[Enregistrement électronique]
Le mardi 24 septembre 1996
[Traduction]
La greffière du comité: Honorables membres, je vois que nous avons le quorum.
Conformément aux articles 106(1) et 106(2) du Règlement, la première question à l'ordre du jour est l'élection du président du comité, et je suis maintenant prête à recevoir vos motions en ce sens.
Monsieur Bodnar.
M. Bodnar (Saskatoon - Dundurn): Je propose David Walker comme président du comité.
La greffière: Y a-t-il d'autres motions? Il a été proposé par M. Bodnar que M. Walker assume la présidence du comité. Plaît-il au comité d'adopter la motion?
La motion est adoptée.
La greffière: Monsieur Walker.
Le président: Je vous remercie de la confiance que vous me témoignez. Je sais que nous avons la collaboration de tous les partis qui sont représentés au comité pour ce qui est du choix des témoins et de l'examen du projet de loi, et je tiens à vous dire que nous vous en sommes très reconnaissants.
Nous devons maintenant élire deux vice-présidents. Je demanderais donc à M. Bodnar de présenter sa motion.
M. Bodnar: Je propose Walt Lastewka comme vice-président du comité.
Le président: Plaît-il au comité d'élire M. Lastewka vice-président du comité?
La motion est adoptée.
[Français]
M. Asselin (Charlevoix): Je propose comme vice-président un représentant de l'opposition, M. Nic Leblanc.
[Traduction]
Le président: Plaît-il au comité d'avoir...
[Français]
M. Leblanc comme un vice-président?
[Traduction]
M. Hill (Prince George - Peace River): Non.
M. Mayfield (Cariboo - Chilcotin): Je voudrais demander un vote par appel nominal.
La motion est adoptée par sept voix contre deux.
Le président: Permettez-moi de féliciter nos deux vice-présidents. J'attends avec impatience l'occasion de travailler avec vous, notamment au sein du comité directeur, afin que notre comité soit aussi efficace que possible.
Puisqu'il n'y a plus de questions administratives à débattre pour le moment, je voudrais proposer que nous nous intéressions maintenant au travail du comité. En effet, nous reprenons l'examen du projet de loi C-5, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et la Loi de l'impôt sur le revenu.
Avant d'appeler les témoins, je voudrais tout d'abord demander à M. Lastewka d'occuper le fauteuil aujourd'hui.
En ce qui concerne les membres de l'opposition...
[Français]
nous n'avons pas de témoins à entendre la semaine prochaine. Si cela est possible, nous aimerions continuer à étudier les amendements et les changements au projet de loi.
[Traduction]
Nous allons faire une annonce officielle la semaine prochaine.
Le vice-président (M. Lastewka): Nous reprenons notre examen de l'article 1.
Nous souhaitons donc la bienvenue à nos deux témoins, qui représentent la Fédération des ACEF du Québec: Louise Blain, responsable du Comité de développement de l'action sociale, ainsi que Monique Émond. Nous allons d'abord demander à nos témoins de faire une déclaration liminaire, après quoi nous pourrons ouvrir la période des questions.
Bienvenue au comité. Qui voudrait commencer?
[Français]
Mme Monique Émond (responsable du comité de développement de l'action sociale, Fédération des ACEF du Québec): Bonjour. La Fédération des ACEF du Québec regroupe huit associations membres qui se répartissent dans autant de régions du Québec. Notre association oeuvre depuis plus de 30 ans dans le domaine de l'endettement, du budget et de la consommation.
Notre travail d'intervention sur la problématique de l'endettement se concrétise principalement par notre service de consultation budgétaire destiné aux personnes vivant des situations d'endettement problématique. Les autres interventions dans ce secteur prennent la forme d'activités éducatives qui ont pour but d'informer et de prévenir les consommateurs contre l'utilisation massive du crédit. Pour ce faire, nous offrons des cours sur le budget, des ateliers d'information sur les solutions aux dettes, les contrats de crédit, etc.
En 1992, lorsque le ministère a voté la nouvelle Loi sur la faillite et l'insolvabilité, notre Fédération ne pouvait que se réjouir d'une telle initiative. Il y avait déjà plusieurs années que nous réclamions une révision en profondeur de cette loi. Le législateur, par cette réforme, visait entre autres la réhabilitation financière des ex-faillis en cherchant tout particulièrement à prévenir les récidives, ce sur quoi nous étions parfaitement d'accord.
Par contre, les moyens proposés par le ministre pour ce faire nous ont toujours posé un problème. Le législateur a choisi de redéfinir le rôle du syndic en lui confiant la responsabilité du processus de réhabilitation du débiteur. Nous avons toujours contesté ce nouveau rôle attribué au syndic qui, sur plusieurs aspects, se révèle contradictoire avec son mandat premier d'administrateur de faillite.
Nous avons contesté également les modalités d'application du processus de réhabilitation qui, selon nous, ne pouvaient permettre d'atteindre les résultats escomptés. Nous nous sommes donc impliqués dans le processus de révision qui était prévu pour les trois années suivant la mise en application de cette loi en participant activement au CCFI et à certains autres comités de travail.
Nous avons jugé que notre expérience dans le domaine du crédit et de l'endettement pouvait représenter un apport important pour arriver à faire de cette loi une véritable solution aux problèmes d'endettement que vivent de nombreuses familles québécoises et canadiennes. Nous avons profité de cette occasion pour faire part, également, de nos questionnements et pour soumettre toute la question de la prévention de l'endettement, question complètement absente du débat et pourtant primordiale.
C'est donc dans une perspective de prévention et avec les mêmes préoccupations face au processus de réhabilitation inscrit dans la loi que nous présenterons, dans le cadre de cette consultation, nos recommandations quant aux amendements proposés par le législateur.
Notre travail de réflexion et les propositions qui en découlent portent principalement sur la faillite de consommateurs et le rôle du syndic. Nous avons cependant cru important, préalablement, de faire part, une fois de plus, de nos positions concernant la consultation. Nous aborderons également la question des propositions de consommateurs, compte tenu des difficultés rencontrées dans l'application de cette solution. Enfin, nous terminerons notre mémoire par des recommandations à propos des prêts étudiants et des créances de l'État.
Rappelons tout d'abord que l'endettement des familles canadiennes dépasse présentement les 110 milliards de dollars et que le nombre de faillites a atteint le niveau record de 65 432 en 1995. Cette réalité exige que tous les intervenants concernés par cet état de fait - Direction de la faillite, syndics, institutions financières et groupes communautaires - s'impliquent à différents niveaux pour prévenir le phénomène du surendettement, pour rechercher des solutions efficaces et pour développer des moyens alternatifs afin de favoriser une réhabilitation financière réelle.
La consultation: Le législateur, en 1992, dans un souci de réhabilitation des débiteurs, a prévu développer des rencontres de consultation appelées deuxième et troisième rencontres et en a confié la responsabilité au syndic. De plus, on a redéfini le rôle du syndic en lui rappelant son obligation de procéder à une analyse détaillée de la situation financière des débiteurs afin, éventuellement, de favoriser d'autres solutions que la faillite, notamment la proposition de consommateurs. Au rôle d'administrateur de faillite, pour lequel il a été formé, on a ajouté le rôle de conseiller budgétaire.
En confiant au syndic le rôle d'analyser la situation budgétaire et financière des débiteurs qui le consultent, non seulement pour évaluer la pertinence de la faillite comme solution mais également pour proposer une solution qui tienne compte de l'ensemble de la problématique du débiteur, nous le mettons dans une situation impossible. Comment peut-il, en toute objectivité, proposer la solution la mieux adaptée à la situation du débiteur qui le consulte tout en sachant que sa source de revenu provient du fait que les gens choisiront la faillite?
Il se place donc ainsi en situation de conflit d'intérêts. Pour en arriver à répondre aux objectifs du législateur, nous croyons que chaque personne, avant de rencontrer un syndic, devrait pouvoir rencontrer un conseiller budgétaire indépendant qui puisse regarder l'ensemble de sa situation afin de lui recommander une solution adéquate à sa situation d'endettement et lui proposer une démarche de reprise en charge de son budget.
Ce type de service existe. Au cours des années 1970 et 1980, des groupes de consultation budgétaire se sont développés, particulièrement au Québec et en Ontario. La consultation budgétaire, telle que réalisée par les ACEF au Québec, et les Counselling Credit Services en Ontario, sont des services qui visent à aider les gens aux prises avec un problème d'endettement en effectuant avec eux une analyse complète de leur situation financière, en cherchant des solutions durables et en fournissant l'encadrement nécessaire à la prise en charge budgétaire.
Selon cette définition, la consultation budgétaire est un service préalable à une visite chez un syndic. Ce service vise à assurer que la meilleure solution sera conseillée. Les groupes qui offrent ce genre de services doivent donc se prémunir contre tout conflit d'intérêts qui pourrait les inciter à privilégier une solution au détriment d'une autre. C'est un véritable travail de prévention qui permet d'offrir aux personnes rencontrées les instruments nécessaires pour reprendre leur situation budgétaire en main et qui contribue souvent à leur éviter une faillite personnelle.
Cependant, jamais, malgré nos interventions dans ce sens, nous n'avons pu sensibiliser le législateur et la Direction des faillites à la nécessité de promouvoir le développement des groupes de consultation budgétaire, qui répondent pourtant à tous les objectifs de réhabilitation financière poursuivis par la Direction des faillites et, même plus, contribuent à prévenir le surendettement tout en s'inscrivant dans une situation de neutralité essentielle à la réussite de ce travail.
Donc, premièrement, nous recommandons que soit dégagée, à même l'actif de la faillite des débiteurs, une somme d'argent pour appuyer financièrement les groupes à but non lucratif qui interviennent directement auprès des gens qui vivent des problèmes d'endettement.
Nous sommes conscients que cette recommandation dépasse le cadre de la loi puisqu'elle commande une démarche préfaillite. Mais, si le ministère veut vraiment s'attaquer au problème du surendettement, qui conduit inévitablement à une augmentation du nombre de faillites, et non seulement au problème de récidive, il doit intervenir au niveau de la prévention.
La proposition de consommateurs: On retient deux amendements qui touchent la proposition de consommateurs. Il y a l'amendement qui permettra une proposition conjointe lorsque toute autre personne est intimement liée à la situation d'endettement, et l'introduction, à l'article 173, de la possibilité d'opposition à la libération d'une faillite sous prétexte qu'une proposition de consommateurs aurait été possible.
L'éventualité d'une proposition de consommateurs conjointe nous apparaît comme un élément très important dans de nombreuses situations de couple où les deux parties sont étroitement liées financièrement. Nous approuvons sans réserve cet amendement.
L'utilisation d'un argument comme celui de ne pas avoir choisi la proposition de consommateurs au lieu de la faillite pour s'opposer à la libération nous laisse perplexes. On ne peut qu'y voir un encouragement par la négative à faire une proposition de consommateurs.
Cela nous amène à la nécessité de revoir le processus de la proposition de consommateurs afin que cette solution à l'endettement devienne une véritable alternative pour les consommateurs aux prises avec un endettement problématique.
La proposition de consommateurs telle qu'introduite dans la loi actuelle n'a pas fait ses preuves. Les chiffres sont éloquents: 2 419 propositions de consommateurs au Canada en 1995, dont 393 au Québec. On sait que les syndics revendiquent depuis le début une meilleure rémunération pour l'administration de la proposition à cause des coûts administratifs de cette solution comparativement à la faillite. Ils ne sont donc pas enclins à proposer cette solution.
Par ailleurs, dans plusieurs cas, les institutions financières ne sont pas intéressées à la proposition parce qu'elles considèrent que l'ouverture d'un dossier pour quelques années coûte également très cher en frais d'administration en regard des bénéfices qu'elles peuvent obtenir.
Les consommateurs eux-mêmes, quand il n'y a pas d'actif à conserver, ce qui est souvent le cas, n'ont aucun avantage à choisir cette voie, d'autant plus que le dossier de crédit ne tient pas compte de l'effort consenti par le débiteur pour assumer une partie de ses dettes.
Donc, lorsque tous les acteurs concernés, créanciers, syndics et débiteurs, n'ont qu'un intérêt limité, lorsque les mécanismes d'application sont aussi aléatoires, voire contradictoires, il est parfaitement illogique d'imposer la proposition de consommateurs de cette manière. Nous ouvririons ainsi la porte à des manoeuvres dilatoires de la part des créanciers sans véritable contrepartie.
Il serait préférable que le législateur cherche à bonifier la proposition de consommateurs pour la rendre plus attrayante et facilement réalisable de façon à encourager les débiteurs en difficulté à opter pour cette solution plutôt que pour une approche punitive.
Donc, nous recommandons que la Direction de la faillite prévoie une période de révision de la proposition de consommateurs dans les trois prochaines années afin que cette solution au surendettement des débiteurs devienne une véritable alternative à la faillite.
Je vais maintenant demander à Louise de traiter de toute la question du rôle du syndic et des pouvoirs du surintendant.
Mme Louise Blain (responsable du comité de développement de l'action sociale, la Fédération des ACEF du Québec): Les amendements proposés, loin de limiter le rôle du syndic à l'administration de la faillite, comme nous le préconisons, élargissent encore davantage son rôle par l'introduction dans la loi de nouvelles mesures que l'on retrouve particulièrement aux paragraphes 68(1) et 170(1).
Comme nous l'avons mentionné précédemment, la loi adoptée en 1992 octroyait au syndic le rôle de consultant budgétaire et de conseiller en matière de réhabilitation.
En plus de son rôle d'administrateur de faillites et de propositions de consommateurs, il devait évaluer la situation financière des personnes rencontrées et leur conseiller la solution la plus appropriée à leur situation. Selon nous, cette situation le plaçait en position de conflit d'intérêts et nous permettait de questionner son objectivité quant à l'option proposée au débiteur.
Selon les propositions d'amendement, le syndic devra également fixer, en se basant sur les normes établies par le surintendant, le montant mensuel que le failli aura à verser à l'actif de la faillite (article 68).
De plus, dans son rapport, il pourra faire une demande de libération conditionnelle basée, entre autres, sur le respect par le failli des conditions fixées selon l'article 68, sur le montant total versé à l'actif, compte tenu de son niveau d'endettement et de ses moyens financiers, et sur le choix par le débiteur de la faillite comme solution plutôt que la proposition. Cette demande de libération conditionnelle sera présumée être une opposition à la libération.
Le syndic devra donc composer avec l'ensemble de ses différents rôles: conseiller en matière d'endettement, administrateur de deux solutions possibles à l'endettement et opposant à la libération. Il risque fort de se placer plus souvent qu'autrement dans des situations contradictoires.
Le fait même que le syndic ou un créancier puisse maintenant s'opposer à la libération sous prétexte que le débiteur a choisi la faillite comme solution plutôt que la proposition nous amène à nous questionner sur la façon dont cet article sera appliqué. Sur quelle base jugera-t-on que le débiteur aurait pu faire une proposition? Quelle part de responsabilité pourrait être attribuée au syndic dans la décision du débiteur d'opter pour la faillite? De plus, il semble que le fardeau de la preuve et la pénalité qui s'ensuivra appartiendront au seul failli sans tenir compte du rôle de conseiller que le syndic aura joué dans sa décision d'opter pour la faillite.
Considérant l'arbitraire de ce motif, l'absence de règles claires quant à la façon de déterminer à quel moment la proposition doit être choisie comme solution à la place de la faillite et l'absence de clarification du rôle du syndic quant à sa façon de conseiller une option plutôt qu'une autre, nous recommandons que le choix d'avoir opté pour une faillite plutôt que pour une proposition comme solution à l'endettement ne puisse constituer un motif d'opposition à la libération.
De plus, en cas de désaccord avec la recommandation de son syndic en ce qui concerne sa libération, le failli devra en aviser par écrit ce dernier, qui acheminera alors au séquestre une demande de médiation. Il devra donc s'adresser à la personne dont il conteste le rapport pour avoir droit à une médiation. On peut alors se questionner sur le pouvoir réel qu'aura le failli en cas de désaccord ou de conflit avec son syndic. Est-ce qu'il sera seulement avisé des démarches qu'il peut entreprendre dans ces cas-là?
Si le gouvernement persiste, malgré ces contradictions, à accroître le rôle et le pouvoir du syndic, nous recommandons que soit instauré un mécanisme qui permette au failli, en cas de litige avec son syndic, d'obtenir une médiation sans avoir à passer par l'intermédiaire de son syndic.
Les rôles accrus et souvent contradictoires accordés au syndic de même que les nouveaux motifs d'opposition, tels le respect par le failli de l'article 68 et le choix de la faillite plutôt que de la proposition, demandent, selon nous, que le surintendant ait davantage de pouvoirs quant à la surveillance de l'application de la loi.
Les modifications apportées à l'article 14.01 concernant les décisions relatives à la licence renforcent sensiblement les pouvoirs du surintendant en lui permettant d'intervenir auprès d'un syndic qu'une enquête aura trouvé coupable d'infraction à la présente loi, en suspendant ou annulant sa licence même si l'intérêt public n'est pas en cause.
De plus, les syndics sont maintenant soumis à un code de déontologie. Selon nous, ces mécanismes d'encadrement des syndics ne vont pas encore assez loin. Le fait que le monopole de l'administration d'une loi fédérale soit dévolu au secteur privé des syndics de faillite demande, selon nous, beaucoup de transparence vis-à-vis des contribuables quant à l'administration de cette loi, au traitement des problèmes rencontrés, aux infractions commises et à leurs conséquences sur les syndics. Présentement, ces mécanismes assurant la transparence n'existent pas et les problèmes y sont traités en vase clos.
Attendu ces considérations, nous recommandons la création d'un comité de surveillance de la pratique des syndics auquel siégerait un représentant de la population. Ce comité aurait, entre autres, à traiter des plaintes relatives à la pratique de certains syndics.
Pour ce qui est des dettes d'études, il peut paraître légitime pour le gouvernement, compte tenu de l'augmentation des pertes occasionnées par les faillites de débiteurs ayant des dettes d'études garanties par le gouvernement, de vouloir limiter l'accès à la faillite pour ce type de dettes. Cependant, même si le projet de loi rend ces sommes non libérables uniquement dans le cas de débiteurs qui font faillite durant les deux premières années suivant la fin de leurs études, nous nous demandons pourquoi on a choisi de cibler particulièrement cette clientèle.
Dans le communiqué émis par le gouvernement lors du dépôt du projet de loi, on laissait croire dans des mots à peine voilés que les étudiants planifieraient leur faillite pour se débarrasser de leurs dettes d'études.
Or, même si certains étudiants peuvent effectivement, comme tout autre contribuable, planifier une faillite, il ne faut pas nier que l'augmentation du nombre de faillites pour des dettes d'études relève davantage du contexte économique actuel, où la situation de l'emploi chez les jeunes est très précaire. Beaucoup de jeunes diplômés ont accumulé un montant considérable de dettes, entre 15 000$ et 25 000$ dans beaucoup de cas, et ne trouvent pas d'emploi, quand ils en trouvent, dont le salaire est assez élevé pour assurer le paiement de telles sommes.
Une enquête récente du ministère de l'Éducation du Québec révèle que 18 mois après avoir terminé leurs études, moins de 39 p. 100 des diplômés du baccalauréat ont trouvé un emploi permanent à temps plein relié à leur formation. Pour les autres, c'est le contrat, le «McJob» ou le travail à temps partiel. De plus, le gouvernement prend très rarement en considération la situation financière des étudiants quand vient le temps de fixer le versement mensuel à rencontrer, les acculant ainsi lui-même à la faillite.
Par ailleurs, présentement, dans la pratique, le ministère de l'Éducation s'oppose presque systématiquement aux libérations des faillis qui ont un prêt étudiant, et les situations d'abus sont donc ainsi suffisamment contrôlées. Enfin, est-ce plus condamnable de déclarer une faillite pour dettes d'études que de déclarer une faillite pour dettes d'impôts? Selon nous, il n'y a aucune raison de cibler davantage la clientèle étudiante sous prétexte d'abus. On pénalise ainsi ceux qui n'ont pas d'autres choix que de recourir à cette solution et, selon notre expérience, c'est rarement de gaieté de coeur qu'ils le font. Il n'y a pas beaucoup de jeunes diplômés qui ont le goût de commencer leur vie active par une faillite personnelle.
Donc, nous recommandons que les prêts étudiants soient des dettes libérables en faillite au même titre que les autres dettes au gouvernement.
Par ailleurs, il est vrai que le gouvernement perd beaucoup d'argent par le biais des faillites. Il n'est pas un créancier comme les autres. Il est plus souvent qu'autrement créancier malgré lui. Il n'a pas choisi de prêter avec un calcul des risques, comme le font les institutions de crédit et, en bout de ligne, c'est l'ensemble des contribuables qui y perd. En renonçant à son statut de créancier privilégié, il ne fait qu'accentuer ses pertes au profit des institutions financières.
Pour amoindrir l'impact des faillites pour l'ensemble des contribuables, nous recommandons que le gouvernement recouvre son statut de créancier privilégié.
Enfin, pour ce qui est de la révision de la loi, le législateur recommande que la loi telle que modifiée fasse l'objet d'une révision dans huit ans. Nous considérons que ce délai est trop long, compte tenu des modifications apportées. Nous recommandons qu'une période de cinq ans plutôt que huit soit prévue pour la révision de la Loi sur la faillite.
En terminant, nous tenons à souligner notre accord sur deux nouvelles mesures proposées dans le projet de loi, soit l'insaisissabilité des prestations de soutien de revenu tels les remboursements de TPS et la priorité donnée aux réclamations prouvables des créanciers alimentaires.
[Traduction]
Le vice-président (M. Lastewka): Merci infiniment. Nous vous remercions de votre mémoire et de la concision des recommandations que vous avez proposées.
Je donne d'abord la parole à M. Lebel.
[Français]
M. Lebel (Chambly): Bonjour, mesdames. Concernant votre recommandation au sujet de la consultation d'un conseiller budgétaire, je voudrais vous demander quelques éclaircissements. Quel genre de professionnel serait-il? Quelle formation aurait-il? Est-ce que vous avez quelque chose de concret à nous suggérer? Je présume que vous faites allusion à une espèce de spécialiste de la situation financière des couples ou des individus. Pourriez-vous m'éclairer là-dessus?
Mme Émond: Regardons la recommandation 1. On dit qu'actuellement, il existe des conseillers budgétaires dans des organismes, et on parle des ACEF au Québec et des Counselling Credit Services en Ontario. Donc, ce travail d'éducation, de prévention et d'intervention budgétaire existe. Si on veut vraiment réhabiliter les consommateurs, on doit encourager ces groupes à faire ce travail-là. Je vous ferai remarquer que l'on parle bien d'organismes à but non lucratif qui font ce travail.
M. Lebel: Je suis d'accord sur ce que vous dites, mais, ayant pratiqué un peu le droit au Québec, je pense que les personnes qui font faillite ne sont pas généralement des gens qui côtoient régulièrement les ACEF ou les groupes de soutien communautaire.
Je pense aux hommes d'affaires, par exemple, qui, à la suite d'une malchance financière... Suggéreriez-vous que dans tous ces cas-là, lors de la distribution des actifs, il y ait une somme attribuée à un organisme que le failli ou le proposant a consulté, ou si vous excluriez ces organismes-là?
Mme Blain: Dans la pratique, la loi actuelle permet au syndic d'aller chercher une portion de l'actif pour faire les deuxième et troisième consultations, qui sont des consultations de réhabilitation, une fois que la personne a fait faillite.
Selon nous, plutôt que de donner une partie de l'actif pour des débiteurs, ce qui n'est pas mauvais en soi, afin de leur donner les moyens de se réhabiliter, on mettrait cette partie de l'actif dans un fonds qui serait distribué à des organismes qui font de la consultation budgétaire et de la prévention de l'endettement. Ce serait un moyen d'encourager ces organismes-là et de leur permettre de rejoindre plus de monde et d'en faire plus.
Il ne s'agit pas nécessairement de rendre ce service obligatoire, mais de permettre qu'il soit disponible et adéquatement financé afin que les gens puissent consulter quelqu'un de plus neutre avant d'aller voir un syndic et de prendre l'argent à même la faillite pour permettre...
M. Lebel: Je vais vous interrompre, sinon je n'aurai pas le temps de vous poser d'autres questions.
À un moment donné, vous avez abordé l'histoire du syndic qui est en conflit d'intérêts. Je vous avoue que je ne suis pas loin de penser comme vous. Je l'ai dit lors des séances précédentes. Qu'est-ce qui vous fait croire, dans le contexte actuel, que le syndic est assez souvent en conflit d'intérêts? Est-ce le mode de nomination? Est-ce les impératifs juridiques qu'on lui impose de part et d'autre? Qu'est-ce qui vous porte à affirmer que le syndic peut être en conflit d'intérêts?
Mme Émond: D'administrateur de faillite qu'il était auparavant, le syndic devient aussi un administrateur de faillites, un administrateur de propositions de consommateurs et un conseiller budgétaire.
Il y a deux semaines, Le Journal de Montréal publiait deux pages pleines de publicité faite par les syndics. Cette publicité lançait une invitation: «Venez nous rencontrer si vous avez des problèmes. La faillite, c'est la dernière solution mais on peut vous aider et vous conseiller.» On commence à parler de conseillers budgétaires au lieu de parler de faillite.
Selon nous, le syndic n'est pas là pour donner une consultation budgétaire avec tout ce que cela comporte. Il faut bien s'entendre sur la définition d'une consultation budgétaire. Il faut regarder la situation d'endettement, la situation du budget de la famille qui est devant soi et le contexte social dans lequel elle se trouve. À ce moment-là, on peut voir s'il y a une possibilité de reprise en charge de la situation et s'il est possible d'éviter la faillite. Selon nous, le syndic ne peut jouer ce rôle-là.
M. Lebel: Donc, si je vous comprends bien, la confusion qui peut exister dans le mandat du syndic résulte en fait de la loi actuelle. Son mandat n'est pas clairement défini. Il agit à l'occasion pour le failli et à l'occasion pour les créanciers, parce qu'on dit que le syndic représente aussi la masse des créanciers. C'est là, selon vous, que son rôle devient ambigu, ce qui peut occasionner des conflits d'intérêts.
Mme Blain: On lui a donné un rôle pour lequel il n'a pas été formé. Il faut s'entendre: les syndics sont des hommes d'affaires qui administrent des faillites. Leur rôle n'est pas de faire de la consultation budgétaire. Comme le disait Monique, ils font leurs profits avec la faillite et les propositions de consommateurs. Quel intérêt auraient-ils à dire: «Toi, tu devrais négocier avec les créanciers et ne pas faire faillite»? Cela ne veut pas dire qu'ils ne sont pas honnêtes. Il y en a qui sont honnêtes et d'autres qui ne le sont pas, comme partout ailleurs, mais la loi les place dans une apparence de conflit d'intérêts.
M. Lebel: Une de vos recommandations me surprend. La Fédération recommande de rendre à la Couronne son statut de créancier privilégié. Quel intérêt avez-vous à recommander cela?
Mme Émond: On situe cela dans le contexte de la loi. Par exemple, au Québec, le ministère de l'Éducation conteste automatiquement toute faillite pour dettes d'études. On conteste chaque fois cette situation-là, et nous nous demandons quelle différence il y a entre faire faillite pour une dette d'études et faire faillite pour une dette d'impôt. Selon nous, si le gouvernement veut, dans ce cas-là, contrer les abus, qu'il redevienne un créancier privilégié. L'État n'a pas choisi son débiteur comme dans l'entreprise privée, où on peut décider de ne pas prêter à quelqu'un qu'on ne trouve pas solvable. L'État ne peut faire une chose comme celle-là. Il n'est pas une entreprise privée. L'État étant ce qu'il est - il représente l'ensemble des contribuables - , on s'est demandé pourquoi le gouvernement s'était départi de son statut de créancier privilégié.
[Traduction]
Le vice-président (M. Lastewka): Merci, monsieur Lebel.
Monsieur Mayfield.
M. Mayfield: Merci infiniment, monsieur Lastewka, et bonjour mesdames. Je voudrais tout d'abord vous remercier pour votre mémoire.
Je ne comprends pas très bien qui vous êtes ni qui vous représentez, et je voulais donc vous demander, tout à fait respectueusement, de me donner quelques renseignements généraux au sujet de votre organisme. Qui sont les groupes qui font partie de votre fédération et quelle est leur raison d'être? Pourriez-vous répondre à cette question, s'il vous plaît?
[Français]
Mme Émond: La Fédération des ACEF regroupe huit ACEF régionales. Par exemple, il y a l'ACEF qui couvre l'ensemble de la Mauricie, celle qui couvre la Gaspésie, celle de Montréal, etc. Donc, la Fédération regroupe des ACEF qui interviennent sur le plan régional. L'un de leur principaux services est la consultation budgétaire. Ce sont des organismes sans but lucratif, qui sont subventionnés en partie par l'État, ainsi que par des projets, des communautés religieuses, etc. Ce sont des organismes qui sont gérés par des conseils d'administration, dont les gens ont souvent utilisé les services.
Au Québec, les ACEF sont le plus vieux groupe communautaire qui existe. Cela fait 30 ans qu'elles existent. L'un de leurs objectifs est la reprise en charge.
[Traduction]
M. Mayfield: Merci pour cette explication. Merci infiniment.
Je voudrais vous poser une question précise concernant votre recommandation 5, qui se lit ainsi:
- Nous recommandons la création d'un comité de surveillance de la pratique des syndics auquel
siégerait un représentant de la population. Ce comité aurait, entre autres, à traiter les plaintes
relatives à la pratique de certains syndics.
- J'aimerais donc vous demander de qui ce comité devrait relever, d'après vous, et qui serait
chargé d'en nommer les membres?
Mme Émond: On n'est pas allés aussi loin. Dans un premier temps, c'est la Direction des faillites qui aurait à former ce comité. Qui ferait partie de ce comité? Probablement un représentant des créanciers, un représentant de syndics, donc des gens venant du milieu des créanciers, des syndics et de la Direction des faillites, mais aussi un représentant de la population, pour assurer une transparence. On a l'impression que tout se passe entre la Direction des faillites et les syndics et que les syndics, qui font partie de l'entreprise privée, ont le monopole de l'administration de la loi.
Il faut qu'il y ait de la transparence à ce niveau-là. Lorsqu'il y a des plaintes contre des syndics qui ne font bien pas leur travail, il faut que ce soit ouvert, public et plus transparent que ce ne l'est actuellement. Il faut qu'il y ait un genre de comité de surveillance et que la population, comme dans d'autres professions ou d'autres organismes, soit représentée à ce comité pour assurer une certaine transparence à ce niveau-là.
[Traduction]
M. Mayfield: J'avoue que je suis quelque peu réticent à recommander la création d'un autre comité. Ne pensez-vous pas que le Surintendant pourrait éventuellement remplir les fonctions que vous proposez pour ce nouveau comité?
[Français]
Mme Blain: Vous parlez d'un comité qui existerait actuellement, d'un comité qui serait déjà en place?
[Traduction]
M. Mayfield: Non, je parle du comité dont vous avez proposé la création: «Nous recommandons la création d'un comité...».
[Français]
Mme Blain: Vous dites que ce devrait être un comité qui existe actuellement? Je n'ai pas compris la question.
[Traduction]
M. Mayfield: Je suis désolé. Je disais que je suis quelque peu réticent à recommander la création d'un autre comité qui n'existe pas encore. Je vous demandais s'il ne serait pas possible, au lieu de créer un nouveau comité, de modifier les attributions du Surintendant pour qu'il remplisse les tâches que vous confieriez à ce nouveau comité.
[Français]
Mme Émond: Prenons l'exemple des huissiers de justice au Québec. Ils ont leur propre comité disciplinaire, lequel comptait - cela vient de changer - un représentant de la population.
Il s'agit d'un organisme complètement indépendant qui peut entendre les plaintes ayant trait aux huissiers de justice et s'en occuper. Idéalement, c'est ce genre de comité qui se pencherait sur les difficultés qu'on rencontre.
Je ne vois pas pourquoi le surintendant assumerait ce rôle alors qu'on pourrait très bien organiser un comité qui s'occuperait de ces problèmes avec une très grande transparence.
[Traduction]
M. Mayfield: Vous dites que ce comité comprendrait un représentant de la population. Comment ce dernier serait-il choisi? Qui serait chargé de le choisir? Serait-il rémunéré, et dans l'affirmative, par qui? N'allons-nous pas simplement ajouter une autre couche de bureaucratie à tout ce programme?
[Français]
Mme Blain: Il en existe beaucoup comme cela, en tout cas au Québec. Je ne sais pas ce qu'on trouve ailleurs au Canada. Au Québec, il existe beaucoup de comités de ce type, où le gouvernement, quand il veut faire appel à un représentant de la population, sollicite les groupes concernés par le problème, leur demande s'ils ont des noms à suggérer et choisit dans une banque de noms.
Certains membres de ces comités sont rémunérés, d'autres pas. Cela dépend du comité. On peut leur rembourser leurs frais de déplacements. Ce n'est pas nécessairement une rémunération. Ce n'est pas nécessairement un comité permanent qui siège à l'année.
Cela pourrait prendre différentes formes. Habituellement, on demande aux groupes concernés de suggérer des noms et c'est le gouvernement qui décide finalement. C'est une formule. Il peut y en avoir d'autres, mais je sais qu'au Québec, c'est souvent comme cela qu'on fonctionne pour nommer un représentant de la population. Cela se fait à la suite de suggestions de noms de la part des groupes concernés.
[Traduction]
Le vice-président (M. Lastewka): Merci, monsieur Mayfield.
M. Mayfield: Merci infiniment.
Le vice-président (M. Lastewka): Je voulais comprendre exactement de quoi vous parliez. Peut-être pourriez-vous faire une autre tentative lors du prochain tour.
Monsieur Shepherd, vous avez la parole.
M. Shepherd (Durham): Merci beaucoup pour votre exposé.
Dans votre première recommandation, vous envisagez de prélever une somme d'argent sur l'actif des faillis pour financer des organismes comme le vôtre. Cela ne représente-t-il pas une taxe imposée aux créanciers? D'une certaine manière, vous prenez de l'argent à l'actif d'un failli pour le donner à votre propre organisme. Cette solution constitue simplement une taxe directe à laquelle seraient soumis les créanciers qui ne parviennent pas à récupérer leurs créances.
[Français]
Mme Blain: Oui, cela pourrait être perçu comme cela, sauf qu'il ne faut pas oublier que les créanciers ont aussi une responsabilité dans l'augmentation de l'endettement et dans l'offre de crédit. Il y a de nouvelles formes de crédit. C'est assez facile d'obtenir du crédit aujourd'hui. Les critères sont assez larges et il existe une grande concurrence entre les institutions financières.
Il faut que les créanciers prennent leur part de responsabilité par rapport aux situations d'endettement. Ce pourcentage pourrait être une contribution des créanciers à la réhabilitation des personnes. L'endettement, ce n'est pas simplement un problème individuel. Tous les intervenants ont une responsabilité là-dedans.
[Traduction]
M. Shepherd: Oui, je comprends ce que vous faites et je suis d'accord avec vous, mais je me demande s'il ne serait pas préférable de financer votre organisme en ponctionnant les prêteurs, plutôt que ceux qui se trouvent... Je pense, par exemple, aux institutions financières qui ont les reins assez solides pour cela. Il est possible que votre concessionnaire automobile ou un autre commerce, à Chicoutimi, puisse absorber cette taxe, quelle qu'elle soit. Voilà comment je vois la chose.
Vous semblez, dans votre exposé, ne pas tenir en haute estime les syndics et la façon dont ils respectent leurs obligations. En d'autres termes, vous faites preuve de beaucoup de cynisme à l'égard de ce processus et estimez que les gens préfèrent généralement se déclarer en faillite plutôt qu'étudier la possibilité de renégocier leurs dettes.
Y a-t-il une autre façon de régler ce problème? Pourrait-on forcer le failli à assumer plus de responsabilité à l'égard de l'éventuelle renégociation de ses dettes?
[Français]
Mme Émond: En ce qui a trait au cynisme à l'égard des syndics, il faut dire que ces derniers ont un rôle à jouer. Ils ont une place aussi. Nous leur avons accordé une place. Comme Louise le disait, chacun mène sa barque; c'est une entreprise privée.
Ils ont à le faire, mais dans le domaine de la faillite, c'est beaucoup plus complexe. Plus tôt, Louise parlait de la question de l'endettement. On assiste à une prolifération du crédit, de toutes les sortes de crédit. Il y a quand même une certaine responsabilité qui ne relève pas simplement du syndic. Il y a aussi les institutions financières, etc.
Prendre une somme d'argent à même l'actif de la faillite pour encourager des groupes neutres qui ont pour objectif la réhabilitation financière des personnes serait un très bon investissement et contribuerait à contrer tout ce qui se passe actuellement dans le domaine du crédit. C'est comme partout ailleurs, et les compagnies de financement reprennent même maintenant du poil de la bête. Il y a un problème.
Ce serait un très bon investissement que d'encourager des groupes qui ne peuvent pas se développer à partir de l'actif même des faillites. On pourrait alors se doter d'un service complet dans tous les régions du Québec ou d'autres provinces, parce que ce ne sont pas tous les organismes qui ont les moyens financiers de jouer leur rôle.
À l'inverse, pourquoi est-ce que les créanciers, les syndics, la Direction des faillites et le gouvernement ne pourraient pas dire: «Nous sommes d'accord sur cet objectif. Investissons. C'est un bon investissement»?
Mme Blain: D'ailleurs, les créanciers y trouveraient leur compte parce qu'il y aurait moins de faillites si les gens passaient par un groupe qui les aide à faire une reprise en charge avant même d'envisager la faillite.
Nous pensons que les créanciers y trouveraient leur compte même s'ils perdaient un peu de l'actif de la faillite. Moins de gens feraient faillite.
[Traduction]
M. Shepherd: J'aimerais bien savoir comment vous obtenez votre financement maintenant. Comment ces organismes sont-ils financés? Vous dites qu'ils n'ont pas de vocation lucrative, mais ils ont bien un budget de fonctionnement quelconque. Comment sont-ils financés à l'heure actuelle?
[Français]
Mme Émond: Le ministère de l'Éducation nous finance pour une partie des cours sur le budget. Au Québec, l'Office de la protection du consommateur nous finance en partie pour l'aspect du travail en consommation. Il y a également Centraide, dans certaines régions du Québec, et le reste nous vient des communautés religieuses, etc. En gros, c'est cela.
[Traduction]
M. Shepherd: Je vois le rapport avec le secteur de l'enseignement. Est-ce que vous offrez des cours dans les cégeps ou des séances de gestion de crédit? Est-ce que vous dispensez ces services? J'essaie de penser à une stratégie de prévention, plutôt que...
[Français]
Mme Émond: Oui, nous donnons des cours. Par exemple, tous les ACEF, à partir de leur propre bureau, donnent des cours sur le budget qui s'adressent à l'ensemble de la population. Beaucoup d'ACEF rencontrent des jeunes du secondaire et des étudiants des cégeps et des universités pour faire de la prévention de l'endettement et expliquer le crédit à la consommation et son fonctionnement. Oui, on fait cela. On fait beaucoup d'éducation.
Nous avons des services directs pour les gens qui sont aux prises avec un endettement problématique. On l'appelle la consultation budgétaire. Le reste du travail d'une ACEF est constitué, entre autres, de travail de prévention de l'endettement et d'information.
[Traduction]
Le vice-président (M. Lastewka): Merci, monsieur Shepherd. La parole est à M. Lebel.
[Français]
M. Lebel: Je n'ai plus de questions.
[Traduction]
Le vice-président (M. Lastewka): Monsieur Mayfield, voulez-vous reformuler votre question?
M. Mayfield: Oui, en effet. J'aimerais essayer une autre fois.
Mesdames, je m'intéresse beaucoup à ce que vous faites. Je pense que vous estimez que le public a besoin d'éducation sur les dangers et les inconvénients du crédit, ainsi d'ailleurs que sur ses avantages. Mais je me demande comment il faudrait formuler un éventuel amendement au projet de loi pour incorporer vos suggestions.
Alors je me pose les questions que voici: Qui établirait ce comité? Qui nommerait ses membres? Devant qui ceux-ci seraient-ils responsables? Comment pourraient-ils être révoqués? Il faut que ces questions soient précisées pour que nous puissions expliciter le mandat de ce comité dans la loi. Je n'ai pas une vue très claire de la raison d'être de ce comité et de son fonctionnement, et je vous demandais de me renseigner à ce sujet.
[Français]
Mme Blain: Notre mémoire n'avait pas nécessairement pour but de libeller tous les amendements tels qu'ils doivent être rédigés dans une loi. Nous cherchions plutôt à donner des orientations quant aux objectifs de la Loi sur la faillite.
S'il devait y avoir un comité, il faudrait que la loi le prévoie et délimite son mandat.
Notre objectif en venant ici était surtout d'ouvrir une piste de ce côté-là. Ce n'était pas nécessairement d'indiquer la composition exacte d'un tel comité, sa date ou la rémunération de ses membres. Nous voulions simplement proposer cette ouverture qu'on ne retrouve nulle part dans la loi, les règlements ou les directives. On ne retrouve jamais ce type d'orientation, et nous sommes venues pour donner une piste à ce niveau-là. Bien sûr, ce n'est pas complet et il faut y travailler.
[Traduction]
M. Mayfield: Merci, monsieur le président.
Le vice-président (M. Lastewka): Je vais donner la parole à Mme Brown, et après je referai le tour.
Mme Brown (Oakville - Milton): Merci, monsieur le président.
Je voudrais tout d'abord vous remercier pour votre exposé. Vous êtes les premiers témoins à contester le statu quo que reflète cette loi et à proposer qu'on examine les causes de cette problématique et d'éventuelles solutions avant d'envisager la faillite. Donc je tiens à vous remercier de la créativité dont vous faites preuve dans vos suggestions. Je vous remercie également pour votre courage, car je me rends très bien compte que vous contestez une situation qui procure énormément de profits à certaines personnes.
Un de mes collègues a dit tout à l'heure que le fonds qui serait créé à partir d'une somme prélevée sur l'actif des faillis constituait une taxe qu'on imposerait aux créanciers. Mais n'est-il pas vrai que les honoraires des syndics sont prélevés sur l'actif du failli? Ai-je raison de penser que les honoraires des syndics, calculés en fonction du nombre d'heures de travail requises pour administrer une faillite, seraient bien supérieurs aux vôtres dans le cas d'une consultation budgétaire avec un failli potentiel? Est-ce que je me trompe?
[Français]
Mme Blain: Oui.
[Traduction]
Mme Brown: Pourriez-vous nous donner une idée du montant qu'il faudrait prélever sur l'actif des faillis pour financer vos activités - activités qui pourraient permettre à la personne en cause d'éviter la faillite et de rembourser au moins une partie des sommes dues aux créanciers - comparativement aux honoraires du syndic, si cette dernière faisait faillite et était libérée par la suite?
[Français]
Mme Blain: Actuellement, avec la nouvelle loi, le syndic doit faire une consultation ainsi que deux autres rencontres sur le budget. Il prend, à même l'actif, de 125$ à 175$ par cas de failli. Multiplions 175$ par le nombre de faillites personnelles ou commerciales et mettons le montant ainsi obtenu dans un fonds. Je pense que ce serait déjà un bon pas.
On a octroyé au syndic lors de l'adoption de la loi, il y a trois ou quatre ans, 175$ de plus à même l'actif de la faillite pour faire ces consultations-là. Si on prenait ces 175$ pour les mettre dans un fonds qui servirait à faire de la consultation préventive, avant même la faillite, ce serait déjà un bon pas.
Mme Émond: J'aimerais apporter une précision. Je sais que cela ne se pose pas dans toutes les provinces, mais je crois que cela se pose particulièrement au Québec.
On sait que, lorsqu'il y a un problème qui se déclare dans une société, il y a toujours un groupe de requins qui décide de prendre le marché. Actuellement, au Québec, on vit une situation assez extraordinaire, celle des redresseurs financiers. Ce sont des gens qui travaillent au niveau privé, souvent en lien direct avec un syndic, et qui demandent des prix astronomiques pour faire de la consultation budgétaire, mais les gens finissent toujours par faire faillite.
Si la Direction des faillites, entre autres, parce qu'il y a d'autres ministères qui doivent jouer ce rôle-là, n'encourage pas des groupes comme le nôtre, qui sont à but non lucratif, on va se faire complètement dépasser par les redresseurs financiers. Ils vont prendre le marché, mais pas nécessairement dans le sens des objectifs de la Loi sur la faillite, où on parle entre autres de la réhabilitation.
La réhabilitation n'intéresse pas ces gens-là. Ce qui est important pour eux, c'est d'avoir de l'argent à court terme et de se débarrasser des personnes. Qu'ils fassent faillite ou qu'ils fassent n'importe quoi, cela ne les intéresse pas. Quant à nous, ce ne sont pas les objectifs que nous visons. Si la Direction des faillites et les différents ministères ne nous encouragent pas, on risque nous-mêmes...
Je vais vous donner un exemple. Une ACEF en région dispose, pour couvrir l'ensemble de son territoire, d'à peu près 70 000$. La subvention de base n'est que d'environ 40 000$. Le reste, il faut aller le chercher à bout de bras pour rendre des services à la population. Voilà notre réalité financière.
Si on nous demande de couvrir l'ensemble du territoire, nous n'avons pas les moyens financiers pour le faire. Par la porte arrière, toutes sortes d'organismes ont décidé de prendre le marché et, quand les gens sont mal pris financièrement, ils sont prêts à payer n'importe quel prix pour se sortir du trou. Ces organismes ont beaucoup plus de moyens financiers, publicitaires, etc. pour rejoindre ces gens-là, et c'est cela qu'il faut régler. Au Québec, c'est un problème très important, que vous ne retrouvez pas ailleurs. Par exemple, en Ontario, les Counselling Credit Services ont vraiment envahi le marché.
Selon nous, l'État a un rôle à jouer. Il doit encourager ce type de travail.
[Traduction]
Mme Brown: Je pense que nous avons tous compris le danger que posent ces groupes ou ces individus qui arrivent tout d'un coup et trouvent le moyen de tirer profit du malheur des autres. Nous, députés, sommes déjà au courant de l'existence de conseillers en immigration qui se font payer des sommes faramineuses par des gens en pleine détresse, et je crois que la situation est tout à fait analogue en ce qui concerne la faillite.
À titre d'information, je vous ferais remarquer que la plupart des villes ontariennes disposent de services de conseillers en crédit. Ces derniers sont souvent dispensés par l'organisme d'orientation familiale, car les familles pensent souvent que des problèmes émotionnels ou des conflits entre différents membres de la famille sont à l'origine de leurs difficultés, alors qu'un travailleur social qui arrive pour analyser la situation découvre souvent que leur niveau d'endettement y est pour beaucoup. Par conséquent, on les aiguille sur un service de conseillers en crédit.
Mais étant donné les compressions budgétaires imposées par les administrations provinciales et municipales, et que les dons des particuliers à Centraide sont moins importants à l'heure actuelle, nous craignons que ces services finissent par disparaître. Dispenser des services horaires de consultation budgétaire coûte très peu, comparativement aux honoraires très élevés des syndics.
Le vice-président (M. Lastewka): Merci infiniment. La parole est à M. Lebel.
[Français]
M. Lebel: Je vais passer mon tour. On a bien répondu à mes questions.
Le vice-président (M. Lastewka): Monsieur Milliken.
M. Milliken (Kingston et les Îles): J'ai une question sur les prêts aux étudiants. Vous dites que l'exemption - je ne connais pas le mot en français - pour les étudiants ne doit pas être annulée comme le projet de loi le propose.
Les frais des étudiants augmentent partout chaque année dans les universités et collèges, même au Québec où il y a de grands transferts fédéraux, comme tout le monde sait...
M. Lebel: N'exagère pas.
M. Milliken: ...et aussi en Ontario. Après quatre ans d'université ou de collège, les emprunts d'un étudiant seraient de l'ordre de 30 000$. Quel avantage ont les étudiants à éviter la faillite, surtout ceux qui n'ont pas d'obligations d'épargne ou de propriétés, qui n'ont rien à déclarer sauf leurs emprunts? Quelles sont les possibilités pour un tel étudiant d'éviter la faillite?
Ne devons-nous pas envisager d'autres moyens pour garantir les droits des gouvernements qui ont prêté des sommes d'argent? Ne devons-nous pas modifier la loi pour empêcher qu'un étudiant qui a un emploi trouve un avantage à déclarer faillite?
Mme Blain: Prendre cet étudiant par le bout de la faillite, ce n'est pas le bon bout.
M. Milliken: Je suis d'accord, mais...
Mme Blain: Il y a un problème. Il faudrait peut-être revoir les modes de remboursement et que le gouvernement démontre plus de souplesse et tienne davantage compte de la situation de l'étudiant.
Je sais qu'il faut que cela soit remboursé en dix ans. Le gouvernement commence à modifier un petit peu ses règlements à ce niveau-là, mais l'étudiant avait dix ans pour rembourser.
Que vous ayez 15 000$, 20 000$, 25 000$ ou 30 000$ de dettes, vous aviez dix ans pour rembourser. Dix ans pour rembourser 30 000$, ce n'est pas long. Trente mille dollars, c'est pratiquement une hypothèque. Les gens qui commencent au salaire minimum, qui gagnent 1 000$ par mois ou même moins ne sont pas capables de faire des paiements de 300$ ou 400$ par mois pendant dix ans. Il devrait y avoir une certaine souplesse. C'est tout le problème de l'accès aux études.
C'est un gros problème et il s'accentue à cause des coûts des études universitaires et autres. Je ne pense pas qu'on puisse le régler en restreignant la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Avant cela, il faudrait peut-être commencer à analyser globalement le problème et trouver d'autres solutions. Je pense qu'il y a d'autres moyens. C'est un problème et on le voit de plus en plus. On reçoit de plus en plus d'étudiants qui sont incapables de payer leurs dettes. Ils ne veulent pas faire faillite.
Il y en a, je suis d'accord avec vous, qui vont tout faire pour éviter de payer de l'impôt. Ils ne paieront pas d'impôt pendant cinq, dix et quinze ans et ils vont faire faillite. Eux seront libérés. Il n'y aura pas de problème. C'est sûr qu'il y en a qui vont se libérer de cette façon-là, mais il y en a d'autres qui ne veulent pas faire faillite.
Il faut faire attention aussi de ne pas les pousser à faire faillite parce que dans les deux premières années, ils se sont trouvé un petit emploi, mais ne sont pas capables de commencer à rembourser.
Donc, il faut regarder le problème dans son ensemble et non pas appliquer tout de suite une solution qui n'est peut-être pas la bonne.
M. Milliken: C'est certainement un problème. J'ai peur pour un étudiant qui n'a rien et même pour un étudiant qui s'est trouvé un emploi afin d'obtenir son baccalauréat. Avec une grosse dette, il est plus facile de déclarer faillite.
Mais il y en a d'autres qui s'intéressent beaucoup à une telle suggestion et j'ai peur que le gouvernement ne perde beaucoup d'argent.
Mme Émond: En tout cas, on voit dans nos bureaux des gens qui veulent faire faillite à tout prix pour se débarrasser de leur dette. Ils veulent aller rencontrer directement un syndic. Ils ne viennent certainement pas rencontrer des associations comme la nôtre.
Par contre, on rencontre beaucoup de jeunes qui ont des dettes d'étude et peut-être d'autres dettes, mais qui souhaiteraient conclure une entente avec le gouvernement selon leur revenu.
Dans ces cas-là, on fait souvent face à des gens fermés qui n'acceptent pas de négociation, et c'est un problème. On demande aux fonctionnaires du ministère de l'Éducation de regarder le budget de ces gens-là. Selon leur budget, ils pourraient rembourser, par exemple, 150$ par mois. Mais les taux d'intérêts sont élevés. Dans un cas particulier, on a fait une demande à un niveau très haut du gouvernement pour qu'on retire les frais d'intérêts, parce que la personne était capable de payer le capital d'un seul coup. Ils n'ont jamais accepté.
Que veulent-ils? Que cette personne se rende jusqu'à la faillite? Il s'agissait d'une femme qui vivait de l'aide sociale, entre autres, mais elle pouvait remettre une somme quelconque en remboursement du capital. Il faudrait une certaine souplesse de la part du ministère. Il faudrait qu'il tienne compte de la réalité de la personne au moment où elle veut négocier.
Mme Blain: Je ne sais pas si les choses se passent comme cela ailleurs, mais au Québec, le ministère de l'Éducation s'oppose, et souvent il a de bonnes raisons, à la libération d'une personne et cette personne doit quand même rembourser la moitié de son prêt. Ces gens ne sont pas libérés et cela évite des abus. Nous croyons que cela fonctionne bien.
Quand le juge se rend compte qu'il s'agit d'une situation vraiment désespérée, la personne ne sera pas trouvée coupable et sera libérée complètement. Dans d'autres cas, lorsqu'on se rend compte qu'il s'agissait d'une faillite facile ou que la personne n'a jamais essayé de prendre des arrangements et n'a jamais remboursé quoi que ce soit, la personne devra payer la moitié ou les trois quarts de son prêt. Elle ne sera pas libérés par la faillite. On dit aux gens, avant même qu'ils ne déclarent faillite, qu'ils risquent de devoir payer une partie de leur prêt étudiant même s'ils font faillite.
C'est déjà un bon moyen dissuasif, et on s'en rend compte dans notre pratique. On ne voit pas pourquoi il faudrait en ajouter à ce moment-ci.
M. Milliken: Je ne sais pas si la même politique s'applique dans les autres provinces, mais je dois dire, en ce qui a trait au premier point que vous avez soulevé, que je reçois les mêmes demandes à mon bureau. Souvent, les étudiants contractent des dettes et demandent de l'aide des ministères, surtout du gouvernement fédéral, pour annuler l'intérêt, etc.
Je vous remercie de vos suggestions.
Le vice-président (M. Lastewka): Monsieur Lebel.
M. Lebel: L'article 104 du projet de loi remplace l'alinéa 177a) de la loi actuelle. Cela concerne les contrats de mariage, les donations faites par contrat de mariage. Une disposition particulière avait trait aux donations stipulées dans un contrat de mariage fait avant le mariage. L'alinéa 177a), qui a trait aux transactions réputées frauduleuses, est modifié par le nouveau projet de loi. On modifie les dispositions ayant trait aux biens en fiducie. On enlève cela.
Le projet de loi dit, entre autres:
a) en cas d'une disposition faite avant le mariage et en considération du mariage, lorsque le disposant ne peut, au moment de la disposition, solder ses dettes sans les biens visés par celle-ci;
Cela me semble empiéter sur le droit provincial. Je suis un peu surpris que vous n'ayez pas abordé cette question. Aviez-vous vu cela?
Mme Émond: Cela ne m'avait pas frappée.
Mme Blain: Moi non plus.
M. Lebel: Donc, vous ne pouvez pas m'éclairer là-dessus?
Mme Blain: Non.
M. Lebel: Je vous remercie.
Mme Émond: C'est une bonne question et nous allons la poser.
[Traduction]
Le vice-président (M. Lastewka): Y a-t-il d'autres questions? Sinon, je voudrais remercier nos témoins de nous avoir fait part de leur point de vue et d'avoir fourni de si bonnes réponses à nos questions.
La séance est levée jusqu'au mercredi 25 septembre à 15 h 30. Merci beaucoup.