit de parler français au Canada. Il ne pourrait pas y avoir de traduction simultanée. Il y a actuellement un seul membre de l'opposition qui tient le comité, parce que si je n'étais pas là, on n'aurait pas quorum. Encore une fois, je déplore la situation et je vais être obligé d'en parler à ma whip pour savoir quel comportement adopter.

J'ai toujours fait preuve de jugement. La whip nous dit: Si vous n'avez pas un document traduit ou si vous n'avez pas la traduction simultanée, quittez les lieux. Je fais preuve de jugement en disant qu'il ne faut pas aller trop loin. Mais c'est aujourd'hui la deuxième journée et je ne voudrais pas qu'il y en ait une troisième.

Je laisse cela à votre discrétion. Je vous demande d'arranger cela. Je vais quand même en parler à la whip pour lui demander quel comportement je dois adopter dans cette situation. Pour moi, il est évident qu'elle va me dire: Tu devrais quitter le comité à ce moment-là. Ne me forcez pas à quitter le comité. C'est ce que je vous demande.

Le président: D'accord, monsieur Bachand. Premièrement, au nom des membres du comité, je veux vous remercier d'accepter d'être ici. Je ne savais pas que la traduction ne se faisait pas. J'appuie entièrement vos commentaires. Il n'est pas acceptable d'avoir deux pleines journées sans traduction simultanée.

Si je m'en servais, je l'aurais su plus vite et j'aurais agi moi-même. Je vous encourage fortement et je vous promets que je vais défoncer les portes nécessaires. Je ne peux vous promettre que ce sera réparé, parce que je ne sais pas comment le faire moi-même, mais je vous promets qu'il va y avoir de l'action. Je vous remercie beaucoup de votre généreuse contribution et de votre collaboration.

M. Claude Bachand: Merci, monsieur le président.

J'ai maintenant des questions à adresser à notre témoin.

J'apprécie votre présentation ainsi que le travail que vous faites. D'ailleurs, j'ai reçu de vos collègues cette semaine à mon bureau d'Ottawa. Ils se préoccupaient beaucoup de la question du lac Barrière, au Québec. Quand vous allez répondre à mes questions, j'aimerais que vous nous donniez la composition de votre organisme. Dans l'ordre du jour, je lisais «Aboriginal Rights Coalition de Vancouver», mais lorsque vous avez ajouté les mots «Project North - Vancouver», j'ai compris que vous aviez des liens avec les gens qui font des représentations au Québec, en Ontario et ailleurs. Peut-être pourriez-vous nous expliquer la composition de votre organisation, qui est d'ailleurs tout à fait méritoire, soit dit en passant.

Dans votre présentation, vous nous avez démontré clairement que vous n'étiez pas d'accord sur la Loi sur les Indiens. Si on veut faire une relation de cause à effet, vous n'êtes pas d'accord non plus sur une modification de la Loi sur les Indiens. Vous voyez l'avenir des Premières Nations autochtones beaucoup plus dans les traités que dans une modification de la Loi sur les Indiens ou dans la Loi sur les Indiens elle-même. Voulez-vous nous expliquer cela?

Deuxièmement, en ce qui concerne la consultation, vous faites part au comité de la grande préoccupation de tout le monde, à savoir qu'une consultation n'est pas uniquement un échange de correspondance. La consultation doit aller beaucoup plus loin.

Vous avez également dit que pour faire une consultation large et effective, il fallait faire preuve d'ouverture d'esprit.

.1510

Dois-je comprendre que la démarche de consultation actuelle témoigne de la fermeture d'esprit du gouvernement? C'est un peu ce qui a été dit par plusieurs intervenants.

J'aimerais poser une dernière question sur la Commission royale d'enquête Erasmus-Dussault sur les peuples autochtones. Selon vous, le projet de loi C-79 dans sa forme actuelle est-il contraire à la philosophie du rapport de la Commission royale d'enquête? Je vous remercie de votre présentation.

[Traduction]

Mme Mills: Merci beaucoup. La Coalition des droits autochtones (Projet Vancouver-Nord) est un groupe oecuménique lancé en 1975 lorsqu'une localité autochtone de la Colombie-Britannique - et d'ailleurs au pays - a approché les grandes Églises canadiennes, anglicane, catholique romaine et unie, pour obtenir leur appui dans le but de tenter de faire valoir certaines de leurs grandes préoccupations.

À l'époque, la question de l'heure était l'oléoduc de la Vallée du fleuve Mackenzie, suite à l'enquête Berger dans le Nord. Les Premières nations ont commencé à parler entre elles et à se dire qu'elles avaient l'impression d'avoir été contournées dans le processus de séances publiques de même que dans l'interprétation que le gouvernement fédéral faisait de leurs droits.

Depuis lors, le Projet Nord est devenu la Coalition des droits autochtones, et nous utilisons (Projet Nord) pour que ceux qui nous avaient connus sous ce nom nous reconnaissent dans ce plus grand organisme qu'est la coalition. À l'heure actuelle, nous avons des groupes en réseau partout au Canada, nous nous intéressons aux questions de portée nationale. Il y a également un organisme provincial qui a réuni des gens sur place.

Nous avons des convictions très profondes au sujet de la Loi sur les Indiens qui est une loi qui régit les communautés des Premières nations sans grande participation de leur part. Comme je l'ai dit au cours de mon exposé, c'est une arme à double tranchant. C'est actuellement la seule définition réelle que le gouvernement fédéral a des Premières nations et le ministère des Affaires indiennes s'en sert au niveau local dans ses unités administratives.

Traditionnellement, ces conseils ou postes étaient comblés surtout par des non-Autochtones ou l'agent des Affaires indiennes. Ce n'est que lentement et avec le temps que ces postes ont été transférés à des Autochtones au fur et à mesure que les communautés autochtones acquéraient les compétences nécessaires - qu'elles reconnaissent ou non que c'est ainsi qu'elles se voient.

Comme deux autres présentateurs des Premières nations vous l'ont dit, la formule d'un conseil de bande n'est pas nécessairement ce que veulent les conseils ou les bandes ou les communautés. La formule préconisée peut ou non ressembler à ce que nous connaissons comme conseil de bande ou administration de bande.

Plus particulièrement, en Colombie-Britannique, après les traités... la plupart des localités ne veulent vraiment pas être assujetties à la Loi sur les Indiens comme nous le montrent l'entente de principe et le traité qui sera signé incessamment avec les Nishgas.

On pourrait également utiliser la Loi sur les terres Sechelt comme modèle qui n'impose pas à une communauté d'être assujettie aux conditions et règles qui figurent dans la Loi sur les Indiens. Le peuple Sechelt n'a pas de traité, ce qui d'une certaine façon rend légitimes ses relations dans un contexte plus vaste tant avec le gouvernement fédéral qu'avec le gouvernement provincial.

En ce qui concerne le processus de consultation, il a en fait été très lent dans le cas de diverses poursuites... je songe à la première décision dans l'affaire Sparrow où, même s'il s'agissait essentiellement d'une question de ressource, on avait jugé qu'il s'agissait de l'obligation fiduciaire de la Couronne, par l'entremise du ministère des Pêches et des Océans, de tenir des consultations réelles avec les communautés des Premières nations sur le site, les besoins, les droits de même que sur les méthodes utilisées par les communautés en matière de pêche et de chasse, et il s'agissait aussi de déterminer qui serait délégué pour le faire.

.1515

Cette idée a trouvé confirmation dans l'affaire Delgamuukw c. le procureur général de la Colombie-Britannique et le procureur général du Canada. Ce fut également le cas dans l'affaire des trois «J». La consultation doit être réelle et se faire au niveau de la population, si on peut dire, et non pas nécessairement après le fait.

Il y a d'autres précédents aussi. Je n'ai noté que les plus grandes affaires, et peut-être les mieux connues, celles que l'on connaît au Parlement.

Le président: Y a-t-il d'autres membres qui veulent interroger les témoins?

Monsieur Hubbard.

M. Charles Hubbard: C'est une idée que je viens d'avoir, monsieur le président. Vous avez expliqué le rôle du comité dans cette affaire.

L'une des premières choses que notre comité examinera dans son examen des modifications proposées au projet de loi C-79, c'est le titre du projet de loi. Je constate que vous travaillez avec une coalition de nombreux groupes autochtones différents. Est-ce que le titre explique vraiment la relation de notre gouvernement fédéral avec les peuples indiens dans tout le pays lorsque l'on considère que de nombreux Indiens habitent hors réserve? Quel titre nous conseillez-vous au lieu de «Loi sur les Indiens»?

Mme Mills: La Loi sur les Indiens reflète sa nature coloniale. Je crois que ce serait préférable de ne pas se nommer.

Nous avons rencontré des représentants de Premières nations qui ne pouvaient pas se qualifier d'«Indiens». C'est vraiment plus général... Ces personnes viennent de collectivités précises, situées à des endroits précis, et qui ont une histoire particulière. En anglais, le terme Indian, qui est singulier... Les véritables Indiens ne se qualifient pas de singuliers. Ils se voient toujours comme membres d'une collectivité. Ainsi, si nous abandonnions une expression linguistique qui sous-entend un individu pour adopter un terme qui sous-entend la collectivité, ce serait probablement... Le rapport de la commission royale envisageait une «Loi sur les Premières nations» ou une loi qui tienne compte de la situation de la collectivité.

Le comité, en allant de l'avant et en examinant les amendements proposés sous la rubrique «Premières nations»... «Indiens» va à l'encontre de la direction que veulent prendre les communautés elles-mêmes et de ce que les personnes au sein de ces communautés veulent. On veut que les communautés gagnent en importance, non pas l'individu. Il y a des liens d'affiliation. Il y a des liens avec l'histoire. Il y a des liens avec leur situation géographique. Il y a des liens avec l'avenir, parce qu'on veut pouvoir regarder ses enfants et ses petits-enfants et leur dire: voici mon héritage ou voici ma position; je fais partie d'une communauté plus vaste.

Je pense que cela n'a jamais exclu l'ensemble de la population canadienne. En fait, vivre hors réserve n'est pas le plus important dans l'esprit d'un membre d'une communauté. L'important, c'est d'être associé et de participer à la vie de cette communauté. La réalité, c'est qu'il n'y a pas suffisamment de logements dans les réserves pour loger tout le monde, faute souvent de terrains pour construire des logements ou répondre aux besoins de la communauté.

.1520

Ainsi, nous avons créé une situation où les gens doivent s'exiler hors de la réserve afin de trouver de l'emploi, mais ils ne se dissocient pas de leur communauté une fois qu'ils ont quitté la réserve. En fait, dans leur esprit, par leur présence et leurs structures, ils continuent à faire partie de la communauté.

Ce serait beaucoup, mais il ne suffit pas de changer le nom d'un projet de loi qui ne répond pas nécessairement aux intérêts de la communauté et de la population. C'est au texte même de la loi que s'opposent la plupart des communautés des Premières nations.

Le président: Merci.

Monsieur Harper.

M. Elijah Harper: Tout d'abord, Dawn, je veux vous remercier de votre exposé. Je pense que vos propos nous seront des plus utiles.

Je connais la Coalition pour les droits des Autochtones. Mon association avec la coalition remonte même à 1978 et 1979. Lorsque j'étais chef de la Bande de Red Sucker Lake, j'ai travaillé en étroite collaboration avec les membres de la coalition sur plusieurs questions, et donc je vous connais très bien et je connais plusieurs de vos membres.

Je tenais à vous remercier de votre exposé. Je sais qu'ici en Colombie-Britannique il y a plusieurs questions à l'ordre du jour, notamment la Loi sur les Indiens.

Vous avez mentionné l'entente de principe nishga. Je pense que c'est ce qui s'approche le plus de la reconnaissance complète d'un peuple indien. On a reconnu que le peuple nishga - bien qu'il ne s'agisse que d'une entente de principe - n'était assujetti ni à la loi fédérale qu'est la Loi sur les Indiens ni aux lois provinciales. D'une certaine façon, on admet ainsi l'existence d'un autre palier de gouvernement dans notre pays. Cette reconnaissance a beaucoup tardé, des centaines d'années. Nous avançons lentement, trop lentement.

Toutefois, je pense que c'est le genre de choses qui encourageront les gens à participer à ce processus. Je tenais à vous le souligner afin de vous remercier de votre exposé. Merci.

Mme Mills: Merci. Le comité a consacré un certain temps à l'examen de la Loi sur les Indiens et aux changements qui y sont proposés dans l'optique de ce que les peuples des Premières nations y voient et en comprennent. Merci.

Le président: J'ai l'impression d'avoir perdu le contrôle ici. Aviez-vous une question à poser?

M. Elijah Harper: Non, non. Je voulais simplement la remercier de son exposé et reconnaître sa présence ici. C'est tout.

Le président: Merci beaucoup. Je tiens moi aussi à vous remercier infiniment de votre exposé.

Maintenant, mesdames et messieurs les membres du comité, nous allons nous arrêter jusqu'à16 h 20 en attendant la chef Marilyn Belleau. Nous nous arrêtons jusqu'à cette heure-là.

.1523

.1622

Le président: Nous reprenons nos travaux.

Nous sommes heureux d'accueillir, de la Bande indienne de Neskonlith, le chef Arthur Manuel, et du Conseil tribal de la nation shuswape, toujours le chef Arthur Manuel, et le directeur des affaires intergouvernementales, Wayne Haimila.

Je vous souhaite la bienvenue à cette séance télévisée du comité, où vous êtes le point de mire. Nous voulons vous remercier d'avoir accepté de nous faire un exposé aujourd'hui.

Normalement, vous disposez de 40 minutes. Nous avons maintenant jusqu'à 80 minutes. S'il vous faut ce temps, il est à votre disposition. Nous allons nous assurer que chacun aura la chance de dire quelque chose. Nous vous remercions aussi de prévoir suffisamment de temps pour que les membres du comité puissent vous interroger.

Vous pouvez commencer lorsque vous serez prêts.

Le chef Arthur Manuel (Bande indienne de Neskonlith; Conseil tribal de la nation shuswape): Merci, monsieur le président.

Bonjour, mesdames et messieurs les députés.

Je suppose que nous devrions nous considérer comme très heureux de disposer, à des moments comme celui-ci, des merveilles de la technologie moderne; toutefois, je dois dire que cette vidéoconférence organisée tout spécialement ne serait pas nécessaire si ce n'était l'empressement démesuré dont on fait preuve pour adopter ce projet de loi malavisé.

Nous nous attendions, d'après ce qu'avait dit le ministre des Affaires indiennes, à avoir le temps et l'occasion d'examiner à fond les dispositions de ce projet de loi. Nous nous attendions à ce que l'on nous accorde le respect et la considération que nous doit le Parlement du Canada lorsqu'il envisage l'adoption d'un projet de loi qui aura des conséquences graves pour nos vies. Nous avions pensé que les membres du comité se rendraient sur notre territoire et s'assoiraient avec nous - nos chefs, nos conseils et notre peuple - afin de discuter à fond des mérites ou des lacunes de ce projet de loi, article par article et face à face.

Nous avons de très grandes craintes en ce qui concerne ce processus législatif abrégé de façon ridicule que l'on nous impose. Dans les quelques minutes qui nous sont allouées, il nous sera impossible de traiter des incidences éventuelles de ce projet de loi, article par article. Je vais tout de même faire des commentaires sur une disposition ou deux, mais je ne saurais rendre justice aux questions qui ont une si grande importance pour nos communautés et nos peuples en considérant ces dispositions hors du contexte de leur adoption et de leur entrée en vigueur.

.1625

Cette loi doit être interprétée à tout le moins dans le contexte de la Loi sur les Indiens, de la Loi constitutionnelle, du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale des Autochtones, droit que le gouvernement du Canada reconnaît censément, et, ce qui ne fait aucun doute, dans le contexte du rapport qu'a publié récemment la Commission royale sur les peuples autochtones.

Le fait que le ministre des Affaires indiennes ait décidé de faire adopter au plus vite le projet de loi malgré l'opposition générale qu'il suscite chez la grande majorité des dirigeants des Premières nations, comme vous l'a bien fait savoir l'Assemblée des premières nations, montre bien que le paternalisme qui a marqué notre relation passée avec le gouvernement du Canada continue de sous-tendre la politique gouvernementale officielle.

L'actuel ministre des Affaires indiennes n'a pas le moindre respect pour les institutions des Premières nations ni pour les opinions de leurs dirigeants, à moins que celles-ci ne coïncident avec les siennes ou celles de ses fonctionnaires.

Je crois comprendre que le ministre a clairement exposé la semaine dernière devant ce comité sa conception paternaliste des relations entre les Premières nations et le Canada lorsqu'il a classé les dirigeants des Premières nations en trois catégories, et je vais maintenant paraphraser ce qu'il a dit: ceux qui ont les capacités, les compétences et le sens des responsabilités, et qui, je suppose, sont prêts à appuyer ce projet de loi; ceux qui n'ont pas ces aptitudes, mais qui sont suffisamment futés pour savoir lesquels parmi eux sont prêts à aller de l'avant; et, enfin, ceux qui vivent dans le passé et qui sont essentiellement rétrogrades. Le ministre a dit des dirigeants de ce dernier groupe qu'ils s'accrochaient aveuglément à la Loi sur les Indiens.

Lorsque j'ai été élu chef de ma communauté, on ne m'a pas confié le mandat d'obtenir la modification de la Loi sur les Indiens. Les problèmes auxquels est confrontée ma communauté - la pauvreté, le chômage et le manque de perspectives d'avenir - ne sont pas avant tout attribuables à la Loi sur les Indiens. En effet, il est surtout question dans cette loi de l'administration des terres des réserves.

Les problèmes auxquels fait face ma communauté ne sont pas seulement liés à l'administration des 6 700 acres de notre réserve. La véritable source de ces problèmes est le fait que ces 6 700 acres de terre ne suffisent absolument pas à répondre à nos besoins, ce qui explique l'âpre pauvreté dans laquelle vit continuellement mon peuple ainsi que l'absence de perspectives d'avenir qui est son lot.

Pour régler nos problèmes, il nous faut d'abord régler nos revendications territoriales, et c'est d'ailleurs ce que nous nous sommes fixé comme objectif. À l'heure actuelle, il ne serait pas logique que nous réclamions d'autres pouvoirs que ceux qui nous sont conférés actuellement par la Loi sur les Indiens. Nous n'avons pas besoin de nouveaux pouvoirs pour administrer notre pauvreté.

Les lettres que le ministre a fait parvenir à ma communauté et à mon conseil au sujet de son initiative législative n'ont presque pas suscité d'intérêt. Je comprends l'intérêt que peuvent présenter ces modifications pour les bandes indiennes dont les terres ont une réelle valeur économique, mais ces modifications ne devraient pas résulter de consultations tenues avec des groupes choisis seulement, comme semble le croire le ministre.

Certains d'entre vous se souviennent peut-être que la dernière fois que des changements importants ont été apportés à la Loi sur les Indiens, c'était en 1988, lors de l'adoption du projet de loi C-115, si je ne m'abuse. On a appelé ces modifications les Modifications de Kamloops. Les changements alors apportés à la Loi sur les Indiens avaient été réclamés par la Bande indienne de Kamloops, appartenant à la nation shuswape, et notamment par le chef de la bande, Manny Jules, et son conseil.

Les modifications de 1988 revêtaient une grande importance pour cette bande indienne ainsi que d'autres bandes se trouvant dans la même situation. Ces modifications remettaient aux communautés des Premières nations d'importantes ressources fiscales qui jusque-là appartenaient aux instances provinciales chargées de percevoir les impôts sur les propriétés foncières, instances dont la compétence s'appliquait sur les terres indiennes.

.1630

Le chef Jules a discuté de la question à plusieurs reprises au fil des ans avec les dirigeants des Premières nations de tout le pays, lesquels ont ensuite appuyé ses efforts en vue d'obtenir des changements à la Loi sur les Indiens. À l'issue des efforts déployés par le chef Jules et son conseil, environ 150 résolutions ont été adoptées par les conseils de bande et transmises ensuite à l'Assemblée des premières nations et au ministre des Affaires indiennes. Le chef Jules a demandé et obtenu l'appui de l'Assemblée des premières nations pour les changements qu'il réclamait à la Loi sur les Indiens, et la résolution présentée en ce sens a été débattue par les chefs de notre assemblée. Les modifications législatives elles-mêmes ont été mises au point en consultation étroite avec leurs partisans parmi les Premières nations.

On ne peut mettre en doute, monsieur le président, la légitimité de ce processus législatif, puisque les dirigeants des Premières nations en ont été les instigateurs et qu'il a été débattu et appuyé par les institutions politiques que nous nous sommes données. Ce processus ne se compare absolument pas au processus qui a mené à la présentation du projet de loi C-79. L'Assemblée des premières nations a donc clairement démontré par le passé qu'elle peut jouer un rôle positif dans le cadre du processus législatif et d'autres processus ayant une incidence sur les relations entre les Premières nations et le gouvernement du Canada.

Les institutions politiques des Premières nations ne peuvent cependant continuer à jouer ce rôle positif que si elles jouissent du respect des ministres de la Couronne. Le ministre ne devrait jamais se permettre d'attaquer et de dénigrer nos organismes nationaux.

La Bande indienne de Neskonlith appuie pleinement la position exposée devant ce comité par l'Assemblée des premières nations. Loin de faire fi de son mandat, notre chef national l'a scrupuleusement respecté en ne cédant pas aux pressions exercées sur lui pour qu'il appuie les initiatives législatives que veut nous imposer le ministre des Affaires indiennes.

Notre chef national tire son mandat des chefs et de l'assemblée, et ceux-ci n'ont pas approuvé les modifications fragmentaires proposées à la Loi sur les Indiens. De toute évidence, le ministre ne comprend pas le processus politique des Premières nations et voudrait que ses priorités coïncident avec le mandat de notre organisme national.

Voici maintenant quelques brèves observations au sujet des dispositions du projet de loi.

Le ministre insiste beaucoup sur la nature facultative de cette mesure législative, mais il s'agit d'un processus à sens unique qui présente un grand danger pour les Premières nations. S'il faut en croire le ministre, aucune sanction ne sera prise contre les communautés autochtones qui décideront de se soustraire au nouveau régime et aucune récompense ne sera accordée à celles qui décideront de l'adopter, mais il n'en demeure pas moins que le ministère des Affaires indiennes dispose des moyens, du pouvoir et des ressources voulus pour exercer des pressions indues sur nos communautés si les fonctionnaires du ministère jugent que c'est dans leur intérêt de le faire.

Par ailleurs, les communautés comme la mienne, celle de la Bande indienne de Neskonlith, qui tire 96 p. 100 de ses revenus des transferts fédéraux, sont extrêmement vulnérables à ces pressions, étant donné que les fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes se sont activés à établir l'ordre du jour des discussions visant à redéfinir les relations entre le gouvernement fédéral et les Premières nations, et compte tenu du fait qu'il suffit au conseil de bande d'adopter une résolution pour que la communauté adhère au nouveau régime. Cette situation nous préoccupe d'autant plus que cette décision sera irréversible.

Par contraste, le projet de loi impose des exigences beaucoup plus élevées aux Premières nations pour ce qui est de l'adoption des règlements touchant les élections et la désignation des terres, et les Premières nations devront même tenir des plébiscites ou des référendums. À notre avis, il conviendrait de resserrer les conditions fixées pour adhérer au régime prévu dans le cadre de ce projet de loi, dont la portée et le fondement sont controversés, étant donné sa nature irréversible. Le fait que ces conditions ne soient pas très rigoureuses confirme le doute que j'entretiens selon lequel le ministre et le ministère des Affaires indiennes voudraient amener les bandes à tomber facilement dans ce piège.

Le Parlement du Canada et ce comité en particulier ont le devoir de s'assurer que les projets de loi qui lui leur sont déférés ne portent pas atteinte aux droits qui sont conférés aux Premières nations par l'article 35 de la Loi constitutionnelle. Au nombre de ceux-ci figure le droit à l'autonomie gouvernementale dans son sens le plus large, droit que le gouvernement a d'ailleurs reconnu publiquement.

.1635

Ce projet de loi est une tentative à peine voilée d'amener les communautés des Premières nations à accepter des pouvoirs délégués affaiblis. L'acceptation de pouvoirs délégués affaiblis, nonobstant le fait qu'il doit s'agir de pouvoirs provisoires en attendant l'issue des négociations portant sur les droits inhérents, pourra être considérée comme l'exercice de ces droits inhérents. Le gouvernement fédéral n'aura qu'à mettre fin aux négociations portant sur les droits inhérents pour que les Premières nations ayant opté pour le nouveau régime se trouvent dans une impasse.

On me rétorquera que la disposition de non-dérogation prévue dans le projet de loi vise justement à calmer les inquiétudes que je viens d'exprimer. Or, il n'est question dans cette disposition que de la Loi sur les Indiens, et non pas de la Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens elle-même.

Le comité a le devoir très net de ne pas s'en tenir aux déclarations du ministre et d'étudier ce projet de loi en tenant compte du contexte global dans lequel il se situe. Il est d'ailleurs tenu de le faire par la Constitution du Canada.

Je tiens à affirmer, au nom de ma communauté et de ma nation, que nous nous élevons contre ce projet de loi ainsi que contre tout processus qui va dans le sens des visées assimilatrices du ministre des Affaires indiennes et de son ministère.

Nous ne vivons pas dans le passé et nous ne nous agrippons pas non plus à la Loi sur les Indiens. Nous pressons le comité de recommander à la Chambre des communes le retrait de ce projet de loi malavisé et de presser le gouvernement de réévaluer son approche des consultations portant sur les modifications proposées à la Loi sur les Indiens pour qu'elles reflètent de véritables relations bilatérales de nation à nation et de gouvernement à gouvernement. Je vous remercie.

Le président: Monsieur Wayne Haimila, pourriez-vous maintenant faire votre exposé?

M. Wayne Haimila (directeur, Affaires intergouvernementales, Conseil tribal de la nation shuswape): Je vous remercie, monsieur le président. Bonjour.

Le Conseil tribal de la nation shuswape représente les bandes de Adams Lake, Bonaparte, High Bar, Kamloops, Neskonlith, North Thompson, Skeetchestn et Whispering Pines.

Voici la résolution adoptée le 4 décembre 1996 par les chefs du Conseil tribal de la nation shuswape:

La résolution de l'Assemblée des premières nations fait notamment état du fait que la modification de la Loi sur les Indiens ne constitue pas une priorité pour les Premières nations. Notre conseil rejette le processus par lequel le ministre des Affaires indiennes a proposé la mesure législative dont vous êtes saisis et qui s'intitule Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens.

La résolution de l'Assemblée des premières nations réclamait la tenue de discussions bilatérales avec le gouvernement du Canada sur les priorités des Premières nations, et notamment sur la mise en oeuvre des droits autochtones inhérents ainsi que des droits issus des traités. En outre, la résolution de l'APN a créé un comité de chefs devant proposer un processus plus approprié et devant oeuvrer à empêcher l'adoption unilatérale de ce projet de loi.

Il est évident que le Parlement du Canada compte ne pas tenir compte du tout de la volonté des dirigeants des Premières nations, dans la mesure où l'appareil exécutif est prêt à recourir à des manoeuvres, comme ces audiences de comité écourtées.

Le Conseil tribal de la nation shuswape n'a pas eu le temps ni les ressources voulus pour étudier convenablement le projet de loi qui nous est soumis. Il nous est cependant bien évident que ce projet de loi ne reflète pas les priorités de nos chefs et de nos communautés.

Pour les communautés shuswapes, la question prioritaire est le règlement des revendications territoriales. Cette question constitue notre priorité depuis toujours. En 1910, les chefs shuswaps et les dirigeants des nations avoisinantes ont présenté un mémoire au premier ministre de l'époque, Sir Wilfrid Laurier. Les priorités actuelles des dirigeants de la communauté shuswape sont toujours celles qui sont exposées dans ce mémoire. Nous réclamons la négociation d'un traité en vue de régler les revendications territoriales ainsi que toutes les questions importantes se rapportant aux relations entre le gouvernement du Canada et la nation shuswape qui demeurent en suspens, comme la question de l'administration des terres. Nous réclamons l'établissement d'une relation d'égal à égal et de nation à nation fondée sur le respect mutuel.

.1640

La Loi sur les Indiens est une loi désuète qui repose sur la notion fausse de supériorité raciale à laquelle le gouvernement a recours pour justifier son ingérence dans les affaires des Premières nations et les efforts qu'il déploie pour supprimer les institutions des Premières nations. En continuant de la retoucher, on ne fait que permettre au gouvernement du Canada de continuer à s'en servir à ses fins. On ne fait ainsi que maintenir nos peuples sous un joug inacceptable. Le temps est venu de cesser de retoucher ces instruments d'assimilation et de colonisation.

Il est évident que le ministre des Affaires indiennes tient à ce que ce projet de loi soit adopté à tout prix. Plus il s'écoulera de temps avant que nos peuples soient libérés de ces instruments coloniaux, plus cela coûtera cher à nos peuples eux-mêmes ainsi qu'au Canada. Ce projet de loi ne reflète en rien les désirs du peuple shuswap et ne s'approche même pas des objectifs qu'il poursuit. Ce projet de loi ne fait que refléter les priorités du ministre lui-même, du ministère des Affaires indiennes ainsi que du gouvernement et du Parlement du Canada. En fait, ce projet de loi fait reculer l'horizon de l'autonomie gouvernementale du futur immédiat à un futur éloigné.

De nombreuses communautés des Premières nations de la Colombie-Britannique se préoccupent du processus de la Commission des traités. Voilà donc pourquoi ce projet de loi ne les intéresse pas beaucoup. Elles ont sans doute l'impression fausse qu'elles pourront conclure des ententes d'autonomie gouvernementale qui ne seront pas assujetties à cette loi. Or, les négociateurs fédéraux n'ont pas le mandat de reconnaître les droits inhérents ou les droits à l'autonomie gouvernementale inscrits dans la Constitution. Par conséquent, seuls les pouvoirs délégués envisagés dans ce projet de loi pourront être conférés à une nation autochtone dans le cadre d'un accord d'autonomie gouvernementale, ce qui repousse encore la concrétisation du droit à l'autonomie gouvernementale.

Le gouvernement du Canada a l'obligation fiduciaire envers les Premières nations de s'assurer qu'il n'adopte pas des lois portant atteinte à leurs droits constitutionnels. Le Parlement doit à cet égard tenir compte des dispositions de la Constitution du Canada, et notamment de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Il convient de tenir compte, dans l'étude de ce projet de loi, du droit inhérent des Autochtones à l'autonomie gouvernementale, droit que le gouvernement du Canada reconnaît censément. La question qu'il convient de se poser est de savoir si ce projet de loi reflète ce droit inhérent. Nous croyons que ce n'est pas le cas et qu'il ne fait que perpétuer l'héritage colonial de la Loi sur les Indiens.

Il incombe à ce comité de s'assurer que la Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens ne porte pas atteinte aux droits constitutionnels des peuples indiens. Au lieu de perpétuer le legs de la Loi sur les Indiens, il convient d'établir entre les Autochtones et le gouvernement du Canada une relation nouvelle, de cesser de remanier la Loi sur les Indiens, qui a des relents de colonialisme, et de remplacer le ministère des Affaires indiennes et la Loi sur les Indiens par une nouvelle loi et un nouveau ministère qui refléteraient le droit inhérent des Premières nations à l'autonomie gouvernementale. Il serait normal, à cet égard, de considérer comme un point de départ sérieux le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones qui a été remis au Parlement. Nous pressons le comité de recommander le retrait du projet de loi C-79.

Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie beaucoup de votre exposé.

J'ouvre maintenant la période des questions. Qui va poser la première question?

.1645

[Français]

M. Claude Bachand: Monsieur Manuel, je vous remercie de votre présentation. Je suis allé à plusieurs reprises en Colombie-Britannique rencontrer les Premières Nations. Malheureusement, je n'ai jamais eu le plaisir de vous rencontrer, mais soyez assuré que je vous écrirai pour essayer de faire en sorte que je puisse vous rencontrer la prochaine fois que je m'y rendrai. Vous avez fait une excellente présentation et vous avez bien su représenter votre Première Nation.

Il me semble clair que vous vous opposez au projet de loi C-79. La position du Bloc québécois est similaire à la vôtre.

Vous n'avez pas fait mention de la Commission des traités de la Colombie-britannique, mais vous avez mentionné qu'il fallait régler la question des terres et des revendications territoriales d'abord. Je sais que c'est ce à quoi s'affaire une commission en Colombie-Britannique et j'ignore si votre communauté en fait partie. À votre avis, le projet de loi C-79 a-t-il des effets négatifs sur la Commission des traités de la Colombie-Britannique?

Elle est en train de faire des choses intéressantes. Entre Noël et le Jour de l'An dernier, je suis allé rencontrer un des six commissaires et j'ai appris qu'il y a six étapes qui conduisent à un règlement final. Plusieurs communautés se sont inscrites et elles progressent très bien. N'est-ce pas finalement la solution pour s'en sortir? La commission n'est-elle pas en train de regarder la façon dont les Premières Nations de la Colombie-Britannique pourront s'en sortir? Cette approche n'est-elle pas préférable à un projet de loi qui modifierait une loi vieille de 100 ans?

Votre communauté s'est-elle inscrite auprès de la Commission des traités de la Colombie-Britannique et est-ce pour vous une solution préférable à un projet de loi qui modifierait la Loi sur les Indiens actuelle, qui est vétuste?

[Traduction]

Le chef Manuel: La Bande de Neskonlith ne participe pas au processus de la Commission des traités de la Colombie-Britannique. Toutes les bandes du Conseil tribal de la nation shuswape ont examiné le processus, dont elles déplorent les nombreuses lacunes.

Ainsi, le processus a encore comme objectif de mettre fin aux titres autochtones, ce à quoi nous nous opposons.

Nous nous opposons également à ce que le processus prévoie que les bandes empruntent de l'argent pour effectuer les recherches sur lesquelles doivent se fonder leurs négociations. Cette façon de procéder revient pour nous à mettre en péril nos droits fonciers, parce qu'il faut hypothéquer ces terres. À mesure que les factures s'amoncellent, il devient de plus en plus difficile de ne pas céder aux pressions qui s'exercent en vue de vous amener à conclure une entente à tout prix. Nous nous opposons donc à ce processus.

Nous réclamons cependant des changements à ce processus, ou nous demandons qu'il soit changé et remplacé par un processus qui permettra de vraiment régler le problème des terres.

Le territoire est l'assise de tout gouvernement, et dans une réserve indienne comme la mienne, qui s'étend sur 6 700 acres, dont une partie est à flanc de montagne, les terres n'ont jamais suffi à répondre à nos besoins. D'après certaines études, les ressources naturelles des réserves indiennes étaient déjà épuisées dès 1900. Les réserves indiennes de la taille d'un timbre-poste que nous connaissons à l'heure actuelle ne suffisent donc plus depuis 100 ans à répondre aux besoins de leurs populations. C'est une véritable parodie de la justice.

.1650

Nous, les Premières nations, les premiers habitants de cette terre, avons vu nos terres réduites à 6 700 acres. Cette superficie ne suffit pas pour survivre. Nous ne pouvons pas bâtir un gouvernement indépendant et autonome sur une telle assise territoriale. C'est tout simplement impossible. Personne ne peut le faire. Même les gens les plus doués ne le pourraient pas. Il est extrêmement difficile pour nous, une population de 500 personnes environ, de pouvoir y arriver sur cette terre.

Ainsi, on aura beau tenter de modifier ou de rafistoler la Loi sur les Indiens, s'il n'y a pas de règlement de la question des terres, rien ne va venir modifier la problématique sociale de notre collectivité ou améliorer notre sort.

Le gouvernement doit régler cette question. Voilà la position qu'ont adoptée nos anciens dans le passé au sujet de la modification de la Loi sur les Indiens. Ils ont toujours dit que nous ne souhaitons pas modifier la Loi sur les Indiens. Nous voulons tout d'abord régler la question du territoire, et ensuite nous aborderons la question du mode de gestion en temps opportun.

Modifier la Loi sur les Indiens à l'heure actuelle, c'est modifier une série de rapports juridiques dont nous, Indiens, ne comprenons pas nécessairement toutes les répercussions, surtout à un moment où le gouvernement fédéral a pour politique de parler résolument d'administration dans l'optique de l'administration municipale et du gouvernement de bande.

Il ne faut pas perdre de vue que la Bande indienne de Neskonlith est une créature de la politique coloniale. Les bandes indiennes, la Loi sur les Indiens, tout ce système a été établi pour détruire la nation shuswape, la totalité du peuple shuswap, et d'amener les Indiens à voir petit, à se voir comme de petites bandes sur de petites parcelles de terre, de manière à ce que le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral puissent exploiter tout le territoire entre les petites parcelles réservées aux Indiens. En prenant comme point de départ le système de la bande indienne, en tentant de l'adapter et de le modifier, on ne fait que perpétuer le problème de fond.

Nous devons repenser l'ensemble de nos rapports, non pas dans l'optique des bandes indiennes et du gouvernement fédéral, mais dans celle de la nation shuswape et du gouvernement fédéral. En tant que nation shuswape, nous devons réfléchir à une assise territoriale et à un système de gouvernement qui ne soient pas fondés sur le modèle municipal.

Ce n'est pas aux villes de Québec, de Montréal, de Rouyn-Noranda ou de Val-d'Or qu'on donne la responsabilité de protéger l'identité française. Ce ne sont pas ces administrations-là qui protègent l'intégrité de la langue française et de la culture française. Nous ne devrions pas le faire non plus dans le cas des bandes indiennes - c'est-à-dire nous attendre à ce que notre culture et notre langue soient protégées par la Bande de Neskonlith.

Il nous faut la reconnaissance de notre entité nationale, organique, et la compréhension du fait que c'est avec la nation que le Canada établit un rapport. Vous avez un rapport avec le peuple shuswap en tant que collectivité. Ce n'est que par la collectivité - grâce à l'ensemble des Shuswaps qui forment la nation shuswape - que nous aurons la force et les ressources nécessaires pour faire en sorte que notre identité comme Shuswaps se développe de façon constructive et fasse partie d'une identité canadienne vigoureuse. Voilà ce que nous envisageons.

.1655

Nous ne sommes pas d'accord non plus avec l'idée d'une Commission des traités, puisqu'elle correspond à un processus ayant la bande comme point de départ. Je serais considéré comme faisant partie de la Première nation de Neskonlith. Or, Neskonlith n'est pas une Première nation. C'est la nation shuswape qui est une Première nation. Si nous nous considérons encore comme une bande, la Bande ou la Tribu de Neskonlith, c'est que l'appellation provient de notre premier chef, qui a conclu une entente. C'était lui le chef au cours des années 1860. La bande tient son nom du chef Neskonlith. Cependant, il n'était pas lui-même une Première nation.

Je crois que le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial s'approprient certaines expressions que nous, les Indiens, tâchons de définir, des expressions comme «autonomie gouvernementale», «droit inhérent à l'autonomie gouvernementale» et «Première nation», et tentent de les redéfinir dans l'optique de leurs politiques assimilatrices.

Puis, ces mêmes gouvernements laissent entendre au public qu'ils sont à l'écoute des Indiens et que, même s'ils font exactement ce que souhaitent les Indiens, ces derniers rejettent leurs propositions. Les gouvernements agissent de la sorte à l'égard des Indiens et du public pour tenter de monter le public contre nous et de nous faire passer pour des imbéciles. Voilà quelle est l'attitude des gouvernements à l'égard des Premières nations.

Nous devons penser en termes de traités et de rapports de nation à nation, de rapports entre la nation shuswape dans son ensemble et le gouvernement du Canada. C'est par là qu'il faut commencer. Alors, lorsque nous aurons réglé la question du territoire, nous pourrons régler celles qui ont rapport au mode de gouvernement, puisque les questions relatives au mode de gouvernement dépendront de l'étendue de territoire que nous réussirons à récupérer.

À l'heure actuelle, par exemple, je crois que le gouvernement fédéral est obligé de nous fournir des services médicaux, des services d'enseignement et un ensemble d'autres services parce que nous n'avons pas l'assise territoriale qui nous permettrait d'assurer nous-mêmes ces services. Nous n'avons pas le poisson. Nous n'avons pas l'eau.

Or, si l'entente négociée portant sur le territoire nous assure une assise territoriale qui permet de fournir ce genre de services, alors il sera reconnu dans l'accord de nation à nation conclu entre nous que notre territoire permet d'offrir des soins de santé à 6 000 ou 7 000 personnes, qu'il existe des ressources forestières et minières suffisantes, que nous pourrons être autonomes en matière de soins de santé et que nous pourrons peut-être l'être à 40 p. 100 en matière d'éducation.

Ainsi, l'accord relatif au mode de gouvernement sera fonction de l'accord en matière de territoire. En effet, si le territoire est très restreint, le gouvernement devra continuer à fournir une aide importante - à perpétuité - en matière de soins de santé, d'éducation, de logement et d'autres services qui ne peuvent être garantis en l'absence d'une assise territoriale suffisante.

On ne peut donc pas parler de régime gouvernemental sans parler de territoire, sinon on ne fait qu'en parler de façon abstraite. Les discussions ne peuvent être qu'hypothétiques et sans substance. Je ne suis pas prêt à tomber dans le piège qui consisterait à accepter des responsabilités et des compétences par rapport à une assise territoriale qui pourrait rester la même. Ce serait bien mal servir mon peuple.

Le président: Merci.

Y a-t-il d'autres questions de la part des députés? Monsieur Steckle.

M. Paul Steckle (Huron - Bruce, Lib.): Oui, monsieur le président.

Je suis un député de l'Ontario.

Ma question porte sur la possibilité de choisir le nouveau régime et, bien entendu, l'impossibilité de revenir en arrière. En septembre 1996, on a proposé un ensemble de modifications à la Loi sur les Indiens qui auraient visé l'ensemble des Premières nations, au lieu de proposer des changements moins globaux et moins optimaux, comme c'est le cas pour le projet de loi C-79... D'après le libellé actuel du projet de loi, ce sont les conseils des Premières nations qui auraient le pouvoir d'adopter de telles modifications. Or, l'Assemblée des premières nations a laissé entendre que, dans la pratique, il se peut que les Premières nations soient obligées de choisir les modifications.

.1700

Dans la mesure où les programmes et les politiques du gouvernement fédéral fournissent des mesures d'encouragement aux bandes qui choisissent d'adopter les modifications, que pensez-vous de la liberté de choix qui est offerte dans le cadre du projet de loi C-79? Également, votre conseil a-t-il été consulté à ce sujet? C'était ma première question.

Auriez-vous également un commentaire à faire au sujet de l'absence de mécanisme de retrait dans le projet de loi C-79?

Le chef Manuel: Il y a un aspect qui éveille mes soupçons...

Commençons par le commencement. Le ministère des Affaires indiennes est probablement le ministère du gouvernement fédéral dont on se méfie le plus. C'est ce que je pense à titre de chef et de dirigeant qui doit traiter quotidiennement avec ce ministère. Ce ministère nous a toujours causé de petits problèmes.

Mon père a été chef de notre réserve et a eu les mêmes problèmes. Il est maintenant décédé. Avec le ministère des Affaires indiennes, nous avons toujours eu de tels problèmes. La Commission royale sur les peuples autochtones en fait très bien l'historique et aboutit essentiellement à la conclusion que le ministère des Affaires indiennes a véritablement troublé et compromis les relations entre les Premières nations et le gouvernement.

Voilà ce qui me vient à l'esprit, dans mon for intérieur, lorsqu'il est question du ministère des Affaires indiennes. Il importe que vous le sachiez. Aussi bien sur le plan émotif que sur le plan psychologique, je suis passablement méfiant.

Je ne suis pas paranoïaque, puisque le paranoïaque ne fait que s'imaginer que quelqu'un lui en veut. Or, dans le cas de ce ministère, il nous en veut vraiment. Ses fonctionnaires cherchent vraiment à tirer les ficelles. Je ne suis donc ni paranoïaque, ni tourné vers le passé. Je dois composer, aujourd'hui, avec des problèmes qui ont été créés par le ministère. Je dois trouver des solutions, et ce ministère ne me donne pas l'aide dont j'aurais besoin. Voilà comment les choses se passent tous les jours.

Je constate que certains de mes jeunes de la réserve souffrent véritablement du phénomène de la violence familiale - dont la cause remonte peut-être au pensionnat indien de Kamloops - et je dois m'efforcer de résoudre ce problème...

Prenons le cas d'un jeune de 10 ans qui fréquente l'école publique, qui est en grave difficulté avec son professeur et avec l'école d'une façon générale. Supposons qu'il a été mis à la porte. Je tente pour ma part de trouver les solutions qui permettront à cette jeune personne de retomber sur ses deux pieds et de devenir autonome. Or, à cet égard, je n'ai aucune aide du gouvernement fédéral ou du ministère des Affaires indiennes, et lorsque j'ai devant moi une jeune personne et que je me sens tout à fait impuissant à composer avec les séquelles tragiques de notre histoire, il me vient une grande acrimonie à l'égard du ministère.

Lorsque je prétends que le ministère des Affaires indiennes ne comprend pas les problèmes et ne comprend pas non plus les solutions que je m'efforce de trouver, à titre de chef, c'est avec le plus grand sérieux que je le fais. Je ne vis pas dans le passé. Je parle de problèmes qui surviennent tous les jours. Sur ma réserve, il y a environ huit enfants qui sont en difficulté. Je parle chaque jour au directeur de Chase, M. Kipp, de l'école Haldane, et il s'agit de cas qui concernent de tout jeunes enfants.

Mes problèmes sont très concrets et très quotidiens. Je n'ai pas tellement l'occasion de revenir sur le passé. Mais ce sont des problèmes créés par les anciennes politiques du ministère des Affaires indiennes. Je vis aujourd'hui avec l'héritage du passé. Je m'efforce de trouver des solutions aux problèmes pour que les gens aient une vie meilleure à l'avenir.

Vous pouvez donc imaginer mon scepticisme lorsque le gouvernement fédéral nous demande de lui faire confiance et nous propose une série de modifications à la Loi sur les Indiens. Il ne faut pas perdre de vue non plus que, lorsqu'elles ont été proposées au départ, ces modifications n'étaient pas facultatives. Elles étaient obligatoires. Elles auraient été obligatoires si les Indiens et leurs chefs ne s'y étaient pas opposés.

Ainsi, dans leur grande sagesse, les fonctionnaires s'étaient imaginé, en mon nom et au nom de ces jeunes dont je vous ai parlé, qu'ils avaient la solution, qu'ils avaient formulé les dispositions législatives qui allaient améliorer le sort de notre communauté. Leur plan leur paraissait tellement valable qu'ils pensaient le rendre obligatoire. Il a fallu que les chefs, par le truchement de l'Assemblée des premières nations, rejettent l'ensemble des mesures pour que le ministère propose de les rendre facultatives. Je ne pense donc pas qu'il faille s'imaginer que les fonctionnaires ont changé d'idée au sujet des dispositions contenues dans ce projet de loi facultatif.

.1705

Ils sont vraiment convaincus que ces mesures sont bonnes pour nous. À relire le discours du ministre, je l'ai trouvé fort paternaliste. Essentiellement, il disait que les Indiens, arriérés comme ils le sont, ne savent même pas, en réalité, ce qui est bon pour eux et que lui, il allait faire un effort pour leur venir en aide. Et pour que son projet devienne loi, il va le rendre facultatif. Il sait fort bien que, tôt ou tard, toutes les bandes du Canada vont rentrer dans le rang.

Lorsque je traite avec le ministère des Affaires indiennes, en tant que chef, je sais que je le fais toujours en étant en position d'impuissance. Dans quelques jours, nous allons commencer avec le ministère des Affaires indiennes ce que ses fonctionnaires appellent le processus de négociation budgétaire. C'est vraiment une farce que de parler de «négociations», puisqu'ils ne négocient pas du tout avec nous. Ils viennent nous rencontrer et nous montrent des chiffres. Lorsqu'ils me disent que c'est tout ce dont je vais disposer pour l'année, je n'ai pas le choix. En tant que chef, je ne suis pas en mesure de négocier à la hausse. Je pourrais peut-être négocier à la baisse, mais certainement pas à la hausse par rapport aux chiffres qu'ils proposent.

Je suis donc obligé de signer sur la ligne pointillée du budget de 1997-1998, que je sois d'accord ou non. C'est ce que je vais faire dans quelques jours. En tant que chef, je suis toujours coincé dans ce genre de situation. Autrement dit, le ministère des Affaires indiennes a un pouvoir considérable.

Prenons le cas du logement-témoin. Le gouvernement fédéral nous a proposé récemment ce nouveau programme de logement-témoin. Si j'y participe, me dit-on, je recevrai un certain nombre de dollars. Je devrais agir de telle ou telle façon, et effectuer telle ou telle démarche administrative. Si je respecte les exigences, je recevrai une somme d'argent supplémentaire.

Or, les chefs sont souvent coincés dans ce genre de situation et, compte tenu de notre très grande dépendance à l'égard du ministère des Affaires indiennes, bon nombre de chefs n'ont pas d'autre choix que de céder à ce genre de contrainte et de pression.

Lorsque l'on considère le pouvoir des uns et l'impuissance des autres - il suffit de penser à des cas très pratiques et concrets - le droit de retrait dont on parle peut difficilement être pris au sérieux. Lorsque les gens du ministère ont commencé à parler de nouvel ordre de priorité et de réaffectation des budgets au sein du ministère et lorsqu'ils vont se mettre à affecter des sommes selon les dispositions facultatives de la Loi sur les Indiens, ils ne manqueront pas de faire savoir aux chefs que s'ils choisissent d'adopter les nouvelles dispositions, ils vont recevoir tel ou tel avantage supplémentaire.

Voilà comment les gens du ministère vont mener à leur guise et manipuler les chefs du Canada. Je n'ai aucun doute que c'est ce qu'ils vont faire, puisqu'ils ont agi de la sorte par le passé. Je crois que le droit de retrait n'est qu'une mesure provisoire et que le vrai but consiste à forcer les Indiens et les chefs indiens à choisir les nouvelles dispositions législatives.

Le président: D'autres membres du comité souhaitent-ils intervenir? Monsieur Harper.

M. Elijah Harper: Combien de temps avons-nous?

Le président: Jusqu'à la sonnerie. Permettez-moi de vous signaler, monsieur Harper, que vous n'êtes pas capté par les caméras. Si vous souhaitez l'être, vous devrez vous déplacer vers ce côté-ci de la table. Libre à vous.

M. Elijah Harper: Je crois qu'ils peuvent me voir.

Le président: Je ne le crois pas. Ils ne vous voient pas. Ils vous connaissent bien, par contre. Vous avez la parole.

.1710

M. Elijah Harper: Arthur, ici Elijah. Vous ne me voyez pas, mais vous pouvez probablement m'entendre. Penchez la tête si c'est le cas. Pour ma part, je vous vois.

Je participe ici aux audiences, et j'ai bien écouté votre exposé. Vous avez parlé de position d'impuissance. Je sais de quoi vous voulez parler. J'ai également été chef, et je participe à ce processus depuis très longtemps.

Vous vous demandez peut-être comment j'arrive à fonctionner, à survivre, et comment je réussis à dormir et à m'efforcer de protéger les droits de notre peuple. Ce n'est pas facile, surtout pour un élu qui participe à cette institution - qui n'est pas une institution autochtone. Je m'efforce de bien représenter notre peuple.

Pour ce qui est de la mesure législative qui est devant vous... Je sais qu'elle suscite bien des inquiétudes. Le projet de loi est très mal compris. J'ai parlé à un grand nombre de personnes un peu partout au Canada, et il y a même des gens qui iraient jusqu'à dire que la Loi sur les Indiens est l'un des fondements de nos droits, ce qui n'est pas vrai du tout.

Je tiens seulement à dire que certaines personnes veulent voir changer la Loi sur les Indiens, d'autres ne veulent pas qu'on y touche, et d'autres encore veulent qu'on la change graduellement. Les opinions sont très diverses.

J'ai l'impression qu'à la fin de ce processus... Comme je l'ai dit à quelqu'un d'autre, j'ai parfaitement confiance en notre peuple et en sa capacité de survivre à tout cela. Ce n'est pas le gouvernement ou le ministère des Affaires indiennes qui en décideront. Ce sera déterminé par notre peuple. Nous sommes arrivés jusqu'ici, nous avons survécu jusqu'ici, et nous continuerons à survivre.

Je participe à ce processus, car je crois qu'il est possible d'apporter des changements de l'intérieur. C'est très lent et très décourageant. Je m'efforce d'ouvrir les yeux de beaucoup de gens. Il s'agit non seulement d'éduquer les gens ou de les changer. Vous avez affaire à des institutions qui sont là depuis longtemps. Cela va prendre du temps.

Je vous ai déjà rencontré et je respecte beaucoup votre sagesse. Vos paroles d'aujourd'hui montrent certainement combien vous êtes éloquent et combien vous représentez votre peuple.

Je tiens seulement à ce que vous sachiez que... Je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps. J'aurais souhaité que nous en ayons beaucoup plus pour discuter de tout le processus. Il s'agit là seulement du processus de modification de la Loi sur les Indiens. Je pense que nous avons une meilleure solution, celle du traité, celle de la nation, et j'espère qu'elle restera au centre de tout cela. Même s'il y a quelques modifications à la Loi sur les Indiens, j'ai toujours cru que la Constitution - les droits issus de traités - l'emporterait en ce qui concerne nos droits ancestraux, nos droits en tant que peuple des Premières nations. Ces droits seront toujours maintenus, quoi qu'il arrive. C'est ce que je crois.

Comme je l'ai dit, j'aimerais pouvoir parler plus longuement de certaines des questions que vous avez abordées, car je partage vos idées. Je peux parler des négociations avec le ministère des Affaires indiennes que vous mentionnez, même s'il ne s'agit pas vraiment de négociations. Je peux parler des relations que nous devrions entretenir avec le gouvernement fédéral en ce qui concerne nos droits financiers, issus de traités et ancestraux. Je n'ai pas beaucoup de temps pour le faire maintenant, mais j'aimerais vous rencontrer, à un moment donné, pour parler de certaines de ces questions.

Je voudrais seulement vous remercier de vos observations.

Le président: Quelqu'un d'autre? Oui, monsieur Steckle.

M. Paul Steckle: Je voudrais en revenir à la question du paternalisme. Le ministre a déjà reconnu, je crois, que la Loi sur les Indiens est paternaliste. Le projet de loi C-79 cherche, je crois, à remédier à certaines des dispositions les plus paternalistes de la loi en conférant de nouveaux pouvoirs à vos bandes et conseils de bande. Ne convenez-vous pas que cela contribue largement à nous conduire dans la bonne voie? Que pensez-vous de ces changements?

.1715

Le chef Manuel: Je vois ces changements comme un pas dans la même direction que celle que le ministère a toujours prise, la voie de l'assimilation. Les rapports entre les Premières nations, y compris la nation shuswape et le gouvernement canadien ont été tellement contaminés par la politique des Affaires indiennes que nous devons les repenser entièrement. Il faut songer à remplacer le ministère des Affaires indiennes et la Loi sur les Indiens par une loi et des processus qui reconnaîtront et respecteront vraiment les droits inhérents des Premières nations tels qu'ils sont énoncés à l'article 35 de la Loi constitutionnelle. Il faut repenser cela.

Lorsqu'on se contente d'abroger quelques prétendus anachronismes, quelques dispositions embarrassantes que le Canada a adoptées par le passé, et de relâcher l'emprise du ministère sur nos vies, ce n'est pas suffisant. Je crois qu'on déploie trop d'efforts à vouloir essayer de changer quelque chose. Ce genre d'alchimie n'existe pas.

Les relations ont été tellement envenimées et détruites par l'ancienne politique du ministère que nous devons penser à un nouveau départ. Si nous nous contentons de remanier la loi en essayant de l'améliorer un peu ici et là, nous perdons notre temps. Nous nous leurrons, en tant que chefs, si nous croyons faire quoi que ce soit d'utile pour notre peuple.

Je préférerais que le gouvernement canadien déploie davantage ses efforts, ses ressources et ses pouvoirs pour établir de nouvelles relations bilatérales fondées sur la reconnaissance et le respect de notre droit inhérent à nous gouverner nous-mêmes, tel qu'il a été défini par nous et négocié entre le Canada et nous. C'est, je crois, ce que nous recherchons.

J'ai mieux à faire que d'être assis dans cette pièce du 800, rue Burrard, à Vancouver, pour tenir des propos négatifs. Je préférerais parler de quelque chose de positif et y consacrer mon énergie. Je n'aime pas me trouver dans cette situation.

Le président suppléant (M. John Murphy): Merci.

Chef Arthur Manuel, nous tenons à vous remercier, vous et vos collègues, de vous être joints à nous. Je sais que c'est là un mode de communication pas très naturel, mais nous devons nous en contenter pour le moment.

Je vous remercie donc de votre comparution. Vous avez été très éloquent et vous avez très bien présenté vos opinions.

.1720

Chef Barry Seymour, vous êtes le bienvenu à nos audiences. Nous nous réjouissons que vous soyez avec nous.

Nous allons vous laisser une quarantaine de minutes pour votre exposé. Cela peut inclure, bien entendu, une discussion et des questions des membres du comité présents autour de la table. Si vous voulez commencer, nous sommes prêts à vous entendre.

Le chef Barry Seymour (Bande Lheidli T'Enneh): Je m'appelle Tuzyan. Pour cette comparution, vous pouvez m'appeler chef Barry Seymour.

Je suis le chef récemment réélu de la Bande Lheidli T'Enneh. Nous sommes le peuple qui se trouve au confluent de deux cours d'eau, le Fraser et la Nechako.

C'est avec plaisir que je comparais devant le comité permanent, même si c'est seulement par téléconférence. C'est peut-être une méthode très technologique, mais elle est assez artificielle. Bien entendu, cela vaut mieux qu'aucune consultation.

Je tiens à bien préciser, dès le départ, que la Bande Lheidli T'Enneh considère que les amendements contenus dans le projet de loi C-79 sont des changements raisonnables qui se sont fait longtemps attendre.

Pendant trop longtemps, la Loi sur les Indiens a régi la vie de notre peuple au niveau communautaire. J'ai toujours trouvé curieux qu'une loi fédérale appliquée de si loin puisse gérer notre vie dans notre intérêt.

Bien entendu, elle ne l'a jamais fait. Les bureaucrates de Vancouver ou d'Ottawa ont eu davantage de pouvoirs décisionnels sur ma réserve que moi-même ou tout chef qui m'a précédé. La Loi sur les Indiens doit être entièrement éliminée.

Nous sommes maintenant à moins de trois ans du prochain millénaire, mais on continue d'imposer à notre peuple une loi qui régit pratiquement chaque aspect de sa vie. Nous savons que nous ne serons jamais libres tant que nous ne serons pas débarrassés de ce colonialisme. Comme le rapport Penner le dit de façon si éloquente, nous savons que nous devons nous débarrasser de ce singe sur notre dos.

Comment le faire? Nous aurions pu suivre les recommandations du rapport Penner et nous nous serions déjà sortis de cette situation. Nous aurions pu avoir le courage de mener plus loin les modifications constitutionnelles et garantir le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale que confèrent les droits ancestraux et issus de traités.

Nous ne l'avons pas fait. Il nous reste encore à donner suite aux recommandations du très coûteux rapport de la commission royale.

Que pouvons-nous et que devrions-nous faire? Nous pouvons certainement apporter des changements. Nous devrions nous orienter vers une situation où tous les Autochtones seraient libres.

Selon la Bande Lheidli T'Enneh, ces modifications représentent un pas minuscule, mais un pas important vers l'avant. Nous savons qu'elles nous seront bénéfiques. Nous nous intéressons au progrès quotidien de notre peuple. Nous ne nous intéressons pas aux jeux politiques que jouent certains dirigeants nationaux ou aux efforts que font certains dirigeants indiens pour impressionner la galerie.

Il est trop facile de s'opposer à quelque chose. Il est beaucoup plus difficile d'appuyer le changement sans tomber dans l'esprit négatif qui nuit tant aux affaires indiennes.

Notre peuple ne veut pas se montrer négatif. D'autres peuvent nous qualifier de naïfs, s'ils le désirent, mais nous croyons le ministre Ron Irwin quand il dit que ces modifications sont un premier pas vers la reconnaissance du droit inhérent des Premières nations de s'autogouverner.

Je ne fais pas de politique indienne depuis aussi longtemps que certaines personnes, mais je m'y intéresse depuis suffisamment d'années pour savoir qu'il ne mène nulle part de s'opposer à tout. Je me demande parfois si ce n'est pas une carrière en soi. Je me demande parfois si la politique indienne, aux niveaux provincial et national, n'est pas une industrie sans produit.

.1725

En ce qui nous concerne, nous sommes déterminés à apporter des changements pour notre peuple. Nous applaudissons le ministre et son ministère d'avoir défini ces modifications comme des mesures à court terme. Ce n'est qu'un petit pas vers notre objectif.

Nous précisons également bien clairement qu'aucune de ces modifications potentielles ne touche les droits autochtones ou issus de traités ou ne modifie les relations de fiduciaire du gouvernement vis-à-vis des Premières nations. Ne vous y trompez pas; la Bande Lheidli T'Enneh négocie à l'égard de ses terres, de ses ressources et de son autonomie gouvernementale un traité qui la libérera de la Loi sur les Indiens.

Nous négocions de nouvelles relations avec le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et les citoyens de notre pays. Seuls des fous voudraient réviser la Loi sur les Indiens pour qu'elle serve de base à notre autonomie gouvernementale future. Nous ne sommes pas fous. Mais le traité que nous négocions produira un nouveau système de gouvernement qui ne reflétera aucunement la loi paternaliste et colonialiste que nous subissons actuellement.

Pour nous, la plupart de ces modifications sont purement des mesures de nature administrative visant à supprimer des anachronismes. Sans vouloir insulter ceux qui s'y opposent, ces amendements n'ont rien d'extraordinaire. Ils vont nous permettre plus facilement de gérer nos affaires quotidiennement. Ce n'est pas une solution en soi; ce n'est pas une panacée. Cela ne menace aucunement les droits ancestraux ou issus de traités; cela ne menace pas notre culture ou notre indianité.

Il est vrai que ces modifications pourraient être considérées comme des concessions faites par un directeur de prison qui détient des Autochtones. Tout comme l'a dit Bill Wilson, nous ne voulons pas d'une cellule plus grande avec une plus belle vue; nous voulons abattre les murs de notre prison et obtenir la liberté. La liberté sera toujours notre but, et c'est la base du traité que nous négocions et des efforts réels que nous déployons pour parvenir à l'autonomie gouvernementale, en dehors de la Loi sur les Indiens.

Néanmoins, en attendant, nos conditions de vie peuvent changer de façon bénéfique, ce qui aidera notre peuple au niveau communautaire, et nous allons en profiter. Nous allons quand même sortir de cette prison.

À ce propos, nous appuyons le ministre des Affaires indiennes, M. Ron Irwin. Nous ne voyons pas de fantômes ou de dragons cachés dans cette loi. Nous avons décidé de faire confiance au ministre. La confiance est peut-être l'ingrédient qui manque depuis trop d'années.

Nous tenons à remercier le comité permanent et les députés. Nous voulons bâtir de meilleures relations, qui doivent se fonder sur le respect mutuel et la dignité. Nous nous battrons éternellement pour notre liberté, mais nous croyons qu'une bonne partie de ce combat et de la controverse ne mène à rien.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous au nom de mon peuple. Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le président suppléant (M. John Murphy): Merci beaucoup, chef Seymour.

Nous allons commencer les questions. Claude Bachand, du Bloc québécois.

[Français]

M. Claude Bachand: Monsieur Seymour, vous êtes le premier intervenant autochtone à être en faveur des amendements proposés. Si vous êtes d'accord sur les amendements, que pensez-vous du fait que toute possibilité d'opting out vous sera refusée une fois que vous aurez accepté? Ne craignez-vous pas un peu de sauter dans le vide et de risquer de vous apercevoir un jour que ce n'est pas bon et que vous ne pourrez jamais en ressortir?

J'aimerais également entendre votre opinion sur le fait qu'on donne maintenant un statut juridique de personne aux Premières Nations. Je croyais que les Premières Nations se considéraient comme des Nations, et non pas comme des personnes juridiques. Que pensez-vous du statut juridique qu'octroieraient les modifications sur lesquelles nous nous penchons?

.1730

Dans votre exposé, vous vous inscrivez en faux contre un de vos collègues qui siège ici avec nous et pour qui j'ai beaucoup d'admiration, M. Harper. M. Harper déclarait dans son livre que la Loi sur les Indiens était une prison et que le fait de modifier la Loi sur les indiens ne faisait qu'allonger la chaîne. Vous n'êtes pas d'accord sur cette affirmation; vous considérez que la Loi sur les indiens n'est pas une prison et que les modifications proposées ne font pas qu'allonger la chaîne. Vous croyez que les amendements sont positifs et constituent la voie de solution pour vous en sortir à l'avenir.

Vous avez aussi dit faire confiance au ministre et que le temps de la non-confiance était révolu. Or, l'ensemble des intervenants, et j'ai tendance à être d'accord avec eux, ont toujours été floués par les ministres et les gouvernements. Pourquoi aujourd'hui, après avoir été floués pendant 300 ou400 ans, dire qu'il nous arrive un nouveau ministre qui nous propose quelque chose, que la non-confiance est chose du passé et qu'il faut passer à la confiance et sauter dans les amendements du ministre?

Expliquez-moi pourquoi, du jour au lendemain, une Première Nation comme la vôtre devrait faire confiance à un ministre des Affaires indiennes qui ne fait que succéder à ceux qui l'ont précédé et qui n'ont fait que décevoir, désapprouver et garder dans cette prison de la Loi sur les indiens l'ensemble de vos prédécesseurs et de vos ancêtres?

[Traduction]

Le chef Seymour: Je répondrai aux questions dans l'ordre inverse, en commençant par la dernière. Pour ce qui est de faire confiance au ministre, ce qui est fait est fait, et j'ai tendance à voir les choses d'un oeil optimiste. Comme je l'ai dit, les changements à la Loi sur les Indiens sont seulement mineurs, selon moi.

Notre nation participe actuellement au processus de négociation des traités en Colombie-Britannique. Nous désirons que le traité que nous conclurons avec le gouvernement fédéral et la province remplace la Loi sur les Indiens. Nous considérons donc que ces modifications n'auront qu'un effet à court terme sur nos communautés.

La Loi sur les Indiens a certainement emprisonné les Premières nations depuis leur contact avec les Blancs ou depuis que la Loi sur les Indiens a été adoptée. Comme je l'ai déjà dit, cette loi devrait être éliminée, pratiquement comme les Indiens l'ont été.

Dans un certain sens, je suis d'accord avec Elijah pour dire qu'à l'heure actuelle ces changements rallongent la chaîne. Néanmoins, c'est pour nous l'occasion de progresser dans certains domaines, au niveau de la bande. Comme j'ai moi-même une orientation communautaire et que je dois travailler dans ma communauté, où je constate les problèmes quotidiens de mon peuple, tout changement positif peut nous aider.

Je ne crois pas que ces changements soient une solution pour l'avenir. C'est toutefois un pas en avant.

Merci.

Le président suppléant (M. John Murphy): Merci, chef.

Elijah Harper voudrait vous poser une question.

M. Elijah Harper: Merci, monsieur le président.

.1735

Chef Seymour, vous avez mentionné ma déclaration concernant la Loi sur les Indiens, selon laquelle tout changement apporté à la loi ne fait qu'allonger la chaîne. Je le crois. J'en suis convaincu. Mais je crois aussi que si vous voulez apporter des changements, vous devez commencer quelque part.

Je crois que la reconnaissance du droit inhérent des peuples autochtones à l'autonomie gouvernementale, sa pleine reconnaissance dans la Constitution canadienne, est pour bientôt. Je ne me suis jamais montré négatif. Je ne peux pas me le permettre. Tel a toujours été mon point de vue. Je dois être positif, quoi qu'il arrive.

J'ai toujours considéré que les gens avaient des opinions ou des intentions honorables. Je n'ai jamais pensé qu'ils faisaient délibérément du tort à une personne ou à une nation. C'est ce que je crois et c'est ce que m'ont enseigné les anciens, et certainement les gens de ma communauté.

Vous considérez qu'il s'agit là d'un petit pas vers la voie de l'autonomie gouvernementale, du droit inhérent et de tout ce qui l'accompagne. C'est un pas modeste. J'ai dit également que le voyage que nous avons accompli depuis 500 ans ne nous a peut-être fait progresser que d'un pouce, mais que c'est quand même un progrès.

En tant que député autochtone et dirigeant autochtone, je me sens découragé, mais nous devons continuer ce voyage. J'ai abordé un tas de questions, mais je n'ai jamais renoncé. J'aurais pu démissionner bien des fois, un millier de fois, mais il faut du courage pour le faire. Je sais qu'un tas de gens ne sont pas d'accord, mais c'est un pas modeste.

Je sais que l'avenir dépend des traités dont vous parlez. J'espère que ce sera le moyen d'établir des relations avec le gouvernement fédéral, de nation à nation, que ce soit sur le plan financier, sur le plan des traités, ou sur le plan des droits ancestraux. J'ai toujours considéré que c'était l'objectif ultime pour parvenir enfin à établir ce genre de relations. C'est ce qui me pousse à continuer et à ne pas abandonner.

Est-ce que vous voyez les traités de la même manière? Seront-ils le véhicule qui permettra d'aboutir à ces relations de nation à nation, de gouvernement à gouvernement, avec le gouvernement fédéral? Ce n'est pas l'objectif de la Loi sur les Indiens. Son objectif, c'est la disparition à terme de ces relations. C'est inéluctable. C'est l'objectif de tout le monde. Ce sera la réalité de demain. Est-ce aussi votre opinion? C'est la question que je vous pose.

.1740

Le chef Seymour: Disons, Elijah, que nous considérons ce traité comme devant nous permettre de commander notre propre flotte. Au cours des 15 dernières années, je n'ai jamais renoncé à aucun des objectifs que je m'étais fixés. Notre nation s'est donné cinq ans pour aboutir à ce traité. C'est l'objectif que nous nous sommes fixé à la table de négociation avec les gouvernements fédéral et provincial.

Je sais que pour les Autochtones cela a été parfois très difficile. Je suis membre d'une communauté à la fois rurale et urbaine. Nous ne comptons à l'heure actuelle que 250 membres, mais il y a 7 000 Autochtones dans la communauté urbaine à laquelle nous sommes rattachés. J'ai travaillé pour de nombreuses organisations différentes. Dans celle qui a immédiatement précédé le Friendship Centre pour lequel je travaille maintenant, j'étais directement confronté à tous ces problèmes. Cela m'attriste de voir nos jeunes filles faire le trottoir à partir de l'âge de 12 ans.

Je crois que notre situation actuelle est la conséquence des politiques qui nous sont imposées depuis des années. Pour que les changements soient réels il va nous falloir beaucoup de temps. Cela va nécessiter l'engagement de gens comme vous, comme moi et de l'ensemble de la communauté. Comme vous, je n'ai jamais renoncé. Même quand la situation semble désespérée, le moindre petit progrès justifie tous les efforts.

Les changements apportés à la Loi sur les Indiens sont mineurs. Cependant, je considère tout changement qui nous apporte un début de soutien comme positif, si ce changement peut être traduit dans la vie quotidienne au niveau des communautés.

Le président: Merci.

[Français]

Monsieur Bachand.

M. Claude Bachand: J'aimerais commenter les échanges intéressants qui ont suivi la présentation du chef Seymour.

Je voudrais juste affirmer que ma compréhension de l'histoire me porte à dire que tous les ministres des Affaires indiennes qui se sont succédé depuis la promulgation de la Loi sur les Indiens n'ont voulu qu'une seule chose: l'assimilation des autochtones. C'est ce que l'histoire nous dit et ce que la Commission royale d'enquête a rapporté, avancé, documenté et certifié. Les politiques, règlements et lois du Parlement canadien n'ont visé qu'une seule chose: l'assimilation des autochtones. Et, comme je le disais dans mon discours, le ministre actuel s'inscrit dans cette ligne de pensée.

.1745

Je suis un être extrêmement positif, mais lorsque je suis au bord d'un précipice et que quelqu'un me dit qu'il va me donner une poussée dans le dos, la seule pensée positive qui me passe par la tête, c'est que j'espère que ça ne me fera pas trop mal quand je vais arriver en bas. Je ne voudrais pas qu'on me dise que je suis négatif parce que je critique ce projet de loi, que je m'acoquine ou que je m'allie avec des nations autochtones qui souhaitent le retrait du projet de loi. Depuis le début, le Bloc québécois a souvent voté dans le même sens que le gouvernement. Les partis ont même présenté un rapport unanime sur l'éducation.

Je suis pour ma part très positif et serein dans cette discussion. Il peut être positif de constater qu'il y a du négatif quelque part aussi. C'est ce que je constate aujourd'hui relativement au projet de loi que nous étudions. Je suis tellement positif dans ce débat que je suis heureux que le chef Seymour soit venu apporter un point de vue différent de ceux qu'on a entendus jusqu'à maintenant. Son point de vue a suscité une excellente discussion entre nous et je crois que c'est là l'objet des consultations qu'on fait lors de l'étude d'un projet de loi.

C'étaient les deux remarques que je voulais apporter avant de clore la discussion.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup.

Chef Seymour, si vous souhaitez faire quelques remarques de clôture, je vous en prie, sinon, nous allons conclure.

Le chef Seymour: J'aimerais de nouveau remercier le comité permanent et ses membres de m'avoir écouté. J'espère que vous ferez encore appel à mes services.

Le président: Je vous remercie infiniment de votre participation. Nous avons fort apprécié votre témoignage. Au revoir.

Nous suspendons l'audience jusqu'à 18 h 20, heure normale de l'Est, 15 h 20, heure du Pacifique. Cette fois-ci j'y ai pensé.

.1747

.1839

Le président: Pour commencer, chef Saul Terry, j'aimerais vous remercier infiniment d'avoir accepté de témoigner maintenant. Les députés et le personnel pourront rentrer à la maison une heure plus tôt grâce à vous. Comme vous le savez, il y a trois heures de décalage, et nous avons eu une longue journée, mais pas suffisamment longue pour ne pas vous prêter toute l'attention que votre intervention mérite. Nous sommes impatients de vous entendre.

Notre témoin est le chef Saul Terry, président de l'Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique.

Nous avons 40 minutes à vous consacrer. Ce temps est à vous. Vous pouvez l'utiliser comme vous le désirez. Si vous laissiez un peu de temps aux députés pour qu'ils puissent poser des questions, nous vous en saurions gré.

Cela dit, je vous donne la parole.

.1840

Le chef Saul Terry (président, Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique): Merci beaucoup. Je souhaite le bonsoir aux membres du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord. J'apparais devant vous par le biais de cette technologie assez impersonnelle, sinon dépersonnalisante, de la téléconférence.

Quoi qu'il en soit, permettez-moi de me présenter. Cela fait 24 ans que je suis élu au Conseil de ma communauté. De 1978 à 1983, j'ai été élu vice-président de l'Union des chefs indiens de Colombie-Britannique. Mes collègues m'ont fait l'honneur de me nommer leur président voilà maintenant 14 ans.

Si je vous cite ces faits ce n'est pas pour me vanter mais pour vous faire comprendre que j'ai vu beaucoup de vos prédécesseurs faire un petit tour puis disparaître sans régler les problèmes qui rendent la vie impossible à nos peuples élections après élections.

Je viens vous redire aujourd'hui qu'il y a une meilleure solution que le projet de loi C-79 pour améliorer les relations entre les Indiens et le Canada. Certaines de ces idées vous ont déjà été exposées par Ovide Mercredi, le chef national de l'Assemblée des premières nations. Je tiens à vous confirmer, à confirmer au Comité des affaires indiennes, au premier ministre, à l'honorable Jean Chrétien et à tous mes collègues chefs, tout particulièrement ceux des peuples de nos territoires, que l'Union des chefs indiens de Colombie-Britannique est totalement en accord avec le message qui vous a été présenté le 6 mars 1997 par l'Assemblée des premières nations.

En mars 1991, j'ai comparu devant le Comité permanent des affaires indiennes et du Nord canadien au nom de l'Union des chefs indiens de Colombie-Britannique parce que j'étais révolté par l'état de siège dans lequel était maintenu notre peuple sur son territoire. Les actions menées par les Mohawk pour défendre leur territoire m'avaient redonné courage. J'avais rappelé à vos prédécesseurs, comme doivent périodiquement vous le rappeler les chefs indiens, l'urgence de désamorcer toutes ces crises latentes. J'ai le regret de constater que la situation a fort peu évolué depuis.

Il y a aussi ces notes accompagnant la Loi sur les Indiens préparées par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien en 1971 qui disaient:

Si le Parlement considère vraiment la Loi sur les Indiens comme une «loi spéciale», ce doit être pour une bonne raison. Cette raison découle des relations des Indiens avec la Couronne, relations spéciales qui créent des obligations juridiques au gouvernement du Canada vis-à-vis des nations indiennes.

Aucun ministre n'a le droit d'apporter des modifications à cette loi spéciale par opportunisme politique à moins que notre peuple en soit pleinement informé et qu'il y ait collectivement et librement donné son consentement. Après tout, il s'agit de traités et d'obligations fiduciaires qui doivent être respectés par les deux parties, vos gouvernements et nos gouvernements.

Il est difficile de croire qu'un ministre, occupant un poste d'honneur et de confiance, essaie délibérément de mener notre peuple sur un chemin de mines pour lui soustraire ses droits et ses titres autochtones. L'action unilatérale du ministre ne fait qu'accentuer la méfiance et les incertitudes qui existent aujourd'hui dans nos communautés.

.1845

Je suis convaincu que c'est une séquence délibérée d'événements qui nous a menés où nous en sommes aujourd'hui et qui une fois de plus m'incite à sonner l'alarme pour protéger les titres et les droits autochtones de notre peuple. Les Canadiens et les citoyens de nos territoires doivent connaître la vraie source de leur perte de pouvoir politique, de leur désespoir social, de leur pauvreté et de leur désillusionnement spirituel.

Pour votre gouverne, en 1986, le vérificateur général a critiqué le programme de gestion des terres du ministère des Affaires indiennes. Le problème d'aujourd'hui est la conséquence de la décision du ministère de changer ses rapports avec les bandes indiennes pour éviter toute possibilité de litige avec les Premières nations à la suite de la décision Guérin.

Il est vrai que le ministère a demandé leur avis aux chefs sur les manières d'améliorer le programme de gestion des terres et que les chefs ont répondu parce qu'ils connaissent bien la question. Mais cela n'a pas suffi au ministère qui a décidé d'ajouter toute une série d'études dans le cadre de l'examen des revenus et de la fiducie des terres. Des millions de dollars ont été dépensés - selon notre estimation, environ 41 millions de dollars - pour cet exercice. Tout cela pour finir dans un tiroir, à l'exception de la proposition de gestion des terres à charte, du gaz et du pétrole indiens et de l'argent.

Ces propositions ont été travaillées et retravaillées parce que les chefs ne voulaient pas les approuver. Elles sont devenues aujourd'hui la proposition de gestion des terres visant certaines Premières nations, le projet de loi C-75. Celui-ci ne vise que 13 bandes indiennes. C'est lui qui a en grande partie incité le ministre à modifier la Loi sur les Indiens.

L'Union des chefs indiens de Colombie-Britannique s'oppose à toutes tentatives du gouvernement de diminution de la superficie des terres non cédées par nos peuples. Nous avons proposé un traité avec le Canada de nation à nation porteur d'avantages politiques, sociaux et économiques à long terme pour nos peuples. Le problème que nous pose la procédure actuelle est qu'elle modifie arbitrairement nos rapports de confiance avec la Couronne. Le ministre refuse d'écouter nos options.

Mesdames et messieurs, c'était la somme de nos commentaires sur la Loi de la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens. Je suis maintenant prêt à répondre aux questions que vous voudrez bien me poser.

Merci.

Le président: C'est nous qui vous remercions.

Nous passons maintenant aux questions des députés. Monsieur Duncan.

M. John Duncan (North Island - Powell River, Réf.): Je vous remercie d'avoir été bref, ce qui nous laisse beaucoup de temps pour les questions.

Si je vous ai bien compris, vous suggérez, je crois, que la loi parallèle en vertu de la Loi sur les Indiens vise à peu près les mêmes bandes que la proposition facultative de gestion des terres. C'est bien cela?

Deux lois ont été déposées devant le Parlement en décembre. Il y avait la Loi facultative sur la gestion des terres s'adressant à 13 bandes et ses modifications parallèles apportées à la Loi sur les Indiens. Est-ce que vous voulez dire que ces modifications visent ces mêmes 13 bandes?

Le chef Terry: Non, je ne dis pas que ces modifications reprennent les termes du projet de loi C-79, bien sûr, mais ce qui soulève nos objections est le fait que ce projet de loi C-79, bien que le projet de loi C-75 ait le consentement de ces 13 bandes, réduit aussi les terres de ces peuples à leur seule terre de réserve ainsi dénommée. Nous craignons qu'en conséquence de l'adoption de ces projets de loi, les terres non cédées de Colombie-Britannique ne soient pas reconnues comme telles.

.1850

M. John Duncan: Craignez-vous qu'une bande qui opte pour le projet de loi C-75 et aussi pour le projet de loi C-79...? L'un pourrait jouer sur l'autre de quelle façon?

Le chef Terry: Non, je crois que les 13 bandes ont déjà pris leur décision. Le ministre va maintenant essayer de nous inciter à opter pour sa proposition de modifications à la Loi sur les Indiens.

Il nous est difficile d'accepter sa proposition car - et je crois que l'Assemblée des premières nations l'a déjà mentionné - elle ne permet à personne de revenir sur sa décision une fois qu'elle a été prise.

M. John Duncan: Le projet de loi C-79 est une voie à sens unique. C'est aussi ce que le ministre nous a précisé sans doute aucun.

Je crois que le projet de loi C-75 est aussi une voie à sens unique. C'est aussi votre interprétation?

Le chef Terry: Si c'est le choix des bandes concernées, c'est probablement la même chose.

M. John Duncan: Très bien.

Le président: Merci, monsieur Duncan. Monsieur Bachand.

[Français]

M. Claude Bachand: Merci, monsieur Terry, pour votre présentation. Une des objections qu'on entend souvent porte sur le processus de consultation dont les Premières Nations ont fait l'objet. En Colombie-Britannique, quel pourcentage de la population autochtone est vraiment bien renseignée sur le projet de loi C-79, qui va grandement l'affecter? Vous pourriez peut-être nous dire combien de chefs vous représentez et si ces chefs ont consulté l'ensemble de leurs membres. Le processus de consultation que met de l'avant le gouvernement fédéral est-il tellement rapide que finalement très peu de gens savent qu'on se propose d'apporter des amendements qui vont les toucher directement? Donnez-nous un aperçu de l'avancement de la consultation chez les autochtones en Colombie-Britannique.

[Traduction]

Le chef Terry: Je crois que beaucoup d'entre nous ne comprennent pas la raison de la rapidité exceptionnelle de cette procédure, vu les conséquences profondes pour nos peuples. Non seulement elle est menée au pas de charge, mais aussi elle est appliquée sans le moindre dialogue même avec les chefs.

Nous disons qu'il y a d'autres solutions de modifications de la Loi sur les Indiens. Nous l'avons dit clairement. Il semble que le ministre ne nous a pas écoutés. Plus de 80 p. 100 de nos concitoyens disent avoir des idées utiles qui permettraient de changer la situation politique, sociale et économique catastrophique dans leurs communautés.

Le ministre dit ne pas être prêt à en discuter. Il ne va que se préparer à le faire. Au début, il disait qu'il n'allait apporter que des modifications mineures ou superficielles à la Loi sur les Indiens, mais moi je crois que la révision aura des effets profonds sur notre peuple.

.1855

De plus, beaucoup de gens dans nos communautés, y compris les chefs, réclament de l'information, mais ils n'en ont pas obtenue vraiment de la part de leur député ou d'autres. Il y a donc un problème de communication avec le ministre.

[Français]

M. Claude Bachand: Merci.

Le président: Merci, monsieur Bachand.

[Traduction]

Monsieur Duncan.

M. John Duncan: Pour notre gouverne à tous, pourriez-vous nous dire le plus simplement possible ce qui vous préoccupe à propos des territoires non cédés en Colombie-Britannique? Le cas de cette province est différent des autres à cause du fait qu'il n'y a presque pas de traités. Il serait utile pour nous que vous nous décriviez les conséquences de ce que vous appelez les terres non cédées.

Le chef Terry: En effet, pour la plus grande partie de la Colombie-Britannique, il n'y a pas de traité en bonne et due forme, à l'exception du traité no 8 pour la région de la rivière de la Paix et des traités de la Compagnie de la Baie d'Hudson pour l'île de Vancouver. Pour le reste de la province, il s'agit de territoires non cédés.

En ce qui concerne cette modification facultative, il irait peut-être contre notre intérêt de l'accepter, parce qu'une fois que c'est fait nous n'aurons plus droit qu'aux terres actuellement désignées comme terres appartenant aux réserves indiennes. Cela nous inquiète. Nous nous attendons plutôt à certains avantages découlant des terres et territoires ancestraux.

C'est ce qui nous inquiète. Cela reviendrait à compromettre l'issue générale et à nous enfermer dans les réserves.

Comme vous le savez, monsieur Duncan, en vertu des politiques de la Commission des traités de la Colombie-Britannique, on nous a dit ne pouvoir nous attendre qu'à 5 p. 100 au maximum du territoire à l'issue du règlement sur les revendications territoriales dans la province. Pour nous, ce n'est pas acceptable. Nous disons qu'il y a d'autres possibilités.

M. John Duncan: Je voudrais une précision. Cette limitation, est-elle le résultat du projet de loi C-75 ou C-79?

Le chef Terry: Cela découle de la création du système des réserves. Ici, nous allons souscrire à la Loi sur les Indiens et à ce régime, et si nous décidons de souscrire au projet de loi C-79, si nous ne pouvons pas nous y soustraire, nous allons en fait nous confiner aux terres des réserves, je crois.

C'est pourquoi je dis que notre titre et nos droits ancestraux seront compromis. Ce que nous voulons et réclamons, ce sont des discussions avec le gouvernement fédéral, les ministres et le premier ministre au sujet des réserves considérables que nous entretenons.

Le président: Merci.

.1900

[Français]

M. Claude Bachand: Monsieur Terry, l'Assemblée des Premières Nations s'inquiétait de l'adoption du projet de loi C-79, craignant qu'il ait un impact sur le reste des négociations, qui sont d'une plus grande importance encore. En Colombie-Britannique, on a entre autres conclu quelques ententes, dont celle des Nisga'a. Mais avec ces 225 communautés, la Commission des traités de la Colombie-Britannique a encore beaucoup de travail à accomplir.

Si le projet de loi C-79 était adopté, croyez-vous qu'il y aurait un danger que soient retardées les négociations, qui sont cruciales dans le contexte actuel, entre les Premières Nations, le gouvernement fédéral et la Colombie-Britannique?

[Traduction]

Le chef Terry: Il est certain que cela aura des conséquences sur les négociations, d'autant plus que les questions abordées dans cette loi ont des chances de faire partie des négociations avec le Canada et le Colombie-Britannique.

Il faut aussi savoir que le sommet des Premières nations et l'Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique étaient tous les deux opposés à ce que le ministre apporte des modifications à la Loi sur les Indiens. Ils avaient des craintes précisément à propos de ce que vous avez soulevé: les conséquences sur les négociations.

Le président: Monsieur Duncan.

M. John Duncan: On a dit que cette loi est facultative. Y a-t-il suffisamment d'incitatifs pour convaincre des bandes de la Colombie-Britannique d'y souscrire? Faudra-t-il quelque chose d'autre du ministère - une incitation financière, par exemple?

Je sais que ma question est bizarre, mais on dira que puisque c'est facultatif, qu'est-ce que cela fait? De toute évidence, cela fait quelque chose, d'après vous et d'après beaucoup de gens à qui vous avez parlé.

Le chef Terry: Oui, cela fait quelque chose. Si on les incite... Même si le ministre a nié qu'il y ait quelques encouragements que ce soit, pécuniaires ou autres, il est très possible que cela se fasse. Il serait donc beaucoup plus facile pour ceux qui éprouvent de grosses difficultés financières de souscrire au régime si on déliait un peu les cordons de la bourse.

C'est l'occasion pour le ministre et le gouvernement d'offrir certaines choses à ceux qui veulent adhérer au régime.

.1905

Vous vous souviendrez que dans mon exposé j'ai parlé d'un état de siège. C'est une technique qu'on a utilisée avec pas mal de succès contre nos gens. Par exemple, j'ai envoyé une lettre au premier ministre et à divers ministères - nous allons sans doute vous la remettre ici - à propos de la disparité entre ceux que j'appellerais les défenseurs des droits des Indiens et ceux qui collaborent davantage avec le gouvernement fédéral. Je pense qu'il y a une nette disparité dans l'octroi des ressources.

Le président: Monsieur Murphy.

M. John Murphy: Je ne suis pas certain de vous avoir bien entendu, mais il me semblait vous avoir entendu dire que ce projet de loi pèche par la base et que vous n'en voulez pas. Vous avez vos objectifs et les chefs de la Colombie-Britannique eux aussi, et cette loi n'en fait pas partie. Vous avez d'autres intérêts. Mais je croyais vous avoir entendu dire qu'il devrait y avoir un quelconque avantage financier pour ceux qui veulent participer au régime. Cela me semble contradictoire parce qu'il s'agit d'une question de principe, ce n'est pas l'argent qui me fera changer d'idée. Je voulais savoir si je vous avais bien entendu.

Le chef Terry: C'est ce que j'ai répondu en réponse à une question venant de l'autre côté. J'ai dit qu'il y aura sans doute des sommes qui seront débloquées pour les inciter à adhérer au régime parce que la situation financière de bien des collectivités laisse cruellement à désirer. C'est pourquoi je pense qu'on voudra peut-être s'en servir pour les convaincre. Une fois qu'on a adhéré au régime, il n'y a plus moyen de s'y soustraire.

M. John Murphy: Très bien. Par ailleurs, de votre point de vue - c'est ce que vous avez dit, je crois - en Colombie-Britannique, les bandes qui selon vous collaborent davantage avec le gouvernement fédéral semblent avoir plus de moyens financiers que les autres. C'est bien cela?

Le chef Terry: Oui.

M. John Murphy: Merci.

Le président: Merci.

Je vous remercie beaucoup de votre exposé, chef Terry. Attendez un instant, M. Harper voudrait vous poser une question.

M. Elijah Harper: Merci, monsieur le président.

Saul, content de te revoir. Je voulais te poser une question à propos de ton exposé.

À propos des bandes qui acceptent cette loi et de celles qui pourraient être incitées à le faire, moi je pense que les Premières nations sont très puissantes et ne se laisseront pas forcer la main. Nous survivons depuis trop longtemps pour que cela se fasse. Ce qui arrive en Colombie-Britannique, je crois - je voulais te poser la question - c'est ce que fait la Commission des traités de la Colombie-Britannique. Je sais que votre organisation, l'Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique, ne participe pas à ses travaux. Peut-être pourriez-vous nous dire pourquoi.

.1910

Ce que je veux dire, c'est que les accords qui peuvent être conclus par certaines des Premières nations en Colombie-Britannique, comme les Nishgas qui ont une entente de principe qui reste à ratifier... Ils ont conclu un accord aux termes duquel leur territoire ne sera assujetti ni à la loi fédérale ni à la loi provinciale, en quelque sorte un accord qui reconnaît une nation souveraine. C'est la reconnaissance du pouvoir de ces nations d'adopter leurs propres lois.

Pour moi, cette reconnaissance de ce droit inhérent va bien plus loin que cette Loi sur les Indiens. Il y aurait la même reconnaissance dans les futurs traités parce que je pense que les traités entre les nations auront préséance et ne seront donc pas subordonnés aux lois fédérales. C'est l'objectif de toutes les Premières nations du pays, je crois. Le processus est enclenché. C'est pourquoi je pense que les Premières nations sont suffisamment fortes pour aller jusqu'au bout.

Peut-être pourriez-vous répondre à ma question en me donnant la position de l'Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique et des autres Premières nations de la province.

Le chef Terry: Merci. Avec plaisir.

Pour ce qui est des principes qui guident la Commission des traités de la Colombie-Britannique, nous trouvons que la reconnaissance de nos peuples laisse à désirer. Il y a une politique, comme je l'ai dit, qui limite à peut-être 5 p. 100 du territoire ce qui pourrait constituer les terres autochtones.

Une des choses qui nous préoccupent le plus, c'est l'extinction de nos droits. Il y a aussi certains mots, comme «certitude»... Tout cela est autant de choses qui nous sont inacceptables. Comment peut-on dire alors que nous continuerons de constituer un peuple souverain dans son intégralité après ces négociations? En réalité, nos terres vont être fractionnées en réserves. Beaucoup de nos chefs héréditaires vont se trouver dépouillés de leur territoire ancestral. Sans reconnaissance de cette réalité...

Il y a aussi la question des administrations locales. Cela ne leur appartient pas en propre, je crois. C'est un pouvoir délégué du gouvernement fédéral par suite des négociations. Je prends pour exemple les impôts payés par eux. Cela montre bien que l'autonomie gouvernementale de ces institutions est le résultat d'une délégation de pouvoirs et non d'un pouvoir qu'elles possèdent en propre. C'est ce que l'on voit dans le projet de loi C-79 où il est question d'autonomie gouvernementale. Cela ne figure que dans le préambule et cela donne le ton.

.1915

Je veux aussi dire, Elijah, qu'il n'est pas question ici uniquement des modifications de la Loi sur les Indiens ou de la Commission des traités de la Colombie-Britannique. Il y a aussi des questions administratives comme les accords de transfert souples en matière financière - c'est une question épineuse - le processus de transfert de responsabilités contre lequel nous devons nous prémunir dans le domaine de la santé, de l'éducation et des services sociaux. Puis, il y a la question de savoir ce que sera notre rôle dans l'industrie de la région: exploitation forestière, minière, pêches, etc.

Nous ne sommes pas certains que ces questions feront partie de véritables négociations sur l'autonomie gouvernementale, qui aboutiraient à un traité conclu entre nations. Beaucoup de questions font donc encore problème.

Le président: Merci beaucoup. Merci de votre exposé et d'être venu tôt. Nous vous sommes reconnaissants de votre coopération.

Pardon, chef Terry, vous avez parlé de documents que vous comptez envoyer à certaines personnes à Ottawa. Un député a demandé que vous en envoyiez des copies aux membres du comité. Pourrais-je vous demander de les faire parvenir à la greffière? Elle les distribuera à tous les membres. Elle s'appelle Christine Fisher et le numéro de son télécopieur est le (613) 947-8198.

Le chef Terry: Ça été une expérience éprouvante pour moi, parce que tout ça est si impersonnel. Je ne sais trop vous dire ce que j'éprouve à propos de ce genre de dialogue. Merci.

Le président: Bon. Chef, allez-vous nous envoyer des copies des lettres dont vous avez parlé dans votre témoignage?

Le chef Terry: Elles seront mises à la disposition du comité.

Le président: Vous voulez bien? Merci beaucoup.

Je vais maintenant demander à nos collègues de Vancouver de voir si Lynda Prince et Reg Mueller sont là. Est-ce Lynda Prince que nous voyons à l'écran? Est-ce Lynda?

Le grand chef Lynda Prince (Conseil tribal de Carrier-Sekani): Oui.

Le président: Reg est-il avec vous? Sera-t-il là pour l'exposé?

Le grand chef Prince: Non, il ne m'accompagnera pas, parce qu'on nous a prévenus très tard hier que nous devions comparaître devant le comité à 16 heures aujourd'hui à l'heure de la Colombie-Britannique. J'avais demandé à comparaître le 2 mars. Je n'ai eu aucune nouvelle du comité ou de ses employés et je trouve que vous manquez un peu d'organisation.

Le président: D'accord, j'en prends bonne note, et nous allons voir pourquoi il a fallu attendre si longtemps une confirmation.

D'abord, je tiens à vous souhaiter la bienvenue, Lynda Prince, grand chef du Conseil tribal de Carrier-Sekani. Si ce n'est qu'hier qu'on a communiqué avec vous, je m'en excuse, et nous allons voir à quoi cela tient.

Je vous invite à faire votre exposé. Nous avons 40 minutes ensemble. Elles vous sont réservées. Vous pouvez en disposer comme il vous plaira, mais nous vous serions reconnaissants si vous laissiez aux députés le temps de vous poser des questions. Commencez quand vous voudrez.

Le grand chef Prince: Tout d'abord, je tiens à vous remercier de l'occasion qui est donnée à la nation Carrier-Sekani de se faire entendre.

.1920

Je dois vous dire que cela ne me plaît pas de comparaître de cette façon devant le comité permanent. Pour commencer, c'est une rupture de la façon traditionnelle de nous entretenir. Mais l'occasion était suffisamment importante pour que je réaménage mon emploi du temps pour prendre l'avion jusqu'à Vancouver.

Je crois savoir que le chef national, Ovide Mercredi, vous a fait un exposé le 6 mars. Nous approuvons le message de l'Assemblée des premières nations puisque nous avons participé aux rencontres avec les chefs du pays. Le peuple Carrier-Sekani a fait des efforts pour participer à la négociation d'un traité en Colombie-Britannique. Si nous participons au processus, c'est que nous tentons de reconquérir nos droits inhérents, non seulement comme premiers habitants de l'Amérique du Nord, mais comme êtres humains qui habitent sur cette planète sous l'unique ordre qui existe, celui de la création.

Nous savons que le processus de conclusion des traités en Colombie-Britannique est fragile à l'heure actuelle et il nous cause des difficultés. Par exemple, le gouvernement fédéral transfère des programmes aux provinces sans que nous y soyons pour quoi que ce soit. Lorsque nous avons décidé de participer au processus, nous pensions que de nouveaux rapports allaient être créés. Nous n'en avons pas vu beaucoup de signes même si nous avons tenu notre part du marché. Nous n'en avons pas vu beaucoup de signes de la part du gouvernement.

Toute la question de l'autonomie gouvernementale ne porte pas exclusivement sur les richesses naturelles. Cela porte aussi sur les lois indiennes et la façon dont nous gérons les richesses naturelles. C'est pourquoi, pour nous, modifier les lois comme la Loi sur les Indiens continue d'être une injure. On modifie les lois avant qu'une entente n'ait été conclue à l'occasion de négociations à la Commission des traités. C'est mettre la charrue devant les boeufs.

Avant l'arrivée des Européens sur le continent nord américain, nous vivions de chasse et de cueillette. C'était l'ordre naturel. Toutes les formes de vie étaient intégrées les unes aux autres, selon l'ordre de la création. Pour notre peuple, c'était le paradis sur terre.

Ce qui nous a été imposé, c'est le chaos du monde non autochtone, où la connaissance est fragmentée et qui est le contraire de l'ordre de la création. Dans notre monde régnaient l'ordre et la loi alors que dans le monde non autochtone règnent la loi et l'ordre.

Dans notre monde, nous nous occupions de tous les êtres alors que dans le monde non autochtone, vous ne voyez qu'une facette étroite de la personne. Pour nous, tous les gens sont des êtres distincts qui sont tous importants pour la survie de la culture. C'est notre combat, le combat pour survivre comme Autochtones sur cette terre.

Pour les Carrier-Sekani, la Loi sur les Indiens signifie l'enfer sur terre, l'oppression avec tout son cortège de malheurs comme la pauvreté, l'alcoolisme, la drogue, les mauvais traitements dans les prisons que constituent les réserves, privés des moyens de bâtir une économie et obligés de toujours demander la permission pour profiter du peu qui reste.

Ces épreuves et ce dépouillement ont aussi déchiré nos familles et causé la zizanie. C'est contre cela que chaque chef doit lutter chez nous.

C'est le Créateur qui nous avait donné sa permission parce que les non-Autochtones voient le monde de l'intérieur. Vous ne comprenez rien de notre monde.

C'est pourquoi, souvent, nous hésitons à comparaître devant un comité comme le vôtre. C'est ce qui nous a été enlevé, en fait à vous aussi, il y a 10 000 ans, lorsque la civilisation occidentale est passée au régime agraire après une existence de nomade.

La question de l'autonomie gouvernementale a donc toujours soulevé la question des lois. Avant l'arrivée des Européens ici, nous vivions d'après la loi de la création. Lorsque nos lois nous ont été enlevées, les autorités non autochtones nous ont imposé un autre régime de droit. C'est pourquoi nous avons toujours vécu sous un régime de lois distinctes à l'intérieur du pays que vous appelez le Canada.

.1925

Voilà donc ce qui distingue notre conception du monde. La nôtre, c'était l'ordre et la loi, en communion avec la création, et la conception des grandes sociétés, c'est la loi et l'ordre, à fabriquer des lois d'inhumanités.

Prenons ce processus de consultation, par exemple. Un de nos principaux reproches porte sur le processus de consultation à propos de la modification de la Loi sur les Indiens. La démarche des non-Autochtones est de venir discuter avec notre peuple, comme nous le faisons maintenant. Ils incorporent ensuite nos paroles dans leur façon de penser. Lorsque ces paroles nous reviennent, trop souvent elles ne correspondent plus à notre conception des choses.

La démarche des Carrier-Sekani c'est de se rencontrer constamment, de discuter de ces questions et d'élaborer la loi ensemble.

Par exemple, actuellement, tous nos chefs sont occupés. Ceux qui négocient un traité ici en Colombie-Britannique ne s'occupent qu'à cela. Ils ne s'occupent pas beaucoup du projet de loi C-79 parce qu'à leur avis cela devrait être négocié dans le cadre d'un traité.

Ça ne va pas lorsque le Canada et la Colombie-Britannique disent que nous allons avoir de nouveaux rapports. Tout cela se passe autour de nous. Ces négociations parallèles détournent notre attention; nous devons faire des exposés devant des comités comme le vôtre alors que nous devrions occuper tout notre temps à tenir des rencontres dans nos collectivités pour nous préparer à faire ce travail.

Cette démarche est importante non seulement pour notre peuple mais pour l'humanité toute entière. Nous sommes tous des êtres humains. Nous respirons le même air, nous partageons la même eau et la même planète.

Dans le monde de la loi et de l'ordre non autochtone, à l'image de la façon dont vous voyez le monde... cela nous revient. Et ces lois sont des lois de gens qui veulent dominer une vision étroite de l'économie. Ces lois inhumaines sont à l'origine de tous les problèmes de l'humanité, y compris la destruction de la nature. Vous avez fragmenté votre connaissance et vous avez fragmenté vos lois, qui favorisent certains plutôt que d'autres.

Ces lois ont été fixées par ceux qui ont la haute main sur des richesses naturelles en quantités limitées en fonction de leur conception de la survie. Elles vont à l'encontre de nos lois, qui disent que tous les gens sont importants dans nos nations. Les non-Autochtones ne comprennent pas qu'il existe un ordre, dont découlent les lois qui s'appliquent à tous.

Dans notre univers, les lois humaines font corps avec la vie qui nous habite tous. Les Carrier-Sekani se consacrent à cette quête. Ce qu'ils recherchent, c'est ce que tous les êtres doivent rechercher.

Le problème de l'oppression, dont nous sommes victimes, pèse sur l'humanité toute entière. Je parle des abus, de la violence, de la pauvreté croissante, de l'économie chancelante et de la destruction de la planète. Tout cela a la même origine, les lois inhumaines.

Lorsque nous comparaissons devant ces comités, nous essayons de faire comprendre ces différentes vues. Je le fais en signalant ce que j'ai discerné et ce que je sais des sociétés non autochtones.

Je sais qu'il sera peut-être difficile pour certains d'entre vous de comprendre ce que j'essaie de dire, mais parfois je pense que la vraie difficulté c'est de voir la vérité. Mais pour que la vérité soit vraie, il faut qu'elle englobe tous, tous les organismes humains qui habitent cet espace appelé le Canada. C'est la loi en vertu du seul ordre qui existe.

Maintenant peut-être allez-vous comprendre lorsque je vous dis de ne pas toucher à la Loi sur les Indiens. Pour notre peuple et son avenir, il faut que nous développions une vision de l'avenir à l'intérieur de cet ordre, d'une façon qui cadrera avec votre conception du monde, de sorte que nous puissions vivre ensemble pour assurer l'avenir de tous nos enfants.

.1930

J'ai des problèmes. Mes problèmes, c'est que modifier la Loi sur les Indiens donne l'apparence d'améliorer les choses alors que cette loi montre vraiment ce qu'ils ont fait aux Autochtones dans notre pays.

En disant non à nos lois distinctes, ce qu'ils nous disent c'est qu'ils veulent que nous fassions partie du Canada alors que nous n'en avons jamais fait partie. Ce pays a grandi autour de nous et sans nous, sans notre participation, malgré notre présence. C'est ce que nous reprochons au Canada.

La Loi sur les Indiens est une loi tout à fait distincte de nous. C'est une erreur que d'essayer de nous assimiler dans la société en général, ou même de le souhaiter. C'est le Créateur qui nous a créés, tels que nous sommes, et il ne nous est pas possible d'être autre chose, même si nous le voulions.

Maintenant que les peuples autochtones ont de plus en plus de liens avec les autres pays de la planète, il faut porter bien haut la Loi sur les Indiens pour que les pays du monde la voient bien, parce que c'est le témoignage de la façon dont le Canada a traité les premiers habitants du pays.

Si vous changiez la Loi sur les Indiens demain, quels changements y aurait-il pour les Carrier-Sekani? À mon retour, comment pourrais-je dire à mon peuple quels sont les avantages pour eux? Je ne suis pas très optimiste.

Nous ne pourrons pas modifier quelque chose qui n'a pas été conçu pour nous. Nous ne pouvons rien y ajouter ni rien y retrancher. Nous ne pouvons pas donner notre accord. Il faut créer quelque chose qui convienne à notre peuple.

Mes aînés et les membres de mon peuple me disent que nous sommes des êtres humains nous aussi. Nous sommes un peuple et nous avons un gouvernement et nous avons des lois. Il faut que ces lois soient aujourd'hui respectées et reconnues pour que nous puissions survivre comme êtres humains sur cette planète. Dans le cas contraire, nous courons à la destruction de la planète toute entière.

C'est à cause de certaines choses qu'on voit dans le pays. Franchement, c'est la cupidité des fois. Quand je vois 300 grumiers quitter l'un de mes territoires ou 55 wagons qu'on ajoute chaque jour à un train de bois d'oeuvre, quand je vois 10 groupements gravir le flanc d'une montagne dans un autre territoire à moi, qui dévastent et rasent tout un côté de la montagne en cinq jours, il y a de l'abus, et c'est inutile.

Le président: Je vous remercie beaucoup de votre exposé.

Tout d'abord, je tiens à vous dire que si on vous a téléphoné hier, c'est que la Première nation Tsawwassen s'est décommandée. Il semble qu'on n'ait pas reçu à temps votre demande d'audience. Nous vérifierons cela demain matin.

Chose certaine, pour ceux qui nous ont contactés, même après le délai, nous avons tâché d'entendre tout le monde jusqu'à présent. Veuillez excuser le retard.

Nous allons maintenant passer aux questions des députés.

Le grand chef Prince: Monsieur, c'est le 2 mars que je vous ai adressé ma demande d'audience, si j'en crois mon dossier.

Le président: Il n'y a donc aucune raison pour que cela ait pris tant de temps étant donné que notre calendrier a paru dès le 7 mars. Nous allons vérifier ça. Toutes mes excuses.

[Français]

Monsieur Bachand.

M. Claude Bachand : Madame Prince, il y a quelques années, je suis allé rencontrer les Carrier-Sekani puisque que je suis le porte-parole officiel de mon parti en matière d'affaires indiennes. Je ne me rappelle pas avoir eu le plaisir de vous rencontrer à ce moment, mais je reconnais le langage des Carrier-Sekani.

Je vois que les choses n'ont pas beaucoup changé chez vous. À l'époque, j'avais aussi rencontré vos voisins, les Chilcotin, si je me souviens bien, et j'étais intervenu auprès de notre ministre et du ministre des Forêts de la Colombie-Britannique.

.1935

En me rendant chez vous, j'avais survolé en avion des forêts et j'avais trouvé absolument épouvantable de voir sur votre territoire des centaines et des centaines de camions prenant part à une course pour couper la forêt afin que, lorsqu'on négocierait avec vous des ententes sur les revendications territoriales ou l'autonomie gouvernementale, il ne vous reste plus rien en termes de ressources naturelles. Je suis désolé de constater que les choses ne se sont pas améliorées. Au contraire, vous nous dites qu'elles se poursuivent dans la même voie.

Je n'ai pas beaucoup de questions à vous poser relativement au projet de loi C-79. Vous dites que vivre avec la Loi sur les Indiens, c'est comme vivre en enfer. Je suppose que lorsqu'on vous propose des amendements concernant cette vie d'enfer, il n'y a pas grand-chose que vous puissiez en faire.

Je reconnais votre langage et je l'apprécie beaucoup. Si vous avez besoin de mon aide, sachez que je suis toujours disponible. J'ai hâte de retourner vous rencontrer sur place, parce que c'est quand on va voir des gens sur place qu'on peut être en mesure d'apprécier leur langage par la suite. J'apprécie le langage que vous tenez aujourd'hui.

[Traduction]

Le grand chef Prince: Merci. Je me souviens de vous.

Le président: Y a-t-il d'autres questions? Monsieur Harper.

M. Elijah Harper: Bonsoir, Lynda. C'est Elijah qui vous parle. Vous ne me verrez pas à l'écran, mais je suis content de vous voir.

Je comprends votre point de vue. Comme vous savez, il y a déjà un certain temps que je prends part à ce processus. Je comprends que les Premières nations, ou les Autochtones, veulent faire valoir leur droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, leurs revendications territoriales, leur droit à la gestion des affaires publiques et tout ce qui relève du processus des traités.

Je vous comprends aussi quand vous dites que la modification de la Loi sur les Indiens ne changera rien du tout pour nos Premières nations. Je suis tout à fait d'accord avec vous.

Même si ce projet de loi est adopté, je crois que ce sont les Premières nations qui, en fin de compte, décideront des rapports qu'elles auront avec le pays et le gouvernement fédéral.

On voit apparaître plusieurs initiatives, comme celle que vous mentionniez au sujet du processus des traités en Colombie-Britannique. J'espère que ça va se poursuivre. Je sais que vous avez dit que c'est faible à l'heure actuelle. J'espère que ce processus va se consolider, de telle sorte que nos Premières nations pourront faire valoir tous leurs droits. J'espère que ce seront les Premières nations qui vont régler les problèmes dont vous avez fait état, par exemple le déboisement et la gestion des ressources naturelles dans ces secteurs. C'est ce que j'espère.

Comme je l'ai dit à un collègue, j'essaie toujours de rester positif; je n'ai pas les moyens d'être négatif. Je ne veux pas me laisser submerger par toute cette négativité. J'essaie toujours de rester positif. Je suis fermement convaincu que nos gens sauront se revitaliser et devenir des nations encore plus fortes.

Je tiens seulement à vous remercier pour votre exposé. J'ai la certitude que nous nous retrouverons et que nous pourrons discuter de plusieurs dossiers.

Comme d'autres, je crois que ce genre de format ne correspond pas à nos traditions. Avec les téléconférences, ça n'a pas l'air pareil. J'espère que les choses vont changer et qu'on va tenir compte de nos traditions afin que nous soyons plus à l'aise.

Je vous remercie de votre exposé. Je suis à l'entière disposition des Premières nations. Merci.

Le grand chef Prince: Merci, Elijah.

.1940

Le président: Grand chef, avant de conclure, je tiens à dire que cette téléconférence ne correspond pas à notre tradition parlementaire non plus. C'est une méthode tout à fait nouvelle que notre gouvernement a adoptée afin de faire des économies. Tous les comités font des téléconférences, et c'est strictement pour faire des économies. Je tiens à ce que vous sachiez que notre comité n'est pas le seul à en faire. Tous les comités en font, et c'est parce que l'argent est rare.

Je tiens à vous remercier beaucoup pour avoir fait tant de chemin afin d'être des nôtres avec un préavis si court. Je vous en sais gré, et j'ai beaucoup aimé votre exposé. Merci beaucoup.

Bonjour. Ici Ray Bonin, président du comité, qui souhaite la bienvenue à la Bande indienne du lac McLeod. Nous n'avons pas votre nom parce que vous remplacez le chef Harry Chingee. Voulez-vous nous donner votre nom, s'il vous plaît?

M. Verne Solonas (Bande indienne du lac McLeod): Je m'appelle Verne Solonas.

Le président: Merci beaucoup, et merci d'être des nôtres.

Nous allons vous écouter. Nous avons 40 minutes à notre disposition. Ces 40 minutes vous appartiennent, mais nous vous saurions gré de nous laisser un peu de temps pour vous poser des questions à la fin. Cela dit, nous vous écoutons.

M. Solonas: La première chose que je tiens à dire au comité, c'est que j'ai appris hier que j'allais témoigner, on m'a communiqué le lieu et l'heure par télécopie, mais on ne m'a pas transmis les autres détails au sujet de l'audience. Donc, sauf tout le respect que je vous dois, voulez-vous me donner une idée du sujet de votre discussion d'aujourd'hui?

Le président: Tout d'abord, si vous avez reçu l'avis hier, vous l'avez reçu du chef Harry Chingee, parce que j'ai le programme devant moi daté du 7 mars, et j'y vois son nom. Il y a déjà un certain temps que votre bande sait que vous deviez témoigner aujourd'hui.

Nous sommes réunis pour discuter du projet de loi C-79, la Loi sur les Indiens. Êtes-vous au courant des modifications qu'on propose?

.1945

M. Solonas: Non. Avez-vous assez de temps pour me dire de quoi il en retourne?

Le président: Non, nous n'avons pas assez de temps.

M. Solonas: Je peux quand même vous dire ce que j'en pense. J'ai des opinions très précises sur la Loi sur les Indiens.

Le président: Alors vous pouvez nous en parler. Nous allons vous écouter et ensuite vous poser des questions, mais je ne crois pas que nous soyons en mesure d'expliquer la teneur du projet de loi à nos témoins, parce que vous devriez avoir aujourd'hui une opinion visant à influencer nos décisions. C'est pourquoi il ne m'appartient pas de vous dire de quoi il en retourne.

M. Claude Bachand: Voulez-vous que je le fasse à votre place?

Le président: Non. Il s'agit d'une séance de comité ici - d'une audience publique. Et dans une audience publique, on écoute le public. Si vous avez quelque chose à dire, nous allons vous écouter.

M. Solonas: Merci. Ce que j'ai à dire aujourd'hui au sujet de la Loi sur les Indiens peut être...

[Difficultés techniques]

.2004

Le président: Désolé pour ces difficultés, monsieur Solonas. Allez-y. Parlez-nous de la Loi sur les Indiens.

M. Solonas: Certaines de mes vues ont fait l'objet d'un débat dans ma localité, particulièrement au sein de son administration. Je tiens à ce que vous sachiez qu'il y a des choses que je vais dire aujourd'hui qui ne font pas nécessairement l'unanimité au niveau du conseil et de l'administration.

.2005

J'aimerais parler de manière générale du principe de la Loi sur les Indiens et non des modifications dont nous devons discuter aujourd'hui.

Il y a quelque temps, j'ai parlé au directeur général de la Bande du lac McLeod. Je lui ai fait savoir clairement qu'à l'avenir, il sera nécessaire pour la bande, à mon avis - en fait, pour toutes les bandes du Canada - d'éliminer certains éléments de la relation que les Indiens du Canada ont avec le gouvernement fédéral. Nous vivons en une époque - du moins pour ce qui est de la Bande du lac McLeod - où nous sommes suffisamment avancés en matière d'administration et de gestion. Lorsqu'il y a manque à gagner dans les subventions fédérales, c'est la localité qui se charge de générer ses propres revenus.

Je comprends que les subventions fédérales sont effectivement régies par une politique. Il ne s'agit pas d'un droit. De même, la Loi sur les Indiens elle-même est un instrument qui définit la relation juridique que les Indiens du Canada ont avec le gouvernement fédéral.

Je vois bien que je parle de quelque chose qui n'a rien à voir avec la Loi sur les Indiens, mais à mon avis, ce qui doit se faire, c'est qu'un jour le gouvernement fédéral devra cesser de subventionner les communautés autochtones du Canada, du moins les groupes qui sont dans une situation comme celle de la Bande du lac McLeod, un groupe qui est assez avancé, un groupe qui génère suffisamment de revenus et qui peut vraiment s'occuper de ses propres affaires.

À mon avis, ce qui est arrivé, c'est qu'à une époque il était peut-être nécessaire pour les Autochtones d'être les pupilles de l'État fédéral. Aujourd'hui, du moins dans le cas de la Bande du lac McLeod, cette relation n'est plus nécessaire. Donc, l'un des éléments de cette relation qu'on peut peut-être changer, ce sont les subventions fédérales.

Je pense qu'il y a un risque d'abus dans les communautés autochtones qui reçoivent des fonds fédéraux pour dispenser des services et des programmes dans la localité.

J'approuve les initiatives que prend le gouvernement fédéral pour comprimer ses dépenses dans divers secteurs. Je n'étais pas d'accord avec l'avocat que notre bande a retenu pour faire valoir ses revendications. Je lui ai dit que le gouvernement fédéral doit user de toute sa raison pour prendre toutes les mesures nécessaires en vue de donner satisfaction à la bande - laquelle veut adhérer au Traité 8. Ce traité donnerait à la bande 47 000 acres.

Je lui ai dit que si le gouvernement fédéral nous donnait ces 47 000 acres, j'accepterais de renoncer à toute subvention fédérale. Le million de dollars par année que la bande reçoit du gouvernement fédéral, oubliez ça. La bande n'aurait alors qu'à exploiter ces 47 000 acres. Je pense que cela obligerait la bande à montrer plus de prudence dans la gestion de ses affaires, dans ses opérations quotidiennes, dans les politiques qu'elle met en oeuvre dans la localité. Dans l'ensemble, je pense que la bande pourrait ainsi avancer sérieusement et donner de l'expansion à toutes ses opérations.

.2010

Ce qui est arrivé par le passé, c'est que le gouvernement fédéral a développé une relation avec les Indiens. Cette relation, dans une certaine mesure, est définie dans la Constitution et la Loi sur les Indiens, mais le problème, c'est que des fois, il faut mettre un terme à certaines relations et donner aux gens la possibilité de se débrouiller.

Je ne dis pas qu'il faut abroger la Loi sur les Indiens, tout jeter par-dessus bord. Voici ce que je dis. Prenez des groupes comme les Sechelts, qui ont en fait pris des initiatives pour faire modifier la Loi sur les Indiens afin de faire affaire selon un mandat vague au lieu de s'en tenir à ce que dit le gouvernement fédéral et la Constitution. La Constitution dit comment les gens doivent se conduire, les gens comme les fermiers, les pêcheurs, les gens dans certaines provinces, les provinces elles-mêmes, le gouvernement fédéral lui-même, et les Indiens. Tout le monde essaie de vivre selon la Constitution, mais c'est impossible. C'est difficile.

Ce que je dis, c'est qu'il y a des moments où il faut assouplir la relation juridique qui régit la vie des gens. Les Sechelts y sont parvenus dans une certaine mesure. Il faut cependant savoir qu'il existe une loi sur les Sechelts qui dit qu'il faut faire ceci et cela.

Je pense qu'il faut commencer quelque part. Voici comment moi je ferais. Si les gens dans ma localité me donnaient le mandat et les pouvoirs voulus, je conclurais un accord de financement de trois ans avec le gouvernement fédéral. Je dirais qu'au bout de ces trois années, ce serait fini. Entre temps, nous aurons besoin de ces 47 000 acres auxquels nous avons droit en vertu du traité. Nous allons assurer notre subsistance avec ces 47 000 acres.

Si le gouvernement fédéral voit alors qu'il est nécessaire d'apporter des modifications à la Constitution ou à la Loi sur les Indiens concernant la Bande du lac McLeod, il sera alors temps d'y voir.

Pour le moment, je pense que notre bande est à la remorque des autres groupes du Canada. Notre bande s'occupe beaucoup de ses propres affaires. Une grosse partie du problème tient au fait qu'il nous faut vivre avec la Loi sur les Indiens. Comprenez-vous ce que je dis? Nous avons donc une gestion beaucoup plus sérieuse, mais souvent, la Loi sur les Indiens nous ralentit. On préférerait se débarrasser de toute l'affaire le plus vite possible, si jamais c'est possible un jour.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant inviter les députés à poser des questions. Nous commencerons parM. Duncan.

M. John Duncan: Pour notre bénéfice à tous, en ce qui a trait à votre adhésion au traité no 8, j'ai cru comprendre qu'il y a un certain temps, ce traité a été essentiellement négocié et consommé et qu'il ne restait plus qu'à le signer. Que s'est-il passé? Cela n'a pas eu lieu. Ai-je raison?

.2015

M. Solonas: C'est exact. Nous avons négocié du 10 février 1993 au 29 février 1996. À ce moment-là, nous avons donné tant au Canada qu'à la Colombie-Britannique une semaine pour arrêter les derniers détails de l'entente que nous avions négociée à la fois avec la Colombie-Britannique et Ottawa.

À la fin des négociations de 1996, l'équipe fédérale et celle de la bande sont convenues que les négociations étaient effectivement terminées et que nous avions conclu un accord. L'équipe fédérale et celle de la bande étaient disposées à recommander à leurs supérieurs qu'un accord découlant du traité soit signé.

À ce moment-là, on a demandé à la Colombie-Britannique si elle serait prête à signer l'accord issu de ces négociations et elle a déclaré qu'elle ne disposait d'aucun mandat pour le faire. Naturellement, nous avons fait part de notre consternation, car nous venions de consacrer des millions de dollars et trois années à des négociations, alors que la Colombie-Britannique n'avait pas de mandat lui permettant de conclure l'accord.

Ce que déclarent aujourd'hui nos interlocuteurs, c'est qu'il existe une question en suspens, un obstacle, qui empêche la Colombie-Britannique de signer l'accord; c'est le partage des coûts. Nous avons demandé: «Qu'entendez-vous par le partage des coûts? Pourriez-vous s'il vous plaît nous fournir des éclaircissements?»

La Colombie-Britannique a affirmé avoir demandé à l'administration fédérale 135 millions de dollars pour conclure cet accord, car en vertu du traité, la Colombie-Britannique cédera jusqu'à 47 000 acres au gouvernement fédéral pour que ce dernier puisse signer l'accord découlant du traité no 8 avec la bande. Nous avons alors demandé ce que le gouvernement fédéral avait offert. Il a offert 20 millions de dollars. Donc, la question des 115 millions de dollars reste en suspens.

Nous avons demandé à Victoria et à Ottawa de nous aider à conclure cet accord. Je ne sais pas ce qu'il faudrait pour y parvenir. N'importe quel moyen nous permettant de réunir ces 115 millions de dollars... Je ne sais pas. Mais je vous l'affirme, si vous me donniez les 47 000 acres, je me soustrairais de tout financement fédéral ultérieur. Si vous me donnez les 47 000 acres auxquels j'ai droit en vertu du traité, plus besoin du budget fédéral; je me débrouillerai seul.

Alors, au moins, on nous avise qu'il s'agissait du partage des coûts.

M. John Duncan: Votre accord est conforme au traité no 8 et la formule qui a été établie reposait sur des ententes précédentes découlant de traités. Il existe un grand nombre de parallèles avec ce qui s'est passé, disons, en Saskatchewan, dans les négociations sur les droits fonciers conférés par traité, dans lesquelles le gouvernement fédéral a effectivement payé la facture. Ainsi, je puis comprendre, dans un certain sens, l'argument de la province.

Il convient de noter que cette année, le budget du ministère fédéral consacré au règlement des revendications territoriales est effectivement réduit. Cela pourrait être un nouvel irritant pour vous, j'en suis sûr.

Je sais que j'ai d'autres questions, mais peut-être aurais-je l'occasion de faire une pause, s'il y a d'autres questions.

Le président: D'accord. Monsieur Hubbard.

M. Charles Hubbard: Je n'ai que quelques questions appelant des réponses courtes.

Je m'adresse à la bande indienne de McLeod. Combien de membres avez-vous, combien vivent dans la réserve et combien habitent à l'extérieur?

M. Solonas: Je crois savoir que d'après le dernier recensement, la bande comptait environ390 membres. Autant que je sache, quelque 120 vivent dans la réserve. La communauté qui habite dans la réserve est assez petite.

M. Charles Hubbard: Vous êtes situés assez près de la municipalité de Mackenzie au nord de la Colombie-Britannique, n'est-ce pas?

.2020

M. Solonas: C'est exact. Nous sommes situés à 50 kilomètres de Mackenzie.

M. Charles Hubbard: Un certain nombre de modifications sont énoncées dans la nouvelle loi modifiée. Une des modifications signifierait que les bandes sont protégées à l'heure actuelle car elles peuvent passer des contrats avec d'autres groupes à l'extérieur de la réserve, par lesquels elles s'exposent à des poursuites judiciaires ou doivent remplir des obligations juridiques.

Pensez-vous que cela devrait être modifié afin que la protection actuelle soit supprimée et que les bandes soient régies de la même manière que les autres Canadiens?

M. Solonas: Absolument. Je pense que cela laisse la porte ouverte à des abus par les communautés. Je pense qu'il incombe à chaque individu, quelle que soit la couleur de sa peau, de se montrer honnête en affaires. Je ne crois pas qu'il soit juste qu'un individu bénéficie d'une protection et qu'un autre doive rendre des comptes.

M. Charles Hubbard: Croyez-vous que le gouvernement fédéral, par l'intermédiaire du ministre, doive contrôler la vente de produits à l'extérieur des réserves indiennes? Par exemple, vous avez des activités dans une région très boisée de la Colombie-Britannique. Les bandes devraient-elles être tenues d'obtenir la permission du ministre et du ministère afin de vendre leurs produits?

M. Solonas: Je crois qu'il doit y avoir une certaine réglementation. Sinon, il risquerait d'y avoir... Nous en revenons toujours aux abus. Si cela se produit, on doit toujours se protéger soi-même ainsi que les particuliers et les communautés. Ce que j'entends par là, c'est qu'il doit y avoir une certaine responsabilité et une obligation de rendre des comptes quelque part.

Je sais qu'il existe des règlements et des lois qui régissent la façon dont les entreprises, par exemple dans la collectivité non autochtone de Mackenzie, paient des impôts et conduisent leurs activités. Elles ne sont pas autorisées à vendre certains produits. Je crois qu'il faut un certain niveau de réglementation. J'estime qu'il faudrait aussi une certaine réglementation pour la bande. La bande elle-même pourrait peut-être établir quelques...

Par exemple, lors des négociations que nous avons eues avec la Colombie-Britannique et Ottawa pour adhérer au traité no 8, la bande est convenue d'instituer un texte appelé le code des pratiques forestières de MacLeod, qui s'inspirait du code provincial des pratiques forestières, lequel expose aux habitants de la Colombie-Britannique comment ils peuvent utiliser les forêts. Voilà, je crois, le genre de choses qu'il nous faut.

M. Charles Hubbard: Je suis très impressionné par l'étendue de vos connaissances sur tous ces sujets. Vous êtes assurément très au fait de ce qui se passe dans ce domaine.

Il existe une autre partie de la loi actuelle qui semble indiquer que le ministre peut décider des candidats en lice dans le cadre des élections de bandes. Selon vous, qui devrait décider des candidats habilités à devenir conseiller ou chef dans une réserve des Premières nations?

M. Solonas: Je crois que cela devrait être du ressort de la communauté. Elle devrait peut-être définir les règles, mais il devrait aussi exister un mécanisme en cas d'abus. Il serait peut-être possible de créer un organisme objectif composé de représentants du gouvernement fédéral et de la bande, pour que tout soit parfaitement transparent.

.2025

M. Charles Hubbard: Les artefacts autochtones représentent un autre aspect du contrôle qu'ont exercé le ministre et le ministère sur les communautés des Premières nations. À votre avis, qui devrait régir la capacité des Premières nations d'échanger, de vendre ou de donner des artefacts qui revêtent une grande importance pour leur peuple?

M. Solonas: C'est aux communautés que cela revient.

M. Charles Hubbard: Croyez-vous que ni le ministre ni le gouvernement du Canada ne devrait exercer un contrôle quelconque sur les peuples des Premières nations en ce qui a trait à ce qu'ils font de leurs artefacts?

M. Solonas: Peut-être les communautés autochtones devraient-elles s'en occuper elles-mêmes, sans ingérence d'aucun palier de gouvernement.

M. Charles Hubbard: Enfin, s'agissant de l'enseignement autochtone, le ministre devrait-il intervenir dans le processus d'éducation au sein des communautés des Premières nations?

M. Solonas: Dans notre cas, tous les enfants se rendent en autobus aux écoles locales non autochtones. Cela comprend l'école secondaire et l'école primaire. Il s'agit là des habitants de la réserve. Ceux qui habitent à l'extérieur vont, là encore, aux écoles non autochtones de Prince George, de Vancouver ou de leur lieu de résidence.

Il ne fait aucun doute dans notre esprit que le parent, dans ce cas, décide du lieu où l'enfant sera scolarisé et, s'il y a des dépenses pour les manuels scolaires, par exemple, c'est la bande qui les prendra en charge. Le système est le même pour l'école secondaire et les niveaux d'enseignement supérieur, pourvu qu'il existe un financement.

Une question se pose ici, cependant. Parfois, je remarque que les chefs et les conseils peuvent affirmer qu'ils ont le pouvoir de rejeter les demandes d'aide financière adressées à la bande par un particulier. Cela nous est impossible, pourraient affirmer les bandes, parce que la politique du gouvernement fédéral, ou la Loi sur les Indiens, stipule que nous ne pouvons vous fournir aucune aide financière parce que vous habitez à l'extérieur de la réserve, même s'il existe un financement suffisant pour prendre en charge la personne qui habite à l'extérieur de la réserve.

Je crois que toute cette question doit être examinée en profondeur. Je crois que l'impulsion doit être donnée par des éducateurs d'origine autochtone. Encore une fois, si une bande possède ses propres 47 000 acres, elle devrait elle-même établir ses programmes et services, y compris en ce qui a trait à l'éducation. Il serait inutile que le gouvernement fédéral intervienne trop dans ce domaine.

M. Charles Hubbard: Deux brèves remarques. Cela est hors sujet, mais les membres de votre comité sont-ils en mesure de conserver leur langue? Deuxièmement, quels sont vos résultats en matière de fréquentation de l'école secondaire par vos jeunes? La plupart d'entre eux font-ils des études secondaires dans le cadre de ce système? Comment est-ce que cela fonctionne dans votre communauté?

M. Solonas: Je crois que nous constatons que, en particulier dans les années 90, nous avons un taux de réussite supérieur. Cela tient en partie à la ferme volonté de la bande d'aider les individus et d'établir des réseaux de soutien pour l'ensemble de la communauté, à savoir des services de conseil en matière de toxicomanie et d'alcoolisme, de santé mentale et de santé. Des conseillers professionnels de Mackenzie et des agents de la GRC viennent et nous aident à mettre sur pied ces différents programmes et services qui apportent un soutien à la communauté.

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Ce que nous avons aussi, ce sont des banquets en l'honneur de l'éducation, avec des prix qui permettent de récompenser les enfants pour leur travail. Ceci n'était pas une tradition. Ainsi, nous avons remporté un certain succès au niveau secondaire que nous ne connaissions pas il y a 10 ans.

Excusez-moi, quelle était l'autre question?

M. Charles Hubbard: Elle portait sur la langue, en ce qui a trait à la fréquentation des écoles communautaires. Avec vos jeunes, parvenez-vous à conserver votre langue maternelle en tant que communauté?

M. Solonas: Pas à titre fonctionnel.

Nous avions des cours de langue à la fin des années 80, et pendant deux années consécutives au début des années 90, nous avons créé un cours de langue dans la réserve, juste devant les bureaux du conseil de bande, pour les enfants du primaire qui quittaient l'école à 14 heures. Ils suivaient ce cours de 14 heures à 15 heures. Cette formule est devenue difficile à mettre en pratique après un certain temps, mais nous allons essayer de la relancer.

Par ailleurs, nous publions un dictionnaire, dont un exemplaire a été remis à chaque famille de la réserve. Il y a donc un certain effort de la part de la bande elle-même pour tenter de préserver cette langue. À dire vrai, toutefois, tout le monde, dans la réserve, parle anglais et tout l'enseignement se déroule en anglais. Tout ce qui se fait est en anglais. L'argent dépensé vient des Anglais.

M. Charles Hubbard: Merci.

Le président: Monsieur Duncan.

M. John Duncan: Je ne sais pas; M. Hubbard a si bien posé des questions que je ne suis pas sûr d'en avoir. C'était sans aucun doute un exposé intéressant.

À mon avis, la Loi sur les Indiens a considérablement entravé le développement de l'esprit d'entreprise. Je sais que vous avez parlé des obstacles que la loi présente à la bande qui essaie de mener des activités dans les limites de la Loi sur les Indiens.

À voir la façon dont vous exploitez des entreprises, pourriez-vous décrire certains des obstacles que la Loi sur les Indiens, dans sa forme actuelle, oppose aux activités commerciales? Pourriez-vous donner certains exemples?

M. Solonas: Autrefois, si nous voulions exploiter une partie de la réserve et vendre le bois pour en tirer des revenus, il nous fallait obtenir l'approbation du ministre. Dans les années 80, nous avons déclaré: «Cela ne tient pas debout. Nous pouvons essayer de changer le système en recourant aux tribunaux ou en modifiant la législation, voir la Constitution. D'autres groupes le font, alors allons tout simplement de l'avant.»

Il y a eu un incident réel en 1986, quand nous nous préparions à recourir aux tribunaux et il nous était impossible d'obtenir l'assentiment ministériel. C'est un processus assez long. Nous avons donc décidé d'aller de l'avant quand même. Nous sommes donc partis dans le bois, nous avons bûché environ 200 acres et mis 400 000 $ dans notre compte de banque. Nous avons téléphoné au Bureau des Affaires indiennes à Prince George et leur avons dit: «Voici ce que nous allons faire et ce n'est pas vous qui allez nous arrêter. Tenez-vous le pour dit.»

Je ne sais pas si Ottawa en a jamais entendu parler, mais cela nous a permis de nous lancer et deux ans plus tard, nous avons réussi à faire imposer une injonction pour 55 000 acres de territoire traditionnel Sekani pour protéger cette zone et le juge a dit que l'injonction durerait jusqu'à ce que la bande puisse enfin régler toutes les questions entourant son adhésion au no 8.

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Certains groupes n'ont pas les atouts voulus pour jouer une partie de bras de fer comme les Sekani du lac McLeod. Nous faisons à notre tête, nous en informons les autres plus tard et ils peuvent toujours nous poursuivre devant les tribunaux. D'autres groupes n'ont pas atteint le même niveau de développement ou peut-être ont-ils passé trop de temps dans les écoles résidentielles. Je ne le sais pas.

Comme je disais, le groupe du lac McLeod a tendance à faire à sa tête et d'en informer les autres plus tard. Peut-être que d'autres groupes n'ont pas les chefs qu'il faut, ou peut-être sentent-ils qu'ils ont les mains liées.

M. John Duncan: Je crois qu'il existe quand même des cas, en Colombie-Britannique, où certaines bandes se sont tournées sérieusement vers le monde des affaires et s'occupent justement de leurs affaires. Lorsqu'il s'agit de faire de la politique - le groupe à qui vous parlez ce soir travaille dans l'arène politique - , nous n'entendons plus parler de ses gens. Je crois que c'est parce qu'ils ont décidé de consacrer leurs énergies à brasser des affaires et à s'occuper de leur communauté.

Quelque chose qui me laisse un peu perplexe, cependant, c'est que même si ces bandes savent très bien s'occuper de leur propre communauté, je ne les ai pas encore vues créer de réseau - ou peut-être est-ce parce que je ne les vois tout simplement pas - qui pourrait servir à aider tout un groupe de communautés.

Je vous offre l'exemple de ma région de Campbell River, où l'on construit un énorme centre commercial. Les gens ont entrepris toutes sortes d'initiatives, mais ils ont dû se conformer à toutes les exigences de la Loi sur les Indiens et obtenir toutes les approbations. La réalisation du projet a peut-être donc pris deux ou trois ans de plus qu'il n'en aurait fallu autrement et peut-être ces gens-là devraient-ils s'occuper un peu de politique pour faire changer les choses. Ce serait très difficile pour une bande de s'attaquer à ce genre de chose à elle seule.

Savez-vous s'il y a quelque chose qui pourrait servir à réunir ces bandes-là pour qu'elles puissent faire un peu sentir leur poids.

M. Solonas: Je crois qu'il y a eu quelques tentatives. Il y a eu la montée de l'UBCIC, l'UNN et, un peu plus tard, le sommet.

Il semble y avoir un aspect historique à tout cela. À une époque, dans toute l'Amérique du Nord, les groupes autochtones avaient leurs propres territoires traditionnels. C'était un territoire bien défini. Le terme «territoire» comprend la notion que ce qui est ici m'appartient et que ce qui est là-bas vous appartient.

Dans le passé, et jusqu'à très récemment, les groupes ont été assez autonomes et ne faisaient rien au niveau politique ou même économique pour s'entraider ou s'appuyer les uns les autres. Je crois que dans notre région, nous débutons notre apprentissage dans ce domaine, c'est-à-dire comment travailler avec les Tahltans, les Tsay Keh Dene et le groupe du Fort Ware. C'est quelque chose de très récent pour la bande: on a commencé au début des années 90.

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La raison pour laquelle nous en sommes arrivés là, c'est que nous nous pensons un peuple astucieux sur le plan économique et nous avons appris que ce ne sont pas les occasions qui manquent. À force de tâtonnements, surtout pendant les années 80 et au début des années 90, nous avons appris comment nous débrouiller en affaires.

Une des choses que nous apprenons, c'est que se débrouiller en affaires veut dire passer un coup de fil à ses copains dans le genre: «Eh les gars, pouvez-vous partager votre expertise avec nous? Vous avez travaillé sur le projet du mont Kleppan. Est-ce que vous pourriez peut-être...?»

Il y a un gars qui est prêt à agir à titre de consultant. Nous allons le payer. Si nous ne le payons pas, nous ferons en sorte que la mine le paie, mais il faut qu'il soit payé.

En outre le directeur général de la bande a pris un engagement tripartite avec l'ancien chef du Tsay Keh Dene. Encore une fois, ces deux gars-là se bagarraient ferme dans les bureaux du ministère des Affaires indiennes dans le Nord tandis qu'aujourd'hui ils arrivent en fait à s'entendre.

Voilà le genre de réseau qui se forme et c'est parce que les groupes du Nord, au moins les Tahltans et ceux de la Sekani, s'intéressent davantage à brasser des affaires.

M. John Duncan: Je ne voudrais jamais que l'on puisse penser que je vous encourage à vous concentrer davantage sur la politique que sur les affaires. Je suis donc heureux d'entendre ce que vous venez de dire. Merci.

Le président: Merci beaucoup. Le temps à notre disposition est écoulé et j'aimerais vous dire que pour quelqu'un qui remettait en question le projet de loi que nous étudions, vous avez très bien présenté votre point de vue. Moi-même, ainsi que d'autres députés, probablement, avons senti que c'est votre coeur qui parlait et il a certes valu la peine de vous écouter.

Pour les fins du compte rendu, j'aimerais vous demander si vous êtes membre du Conseil de bande ou l'un de ses employés?

M. Solonas: Je suis membre de la bande indienne du Lac McLeod et j'ai déjà été leur employé. Je faisais aussi partie de l'équipe de négociations de la bande et à l'heure actuelle je travaille pour la bande à titre de consultant.

J'ai mon bureau de consultant chez moi, à la maison. Lorsqu'il y a des réunions comme celle d'aujourd'hui et que le chef se trouve dans l'impossibilité de comparaître, il me demande de le remplacer et c'est ce qui s'est passé aujourd'hui. C'est un homme très occupé. Il travaille toujours. Il a 75 ans et il travaille toujours. Tous les membres de la communauté travaillent.

Je représente aussi la bande. Nous comparaîtrons au tribunal demain. Nous avons intenté des poursuites contre le gouvernement de la Colombie-Britannique concernant des terres que nous cherchons à obtenir en vertu des traités. C'est moi qui serai l'avocat plaidant demain matin.

Le président: Eh bien, si je devais me présenter, j'aimerais bien vous avoir dans mon camp.

Des voix: Oh, Oh!

Le président: Merci beaucoup.

Voilà qui met un terme à notre réunion d'aujourd'hui. Nous reprenons demain après-midi à13 heures. Merci.

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