[Enregistrement électronique]
Le mercredi 12 mars 1997
[Traduction]
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): Nous allons reprendre nos travaux. Afin que tout le monde soit au courant, je vous fais savoir que le chef Jerry Knott, de la Première nation Wasagamack, ne s'est pas présenté aujourd'hui. Le chef Sydney Garrioch, de la Première nation de Cross Lake, ne s'est pas présenté aujourd'hui non plus. C'est le cas également du chef Ironman, de la nation sioux de la vallée de la Dakota.
J'ai ici sur ma liste, pour la Première nation dénée Sayisa, «Sarah Cheekie, membre», mais je pense qu'il y a des corrections à apporter. Pourriez-vous m'aider, je vous prie.
M. Kevin Carlson (Native Communications Inc., Première nation dénée Sayisa): Oui, je m'appelle Kevin Carlson, et je suis l'un des auteurs du mémoire que Nancy va vous présenter ici aujourd'hui.
Le président: Merci beaucoup, et merci d'être venus en avance et d'avoir bien voulu nous arranger. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Nous allons passer 40 minutes ensemble. Cette période de temps vous appartient. Nous vous serions néanmoins reconnaissants de faire en sorte qu'il reste un peu de temps après vos présentations pour que les députés puissent vous poser des questions. Comme vous le savez, nous sommes ici pour discuter du projet de loi C-79, loi permettant la modification de l'application de certaines dispositions de la Loi sur les Indiens aux bandes qui en font le choix. Vous pouvez commencer dès que vous êtes prêts.
Mme Nancy Powderhorn (coordonnatrice de l'entente-cadre, Première nation dénée Sayisa): Bonjour. Je suis venue ici aujourd'hui pour vous soumettre le point de vue de la Première nation dénée Sayisa, qui est établie tout près du lac Manitoba.
En ce qui concerne le projet de loi C-79, Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens, le chef et le conseil de la Première nation dénée Sayisa s'opposent fermement. Notre opposition au projet de loi peut se résumer sous trois principales rubriques, mais soyons clairs. Tous ces éléments, reliés les uns aux autres, lorsqu'ils sont ajoutés ensemble, donnent lieu aux conditions épouvantables avec lesquelles nous devons composer quotidiennement.
Le gouvernement fédéral ne s'est selon nous pas acquitté de sa responsabilité fiduciaire telle qu'énoncée dans le Traité no 5, que nos anciens ont signé de bonne foi et pleins de confiance le 1er août 1910. Le plus gros engagement que la Couronne n'a pas respecté, celui qui nous cause le plus de difficultés, est le manque de terres de réserve. Le Traité no 5 stipule que chaque famille de cinq personnes devait recevoir 160 acres de terres de réserve, soit 32 acres par personne. À l'heure actuelle, la Première nation dénée Sayisa regroupe 603 membres. Trois cents d'entre eux vivent à Tadoule Lake, avec seulement 526 acres.
En vertu de l'entente sur les droits fonciers issus des traités, nous appuyant sur la formule du gouvernement convenue dans le cadre du Traité no 5, la Première nation dénée Sayisa devrait disposer de 22 372 acres, ce qui veut dire qu'il en manque encore 86 p. 100. Essayez d'imaginer une communauté qui essaie de vivre sur un lopin de terre qui est plus petit que de nombreuses fermes du sud du Manitoba.
Cela nous amène à la question du logement. La Première nation dénée Sayisa a déménagé à Tadoule Lake en 1973 pour y vivre dans des maisons - et j'utilise ce terme assez librement - considérées comme étant de nature temporaire. La majorité de ces maisons - mais je devrais plutôt parler de cabanes, car c'est de cela qu'il s'agit - ne correspondent à aucune norme acceptable de quelque sorte que ce soit. Le manque d'eau et de système de traitement des eaux, ajoutés à l'état de ces malheureuses cabanes, donnent une situation où l'on s'inquiète davantage pour la santé des gens.
Notre peuple est en train de mourir à cause de ces conditions épouvantables, et puisqu'on parle de mort, le génocide vécu par les membres de la Première nation dénée Sayisa, par suite de la stupidité et du manque absolu de compassion de la part du gouvernement fédéral, est tout à fait scandaleux et inacceptable, quelle que soit l'interprétation que l'on veuille donner aux normes mondiales.
Les conditions que nous avons été obligés de subir suite au premier déplacement massif de Duck Lake à Churchill en 1956 étaient même en deçà des normes correspondant au tiers monde. Nous étions et continuons d'être les plus démunis parmi les pauvres. L'histoire montre que nous avons été déposés sur les rives de la baie d'Hudson et forcés de vivre dans des cabanes d'une seule pièce faites de murs aussi minces que le papier. Nous n'avions ni ressources économiques, ni eau courante, ni approvisionnement suffisant en eau potable, ni chauffage ni alimentation adéquats.
L'action directe et l'inaction du gouvernement fédéral ont été telles que notre peuple en a été amené à fourrager dans le dépotoir de Churchill pour se nourrir. Je tiens à être certaine que vous avez pleinement saisi ce que je viens de dire. Il nous a fallu consommer les ordures d'autres êtres humains pour assurer notre simple survie. Voilà ce que j'entends par génocide généralisé.
La Première nation dénée Sayisa a perdu la moitié de ses membres. Nous avons regardé nos amis et parents mourir autour de nous et nous ne pouvions rien y faire, car le gouvernement fédéral nous ignorait.
Pouvez-vous vous imaginer ce que c'est que d'être arraché à sa maison, se faire dire qu'il faut tout laisser derrière soi et se faire déposer sur les rives d'une côte de l'Arctique sans rien, pour être ensuite, à toutes fins pratiques, ignoré pendant près de deux décennies? Et aujourd'hui, ayant été obligés de vivre à Tadoule Lake depuis 20 ans, nous constatons qu'on nous ignore de nouveau.
En ce qui concerne la Loi sur les Indiens, il s'agit d'un document raciste qui ne vaut pas l'encre qui a servi à son impression. Le ministre des Affaires indiennes, l'honorable - et j'utilise ce terme de façon plutôt impropre - Ron Irwin a déclaré publiquement que la modification de la Loi sur les Indiens a été réalisée avec la pleine consultation et le plein soutien des peuples des Premières nations. La Première nation dénée Sayisa n'a jamais été consultée. Les dénés Sayisa n'ont pas approuvé la nouvelle loi. Comment pouvons-nous appuyer une chose qui est proposée par un gouvernement qui ne nous a jamais appuyés nous? L'appui fondamental que nos anciens ont accepté ce jour d'été de 1910 - le Traité no 5 - ne s'est jamais matérialisé.
Avant de conclure, j'aimerais porter à votre attention une citation du livre écrit par Elijah Harper:
- La Loi sur les Indiens est comme un pénitencier, les Indiens étant les détenus. Le fait de changer
la loi ne sort pas les détenus de prison. Lorsque vous modifiez la Loi sur les Indiens, tout ce que
vous faites, c'est prolonger un petit peu le changement. C'est tout.
En conclusion, j'ose espérer que le gouvernement fédéral, par l'intermédiaire du comité ici réuni, fera preuve d'une certaine intégrité face à notre mécontentement à l'égard du projet de loi C-79. Donnez à nos jeunes l'espoir que les choses vont bel et bien s'améliorer. Je ne souhaite pas que nos enfants et que nos petits-enfants aient à vivre l'atrocité que nous, nous avons vécue.
J'aimerais inviter les membres du comité permanent à se rendre à Tadoule Lake pour y rencontrer nos anciens, nos leaders et nos membres, et pour pouvoir constater de leurs propres yeux ce que nous avons dû endurer et ce que nous continuons de subir quotidiennement.
J'ai ici un vidéo, intitulé Nuhoniyeh, qui porte sur notre bande, et j'aimerais savoir si je peux le remettre à quelqu'un.
Le président: Très bien. Pourriez-vous le faire parvenir au greffier du comité? Il faudrait que cela soit expédié dès aujourd'hui afin que nous l'ayons au début de la semaine prochaine, ce afin que tous les membres du comité aient l'occasion de le visionner.
Mme Powderhorn: Très bien. Pourrais-je envoyer certains de ces mêmes...
Le président: Absolument. Nous vous serions reconnaissants de nous envoyer toute la documentation écrite ou autre que vous avez, et nous annexerons cela aux procès-verbaux.
Mme Powderhorn: Très bien.
M. Carlson: Pour que les choses soient bien claires, nous n'allons pas confier la cassette à quelqu'un ici à Winnipeg; nous allons vous la faire parvenir par la poste. C'est bien cela?
Le président: C'est exact. Vous pourrez facturer au comité les frais d'expédition.
Monsieur Carlson, allez-vous ajouter quelque observation à la présentation qui vient d'être faite?
M. Carlson: Non. J'imagine que nous pouvons maintenant passer aux questions que voudront nous poser les membres du comité.
Le président: Merci.
Monsieur Bachand, du Bloc québécois.
[Français]
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Je désire saluer mes amis Dénés. Je me suis souvent rendu dans les Territoires du Nord-Ouest, mais je ne me suis pas encore rendu dans la partie nord du Manitoba, où j'aimerais éventuellement aller faire un tour. Puisque je suis le porte-parole de mon parti pour les affaires indiennes, je me fais un devoir d'essayer de visiter tous les coins du pays où sont établies les Premières Nations.
Madame Powderhorn, vous nous avez fait une description assez ébranlante de ce qui se passe dans vos communautés. Je savais qu'il y avait des communautés dépourvues. Vous avez vous-même qualifié les conditions de vie comme étant celles du troisième monde, mais moi j'en parle souvent comme des conditions du quatrième monde. Cette situation est inacceptable dans notre société.
Vous avez également fait mention du Traité no 5. Vous savez que le projet de loi C-79 que nous étudions propose de modifier la vieille Loi sur les Indiens. Vous savez aussi que le Bloc québécois s'y oppose parce qu'on pense que le recouvrement de votre statut et des conditions socioéconomiques qui étaient les vôtres avant l'arrivée des Européens passe nécessairement par le respect des traités. Un des arguments qu'on entend souvent concernant le projet de loi C-79, c'est qu'il y a danger qu'on oublie les traités et qu'on s'en reporte désormais uniquement à la Loi sur les Indiens.
Je comprends aussi que le Traité no 5, comme l'ensemble des autres traités, n'a pas été mis en oeuvre de façon aussi parfaite que vous l'auriez souhaité. Ai-je raison de dire que votre présentation avance que l'avenir repose beaucoup plus sur la mise en oeuvre du Traité no 5 que sur la modification de la vieille Loi sur les Indiens? Préférez-vous la mise en oeuvre d'un traité à l'adoption d'un projet de loi modifiant une loi vieille de 100 ans?
[Traduction]
Mme Powderhorn: Comme je l'ai dit, notre bande s'y oppose, et nous aimerions...
M. Carlson: Je pense que les Premières nations au Manitoba et partout au pays ont été très claires, disant que la Loi sur les Indiens est une loi - et le député Elijah Harper l'a dit - qui ressemble à un pénitencier. Cette loi ne sert pas les Premières nations. Il est temps de commencer à travailler dans le cadre des traités et de se débarrasser complètement de ce texte de loi.
[Français]
M. Claude Bachand: C'est très clair. Vous me dites que vous préféreriez qu'on mette en oeuvre le Traité no 5, qu'on l'actualise et qu'on fasse en sorte que l'esprit qui l'habitait à l'époque soit appliqué aujourd'hui au lieu de modifier la Loi sur les Indiens, une loi qui date de 100 ans. Je comprends cela.
J'aimerais que vous me parliez brièvement de la consultation. C'est un aspect sur lequel on entend souvent des reproches. Avez-vous pour votre part répondu à l'appel du ministre? Depuis le début, le ministre nous dit qu'il a envoyé une série de lettres aux Premières Nations et que plusieurs lui ont répondu. Avez-vous répondu aux lettres du ministre? À votre avis, une consultation par correspondance est-elle suffisante pour attaquer un problème aussi important que celui qui est devant nous aujourd'hui, soit les modifications à la vieille Loi sur les Indiens?
[Traduction]
Mme Powderhorn: Je pense qu'il y a eu un changement de chef au sein du conseil à l'époque où ces lettres ont été envoyées. Il n'y a pas eu de consultation. Cela nous a été communiqué par fax. J'ignore si l'ancien chef ou le nouveau chef ont reçu ces renseignements. J'ignore si quelqu'un a répondu. Que je sache, il n'y a pas eu de réponse.
Le président: Madame Powderhorn, auriez-vous quelques remarques à faire en guise de conclusion?
Mme Powderhorn: J'aimerais inviter le député avec qui je viens de discuter à venir assister à notre rencontre dénésuline, que nous allons tenir cette année à Tadoule Lake, du 7 au 11 juillet. Nous l'y invitons, si cela l'intéresse.
Le président: Merci beaucoup.
M. Carlson: Pour que le député du Bloc comprenne bien, il s'agit d'un rassemblement de toutes les nations dénées du Canada. Ce rassemblement aura lieu chez la Première nation dénée Sayisa à Tadoule Lake, la nation dénée située le plus à l'est au Canada.
Le président: Il serait peut-être bon que vous envoyiez une invitation à tous les membres du comité. Vous pourriez en obtenir la liste auprès de votre député, si vous ne l'avez pas avec vous.
Merci beaucoup de votre exposé et merci d'avoir fait tout ce trajet pour être des nôtres.
Cela met fin à cette partie de la consultation.
Je signale, aux fins du procès-verbal, que la Première nation de Nelson House, qui devait être représentée par le chef Gerry Primrose, manque toujours à l'appel, alors nous allons passer au suivant.
Le groupe suivant est la nation crie de Norway House. Dès que ses représentants seront arrivés, nous les entendrons. Nous allons maintenant suspendre la séance en attendant l'arrivée d'un témoin.
Le président: Nous allons maintenant reprendre nos travaux avec la Première nation de Nelson House. C'est M. Lou Moodie qui remplace le chef Jerry Primrose.
Monsieur Moodie, auriez-vous quelques observations à faire avant...?
M. Lou Moodie (chef par procuration, Première nation de Nelson House): Ce que j'aimerais vous dire pour l'heure, de notre point de vue, à Nelson House, c'est que nous reconnaissons que le projet de loi C-79 est là. Cependant, nous aimerions disposer d'un peu plus de temps pour examiner les modifications proposées. Nous ne sommes pas pour; nous ne sommes pas contre; nous aimerions comprendre à fond ce qu'on nous propose. C'est cela que je tiens à vous dire pour l'instant.
Le président: Pour vous situer un petit peu, le projet de loi a été déposé à la Chambre des communes le 12 décembre, et des exemplaires ont été distribués. Nous avons depuis été chargés de l'examiner. C'est ce que nous faisons, et mardi prochain, nous aurons terminé notre processus de consultation.
Nous allons maintenant passer aux questions, s'il y a des députés qui souhaitent vous en poser. Le premier intervenant sera M. Claude Bachand, du Bloc québécois.
M. Claude Bachand: Bonjour, Lou. Je vais commencer en anglais, mais je devrais plutôt m'exprimer en français, car c'est ma langue.
[Français]
Je vais vous parler en français, Lou. Un des premiers dossiers auxquels j'ai été mêlé en tant que critique des affaires indiennes il y a maintenant trois ans est celui du Northern Flood Agreement, que vous devez connaître assez bien. Il y a quelque 600 communautés autochtones au Canada. Je me rappelle qu'à l'époque où j'ai commencé aux affaires indiennes, j'ai été très mêlé au dossier de Nelson House. Je sais qu'il y avait d'autres communautés comme York Factory et Cross Lake. Ces questions ne me sont pas étrangères et j'ai d'ailleurs déjà tenté d'aller vous rencontrer, ce qui malheureusement n'a pas pu se faire.
Nous nous penchons aujourd'hui sur le projet de loi C-79. Votre communauté est-elle sous l'égide du Traité no 5? Oui? Les témoins qui vous ont précédé, les représentants de la Première Nation Sayisa Dene, sont eux aussi sous l'égide du Traité no 5. Le projet de loi C-79 vise à modifier la vieille Loi sur les Indiens. Nous, les députés du Bloc québécois, nous y opposons parce que nous pensons que pour régler la question autochtone, il faudrait procéder à une mise à jour des traités et faire en sorte qu'ils soient respectés, chose qui n'a jamais été faite, plutôt que d'adopter des modifications à la Loi sur les Indiens, cela en raison de tous les impacts qui pourraient s'ensuivre.
À votre connaissance, votre communauté a-t-elle été consultée au sujet du projet de loi C-79? Est-ce que vous avez reçu de la correspondance à cet effet? Avez-vous répondu au ministre? Selon vous, une consultation ne devrait-elle pas aller plus loin qu'un simple échange de correspondance?
Comme je le demandais à vos prédécesseurs, les représentants de la Première Nation Sayisa Dene, est-il utile de modifier une vieille loi ou serait-il préférable de tout simplement respecter le Traité no 5 et sa philosophie, tel qu'il a été signé à l'époque de vos ancêtres et des miens?
[Traduction]
M. Moody: Puis-je répondre?
Le président: Oui, vous avez la parole.
M. Moodie: Je vous ai vu à Ottawa. Je pense que vous étiez membre du comité permanent devant lequel nous avons fait un exposé, à Ottawa, au sujet de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba.
Par ailleurs, j'aimerais pouvoir utiliser ma langue autochtone. Cependant, vous n'avez pas de traducteur, alors la seule langue que je puisse utiliser est l'anglais.
Pour en revenir à votre première question, c'est-à-dire aurait-il fallu qu'il y ait davantage de consultation au niveau communautaire, je pense qu'avant cela, vous m'avez demandé s'il y avait ou non eu consultation au niveau communautaire. Ma réponse est que non, il n'y en a pas eu.
Il y a eu de la correspondance, que j'ai ici avec moi, et qui a été soumise à notre chef en conseil. Lorsque nous l'avons reçue, nous l'avons examinée. Étant donné les délais, c'était difficile pour nous de digérer cela.
Lorsqu'on parle de consultation, on parle de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba. Cette convention est l'exemple parfait de la consultation, car il y a eu une consultation exhaustive au niveau communautaire, mais pas seulement là, car il y en a également eu à Winnipeg, là où se trouvent le gros de nos membres. Lorsque je dis que c'est l'exemple parfait, je veux dire par là que nous comprenions la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba.
Dans le cadre de cette convention, il y avait des négociateurs qui avaient précisément pour mandat de faire cela. À l'époque, nous étions quatre, et au sein du conseil, nous étions huit. Nous voulions que ce soit une priorité pour notre chef en conseil de comprendre la convention, et nous nous sommes donc réunis régulièrement. Nous avons commencé à la base et nous avons travaillé à partir de là jusqu'au leader.
Nous estimons que pour pouvoir prendre une solide décision, il nous faut comprendre les questions à partir de notre perspective à nous. Le fait que ce soit une téléconférence, que nous ne soyons pas tous réunis autour de la même table, dans la même salle... de mon point de vue, il y a quelque chose qui ne va pas. Je sais que la technologie fonctionne et nous permet de nous parler, mais d'après moi, le dialogue n'est pas le même. Voyez-vous, je regarde un écran et non pas un être humain.
Il doit y avoir davantage de consultations si vous allez apporter des modifications à la Loi sur les Indiens.
Vous demandez si j'accepte l'idée que la loi soit modifiée et vous demandez également si la philosophie des traités signés en 1908 devrait ou non demeurer. Corrigez-moi si j'ai tort, mais ce sont bien là les questions que vous m'avez posées, n'est-ce pas?
M. Claude Bachand: Oui.
M. Moodie: D'après la façon dont je vois les choses à l'heure actuelle, je dirais que oui, la philosophie doit être conservée.
Que nous faut-il faire de notre point de vue, de mon point de vue et du point de vue des membres de la communauté et des contribuables du pays? Il nous faut éduquer le grand public sur qui nous sommes. Il est grand temps que les contribuables du pays et que les gens à la base - c'est-à-dire de l'école élémentaire jusqu'à l'école secondaire - commencent à comprendre qui nous sommes.
À l'heure actuelle, d'après ce qu'on voit... c'est triste à dire, mais on peut se promener dans les rues de Winnipeg, de Toronto, d'Ottawa ou d'ailleurs et demander aux gens ce qu'est un Autochtone et ils vous répondront: oui, il s'agit d'êtres humains, mais ce sont des Indiens avides d'argent. Ils disent cela par ignorance. Ils ne savent pas. Ils ne savent pas ce que prévoient nos traités.
Voilà, en gros, ce que je dirai en réponse à votre question. Si vous en avez d'autres, je me ferai un plaisir d'y répondre.
Le président: Merci.
Y a-t-il quelqu'un d'autre?
Monsieur Murphy.
M. John Murphy (Annapolis Valley - Hants, Lib.): Merci, monsieur le président.
Bienvenue, Lou. Je suis heureux que vous soyez des nôtres. En passant, votre anglais est très bon.
Je sais que vous ne connaissez pas bien le projet de loi C-79, alors je vais peut-être vous demander quelque chose au sujet de votre communauté. J'aimerais que vous me parliez de certaines des bonnes choses qui se passent dans votre communauté, certaines des choses positives qui aident votre communauté à s'améliorer, à progresser.
D'autre part, pourriez-vous me parler un petit peu de la relation qui existe entre votre conseil de bande et la bande elle-même? Comment se fait la communication? Comment les gens à la base, qui sont membres de la bande, interviennent-ils et comment le conseil de bande leur communique-t-il ce qui se passe?
J'aimerais bien que vous répondiez à ces deux questions, Lou. Merci.
M. Moodie: Quels sont les aspects positifs de notre communauté? Je peux vous dire une chose: il y a de très beaux Indiens dans notre communauté. Je vous dis cela en toute franchise.
Des voix: Oh, oh!
M. John Murphy: Je le vois.
M. Moodie: Du point de vue de l'infrastructure, ce qu'il y a de bien, c'est que nous avons des installations dont nous sommes fiers, que nous apprécions et qui occupent nos enfants quand ils ont du temps libre. C'est utile pour dépenser leur surplus d'énergie. Voilà donc une bonne chose. Nous avons un aréna et une colline pour la glissade. On s'amuse beaucoup.
Lorsque nous autres, leaders de la communauté, rencontrons les membres, nous nous amusons. Je ne veux pas dire par là que nous sautons sur la table et que nous nous mettons à danser. Lorsque nous avons un dialogue au niveau communautaire, au niveau du chef en conseil, nous ne perdons jamais de vue le respect et le rire. Le rire, c'est toujours le meilleur remède.
Oui, il nous arrive d'avoir des discussions et des débats très passionnés sur diverses questions, mais quelles que soient nos différences, au bout du compte, on finit toujours par se serrer la main. On laisse tout dans la salle de réunion. Remarquez, quelquefois, lorsque nous retournons le lendemain matin, ça n'est plus là, cela disparaît avec le temps.
L'autre bonne chose que nous avons est que nous sommes fiers des membres de notre communauté. Ils se promènent et montrent notre culture à l'Amérique du Nord, non pas seulement au Canada, mais également aux États-Unis. Nous avons un groupe de jeunes filles qui jouent du tambour; elles sont âgées de 9 à 13 ans environ. Nous en sommes très fiers.
D'autre part, nous soulignons souvent l'importance des membres de notre communauté, qu'il s'agisse de nos enfants, de nos femmes ou de nos anciens. Il y a tout juste trois semaines, nous avons eu une fête en l'honneur de nos femmes, car nous reconnaissons qui elles sont.
En d'autres termes, vous parlez de «bonnes choses», mais moi je monterais d'un cran pour parler de «choses excellentes». La chose excellente est que nous ne perdons pas de vue qui nous sommes. Nous ne perdons jamais de vue ce qui nous est donné jour après jour. Nous apprécions la valeur de la vie - notre vie et celle de notre prochain. C'est là une chose qui est, je pense, très bonne en ce qui concerne notre communauté.
Il y a également beaucoup de mauvaises choses. Je ne sais si vous m'avez demandé de nommer les mauvaises choses, mais la liste serait longue. J'ai évoqué les aspects positifs sur le plan infrastructure, mais je pourrais également aborder les aspects négatifs, si vous voulez.
Comment communiquons-nous au niveau communautaire? Nous tenons habituellement une réunion générale de bande une fois par mois. Nous communiquons dans les deux langues: nous utilisons notre langue autochtone ainsi que l'anglais. Nous communiquons également au moyen de journaux, de bulletins de nouvelles ainsi que par l'intermédiaire de notre canal local. Voilà comment nous communiquons avec le grand public.
Toute question de nature délicate susceptible d'avoir un effet sur notre communauté est expliquée à la base, c'est-à-dire aux membres. Il me faudrait revenir au cas de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba. C'est là une chose que j'ai réellement appréciée, car dès le tout premier jour, nous avons fait intervenir tout le monde, et cela s'est maintenu jusqu'à la mise en oeuvre de la convention.
M. John Murphy: Merci beaucoup, Lou.
Le président: Monsieur Moody, êtes-vous membre du conseil de bande?
M. Moody: Oui.
Le président: Très bien, nous intégrerons cela au procès-verbal.
Votre écran de télévision fonctionne-t-il bien maintenant? L'image est-elle plus nette chez vous?
M. Moody: Pas aussi nette que la nôtre.
Le président: Étant donné la technologie, c'est l'image qu'ils ont. Je reconnais que vous êtes la preuve qu'il y a de très beaux Indiens dans votre communauté. J'ai ici mon ami Elijah Harper, et il est beau lui aussi, mais vous êtes plus beau que lui.
Cela étant dit, je donne maintenant la parole à Elijah.
M. Elijah Harper (Churchill, Lib.): Meegwetch.
Tansi. Merci de comparaître devant le comité. Je laisse le président parler pour lui, mais vous êtes beau de toute façon.
Quant à la question de savoir qui sont les gens, je pense que ce que vous venez tout juste de décrire va déterminer ce que nous sommes. Ce n'est pas le projet de loi qui va déterminer qui nous sommes. Cela va être déterminé par la communauté, par notre peuple, et je ne pense pas qu'une quelconque loi puisse dire qui nous sommes. Je pense que nous fonctionnons de cette façon depuis le tout premier jour où nous avons eu un contact avec les personnes qui sont ici aujourd'hui. Je le crois fermement, et je suis très confiant que notre peuple va maintenir cette façon de fonctionner. Nous serons toujours en mesure de mettre nos préoccupations de l'avant, et nous ne manquerons jamais de volonté.
Je sais qu'il y a des gens ici qui hésitent à bouger sur ce projet de loi à cause de notre expérience passée dans le cadre de nos relations avec le gouvernement fédéral, mais je pense que notre peuple a toujours eu la confiance nécessaire pour aller vers le gouvernement et pour maintenir son honneur et sa dignité. Cela a toujours été le cas, et c'est ce qui fait que nous sommes forts, que nous sommes qui nous sommes aujourd'hui. Nous ne craignons pas d'avancer, même si les gouvernements fédéraux n'ont pas honoré leurs traités... ce n'est pas notre problème.
À un moment donné, la question sera abordée et quelqu'un aura à rendre des comptes. Quelqu'un sera responsable à un moment donné. Je maintiens toujours que pour espérer pour l'avenir, comme je le dis aux membres, je ne peux pas me permettre de revenir sans cesse sur le négatif. Il me faut aller vers l'avant, prendre la parole de quelqu'un qui dit cela, et l'honorer. Je pense que c'est ainsi qu'ont toujours agi nos nations.
Je tiens à vous féliciter là-dessus, car je sais que c'est la façon dont le peuple du nord du Manitoba s'est toujours présenté. Il n'a pas peur d'affronter les défis qui se dressent devant notre peuple, et il continuera de lutter.
Je tenais tout simplement à vous dire cela, et je vous remercie très sincèrement de comparaître devant le comité. Nous nous verrons bientôt.
Le président: Monsieur Moodie, étant donné qu'il n'y a plus de questions, vous pouvez, si vous le voulez, faire quelques remarques en guise de conclusion.
M. Moodie: J'aurais une chose à dire. Je ne voudrais pas que ma présence ici soit interprétée comme étant un geste d'acceptation des modifications. Je crois dans un processus, mais je crois fermement que le processus doit commencer à la base. Je suis convaincu que toute initiative qui doit être lancée doit commencer à la base, au niveau du peuple, comme cela a été le cas avec la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba.
Je sais que je n'ai pas été autorisé à poser de questions au début de la discussion ici, mais je ne me sentirais pas bien si je vous quittais sans poser la grande question qui me trouble relativement au projet de loi C-79. Si vous me permettiez de poser cette seule question, je vous en serais très reconnaissant.
Le président: Allez-y.
M. Moodie: Le seul problème que j'ai concerne la possibilité d'avoir des terres, et je vais vous dresser un scénario hypothétique qui s'appuie sur la façon dont j'ai compris le projet de loi C-79.
Vous me corrigerez si je me trompe. Mais si je ne me trompe pas, je vous prierais de bien vouloir me fournir une réponse, qu'elle soit positive ou négative.
Hypothétiquement, avec un certificat de possession, j'obtiens des terres - disons une centaine d'acres environ - auprès de la Première nation de Nelson House. J'ai maintenant ces terres et je me retourne et je dis que je vais y monter une entreprise. La seule question que je vais me poser est celle de savoir où je vais trouver l'argent. L'endroit le plus évident serait une institution financière. Je me rendrais donc dans une institution financière et je demanderais si je peux emprunter tel montant d'argent pour lancer mon affaire. La question qu'on va me poser est celle de savoir si j'ai ou non quelque chose à offrir en garantie, car l'institution bancaire n'aura aucun problème si j'ai des garanties. Je répondrai bien sûr en disant que j'ai 100 acres de terres. L'institution bancaire choisira alors de m'accorder ou de ne pas m'accorder l'argent que je demande, mais disons, aux fins de notre discussion, qu'elle dit oui.
Je m'occupe de lancer mon entreprise, et disons que cela tourne à fond la caisse. Puis tout d'un coup, une génération plus tard, je dois toujours de l'argent sur les terres ou sur l'entreprise. Je n'ai jamais négligé mes responsabilités envers l'institution financière. Cependant, j'ai cédé mes biens à quelqu'un d'autre, mon fils ou mon petit-fils. Celui-ci commence à négliger ses responsabilités financières à l'égard de l'institution financière. Parce qu'il néglige ses responsabilités financières, l'établissement bancaire peut théoriquement venir dans la réserve et saisir les terres offertes en garantie. Les banquiers peuvent dire que parce qu'il y a eu tel ou tel nombre de cas de défaut de paiement, ils saisissent les terres.
Une question surgit alors. Lorsque ces terres de réserve, autrefois identifiées en tant que telles, sont retirées à mon fils, quelles sont alors les responsabilités du gouvernement canadien à l'égard de ces terres?
Le président: J'inviterai les députés désireux de répondre à le faire, mais ce que nous faisons en ce moment n'est pas habituel. Nous disposons néanmoins d'un peu de temps et nous souhaitons être souples. Y a-t-il quelqu'un qui aimerait répondre?
En passant, monsieur Moodie, il me faudrait vous dire que les réponses que vous allez entendre ne seront que les opinions des personnes qui vont les émettre. Si vous souhaitez avoir une réponse concise, je vous recommanderais d'envoyer une lettre à votre député lui demandant d'obtenir une réponse précise auprès du ministère. Cependant, en attendant, je pense que M. Murphy souhaite répondre à votre question.
M. John Murphy: Je vais parler un petit peu de la question des terres de réserve. Si vous me permettez, j'aimerais vous rassurer en vous disant que le projet de loi C-79 n'autorise pas que des terres de réserve soient saisies ou perdues par la bande d'une autre façon. Cela n'est pas prévu dans le projet de loi. Je ne sais si cela apaise certaines de vos craintes, mais le projet de loi ne prévoit rien du tout en la matière.
M. Moodie: Pourriez-vous me dire où exactement cela se trouve dans le projet de loi C-79, afin que je puisse voir cela de plus près?
M. John Murphy: J'ai certains documents devant moi, laissez-moi voir...
Le président: Je peux répondre si vous voulez.
M. John Murphy: Oui, allez-y, monsieur le président.
Le président: Monsieur Moodie, l'article 89 de la loi traite des terres, et cela ne figure pas parmi les changements proposés.
Là-dessus, monsieur Moodie, nous allons clore cette séance publique. Merci beaucoup de votre présentation. Elle a été très bonne, étant donné surtout que vous n'avez pas eu le luxe de pouvoir vous préparer. Vous vous êtes très bien débrouillé, et cela a été utile aux membres du comité.
M. Moodie: Merci.
Le président: M. Hertlein remplace le chef Ron Evans, chef de la Nation crie de Norway House.
Monsieur Hertlein, nous sommes disposés à vous entendre dès que vous serez prêt. Nous sommes heureux de vous accueillir comme témoin. Merci beaucoup d'être venu et d'avoir offert de nous faire part de vos connaissances et de votre expérience relativement aux questions visées par le projet de loi C-79. Nous allons passer 40 minutes ensemble. Vous pouvez en disposer comme bon vous semble. Nous vous serions néanmoins reconnaissants de laisser un peu de temps pour que les députés puissent vous poser des questions après votre exposé.
Cela étant dit, je vous cède maintenant la parole.
M. Luke Hertlein (directeur, Justice et Services juridiques, Nation crie de Norway House): Merci beaucoup, et bon après-midi, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.
Je pensais ne disposer que de 15 minutes et j'avais donc considérablement réduit mon exposé. Je suppose que je vais parler plus lentement maintenant.
Le président: Bien.
M. Hertlein: En sus de ce que je vais vous dire au nom du chef en conseil, j'aimerais également faire une présentation pour les femmes autochtones du Traité 5 membres de la Nation crie de Norway House. Elles m'ont remis une courte déclaration à vous lire.
Le président: Monsieur Hertlein, nous sommes heureux que vous ayez un document de ce groupe. Nous vous donnerons le temps dont vous aurez besoin, car nous sommes très intéressés à connaître également leurs vues.
M. Hertlein: Je vous remercie.
Moi aussi j'avais préparé un document, mais mon imprimante ne marche pas. Je vais donc devoir lire le texte sur l'écran de mon ordinateur. Je vous en demande pardon.
Je suis ici au nom de ma bande, la Nation crie de Norway House, pour vous faire part de quelques préoccupations concernant le projet de loi C-79 et vous expliquer pourquoi nous sommes opposés à ce processus et au projet de loi lui-même. En outre, je vous ferai part des préoccupations des femmes autochtones du Traité 5 membres de la Nation crie de Norway House.
Dans le peu de temps qui m'est alloué, je vais tenter de mettre en lumière certaines de nos préoccupations concernant ce processus et les répercussions que ce projet de loi pourrait avoir sur la Nation crie de Norway House. Cependant, cette présentation devra être mise en parallèle avec notre mémoire écrit que nous espérons vous faire parvenir d'ici le 18 mars.
Premièrement, je veux parler de l'insuffisance de la consultation avec Norway House dans le cadre de ce processus. En avril 1996, le ministre des Affaires indiennes a informé notre chef en conseil de son intention de modifier la Loi sur les Indiens. La Nation crie de Norway House n'a demandé au ministre d'apporter aucun de ces changements; il les a imposés sous le prétexte de demander notre avis sur la question de savoir s'il devrait modifier les articles les plus archaïques et les plus odieux de la Loi sur les Indiens ou bien de laisser la loi intacte jusque dans un futur indéterminé; en d'autres mots, accepter son projet de modification de la Loi sur les Indiens ou bien ne rien faire, c'est-à-dire n'entamer aucun dialogue sérieux ni reconnaître les droits inhérents ancestraux et issus de traités.
Dans son communiqué de presse du 11 septembre, où il exposait les changements proposés, le ministre a déclaré:
- S'il y a un appui des Premières nations, je suis prêt à introduire le projet de loi à la Chambre des
communes. Il y aura alors la possibilité pour le comité permanent de tenir des audiences
publiques intensives.
Cependant, le chef en conseil a répondu à l'invitation du ministre le 3 décembre 1996, sous la forme d'une lettre et d'une résolution du conseil de bande. Dans cette résolution, le chef en conseil indiquait que la Nation crie de Norway House n'a pas été consultée ni n'a participé à l'élaboration des modifications proposées à la Loi sur les Indiens ou au processus, et que le chef en conseil rejetait le processus et la teneur des changements. C'était donc là avant le dépôt du projet de loi C-79.
Le ministre nous a répondu par une lettre datée du 5 février. Il y disait qu'il a sillonné le pays pour écouter les chefs et dirigeants autochtones et que c'est d'ailleurs suite aux préoccupations générales et particulières de nombreuses Premières nations et organisations autochtones au sujet de la Loi sur les Indiens que ce processus a été exécuté en quatre étapes depuis son lancement en avril 1995. Il a indiqué que chaque Première nation et de nombreuses organisations autochtones ont été invitées à soumettre leurs vues et leurs suggestions sur les changements proposés.
C'est peut-être là sa version des événements, mais je peux vous dire que la Nation crie de Norway House n'a pas exprimé de préoccupations au ministre au sujet de la Loi sur les Indiens et que le ministre n'est pas venu non plus à Norway House pour s'enquérir de nos préoccupations générales et particulières au sujet de la Loi sur les Indiens. L'information que le ministre disséminait dans des avis ou communiqués de presse n'était que cela, une information qui nous apprenait ce qu'il faisait, mais qui en aucune manière ne lui donnait l'occasion de s'entretenir ou de discuter de ces changements avec Norway House.
Par ailleurs, la lettre qu'il nous a adressée portait sur les modifications de la Loi sur les Indiens qu'il avait présentées en septembre, et non sur le projet de loi que vous étudiez aujourd'hui.
En outre, la lettre du ministre faisait savoir directement à Norway House:
- Je compte que le processus législatif comprendra d'amples audiences publiques et un examen
serré de la part du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand
Nord. Suite à ces audiences et aux interventions des Premières nations, d'autres changements
seront presque certainement apportés.
Inutile de le dire, il est difficile de croire aux paroles du ministre puisqu'il n'y a jamais eu d'audiences publiques poussées.
En outre, la Nation crie de Norway House a été prise totalement par surprise par les audiences de votre comité permanent. Nous en avons appris l'existence par hasard, lorsque nous avons téléphoné à l'Assemblée des premières nations le 3 mars pour demander tout renseignement supplémentaire sur le projet de loi C-79 que l'Assemblée pouvait posséder. À cette date, le 3 mars donc, on nous a dit que le comité permanent exigeait que les Premières nations désireuses de comparaître devaient le faire savoir au plus tard le 5 mars, soit deux jours plus tard.
À cette nouvelle, nous avons contacté le greffier du comité permanent et avons été informés que son télécopieur ne fonctionnait pas, et que les avis d'audience avaient été envoyés par la poste. Nous avons reçu une copie par fax de l'APN, nous n'avons reçu aucun avis officiel de votre bureau concernant ces audiences. Curieusement, après l'envoi d'un fax à votre greffier concernant notre comparution aujourd'hui, quelqu'un nous a rappelés le même jour pour donner confirmation.
De ce fait, notre exposé d'aujourd'hui a dû être préparé à la hâte et sera sommaire, et nous espérons pouvoir vous faire parvenir une analyse plus complète et plus détaillée d'ici le 18 mars, comme je l'ai indiqué. Cependant, à en juger d'après notre expérience, on peut douter que toutes les Premières nations soient informées de vos audiences. Quoi qu'il en soit, nous n'avons pas encore reçu d'avis officiel et ce bien que votre bureau les ait censément expédiés le 26 février.
Cela dit, le projet de loi C-79 préoccupe gravement la Nation crie de Norway House. Comme le ministre l'a dit lui-même dans l'allocution qu'il a prononcée devant vous:
- Je n'ai pas besoin de dire aux membres de ce comité qu'il s'agit là d'un projet de loi complexe et
technique, qu'il faut du temps pour lire et digérer. C'est pourquoi je l'envoie à votre comité
avant la deuxième lecture, afin que vous puissiez l'examiner... C'est aussi pourquoi nous avons
choisi de n'imposer aucune limite de temps aux Premières nations pour exercer l'option. Nous
voulons qu'elles y réfléchissent soigneusement, en prenant tout leur temps. Je pense qu'une fois
qu'elles l'auront fait, beaucoup en verront les avantages et choisiront d'y adhérer.
Affirmer que nous avons été consultés est une tromperie, à mon avis, puisqu'en somme nous sommes censés prendre le temps d'examiner le projet de loi et d'y réfléchir soigneusement, mais seulement après son adoption. Il n'y a toujours pas eu de véritable dialogue entre le ministre et la Nation crie de Norway House et c'est pourquoi nous tenons à bien préciser que nous ne considérons pas cette comparution comme une consultation.
Encore une fois, vu le manque de temps avant notre comparution aujourd'hui, notre présentation ne traduit pas toutes les vues des membres de la Nation crie de Norway House, puisque la majorité des membres de la bande n'ont pas eu la possibilité d'examiner le projet de loi et de former un avis.
Cela dit, je vais maintenant aborder la nature facultative du projet de loi et les préoccupations soulevées à ce sujet. En guise de contexte, la Nation crie de Norway House n'a jamais été consultée avant l'adoption de la Loi sur les Indiens et n'a jamais consenti à son application. Comme vous le savez, la Loi sur les Indiens, sous les différentes formes qu'elle a revêtues au gré des changements et au fil des années, était un outil relativement efficace, pour tenter soit de nous assimiler soit d'abroger les droits issus de traités et ancestraux des Premières nations du Canada, mais en fin de compte le succès n'a pas été total. En outre, la Loi sur les Indiens ne nous a pas permis d'exercer nos droits inhérents ancestraux et issus de traités.
Cela dit, ce projet de loi propose aux bandes d'opter pour certaines modifications de l'application de la Loi sur les Indiens par le biais d'une seule résolution du conseil de bande. Bien que le chef en conseil actuel ne va pas se prévaloir de cette option, cela n'empêche pas une majorité des membres du conseil de le faire à l'avenir, en l'absence de toute assemblée de bande ou de référendum. Cela pourrait, à toutes fins pratiques, empêcher toute discussion au sein de la bande sur les effets potentiels du projet de loi et réduire au silence les membres de notre bande.
Parallèlement au paragraphe 4(2), qui ne met pas en jeu l'application de la Loi sur les Indiens à la Nation crie de Norway House, un chef en conseil futur pourrait, finalement, après plus de 127 ans, donner le consentement de la Nation crie de Norway House à l'application de la Loi sur les Indiens elle-même, et ce sans demander leur avis aux membres de la bande.
En outre, le préambule du projet de loi dit qu'il s'agit là d'une mesure temporaire en attendant la conclusion d'accords en matière d'autonomie gouvernementale et pour d'autres fins. Alors que ces autres fins ne sont pas définies, il semble que la seule façon pour une bande d'être retranchée de l'annexe soit de conclure une entente d'autonomie gouvernementale. Mais puisqu'une bande ne peut être retranchée de l'annexe, il semble que le gouvernement fédéral aura déjà fixé le ton des négociations sur l'autonomie par lesquelles la bande doit passer pour être retranchée. La Nation crie de Norway House considère que le droit inhérent ne peut être réalisé dans le contexte de la Loi sur les Indiens, et pourtant on nous demande de nous attacher à celle-ci aux fins de toute négociation sur l'autonomie. La Nation crie de Norway House n'accepte pas cela.
Le projet de loi C-79 affirme aussi que «la Loi sur les Indiens, dans la nouvelle application prévue par la présente loi, ne porte pas atteinte à la protection des droits existants - ancestraux ou issus de traités...» Effectivement, la Nation crie de Norway House est signataire du Traité no 5, qui a été signé à Norway House en 1875, et nos droits existaient avant la création du traité ou la Proclamation royale de 1763. L'article 35 de la Constitution protège ces droits.
En résumé, et comme vous le savez, la Loi sur les Indiens est une loi qui vise spécifiquement les Indiens. Un Indien est une personne qui, conformément à la loi, est inscrite en tant qu'Indien ou a le droit de l'être. Une réserve est une portion de territoire qui a été réservée par Sa Majesté pour l'usage et le bénéfice de la bande. Cependant, il semble que le ministre veuille modifier la Loi indienne de manière fondamentale.
J'aimerais prendre un instant pour brancher mon ordinateur, car ma batterie commence à faiblir.
Le président: Prenez le temps qu'il vous faut.
M. Hertlein: J'ai laissé la prise à l'hôtel, je vais donc continuer et parler plus vite.
Premièrement, le projet d'article 16(1) sous la rubrique «BANDES - Capacité», semble commencer à transformer les bandes en municipalités. Que se passe-t-il alors des droits issus des traités qui ont été signés par la Nation crie de Norway House, mais non pas à titre de corporation ou de municipalité? La Nation crie de Norway House n'est pas une corporation ni une municipalité, et la corporation municipale de Norway House n'a pas signé le Traité no 5.
Deuxièmement, le ministre ne peut prendre de décision concernant nos terres sans notre consentement. Vous ne pouvez nous enlever nos droits ancestraux et issus de traités. En tant que bande indienne, nous conservons le droit de prendre les décisions concernant nos terres. Or, le projet de loi C-79 va directement à l'encontre de cet important principe.
Par exemple, dans la Loi sur les Indiens actuelle, la bande a actuellement le droit de déterminer qui peut occuper ces terres, s'agissant d'un conjoint survivant. Le nouveau paragraphe 43 (c.1) donne une nouvelle définition de conjoint survivant. Si cette définition de «conjoint survivant» supprime le terme archaïque de «veuve» de la loi actuelle, il aligne également la définition davantage sur la définition provinciale, et ce bien que les Indiens relèvent de la compétence fédérale.
Se décharger des Indiens sur les juridictions provinciales est troublant. Le ministre tente de faire cela dans quelques autres articles qu'il aligne sur les lois provinciales. Cela amène à s'interroger sur la volonté du gouvernement fédéral de se délester de sa responsabilité fiduciaire. Le projet de paragraphe 43 (c.1) dit que le ministre peut déclarer que toute personne, autochtone ou non, indienne inscrite ou non, est un conjoint survivant.
Cela diffère de l'article 14 actuel du Règlement sur les successions des Indiens. Dans son texte explicatif, le ministre dit que le Comité mixte permanent de l'examen de la réglementation a pris pour position que le règlement actuel est ultra vires.
Cela dit, le paragraphe proposé donnera au ministre la latitude et des pouvoirs accrus aux fins des legs ou transmissions de propriété par droit de succession. Il est possible que cela se répercute négativement sur Norway House, puisque le paragraphe 20(1) de la Loi sur les Indiens actuelle donne au conseil de bande le pouvoir d'allouer la propriété des terres.
À l'heure actuelle, la bande exerce le droit de déterminer qui peut occuper la terre, s'agissant d'un veuf ou d'une veuve. Le ministre, aux termes de l'article 49, pourra déclarer qu'une personne qui revendique le droit à la possession ou occupation par voie de legs ou de transmission par droit de succession n'est pas propriétaire ou occupant légal de cette terre, tant que le ministre n'a pas donné son aval.
Le projet de loi C-79 donne au ministre le droit de décréter qu'une personne est le conjoint d'un Indien décédé. Ce nouveau pouvoir de déclaration du projet de loi C-31 pourrait signifier que les terres initialement réservées pour l'usage et le bénéfice des Indiens ne le seront plus à l'avenir, même si cet effet n'intervient pas immédiatement.
En vertu du projet de loi C-31, si une fille n'a pas le statut d'Indienne visée par traité mais est titulaire du certificat de possession prévu, le bien foncier peut être attribué à cette tierce partie. Il semble ensuite que les enfants de cette personne peuvent hériter du bien et donc que des personnes non indiennes puissent en hériter. Si une personne non indienne a le droit d'occuper le terrain et si elle en hérite avec un titre de propriété, il est envisageable que notre terre ou des parcelles aboutissent aux mains de non-Indiens, ce qui est contraire à la définition de réserve, à l'application de la Loi sur les Indiens et à notre traité.
En conclusion, la Nation crie de Norway House ne croit pas que notre droit inhérent puisse trouver expression dans le contexte de la Loi sur les Indiens. C'est aussi ce que dit le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones.
Selon notre analyse très préliminaire, le projet de loi C-79 est plus qu'une mesure de caractère administratif. Il semble être un moyen par lequel le gouvernement fédéral cherche à exécuter sa politique et son programme propres, peut-être dans la ligne du Livre blanc de 1969.
Inutile de le dire, il y a beaucoup d'autres projets d'articles qu'il nous reste encore à examiner et analyser. Je songe en particulier aux articles 24 à 30, concernant les élections; au paragraphe 53(1.1), relatif aux terres aliénées et désignées; et à l'article 103.1, les pouvoirs de l'agent responsable de l'application des règlements administratifs.
Inutile de le dire, ce sont là des dispositions qu'il nous faudra examiner, mais c'est le cas de tout le projet de loi. Nous n'avons pas eu suffisamment de temps pour le faire.
Je pourrais certes accepter certains changements mineurs, tels que la modification de dispositions archaïques et paternalistes de la loi, le remplacement de la définition de veuve par une définition non sexiste et l'exigence que les chefs et les conseillers soient électeurs admissibles de la bande, mais ce projet de loi est rempli de dispositions susceptibles d'aller à l'encontre de la Loi sur les Indiens elle-même, de nos traités et de la Constitution.
Je vais simplement vous présenter rapidement - il est beaucoup plus court - un exposé au nom des femmes autochtones du Traité 5 appartenant la Nation crie de Norway House.
Nous, les femmes autochtones du Traité 5, considérons que les traités étaient destinés à être appliqués aussi longtemps que le soleil se lève, l'herbe pousse et les rivières coulent. Le Traité no 5 prévoit que lesdites réserves de terres, ou parties de réserves peuvent être vendues ou autrement aliénées par le gouvernement de Sa Majesté pour l'usage et le bénéfice des ayants droit indiens, avec leur consentement.
Le projet de loi C-79 confère au chef en conseil et à des particuliers le pouvoir de vendre ou autrement aliéner des terres. Ainsi, le paragraphe 5(1), la clause d'application facultative du projet de loi C-79, supprime notre pouvoir de consentement, pouvoir reconnu par le traité, en ce sens qu'il suffit du consentement du chef en conseil sous la forme d'une résolution du conseil de bande.
Le point de vue des femmes autochtones n'est pas pris en compte. Les décisions sont prises principalement par les dirigeants masculins, tant au niveau du chef en conseil que du gouvernement du Canada. Nous n'avons pas été consultées, et nous ne reconnaissons pas ce processus comme étant une consultation, sans parler du fait que consultation ne signifie pas consentement.
En outre, nous estimons que le projet de loi C-79 est une autre politique de génocide en prolongement du Livre blanc de 1969. L'article 2 de la Convention sur le génocide stipule que:
- ... génocide signifie tout acte commis avec l'intention de détruire, en tout ou en partie, un
groupe national, ethnique, racial ou religieux, tel que:
e) transplanter de force les enfants d'un groupe dans un autre groupe.
Le rapport de l'enquête du Manitoba sur la justice autochtone indique, au sujet du projet de loi C-31, que:
- Non seulement la Loi sur les Indiens établit-elle des formes de discrimination repréhensibles et
probablement illégales, elle menace également la survie à long terme des Indiens. Elle stipule
en outre que le mariage mixte d'Indiens inscrits avec d'autres sur deux générations successives
produit des descendants qui n'ont pas le statut légal d'Indien. Il est tout à fait inapproprié que le
gouvernement fédéral possède le pouvoir de légiférer ou légifère de manière à diviser un peuple
entre ceux qu'il considère légalement comme membres du groupe et ceux qu'il ne reconnaît pas
comme tels, pour des motifs qui violent l'identité culturelle, linguistique, spirituelle, politique
et raciale de ces personnes.
Nous, en tant qu'Indiens inscrits, sommes tenus de prendre des décisions que nul autre au Canada n'est forcé de prendre. Pour avoir des enfants, nous devons choisir entre ce qui est plus important: le maintien de notre traité ou avoir des enfants avec une personne non indienne. Nous pensons que le ministre des Affaires indiennes est conscient du fardeau que représente cette obligation de choix et, par le biais du projet de loi C-79, continue à nous l'imposer en connaissance de cause. Pour dire les choses simplement, plus d'Indiens visés par traité, et donc plus de traités.
Nous n'acceptons pas le projet de loi C-79 ni aucun autre processus qui aboutira à l'extinction de nos droits issus des traités.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Hertlein.
Tout d'abord, j'aimerais mentionner qu'outre notre avis du 26 février, nous avons reçu votre fax le 5 mars. Le bureau du greffier vous a confirmé par fax à 10 h 53 le 7 mars que vous aviez été choisi pour comparaître. Je crois savoir qu'il y a eu quantité d'appels téléphoniques et de communications depuis.
M. Hertlein: Oui. Cela nous a laissé moins de cinq jours pour tout préparer, si bien que nous n'avons guère eu le temps de polir notre exposé.
Le président: Il est très bien fait, cela ne fait aucun doute. Je suis sûr que c'est un problème que vous connaissez tous très bien. Nous aussi aurions voulu avoir plus de temps, mais ce sont là les dates.
Je vous remercie grandement de votre exposé.
Nous allons maintenant passer aux questions des membres. Qui va commencer?
[Français]
M. Claude Bachand: J'aimerais te remercier, Luke, pour ta présentation. Tu n'es pas plaint de la nouvelle technologie, car il semblerait que tu avais une très bonne technologie devant toi. Je ne sais pas si c'est la première fois que tu participes à une vidéoconférence, mais je trouve que tu as très bien fait les choses et que tu as très bien défendu les couleurs de Norway House.
À la suite de ta présentation, je crois comprendre que tu juges que la consultation a été un échec du début jusqu'à la fin. On n'a pas accordé suffisamment de temps pour tenir des consultations ou suffisamment de temps pour que tu puisses te préparer. On a fait preuve d'un peu de démagogie lorsqu'on a prétendu que plusieurs nations avaient renseigné le ministre à ce sujet. Tu nies formellement que Norway House n'aurait pas participé et n'aurait pas envoyé de lettre proposant de modifier certaines dispositions de la loi. Je comprends, et c'est la majeure partie de ta présentation, que tu dénonces la consultation du début jusqu'à la fin. J'aimerais que tu confirmes que j'ai bien compris ce que tu as voulu dire.
Ma deuxième question porte sur l'importance des traités dont plusieurs personnes ont parlé. Je sais que vous êtes sous l'égide du Traité no 5, qui était habité par une certaine philosophie à l'époque. Je pense que ta présentation indique clairement que l'avenir de Norway House et des Premières Nations qui sont sous l'égide de ce traité repose beaucoup plus par sa mise à jour et son respect que sur une série d'amendements à la vieille Loi sur les Indiens. Est-ce que je comprends bien que tu mentionnes que le règlement ou les règlements qui vont entourer et promouvoir les conditions socioéconomiques de Norway House passent davantage par le respect des traités que par des amendements à la vétuste Loi sur les Indiens?
[Traduction]
M. Hertlein: Je vous remercie. Je vais tenter de répondre à votre première question concernant la consultation, votre interprétation de ce que je disais sur le manque de consultation, et essayer d'expliquer un peu mieux cela.
Je dois préciser que j'ai commencé à travailler pour ma bande en juillet de l'année dernière, si bien que les renseignements que je possède sur ce qui s'est passé avant juillet dernier reposent sur ce que les gens m'ont dit et sur les documents que nous avons dans notre bureau. Je dois donc me fier à ce que diverses personnes m'ont dit et sur les documents en notre possession.
Pour ce qui est de la consultation, selon ce que je peux déterminer, il n'y a pas de définition claire de ce que c'est réellement. C'est probablement cela qui manque dans ce processus. Si le gouvernement fédéral va consulter, il devrait réellement le faire. Qu'est-ce que cela signifie dans la pratique? Je ne le sais pas. Je sais qu'il y a une définition en droit où il est question de consultation. Cependant, elle ne dit pas exactement en quoi cela consiste.
Lorsque le ministre et le sous-ministre adjoint ont comparu ici, ils vous ont dit qu'il y avait eu tout un processus de consultation de, censément, les Premières nations de tout le pays, y compris les organisations nationales. Je veux dire simplement qu'en tant que Première nation, nous devrions être partie prenante à ce processus. S'il est bon de parler avec les organisations nationales, ce n'est pas nécessairement une consultation en soi. Mais il va sans dire qu'il est bon que l'organisation nationale soit au courant, car c'est ainsi que nous avons été renseignés sur les audiences de votre comité permanent.
Je peux certainement vous dire ce que j'aimerais voir sur le plan de la consultation, mais je ne peux vous dire exactement quelle forme elle devrait prendre, sinon qu'elle doit respecter le fait que ce sujet nous concerne et que notre avis doit être pris en compte.
Pour ce qui est de votre deuxième question, je ne suis pas sûr de bien comprendre ce que vous disiez au sujet du traité. Pourriez-vous préciser le sens de la question?
[Français]
M. Claude Bachand: Plusieurs communautés sont venues nous dire que le projet de loi C-79 dans sa forme actuelle pourrait avoir un impact négatif sur le respect des traités.
Je sais que les traités, dont le Traité no 5, ne doivent pas faire exception. On entend souvent dire que ces traités ont été plus ou moins respectés. Je crois me rappeler que ce traité a été signé vers 1908. Il y avait une certaine philosophie qui entourait la signature d'un traité à l'époque. Il y a des choses qui étaient prévues de nation à nation dans ces traités. Le fait demeure que, même si ces traités n'ont pas été respectés, beaucoup de gens disent que le gouvernement fédéral devrait s'en tenir à ce qui a été négocié de ce côté.
Est-ce que Norway House préférerait qu'on fasse une mise à jour du traité, qu'on voie ce qu'il signifie aujourd'hui et qu'on le respecte vraiment, ou qu'on apporte des modifications à la Loi sur les Indiens, une loi vieille d'une centaine d'années?
Il y a plusieurs façons de régler les conditions socioéconomiques des autochtones au Canada et Norway House entrevoit peut-être des façons très originales de le faire. Quant à moi, il vaudrait mieux investir plus de temps à faire une mise à jour des traités, dont le Traité no 5, et à les respecter qu'à apporter des modifications à la Loi sur les Indiens. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
[Traduction]
M. Hertlein: Je suis totalement d'accord avec vous au sujet de la Loi sur les Indiens. Ce sont manifestement là tous deux des documents anciens, l'un résultant d'un processus législatif et l'autre d'un processus de négociation de nation à nation.
J'aimerais certainement - et ce n'est là que mon opinion personnelle - que l'on prête davantage attention aux traités eux-mêmes et qu'on les applique. Je ne pense pas que la Loi sur les Indiens soit nécessairement un outil utile pour quoi que ce soit.
Cela dit, je suis là pour présenter le mémoire et je ne puis réellement rien dire sur la position de Norway House. Mais je peux certainement dire que l'application de nos droits issus des traités serait écoutée avec grand intérêt par notre chef en conseil.
[Français]
M. Claude Bachand: Pourrais-tu préciser si tu es un conseiller ou un directeur du conseil de bande de Norway House ou si tu es un employé. Quel est ton statut officiel?
On entend souvent dire qu'il n'y a actuellement qu'une définition de la consultation, ce que tu as aussi mentionné. Le ministre a défini la consultation comme étant un échange de la correspondance. Il lui semble suffisant d'adresser deux ou trois lettres à l'ensemble des nations autochtones pour qu'il puisse affirmer que le processus de consultation a été respecté. Est-ce que selon la tradition autochtone, un simple échange de correspondance est suffisant pour dire qu'il y a eu consultation?
[Traduction]
M. Hertlein: Je n'ai pas entendu la fin de cela.
[Français]
M. Claude Bachand: Est-ce que le simple fait que le ministre dit avoir échangé de la correspondance constitue pour toi une définition assez correcte d'un processus de consultation ou s'il aurait fallu que le ministre aille plus loin avant d'affirmer qu'il y a vraiment eu consultation?
[Traduction]
M. Hertlein: Bien, je vous remercie. Désolé, le son a été coupé pendant un moment.
Premièrement, je suis un employé de la Nation crie de Norway House. Je suis également membre de la bande. Je suis le directeur des services judiciaires et juridiques, une nouvelle division qui vient d'être créée en novembre dernier. J'en suis encore à organiser ce service et il me reste beaucoup à faire.
Pour ce qui est de la consultation, je ne pense pas qu'un échange de correspondance avec les Premières nations par courrier ou fax soit réellement de la consultation. Si vous voulez savoir quelle était l'approche traditionnelle, je ne suis pas le mieux placé pour en parler. Peut-être notre chef, ou les anciens de la bande, pourraient-ils vous expliquer comment les choses se faisaient par le passé.
Si ce que vous dites sur les modalités de la consultation est vrai, nous n'avons pas reçu de lettre à cette époque. Donc, cet échange de lettre ne signifie réellement rien pour nous.
Le président: Je vous remercie.
D'autres membres du comité souhaitent-ils poser une question?
Monsieur Harper.
M. Elijah Harper: Je vous remercie, monsieur le président.
Ici Elijah. Je tiens à vous remercier de votre exposé.
Tout d'abord, vous avez mentionné la Loi sur les Indiens. On connaît mal dans les collectivités la Loi sur la modification facultative, ou bien les chefs n'ont pas réellement travaillé là-dessus, et il y a eu des échanges de correspondance, pas nécessairement sur la modification de la Loi sur les Indiens, mais sur le dépôt prochain de ce projet de loi.
Je crois qu'il y a eu quelques discussions au Manitoba sur ce projet de loi, pas tant sur son contenu que sur le processus, et aussi à la lumière des priorités politiques au Manitoba, au sein de l'Assemblée des chefs du Manitoba. J'aimerais savoir si vous avez pris part à ce processus. Je songe en particulier à l'accord-cadre qui est en place au Manitoba pour déterminer les relations avec le gouvernement fédéral, et ces changements à la Loi sur les Indiens ne sont pas nécessairement la priorité de l'Assemblée des chefs du Manitoba.
Je crois que l'accord-cadre, qui est maintenant en place depuis quelque temps, est l'outil qui a la préférence de l'Assemblée des chefs du Manitoba et j'aimerais savoir si vous êtes au courant de ce processus. Par ailleurs, dans quelle mesure vous-même et le chef en conseil de Norway House y avez-vous participé? Les préoccupations que vous soulevez sont abordées dans cet accord-cadre, du point de vue du processus et aussi de la protection de nos droits constitutionnels et de nos droits ancestraux et issus de traités.
Je peux vous donner des explications et vous renseigner là-dessus, mais vous avez peut-être déjà les documents qui décrivent le processus. Je suis convaincu que les chefs ne songeront même pas à exercer l'option du projet de loi. Ils ont un accord en place qui va se substituer un jour à la Loi sur les Indiens, qui va un jour déterminer enfin une relation qui reflète réellement leur relation de nation à nation au Manitoba. Cela réglerait bon nombre des problèmes que vous soulevez. Je vous demande si vous connaissez bien ce processus suivi au Manitoba.
M. Hertlein: Oui et je peux vous en dire quelques mots.
Premièrement, vous dites que la collectivité est peu renseignée sur les changements proposés et que les chefs en conseil n'ont pas travaillé là-dessus. Pourtant, les chefs en conseil ont travaillé là-dessus. Le problème est que le projet de loi est pas mal complexe et technique, et s'il l'est aux yeux des chefs, il l'est aussi pour les membres de notre bande.
Vous avez dit également que l'IAC est la façon de régler ces problèmes et que même si les modifications proposées sont apportées à la loi, nous n'avons pas à nous en inquiéter parce que le processus de l'IAC réglera tout cela. Dans une certaine mesure, vous avez raison. Je pense que l'IAC est un excellent processus pour passer du point A au point B et l'Assemblée des chefs du Manitoba a déployé beaucoup d'efforts à cet égard - et j'ai lu les documents qu'elle a envoyés - et nous participons dans une certaine mesure au processus AIC. Nous en faisons partie et nous avons quelqu'un chez nous qui travaille là-dessus.
Ce que j'entendais réellement en disant que nous ne sommes pas d'accord avec les changements proposés dans le projet de loi, c'est que l'IAC est un processus en soi. Comme vous le savez probablement, il y a des problèmes et des préoccupations avec tout ce processus. Je ne connais pas les détails techniques de tout ce qui se passe dans le cadre de l'IAC au jour le jour, ni même si cela va se poursuivre ni où en sont les négociations, mais je sais qu'au bout du compte les résultats devront être soumis à la collectivité pour ratification. Il est possible que la collectivité refuse la ratification. Si c'est le cas, où en sera Norway House? Si cela ne laisse à Norway House d'autre choix que d'opter pour la Loi sur les Indiens modifiée par ce projet de loi, nous sommes ici pour exprimer notre désaccord avec les changements proposés.
M. Elijah Harper: Je sais que l'Assemblée des chefs du Manitoba travaille sur cette initiative d'accord-cadre. Je pense que toutes les bandes prennent part à ce processus. Une résolution a été adoptée à Dauphin le 21 novembre par tous les chefs de l'Assemblée des chefs du Manitoba, à propos de cette initiative - le processus lui-même. Elle a été proposée par le chef Francis Flitt de la Nation crie Opaskwayak, chef de la bande indienne de The Pas, et appuyée par le chef Oliver Nelson, de la Première nation de Roseau River, qui se trouve dans le sud du Manitoba.
Je vais seulement vous lire la partie principale de la résolution:
- QU'IL SOIT DONC RÉSOLU que l'Assemblée des chefs du Manitoba réaffirme le processus
IAF ici au Manitoba et demande au ministre Ron Irwin de faire en sorte que toute modification
de la Loi sur les Indiens applicable aux Premières nations du Manitoba soit optionnelle et
conforme aux principes et au processus de l'IAC.
Le ministre a honoré cette requête, en ce sens que ce projet de loi est optionnel. Si la bande choisit de ne pas opter pour ce nouveau régime, elle ne sera jamais liée par lui. Je pense que l'accord-cadre déterminera en fin de compte la relation avec les Autochtones du Manitoba.
Si vous lisez certains des principes et accords qui ont été convenus avec le gouvernement fédéral - les droits issus de traités et ancestraux sont protégés, et aussi le projet au Manitoba - ce processus ne touchera pas les autres Premières nations du Canada puisqu'il se limite au Manitoba.
Ce que je dis, en gros, c'est que les nôtres cherchent à protéger les Autochtones en général... en demandant au ministre de rendre cette mesure optionnelle, d'une certaine façon, car je sais bien que certaines bandes au Canada peuvent souhaiter poursuivre d'autres options et ne pas se fermer la porte. Je suis sûr que beaucoup d'autres intervenants parleront de cet aspect.
Comme vous l'avez mentionné, les chefs ont travaillé là-dessus. Pour ce qui est du degré de leur participation à l'initiative de l'accord-cadre, mon sentiment est que celle-ci aura préséance sur toute autre activité au Manitoba pour ce qui est de l'établissement d'une relation de nation à nation avec le gouvernement fédéral.
Je pense qu'il assurera que les droits issus des traités et ancestraux seront préservés, sans recours à la Loi sur les Indiens ou aux modifications à la Loi sur les Indiens. C'est réellement l'impression que je retire de mes contacts avec les Premières nations du Manitoba.
J'aimerais donc savoir si votre chef voit ce processus du même oeil ou s'il poursuit d'autres avenues.
Le président: Cela a été une question plutôt longue. Vous avez un maximum de deux minutes environ pour répondre.
M. Hertlein: Si je possède certains renseignements techniques, je ne suis pas au courant de tout, et ma réponse sera probablement brève.
Je veux d'abord souligner que si la bande décide d'opter pour ce nouveau régime - du moment qu'il est optionnel, nous ne sommes pas forcés de le faire. C'est très bien, si c'est à la bande qu'il appartient de prendre cette décision, éventuellement, mais tel n'est pas le cas. Cela se fait par résolution du conseil de bande. Ce n'est donc même pas la bande qui décide. Ce n'est pas la Première nation. Ce sont les personnes qui décident qu'il est peut-être dans leur intérêt personnel de le faire. En fin de compte, cela pourrait être préjudiciable à la plus grande partie de notre population.
En ce qui concerne...
Le président: Avez-vous encore quelque chose à ajouter?
M. Hertlein: Oui, je termine rapidement.
Pour ce qui est des accords avec le gouvernement fédéral et de ce qui se passe dans ces processus, comme je l'ai dit, je ne suis pas politicien et je ne suis pas au courant de tout, mais je sais que le gouvernement fédéral n'a pas de bons antécédents pour ce qui est de traiter avec nous de nation à nation. Or, c'est bien d'une relation de nation à nation qu'il s'agit. Nous ne parlons pas d'une relation de nation à organisation nationale ou provinciale autochtone.
Si l'initiative de l'accord-cadre n'aboutit pas, en fin de compte nous nous retrouverons coincés avec ces modifications optionnelles de la Loi sur les Indiens, et où en seront alors les nôtres, non seulement ceux de cette génération mais aussi ceux de la suivante, s'agissant de décider où et comment nos droits inhérents seront touchés?
Voilà tout ce que je voulais dire.
Le président: Merci beaucoup. Vous avez fait quelques excellentes remarques et nous apprécions votre contribution. Merci beaucoup.
Nous allons maintenant voir si notre témoin suivant, le chef Murray Clearsky, est arrivé.
Nous entendons maintenant, de la bande indienne no 40 de Shoal Lake, le chef Herb Redsky et Tom Campbell, conseiller. Merci beaucoup de vous joindre à nous, d'avoir accepté d'être là et d'être en avance, car cela nous arrange et nous vous en sommes réellement reconnaissants.
Nous avons 40 minutes à passer ensemble. Ces 40 minutes vous appartiennent, mais nous apprécierions que vous laissiez un peu de temps pour que nos membres puissent vous poser des questions. Cela dit, la parole est à vous.
Le chef Herb Redsky (bande no 40 de Shoal Lake): Je vous remercie.
Je serai bref. J'approuve la loi sur la modification. Je suis chef depuis près de 20 ans et certaines des choses que je vois dans le projet de loi correspondent à ce que j'ai souhaité voir depuis de très nombreuses années. Je pense en particulier à la reddition de comptes des chefs et des conseils, en particulier des corrompus, pour dire les choses carrément. Souvent, dans nos collectivités autochtones, il y a un manque de reddition de comptes envers les membres de la bande et, si je lis bien le projet de loi, il signifie que nous aurons davantage de comptes à rendre aux membres de notre bande. C'est la partie que j'apprécie réellement.
L'autre aspect que j'aimerais aborder, sur le plan de la reddition de comptes par le conseil et moi-même, intéresse non seulement l'aspect financier, mais également l'autre disposition que je voudrais évoquer, à savoir les élections et la manière dont l'ancienne loi traitait les membres de notre bande. L'ancienne loi privait beaucoup de membres de notre bande de leurs droits. Je songe là aux membres qui vivent en dehors de la réserve. Du fait qu'ils vivent en dehors de la réserve, la loi actuelle leur interdit de participer aux élections pour le choix du chef et des membres du conseil. Ils ne sont pas autorisés à avoir une opinion. De ce fait, le chef et le conseil n'ont jamais de comptes à rendre à ces personnes, et ils le devraient.
En leur nom - et c'est pourquoi je dis cela maintenant - je pense qu'aucune de ces personnes n'aura la faculté de dire si elles appuient ou non ce projet de loi, car elles ne sont consultées en rien sur les affaires de la bande, sauf peut-être pour la forme, puisqu'elles n'ont aucun droit dans la réserve. Voilà, à mon sens, la grande différence entre cette loi, la loi modificative, et l'ancienne Loi sur les Indiens: leur incapacité d'être des membres de la bande à part entière.
J'apprécie réellement l'idée que les membres hors-réserve deviennent des membres à part entière. J'ai moi-même des parents qui habitent Winnipeg et qui ne peuvent voter. Peu importe que ce soit pour moi ou pour quelqu'un d'autre, ils n'ont pas les droits que je possède et dont je jouis. Pour cette raison, j'aimerais réellement qu'ils obtiennent ces droits et jouissent des droits que je possède et dont ils sont privés.
J'aimerais céder le microphone quelques instants à mon conseiller, Tom, afin qu'il dise quelques mots.
M. Tom Campbell (conseiller de bande, bande no 40 de Shoal Lake): Merci de cette occasion de faire une présentation à votre comité.
Tout comme notre chef, nous avons analysé la loi modificative sous divers angles et l'approuvons. Notre conclusion est fondée sur les effets de la loi modifiée. Nous avons conclu que, dans notre cas, la Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens semble conférer à la bande une plus grande maîtrise de ses propres affaires. C'est à ce niveau que nous voulons avoir plus de flexibilité, de façon à pouvoir contrôler nos propres affaires.
Nous apprécions que le paternalisme soit supprimé de bon nombre des dispositions de ce projet de loi. En effet, le ministre exerçait un grand pouvoir de contrôle sur le gouvernement de la bande. Selon notre définition, le conseil de bande et le chef représentent la plus haute forme de gouvernement indien, et le projet de loi nous permet de mettre cela en pratique.
Nous avons conscience également que le projet de loi est décrit comme une mesure temporaire, en ce sens qu'il accorde aux Premières nations des pouvoirs accrus en attendant l'établissement de nouvelles relations avec le gouvernement du Canada. Selon notre étude de la Loi sur les Indiens originelle, elle a été promulguée il y a de nombreuses années, largement dans le but de contrôler les Indiens dans leurs réserves.
Cette loi était très paternaliste, très coloniale, très ethnocentrique. Tout mouvement vers sa modification et la suppression ou la modification de certaines de ses dispositions nous donne un plus grand contrôle, et nous l'apprécions. L'idéal, bien entendu, serait d'abroger la loi - nous avons entendu notre ministre exprimer ce souhait à plusieurs reprises - et la remplacer par quelque chose qui nous tient très à coeur, à savoir les traités.
Cependant, nous reconnaissons que les changements sont optionnels et que les Premières nations qui ne veulent pas les appliquer ont le droit de maintenir le statu quo. À bien des égards, le statu quo ne serait pas dans notre intérêt, sur le plan de la maîtrise de nos affaires. La loi sur la modification facultative permet à notre Première nation de commencer à élargir sa compétence. C'est l'élargissement de nos pouvoirs que nous visons sur le plan de l'autonomie gouvernementale. Nous pensons que cette modification ouvre cette porte.
Certains éléments que j'aimerais mettre en lumière à l'appui de cette modification intéressent les changements intervenus dans les pouvoirs du conseil. Nous jugeons cela très important, en ce sens que le projet d'article 16.1 nous donne la faculté, et je cite:
- 16.1 Les bandes ont, sous réserve des autres dispositions de la présente Loi, la capacité d'une
personne physique».
Comme vous le savez, nos Premières nations se préparent à l'indépendance et à l'autosuffisance. Des stratégies de développement économique sont en cours d'élaboration, comme dans notre région sur le plan de l'extraction minière et de l'exploitation forestière. Dans notre cas, nous fournissons de l'eau à la ville de Winnipeg. Les ressources en eau et les droits d'utilisation de l'eau sont un sujet de litige et nous considérons que ce projet d'article 16.1 accroît notre marge de manoeuvre et nous permet de négocier ces contrats.
Pour ce qui est de l'élection du conseil de bande... les électeurs dont parlait Herb, nos membres tant de la réserve que d'en dehors... Nous trouvons que les dispositions modifiant la manière dont les chefs et les conseils sont élus, le nombre des conseillers, la durée du mandat du chef et des conseillers, sont des outils très précieux dont nous pourrons faire bon usage.
Certainement, le mandat de trois ans au lieu de deux... nous avons absolument besoin de ces trois années de façon à pouvoir mieux gouverner notre collectivité.
Dans notre cas, sur un mandat de deux ans, nous constatons que les six ou 12 premiers mois sont une période de familiarisation. Les six derniers mois sont pris par la campagne électorale, si bien qu'il reste moins d'un an pour assurer un bon gouvernement. Nous pensons qu'un mandat de trois années sera plus acceptable par les membres de la bande.
Nous avons quelques questions concernant les modifications concernant le choix du conseil. Un nouvel article 80.1 est ajouté, qui donne au ministre le pouvoir, à la demande de la bande, d'abroger la procédure électorale prévue par la loi, au profit d'élections coutumières.
Nous avons entendu les avantages et les inconvénients des élections coutumières. Nous n'avons pas l'intention de recourir aux élections coutumières à ce stade, mais nous aurions besoin de précisions concernant ce nouvel article 80.1, sachant que certaines Premières nations ont l'intention d'opter pour cette méthode. Selon ce qu'il nous semble, les élections coutumières peuvent suivre des modalités différentes selon les tribus. Dans notre cas, c'est la tribu anishnabe du nord-ouest de l'Ontario, et nous n'avons pas encore décidé ce que nous allons faire sur ce plan.
Avez-vous autre chose? Voulez-vous reprendre la parole?
Le chef Redsky: Il y a encore un élément, qui concerne les amendes et nos règlements administratifs. Je ne sais pas trop ce que dit la loi modificative, mais il y a un article qui fait état des systèmes judiciaires provinciaux. Cela rend la situation confuse dans notre cas, puisque notre réserve est à cheval entre deux provinces - une partie en Ontario et une partie au Manitoba. Nous ne savons pas très bien de quel système judiciaire provincial nous relevons.
Une question complémentaire est que nous ne savons pas, et personne ne nous l'a dit, si l'Ontario ou le Manitoba consentent à exécuter nos règlements administratifs lorsque nous saisissons le tribunal, quel qu'il soit, dont il est question ici, ou même si c'est un tribunal provincial, ou encore un tribunal fédéral.
Voilà certaines de nos préoccupations. Elles sont très mineures, mais nous devions vous en faire part.
M. Campbell: Plus particulièrement, en ce qui concerne les changements visant à supprimer l'ingérence par le gouvernement dans les affaires des Premières nations, si nous comprenons bien, les articles 32, 33 et 34 sont supprimés aux fins de la loi modificative.
Nous sommes en faveur de cela, car, encore une fois, ces articles étaient paternalistes et constituaient une ingérence dans les affaires des Premières nations. Nous sommes heureux de les voir disparaître.
De même, nous sommes en faveur de la suppression des articles 92 et 93. L'article 92 empêchait les employés du ministère, les missionnaires et enseignants de commercer dans un but lucratif avec un Indien sans un permis du ministre. C'était là une intrusion inutile dans les affaires de la bande. Nous aimerions pouvoir exercer ce contrôle localement et que la loi donne à notre gouvernement de bande la faculté de régir ces choses.
Le chef Redsky: Je ne pense pas que nous ayons grand-chose de plus à dire, sinon que nous souscrivons à la loi modificative parce qu'elle supprime certaines des dispositions paternalistes de la Loi sur les Indiens. Cela nous donne à nous, et à nos jeunes, la possibilité d'entreprendre des choses que nous ne pouvions pas faire auparavant.
Mesdames et messieurs, si vous avez des questions, nous avons terminé.
Le président: Je vous remercie de votre exposé, chef Redsky et monsieur le conseiller Campbell.
Nous allons maintenant passer aux questions. Je commencerai par M. John Duncan, du Parti réformiste.
M. John Duncan (North Island - Powell River, Réf.): Je vous remercie de votre exposé.
Une question fondamentale que je me pose est celle-ci. Vous avez dit apprécier ce que fait cette loi en faveur de la reddition de comptes et sur le plan des élections. Si c'est le cas - et nous connaissons tous les faiblesses de la Loi sur les Indiens actuelle à cet égard - pourquoi cela devrait-il être facultatif? Le projet de loi est facultatif. Voyez-vous à quoi je veux en venir?
Le chef Redsky: Oui. Vous vous trompez d'adresse lorsque vous parlez du caractère facultatif, car nous avons l'intention d'appliquer cette loi.
M. John Duncan: Oui, je comprends bien.
Le chef Redsky: Nous n'avons pas peur de la responsabilité. Nous voulons rendre des comptes. C'est la partie que nous apprécions réellement dans le projet de loi - la responsabilité envers les membres de notre bande. Si nous avions peur de rendre des comptes, nous serions évidemment opposés.
M. John Duncan: Je comprends bien. Ceux qui veulent assumer la responsabilité vont bien entendu opter pour ce régime. Cela, c'est l'autre côté de la médaille. Je ne connais tout simplement aucune autre loi qui permette de choisir quelle loi...
Je ne connais aucune autre loi semblable au Canada. Il peut exister une loi disant que telle disposition s'applique dans des régions particulières, mais il n'existe pas un autre ensemble de deux lois parallèles.
Voilà le principal reproche que je fais à ce projet de loi. J'ai fait de mon mieux pour vous l'expliquer, et je comprends bien votre position. Je comprends votre position.
Merci beaucoup.
Le président: Monsieur Murphy.
M. John Murphy: Merci beaucoup, chef Redsky et monsieur le conseiller Campbell.
Permettez-moi d'abord de vous féliciter de votre analyse du projet de loi. Beaucoup de gens comparaissent sans avoir eu la possibilité de l'analyser, ou sans l'avoir fait, mais vous semblez certainement avoir fait vos devoirs. Je vous en félicite.
Si le projet de loi est adopté, de quelle manière les gens qui vivent en dehors de la réserve pourront-ils participer aux affaires de votre collectivité? Quelle sorte de processus envisagez-vous? Vos chefs tiennent beaucoup à ce que ceux qu'ils estiment privés de droits et qui vivent à Winnipeg... certains membres de votre famille, comme vous le dites. Par quelles modalités auront-ils leur mot à dire, pourront-ils jouer un plus grand rôle dans leur communauté d'origine?
Le chef Redsky: Tout d'abord, comme je l'ai expliqué, sans la possibilité de voter pour nous, par exemple - et n'ont pas actuellement le droit de voter - j'ai toujours considéré que notre plus grande ressource n'est pas de nature financière, mais humaine. Je sais de façon sûre que bon nombre des membres de la bande hors-réserve sont très instruits. Nous n'utilisons pas cette ressource dans la réserve, et c'est un tort. Ils ne peuvent participer, parce qu'ils ne peuvent voter.
Non, je n'ai pas de comptes à leur rendre, et je le devrais. Ils devraient avoir leur mot à dire concernant leurs terres. Ce sont leurs terres autant que les miennes. Mais ils n'ont pas leur mot à dire sur la façon dont nos terres sont mises en valeur, aujourd'hui et à l'avenir. Ils n'ont absolument rien à dire.
S'il m'arrive jamais de vivre en dehors de la réserve - si la situation était renversée - je n'aurais absolument rien à dire, ce qui me fait peur. Sur le plan politique, nous disons tous que nous sommes pour l'égalité, mais le pensons-nous réellement? Je ne crois pas. Je ne le vois pas. C'est là une occasion pour nous de démontrer que nous voulons cette égalité.
Je n'ai pas peur de ne pas être chef. Je veux que la meilleure personne possible dirige notre collectivité et représente les nôtres. Peu m'importe qu'il vive dans la réserve ou en dehors, du moment que c'est la meilleure personne. Voilà comment ce devrait être. C'est plus sain pour toute la collectivité.
M. John Murphy: Je vous remercie.
[Français]
M. Claude Bachand: Messieurs, je voudrais vous remercier pour votre présentation. J'ai plusieurs questions et vous voudrez peut-être les noter, parce que je ne voudrais pas que vous perdiez le fil.
Est-ce que vous êtes en train de négocier le Traité no 3? Est-ce qu'il n'y a pas eu une entente avec le gouvernement sur le processus de négociation du Traité no 3? C'est ma première question.
J'ai bien compris aussi que vous vouliez vous prévaloir de votre option de vous joindre aux modifications. Vous savez sans doute que if you opt in, comme on dit, you can't opt out afterwards. Il y a eu beaucoup de discussions là-dessus, et l'APN dit qu'il y a un danger. Si vous optez pour la nouvelle loi, il y a d'autres questions qui pourront être négligées, parce qu'il y a une partie des ressources ministérielles qui seront détournées pour régler la question de ceux qui décident de se prévaloir de la nouvelle loi.
Comme il a souvent été signalé dans les représentations qu'on a eues, est-ce qu'il n'y a pas danger que les gens qui sont dans un processus de négociation de traité se fassent dire: Vous avez maintenant opté pour une modification à la Loi sur les indiens et on n'est plus pressés de négocier le traité, que ce soit le Traité no 3, le Traité no 5 ou n'importe quel autre des dix traités numérotés? Si vous optez pour la modification de la Loi sur les indiens, il y a danger que cela retarde la mise à jour des traités. C'est ma première grande question.
Deuxièmement, vous avez dit deux fois qu'il était important pour vous que les électeurs qui ne restent pas sur la réserve puissent avoir un droit de regard sur les choses qui se passent sur la réserve, le budget de la réserve ou le côté politique de la réserve. Selon les détails que j'ai, le projet de loi C-79 ne donnera pas de droits aux gens qui sont hors réserve. De plus, la Loi actuelle sur les Indiens définit ce qu'est un électeur à l'article 2, où il y a des définitions, et l'article 77 dit que ces électeurs doivent résider ordinairement sur la réserve.
Le nouveau projet de loi n'apporte aucune modification à cela. Je pense que vous ne réglez pas le problème des gens qui restent hors réserve en pensant qu'ils vont pouvoir avoir leur mot à dire. Selon les détails que j'ai, le projet de loi C-79 ne corrige pas cette injustice.
Finalement, je voudrais que vous me donniez votre opinion sur le nouveau statut juridique d'une Première Nation, d'une bande. J'ai entendu beaucoup de Premières Nations dire qu'elles n'étaient pas une municipalité ou une corporation, mais bien une nation.
Un nouveau statut juridique sera introduit par le projet de loi C-79. Ce nouveau statut juridique est contesté par plusieurs nations et par l'APN. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.
N'y a-t-il pas danger que la notion de nation soit réduite à la notion d'une simple corporation ou d'une simple municipalité? Les Premières Nations sont fières d'être une nation, et non une municipalité ou une corporation.
Ce statut juridique a des impacts là-dessus. Quand vous acceptez le projet de loi C-79, vous en acceptez l'ensemble. Vous ne pouvez pas dire que vous allez opter juste pour une petite modification. Vous devez opter pour l'ensemble des modifications qui sont devant vous.
Je sais que j'ai plusieurs questions, mais j'aimerais que vous tentiez d'y répondre le mieux possible. Je vous remercie.
[Traduction]
Le chef Redsky: Pour ce qui est de la première question, sur le Traité no 3, et la négociation d'un accord d'autonomie gouvernementale, en tant que l'une des nations du territoire couvert par le Traité no 3, nous ne sommes pas nécessairement d'accord avec la manière dont les choses se déroulent. L'organisation qui s'en occupe envisage un processus de trois ans. Nous contestons cela. Nous ne pensons pas que cela devrait prendre trois ans. S'il y a volonté politique de part et d'autre, quelques mois devraient suffire. Cela fait de nombreuses années que l'on en parle. Donc, trois années de négociations en vue de l'autonomie gouvernementale sont un délai ridicule, à mon avis. C'est trop long.
J'ai mentionné tout à l'heure nos jeunes. Ils veulent des actes tout de suite, et pas dans trois ans. Ceux qui veulent prolonger les discussions autant...
Excusez-moi de dire les choses carrément, mais je n'aime pas les gens qui exploitent à fond le système. Pour ma part, je ne veux pas exploiter le système au maximum. Il y a trop de gens - des experts-conseils, des avocats et Dieu sait qui d'autre - qui gagnent beaucoup trop d'argent aux dépens des Indiens des réserves, lesquels ne voient pas venir le changement à cause de toutes ces discussions qui se tiennent. Nous voulons voir des résultats au niveau de la réserve, de la collectivité.
Pour ce qui est de l'impossibilité de revenir en arrière une fois que l'on a opté pour le nouveau régime, cela ne me fait pas peur. La loi actuelle est une horreur. Pourquoi quiconque voudrait-il continuer à être couvert par elle? S'il y a une possibilité d'amélioration, aussi mineure qu'elle soit, nous voulons la saisir. Il ne vaut pas la peine de faire marche arrière. Cela fait plus de 100 ans que nous voulons nous soustraire à cette loi. Si nous pouvons au moins entrevoir une fissure dans le mur qui nous permette de respirer un peu d'air frais, c'est cela que nous voulons.
Je ne pense pas que ce processus va retarder les négociations sur les traités. Ce n'est pas ce que nous entrevoyons. Il faudra considérer la situation et tout compartimentaliser, au fur et à mesure. Nous ne pouvons mettre tous les oeufs dans le même panier. C'est pourquoi nous ne craignons pas que les négociations sur les traités soient retardées. Cela fait 100 ans que nous négocions pour que nos traités soient honorés. Combien de temps nous faudra-t-il attendre? Il n'y a pas de limite de temps au sujet des négociations sur les traités. Cela fait 100 ans qu'elles durent. Nous ne perdons donc rien de ce point de vue.
Pour ce qui est de votre question concernant l'absence d'un droit de vote automatique pour les Indiens hors-réserve, si je suis encore membre du conseil lorsque nous rédigerons notre règlement électoral, selon mon interprétation du projet de loi, il appartient au conseil de décider qui vote et qui ne vote pas. C'est à nous de décider, de faire en sorte que ces personnes soient traitées avec respect et sur un pied d'égalité avec toutes les autres. C'est notre droit de le faire, me semble-t-il, de faire en sorte qu'elles aient cette possibilité. C'est leur droit.
Vous avez soulevé la question du statut juridique. Je ne suis pas avocat et je ne peux répondre à une question juridique. Peut-être Tommy pourra-t-il vous en parler plus.
M. Campbell: D'accord, je vais prendre une minute et reprendre le fil là où Herb l'a laissé.
Pour ce qui est de la définition de nation ou de l'état de nation et notre interprétation selon l'optique de la Première nation anishnabe, les Anishnabe de notre collectivité de Shoal Lake doivent considérer la région couverte par le traité, nos terres ancestrales - ces terres dont nous tirons notre vie et notre subsistance. À l'intérieur de cela il y a une petite partie qui s'appelle une réserve.
Nous nous considérons comme une nation. Nous ne nous voyons pas comme une municipalité, ni une société. Nous avons des sociétés; ce sont des prolongements économiques de notre gouvernement. Nous avons une société de holding, une société de fiducie etc. et nous comprenons cette structure commerciale. Mais nous sommes le gouvernement. Le chef et le conseil sont le gouvernement actuel, guidé par les anciens et par notre conseil des jeunes, dont les membres sont élus. Voilà notre structure nationale, à l'intérieur de notre collectivité.
Votre deuxième question portait sur notre choix de l'option et le danger que cela peut représenter du point de vue de la perte éventuelle de ressources. Le problème de la Loi sur les Indiens et le problème de la prestation des services jusqu'à présent résident dans la politique, guidée par la loi, et dans la structure des bureaux de district, des bureaux régionaux des Affaires indiennes et tout le reste de la bureaucratie.
Si, en optant pour la nouvelle loi, nous pouvons exercer une plus grande maîtrise de tout cela, même si nous perdons certaines de ces ressources - en d'autres termes, certains de ces bureaux de région et de district - eh bien, tant mieux pour nous. Nous exercerons un plus grand contrôle et nous pourrons fournir un meilleur produit aux membres de notre bande, tant ceux de la réserve que ceux d'en dehors. Ce n'est donc pas une perte, c'est un gain pour nous. Voilà pourquoi nous sommes en faveur de cela.
Le président: Y a-t-il d'autres questions?
S'il n'y a plus d'autres questions, je vous remercie infiniment de votre excellent exposé. Encore une fois, nous apprécions que vous ayez comparu avant l'heure et nous ayez ainsi facilité les choses. Je vous remercie.
Le chef Redsky: Il n'y pas de quoi.
Le président: Nous allons suspendre la séance jusqu'à 18 h 20.
Le président: Winnipeg, vous avez le bonjour d'Ottawa. J'ai failli dire Sudbury, mais ce n'est pas là que je suis.
Nous sommes heureux d'accueillir le chef William Traverse, de la Première nation Jackhead. Nous vous sommes reconnaissants de bien vouloir nous faire part de vos vues sur le projet de loi C-79.
Nous apprécions aussi réellement que vous ayez accepté de venir plus tôt que prévu. Vous étiez prévu pour 20 heures, mais vous avez accepté de comparaître plus tôt. Les membres du comité et le personnel de soutien vous en remercient infiniment, car ainsi tout le monde pourra rentrer chez soi un peu plus tôt.
Chef Traverse, nous avons 40 minutes à passer ensemble et ces minutes vous appartiennent, mais nous vous serions reconnaissants de vouloir laisser un peu de temps pour que les députés puissent vous poser des questions.
Cela dit, vous avez la parole. Vous pouvez commencer quand vous le voulez.
Le chef William Traverse (Première nation Jackhead): Je vous remercie meegwetch, et hello.
Je suis un Anishinabek de Kinonjeashtegon, la réserve Jackhead au Manitoba.
Je veux saisir cette occasion pour vous donner quelques explications. Les Anishinabek ont pour croyance que le Créateur nous a placés sur cette terre, que vous appelez le Canada, et plus précisément, le Manitoba. Les vieux nous disent que le Créateur nous placés là et nous a tout donné - notre langue, notre nourriture et notre mode de vie.
Je tiens à dire, monsieur le président, dans le cadre de mon exposé sur le projet de loi C-79, que nos ancêtres anishinabek ont signé un traité avec la Couronne d'Angleterre il y a plus de 100 ans. Dans ce traité, nos ancêtres, ainsi que nous l'ont confirmé les anciens,
[le témoin poursuit en langue autochtone]
Tout nous était réservé. Notre langue, notre culture et notre mode de vie économique et social nous étaient réservés en tant que peuple. Cela, c'était à l'époque du traité.
C'est pour cette raison que j'ai envoyé ma lettre au comité permanent à la fin de la semaine dernière, exprimant les préoccupations que nous avons en tant qu'Anishinabek de Jackhead et aussi en tant qu'Anishinabek membres du Interlakes Reserves Tribal Council - qui regroupe quelque 10 000 membres de bande. Je parle donc non seulement au nom de ma réserve mais également au nom du Interlakes Reserves Tribal Council.
Bien que ma langue soit parlée au Canada depuis des siècles et des siècles, le Canada n'a pas pris la peine de l'apprendre, et je vais donc vous parler dans la vôtre.
Je suis le chef Bill Traverse, de la Première nation Jackhead. Je parle en mon nom, en celui de mon peuple et des membres des Premières nations du Interlakes Reserves Tribal Council, au Manitoba.
Je serai bref et irai droit au but. Je veux dire, premièrement, que votre décision de limiter les audiences sur le projet de loi C-79 à une semaine, et uniquement par téléconférence vidéo, est injuste, insultante et totalement inacceptable.
Dites-moi, qui d'autre au Canada ne peut s'adresser au Parlement autrement que par vidéocaméra? Est-ce une façon de mener un dialogue? Est-ce là du respect? Qui d'autre au Canada a été limité à une semaine de téléconférences vidéo pour faire connaître ses vues au Parlement?
Avez-vous forcé le ministre à s'exprimer devant vous par l'intermédiaire d'un écran vidéo? Le comité aurait-il imposé ces restrictions à quiconque d'autre qu'une Première nation, au peuple anishinabek?
Deuxièmement, ce projet de loi contient des modifications importantes à la Loi sur les Indiens qui présentent des conséquences potentiellement désastreuses pour nos Premières nations. Nous y sommes catégoriquement opposés. Nous vous demandons de le rejeter aussi.
Troisièmement, ce projet de loi a été introduit par le ministre des Affaires indiennes, M. Ron Irwin, contre la volonté expresse de la grande majorité des centaines de Premières nations du Canada.
Quatrièmement, le processus suivant lequel ce projet de loi a été rédigé était dénué, et cela est démontrable, de toute concertation véritable. Le comité se fait le complice de l'omission délibérée du ministre en ne donnant pas aux Premières nations une possibilité adéquate de lui exprimer leur ferme opposition et les raisons qui la motivent.
La Cour suprême du Canada a imposé l'exigence d'une concertation en cas d'empiétement sur des droits, chose que la simple décence et le sens de l'équité dictent aussi. Je me réfère là à l'arrêt Sparrow et à d'autres.
Cinquièmement, nous ne voyons pas le moindre grain de vérité dans l'affirmation insultante du ministre que les Premières nations sont partagées entre soutenir l'Assemblée des premières nations et approuver ce projet de loi. Le chef national Ovide Mercredi n'a fait que réagir de manière responsable à la large opposition que ce projet de loi a suscitée et ne s'est en aucune façon fait le champion de cette opposition.
J'étais présent à la réunion de l'Assemblée des premières nations à Winnipeg, en septembre, et j'ai entendu chef après chef condamner le rapport. Je n'ai entendu aucun chef l'approuver.
Sixièmement, le fait que le projet de loi propose des modifications optionnelles ne libère pas le ministre ou le comité de leurs obligations. Les conditions d'exercice de l'option sont peu rigoureuses puisqu'elles n'exigent qu'un vote à la majorité des conseillers. Un vote des membres eux-mêmes de la Première nation n'est pas requis. Une fois que l'on est engagé, il n'y a plus de retour possible, de toute éternité. Même le ministre lui-même ne peut pas nous désengager une fois la décision initiale prise. Le projet de loi est de ce fait très dangereux et doit être rejeté. Si vous voulez l'adopter, prévoyez au moins l'obligation que la décision d'adhésion soit prise à une forte majorité des voix des membres de la Première nation, et non pas seulement par un conseiller ou deux.
Septièmement, par le passé, votre comité, sous la présidence de Ian Watson puis de Keith Penner, a établi sur plusieurs décennies une tradition admirable d'impartialité politique. Jusqu'à présent, il était l'un des rares canaux par lesquels les Premières nations peuvent s'adresser au Parlement. Nous sommes extrêmement déçus de voir que vous semblez avoir abandonné cette tradition. Nous vous exhortons à reconsidérer la manière dont vous conduirez les audiences à l'avenir et à rétablir le forum non partisan auquel nous avons droit.
J'ai utilisé cette occasion de parler afin de bien établir notre opposition totale à ce projet de loi et à l'absence de consultation. Ce processus a été totalement malhonnête. Si nous sommes contraints de saisir les tribunaux pour protéger nos droits parce que notre Parlement manque à son obligation de nous protéger, cette déclaration sera citée en preuve.
Neuvièmement, nous serons disposés à présenter une analyse détaillée de notre opposition au projet de loi C-79 dès que le comité nous permettra de le faire avec dignité. Faire cela par l'intermédiaire de caméras de télévision est tout simplement inacceptable et tous les Canadiens devraient ressentir de la honte face à ce processus.
Dixièmement, nous sommes déçus de voir que les députés, en particulier ceux du Manitoba, n'ont pas eu le courage de défendre nos intérêts au Parlement. Pourquoi devrions-nous accorder foi au processus politique lorsque le ministre d'abord, et ce comité maintenant, nous traitent de cette manière?
Voici mes paroles. Je ne sais même pas s'il y a quelqu'un qui écoute de votre côté de la caméra.
Meegwetch.
Le président: Je vous remercie de votre exposé. Comme je l'ai dit, le temps vous appartient et nous avons enregistré vos propos.
Je tiens cependant à vous faire savoir que la téléconférence n'est pas une méthode utilisée uniquement par notre comité. C'est ainsi que se font les choses aujourd'hui à Ottawa. Nous le faisons pour économiser de l'argent, car lorsque nous sommes arrivés à Ottawa, nous avons dû emprunter cette année-là 42 milliards de dollars.
Nous ne le faisons pas seulement dans ce comité, mais dans tous les comités, dans un souci d'économie. Nous n'avons pas le choix. Au moins, vous saurez que ce n'est pas réservé aux Autochtones.
Je vais maintenant donner la parole aux membres pour qu'ils posent leurs questions. Qui veut commencer?
[Français]
M. Claude Bachand: Je vous remercie pour votre présentation. Vous me semblez être un chef très charismatique qui défend bien sa Première Nation. Je suis très heureux de faire votre connaissance.
Puisque nous parlons de vidéoconférences, pensez-vous que ce procédé puisse décourager les Premières Nations de venir témoigner devant une caméra du fait qu'elles ne sauraient pas à qui elles s'adressent, qu'elles ne sauraient pas qui est de l'autre côté de la caméra? Est-ce que vous pensez que les Premières Nations préfèrent négocier directement de nation à nation?
Deuxièmement, vous avez mentionné qu'il y avait eu très peu de consultation alors que le ministre prétend le contraire. Est-ce que vous considérez qu'une consultation par correspondance, procédé que le ministre a utilisé, est suffisante dans le contexte actuel? Est-ce que vous pensez que le projet de loi aura plus d'impact que ce que laisse entendre le ministre? Je vous remercie.
[Traduction]
Le chef Traverse: Monsieur Bachand, pour répondre à votre première question, je me sens très intimidé par cette méthode de consultation sur le projet de loi C-79. Je trouve la méthode très intimidante. C'est la première fois, dans mes 16 années de chef de ma réserve, que je suis soumis à quelque chose d'aussi artificiel. Cela ne semble pas réel du tout.
Je pense que ce n'est pas ce que M. Irwin nous a promis l'année dernière. On nous a dit qu'il y aurait un comité itinérant qui viendrait dans notre territoire, et ce n'est pas cela que j'attendais. De fait, M. Irwin nous a laissés brutalement tomber, s'agissant d'une mesure aussi fondamentale que la modification de la Loi sur les Indiens.
J'ai de très graves réserves et préoccupations au sujet de ce mode de consultation. Ce n'est pas du tout cela que j'escomptais. Comme je l'ai dit, je me sens très intimidé. Je me sens mal à l'aise ici. Il n'y a pas de sentiment de contact humain, contrairement à ce que j'ai éprouvé lorsque j'ai comparu en personne, il y a longtemps de cela.
Pourriez-vous répéter votre deuxième question, s'il vous plaît, monsieur Bachand?
Le président: Chef Traverse, M. Bachand parlait du processus de consultation. Il peut répéter la question.
[Français]
M. Claude Bachand: Oui. J'aurais voulu continuer sur le processus de consultation. Le ministre nous dit qu'il y a eu consultation par correspondance. Or, mon parti, le Bloc québécois, et moi croyons que la consultation est autre chose et plus qu'un échange de lettres. Une consultation consiste à aller voir les Premières Nations et à leur expliquer ce qui se passe et ce que l'on veut faire. Est-ce que vous considérez qu'il est suffisant, pour une consultation, d'envoyer quelques lettres, ou bien aimeriez-vous être consultés plus profondément sur le projet de loi qui est devant nous?
Je voudrais mentionner en passant que le Bloc québécois s'oppose au projet de loi.
[Traduction]
Le chef Traverse: Je vous remercie de cet encouragement, monsieur Bachand, mais j'aimerais revenir brièvement à notre réunion nationale tenue ici à Winnipeg, en septembre, où M. Ron Irwin a été présent d'environ 10 heures du matin à 7 heures du soir.
C'était une assemblée nationale des chefs, conseillers et membres des bandes. Plus de 800 personnes étaient présentes à ce forum de deux jours, mais M. Ron Irwin, ministre des Affaires indiennes, n'y a assisté qu'un seul jour.
Entre le moment où M. Irwin est arrivé à l'assemblée... À aucun moment durant toute cette journée ai-je entendu quiconque, aucun chef, s'exprimer en faveur de la décision unilatérale deM. Ron Irwin... sans nous consulter, d'apporter ces changements.
J'ai beaucoup de mal aujourd'hui à croire ce que dit M. Ron Irwin. Il dit une chose et en fait une autre. Je trouve cela très inquiétant dans le cadre du processus de l'accord-cadre au Manitoba. J'ai beaucoup de mal, lorsque M. Ron Irwin dit quelque chose aujourd'hui, de le croire demain.
La concertation dont il parle... Vous savez, il y a plus de 500 chefs et conseils à travers le Canada. Oui, il a envoyé des lettres, mais il n'a reçu que 64 réponses. Est-ce que la minorité décide pour la majorité maintenant? Je ne le pense pas.
Je pense que la majorité des chefs, la majorité des réserves indiennes du Canada, doivent être entendus et doivent être entendus en personne, et non pas par téléconférence. Je désapprouve totalement ce processus auquel je prends part ce soir, monsieur Bachand. J'espère que cela répond à vos questions.
M. Claude Bachand: Oui, je vous remercie.
Le président: Y a-t-il quelqu'un d'autre? Puisqu'il n'y a plus de questions, je tiens à vous remercier infiniment de votre exposé. Tout ce que vous avez dit a été enregistré et sera pris en considération par le comité.
Merci beaucoup, chef Traverse. Si vous voulez dire quelques mots de conclusion, vous avez la parole.
Le chef Traverse: Pour que les choses soient claires, monsieur le président, en ce qui concerne la présentation du chef national Ovide Mercredi sur cette question, je crois savoir que le chef national a comparu devant ce comité - je ne me souviens pas quel jour. Est-ce exact?
Le président: Oui, c'était le 6 mars, jeudi dernier.
Le chef Traverse: La présentation du chef national a le plein appui des chefs de la région d'interlake du Manitoba. Le contenu est sa condamnation de ce que M. Irwin a fait ici.
Très brièvement, en ce qui concerne le consentement, monsieur le président, lorsque nos ancêtres ont conclu un traité, c'était un bon accord. Nous voulions partager avec vous notre terre et nos ressources. Mais aujourd'hui, 100 ans plus tard, ce traité n'est toujours pas exécuté, à cause de la Loi sur les Indiens.
La Loi sur les Indiens est un document paternaliste. Lorsqu'elle a été promulguée, les nôtres n'ont pas eu leur mot à dire. Nous n'avons jamais donné notre consentement à cette Loi sur les Indiens.
Par ailleurs, lorsque nous avons signé l'accord-cadre, M. Irwin a déclaré qu'il voulait rendre aux Indiens leurs pouvoirs. Pourtant, le processus de modification de la Loi sur les Indiens sous la forme du projet de loi C-79 remet aujourd'hui sérieusement en cause ce processus.
Je tenais simplement à émettre cette remarque et cette position, monsieur le président. Je n'ai rien d'autre à dire, sinon pour répéter encore une fois que je suis totalement... Ce procédé, cette méthode de la téléconférence est totalement inacceptable. C'est inhumain. C'est artificiel.
Je souhaite que vous puissiez venir dans ma réserve, parler aux anciens et aux jeunes de ma collectivité. C'est ce que nous attendions, c'est ce que nous voulions et c'est ce que M. Ron Irwin a promis. Nous ne voyons rien venir, et pourtant il est censé être responsable des Indiens et des terres réservées aux Indiens. Il est censé protéger nos intérêts alors que tout ce qu'il fait aujourd'hui, à mes yeux, menace notre existence même en tant que peuple.
Voilà ce que je voulais dire, monsieur le président.
Kichi meegwetch, et tous vos membres aussi. Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons suspendre la séance jusqu'à l'arrivée du prochain témoin ou jusqu'à indication contraire.
Le président: Nous reprenons la séance. Nous entendrons le chef Harold Turner, du Swampy Cree Tribal Council. Nous vous remercions d'être venu.
Grand chef, j'aimerais que vous nous présentiez la personne qui vous accompagne et nous indiquiez sa fonction au sein du conseil.
Le grand chef Harold Turner (Swampy Cree Tribal Council): Je suis le chef Harold Turner, de la Première nation de Grand Rapids. Je suis également le grand chef du Swampy Cree Tribal Council. Je suis accompagné du chef Francis Flett, de la nation crie Opaskwayak, qui est également membre de notre conseil tribal.
Le président: Chefs, je vous remercie tous deux de vous joindre à nous. Nous avons 40 minutes à passer ensemble et ces 40 minutes vous appartiennent. Vous pouvez en faire l'usage que vous voulez, mais nous vous serions reconnaissants de prévoir un peu de temps pour que les membres puissent vous poser des questions.
Je me nomme Ray Bonin. Je suis le président du comité. Je suis en compagnie de Claude Bachand, du Bloc québécois, et d'Elijah Harper, du Parti libéral.
Comme je l'ai dit, le temps vous appartient. La parole est à vous.
Le grand chef Turner: Je n'ai pas besoin de me présenter de nouveau. J'ai également avec moi cinq de nos techniciens.
Nous vous remercions de cette occasion d'exprimer à votre gouvernement la position des gouvernements de nos Premières nations et du territoire relevant du Swampy Cree Tribal Council sur le récent processus de modification de la Loi sur les Indiens.
Le Swampy Cree Tribal Council représente huit Premières nations de notre territoire tribal, centrées autour de la nation crie Opaskwayak dans la région de The Pas. Nous représentons10 000 membres autochtones.
Nous devons, dès le début de notre exposé, exprimer très franchement, très directement et très clairement notre position politique et juridique sur les dernières tentatives du Canada de modifier la Loi sur les Indiens: elles sont à mettre au rebut.
Pendant longtemps, avant même que le Canada existe, nous étions souverains et exercions l'autorité suprême sur nos terres. Nous avions nos propres lois, avant que le Canada ait été formé par la Confédération et la Loi de l'Amérique du Nord britannique, en 1867, et avant la promulgation de la Loi sur les Indiens en 1876. La Loi sur les Indiens était le principal véhicule pour l'administration des obligations du Canada.
Indépendamment de ce que les nôtres pensaient trouver dans les traités, ce ne sont pas eux qui définissent notre relation avec le Canada dans la réalité, bien qu'ils le devraient. Cette relation est déterminée par la Loi sur les Indiens. La Loi sur les Indiens devait être purement administrative, mais le Canada s'en est servi pour régir chaque aspect de la vie des Autochtones. Elle définit qui nous sommes en tant qu'Autochtones, et tout le reste.
La Loi sur les Indiens est une législation imposée à nos peuples. Nous n'avons jamais été consultés sur son contenu, pas plus que sur la Proclamation royale britannique de 1763. Ainsi, on nous a arraché nos terres, nos lois, nos gouvernements et nos cultures, sans que le Canada ait jamais eu à honorer nos droits ancestraux et issus des traités.
La Loi sur les Indiens a été utilisée par le Canada pour façonner ses relations avec les Premières nations du Canada et elle ne devrait pas nous lier. Nous ne lui avons pas donné notre assentiment, mais nous y sommes assujettis. Nos chefs et nos conseils doivent satisfaire la volonté des bureaucrates du gouvernement plutôt que la volonté des nôtres. Le Canada ne peut changer notre relation en modifiant la Loi sur les Indiens et ses obligations, sans une concertation adéquate avec les Premières nations.
Dans les traités, le Canada s'est engagé à satisfaire les besoins des Premières nations, dans le cadre de notre échange de promesses et de notre relation de nation à nation. Voici l'interprétation que les nôtres en donnent encore aujourd'hui. La Loi sur les Indiens a été utilisée par le Canada pour s'emparer de nos vies. Chaque fois que nous parlons de la Loi sur les Indiens, nous parlons des obligations du Canada envers les Premières nations. Chaque fois qu'il est question de modifier la Loi sur les Indiens, il est question de modifier également les obligations du Canada.
Il ne devrait pas en être ainsi. Les obligations du Canada découlent des traités. Le Canada n'a qu'à tenir ses promesses anciennes. Vous devez comprendre qu'il est difficile pour nous de dire précisément quelles sont nos objections contre ces modifications, et il est difficile pour nous de prévoir quelles seront les répercussions négatives sur nos droits ancestraux et issus de traités et les obligations fiduciaires et découlant des traités du Canada.
Le problème pour nous est que le Canada cherche toujours à résoudre ce qu'il appelle «le problème indien». D'une façon ou d'une autre, nous sommes toujours amenés à nous battre pour protéger nos nations et nos peuples contre l'assimilation ou la suppression de nos droits. Lorsque le Canada dit que le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et à une relation de nation à nation signifie des pouvoirs municipaux qui nous sont délégués par le Canada et les provinces, nous savons que le Canada n'agit pas dans notre intérêt et que ce n'est sûrement pas ce que veulent les Premières nations.
Nous avons déjà honoré nos obligations envers le Canada en partageant nos terres et nous avons lamentablement failli lorsque nous avons voulu récupérer les terres qui nous étaient initialement garanties par les traités. Nous avons tenu nos engagements envers la Couronne, bien que le Canada n'ait pas rempli ses obligations envers nous. Par exemple, le Canada continue à exploiter nos ressources naturelles bien au-delà de l'esprit et de l'intention réels des traités. Le Canada nous refuse également nos systèmes judiciaires et tribunaux qui nous permettraient d'assurer la paix au Canada pour les nôtres.
La seule façon de changer les choses, c'est que le Canada reconnaisse nos gouvernements autochtones et leurs pouvoirs de légiférer pour eux-mêmes. Le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale signifie que le Swampy Cree Tribal Council et les Premières nations membres puissent légiférer pour eux-mêmes.
Le Canada a le devoir fiduciaire de protéger les droits ancestraux et de remplir ses obligations envers les Premières nations. Nous sommes souvent obligés de nous battre contre l'autorité fiduciaire même qui a promis de protéger nos droits lorsqu'il s'agit de négocier de meilleures conditions de vie pour les nôtres et de combattre des lois qui restreignent et limitent nos pouvoirs gouvernementaux et les droits de notre peuple. Pour déterminer si le Canada va protéger nos gouvernements et nos droits, nous devons attendre d'avoir perdu nos droits ou de découvrir que les garanties du Canada ne valent pas le papier sur lequel elles sont écrites. Seulement, à ce moment-là, il est trop tard. Il faut donc replacer ces modifications à la Loi sur les Indiens en perspective. Nous ne croyons pas que ces changements vont nous apporter grand-chose. Ils auront d'importantes répercussions négatives, de par le transfert du Cabinet au ministre des pouvoirs d'émettre des décrets.
Nous ne considérons pas que la Loi sur les Indiens soit notre véhicule pour l'autonomie, mais c'est la Loi sur les Indiens que le Canada invoque pour administrer ses obligations envers les gouvernements et les peuples autochtones.
Pourquoi devrions-nous nous accrocher à la Loi indienne sous sa forme actuelle alors qu'au Manitoba nous avons un processus visant à modifier ou abroger la Loi sur les Indiens, en vertu du principe 5 du processus IAC convenu par les Premières nations du Manitoba et le Canada?
Le ministre a sapé ce processus avec ces modifications à la Loi sur les Indiens. Le ministre des Affaires indiennes a ignoré les problèmes réels sur lesquels les Premières nations réclament des changements.
L'une des dispositions les plus importantes est l'article 88, et nous savons qu'il n'a pas été modifié parce que le gouvernement fédéral continue à se décharger de ses responsabilités sur les provinces. La raison en est que le Canada transfère aux provinces davantage de pouvoirs fédéraux intéressant les services aux Premières nations, ce qui signifie que le Canada ne veut pas assumer sa responsabilité envers les Autochtones.
La Loi sur les Indiens actuelle comporte toujours quantité de racines issues des graines plantées au moment du contact entre nos gouvernements. Elle est devenue une partie de notre histoire en tant que nations et une partie des promesses que nous nous sommes faites les uns aux autres en tant que nations.
L'article 91.24 de la Loi sur l'Amérique du Nord britannique a ouvert au Canada un espace constitutionnel lui permettant de promulguer des lois relatives aux Indiens et aux terres réservées aux Indiens sans que les provinces de la Confédération du Canada puissent y faire obstacle.
Cependant, le comité permanent doit savoir que les politiques libérales qui menacent de détruire notre peuple ne sont pas nouvelles. Diamond Jenness a présenté un rapport intitulé «Plan pour la liquidation du problème indien du Canada dans les 25 ans» au Comité spécial mixte sur la Loi sur les Indiens qui a siégé en 1947, plan que le gouvernement du Canada a suivi.
C'est le gouvernement Trudeau, avec Chrétien au ministère des Affaires indiennes, qui a publié l'infâme Livre blanc de 1969. Cette assimilation et cette politique ont suscité de graves préoccupations et de nombreuses réactions de la part des Premières nations à l'époque, y compris les Premières nations du Manitoba qui ont réagi dans un document intitulé Wahbung.
S'agissant de ces modifications récentes de la loi, nous pouvons parler des modifications apportées à l'article 2, qui établit la personnalité juridique des Premières nations telle que définie par les Parlements, assemblées législatives et tribunaux canadiens. Pourquoi le Canada insiste-t-il pour définir nos gouvernements? Nous avons déjà été reconnus par vos tribunaux comme ayant le droit de poursuivre en justice et d'être poursuivis et de conclure des contrats, comme n'importe quel autre gouvernement.
Si le Canada veut changer la Loi sur les Indiens, il devrait qualifier les bandes indiennes de gouvernements autochtones ayant la faculté de constituer leurs propres ministères. Les Premières nations devraient avoir le pouvoir d'imposition, y compris celui de percevoir des impôts sur le revenu, des impôts sur les sociétés et des droits de permis à l'égard des gouvernements et des entreprises non autochtones ayant des activités sur les territoires des Premières nations.
L'introduction par votre ministre des Affaires indiennes du projet de loi C-79, la Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens, est un stratagème très malin. C'est une tentative rusée de tromper les Premières nations, les Canadiens et le Comité permanent des affaires autochtones et du Grand Nord, car il est présenté au public sous un déguisement, comme étant bon pour nous, selon l'idée que «notre père sait ce qui est bon pour nous», la vieille attitude paternaliste. Le Canada a fait en sorte qu'il soit facile d'opter pour ce régime, par une simple résolution du conseil de bande, sans que les membres aient à être consultés.
N'oubliez pas que notre ministre prévoit également dans le projet de loi que les Premières nations puissent opter pour le nouveau régime par une résolution du conseil de bande sans obligation de convoquer dans les règles une réunion du conseil. Elles peuvent signer une résolution au même titre que des dirigeants d'une société.
Ce n'est pas ainsi que les gouvernements des Premières nations prennent les décisions et ce n'est pas ainsi que nos gouvernements fonctionnent. Ou bien si? Il n'est simplement pas acceptable de prendre les décisions de cette façon.
Il n'y a pas non plus de disposition de désistement. La seule façon de le faire, serait de déroger à la Loi sur les Indiens par le biais d'un accord d'autonomie gouvernementale, et nous savons combien il est difficile et long d'en conclure un lorsque le Canada ne fournit pas de ressources pour cela.
Nous ne pouvons sélectionner et retenir les articles que les nôtres veulent et laisser de côté ceux qu'ils ne veulent pas. C'est tout ou rien. Ce n'est pas ainsi que des gouvernements responsables traitent les uns avec les autres. En outre, il y a beaucoup de changements qui peuvent comporter des conséquences très lointaines pour nos Premières nations et nos droits ancestraux et issus de traités.
Nous n'avons pas eu le temps d'analyser pleinement ces conséquences en raison des contraintes de temps imposées par le Canada. Il semble que notre ministre veuille faire passer ces amendements en force au Parlement, par le plus court chemin possible. Il a trahi l'engagement donné aux Premières nations que des consultations poussées auraient lieu pour nous permettre d'exprimer nos préoccupations concernant le projet de loi C-79. Il y a également la crainte que les Premières nations qui n'optent pas pour le nouveau régime soient pénalisées par le gouvernement, sur le plan du financement et du traitement.
Pour conclure notre exposé, nous demandons aux membres du comité permanent de recommander que soit mis fin au système actuel des relations avec nos Premières nations. Le Canada doit changer sa façon de traiter avec les nôtres et mettre en pratique son slogan favori: «Travailler en partenariat avec les Premières nations», au lieu de nous payer de mots. Le Canada doit reconnaître nos Premières nations comme gouvernement. Nous vous demandons également de recommander au Parlement que ces modifications soient mises au rebut et que l'on reprenne tout à zéro, en pleine concertation avec les Premières nations et nos peuples.
Je cède le microphone au chef Francis Flett.
Le chef Francis Flett (Nation crie Opaskwayak): Je vous remercie. Je suis le chef Francis Flett. Je vais passer directement à ma présentation et vais vous lire le document que nous avons rédigé.
Le Swampy Cree Tribal Council n'a jamais été en faveur de la modification de la Loi sur les Indiens. Cela n'a jamais été notre priorité. Notre grande priorité est le processus entamé ici au Manitoba en vue de la suppression du ministère des Affaires indiennes et de la réaffirmation de nos relations avec le Canada en tant que Premières nations, dans le cadre de la négociation d'un accord-cadre.
Les Premières nations membres du Swampy Cree Tribal Council se sont engagées à mener à bien ce processus de renforcement de nos relations de gouvernement à gouvernement avec le Canada, ce que ne fait pas la Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens. Avant ce projet de loi, nous n'avions pas le choix, mais puisque les Premières nations du Manitoba se sont prononcées contre ce texte, nous avons maintenant à tout le moins l'option de refuser ce nouveau régime.
L'honorable ministre des Affaires indiennes, Ron Irwin, aurait dû consulter le Swampy Cree Tribal Council si le Canada tient réellement à modifier la Loi sur les Indiens dans l'intérêt des nôtres. Nous lui aurions dit ce que nous répétons depuis des années, à savoir qu'il n'y a pas à modifier la loi si ce n'est pas à l'avantage des Autochtones. Les Premières nations doivent procéder préalablement à une consultation poussée de leurs membres, sinon, la législation ne fera que compliquer les choses. Et nous ne voulons pas des garanties sans valeur de votre ministre, de votre premier ministre ou de vos bureaucrates.
La détermination du statut d'Indien visé par un traité et l'appartenance aux bandes est un droit souverain et inhérent des gouvernements des Premières nations, reconnues comme nations. Si le ministre des Affaires indiennes veut réellement faire quelque chose par le moyen d'une modification de la loi, il aurait dû venir me demander mon avis. Je lui aurais dit que les nôtres se souviennent de la dernière fois où le Canada a tripoté la Loi sur les Indiens. Les nôtres se souviennent que le Canada a ignoré leurs droits inhérents et n'a pas respecté ses obligations fiduciaires et issues des traités. Nous le savons, car nous vivons chaque jour avec le paragraphe 6(2) du projet de loi C-31 de 1985 qui a modifié la Loi sur les Indiens. Cette disposition risque d'amener la disparition de notre peuple. Pour nous, c'est du génocide.
Cela fait seulement 12 ans que le Canada nous a imposé cette modification. Elle n'était pas facultative. La seule chose facultative dans le paragraphe 6(2) est que le Canada, et non les Premières nations, décide qui il va reconnaître comme Indien. Aux termes de la Loi sur les Indiens, c'est le Canada qui détermine envers qui il a une obligation fiduciaire et issue d'un traité. À mes yeux, c'est lâcher le loup dans la bergerie.
En tant que Première nation membre du Swampy Cree Tribal Council, nous adoptons pour position politique et juridique que quiconque est reconnu comme membre de nos Premières nations doit aussi être légalement reconnu par le Canada aux fins de la Loi sur les Indiens. Nos lois gouvernementales, nos codes de citoyenneté, reconnaissent tout Autochtone qui a au moins un parent membre de la Première nation considérée. Mais en vertu du paragraphe 6(2) de la Loi sur les Indiens, seule une génération peut n'avoir qu'un seul parent membre d'une Première nation. Après cette génération, le Canada ne reconnaît plus les enfants et petits-enfants de cet Autochtone, ni n'honore ses obligations issues de traités ou fiduciaires envers ces enfants et petits-enfants.
Les règles déterminant le statut d'Indien introduites par le paragraphe 6(2) du projet de loi C-31 de 1985 rendent ces règles encore plus complexes que la modification de 1951 de la Loi sur les Indiens et créent sur papier un système de droit du sang qui n'a absolument rien à voir avec l'appartenance à une bande, l'ascendance et la culture de notre peuple. Si l'on veut modifier la Loi sur les Indiens, la première chose à faire est de rectifier les erreurs que le Canada a commises par le passé, et cela suppose l'abrogation du paragraphe 6(2).
Le Canada a garanti en 1985 que rien dans le projet de loi C-31 n'aurait de répercussions négatives sur les obligations du Canada envers nous, mais le Canada a néanmoins négligé ses obligations. Comment pourrions-nous croire que le Canada va jamais remplir ses obligations envers nos membres qui ne sont pas reconnus par le Canada en vertu du paragraphe 6(2) de la Loi sur les Indiens?
Les problèmes dont je vous parle ne sont pas nouveaux et ont été étudiés par notre gouvernement.
En 1992, l'Assemblée des premières nations a effectué une étude des répercussions de l'article 2 sur les populations indiennes futures. C'est le rapport que vous voyez dans ma main. Bientôt, le nombre des membres des Premières nations légalement reconnus par le Canada en vertu de l'article 6 de la Loi sur les Indiens va baisser, alors que la population effectivement indienne mais non reconnue va augmenter. Nous appelons cela du génocide par disparition. Les Autochtones, tels que définis par le Canada, vont disparaître. Voilà la solution canadienne au problème indien: faire disparaître nos Premières nations à coup de définitions.
Le Canada dénonce ses obligations constitutionnelles et issues de traités envers nos gouvernements et nos peuples. Pendant 125 ans, nous avons critiqué la Loi sur les Indiens, mais chaque fois que le Canada l'a modifiée, il a créé de nouvelles injustices.
M. David Ahenakew, chef de l'Assemblée des premières nations, a comparu en 1982 devant le Comité permanent des affaires indiennes et du Grand Nord de la Chambre des communes pour demander qu'on laisse les Premières nations déterminer elles-mêmes qui sont leurs membres. Il a réclamé la suppression de l'article 12 de la Loi sur les Indiens, qui privait les femmes du statut d'Indienne. Les parties de l'article 11 de la loi qui donnaient une reconnaissance légale au statut d'Indien des membres de nos Premières nations auraient dû être conservées dans la Loi sur les Indiens et auraient dû s'appliquer également aux hommes, femmes et enfants autochtones et à nos générations futures.
Nous avons affirmé à maintes reprises notre droit inhérent de déterminer qui est membre de nos bandes. Les Moskegons vous demandent, à la fin de vos audiences, de recommander que le Canada reprenne tout à zéro, mette au rebut ces modifications, abroge le paragraphe 6(2) et commence à honorer les promesses et obligations qu'il a envers les Premières nations du Canada.
Voici la fin de notre exposé. Nous voulons terminer en citant les mots de l'honorable député de la Terre de Rupert, Elijah Harper, paroles que vous avez déjà entendues lors d'une audience et que je veux souligner. Il a écrit dans sa biographie:
- La Loi sur les Indiens est comme un pénitencier dont les Indiens seraient les détenus. Modifier
la loi ne fait pas sortir les détenus de prison. Lorsque vous modifiez la Loi sur les Indiens, tout ce
que vous faites, c'est allonger un peu la chaîne. C'est tout.
Le président: Merci beaucoup de ces deux excellents exposés. Nous allons maintenant passer aux questions des membres. Qui souhaite commencer? Elijah Harper.
M. Elijah Harper: Je vous remercie, Francis et Harold, de votre présentation.
De fait, j'ai sorti ma plume aujourd'hui et je l'ai donnée au Président de la Chambre, pour montrer que lui aussi a besoin d'un plume pour régler bon nombre de problèmes et honorer l'esprit et les relations que les Autochtones devraient avoir avec ce pays. J'ai donc bien sorti ma plume aujourd'hui.
Je voulais vous poser quelques questions sur ce processus. Je sais que l'Assemblée des chefs du Manitoba suit un processus, l'initiative de l'accord-cadre. Je sais que l'Assemblée des chefs du Manitoba était inquiète devant les modifications initialement proposées à la Loi sur les Indiens. Je sais que vous avez déposé une motion, chef Flett, au sujet de ces modifications, demandant qu'elles soient facultatives parce qu'elles étaient en contradiction avec l'initiative de l'accord-cadre. Cela a été fait. Le ministre les a rendues facultatives.
Il y a également une clause de non-dérogation, précisant que les modifications ne portent pas atteinte aux droits ancestraux ou issus de traités, y compris le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Il est entendu également aux fins de votre accord-cadre que ces droits subsisteront et seront le fondement de la nouvelle relation.
Je pense que c'est là un volet des principes couverts par l'initiative de l'accord-cadre.
Je crois que c'est le processus suivi par l'Assemblée des chefs du Manitoba et ce me semble être la bonne voie à suivre. Ce processus, à son aboutissement, pourrait remplacer la Loi sur les Indiens. Vous avez là l'occasion d'établir une véritable relation de nation à nation et sur la base des obligations issues des traités.
J'y crois fermement. J'appartiens au nord du Manitoba et j'ai toujours considéré que les nôtres conserveront leurs droits, quoi qu'il advienne, et survivront jusqu'à la fin. C'est la base de notre relation et elle continuera d'exister. En dépit de tout ce que les gouvernements ont essayé... ils n'ont pas réussi. Cela va toujours l'emporter. Je fais toute confiance aux nôtres pour le préserver.
Il est un peu difficile pour moi de siéger de ce côté-ci, dans une assemblée non autochtone. J'ai été placé là, non seulement par les miens mais aussi par la plupart des Autochtones du nord du Manitoba, afin de défendre leurs droits. Je l'ai fait avec la dignité et l'intégrité qui caractérisent les nôtres. Cela, je le ferai toujours. Je ne compromettrai jamais nos droits.
On a demandé que cette mesure soit facultative... qu'il n'y ait pas dérogation ou abrogation par le gouvernement des droits ancestraux et issus de traités. Nous l'avons demandé et, avec le soutien de l'Assemblée des chefs du Manitoba, nous l'avons obtenu. Nous avons en place chez nous un processus dont les autres Premières nations du Canada ne disposent pas nécessairement. Je pense que ce processus débouchera un jour sur l'abrogation de la Loi sur les Indiens elle-même.
Je pense que nous pouvons établir la vraie relation, les modalités financières. Je crois qu'à l'avenir les paiements de transfert pourront être versés directement aux Premières nations, au lieu de prendre la forme d'accords de contribution. C'est vers cela que tend le processus, à mon sens. J'attends avec impatience cet aboutissement et de pouvoir travailler avec vous et le gouvernement.
J'ai parfois des insomnies à force de m'interroger sur ce que je devrais faire, mais je sais que l'identité, la dignité et l'intégrité des nôtres et le soutien que j'ai reçu, non seulement de la part des chefs mais aussi sous la forme de l'éducation que m'ont donnée mon grand-père et mes parents, continueront à m'aider. Je peux vous dire ceci: je ne ferai jamais de compromis au détriment des nôtres.
Il ne s'agit pas simplement de dire non, comme vous le demandez. Nous devons suivre cette approche et relever les défis, et je le fais avec votre aide. Je sais que cette initiative de l'accord-cadre est un processus très important et je ne veux surtout pas le voir dérailler. Je veux qu'il se poursuive afin que nous puissions résoudre quantité de ces problèmes.
Vous avez cité ma phrase où je dis que les modifications à la Loi sur les Indiens ne font qu'allonger la chaîne, mais cette loi existe. Évidemment, il va falloir la remplacer. Je vois une lumière au bout de ce tunnel, de l'espoir pour les nôtres et nos enfants.
Je peux rentrer et dire que la modification de la Loi sur les Indiens va résoudre les problèmes chez nous et avec les enfants. Je peux vous parler de mon expérience personnelle. Par exemple, mon propre neveu a dû être transporté par avion jusqu'à l'hôpital l'autre jour parce qu'il a avalé toute une boîte de pilules, il essayait de se suicider. Je vis moi aussi ces choses, comme les autres Indiens.
Je travaille à ce niveau et ce n'est pas facile. Nous continuerons à collaborer. Je continue à défendre les intérêts de notre peuple.
Je voudrais simplement dire que l'intention de l'Assemblée des chefs du Manitoba, y compris celle du Swampy Cree Tribal Council, est de continuer à travailler sur l'initiative de l'accord-cadre, par opposition à ce processus. C'est ce qu'il me semble. Vous pouvez peut-être nous l'expliquer. Je vous remercie.
Le président: Souhaitez-vous répondre?
Le grand chef Turner: En ce qui concerne les raisons pour lesquelles mon collègue, le chef Francis Flett, voulait cette clause facultative... [Difficultés techniques]... pour la simple raison qu'il y aura quelque influence gouvernementale de toute façon. Si nous laissons le gouvernement parler au nom des nôtres à travers le pays, au moins nous avons l'option de ne pas accepter ces modifications.
Indépendamment de cela, le problème que nous avons et continuons d'avoir avec le ministre des Affaires indiennes est dû au fait que son attitude est paternaliste et qu'il va nous obliger à avaler tout ce qu'il veut, car il pense savoir mieux que nous ce qu'il nous faut. C'est là le problème. Je suis très heureux d'entendre qu'il ne se représentera pas aux prochaines élections.
Le gouvernement va devoir regarder l'avenir. En choisissant un ministre des Affaires indiennes, il devrait veiller à nommer une personne qui va traiter loyalement avec les Premières nations de ce pays.
Permettez-moi de vous demander ceci, Elijah. Quand le gouvernement va-t-il choisir un Autochtone pour diriger le ministère des Affaires indiennes?
M. Elijah Harper: Je ne suis pas en mesure de répondre. Je ne suis qu'un député parmi d'autres, comme vous le savez. Comme je l'ai dit, j'ai été délégué ici par les nôtres, et c'est un honneur et un privilège que d'avoir leur confiance.
Il n'a pas été facile de travailler dans une institution non autochtone, de poursuivre... et d'amener les gens à comprendre. Ce n'est pas nécessairement une question de personne, c'est toute l'Histoire qu'il faut confronter. Démêler les fils de toute l'Histoire, modifier les institutions et les comportements qui se sont installés au fil des siècles est une chose indispensable.
Comme je l'ai dit, je pourrais facilement sombrer dans le pessimisme et renoncer, mais je ne veux pas faire cela. Je manquerais à mon devoir si je disais que je renonce, que je démissionne et que je laisse tout tomber. Je pense qu'il faut continuer à secouer les têtes et combattre ces choses.
Je ne suis pas du genre à reculer et à laisser faire. Je ne sais pas si nous aurons jamais un Autochtone comme ministre des Affaires indiennes... à moins qu'il y ait une volonté politique pour cela.
Je pense que les nôtres ont toujours honoré leurs engagements et leurs promesses, et c'est pour moi un réconfort. Nous le faisons. Nous ne faisons jamais moins, nous faisons toujours plus. C'est cela qui me fait aller et qui me pousse à continuer.
Je ne peux répondre à cette question. Je suppose que vous pouvez demander au premier ministre directement de nommer un Autochtone. Évidemment, il faudrait que ce soit quelqu'un de très déterminé. La charge de ministre n'est pas facile.
J'ai occupé ce poste lorsque je faisais partie du gouvernement du Manitoba. J'étais ministre des Affaires du Nord et ministre responsable des Affaires indiennes et responsable du Règlement des droits territoriaux issus des traités.
C'est un poste très difficile. Je ne puis répondre directement à votre question, mais il s'agit d'avoir quelqu'un au poste de ministre des Affaires indiennes avec qui les Autochtones se sentent à l'aise, à qui ils puissent faire confiance... il faut travailler ensemble.
Le président: Avant de donner la parole à M. Bachand, j'essaie de me montrer aussi neutre que possible en tant que président, mais je connais Elijah depuis presque quatre ans et je pense qu'il ferait un excellent ministre des Affaires indiennes. Je le dis sans la moindre réserve.
[Français]
M. Claude Bachand: Monsieur Turner, monsieur Flett, je vous remercie pour votre présentation.
Vous avez mentionné tout à l'heure que plusieurs personnes avaient l'impression d'être dupées par le projet de loi qui était devant nous. Je dois vous dire tout de suite que la position du Bloc québécois est de s'opposer au projet de loi C-79, mais je pense que vous le savez déjà.
Je voudrais faire un petit commentaire sur ce que M. Harper vient de dire. Je reconnais qu'il se trouve dans une position très difficile. Il est vrai que, lorsqu'on est autochtone et que 85 p. 100 de notre peuple s'oppose à un projet de loi, il n'est pas facile de discuter avec le gouvernement qui veut faire adopter le projet de loi, mais il faudrait suggérer à M. Harper d'encourager M. Anawak etMme Blondin, qui sont d'ascendance autochtone, à s'opposer avec lui à ce projet de loi, ce qui éclairerait le gouvernement sur leur position.
Le président: Je suis obligé de vous rappeler à l'ordre. J'ai fait un compliment à M. Harper, mais je pense que pour du négatif, il vaudrait mieux ne pas impliquer les membres. Je vous remercie.
M. Claude Bachand: Très bien. Sans faire de négativisme, je pense qu'il serait bon que vous disiez aux gens qui appartiennent à des Premières Nations et qui sont à la Chambre des communes de faire en sorte de voter contre ce projet de loi. Je ne crois pas que ce soit négatif de leur part. Je crois plutôt qu'ils affirmeraient tout simplement leurs liens avec les Premières Nations du Canada, dont85 p. 100 des gens rejettent ce projet de loi.
Parlons maintenant de la consultation. Le ministre nous a bien dit qu'il avait fait cette consultation par correspondance et que, quelque 70 Premières Nations ayant répondu, il pensait avoir le mandat de procéder. Est-ce que, selon vous, cette façon de faire est satisfaisante? Est-ce que le fait que quelque 70 nations aient soi-disant répondu permet de procéder à l'adoption du projet de loi qui est devant nous aujourd'hui?
J'ai également une question concernant le statut juridique. Ne trouvez-vous pas un peu irritant que, dans le projet de loi qui est devant nous, il y ait des allusions au statut juridique des Premières Nations? Il est dit que l'on peut les considérer comme des municipalités, des corporations, mais certainement pas comme des nations.
Il me semble que c'est un point extrêmement litigieux et qu'il est inacceptable, pour des gens qui savent qu'ils appartiennent à une nation, d'entendre dire qu'on va les traiter comme des corporations ou des municipalités et qu'ils n'ont pas d'autre statut juridique que celui d'une personne ordinaire.
J'espère avoir quelques réponses aux questions que je viens de poser. Je ne voudrais cependant pas que vous pensiez, après ce que j'ai dit, que je suis contre quiconque. Je ne déteste personne. Je n'ai pas dit que M. Harper ne ferait pas un bon ministre des Affaires indiennes. Je pense d'ailleurs qu'il ne pourrait pas être le ministre des Affaires indiennes parce que le système actuel ne le lui permettrait malheureusement pas.
Cependant, si les représentants des Premières Nations qui se trouvent en Chambre se levaient pour voter contre ce projet de loi, le gouvernement comprendrait sans doute qu'il agit sans leur accord. Je pense que c'est aussi ce que M. Flett voulait exprimer en disant à M. Harper de sortir sa plume d'aigle.
[Traduction]
Le président: Souhaitez-vous répondre à cela?
Le chef Flett: Tout d'abord, Elijah a fait certaines remarques concernant l'ACM, mais la position exprimée ici est celle du Swampy Cree Tribal Council.
Il a mentionné également son neveu et sa compassion pour lui. Je comprends très bien cela, car j'ai moi-même 80 membres de Premières nations qui ne sont pas reconnus par le gouvernement canadien comme Indiens. Nous pouvons certainement comprendre ce sentiment.
L'une des choses que j'aimerais dire au sujet de la consultation, c'est que lorsque vous nous envoyez quelques lettres, si c'est ce que le gouvernement canadien pense être une consultation des Autochtones, je dis que cela ne suffit pas et que cela ne doit pas être considéré comme une consultation.
Notre conception de la consultation, c'est d'aller dans les collectivités et de demander l'avis de tous sur ce que l'on veut changer ou faire. Le statut juridique de notre nation, et le fait d'être classé non-Autochtone... Je ne pense pas avoir jamais entendu parler d'une autre société qui cherche à changer quelqu'un qui est d'origine africaine, suédoise, allemande, anglaise ou portugaise. On ne détermine jamais qui sont ces gens lorsqu'ils immigrent dans ce pays. On les classe comme Canadiens.
Je voulais simplement clarifier cela car je ne voudrais pas que l'on se méprenne sur notre position concernant notre statut et l'importance de notre statut. Lorsque nous disons que dans 20 ans, si le gouvernement réussit à maintenir le système actuel... je ne pense pas que nous puissions l'accepter et je ne pense pas que les gens, et surtout pas les Autochtones, vont laisser faire.
Je pense que si le gouvernement canadien pouvait voir notre position et notre conception des choses, il comprendrait. Nous n'avons jamais classé personne comme moitié-moitié. Lorsque les Européens sont arrivés ici, c'est là qu'a commencé la classification par moitié-moitié et que l'on a dit à des gens qu'ils ne sont plus Indiens.
Pour nous, le maintien de notre statut est une chose très importante. Je ne pense pas que notre statut doive dépendre de ce que le gouvernement du Canada ait à dépenser de l'argent pour honorer ses obligations.
De même, si le Canada veut modifier la Loi sur les Indiens, il devrait qualifier les bandes indiennes de gouvernement des Premières nations, ayant la faculté d'établir leurs propres ministères gouvernementaux. Voilà ce qu'il faudrait viser.
Et je suis sûr qu'Elijah ferait un bon ministre, moi aussi.
Le président: Nous sommes d'accord là-dessus.
Y a-t-il d'autres questions de la part des membres?
Merci beaucoup pour les deux exposés. Nous apprécions réellement le temps que nous avons passé ensemble.
Je pense que ce sont nos derniers témoins, et nous allons donc souhaiter bonsoir à nos amis de Winnipeg, au Manitoba. Merci beaucoup.
Le chef Flett: Bonsoir.
Le grand chef Turner: Bonsoir.
Le président: La séance est levée jusqu'à 9 heures demain.