Passer au contenu
TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 18 avril 1996

.1009

[Traduction]

Le vice-président (M. Valeri): La séance est ouverte.

Nous allons traiter ce matin des crédits 1, 5, L10, L15, 20, 25, 30, 35, 40, 45, 50, 55, 60, 65, 70, 75, 80, 85, 90, 95, 100, 105, 110, 115, 120, 125, et 130 du budget principal, qui ont été renvoyés devant le Comité permanent de l'industrie.

J'ouvre le débat sur le crédit 60, concernant la Commission du droit d'auteur. Nos témoins à ce sujet sont Michel Hétu et Ivy Lai.

.1010

Comme nous avons ce matin trois séries de témoins, j'ai pensé que nous pourrions répartir la séance en trois périodes de 30 minutes, comprenant chacune cinq minutes pour les exposés des témoins, puis 25 minutes pour les questions.

Je remercie les témoins que nous accueillons ce matin. Je leur donne la parole.

[Français]

M. Michel Hétu (vice-président et premier dirigeant, Commission du droit d'auteur):Je n'ai pas de déclaration liminaire à présenter sur le budget des dépenses. Cependant, je suis à la disposition des membres du comité pour répondre à leurs questions.

À mes côtés, il y a Mme Ivy Lai qui est adjointe administrative de la Commission.

J'ai apporté deux documents que je voudrais simplement mentionner. J'en ai des exemplaires additionnels, si cela vous intéresse. Ce sont le dernier rapport annuel de la Commission ainsi qu'un exemple des tarifs que nous approuvons à la Commission du droit d'auteur.

Ce sont les tarifs pour la musique généralement utilisée comme musique de fond dans les stations de radio, dans les stations de télévision, dans les salles de concert et dans divers lieux publics.

Pour la première fois cette année, dans la proposition tarifaire de la société qui gère ces droits, nous avons un projet de tarif sur l'utilisation de la musique sur l'Internet.

L'ensemble de ces tarifs produit environ 66 millions de dollars par année, qu'on verse par la suite aux auteurs, compositeurs et éditeurs de musique au Canada et à l'étranger.

La Commission fixe également d'autres tarifs, notamment pour la retransmission de signaux de télévision. Son activité, au fond, consiste à approuver au total environ 120 millions de dollars par année.

C'est à cela que sert la Commission du droit d'auteur et c'est à cela que sert également le budget que vous lui accordez annuellement.

Il me fera plaisir de répondre aux questions des membres du comité. Merci.

[Traduction]

Le vice-président (M. Valeri): M. Leblanc.

[Français]

M. Leblanc (Longueuil): Je ne sais pas comment vous évaluez les rendements par rapport aux investissements. La Commission réussit-elle à rentabiliser d'une certaine façon ses dépenses?

M. Hétu: La Commission du droit d'auteur n'a pas de programme de recouvrement de coûts, si c'est à cela que vous faites allusion. Le budget qui est alloué et voté par le Parlement vise à couvrir nos frais d'activités, de salaires et de fonctionnement.

Il n'y a pas de mécanisme de recouvrement des coûts. La loi qui nous régit ne prévoit pas un tel mécanisme. Par contre, la Loi sur le ministère de l'Industrie prévoit, depuis l'année dernière, un mécanisme qui permettrait de mettre en marche un tel système de recouvrement, mais cela relève forcément du ministère concerné. À ce jour, je ne sache pas que des propositions aient été faites dans ce sens.

M. Leblanc: Vous dites que vous avez quand même des tarifs. Vous percevez aussi des...

M. Hétu: Non, la Commission ne perçoit pas elle-même. Elle fixe des droits qui sont inscrits dans ses tarifs, et c'est la société qui gère ces droit-là, la société qui représente les auteurs-compositeurs de musique, qui perçoit ces droits des usagers.

J'ai mentionné les stations de radio, les stations de télévision, les salles de concert, les bars, les discothèques, enfin tous les lieux publics où la musique est exécutée par des artistes-interprètes et autres. C'est à cela que les tarifs servent. Donc, nous ne voyons jamais la couleur d'un cent de ces tarifs.

M. Leblanc: Avez-vous déjà discuté du fait que la Commission du droit d'auteur pourrait s'autofinancer en gardant une partie des droits d'auteur?

M. Hétu: On n'en a pas discuté officiellement. On sait que cela pourrait éventuellement se faire. La chose n'est pas simple parce que ce sont des sociétés qui ne comparaissent pas devant la Commission de façon régulière. Il faudrait développer des mécanismes qui soient équitables pour tout le monde.

.1015

Il y a d'abord une question de principe. Est-il équitable d'exiger des paiements pour rembourser les frais d'un tribunal qui est mis sur pied dans l'intérêt public pour fixer des tarifs qu'autrement les sociétés pourraient elles-mêmes fixer dans le marché?

Si la Commission existe, c'est que ces sociétés représentent des monopoles et que, par conséquent, on a décidé, dans l'intérêt public, de les soumettre à un organisme de réglementation. Faudrait-il en outre leur demander de payer pour ce contrôle étatique? C'est une belle question de principe.

[Traduction]

Le vice-président (M. Valeri): M. Ianno.

M. Ianno (Trinity - Spadina): Je vais reprendre la balle de M. Leblanc.

Pourrait-on dire que ce que l'on demande à la Commission du droit d'auteur repose sur le même principe que ce qui est prévu pour la SADC, laquelle est financée par les banques, dans l'intérêt public?

M. Hétu: Je ne m'oppose pas personnellement à l'idée que...

M. Ianno: C'est juste une question.

M. Hétu: C'est une question de principe fondamentale. Doit-on considérer qu'un tribunal destiné à surveiller la collusion en matière de prix devrait être financé par les sociétés assujetties à cette surveillance?

M. Ianno: C'est bien ce qui se fait avec les banques. Si ça ne marche pas...

M. Hétu: Évidemment, ce serait envisageable.

M. Ianno: Autrement dit, en ce qui concerne l'application de la Loi sur le droit d'auteur, on pourrait envisager que ce soit ceux qui ont le plus recours aux services de la Commission, pour leur protection, qui pourraient défrayer ses activités...

M. Hétu: En totalité ou en partie.

M. Ianno: Comment cela pourrait-il s'appliquer?

M. Hétu: Tout d'abord, il faudrait que le ministre de l'Industrie fasse une proposition en ce sens, puisque cela relèverait de ses compétences. Comme vous le savez, diverses lois portant création des nouveaux ministères ont été adoptées l'an dernier et l'on y trouve ce genre de pouvoir. C'est une disposition générale qui permet aux ministres de proposer des mécanismes de cette nature pour les divers organismes relevant de leur tutelle.

M. Ianno: Cela dit, puisque vous travaillez dans ce secteur, avez-vous déjà réfléchi à un mécanisme de ce genre, raisonnable et réaliste, que le Ministre pourrait examiner?

M. Hétu: Non.

M. Ianno: Seriez-vous prêt à le faire?

M. Hétu: Certainement.

M. Ianno: Qui devrait vous en faire la demande?

M. Hétu: Je suppose qu'elle devrait émaner des ministères responsables de l'application de la Loi sur le droit d'auteur, c'est à dire d'Industrie Canada mais aussi de Patrimoine Canada, puisque ces deux ministères sont chargés de réviser la législation. Les résultats de la deuxième phase de la révision, qui risque de conférer plus de pouvoirs à la Commission en matière de questions telles que la collusion de prix, seront bientôt déposés devant la Chambre.

C'est probablement dans le contexte de cette révision qu'il faudrait envisager une question de ce genre, c'est-à-dire se demander si les frais de fonctionnement d'une commission comme la nôtre devraient être assumés par les usagers. Évidemment, la question qui vient immédiatement à l'esprit est la suivante: qui sont les usagers? S'agit-il simplement des sociétés qui assurent l'administration des droits d'auteur ou aussi des usagers ultimes que sont les radiodiffuseurs, les sociétés de câblodistribution, les propriétaires de bars, etc., qui peuvent avoir recours à la Commission? Eux aussi font parfois appel à elle.

Vous le voyez, il y a des questions de fond à régler pour savoir qui devrait assumer la facture.

M. Ianno: Quelles sont les dépenses de fonctionnement globales de la Commission? 840 000$?

M. Hétu: C'est cela.

M. Ianno: Considérant tous les usagers et participants, croyez-vous que chaque partie prenante aurait une somme élevée à payer si ce mécanisme était adopté?

.1020

M. Hétu: Certainement pas mais, si l'on veut instaurer un tel régime, il faudrait à mon avis le faire de manière équitable pour tout le monde. Ce pourrait être compliqué...

M. Ianno: Pourquoi?

M. Hétu: ... parce qu'il y a beaucoup de catégories d'usagers différents. Si ceux-ci...

M. Ianno: Mais votre rôle n'est-il pas déjà de protéger leurs intérêts?

M. Hétu: Les usagers ont le droit de comparaître devant la Commission. Ils peuvent demander la révision d'un tarif qui est proposé. Par exemple, l'exploitant d'un bar peut à lui tout seul contester une proposition de tarif. S'il gagne, le tarif sera réduit pour lui-même et pour tous les autres usagers du pays.

M. Ianno: N'est-ce pas déjà comme cela que les choses se font? C'est cela ma question.

M. Hétu: Si, c'est ce que nous faisons.

M. Ianno: Est-ce que cela changerait si la Commission était financée par toutes les parties prenantes?

M. Hétu: Non. Rien ne changerait pour nous, sauf en ce qui concerne les aspects administratifs de ce régime, puisque nous serions obligés de recouvrer cette somme...

M. Ianno: Vous parlez simplement du processus administratif de recouvrement des coûts?

M. Hétu: Oui.

M. Ianno: C'est la seule chose qui changerait.

M. Hétu: Oui.

M. Ianno: Il n'y aurait donc là rien de particulièrement compliqué.

M. Hétu: Je ne pense pas.

M. Ianno: Bien.

Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Valeri): Dans le même ordre d'idées, y a-t-il d'autres pays qui...

M. Hétu: Pour les commissions de droits d'auteur?

Le vice-président (M. Valeri): Oui.

M. Hétu: Non, pas à ma connaissance. Évidemment, c'est un mécanisme qui existe au Canada dans d'autres domaines, par exemple avec le CRTC.

Le vice-président (M. Valeri): Très bien.

M. Ianno: La question que doit donc se poser le comité, monsieur le président, est de savoir s'il conviendrait de demander au Ministre d'inviter les fonctionnaires ou la Commission à préparer un projet de cette nature, en veillant à être équitable envers toutes les parties prenantes.

Le vice-président (M. Valeri): Ce serait possible.

M. Ianno: Très bien. Nous pourrons en parler au Ministre puisque nous l'accueillons dans trois ou quatre jours.

Le vice-président (M. Valeri): Oui.

M. Ianno: Merci.

Le vice-président (M. Valeri): Monsieur Solomon est avec nous ce matin, à titre de membre associé du Comité de l'industrie.

Vous pouvez parfaitement poser des questions si vous le voulez, monsieur Solomon.

M. Solomon (Regina - Lumsden): Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Valeri): M. Leblanc.

[Français]

M. Leblanc: Je reviens à la même question. Votre service ne m'est pas très familier. On sait que le gouvernement sera de plus en plus obligé d'imposer des frais pour les services qu'il offre parce que l'an prochain, on prévoit que 26 milliards de dollars de moins seront affectés aux services à la population. C'est pour cela que j'ai l'impression que les gouvernements futurs seront obligés d'imposer des frais pour les services qu'ils vont offrir à la population. Il devrait donc y avoir un rapprochement entre les producteurs, les créateurs, les distributeurs et les règlements. Il me semble que si les gens payaient pour ces services, il y aurait peut-être de meilleures relations entre ceux qui font les règlements et ceux qui utilisent les services.

M. Hétu: Comme il en coûterait quelque chose de se présenter devant la Commission, peut-être qu'au fond, on s'entendrait à l'extérieur de la Commission et que ce genre de mécanisme pourrait être facilité là où il y aurait des règlements à l'amiable plutôt que des contestations devant un tribunal comme le nôtre. On pourrait penser à cela.

Par contre, comme ces tarifs n'affectent pas toujours des entreprises bien organisées et représentées par des associations, et qu'il y a de petits usagers, il faudrait que ce mode de recouvrement des coûts soit fort bien structuré pour ne pas pénaliser les gens qui, eux, doivent quand même avoir recours à ce tribunal.

M. Leblanc: Y aurait-il alors de meilleures relations entre les producteurs et les distributeurs?

M. Hétu: Je ne le crois pas.

M. Leblanc: Vous ne le croyez pas?

M. Hétu: Non, parce que ce serait perçu comme étant simplement un mode de remboursement du gouvernement.

.1025

Il n'y a pas de relation entre ce que cela nous coûte, en termes d'administration, et les sommes d'argent que ces sociétés-là sont en mesure de percevoir des usagers, soit environ 120 millions de dollars par année.

M. Leblanc: Mais c'est vous qui établissez les règles du jeu.

M. Hétu: Oui.

M. Leblanc: Pour établir les règles du jeu, il faut bien comprendre et bien connaître le secteur d'activités dans lequel on travaille. Comment travaillez-vous? Quelles sont vos relations avec...?

M. Hétu: Le tribunal fonctionne au moyen d'audiences. Les tarifs sont publiés dans la Gazette du Canada, et les usagers qui s'y opposent déposent auprès du tribunal une objection formelle. Il s'ensuit des procédures de constitution d'un dossier, que les parties apportent à la Commission et ensuite des audiences publiques ont lieu au cours desquelles des témoins de chacune des parties font valoir leurs points de vue respectifs. Ensuite la décision est rendue et les tarifs sont approuvés, avec ou sans modification. Par la suite, ces sociétés-là perçoivent et reviennent l'année suivante avec d'autres propositions ou les mêmes, qui sont encore une fois ouvertes au débat et à la contestation.

[Traduction]

Le vice-président (M. Valeri): M. Solomon.

M. Solomon: Merci, monsieur le président.

Combien d'argent dépense votre organisation? Je sais qu'il y a une somme de 943 000$ dans les prévisions budgétaires. Combien avez-vous cependant vraiment dépensé pendant le dernier exercice financier? Je parle de 1995-1996.

M. Hétu: Sur les 943 000$ qui avaient été approuvés pour 1995-1996, nous n'en avons dépensé que 860 000. Il nous est donc resté un excédent de 82 000$ ou 83 000$.

M. Solomon: Donc, 840 000$ serait une somme tout à fait réaliste pour le prochain exercice?

M. Hétu: Oui.

M. Solomon: Mon autre question concerne des lettres que j'ai reçues de radiodiffuseurs de ma circonscription, en Saskatchewan, qui craignent une hausse des tarifs pour la diffusion de musique. Pourriez-vous faire le point sur cette question?

M. Hétu: Vous faites probablement allusion au fait qu'il y aura probablement dans la deuxième phase de la révision de la Loi sur le droit d'auteur, dont les ministres devraient déposer bientôt les résultats devant la Chambre, selon nos informations, une proposition concernant ce que l'on appelle généralement des «droits de voisinage». Les radiodiffuseurs se sont vivement élevés contre cette proposition et je suis certain que vous en entendrez parler à nouveau lorsque le projet de loi sera déposé.

Pour ce qui est de la Commission, je dois vous dire qu'elle n'a pas grand-chose à dire à ce sujet. Si ces droits entrent en vigueur avec la prochaine Loi, la Commission sera probablement chargée d'établir un tarif, comme elle le fait actuellement pour l'utilisation de la musique, ce qui n'est pas la même chose que l'utilisation de la musique enregistrée, à quoi vos correspondants faisaient probablement allusion.

Pour le moment, il serait prématuré que je dise quoi que ce soit au sujet des conséquences que pourrait avoir un tel changement, mais des chiffres ont été mentionnés.

M. Solomon: C'est peut-être prématuré mais pourriez-vous nous donner une estimation générale de ce que cela pourrait coûter aux radiodiffuseurs?

M. Hétu: Non, je ne peux rien dire à ce sujet.

M. Solomon: Y aura-t-il une hausse de coûts?

M. Hétu: Nous ne savons pas si le régime envisagé serait universel ou s'il comprendrait un principe de réciprocité avec les autres pays. Nous ne savons pas s'il s'appliquerait à toutes les stations de radio ou seulement à certaines. Nous ne savons pas si le gouvernement donnerait à la Commission des directives sur la manière dont le régime devrait être mis en oeuvre. Il serait donc tout à fait inopportun pour moi de spéculer là-dessus.

.1030

M. Solomon: Il est donc possible que les stations de radio de la Saskatchewan qui sont relativement petites, comme celles de Rosetown et de Yorkton, se voient appliquer une réglementation différente de celle concernant les stations des grandes villes?

M. Hétu: C'est possible. Cela se fait dans d'autres domaines. Par exemple, on applique des tarifs préférentiels aux petits câblodistributeurs pour les services de retransmission.

Le vice-président (M. Valeri): Comme il n'y a pas d'autres questions, nous allons remercier les témoins.

Vous avez dit tout à l'heure que vous pourriez répondre à d'autres questions en privé. Si des membres du comité veulent en profiter, ils peuvent vous suivre.

Comme nous avons le quorum, j'aimerais soumettre au comité une motion concernant son calendrier de travail.

Monsieur Lastewka propose que le comité adopte le calendrier qui suit.

Puis-je me dispenser de le lire?

Des voix: D'accord.

Le vice-président (M. Valeri): Je voudrais apporter une précision au sujet du point 2 touchant les évaluations trimestrielles concernant le financement aux petites entreprises. Comme vous le voyez, ces séances n'ont pas encore été confirmées. Nous n'avons pas encore de dates précises.

M. Solomon: Puis-je faire une remarque au sujet de la liste des témoins? Lors d'une séance antérieure, je m'étais présenté devant votre comité pour demander que le comité directeur se penche sur deux demandes. Je constate que l'on n'en parle pas dans votre calendrier.

L'une était que le comité se penche sur le fait que la société Hollinger pratique peut-être des prix abusifs en Saskatchewan. Des informations préliminaires à ce sujet ont été communiquées par la presse, et par M. Walker et M. Bodnar. Je croyais que cette question pourrait être soumise au Bureau de la concurrence, mais je constate qu'il ne fait pas partie de votre liste de témoins.

En outre, je lisais aujourd'hui dans le Globe and Mail que le Bureau de la concurrence a mené une enquête approfondie sur cette question et qu'il ne voit aucun problème à ce qu'une même société possède tous les quotidiens de la Saskatchewan.

J'aimerais donc demander à votre comité s'il pourrait inviter le Bureau de la concurrence à comparaître pour traiter de cette question.

J'avais demandé par ailleurs que le comité se penche sur le prix de l'essence. Je vous rappelle que les sociétés pétrolières n'ont donné aucun argument sérieux pour justifier leurs dernières hausses de prix. Certes, le prix du pétrole a augmenté de 4$ à 5$ le baril ces dernières semaines, mais nous savons bien que le prix quotidien moyen a régulièrement baissé au cours des six dernières années.Or, nous avons constaté ces dernières semaines une hausse de 3c. à 4c. le litre d'essence, d'un bout à l'autre du pays. Et ce, à une époque où les profits des sociétés pétrolières s'inscrivent déjà à la hausse. Rien ne justifie que l'on augmente les prix de détail.

Je sais que votre comité est saisi de prévisions budgétaires concernant la Commission du droit d'auteur et la réglementation des communications, mais vous savez bien que l'énergie est un élément très important du budget de chaque citoyen. C'est important pour l'industrie, pour les petites entreprises et pour les personnes qui se déplacent en autobus ou en automobile, dans n'importe quelle circonstance. Pourtant, je ne perçois aucun souci de votre comité ni du gouvernement du Canada à ce sujet. À mon avis, on aurait dû fournir des explications, au gouvernement et aux contribuables, sur le fait que l'on a augmenté le prix de l'essence, et ce, de manière monopolistique. Tout le monde le sait.

.1035

Finalement, toujours sur cette question, nous savons bien que le prix de l'essence augmente chaque fois que le cours du pétrole s'inscrit à la hausse, mais les sociétés pétrolières ne nous disent jamais que chaque baril de pétrole sert à fabriquer 10 000 produits différents. Ce n'est donc pas seulement une question d'essence. Les objets en plastique, les ustensiles de cuisine, et quasiment la moitié de ce qui se trouve dans cette salle est dérivé du pétrole. Pourtant, on ne voit pas augmenter les prix de ces choses-là du jour au lendemain.

Je voudrais donc inviter le comité directeur à se pencher sur ces deux questions, monsieur le président. J'aimerais avoir la possibilité de poser des questions au moins au Bureau de la concurrence et, en ce qui concerne le prix de l'essence, j'aimerais pouvoir interroger quelques représentants de l'industrie pétrolière ainsi que, peut-être, des citoyens et des gens d'affaires.

Le vice-président (M. Valeri): Je vous remercie de votre intervention.

Monsieur Bodnar.

M. Bodnar (Saskatoon - Dundurn): Merci, monsieur le président.

Tout d'abord, la motion dont vous êtes saisi porte uniquement sur le budget principal. Les questions dont parle M. Solomon ne sont pas prises à la légère, mais je tiens à souligner - et je suis sûr que M. Solomon le sait déjà - que le Bureau de la concurrence a approuvé hier la vente de plusieurs journaux à Hollinger, en Saskatchewan.

Deuxièmement, je tiens à donner à M. Solomon l'assurance que tous les membres du comité partagent ses préoccupations au sujet du prix de l'essence. Il ne faut pas dire que le gouvernement ne s'intéresse pas à la chose, mais plutôt que c'est une question qui intéresse plus d'un gouvernement. Ainsi, elle intéresse certainement le gouvernement de la Saskatchewan, qui perd de l'argent dans l'industrie pétrolière - surtout dans le secteur des sables bitumineux.

L'heure n'est pas aux discours politiques ni à la rhétorique. Il faut être concret. Pour le moment, nous sommes saisis des prévisions budgétaires; ensuite, nous traiterons d'autres questions. Croyez-moi, je ne tiens certainement pas non plus à ce que le gouvernement de la Saskatchewan continue de perdre de l'argent avec son industrie pétrolière.

Le vice-président (M. Valeri): Merci, M. Bodnar.

La motion concerne le budget principal. Toutefois, M. Solomon, je prends note de votre intervention et le comité directeur en sera saisi lors de sa prochaine réunion.

J'aimerais en rester là sur ce sujet.

M. Solomon: Je n'ai pas fait de discours politique, et ma question n'est certainement pas théorique. Je voudrais simplement savoir quelle assurance vous pouvez me donner qu'une décision sera prise, dans une semaine, dans un mois ou dans un an. Je voudrais avoir une idée.

Le vice-président (M. Valeri): Je vous remercie de votre intervention, M. Solomon. Je vous ai dit que le comité directeur se pencherait sur la question et je vous communiquerai sa décision.Merci beaucoup.

La motion est adoptée [Voir Procès-verbaux]

Le vice-président (M. Valeri): Merci.

Êtes-vous maintenant d'accord pour que nous abordions le crédit 120, concernant Statistique Canada.

Des voix: D'accord.

Le vice-président (M. Valeri): Merci.

Les témoins peuvent-ils s'avancer à la table?

Monsieur Fellegi, pouvez-vous nous présenter les personnes qui vous accompagnent?

M. Ivan P. Fellegi (statisticien en chef du Canada): Merci, monsieur le président.

Je suis accompagné de Richard Barnabé, responsable des questions de finances et d'administration, de Jacob Ryten, responsable des statistiques économiques, et de Bruce Petrie, responsable des statistiques sociales.

Le vice-président (M. Valeri): Les membres du comité ont-ils tous reçu le mémoire?

Mme Brown (Oakville - Milton): Non.

.1040

Le vice-président (M. Valeri): M. Fellegi, vous avez la parole.

M. Fellegi: Merci. Je suis très heureux de l'occasion qui m'est donnée de m'adresser à vous aujourd'hui et de répondre à vos questions. J'aimerais mettre l'accent sur les défis que doit relever Statistique Canada et sur ce que nous entendons faire pour y parvenir dans les années à venir.

Le recensement et les statistiques font partie des responsabilités constitutionnelles du gouvernement fédéral, et Statistique Canada est au centre d'un système statistique intégré, efficace et centralisé. Il doit, par conséquent, répondre aux besoins de tous les secteurs de la société canadienne.

En cette période de restrictions budgétaires, l'importance stratégique des données statistiques prend de plus en plus d'ampleur. Qu'elles servent à l'élaboration de la politique gouvernementale, à la conception de programmes rentables ou encore de base pour les décisions que prennent les Canadiens individuellement, nos données doivent être essentiellement pertinentes et permettre de jeter la lumière sur les domaines qu'elles touchent. Parallèlement, les clients demandent des services de grande qualité et à peu de frais, et les contribuables veulent obtenir la preuve qu'ils obtiennent le maximum en contrepartie de l'argent dépensé.

Quant à nous, nous devons aussi continuer de fournir une garantie à toute épreuve de la confidentialité des données à tous nos fournisseurs. Notre plus grand défi, cette année, est le recensement de la population et de l'agriculture, travail gigantesque s'il en est. Le recensement, qui se déroulera le mardi 14 mai, permettra de dénombrer quelques 30 millions de personnes, dans plus de 11 millions de ménages, et environ 280 000 exploitations agricoles. Les recensements revêtent une importance vitale étant donné qu'ils sont la seule source de données sur la population, les logements et les exploitations agricoles des petites régions du Canada, en plus de servir de repère et de cadre pour les enquêtes socio-économiques qui se déroulent pendant les cinq années de leur tenue.

Nous devons constamment jongler avec des ressources de plus en plus rares. Cela ne ressort toutefois pas au premier coup d'oeil de notre budget principal. Le budget de cette année affiche une augmentation de nos dépenses autorisées pour 1996-1997, principalement en raison des coûts liés au recensement. Une fois exclus ces coûts, les crédits affectés à des enquêtes sur des sujets spéciaux, qui ne figuraient pas auparavant dans notre programme de base, et les activités à frais recouvrables, notre budget a subi une diminution de 13 p. 100 de 1991-1992 à 1995-1996.

D'après ce que nous savons maintenant, il devrait diminuer encore de 7 p. 100 d'ici à l'an 2000. Il s'agit de sommes nominales, la diminution étant encore plus importante si l'on tient compte de l'inflation.

Dans ce contexte, notre préoccupation principale est non seulement de réduire la perte de données, mais aussi de produire les nouvelles données nécessaires pour comprendre les grandes questions sociales, économiques et environnementales du Canada.

[Français]

Les fondements de notre programme ont été établis dans les années 1960 et visaient principalement à fournir des indicateurs macro-économiques et sociodémographiques, ainsi que des données sur les dépenses sociales. Si l'on tient compte de l'examen exhaustif des politiques en matière économique et sociale au Canada qui est actuellement en cours, ces programmes sont aussi pertinents maintenant qu'ils l'étaient par le passé.

Toutefois, de nouveaux thèmes émergent. On doit disposer de données sur les effets de la mondialisation des marchés, le fonctionnement de l'union économique du Canada, les facteurs touchant la compétitivité de notre pays sur les marchés mondiaux, les répercussions des sciences et de la technologie, les résultats des dépenses consacrées à la santé et à l'éducation et les effets des programmes sociaux. Les coûts de production de ces données sont minimes comparativement à ceux des programmes et des questions politiques complexes qu'elles servent à éclairer. L'absence de telles données pourrait entraîner des coûts immenses.

[Traduction]

Nos plans reposent sur trois stratégies principales. Tout d'abord, nous devons tirer le meilleur parti possible des données existantes, que celles-ci soient recueillies par nous ou par d'autres entités à des fins administratives.

Deuxièmement, nous devons exploiter au maximum les ressources dont nous disposons. Cela signifie non seulement que nous devons obtenir le maximum de chaque dollar dépensé, grâce à l'amélioration de l'efficacité de nos activités, mais aussi que nous devons nous assurer de pouvoir compter sur des employés très qualifiés et motivés.

Notre troisième stratégie consiste à combler les lacunes en obtenant de nouvelles ressources, grâce à des partenariats avec l'extérieur, et au recouvrement des coûts.

À cet égard, nous devons préserver une infrastructure professionnelle et technique efficace. Pour illustrer ces stratégies, j'aimerais vous faire part de certaines des initiatives qui sont actuellement en cours ou qui sont prévues pour l'année qui vient.

.1045

En premier lieu, nous devons tirer le meilleur parti possible des données existantes. De bonnes données stratégiques dépassent les simples chiffres. Notre engagement à procéder à une analyse davantage axée sur des questions précises ressort de la parution des périodiques analytiques, comme Tendances sociales canadiennes, l'Observateur économique canadien, et L'emploi et le revenu en perspectives, ainsi que des recueils de données comme L'activité humaine et l'environnement.

Nous sommes particulièrement fiers des résultats que nous avons atteints avec Le Quotidien, véhicule de diffusion de toutes nos données. Cette publication est maintenant utilisée pour faire connaître les conclusions les plus importantes tirées des données, les mettre en contexte et démontrer leur pertinence, dans une langue d'abord facile par tous les journalistes. Cela a eu pour résultat une meilleure couverture médiatique et signifie que nous fournissons des données plus pertinentes aux Canadiens.

Nous mettons en outre davantage l'accent sur l'harmonisation et l'intégration des données, ainsi que sur l'élaboration de meilleurs outils de gestion de l'information, afin d'aider nos clients à localiser plus facilement les renseignements dont ils ont besoin. Par ailleurs, nous accordons une importance particulière à l'accès électronique à nos données.

Pendant de nombreuses années, nous avons utilisé les déclarations d'impôt, les dossiers de l'assurance-chômage et ceux des douanes pour réduire nos coûts et le fardeau pour les répondants. Nous envisageons maintenant le recours aux données de la TPS et aux dossiers d'enregistrement des entreprises en vue d'éviter davantage encore le double emploi dans les activités de collecte de données du gouvernement.

Outre que nous utilisons davantage les données gouvernementales, nous faisons de plus en plus d'efforts pour obtenir les données commerciales de nos clients sur support électronique, processus à la fois rentable et qui réduit le fardeau pour les répondants. Grâce à ces mesures, ce dernier représente maintenant, pour les enquêtes ordinaires auprès des entreprises, le tiers de ce qu'il était en 1978.

Notre deuxième stratégie correspond aux efforts continus que nous déployons pour réduire les répercussions des restrictions budgétaires sur nos programmes statistiques, grâce à l'accroissement de la productivité. Nous avons fait des progrès énormes dans ce domaine au cours de la dernière décennie, en restructurant nos enquêtes majeures, en tirant parti de la nouvelle technologie et en rationalisant notre infrastructure. Ces économies nous ont permis de compenser plus de la moitié des réductions passées de nos programmes. D'autres économies sont prévues. La majeure partie de notre succès dans ce domaine est le résultat de la grande priorité que nous accordons à nos ressources humaines. Nous sommes profondément convaincus qu'il faut compter sur des employés bien formés, très qualifiés, bien informés et motivés, et nous avons fait les investissements nécessaires à cet effet.

[Français]

En dépit de nos efforts dans ce domaine, les effets cumulatifs des restrictions du budget de base rendent inévitable la perte de certaines statistiques importantes. Lorsque vient le moment de choisir les programmes statistiques à renforcer, à élargir ou à réduire, nous devons prendre en compte de nombreux facteurs qui sont souvent en concurrence.

Cet exercice repose sur une gamme variée de mécanismes consultatifs et de considérations. Les données sont-elles nécessaires aux termes de la loi? Quel est le coût de production des données comparativement au coût des politiques et programmes qui en dépendent? Les données font-elles partie d'un partenariat fédéral-provincial ou d'un effort à coûts partagés? Servent-elles de base à la collecte d'autres données et les coûts de leur diffusion au public peuvent-ils être récupérés?

[Traduction]

Cela m'amène à notre troisième stratégie, à savoir l'élargissement des ressources consacrées à la collecte de données nationales grâce à l'établissement de partenariats avec certains de nos clients principaux, et au recouvrement des coûts de diffusion des produits et services. Nos partenariats prennent deux formes. Par exemple, dans certains domaines, et plus particulièrement les transports et l'agriculture, les exigences de base concernant les données peuvent être comblées à même notre propre budget, mais nos deux ministères clients principaux ont des besoins additionnels qui sont compensés par les crédits qu'ils nous accordent.

Dans d'autres domaines, des clients utilisent l'infrastructure en place mais remboursent la totalité des coûts liés à la production des données dont ils ont besoin. Nous avons fait des efforts particuliers pour établir des partenariats avec le secteur de l'éducation, en vue de trouver des façons rentables de mettre les données à la disposition des écoles et des universités.

[Français]

Je tiens à souligner que nous exerçons la même rigueur pour les enquêtes qui sont financées à même nos budgets et celles qui le sont à partir des budgets des clients en vue de maintenir la confiance du public. Nous évitons les sujets dont nous croyons qu'ils sont impossibles à mesurer objectivement; nous assurons des contrôles statistiques stricts; nous procédons à une mise à l'essai soigneuse de toutes nos enquêtes; et nous nous réservons le droit de publier les résultats, peu importe qui paie pour les données.

Il subsiste toutefois des risques minimes dont nous devons être conscients. Si nous sommes de moins en moins capables, à partir de notre propre budget, de recueillir les données de base essentielles, la disponibilité de données économiques et sociales importantes pourrait dépendre de plus en plus des décisions d'autres intervenants en matière de financement.

.1050

Les produits et les services que nous fournissons aux clients qui désirent des volumes importants de données ou des ensembles personnalisés constituent une autre source importante de recettes. La diffusion d'information au public constitue notre obligation de base, dont nous nous acquittons par l'entremise des médias, des bibliothèques de dépôt et de notre service de renseignements gratuit. Les clients qui ont des besoins additionnels plus précis doivent toutefois débourser les sommes nécessaires pour y répondre. Le marketing continuera de constituer une priorité importante, étant donné que la mise en marché des produits nous permet d'améliorer ces derniers.

[Traduction]

En conclusion, j'aimerais souligner encore une fois que des données pertinentes et précises font partie des produits de base importants du Canada. Elles contribuent à notre avantage concurrentiel.

Lorsque nous nous acquittons de notre responsabilité de fournir ces données, nous sommes fiers d'être souvent cités comme modèle par les observateurs de la scène statistique internationale et d'avoir obtenu la première place parmi les bureaux statistiques dans deux classements publiés par la revue The Economist. Mais nous savons que nous devons demeurer vigilants et innovateurs si nous voulons maintenir notre réputation et continuer de fournir aux Canadiens les données de qualité dont ils ont besoin et auxquelles ils ont droit. Je crois que les plans que nous avons établis nous aideront à y parvenir.

Je vous remercie. C'est avec plaisir que je répondrai maintenant à vos questions.

Le vice-président (M. Valeri): Merci, monsieur Fellegi.

[Français]

Monsieur Leblanc.

M. Leblanc: Comment vos employés sont-ils répartis par province?

M. Richard Barnabé (directeur général, Direction des finances, de la planification, de la vérification et de l'évaluation, Statistique Canada): Statistique Canada est fortement concentré à Ottawa. La plupart des fonctionnaires du ministère, quelque 4 200 d'entre eux, sont au siège social à Ottawa, mais nous avons quand même des effectifs importants en région.

Dans l'année qui vient, environ 201 personnes travailleront dans les bureaux régionaux de Statistique Canada et à cela s'ajoutent des employés à temps partiel, soit l'équivalent de 613 personnes à temps plein, qui travaillent essentiellement aux enquêtes et qui sont embauchés en vertu de la Loi sur la statistique.

M. Leblanc: Comment sont-ils répartis à travers le Canada?

M. Barnabé: Ils sont répartis, grosso modo, en proportion de la population. Il y a quelques variantes selon la taille des échantillons respectifs dans les provinces, mais cela représente la répartition de la population.

M. Leblanc: Vous avez parlé plus tôt de votre réputation au niveau international et de la crédibilité que vous essayez de garder. Je n'ai pas beaucoup de doutes là-dessus, mais j'aimerais quand même que vous m'expliquiez de quelle façon vous informez les gens ou les entreprises qui ont besoin de statistiques et de quelle façon vous vous y prenez pour vous assurer qu'on ne favorise pas certaines entreprises et secteurs au détriment d'autres.

M. Fellegi: Nous avons un important processus de collecte d'information sur les besoins de nos clients. Nous utilisons divers moyens afin de nous assurer de rester conscients de leurs besoins. Je puis en énumérer quelques-uns. Nous faisons une évaluation très rigoureuse de nos programmes en nous basant sur les interviews avec les utilisateurs. Ce n'est pas une évaluation interne, mais une évaluation externe du point de vue des utilisateurs. D'autre part, nous consultons régulièrement toute une gamme d'associations industrielles, scientifiques et sociales. Nous participons à des travaux internationaux.

Donc, nous pouvons garder en perspective ce qui se passe dans les autres pays et les tendances les plus importantes.

.1055

Également, au sein de Statistique Canada, nous avons un important programme d'analyse afin de demeurer conscients des tendances les plus importantes dans la vie du Canada et des provinces et dans divers secteurs, afin que nous puissions nous renseigner nous-mêmes sur les tendances les plus importantes qui doivent être prioritaires.

M. Leblanc: Je poursuis sur la même question parce que je sais que vous pourriez défavoriser ou favoriser certains secteurs d'activités en ne donnant pas l'information ou en donnant l'information à certains et non à d'autres. Je ne veux pas mettre en doute votre responsabilité et votre honnêteté, mais j'aimerais savoir comment on peut être assuré, quand on vous demande des renseignements sur des statistiques, qu'on obtient les bons renseignements.

M. Fellegi: En effet, les utilisateurs ne peuvent pas en être sûrs. C'est pourquoi Statistique Canada a la grande responsabilité de garder sa réputation. Les utilisateurs doivent se baser sur notre réputation. C'est très rare qu'ils peuvent s'assurer directement que l'information qu'ils reçoivent de Statistique Canada est valable, bonne et non biaisée.

Là aussi, nous avons une gamme de moyens pour nous assurer et pour assurer au public que nous sommes objectifs. Nous avons des comités consultatifs avec le secteur non gouvernemental dans presque tous les domaines où nous travaillons, comme les secteurs économique, social et éducatif.

En plus, dans les domaines où les provinces ont un intérêt constitutionnel et un droit constitutionnel, nous maintenons plus qu'un lien avec elles; nous avec avec elles une relation de travail et nous leur accordons le droit de déterminer les priorités dans ce domaine. Donc, ce sont elles qui déterminent nos priorités dans le budget que nous pouvons consacrer à un secteur.

[Traduction]

Le vice-président (M. Valeri): Merci, monsieur Leblanc.

M. Ianno.

M. Ianno: Merci. J'ai plusieurs questions à poser sur des questions relativement différentes.

Je constate tout d'abord que votre budget doit passer de 288 millions de dollars à 423, et je suppose que c'est parce que nous serons alors dans une année de recensement, n'est-ce-pas?

M. Fellegi: Oui.

M. Ianno: Vous dites que le recensement va coûter entre 170 et 180 millions de dollars.

M. Fellegi: En fait, les dépenses reliées au recensement portent sur plusieurs années, même s'il est vrai que c'est l'année même où le recensement se fait que les dépenses sont le plus élevées.

M. Ianno: Quel serait votre budget moyen pendant les années où il n'y a pas de recensement?

M. Fellegi: Nous fonctionnons par cycle quinquennal et c'est seulement pendant l'année où se tient le recensement que les dépenses sont le plus élevées. Nous n'avons qu'une ou deux années de budget minimum, si vous voulez.

M. Ianno: Donnez-moi simplement les chiffres.

M. Fellegi: Monsieur Petrie.

M. Bruce Petrie (statisticien en chef adjoint, Secteur de la statistique sociale, des institutions et du travail, Statistique Canada): Voulez-vous parler des dépenses du recensement ou du budget du Ministère?

M. Ianno: Du plan quinquennal. De quoi s'agit-il chaque année, et de quoi s'agit-il la cinquième année, lorsque les dépenses sont le plus élevées?

M. Petrie: Vous parlez du recensement?

M. Ianno: Oui.

M. Petrie: Le recensement coûte environ 350 millions de dollars, répartis sur 7 à 8 ans.

M. Ianno: Quelle est donc la moyenne?

M. Petrie: La moyenne est de 50 millions de dollars.

M. Ianno: C'est 50 millions de dollars, et peut-être 45 millions l'année... Par exemple cette année, c'est quoi?

.1100

M. Petrie: Cette année, environ 180 millions de dollars.

M. Ianno: Donc, quand vous parlez de 350 millions de dollars, vous parlez...

M. Fellegi: La moitié concerne cette année.

M. Ianno: C'est donc 170 millions de dollars divisés par, disons, 6, soit environ 25 millions. C'est donc 25 millions par an, puis 180 millions, n'est-ce pas?

M. Fellegi: Pas vraiment. C'est la moyenne...

M. Ianno: Je ne vous demande pas les chiffres au million près. Qu'est-ce qu'un million aujourd'hui?

Que faites-vous pendant les années intermédiaires? Qui choisit les groupes de gens? Pourquoi demandez-vous la contribution des députés? Comment se fait-il que, même avec les personnes qualifiées qui vous sont recommandées, très peu se présentent, après quoi vous devez choisir des gens qui ne savent pas de quoi il s'agit?

Pourriez-vous nous expliquer cela?

M. Petrie: En ce qui concerne ce que font nos employés pendant les années où il n'y a pas de recensement, cela va de la planification de nos besoins futurs jusqu'à la consultation des gens qui ont besoin des données du recensement, afin de savoir exactement ce qu'ils veulent. Aujourd'hui, nous planifions déjà le recensement de 2001.

M. Ianno: Puisque vous parlez de consultations, qui sont les personnes consultées? Donnez-moi un exemple.

M. Petrie: Les gouvernements provinciaux, les ministères fédéraux, le grand public, les associations industrielles, les organisations ethniques et culturelles...

M. Ianno: Quel est le mécanisme de recouvrement appliqué auprès de tous ces gens qui veulent ces informations? Étant donné que le gouvernement fédéral doit fonctionner avec des moyens restreints, comment ces gens contribuent-ils à financer l'obtention des informations?

M. Petrie: Nous avons deux méthodes concernant la vente des produits du recensement et des services, c'est-à-dire des informations résultant du recensement. Nous produisons des publications, des informations électroniques, etc. La vente de ces produits engendre une dizaine de millions de dollars pendant la durée du recensement.

M. Ianno: C'est-à-dire sur sept ans ou seulement sur une année?

M. Petrie: Les 10 millions de dollars sont la somme approximative qu'engendre la vente des produits d'un recensement.

M. Ianno: C'est donc 10 millions de dollars sur une période de sept ans?

M. Petrie: Si vous voulez faire un parallèle avec le coût de 350 millions de dollars, c'est vrai.

M. Ianno: Autrement dit, nous payons environ 25 millions de dollars par an pour aller consulter les gens.

M. Petrie: Non.

M. Ianno: Expliquez-moi. J'essaie de comprendre.

M. Petrie: Il y a toute une série d'activités. L'une d'entre elles consiste à tenir des consultations pour établir les besoins statistiques. Nous avons aussi d'autres activités concernant par exemple l'entretien des fichiers, la création de cartes pour les recenseurs, l'élaboration de systèmes de traitement des données, la saisie et le traitement des données, la mise à l'essai de nouveaux questionnaires pour les futurs recensements...

M. Ianno: Comme Élections Canada s'occupe en bonne partie d'activités correspondantes, y a-t-il un partage quelconque du travail entre vos deux administrations? Avez-vous pensé à cela pour faire des économies?

M. Petrie: Nous collaborons avec Élections Canada dans la mesure du possible, notamment pour la production des cartes ou d'outils géographiques...

M. Ianno: Donc, si les responsables d'Élections Canada venaient témoigner devant notre comité, ils nous diraient qu'ils ne sont pas seuls à travailler dans ce domaine et qu'ils collaborent avec vous pour réduire leurs coûts?

M. Petrie: Oui, je crois que c'est ce qu'ils diraient.

M. Ianno: Dans ce cas, pourquoi ne pas combiner tout cela avec Élections Canada, qui deviendrait l'organisme responsable de toutes ces données statistiques relatives à notre population de 30 millions de personnes?

Je constate qu'Élections Canada assume des dépenses élevées pour ces services administratifs, et j'apprends maintenant que vous assumez vous aussi toutes sortes de dépenses dans le même domaine. Vous dites que vos deux organisations, qui sont distinctes, collaborent dans ces domaines. Si tel est le cas, je me demande si on ne peut pas réunir ces deux administrations en une seule pour économiser l'argent du contribuable.

.1105

M. Petrie: Je ne suis pas sûr que l'on ferait des économies, étant donné que nos activités et nos mandats sont très différents. Certes, nous conjuguons nos efforts là où c'est possible, c'est-à-dire dans la préparation des cartes ou la définition des secteurs, en utilisant des sources d'information géographique communes. En revanche, je ne crois pas que l'on puisse envisager d'autres économies car les autres aspects de nos mandats respectifs sont complètement différents.

M. Ianno: Vous voulez donc dire que les deux organisations ne peuvent pas être fusionnées, même si certaines parties de leurs activités sont semblables.

M. Fellegi: Lorsque nous pouvons partager des renseignements, nous le faisons déjà.

M. Ianno: Mais ce n'est que du partage. Ce qui m'intéresse, c'est moins le partage que la réduction des dépenses. Je constate qu'il y a d'un côté des scrutateurs qui s'occupent de cartes et de recensement électoral, et j'estime que c'est semblable à ce que vous faites à l'époque du recensement, qui nous coûte 180 millions de dollars. Au lieu de mettre sur pied deux organisations distinctes une fois tous les quatre ans, en gros, ou une fois tous les cinq ans, je crois que l'on pourrait se contenter d'une seule organisation, pour économiser de l'argent.

M. Fellegi: Dans les années où il n'y a pas de recensement, nous n'avons pas de personnel local, par exemple de scrutateurs. Ce que je veux dire, c'est que nous faisons un travail différent d'Élections Canada. Nous utilisons des informations que possède Élections Canada, tout comme nous utilisons des informations de la Société des postes ou de Revenu Canada. Nous faisons appel à quiconque peut nous aider à mettre nos informations à jour. Pour nous préparer au prochain recensement, nous devons décider des données que nous voulons obtenir et des secteurs dans lesquels nous irons les chercher, après quoi, nous faisons le recensement.

M. Ianno: C'est précisément ce que je dis. Si vous organisez le recensement comme je crois comprendre que vous le faites... Dans ma circonscription, il y a 14 secteurs. Cela veut dire que Statistique Canada a 14 employés permanents, en plus du personnel temporaire recruté pour le recensement. En outre, nous avons un scrutateur...

M. Petrie: Non, nous n'avons pas...

M. Ianno: Vous avez une seule personne pour s'occuper de toute la circonscription?

M. Petrie: Non, nous n'avons pas une personne par circonscription. La structure mise sur pied pour le recensement est tout à fait temporaire. Elle est destinée...

M. Ianno: C'est la même chose pour Élections Canada. C'est aussi temporaire. Ce que j'essaie de comprendre...

Le vice-président (M. Valeri): Je vais devoir intervenir car nous allons manquer de temps. Je vous remercie de votre intervention.

M. Shepherd.

M. Shepherd (Durham): Je voudrais d'abord poser une question d'ordre général, après quoi j'en poserai une tout à fait particulière, concernant le budget principal.

Nous sommes à l'ère de l'informatique. À mon avis, ce qui est très pertinent pour les Canadiens, c'est de savoir que leur économie, et cela touche essentiellement les PME, s'épanouit surtout dans le secteur des connaissances. Dans quelle mesure les études statistiques que vous effectuez sont-elles répétitives? Autrement dit, continuez-vous toujours à recueillir vos statistiques sur l'emploi comme vous le faites année après année, peut-être depuis des décennies, au lieu de compiler des statistiques sur la fabrication de puces informatiques et d'autres choses de ce genre?

Je vous dis cela en pensant à l'ouvrage de Nuala Beck dans lequel elle affirme que les statistiques de l'administration américaine n'ont plus aucune valeur car elles ne correspondent pas à l'évolution du monde réel. On parle de l'étalon-or et d'autres choses qui existaient il y a 20, 30, ou 50 ans. Les informations que vous publiez sont-elles donc vraiment pertinentes?

M. Fellegi: Dieu merci, ces articles n'ont pas été publiés au Canada, où nous faisons un effort tout à fait délibéré pour tenir compte de cette évolution. Évidemment, si nous changions tout trop souvent - nos concepts et nos méthodes - nous pourrions nous faire accuser de manipuler les données ou de les adapter à des critères politiques ou autres. Cela dit, ce qui intéresse le plus les gens, c'est la mesure du changement. Cette année est-elle foncièrement différente de l'an dernier? L'économie est-elle en meilleur état? Y a-t-il plus ou moins de criminalité? Nous sommes-nous améliorés du point de vue de l'enseignement? Voilà le genre d'analyse que souhaitent les gens.

Pour faire ce genre d'analyse, il est important de conserver les mêmes concepts et les mêmes méthodes car, dès que l'on apporte des changements dans ces deux domaines, on ne peut plus vraiment parler de comparaison exacte d'une année à l'autre. Il y a donc des raisons tout à fait légitimes pour freiner le changement. En revanche, vous avez absolument raison de dire que le Canada connaît actuellement des changements profonds, non seulement sur le plan de la structure industrielle mais aussi sur le plan de la manière dont se font les affaires, et qu'il est important de les mesurer.

.1110

Notre souci est d'assurer un équilibre satisfaisant entre ces deux objectifs contradictoires. Nous devons apporter de temps à autre des changements à nos méthodes, mais nous tenons aussi, ce qui est encore plus important, à bien suivre l'évolution de l'économie et de la société, de façon à pouvoir juger de manière adéquate si nous devons ou non introduire des discontinuités de façon à être plus pertinents et à mesurer les nouveaux phénomènes de manière plus parlante.

M. Shepherd: Au sujet des statistiques du travail, pourriez-vous me dire combien il y a au Canada de gens travaillant pour ce qu'on appelle les industries de la connaissance?

M. Fellegi: Je vais demander à M. Petrie de répondre à votre question mais je voudrais dire auparavant que nous sommes précisément en train de procéder à un réexamen fondamental de notre enquête mensuelle sur la population active. Comme la dernière révision remonte à 20 ans, il était temps de s'y mettre. La décision a été prise.

Bruce, voulez-vous répondre à la question?

M. Petrie: Tout dépend de votre définition des industries de la connaissance. Selon votre définition, nous pourrions vous fournir des estimations issues de l'enquête mensuelle sur la population active mais, si vous vouliez des statistiques détaillées, il faudrait les tirer du recensement lui-même.

M. Shepherd: Vous êtes trop technique. Je ne voulais pas parler de secteur industriel, je voulais simplement parler des gens qui travaillent effectivement dans ce qu'on appelle les industries de la connaissance. D'ailleurs, il peut y avoir dans un même secteur industriel, des gens qui travaillent dans le secteur de la connaissance et d'autres, pas. Faites-vous ce genre de ventilation?

M. Petrie: Oui, nous faisons des ventilations par profession ou par industrie. J'en reviens cependant à ce que je disais tout à l'heure, tout dépend de votre définition des industries de la connaissance.

M. Shepherd: Très bien. J'ai une question plus précise à vous poser. Considérant les gains d'efficience enregistrés partout depuis 5 à 10 ans grâce à la technologie, je m'attendais à ce que vous ayez pu réduire vos coûts de plus de 7 p. 100. En effet, vous oeuvrez dans un secteur qui est presque totalement relié à l'informatique. J'aurais donc pensé que la technologie vous aurait permis de réduire vos dépenses de manière beaucoup plus spectaculaire.

M. Fellegi: Pas vraiment, puisque 80 p. 100 de nos coûts concernent notre personnel. Certes, les coûts de la technologie baissent considérablement, mais cela ne touche que 20 p. 100 de nos dépenses totales. Ce n'est pas un facteur négligeable mais ce n'est sans doute pas aussi important qu'on pourrait le croire.

Le vice-président (M. Valeri): Merci, monsieur Shepherd. Je vais devoir vous interrompre ici.

Chers collègues, je vais m'en remettre à vous car six d'entre vous avez exprimé le souhait de poser des questions. Vous savez cependant que nous avons d'autres témoins à entendre. Nous pouvons rester dans cette salle un peu après 11h30, peut-être 10 ou 15 minutes après. Si tout le monde est d'accord, je peux permettre à chacun de poser une brève question. D'accord?

Des voix: D'accord.

Le vice-président (M. Valeri): Merci.

Mme Brown: Monsieur le président, la question est savoir si nous pourrions convoquer à nouveau ce groupe de témoins. À mon avis, c'est le groupe le plus intéressant de la matinée. Je dois dire que mes questions ne portent pas tellement sur le budget de cet organisme mais plus sur le travail de fond de Statistique Canada. Si les témoins sont prêts à revenir, je peux passer mon tour cette fois. Croyez-vous que nous pourrions les convoquer à nouveau...

Le vice-président (M. Valeri): Je suis tout à fait d'accord. Nous pourrons poser la question au comité directeur. Comme j'en fais partie, je n'y manquerai pas. Il s'agira simplement de trouver une date.

M. Ianno: Je recommande que nous convoquions à nouveau les témoins pour obtenir des informations plus détaillées.

Le vice-président (M. Valeri): Bien.

Je donne la parole à M. Leblanc. Je vais vous demander d'être aussi bref et concis que possible. Merci.

.1115

[Français]

M. Leblanc: En ce qui a trait à l'évolution des marchés internationaux, le libre-échange, le commerce et l'industrie, on échange de plus en plus au niveau international et au niveau de l'autoroute électronique, qui nous renseigne sur toutes sortes de choses. J'aimerais savoir où se situe Statistique Canada dans tout cela.

Quels services rendez-vous aux industries? On sait que c'est très grand. Il y a le côté finance, le côté industrie, les changements technologiques, l'autoroute électronique. Je ne sais pas jusqu'où vous êtes impliqués dans ces changements au niveau mondial par rapport aux statistiques que vous pouvez donner à nos industries ou à d'autres groupes de personnes intéressés.

M. Jacob Ryten (statisticien en chef adjoint, Secteur de la statistique du commerce et des entreprises, Statistique Canada): Nous faisons deux efforts, l'un au niveau national et l'autre au niveau international. Ce dernier aspect est assez intéressant et spécifique à notre bureau.

Au niveau international, nous pouvons donner à n'importe quelle entreprise canadienne une information complète concernant tous les marchés mondiaux, tous les exportateurs, tous les importateurs et tous les produits dans une classification de marchandises qui comporte à peu près 1 000 produits.

Nous le faisons chaque année et nous pouvons mettre cette information sur papier, à la demande, ou sur un support électronique. Je crois qu'à l'exception de deux ou trois pays d'Extrême-Orient, nous sommes les seuls à pouvoir rendre ce service aux entreprise.

Je reviens à l'une de vos questions initiales. Lorsque nous donnons à une entreprise une information, par définition, cette information est du domaine public. N'importe qui peut avoir accès à cette information. Il faut que cela soit dit de façon très claire.

Malheureusement, au niveau du détail des marchés de service, qui se développement à une cadence extraordinairement rapide, n'importe quel bureau de statistiques, y compris le nôtre, ne dispose pas des mêmes détails que pour les marchandises.

La raison en est très simple. Il n'y a pas de douanes pour intercepter un service proportionné dans le commerce international. Nous les connaissons, mais d'une façon beaucoup plus agrégée. Cela dit, au Canada, nous avons sur notre balance de paiements et sur nos achats et ventes de services des renseignements qui sont nettement plus détaillés que ceux de la plupart de nos concurrents, y compris nos voisins du Sud.

Troisièmement, nous sommes le fer de lance en matière d'innovation technologique quand il s'agit de procéder à la collecte de ces renseignements et à leur diffusion. Nous avons été les premiers à distribuer l'information sur CD-ROM. Je vous donne cela à titre d'exemple.

[Traduction]

Le vice-président (M. Valeri): Merci, M. Leblanc. Monsieur Murray.

M. Murray (Lanark - Carleton): Merci, monsieur le président.

Monsieur Fellegi, Statistique Canada jouit d'une réputation bien méritée d'indépendance et de professionnalisme, mais je constate que vous êtes tenu d'obtenir l'approbation du Cabinet sur le contenu du recensement. J'aimerais savoir s'il est déjà arrivé que le Cabinet apporte des modifications à un projet de recensement.

M. Fellegi: Si je me souviens bien, c'est arrivé une fois il y a quelques décennies, et jamais plus depuis.

M. Murray: En outre, la loi vous oblige à recueillir certaines catégories de statistiques. Je ne sais pas si cela résulte de dispositions particulières figurant dans divers textes de loi. Si tel est le cas, peut-être serait-il temps d'abroger certaines de ces dispositions, pour autant qu'il s'agisse de lois qui ont été adoptées il y a fort longtemps et qui concernent la compilation de statistiques qui ne sont plus nécessaires aujourd'hui. Qu'en pensez-vous?

.1120

M. Fellegi: En règle générale, lorsque nous sommes obligés de compiler certaines statistiques, c'est en vertu d'autres textes de loi que la Loi sur la statistique. Je vais vous donner quelques exemples. L'une des plus importantes concerne évidemment les paiements de péréquation, lesquels sont calculés au moyen de formules très complexes.

Je ne sais même pas si l'on mentionne Statistique Canada dans les règlements contenant la formule exacte. Quoi qu'il en soit, les données nécessaires pour calculer ces paiements viennent en grande mesure de Statistique Canada. Étant donné qu'il s'agit là de sommes considérables, c'est manifestement une priorité très élevée pour nous.

L'indice des prix à la consommation est utilisé dans plusieurs formules d'indexation, notamment des déductions fiscales. Même si l'on ne fait explicitement référence à Statistique Canada dans la législation pertinente, c'est un facteur important pour nous.

Je pourrais vous donner beaucoup d'autres exemples. Ainsi, les prestations d'assurance-chômage sont calculées en fonction de données provenant de l'enquête sur la population active, pour faire la différenciation régionale. De même, il y a dans la Loi sur les déclarations des personnes morales et des syndicats des dispositions concernant la collecte de renseignements à des fins de réglementation...

Il y a donc toutes sortes de textes prévoyant l'utilisation des données de Statistique Canada pour établir des formules d'indexation ou de distribution des données publiques. Cela constitue pour nous une obligation à laquelle nous ne pouvons échapper.

M. Murray: Je suis sûr que la liste est fort longue.

Combien de temps faudra-t-il attendre pour obtenir les résultats du prochain recensement? La technologie vous a-t-elle permis d'accélérer le processus de façon à ce que nous obtenions les données pertinentes en quelques mois seulement?

M. Petrie: Les premiers résultats sortiront environ 9 mois après le jour du recensement.

M. Fellegi: Ce qui est quasiment un record international.

M. Murray: Merci beaucoup.

Le vice-président (M. Valeri): Merci, monsieur Murray. Madame Skoke.

Mme Skoke (Central Nova): Merci.

Je voudrais vous poser une question d'actualité. Comme vous l'avez dit, votre principale activité aujourd'hui est le recensement qui se tiendra le mardi 14 mai 1996. Cela dit, les députés ont déjà exprimé des préoccupations au sujet du recrutement des personnes qui feront le recensement. Je vais donc vous poser des questions très précises, en vous demandant des réponses aussi précises.

Je voudrais d'abord vous interroger sur le recrutement des commissaires au recensement et des recenseurs. J'aimerais savoir qui a conçu l'examen utilisé pour faire le recrutement, qui s'est occupé de faire passer l'examen, et qui a évalué les résultats. Pourrions-nous par ailleurs avoir un exemplaire de l'examen?

Je vous pose cette question parce que nous savons que dans certaines circonscriptions, dont la mienne, des personnes ayant par exemple une maîtrise en éducation ont échoué à l'examen. D'autre part, des anciens recenseurs, qui sont traditionnellement de simples citoyens, surtout des femmes, en général de 45 ans à 55 ans, ont également échoué.

J'aimerais donc que vous remettiez au comité des statistiques sur les personnes qui ont présenté leur candidature à cet examen, hommes et femmes, ainsi que sur les taux d'échecs. Pour faire passer cet examen, a-t-on tenu compte de facteurs tels que la langue, l'origine ethnique et la culture? Croyez-moi, cela nous inquiète beaucoup. Comme vous l'avez dit, le recensement est un défi très important et, jusqu'à présent, vous n'avez pas été capables de le relever.

Cela nous préoccupe parce que ce sont évidemment les deniers publics qui vont financer le recensement. Traditionnellement, vous recrutez vos recenseurs dans la population locale. J'aimerais donc savoir qui a fait passer les examens, et j'aimerais obtenir des données précises sur les candidats et sur les personnes qui ont été recrutées.

.1125

En fait, je demande une révision complète, à l'échelle nationale, du processus de recrutement mené par Statistique Canada.

Le vice-président (M. Valeri): J'aimerais faire une remarque. Je suis sensible à votre préoccupation mais je tiens à rappeler que nous avons convoqué les représentants de Statistique Canada pour traiter des prévisions budgétaires. Madame Brown a dit tout à l'heure que les représentants de Statistique Canada devraient être convoqués de nouveau, et je suis certainement d'accord avec elle.

Si vous pouviez... La question que vous posez est très complexe et il faudra peut-être un certain temps pour que l'on puisse y répondre.

Mme Skoke: Elle est complexe, monsieur le président, mais elle est tout à fait d'actualité. En outre, elle porte directement sur les dépenses de cette organisation. Il s'agit de la manière dont on dépense les deniers publics en 1996. Dès le 14 mai, cette question ne sera plus d'actualité. Voilà pourquoi, selon moi, c'est aujourd'hui même qu'il faut en parler. J'aimerais donc obtenir une réponse.

Le vice-président (M. Valeri): Certainement. Je suis sûr que Statistique Canada peut vous donner une réponse, mais vous avez aussi demandé que l'on fasse une révision nationale du processus. Quoi qu'il en soit, je vais demander aux témoins de répondre le mieux possible à la question, étant bien entendu que nous allons supposer qu'ils se présenteront à nouveau devant nous plus tard.

M. Petrie: La question est fort complexe. Il est vrai que nous avons un processus d'examen pour le recrutement des commissaires et des recenseurs. L'examen est administré par Statistique Canada. Le texte a été conçu par Statistique Canada après avoir consulté la Commission de la fonction publique. Nous appliquons cet examen pour veiller à ce que les recenseurs aient les compétences requises pour faire leur travail.

Pour ce qui est des commissaires, nous souhaitons qu'ils aient, en plus de compétences générales, des compétences en supervision. Il est très important que nous puissions recruter des personnes capables d'assumer cette responsabilité très complexe, dans un délai très bref, et c'est très important pour les commissaires, qui exercent leur fonction sur une période de trois mois.

Je ne peux vous remettre le texte de l'examen, je ne l'ai pas avec moi. En outre, je ne pense pas que ce soit un document que nous voulions rendre public car l'examen serait alors trop facile pour les autres.

Mme Skoke: Je demande qu'il soit déposé devant le comité.

M. Petrie: Je n'ai aucun problème avec cela.

Le vice-président (M. Valeri): Très bien.

M. Fellegi: À titre confidentiel, jusqu'à la fin du recensement, étant donné que l'examen nous sert encore aujourd'hui lorsque nous devons recruter des gens pour remplacer ceux qui démissionnent. Pendant toute la durée du recensement, l'examen doit rester confidentiel.

M. Ianno: Si j'ai bien compris le sens de la question de Mme Skoke, ce n'est pas tellement le cas des personnes qui ont échoué à l'examen qui la préoccupe que le caractère subjectif de la méthode utilisée pour faire le recrutement. Nous savons que des députés de tous les partis ont proposé les noms de personnes parfaitement compétentes qui n'auraient dû avoir aucun problème à être acceptées. Il est donc normal qu'ils se préoccupent lorsqu'ils constatent que bon nombre ne l'ont pas été. Nous voudrions simplement savoir comment cela fonctionne.

M. Petrie: L'examen comprend deux parties. Il y a une épreuve écrite...

M. Ianno: Supposons que tout le monde ait réussi.

M. Petrie: Et il y a ensuite une entrevue pour évaluer les compétences personnelles des candidats, leurs compétences en communications et en relations personnelles.

M. Ianno: Je suis sûr que tous les députés nous ont proposé des noms de personnes tout à fait brillantes, très ouvertes, parfaitement capables de communiquer et ayant beaucoup d'expérience. Malgré cela, bon nombre n'ont pas été choisies. Certaines de ces personnes occupent des postes de gestion dans des entreprises.

M. Petrie: Le processus nous amène à interroger un grand nombre de personnes, de façon à choisir les plus compétentes. Certaines personnes n'ont peut-être pas été choisies parce que nous avions trop de candidats compétents. Certaines ont réussi l'examen écrit mais n'ont pas été choisies à l'étape de l'entrevue. Dans l'ensemble...

.1130

M. Ianno: Ce qui me préoccupe, c'est le caractère subjectif du processus.

M. Petrie: Mais ce n'est pas plus subjectif que lorsque quelqu'un doit passer une entrevue pour obtenir un emploi. La personne qui est chargée du recrutement mène l'entrevue et s'efforce de vérifier si le candidat possède le genre de compétences dont elle a besoin.

M. Ianno: La plupart des députés comprennent parfaitement les compétences requises.

Le vice-président (M. Valeri): Veuillez m'excuser, monsieur Ianno, je vais devoir intervenir. Je comprends votre préoccupation mais, considérant qu'il faut préserver la confidentialité de l'examen, c'est quelque chose dont nous pourrions discuter après la séance.

Monsieur Bodnar souhaite faire une brève remarque sur le même sujet, après quoi je donnerai la parole à M. Lastewka et nous passerons aux autres témoins. Non, veuillez m'excuser, il y aura encore M. Solomon.

M. Bodnar: Puisqu'il faut protéger la confidentialité de l'examen, monsieur le président, je pense qu'il ne faudrait même pas le remettre aux membres du comité. De cette manière, nous serons certains qu'il n'y aura pas de problèmes.

Le vice-président (M. Valeri): Je vous remercie.

Monsieur Lastewka.

M. Lastewka (St. Catharines): Merci, monsieur le président. Je serai très bref.

Les témoins ont peut-être d'ailleurs déjà répondu en partie à ma question lorsqu'ils ont répondu à M. Murray. Je voulais en effet parler des exigences législatives imposées à Statistique Canada. Mon problème est que certaines de ces exigences n'ont peut-être plus aucune pertinence aujourd'hui. Y a-t-il donc un processus qui permette de faire le point à ce sujet, de façon à recommander les modifications législatives appropriées?

Deuxième question: considérant les progrès technologiques, puis-je supposer qu'il nous sera bientôt possible d'obtenir par Internet toutes les informations de Statistique Canada dont nous avons besoin?

M. Fellegi: Vous voulez savoir si vous pourrez nous poser des questions par Internet, et obtenir les réponses de la même manière?

M. Lastewka: Non. Je veux savoir si nous pourrons obtenir directement par Internet toutes les données que nous pouvons actuellement demander à Statistique Canada par téléphone ou par télécopieur.

M. Fellegi: Nous nous en occupons actuellement et cela devrait être possible vers la fin de l'année.

Pour ce qui est de votre première question, nous révisons annuellement tout ce que nous faisons et nous éliminons ensuite les informations qui ne sont plus nécessaires.

M. Lastewka: Donc, vous recommandez aux ministères de prendre des mesures si certaines exigences législatives s'avèrent aujourd'hui inutiles?

M. Fellegi: Nous avons des contacts réguliers, pas seulement annuels, avec nos ministères clients. De fait, nous avons des contacts mensuels pour connaître exactement leurs besoins.

M. Lastewka: Donc, je pourrai fort bien demander à un ministère quand il a révisé pour la dernière fois telle ou telle exigence législative et j'obtiendrai une réponse?

M. Fellegi: Certainement.

M. Lastewka: Bien, c'est ce que nous ferons.

Le vice-président (M. Valeri): Merci, monsieur Lastewka. Monsieur Solomon.

M. Solomon: À part le processus de recrutement des commissaires et des recenseurs dont nous avons parlé, j'estime que Statistique Canada fait un excellent travail pour ce qui est de fournir des informations aux Canadiens. Je sais en tout cas que son travail est apprécié en Saskatchewan.Je tenais à le souligner.

Ma question concerne Internet. Je crois comprendre que Statistique Canada veut diffuser beaucoup d'informations par Internet, ce qui me semble être une idée très intéressante puisque de nombreuses personnes apprennent à utiliser ce système. Cela dit, savez-vous combien d'adultes canadiens utilisent Internet? En avez-vous une idée?

M. Fellegi: Je ne pense pas qu'on puisse le savoir. C'est un phénomène tellement énorme et qui change tellement rapidement qu'il est très difficile de le cerner. En outre, nous ne faisons pas d'enquête précise là-dessus.

.1135

M. Solomon: À mon avis, Internet est un outil très puissant avec un potentiel extraordinaire, mais j'ai le sentiment que la grande majorité des gens ne s'en servent pas. J'ai entendu dire que seulement 3 p. 100 des Canadiens y auraient accès.

M. Fellegi: Je crois que nous pourrions faire des estimations. En effet, lors d'une de nos enquêtes, nous avons obtenu des données sur le nombre de foyers canadiens qui ont un ordinateur équipé d'un modem. Évidemment, ceux qui ont un ordinateur sans modem ne sauraient utiliser Internet.

M. Solomon: Merci. J'aimerais avoir ces données.

Je pose cette question parce que nous savons bien que le gouvernement s'efforce de faire des économies en diffusant de plus en plus d'informations par Internet et par courrier électronique, de façon à publier beaucoup moins de choses sur papier. Or, c'est à mon avis une tendance qu'il faut surveiller attentivement car elle amène à priver la population générale d'une foule de renseignements utiles.

Je sais que le nombre de gens de ma circonscription qui ont accès à Internet est extrêmement minime, et c'est inquiétant parce que cela veut dire que bien des gens n'ont pas accès aux informations. Certes, quiconque a accès à Internet dispose d'un outil extrêmement puissant pour obtenir des données de Statistique Canada.

Je tenais à faire cette remarque. Je sais que ce n'est pas votre problème mais c'est quand même important.

Le vice-président (M. Valeri): Je remercie les témoins de Statistique Canada. Comme ils ont pu le constater, leur organisation suscite beaucoup d'intérêt, et c'est pourquoi nous discuterons au comité directeur de la possibilité de les convoquer à nouveau. Merci.

Puis-je maintenant passer au crédit 55, concernant le Tribunal de la concurrence?

Des voix: D'accord.

Le vice-président (M. Valeri): Nous accueillons Annaline Lubbe, registraire, et Carole Ménard.

[Français]

Mme Annaline Lubbe (registraire, Tribunal de la concurrence): Monsieur le président, membres du comité, vu qu'il est assez tard, je vais mettre de côté mes commentaires et tout simplement répondre à vos questions si vous me le permettez.

[Traduction]

Nous pouvons répondre à vos questions.

Le vice-président (M. Valeri): M. Leblanc.

[Français]

M. Leblanc: J'aurais aimé vous entendre un peu, parce que votre organisme est assez récent et que j'aimerais connaître davantage ce que vous faites.

Mme Lubbe: Le Tribunal a été créé il y a dix ans, en 1986. Il s'agit d'un tribunal spécialisé composé de quatre juges de la Cour fédérale et de huit membres qui apportent au Tribunal leur expérience professionnelle spécialisée dans les domaines reliés à la concurrence.

C'est un tribunal spécialisé qui dispose de compétences en économie et en commerce pour entendre et décider, avec les juges, des questions fondées sur la partie VIII du Droit sur la concurrence. Ces questions ont trait, entre autres, aux fusionnements dans le but d'obtenir des positions dominantes et aux diverses pratiques déloyales ou anticoncurrentielles.

Il s'agit d'un organisme très semblable à un tribunal ordinaire. La procédure est très juridique et les litiges tranchés par le Tribunal sont très complexes. Il s'agit habituellement d'affaires urgentes. Comme on dit en anglais, time is always of the essence.

.1140

De grands intérêts financiers sont en jeux et les juges, aidés des autres membres du Tribunal qui sont des experts dans ces domaines, sont ceux qui tranchent les questions ou les litiges. Cela répond-il à votre question?

M. Leblanc: Oui. Selon vous, le Tribunal de la concurrence s'est-il avéré très utile?N'y aurait-il pas lieu d'utiliser plutôt des avocats très spécialisés pour défendre les causes au lieu d'avoir un tribunal très spécialisé?

Mme Lubbe: C'est une question qui a été soulevée il y a dix ans, lorsqu'on a décidé de mettre sur pied un tribunal spécialisé. Je n'en suis pas absolument certaine, mais je crois avoir entendu dire que le Canada avait été le dernier à le faire parmi les juridictions de l'Ouest.

Il me semble y avoir un problème clé: laisser les affaires entre les mains des tribunaux ordinaires. Il y a la pression du temps, et le Tribunal doit gérer le progrès. Le Tribunal est très proactif. Les règlements du Tribunal ont été établis de manière à expédier la procédure.

Je vous donne l'exemple d'un cas récent qui démontre la façon dont un tribunal comme le nôtre peut agir de façon très expéditive. Il s'agit du cas Gemini. La ligne aérienne PWA était menacée à cause de sa situation financière et a déposé une demande le 5 novembre, si je me souviens bien. La demande a été contestée et la décision fut rendue, je pense, le 23 avril. En tout cas, c'était vers la fin avril.

À cause du temps des Fêtes, etc., il a fallu cinq mois pour régler ce cas. Il a fallu huit semaines de procédures avant les audiences et cinq autres semaines pour tenir les audiences. C'était une cause compliquée et les avocats ont été flatteurs dans leurs commentaires à l'endroit du Tribunal.

M. Leblanc: Merci.

[Traduction]

Le vice-président (M. Valeri): Merci, monsieur Leblanc.

M. Shepherd.

M. Shepherd: Lorsque j'examine votre mandat, je constate qu'il porte sur bien des questions, comme les fusions, mais aussi sur la fixation des prix. Or, je suis surpris de voir que vous n'avez été saisis l'an dernier d'aucune affaire concernant des problèmes de prix. Pourquoi?

.1145

Mme Lubbe: C'est une question qu'il faudrait poser au Bureau de la concurrence, monsieur. En effet, la seule personne qui puisse porter une affaire devant le Tribunal est le directeur des enquêtes et de la recherche, qui est chargé de la mise en oeuvre de la Loi. Le directeur mène une enquête lorsqu'il reçoit une plainte, lorsque le Ministre lui demande de le faire ou lorsqu'il estime lui-même que c'est justifié. Ensuite, c'est lui qui décide de la marche à suivre. Si la question tombe à l'évidence en dehors des compétences du Tribunal, il s'adresse aux tribunaux ordinaires. Cela pourrait être le cas, par exemple, d'une affaire pénale de prix abusifs. Sinon, il peut décider de porter l'affaire devant notre Tribunal.

L'une des caractéristiques essentielles du système est l'indépendance absolue qui doit être préservée entre le Tribunal et le Bureau. Le Tribunal ne possède absolument aucun pouvoir d'enquête et n'exerce aucune fonction de supervision à l'égard du Bureau.

M. Shepherd: Cela dit, il me semble que les activités du Tribunal portent avant tout sur des questions de fusion d'entreprises.

Mme Lubbe: Sur des questions de fusion et de domination exorbitante d'un marché. Vous constaterez à la lecture des rapports du directeur que celui-ci s'occupe de cinq questions prioritaires, dont deux sont les fusions et l'exercice d'un pouvoir abusif, qui relèvent de notre compétence. C'est cependant lui seul qui décide que des affaires seront portées devant le Tribunal, ce qu'il fait en fonction de certains critères, par exemple d'efficacité globale. Ce sont donc les responsables du Bureau qui pourraient répondre précisément à votre question.

M. Shepherd: Puisque nous parlons d'un Tribunal, je voudrais vous demander si vous en êtes vraiment un. Est-ce bien comme un tribunal que vous faites votre travail?

Mme Lubbe: Je crois qu'il a pu y avoir certains malentendus à ce sujet. On n'aurait peut-être pas dû parler de tribunal.

M. Shepherd: Vous n'êtes pas un tribunal?

Mme Lubbe: Il y a eu dans le passé des problèmes de fusion et de pouvoir exorbitant qui ont été portés devant les tribunaux ordinaires, en vertu du droit pénal. Cela dit, jusqu'à la création de notre propre Tribunal, aucune de ces poursuites n'avait jamais réussi. C'est dans le cadre de la réforme du régime canadien de la concurrence que notre Tribunal a été créé, pour connaître de ces questions. Autrement dit, les questions de fusion et de pouvoir exorbitant, qui étaient autrefois des questions de monopole, ont été décriminalisées.

M. Shepherd: Vous avez parlé de quatre juges et de huit directeurs. Est-ce...

Mme Lubbe: Non. Les quatre juges dont je parlais sont les juges de la Section de première instance de la Cour fédérale. Ils sont nommés juges de notre Tribunal et l'un d'entre eux est désigné président. Lorsqu'ils ne siègent pas pour notre Tribunal, ils assument leurs fonctions normales à la Cour fédérale.

Pour ce qui est des autres membres du tribunal, dont le nombre peut aller jusqu'à huit, ce ne sont pas vraiment des «profanes» au sens habituel du mot. Ce sont en effet des experts dans divers secteurs du commerce, comme des économistes, des gens d'affaires, des comptables.

L'objectif est d'avoir un organisme de décision comprenant deux types de personnes. D'une part des juristes, pour assurer l'équité des procédures, lesquelles concernent des affaires qui sont à la fois très complexes et qui concernent des sommes considérables, exigeant la décision la plus rapide possible. Mais nous voulons aussi avoir, d'autre part, des spécialistes de l'économie puisque nous oeuvrons dans ce secteur. Nous avons recours à des analyses économiques et, dans certains cas, celles-ci portent sur des domaines très pointus...

.1150

M. Shepherd: Vous est-il déjà arrivé de refuser une demande de fusion?

Mme Lubbe: Si nous avons déjà refusé une fusion? Je songe à Hillsdown, où notre réponse a été en partie oui et en partie non. Même chose avec Southam. Le directeur a gagné sur un aspect du problème et a perdu sur l'autre.

M. Shepherd: Mais, de manière générale, il est très rare que vous refusiez une demande de fusion, n'est-ce pas?

Mme Lubbe: La question est que ces affaires peuvent parfois être réglées par consentement. La plupart des fusions qui se sont faites l'ont été par consentement. Autrement dit, si le directeur a des réserves, les parties peuvent négocier de façon à restructurer leur projet de façon à lui donner l'assurance que cela ne réduira pas la concurrence. Dans ce cas, il demande une ordonnance de consentement, c'est-à-dire l'acceptation de l'accord auquel les parties sont arrivées. Si le Tribunal y consent, il publie une ordonnance, mais, si les parties ne respectent pas les dispositions, elles risquent évidemment de se placer en situation d'outrage au tribunal.

Nous nous occupons actuellement de la demande de consentement d'Interac, qui concerne toutes les grandes banques et les caisses de crédit. Cela dit, le consentement n'est pas accordé automatiquement. Des parties peuvent intervenir. Tout comme dans l'affaire de consentement Imperial-Texaco, qui avait fait l'objet d'un débat très vigoureux avec de nombreuses objections, il y a dans l'affaire Interac des intervenants qui contestent les modalités de l'ordonnance de consentement.

Le vice-président (M. Valeri): Merci. Monsieur Solomon.

M. Solomon: Je passe mon tour, monsieur le président, car nous manquons de temps.

Le vice-président (M. Valeri): Merci. Y a-t-il d'autres questions?

Notre prochaine réunion se tiendra le mardi 23 avril à 15h30.

M. Solomon: Je pensais qu'il y aurait d'autres questions, monsieur le président. Si personne d'autre ne veut intervenir, je pourrais peut-être poser une brève question.

Le vice-président (M. Valeri): D'accord.

M. Solomon: Je suis désolé, je voulais simplement faire preuve de coopération.

Ma question concerne la décriminalisation. Avant 1986, c'était la Loi d'enquête sur les coalitions qui s'appliquait. Quelles modifications ont été apportées pour décriminaliser le processus? Vous souvenez-vous de ce qu'était la situation avant 1986?

Mme Lubbe: Avant 1986, dans une affaire de monopole ou de fusion, on appliquait le critère pénal du fardeau de la preuve. Si quelqu'un voulait porter une affaire devant un tribunal, il fallait invoquer les dispositions pénales et, par conséquent, établir la preuve dans ce contexte. Évidemment, lorsque le problème était simplement un problème d'activité commerciale ordinaire, c'est-à-dire qu'on soupçonnait, par exemple, qu'une entreprise avait un peu exagéré et que cela réduisait la concurrence, il fallait prouver au-delà de tout doute raisonnable qu'elle avait eu une intention criminelle. Évidemment, c'était impossible. Voilà pourquoi très peu de poursuites aboutissaient.

M. Solomon: Y a-t-il eu des poursuites qui ont réussi depuis que les choses ont changé?

.1155

Mme Lubbe: Aujourd'hui, ces questions ne relèvent plus du droit pénal mais du droit civil.On trouve dans la Loi sur la concurrence les critères concernant l'établissement de la preuve qu'il y a eu réduction de la concurrence. Cela se fait en fournissant des données d'ordre économique.

M. Solomon: Merci.

Le vice-président (M. Valeri): Merci, monsieur Solomon.

Merci beaucoup de votre patience. Nous vous remercions d'être venus témoigner.

Notre prochaine réunion se tiendra le mardi 23 avril à 15h30.

La séance est levée.

Retourner à la page principale du Comité

;