Passer au contenu
TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 5 mars 1997

.1528

[Traduction]

Le président: Mesdames et messieurs, le comité commencera à l'heure, probablement dans une ou deux minutes. Veuillez prendre place. Merci.

Nous nous réunissons en conformité de l'article 108(2) du Règlement pour examiner l'article 14 de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets (Chapitre 2, Lois du Canada, 1993). Le comité poursuit ses audiences à ce sujet.

Je souhaite la bienvenue aux témoins, qui représentent l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques.

Brenda Drinkwalter, je vous souhaite la bienvenue. Je vais vous laisser coordonner la présentation de votre groupe et nous présenter les gens qui vous accompagnent. Comme la séance est télévisée, madame Drinkwalter, je vous demanderais de ne pas aller trop vite. Quand vous demanderez à l'un des membres de votre délégation de prendre la parole, comptez jusqu'à deux et donnez aux caméras la chance de cadrer la personne qui parle.

.1530

La séance est censée durer de 15 h 30 à 17 heures. Vous représentez un élément important dans ce débat. Nous voulons vous donner amplement de temps pour répondre à nos questions, mais nous vous demanderions de passer le plus rapidement possible sur la première partie de votre présentation, afin de laisser du temps pour les questions. Vous savez, pour avoir assister à la comparution d'autres témoins, que les membres du comité posent beaucoup de questions et qu'ils s'intéressent énormément à votre point de vue.

Là-dessus, je vous cède la parole.

Mme Brenda Drinkwalter (présidente, Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.

Au nom de l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques, je vous remercie de nous donner l'occasion de prendre la parole devant le comité dans le cadre de l'examen parlementaire du projet de loi C-91. Le résultat de cet examen aura d'importantes conséquences à long terme pour les Canadiens et pour notre régime de soins de santé, et aussi pour l'essor des petites et moyennes entreprises qui constituent le secteur pharmaceutique national du Canada.

Comme M. Walker l'a dit, je m'appelle Brenda Drinkwalter. Je suis présidente de l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques et je suis accompagnée aujourd'hui de plusieurs membres importants de l'industrie: M. Leslie Dan est président et chef de la direction de Novopharm; M. Joseph Kerba est vice-président de Novopharm Québec; M. Jim Keon est vice-président à la recherche et aux affaires internationales de l'ACFPP, et je tiens à dire au comité que M. Keon a une longue expérience dans le domaine du commerce et de la propriété intellectuelle, pour avoir passé 17 ans dans l'administration fédérale, où il a notamment participé aux négociations de l'ALENA et de l'OMC; et enfin, M. Barry Sherman est président, chef de la direction et fondateur d'Apotex, l'une des grandes compagnies de médicaments génériques au Canada.

Le président: Je m'excuse à l'avance auprès des témoins. Il y a un débat sur le RCP, et j'assume également des responsabilités dans ce dossier, de sorte que Walt Lastewka me remplacera peut-être avant la fin de la séance. Je n'en suis pas certain, mais le cas échéant, je vous en explique tout de suite la raison.

Veuillez poursuivre. Je m'excuse de vous avoir interrompue.

Mme Drinkwalter: Je vous en prie.

Je voudrais dire aux membres du comité qu'à la fin de notre présentation, vous recevrez des copies de notre mémoire en anglais et en français.

Je poursuis donc. Aujourd'hui, nous vous donnerons un aperçu de notre industrie et des répercussions du projet de loi C-91 en ce qui a trait aux coûts que doivent assumer les Canadiens. Nous vous ferons nos recommandations en vue de changements visant à rééquilibrer la Loi sur les brevets de manière à ce qu'elle représente mieux les intérêts des consommateurs canadiens, des gouvernements, des tierces parties qui contribuent à payer la note, de l'industrie nationale des médicaments génériques et des compagnies multinationales de médicaments, qui sont de propriété étrangère.

Le régime de soins de santé du Canada, qui tient tellement à coeur aux Canadiens, contribue à nous définir en tant que Canadiens, et les médicaments jouent un rôle de plus en plus important dans les soins de santé. Le Forum national sur la santé a recommandé récemment que le Canada garantisse l'accès aux médicaments à tous les Canadiens par l'entremise d'un programme national d'assurance-médicaments. Pour que ce soit faisable, les médicaments doivent être abordables.

L'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques représente un élément important de l'industrie nationale des produits pharmaceutiques du Canada, ce groupe d'entreprises novatrices qui se spécialisent dans la production de médicaments génériques abordables de grande qualité, de produits chimiques sains et de nouvelles entités chimiques, y compris des médicaments issus de la biotechnologie. Ces compagnies sont, pour l'essentiel, de propriété canadienne et emploient aujourd'hui près de 4 000 personnes d'un bout à l'autre du pays. La naissance de grandes compagnies membres de l'ACFPP comme Apotex, Novopharm, Technilab, Pharmascience, Genpharm et Pro-Doc, a été favorisée par la législation et notre croissance continue dépend de l'existence d'une législation équitable et équilibrée.

Aujourd'hui, notre secteur a une présence importante sur le marché des médicaments génériques, mais nos principales compagnies se lancent aussi dans la mise au point de produits novateurs, en faisant des investissements importants dans la recherche et le développement. Notre secteur investit énormément dans la biotechnologie, accroissant notre capacité de recherche et d'innovation dans le secteur biopharmaceutique. Grâce à des compagnies comme Apotex Fermentation, Cangene Corporation et Novopharm Biotech, nous renforçons nos assises afin de pouvoir nous transformer en compagnies pharmaceutiques pleinement intégrées.

Nous croyons fermement que les compagnies qui sont représentées par l'association, pourvu qu'elles bénéficient d'un encadrement approprié en fait de politiques, continueront de créer des emplois, d'investir dans la recherche et le développement et d'exporter davantage. En même temps, nous continuerons de jouer un rôle important dans notre système de soins de santé en fournissant aux Canadiens des médicaments abordables, ce qui aidera à contenir la flambée du coût des médicaments.

.1535

Pour ce faire, il faut toutefois établir un meilleur équilibre dans la politique canadienne en matière de médicaments brevetés. Cet équilibre doit refléter les intérêts de toutes les parties en cause: les Canadiens qui payent les médicaments, les compagnies de propriété canadienne et les compagnies multinationales étrangères.

Comment réaliser cet équilibre? Pour atteindre cet objectif, nous croyons qu'il faut agir dans de nombreux dossiers.

Ces dossiers sont les suivants: le droit de tous les Canadiens d'avoir accès à des médicaments abordables; une politique des brevets qui respecte les besoins et les intérêts des Canadiens et qui est fondée sur des considérations qui tiennent compte du régime de soins de santé du Canada et des besoins économiques et industriels de notre pays; la reconnaissance de la contribution de l'industrie des génériques à l'économie canadienne et à notre système de soins de santé, et l'établissement de politiques qui encouragent la croissance de ce secteur et l'aide à opérer la transition entre la fabrication de génériques et l'innovation; des garanties d'investissement soutenues dans la recherche fondamentale et le développement, ce qui favorisera la propriété intellectuelle canadienne et aidera le Canada à devenir plus compétitif dans son marché intérieur et à l'étranger; l'élimination de la réglementation bureaucratique inutile qui bloque injustement l'entrée sur notre marché de produits qui permettraient de réaliser des économies; le droit de toutes les compagnies canadiennes d'exporter à l'étranger, dans des pays où les brevets peuvent être déjà expirés, fournissant ainsi à nos compagnies le droit de diriger leur entreprise et de créer des emplois ici même au Canada et non pas à l'étranger; enfin, une durée adéquate de protection des brevets et du monopole qui en découle tenant compte à la fois du temps qu'il faut aux compagnies de médicaments de marque pour réaliser un rendement raisonnable sur leur investissement et du besoin de faire en sorte que les Canadiens puissent se procurer des médicaments bon marché.

Telles sont à notre avis les grandes questions sur lesquelles le comité doit se pencher. Nous aborderons chacune d'elles de façon détaillée, en énonçant notre position et les solutions que nous proposons pour établir une situation équitable et équilibrée.

Nous insistons d'abord sur un point: l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques et les compagnies qui en sont membres comprennent que les brevets ont une utilité et, par conséquent, nous ne sommes pas contre l'existence des brevets. Ce à quoi nous nous opposons, c'est ce qui nous semble constituer un abus du système de brevets et une protection des brevets qui ne convient plus à notre avis, compte tenu de l'évolution actuelle des soins de santé.

Le système canadien de licences obligatoires qui a été éliminé par le projet de loi C-91 aidait à atteindre cet objectif. C'était une méthode efficace permettant de contenir la hausse du coût des médicaments en permettant l'arrivée sur le marché de médicaments génériques bon marché après que les compagnies de médicaments de marque eussent bénéficié d'une période d'exclusivité raisonnable. En même temps, c'était un outil stratégique permettant de favoriser la croissance et l'essor du secteur pharmaceutique canadien. C'est grâce à ce mécanisme que le secteur des médicaments génériques a pu prospérer pour atteindre sa situation actuelle.

Le Canada s'est inspiré du modèle du Royaume-Uni quand il a établi le régime des licences obligatoires en 1923, permettant ainsi la fabrication au Canada de médicaments et de produits chimiques fins. Cette loi ne permettait toutefois pas l'importation des ingrédients actifs. Cette contrainte, de même que l'absence de capacité de fabrication au Canada, signifiait que les dispositions de licences obligatoires étaient rarement invoquées et que les brevetés pharmaceutiques jouissaient en fait de véritables monopoles.

Dans les années 60, la hausse du prix des médicaments a suscité des inquiétudes et c'est ainsi qu'on a modifié la loi et qu'en 1969, les dispositions sur les licences obligatoires ont été appliquées aux importations. Dorénavant, les fabricants étaient autorisés à importer les ingrédients actifs nécessaires pour fabriquer un médicament. Dans le cadre de ce régime, les fabricants de médicaments génériques payaient des redevances aux inventeurs des médicaments pour compenser le coût de la R-D. Cela a donné naissance au secteur canadien des produits pharmaceutiques génériques qui a prospéré, faisant ainsi baisser le coût des médicaments en laissant jouer la libre concurrence.

Au cours des décennies suivantes, le secteur est devenu de plus en plus sophistiqué, ce qui lui a permis de mettre ses produits en marché plus rapidement, stabilisant ainsi le prix des médicaments au Canada, mais suscitant aussi des pressions croissantes de la part des multinationales étrangères qui se sont mises à réclamer que l'on modifie ou que l'on abroge les dispositions sur les licences obligatoires. C'est ainsi que l'on a apporté des restrictions en 1987, par le projet de loi C-22, et que l'on a finalement éliminé complètement les licences obligatoires par le projet de loi C-91 en 1993. La balance penchait désormais en faveur des compagnies étrangères de médicaments de marque, au détriment des acheteurs de médicaments et des fabricants canadiens des médicaments génériques.

Nous croyons que le présent examen constitue l'occasion de remédier en partie à l'iniquité et au déséquilibre du projet de loi C-91. Si aucun changement n'est fait, le Canada risque de subir une hausse sans précédent du coût des médicaments et un déclin de son secteur national. Il faut agir dès maintenant afin qu'on ne se retrouve dans dix ou quinze ans dans la même situation où nous étions dans les années 60, c'est-à-dire avec des médicaments très coûteux et un secteur national faible. Nous risquons d'annuler le dernier quart de siècle d'essor industriel dans notre secteur et nous mettons en péril la viabilité future de notre régime de soins de santé. Aujourd'hui, nous présenterons la preuve que le projet de loi C-91 a des répercussions sur le coût des médicaments dans notre système de soins de santé.

.1540

Pour remédier au déséquilibre de l'actuel système de brevets, nous croyons que le gouvernement doit prendre les mesures suivantes: abroger les règlements sur les médicaments brevetés ou les avis de conformité pris aux termes du paragraphe 55.2 (4) de la Loi sur les brevets; éliminer les restrictions sur les exportations qui empêchent les fabricants canadiens de médicaments d'exporter des produits qui sont encore protégés par un brevet au Canada vers des pays où le brevet est expiré; conserver les actuelles dispositions Bolar ainsi que le droit des fabricants de génériques de faire de la R-D et de se préparer à affronter le marché avant l'expiration d'un brevet, afin de respecter les exigences réglementaires; supprimer la rétroactivité inéquitable du projet de loi C-91...

[Français]

M. Ménard (Hochelaga - Maisonneuve): Pourrait-on demander au témoin de parler plus lentement? Elle ne veut pas qu'on ait son mémoire, si je comprends bien, cela pour maintenir le suspense. Si on veut profiter d'un échange de qualité, il faut qu'il y ait un peu moins de passion et plus de... On veut prendre des notes afin de pouvoir poser les bonnes questions.

[Traduction]

Le président: En dépit de votre stratégie, c'est justement l'une des raisons pour lesquelles nous demandons aux témoins de distribuer leurs mémoires à l'avance.

Mme Drinkwalter: Nous voudrions supprimer la rétroactivité inéquitable du projet de loi C-91 et rétablir les licences obligatoires que les fabricants de médicaments génériques auraient dû recevoir avant l'adoption du projet de loi C-91 en février 1993. Nous envisageons de réduire la période de monopole sur le marché grâce au retour au régime des licences obligatoires et nous devrions refuser d'introduire des prolongations de brevets, qui ne feraient qu'accroître la protection des brevets et les coûts associés au projet de loi C-91.

Nous voudrions faire en sorte que les brevets biopharmaceutiques qui n'ont pas encore été accordés soient d'une durée de 20 ans à partir du dépôt de la demande. Nous voudrions que l'on donne instruction au Bureau canadien de la propriété intellectuelle d'éviter d'accorder des brevets de blocage qui font obstacle à l'essor de notre secteur canadien de biotechnologie.

Nous réclamons aussi que l'on modifie le Règlement sur les aliments et drogues et la Loi sur les marques de commerce de manière à exiger que les médicaments génériques soient semblables, par la taille, la forme et la couleur, aux médicaments de marque dont ils sont l'équivalent.

Nous voudrions que l'on renforce les pouvoirs du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés afin de mieux contrôler le prix des médicaments brevetés et d'appliquer des critères plus rigoureux pour obtenir des engagements de la part des compagnies de médicaments de marque.

Et maintenant, à l'intention de M. Ménard...

[Français]

M. Joseph Kerba (vice-président, Exploitation, Novopharm Québec; Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques): Nous examinerons brièvement la nature de l'industrie des médicaments génériques au Canada et la croissance à laquelle elle est promise. Comme nous l'avons dit en commençant, l'industrie a pris une telle expansion au cours des dernières années qu'elle emploie aujourd'hui plus de 5 000 Canadiens et Canadiennes, dont 4 000 dans les sociétés membres de l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques. Le nombre d'employés en recherche et développement a augmenté régulièrement, passant de 14 p. 100 de l'emploi total en 1990 à 23,5 p. 100 en 1995.

Les emplois et les investissements de notre industrie nationale ont augmenté, alors que l'industrie des produits de marque d'appartenance étrangère a, quant à elle, diminué malgré la protection supplémentaire que lui a accordée le projet de loi C-91. L'industrie pharmaceutique mondiale procède à des réductions d'effectifs depuis 1993 et ses activités canadiennes ne sont pas épargnées par cette tendance. La distribution régionale des emplois dans l'industrie des génériques ressemble à celle de l'industrie des produits de marque.

Nous sommes particulièrement fiers de la croissance de l'industrie canadienne au Québec, où nous comptons maintenant près de 2 000 employés. Des sociétés de taille comme Technilab, Pharmascience et Pro-Doc y ont leur siège social. Apotex et Novopharm y mènent aussi des activités, dont une usine de fabrication de Novopharm à Montréal.

Au cours des dernières années, l'industrie a également étendu ses activités au Manitoba, à Winnipeg. Winnipeg est devenu un centre d'activités biopharmaceutiques d'Apotex par le biais de ses filiales Cangene Corporation et Apotex Fermentation, et Novopharm, avec Novobiotech, y poursuit des activités en biotechnologie. En Colombie-Britannique, les activités sont centralisées à la filiale de Novopharm, Stanley Pharmaceuticals, l'un des chefs de file canadiens de la fabrication des produits pharmaceutiques de vente libre.

L'industrie canadienne a la ferme volonté de multiplier encore plus ses activités au pays et d'investir ses profits au Canada. Nos dépenses totales en recherche et développement, en 1995, ont dépassé 128 millions de dollars et le ratio ventes et recherche et développement s'est établi à 16,3 p. 100 pour cette même année. Ce ratio représente une importante augmentation des dépenses si l'on considère qu'en 1990, nous avions consacré 24 millions de dollars à la recherche et au développement. Nos investissements ont augmenté et ils auraient été encore plus considérables s'il n'y avait pas eu le projet de loi C-91.

.1545

L'industrie prend de l'ampleur et utilise ses bénéfices de production de médicaments génériques pour s'orienter vers la découverte de médicaments innovateurs. Apotex et Novopharm font partie des 50 entreprises qui consacrent le plus d'argent à la recherche et au développement au Canada.

Nous avons joint à notre mémoire un rapport récent de l'économiste de la santé James Heller. Le rapport, intitulé Positionnement du secteur biopharmaceutique canadien pour le prochain millénaire, met à jour les recherches approfondies de M. Heller sur les questions de propriété intellectuelle et de compétitivité en biotechnologie effectuées pour le gouvernement fédéral en 1995.

Plusieurs des recommandations du rapport portent sur des questions pertinentes pour l'examen du projet de loi C-91 et appuient les positions adoptées par l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques. Citons notamment l'abrogation du règlement sur les médicaments brevetés, l'avis de conformité et l'adoption d'une exception en faveur des exportations.

L'industrie canadienne se tourne de plus en plus vers les marchés internationaux. Au cours des dernières années, plusieurs fabricants de médicaments génériques ont intensifié le volet exportation et commerce international de leurs entreprises, cela malgré les restrictions à l'exportation contenues dans le projet de loi C-91 qui nous empêchent d'exporter des produits encore brevetés au Canada, mais qui ne le sont plus dans les pays de destination. À notre avis, des industries à base de connaissances et perfectionnées sur le plan scientifique comme la nôtre représentent le meilleur avenir pour le Canada et sont essentielles à la compétitivité de notre pays sur les marchés mondiaux. Le projet de loi C-91 entrave gravement notre capacité de concurrencer efficacement.

Nous possédons au Canada une industrie indépendante à l'esprit d'entrepreneurship qui se sert de ses profits pour faire de la recherche, créer des emplois et reconnaître que notre système de santé a besoin de médicaments à prix abordable.

Si l'industrie canadienne était renforcée, le Canada profiterait des avantages à long terme de la recherche et atteindrait un degré d'indépendance sur le plan technologique qui ne se concrétisera jamais, à notre avis, avec les multinationales pharmaceutiques.

Les entreprises étrangères prennent des décisions en matière d'investissements et d'emplois qui sont fondées sur des priorités conformes à la portée multinationale de leurs activités. Les filiales canadiennes des multinationales étrangères sont là pour augmenter le bénéfice net des sociétés mères et non pour favoriser encore plus la recherche au Canada. Elles sont motivées par des intérêts internationaux et la volonté de maximiser les profits partout dans le monde. Le Canada demeure un marché à exploiter, pas un centre de découvertes.

La Commission Eastman en est venue à la conclusion qu'il est peu probable que le Canada ne devienne jamais un important centre de recherches interne pour les multinationales étrangères. Adapter la loi pour essayer de les inciter à faire de la recherche et du développement au Canada ne résout pas le problème fondamental de l'édification à long terme d'une industrie de calibre mondial.

[Traduction]

Mme Drinkwalter: Nous voudrions maintenant aborder les conséquences du projet de loi C-91 sur les coûts en examinant le coût des médicaments en général, le rôle que les médicaments génériques jouent pour ce qui est de limiter la hausse des coûts et enfin les répercussions de divers aspects particuliers du projet de loi C-91 en matière de coûts, le tout dans le contexte de la conjoncture canadienne actuelle en matière de soins de santé.

Comme on l'a entendu hier, aujourd'hui, les médicaments constituent l'élément le plus inflationniste des coûts des soins de santé et viennent au troisième rang, en chiffres absolus, pour les dépenses de santé, après les honoraires de médecins et le coût des hôpitaux. Dans son rapport intitulé «orientations pour une politique pharmaceutique au Canada», le Forum national sur la santé signale qu'entre 1975 et 1994, les dépenses canadiennes consacrées aux médicaments sont passées de 1,1 à 9,2 milliards de dollars. Les dépenses par habitant, compte tenu de l'inflation, ont plus que doublé, passant de 108 $ à 232 $. Les dépenses consacrées aux médicaments ont augmenté plus vite que tout autre grande catégorie de dépenses pour la santé. C'est ainsi que la part des médicaments dans les dépenses totales consacrées à la santé est passée de 8,7 p. 100 à 12,7 p. 100.

.1550

Dans son rapport, le forum signale que le projet de loi C-91 sera une cause importante de l'inflation du coût des médicaments et reconnaît que l'élimination des licences obligatoires a supprimé l'une des méthodes qui permettait de contrôler efficacement le coût des médicaments que les Canadiens peuvent se procurer. En moyenne, les médicaments génériques coûtent de 40 à 60 p. 100 de moins que leurs équivalents de marque. Les Canadiens ont économisé plus de 800 millions de dollars par année en achetant des médicaments génériques, mais ce chiffre pourrait et devrait être beaucoup plus élevé.

Nous savons, pour avoir consulté des organisations de personnes âgées, des groupes de consommateurs, des assureurs qui paient des médicaments, des groupes syndicaux et beaucoup d'organisations de citoyens de la base, que les Canadiens se préoccupent au plus haut point du prix des médicaments. Et au cours des années qui se sont écoulées depuis l'adoption du projet de loi C-91, les provinces, d'un bout à l'autre du pays, ont réformé leurs programmes d'assurance-médicaments pour composer avec la hausse du prix des médicaments.

En juillet 1996, l'Ontario a introduit un nouveau système de paiements conjoints pour les personnes âgées et d'autres personnes visées par le programme d'assurance-médicaments de l'Ontario, dont les bénéficiaires doivent payer une partie de la note.

À partir de janvier 1997, les personnes âgées et les prestataires de l'aide sociale du Québec doivent maintenant payer une franchise de base plus 25 p. 100 du coût des médicaments, en plus des cotisations annuelles.

En Nouvelle-Écosse, les personnes âgées doivent payer des cotisations au régime gouvernemental d'assurance-médicaments, peu importe qu'elles achètent ou non des médicaments.

En Saskatchewan, province natale de l'assurance-maladie, l'augmentation des coûts a obligé le gouvernement provincial à exiger des bénéficiaires de l'assurance-médicaments qu'ils payent la première tranche des dépenses familiales en médicaments, jusqu'à concurrence de 850 $ par six mois, soit 1 700 $ par année.

En Colombie-Britannique, le gouvernement a introduit un barème de prix dans le cadre duquel il précise la liste des seuls médicaments qu'il paiera. La Colombie-Britannique a établi un lien de causalité entre ce régime et la nécessité d'économiser de l'argent en prévision des coûts plus élevés résultant du projet de loi C-91.

En même temps, les employeurs partout à travers le Canada s'efforcent de composer avec la hausse du coût des avantages sociaux. Les avantages sociaux accordés aux employés sont une charge importante pour les entreprises et influent grandement sur leur rentabilité, limitant leur capacité de croissance et de création d'emplois.

Le gouvernement a fait part de ses intentions de donner suite aux recommandations du Forum national de la santé quant à l'instauration d'un programme national d'assurance-médicaments. Il y a lieu de se poser la question: comment payerons-nous pour un tel régime, compte tenu des hausses de coûts auxquelles nous pouvons nous attendre si le projet de loi C-91 n'est pas modifié?

À la fin de 1996, l'association a demandé aux services de recherche sur la politique de santé de l'Université Queen's de Kingston de faire une recherche approfondie sur les répercussions du projet de loi C-91 en matière de coûts. Il ressort de cette étude que les Canadiens économiseraient entre 4,1 milliards et 9,4 milliards de dollars au cours des vingt prochaines années si les monopoles pharmaceutiques étaient limités à des périodes comparables à celles qui étaient en vigueur avant l'adoption du projet de loi C-91.

Il importe de signaler que les constatations des chercheurs de Queen's sont comparables aux travaux antérieurs du Dr Stephen Schondelmeyer, expert de réputation internationale dans le domaine pharmacoéconomique. L'étude exhaustive de M. Schondelmeyer sur l'incidence du projet de loi C-91 sur les coûts, publiée en 1992, prévoyait que le coût total de cette mesure législative se situerait entre 4 et 7 milliards de dollars. Nous vous signalons avec insistance que ces deux études indépendantes aboutissent à un coût supplémentaire minimum de 4 milliards de dollars.

La propre étude menée par Santé Canada aboutit à des constatations de même ordre quant à l'augmentation du coût des soins de santé attribuable au projet de loi C-91. Des documents obtenus grâce à la Loi sur l'accès à l'information portent sur les conséquences en matière de coûts de deux des caractéristiques les plus contraignantes du projet de loi C-91: la rétroactivité et les avis de conformité.

D'après ces études, l'élimination rétroactive des licences obligatoires décrétée par le projet de loi C-91 coûtera une somme additionnelle de 198,4 millions de dollars au régime de soins de santé du Canada, se traduira par des pertes de ventes de 552,5 millions de dollars pour le secteur des médicaments génériques et des gains de 750,9 millions de dollars pour les compagnies de médicaments de marque.

Santé Canada déclare que la réglementation sur l'avis de conformité coûtera aux contribuables canadiens 131,5 millions de dollars entre 1993 et 1999. Le ministère indique également qu'à cause de ce règlement, le secteur des médicaments génériques encourt une perte de 475,5 millions de dollars en ventes perdues, ce qui se traduit par des ventes supplémentaires de 603,3 millions de dollars pour le secteur des médicaments de marque.

.1555

Permettez-moi de faire à votre intention le total des projections du gouvernement. La rétroactivité et l'avis de conformité coûteront à eux seuls aux Canadiens 330 millions de dollars en six ans à peine, feront perdre des ventes d'environ un milliard de dollars aux fabricants canadiens de médicaments génériques et permettront aux sociétés pharmaceutiques multinationales appartenant à des étrangers d'empocher des ventes supplémentaires de 1,35 milliard de dollars. Si l'on y ajoute les pertes prévues après l'an 2000, le chiffre sera beaucoup plus élevé.

Il importe de signaler que la plus grande partie des augmentations de coût prévues par ces études ne se feront vraiment sentir qu'après le début du prochain siècle. C'est seulement à ce moment-là que l'absence de médicaments génériques faisant concurrence aux nouveaux médicaments lancés sur le marché aujourd'hui se fera sentir.

Quelles mesures faut-il prendre pour rétablir l'équilibre? Nous voudrions maintenant consacrer les dernières minutes de notre présentation à un exposé de nos positions sur les questions clés qui sont abordées dans le cadre de cet examen et à énoncer nos recommandations de changement en vue d'atteindre les objectifs dont nous avons parlé aujourd'hui.

Premièrement, le règlement pris aux termes du paragraphe 55.2(4) de la Loi sur les brevets au sujet de l'avis de conformité des médicaments brevetés est peut-être le meilleur exemple des abus auxquels le système donne lieu actuellement. Ce règlement permet de retarder de 30 mois et même davantage l'approbation des autorités fédérales d'un produit générique après remise de l'avis de conformité. Une compagnie de médicaments de marque n'a qu'à prétendre qu'il y a eu violation du brevet pour obtenir ce qui est l'équivalent d'une injonction automatique sans même avoir à se présenter en cour. Aucune autre loi au Canada ne se traduit par cette espèce d'injonction automatique sans qu'il y ait la moindre audience.

À ce jour, il y a eu plus d'une centaine de cas faisant obstacle à l'entrée en marché de produits génériques. Des compagnies de médicaments de marque ont saisi toutes les occasions qui s'offraient à elles pour faire obstacle à l'approbation des produits génériques au moyen de ce règlement, qui donne aux compagnies de marque un avantage démesuré et sans précédent.

Dans un jugement récent, la Cour d'appel fédérale a dit:

Un document de politique rédigé par la Direction générale des médicaments du gouvernement fédéral et obtenu au titre de la Loi sur l'accès à l'information, reconnaît que ce règlement donne lieu à des abus par l'industrie des médicaments de marque et ne fonctionne pas de la façon prévue à l'origine dans le projet de loi C-91.

Ce règlement fait perdre des économies au régime de soins de santé du Canada et des ventes aux compagnies de médicaments génériques. Il faut l'abroger dans la foulée des recommandations du comité d'examen.

À la fin de mon exposé, compte tenu des observations faites hier, notamment par la Direction générale des médicaments, je vais donner à M. Sherman la possibilité de dire au comité exactement comment ce règlement fonctionne en pratique.

Les dispositions du projet de loi C-91 sur l'exportation restreignent la capacité de l'industrie canadienne de concurrence activement sur les marchés étrangers. On interdit aux fabricants canadiens de produire pour l'exportation des produits qui sont brevetés au Canada, même si le produit en question n'est plus protégé par un brevet dans le pays où on compte le vendre.

Par exemple, beaucoup de brevets sont accordés pour des médicaments aux États-Unis avant qu'ils ne soient accordés au Canada. Ils expirent donc aux États-Unis en premier. Aux termes des règles actuelles, nous sommes forcés d'installer des usines aux États-Unis pour vendre dans ce pays des médicaments qui sont encore brevetés ici. C'est ainsi que nous exportons des emplois, et non pas des produits, au moment même où le déficit commercial du Canada dans le secteur de produits pharmaceutiques atteint maintenant plus de 1,6 milliards de dollars et continue de grossir à un rythme inquiétant.

Ces contraintes limitent également les possibilités d'affaires pour les compagnies canadiennes qui veulent exporter des médicaments dans les pays du Tiers monde, où ces médicaments ne sont pas protégés par un brevet et où l'on a grandement besoin de médicaments bon marché. L'association croit que les contraintes qui pèsent sur les exportations à cause du projet de loi C-91 doivent être supprimées en prévoyant une exception pour les exportations.

Le projet de loi C-91 comprend des dispositions que l'on appelle les dispositions Bolar et qui permettent de faire des travaux de R-D avant l'expiration d'un brevet, en même temps que l'on fait une demande d'approbation réglementaire. Cela permet aussi de fabriquer et de stocker un médicament afin que les compagnies de médicaments génériques puissent être prêtes à expédier leurs produits dès l'expiration du brevet.

Il faut conserver ces dispositions, car si on les supprimait, cela voudrait dire qu'une compagnie de médicaments génériques ne pourrait pas amorcer le processus d'approbation réglementaire avant l'expiration d'un brevet, ce qui reviendrait à prolonger de cinq à sept ans le monopole de la compagnie de marque à l'égard de ce produit, ce qui aurait pour résultat d'augmenter grandement le coût de notre régime de soins de santé, d'exclure du Canada les activités de recherche et de rendre nos entreprises non compétitives sur les marchés internationaux.

.1600

Quand le projet de loi C-91 est entré en vigueur en février 1993, il était rétroactif au 21 décembre 1991, abolissant ainsi toutes les licences obligatoires qui avaient été accordées pendant cette période. Comme on l'a dit tout à l'heure, Santé Canada estime que cela entraînera une dépense supplémentaire pouvant atteindre 198 millions de dollars pour le système de soins de santé du Canada entre 1993 et 1999. Cette disposition était manifestement punitive à l'égard de l'industrie des médicaments génériques, qui avait consenti d'importants investissements dans les 36 licences qui ont été abrogées sans compensation et dans les dizaines d'autres licences à l'égard desquelles une demande avait été présentée avant l'adoption du projet de loi C-91.

Tout changement rétroactif est incompatible avec les principes de droit coutumier établis de longue date, parce qu'il est inéquitable de changer la loi sur laquelle des gens se sont fondés pour prendre des décisions d'affaires. Les traités TRIPS et ALENA sont ambigus quant aux dates auxquelles les licences obligatoires doivent être éliminées et l'Association a obtenu un avis juridique selon lequel le gouvernement n'était pas tenu d'agir rétroactivement. En fait, l'ACFPP croit que les licences obligatoires sont autorisées au titre des exceptions générales prévues dans les deux traités TRIPS et ALENA. Toutefois, si le gouvernement fédéral croit qu'il fallait abolir les licences obligatoires, la date d'entrée en vigueur de cette mesure aurait dû coïncider avec celle du C-91. Par conséquent, nous croyons qu'il faut rétablir le droit de commercialiser ces 36 produits qui ont fait l'objet d'une abolition rétroactive de la licence.

Le projet de loi C-91 a éliminé les licences obligatoires et a garantit l'exclusivité aux titulaires de brevet de produits pharmaceutiques tout au long des 20 années du brevet. Aux termes du projet de loi C-22, la durée du brevet était également de 20 ans, mais les compagnies de médicaments génériques pouvaient mettre des produits en marché dans le cadre d'une licence obligatoire après sept ou dix ans, après l'entrée en marché du médicament de marque. L'industrie des médicaments de marque soutient qu'aux termes du C-91, les produits de marque bénéficient en réalité d'une période d'exclusivité de 10 ans. Cette période varie d'un produit à l'autre, selon le temps qu'il faut pour le mettre au point et pour obtenir l'approbation.

Aux États-Unis, la durée moyenne du monopole est d'environ 11,7 ans, d'après Gérald Mossignhoff, ancien président de PhRMA, association qui représente l'industrie des médicaments de marque des États-Unis. Au Canada, les chercheurs en santé de l'Université Queen's ont trouvé que la durée moyenne du brevet est plus longue que les 10 années mentionnées par l'industrie des médicaments de marque. Leur analyse permet de constater que la durée réelle des brevets au Canada est de 12 à 14 ans, à cause de la pratique surnommée en anglais «evergreening», qui consiste à demander des brevets multiples pour de nouvelles formulations, de nouveaux usages ou de nouvelles formes cristallines. Il en résulte que les périodes d'exclusivité au Canada sont déjà aussi longues que celles qui existent dans d'autres pays. C'est pourquoi il devrait être impensable d'accorder la moindre prolongation du brevet.

L'AFCPP a également présenté dans son mémoire des avis juridiques qui montrent que le Canada a la possibilité de revenir à un système de licences obligatoires. À cet égard, il faudrait donner au Conseil d'examen des prix des médicaments brevetés le pouvoir d'accorder des licences obligatoires quand il juge que les prix sont excessifs.

Un nombre croissant de poursuites judiciaires mettent en cause la taille, la forme et la couleur des médicaments génériques. Cette affaire est liée à de nombreuses questions soulevées par les dispositions du C-91 sur les brevets, puisqu'il s'agit de la même préoccupation relative au marché: après l'expiration du brevet, comment peut-on garantir que les produits génériques moins chers seront vraiment compétitifs sur le marché?

Le fait de mettre en marché des versions génériques qui ressemblent aux médicaments de marque dont elles sont l'équivalent par la taille, la forme et la couleur est une pratique établie de longue date au Canada. Cela contribue à réduire la confusion parmi ceux qui prennent souvent plusieurs pilules à la fois, plusieurs fois par jour. Il y a un appui généralisé parmi les patients canadiens et les intervenants dans les soins de santé au Canada en faveur d'une modification législative qui officialiserait cette pratique qui consiste à mettre en marché des produits génériques qui ressemblent par la taille, la forme et la couleur aux médicaments de marque dont elles sont l'équivalent. Nous exhortons le comité à recommander que le gouvernement prenne des mesures en ce sens.

L'industrie biopharmaceutique canadienne vacille. Depuis 1987, en vertu du projet de loi C-22, tout produit biopharmaceutique inventé au Canada bénéficie pendant 20 ans de la protection d'un brevet, sans possibilité de licence obligatoire. Le projet de loi C-91 n'a pas changé la situation pour ces produits.

Peu de brevets biopharmaceutiques ont été délivrés au Canada, malgré le grand nombre de demandes en ce sens. Par conséquent, les brevets délivrés pour les demandes déposées en vertu de l'ancien système bénéficient d'une protection accrue, souvent de plus de 20 ans. Ce sont les retards à l'Office canadien des brevets qui sont le plus souvent à l'origine de ce problème. À notre avis, la Loi sur les brevets devrait être modifiée pour que toutes les demandes qui n'ont pas abouti à un brevet biopharmaceutique bénéficient d'une période de protection de 20 ans à partir du moment du dépôt.

.1605

Un autre problème est le recours à des brevets de blocage, ce qui étouffe l'innovation et le développement dans le secteur biopharmaceutique canadien. La plupart de ces brevets sont détenus par des étrangers et se définissent par le fait qu'ils comprennent des prétentions touchant un grand nombre de produits et de procédés de biotechnologie. Le recours aux brevets de blocage fait dorénavant partie intégrante de la stratégie mondiale en matière de brevets dans l'industrie pharmaceutique internationale. Il faut limiter cet usage. Selon nous, l'Institut canadien de la propriété intellectuelle devrait cesser de délivrer des brevets de ce genre.

Avant qu'on commence l'examen actuel et au début des témoignages, on a beaucoup parlé des obligations du Canada en matière de commerce international. L'ACFPP reconnaît que toute modification du droit canadien en matière de propriété intellectuelle doit respecter les accords que nous avons signés. Nous sommes toutefois d'avis que ces textes permettent une certaine souplesse, comme le montrent les avis juridiques provenant de certains grands avocats commerciaux du pays. Pour changer le projet de loi C-91, il faut donc que le Parlement fasse preuve de volonté politique. En conclusion, je rappelle que le Forum national sur la santé a signalé que le coût croissant des médicaments sur ordonnance compromet gravement l'universalité de notre système de santé et reconnaît que le projet de loi C-91 a contribué à cette majoration, sans guère apporter davantage aux citoyens.

Selon le forum, les médicaments sont nécessaires à la santé et ne doivent pas être traités comme une marchandise courante, comme les chaussures, des navires ou de la cire à cacheter. Et il va à l'encontre de nos grands objectifs de le faire. Les décisions gouvernementales doivent défendre ce qui sert le mieux l'intérêt public.

Pour l'ACFPP, sa déclaration montre bien que les brevets de médicaments peuvent être traités différemment des autres produits de consommation si l'on veut garantir l'accès en temps opportun à des médicaments abordables. La réforme des brevets de médicaments doit se faire si on veut atteindre les grands objectifs de santé du pays.

L'industrie canadienne des médicaments génériques est un cas évident de réussite. Nous avons créé des milliers d'emplois et investissons des sommes considérables dans l'avenir du pays. De même, nous jouons un rôle important dans la lutte contre la hausse des coûts de santé puisque nous offrons des médicaments abordables de qualité à l'ensemble de la population. Nous entendons poursuivre nos efforts en ce sens, ce qui nous sera possible si les bonnes décisions sont prises. Mesdames et messieurs, notre industrie ne deviendra un intervenant énergique sur la scène mondiale que si vous le voulez.

Le projet de loi C-91 menace l'avenir de cette industrie et la viabilité future de notre système de santé. La concurrence des médicaments génériques, qui fait baisser le prix des médicaments, se trouve amoindrie en raison de la durée de la protection accordée aux produits de marque. De plus, ni le projet de loi C-91 ni son prédécesseur, le projet de loi C-22, n'ont fait émerger l'industrie pharmaceutique entièrement intégrée.

Il faut que le Canada élabore une politique industrielle pour les compagnies pharmaceutiques qui reconnaissent à quel point il est important pour un pays de disposer de compagnies pharmaceutiques fortes appartenant à des intérêts canadiens. Nous exhortons donc les membres du Comité de l'industrie à apporter au projet de loi C-91 des changements qui établiront un équilibre plus judicieux entre les intérêts de l'industrie canadienne et ceux du système de santé.

Je vais maintenant demander à Barry Sherman de consacrer cinq ou dix minutes...

Le vice-président (M. Lastewka): Monsieur Sherman, avant de commencer - je vais mesurer mes mots - la pire chose que vous puissiez faire en comité, c'est de laisser des questions en suspens. Vous parlez depuis maintenant 45 minutes alors qu'habituellement les témoins s'en tiennent à 20 ou 30 minutes.

À vous de décider. Employez le temps qui vous est accordé comme vous voulez. Je vous dis seulement que, partir sans répondre à nos questions, c'est la pire chose que vous puissiez faire en comité.

M. Barry Sherman (président et chef de la direction, Apotex Inc., Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques): Merci, monsieur le président. Je vais essayer d'être bref, mais la question du Règlement sur les médicaments brevetés est pour nous la question cruciale. Il est très important que nous vous fassions part de la situation et que nous vous disions pourquoi il est essentiel pour notre avenir que ce règlement soit abrogé.

Vous devriez avoir entre les mains un document intitulé Patented Medicines Regulations. J'imagine qu'il vous a été remis. Je vais le suivre. C'est assez court. Ça vous donnera une idée générale de la situation ainsi que certains exemples.

Tout d'abord, qu'est-ce-que le Règlement sur les médicaments brevetés? C'est la réglementation autorisée par l'article 55.2 du projet de loi C-91 et promulguée en mars 1993, peu après l'adoption du projet de loi.

Ce règlement autorise essentiellement le détenteur de brevet à bloquer l'approbation d'un médicament générique uniquement en alléguant qu'il y aura contrefaçon de brevet, que l'allégation soit fondée ou pas. Pour invoquer le Règlement, il suffit au détenteur de présenter au ministre de la Santé...

[Français]

M. Ménard: C'est très difficile pour les interprètes parce qu'ils n'ont pas reçu une copie du document. Tout le monde doit travailler dans de bonnes conditions.

.1610

[Traduction]

Le vice-président (M. Lastewka): Merci, monsieur Ménard.

M. Sherman: Avez-vous le texte?

Pour invoquer le Règlement, il suffit au détenteur de présenter au ministre de la Santé une liste de brevets que l'on dit avoir un lien avec le produit. Pour obtenir l'approbation réglementaire, le fabricant de produits génériques devra maintenant déclarer auprès du détenteur de brevet que les brevets ne sont pas valides ou qu'il n'y aura pas contrefaçon. Le détenteur peut ensuite intenter une action en cour fédérale qui aboutira de facto à une injonction contre l'approbation générique de 30 mois ou plus, jusqu'à ce que l'affaire soit entendue, même s'il n'y a aucune indication de contrefaçon.

Certains allèguent que ce règlement est nécessaire. L'ACIM affirme que le règlement est nécessaire pour empêcher la contrefaçon. Il est certain que le règlement empêche toute possibilité de contrefaçon puisqu'il empêche la vente de médicaments génériques. Le problème, c'est que le règlement empêche cette vente sans tenir compte du fait qu'il y a ou non contrefaçon.

Avant que le pouvoir d'adopter des règlements soit ajouté au projet de loi C-91, le ministre de la Consommation et des Affaires commerciales, M. Pierre Blais, avait envoyé une lettre dans laquelle il rejetait l'idée de publier un règlement. Si vous voulez bien vous reporter à la quatrième page avant la fin, j'aimerais le citer.

Il s'agit d'une lettre du ministre adressée à Burroughs Wellcome.

Voilà l'avis du ministre de la Consommation et des Affaires commerciales. La lettre a été écrite en 1992. Peu après, malgré cette position et sans explications, on a créé le pouvoir de prendre des règlements. Le règlement a ensuite été pris sans que les parties lésées puissent faire valoir leurs vues.

La question clé est la suivante: les recours ordinaires suffisent-ils? Oui. En l'absence de règlements, comme dans tout autre domaine commercial, le détenteur qui se croit lésé peut intenter une action et si la contrefaçon est prouvée, il obtiendra une injonction, des dommages et intérêts et les dépens. De plus, si le défendeur n'a pas de moyen de défense, le demandeur peut obtenir une réparation quasi immédiate au moyen d'une demande d'injonction interlocutoire et/ou de jugement sommaire.

Il devrait être évident que le producteur de médicaments génériques ne peut pas tirer profit d'une contrefaçon. S'il est jugé coupable, il subira toutes les conséquences suivantes: premièrement, il sera frappé d'injonction; deuxièmement, il devra verser ses bénéfices ou rembourser les pertes du breveté, au choix de ce dernier; troisièmement, il devra faire détruire tous ses stocks restants, au prix de pertes supplémentaires et, quatrièmement, il devra acquitter ses propres frais juridiques et ceux du breveté.

S'il y a contrefaçon, le breveté se retrouve au bout du compte dans la situation où il était à l'origine et est intégralement indemnisé, tandis que l'auteur du délit se retrouve avec des pertes considérables. Il n'est donc pas juste de dire que l'absence de règlements aboutira rapidement à des contrefaçons. Ce n'est pas ce qui est arrivé dans cette industrie ni dans d'autres, pas plus que dans d'autres pays. Ni le bon sens ni les faits ne montrent que ce serait le cas ici.

Qui plus est, rien ne justifie l'application d'un règlement comme celui-là uniquement aux compagnies pharmaceutiques. Il est paradoxal de voir que le projet de loi C-91 est censé être nécessaire parce que les accords du GATT et de l'ALENA interdisent la discrimination dans les secteurs technologiques. Or, le règlement établit précisément une discrimination comme celle-là à l'inverse. Si le gouvernement et l'ACIM trouvaient à redire aux licences obligatoires parce qu'elles ne s'appliquent qu'à un certain secteur technologique, pourquoi ne formulent-ils pas le même reproche à l'endroit du règlement? Il va à l'encontre de l'ALENA et du GATT.

Vu les recours qui existent, il est déraisonnable de dire que le règlement est nécessaire. De fait, c'est parce qu'il n'est pas nécessaire que les brevetés le veulent. Je veux dire par là que le règlement permet aux brevetés de tenir les fabricants génériques à l'écart du marché même s'il n'y a pas contrefaçon, ce qui permet aux brevetés de s'enrichir de façon colossale et injuste aux dépens des compagnies génériques et du système de santé. Et c'est précisément à cette fin que les brevetés recourent abusivement et systématiquement au règlement.

.1615

À la troisième page, nous précisons cet abus systématique. Premièrement, on énumère des brevets non pertinents. Deuxièmement, des demandes d'ordonnance d'interdiction sont faites automatiquement même lorsque les brevetés savent que l'allégation de contrefaçon n'est pas justifiée. Troisièmement, les recours sont systématiquement reportés pour s'assurer qu'ils traînent le plus possible, qu'il s'agisse de 30 mois, de quatre ans ou de cinq ans. Ils laissent traîner les choses le plus longtemps possible. Quatrièmement, des brevets supplémentaires sont ajoutés par la suite à la liste, ce qui crée des injonctions permanentes et force les fabricants de produits génériques à recommencer, de sorte que le cycle des 30 mois se répète indéfiniment.

En ce qui concerne les brevets non pertinents, j'aimerais faire certaines observations. Le ministre de la Santé a demandé une vérification de la liste des brevets. L'OPIC l'a fait en 1995. La vérification a révélé que sur 722 brevets sur la liste, 169 au moins n'auraient pas dû y figurer, soit parce qu'ils contenaient des prétentions uniquement sur des procédés soit parce qu'ils n'avaient absolument rien à voir avec des médicaments. La liste comprenait notamment des brevets pour un rangement de disques compacts, une bicyclette, une grue mobile, et la lentille d'un tube cathodique. Dans tous les cas, on alléguait qu'il s'agissait de brevets pour médicaments.

De plus, on compte beaucoup d'autres cas de brevets cités à tort. Par exemple, les tribunaux ont statué que les brevets pour les produits intermédiaires n'ont pas le droit d'être cités, et pourtant ils le sont souvent. Beaucoup d'autres brevets, même s'ils sont reliés à certains médicaments, figurent sur la liste en rapport avec des médicaments avec lesquels ils n'ont rien à voir.

Le ministre de la Santé a tenté de prendre des mesures pour faire disparaître les brevets non pertinents, mais Merck Frosst et Glaxo ont intenté une action contre le ministre lui contestant le pouvoir de faire disparaître les brevets non pertinents.

Non seulement les brevetés citent des brevets non pertinents, mais ils s'emploient à empêcher qu'on les fasse disparaître de manière à continuer à faire obstacle à la concurrence, même s'il s'agit de brevets dont la pertinence est nulle.

L'autre forme d'abus du règlement est le recours frivole qu'on y fait. Presque chaque fois que nous présentons une demande pour un nouveau médicament générique, nous faisons l'objet d'une action intentée en vertu du règlement, même si dans la plupart des cas, voire tous, il n'y a aucun fondement. Dans un instant, je vais vous donner trois exemples particulièrement scandaleux.

Ensuite, il y a les délais de procédure. Ils prennent la période permise maximum à chaque étape. Par exemple, comme le règlement prévoit 45 jours pour le dépôt d'une demande, ils la présentent systématiquement le 45e jour.

Nous faisons diverses observations là-dessus ici, mais disons seulement qu'ils emploient des tactiques dilatoires à chaque étape pour faire en sorte que l'affaire ne soit jamais entendue ou pour que le processus s'éternise le plus longtemps possible. Pourquoi s'en priveraient-ils? C'est ce qu'ils font.

Quatrièmement, il y a les brevets successifs. Le règlement prévoit que, s'ils obtiennent un nouveau brevet, ils peuvent l'ajouter à la liste. À ce moment-là, la période de 30 mois recommence à zéro, même si elle est déjà bien avancée. C'est arrivé souvent et cela va sans doute se poursuivre.

J'aimerais vous donner trois exemples précis qui vous montreront, je pense, les vexations que l'on nous fait subir.

Reportez-vous à la troisième page avant la fin, où il est question de lovastatine. Ce sont tous des exemples qui viennent d'Apotex, qui ont évidemment été choisis parce que je suis président de la compagnie, mais ils montrent bien ce qui se passe. Le cas de la lovastatine est sans doute le plus bizarre.

La lovastatine est un médicament anti-cholestérol fabriqué à l'aide de microbes, par un procédé de fermentation. Pour fabriquer ce produit, Apotex a investi beaucoup en R-D et dans ses laboratoires de Winnipeg, il y a 10 ans de cela environ. Au total, les investissements frisent les 100 millions de dollars. Pourtant, nous n'avons pas vendu un seul dollar de produits encore. Oui, Merck possède bien un brevet qui protège la lovastatine, mais pas le médicament lui-même. Il ne s'applique qu'à la production à l'aide d'un microbe précis, l'aspergillus terreus. Le procédé d'Apotex est tout à fait différent, et emploie un organisme qui n'appartient même pas au même genre, et il est certain qu'il ne constitue pas une contrefaçon du brevet de Merck.

.1620

Dès l'adoption du Règlement sur les médicaments brevetés, Apotex a communiqué à Merck un avis d'allégation de non-contrefaçon. Même si Merck savait de façon indubitable que notre procédé ne constituait pas une contrefaçon, la compagnie a demandé une ordonnance d'interdiction le 1er juin 1993, pour la seule raison que cela nous empêchait de lui faire concurrence. Quarante-cinq mois se sont écoulés depuis et la demande de Merck n'a toujours pas été réglée.

Ce qui est bizarre, c'est que Merck ne soutient pas que notre procédé constitue une contrefaçon mais que nous devrions être disqualifiés sous prétexte que notre allégation était prématurée parce que nous n'étions pas prêts à produire du matériel qui n'était pas une contrefaçon lorsque nous avons fait notre déclaration en 1993. Essentiellement, la compagnie affirme qu'il nous faut bâtir l'usine et perfectionner le procédé et ce n'est qu'à ce moment-là que le processus pourra être enclenché et qu'il nous faudra attendre 30 mois à partir de ce moment-là, même si notre précédé ne contrevient à rien.

Il y a deux semaines, la Cour d'appel a jugé que la période de 30 mois avait été prolongée illégalement, ce qui, en théorie, nous permettait d'obtenir un avis de conformité pour notre lovastatine. Mais Merck a maintenant demandé un sursis à la Cour suprême et essaiera par tous les moyens de faire traîner pendant des années la question de savoir si les 30 mois se sont écoulés il y a un an. Tenus à l'écart du marché mois après mois et année après année, nous avons intenté des poursuites pour déterminer si les 30 mois sont expirés ou non.

Une autre demande a été portée devant les tribunaux à propos de la lovastatine. Apotex a déposé un deuxième avis d'allégation concernant un autre produit en provenance de Hongrie. Nous avions un fournisseur de relève dont les produits ne constituaient pas non plus une contrefaçon. Par la suite, Apotex a retiré l'allégation pour cette lovastatine. Nous ne voulons pas vendre de produits hongrois; nous voulons seulement vendre le produit de Winnipeg.

Merck allègue que nous n'avons pas le droit de retirer notre avis d'allégation. Elle affirme que nous devons aller devant les tribunaux. Nous ne pouvons pas obtenir un avis de conformité tant que le tribunal n'a pas statué et si le jugement est contre nous, si le produit hongrois contrevient au brevet, nous ne pourrons pas obtenir d'avis de conformité du tout pour le produit et nous ne pouvons pas vendre le produit de Winnipeg qui n'est pas une contrefaçon.

Nous étions au tribunal dans cette affaire la semaine dernière et on m'a dit que le juge, son honneur Rothstein, a demandé à l'avocat de Merck: «Êtes-vous en train de me dire que si Apotex a six fournisseurs, dont cinq sont légaux et l'un ne l'est pas, Apotex ne peut vendre aucun des cinq produits légaux parce qu'il y en a un qui ne l'est pas? Vous me dites que c'est sensé?» La réponse des avocats de Merck a été la suivante: «Eh bien, je ne peux pas vous dire que c'est sensé, mais c'est ce que dit le règlement.» Ce n'est pas ce que dit le règlement.

C'est ce qu'ils disent uniquement si vous les interprétez de façon absurde pour permettre à Merck d'arriver à ses fins. L'objet du règlement n'était que d'empêcher la contrefaçon. Pendant des années, Merck nous a écartés du marché par son recours au règlement et par ses positions juridiques absurdes, même s'il était et s'il est toujours incontestable que notre procédé n'est pas une contrefaçon.

Pendant les quatre années que cela a duré, Apotex a dû débourser à Winnipeg près de 10 millions de dollars par année sans la moindre recette. De plus, le brevet pour le procédé de Merck arrivera en expiration en 1999 et on aura alors accès à des importations peu coûteuses. Apotex a investi pendant six ans pour vendre de la lovastatine légale et les deux ans ou moins qui restent ne suffiront pas à récupérer notre mise, ce qui nous causera une énorme perte. Ce produit à lui seul a rapporté 100 millions de dollars de recettes supplémentaires à Merck au dépend d'Apotex et du système de santé, et a réduit à néant la valeur de nos investissements.

J'ai ici d'autres exemples qui sont tout aussi scandaleux. Je ne les énumérerai pas mais j'ai quelques observations à faire à propos des conséquences, si vous voulez bien vous reporter à la page numéro 5.

Apotex et d'autres compagnies génériques canadiennes ont été bâties sur la base du régime des licences obligatoires. Le fait d'avoir accès aux licences leur a donné l'accès nécessaire au marché pour bâtir une industrie. La disparition de ce régime, y compris l'annulation rétroactive d'un grand nombre de licences, a causé beaucoup de tort puisque cela a fermé l'accès au marché même lorsque des investissements avaient déjà été consentis. Le caractère inique du règlement ne fait qu'ajouter au préjudice.

Apotex est particulièrement touché parce que la compagnie a conservé un programme vigoureux de développement dans l'espoir que ce règlement injuste serait abrogé après les élections de 1993.

.1625

Plus de 100 demandes d'ordonnances d'interdiction ont été déposées, la moitié d'entre elles environ contre Apotex. Apotex attend donc l'approbation de la DGPS pour une cinquantaine de produits dans lesquels elle a investi des centaines de millions de dollars en installations de production et de recherche depuis 10 ans.

La quasi-totalité des nouveaux produits majeurs dans lesquels Apotex a investi sont maintenant en suspend à cause du règlement même s'il n'y a aucun lieu de croire qu'Apotex contrevient à un brevet valable non expiré dans l'un ou l'autre de ces cas.

Pour Apotex, les ramifications sont les suivantes. Premièrement, nous avons dû nous défendre contre 50 actions pour des millions de dollars par année, sans recettes pour acquitter nos factures d'avocat. De plus, si nous gagnons, le règlement ne permet pas de récupérer nos dépenses juridiques. Deuxièmement, il a fallu financer des centaines de millions de dollars d'investissements sans recettes pour payer les coûts. Troisièmement, la valeur de ces investissements décroît avec le temps parce que lorsque nous toucherons au but, le marché ne sera plus suffisant pour justifier nos investissements, surtout en ce qui concerne la lovastatine.

Avant l'adoption du projet de loi C-91 et de son règlement, Apotex était une compagnie rentable en pleine croissance. Nous n'avons tiré aucun profit du pays et réinvesti tous nos bénéfices dans l'édification d'une industrie canadienne intégrée à 100 p. 100.

Aujourd'hui, parce qu'il nous est impossible de lancer les nouveaux produits dans lesquels nous avons investi et qu'il est moins possible de nous servir des produits plus anciens, Apotex voit ses ventes baisser et connaît des pertes mensuelles considérables. De plus, par leur abus systématique du règlement, les brevetés ont bien fait comprendre qu'ils feront tout pour empêcher de tirer profit des investissements dans les produits génériques, même en l'absence de brevets non expirés pertinents.

Par conséquent, tant que le règlement ne sera pas abrogé, Apotex et d'autres compagnies sont dans l'impossibilité d'investir davantage dans l'industrie canadienne. Forcément, il y aura beaucoup moins d'investissements dans le secteur des compagnies génériques, la production de produits chimiques va péricliter, le déficit commercial va continuer de se creuser et l'on assistera au maintient du monopole des prix bien après l'expiration de tous les brevets pertinents.

Il est impossible de vous dire toute l'indignation et le désespoir que nous éprouvons. Tout ce que recherche Merck et les autres compagnies membres de l'ACIM, c'est de fermer notre usine au Canada, malgré les énormes investissements que nous avons faits, pour sauvegarder leur monopole d'importations coûteuses. Le règlement leur donne toute latitude pour nous étouffer au moindre prétexte, quel que soit le mérite de notre position, et sans le moindre arbitrage préalable. C'est ce qu'ils font.

Nous demandons réparation immédiate. Elle nous est due.

Mme Drinkwalter: Nous serons maintenant heureux de répondre à vos questions.

Le président: Je vous remercie de nous avoir brièvement décrit votre position.

Je donne la parole à M. Brien.

[Français]

Monsieur Brien, êtes-vous le premier?

M. Brien (Témiscamingue): Oui. J'apprécie votre sens de l'humour, monsieur le président. On espère qu'il sera contagieux.

Évidemment, on va être confrontés à des points de vue diamétralement opposés et j'imagine que des gens un petit peu plus neutres vont venir témoigner devant nous. Je vais vous faire part des affirmations qui ont été faites par différents ministres ici et vous demander de les commenter.

Le ministre de la Santé a dit qu'il faudrait peut-être surveiller, par un processus dont on pourrait discuter, non simplement le prix des médicaments brevetés, mais aussi le prix des médicaments non brevetés. Évidemment, les médicaments non brevetés n'incluent pas seulement les médicaments génériques, mais tout le secteur générique.

Il n'y a pas beaucoup de façons de savoir si les chiffres que vous nous donnez en ce qui a trait aux investissements en recherche et développement sont fondés, parce qu'il s'agit de compagnies privées qui ne sont pas surveillées par le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, comme c'est le cas pour les médicaments d'origine.

Accepteriez-vous d'être soumis à l'autorité du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés pour deux choses: la surveillance du prix des médicaments génériques et les niveaux des dépenses que vous faites en recherche et développement?

[Traduction]

M. Sherman: En ce qui concerne la question des dépenses en R-D, nous accueillerons avec plaisir les membres du comité qui voudront visiter nos installations et examiner nos chiffres.

Pour ce qui est des prix, je ne suis pas certain d'avoir seulement compris la question. Nous vendons sur un marché concurrentiel; les prix sont déterminés par la concurrence. Il n'y a que dans le cas des monopoles où ils font de la réglementation. Nous ne sommes pas en situation de monopole, si bien que nos prix sont déterminés par la concurrence.

.1630

[Français]

M. Brien: Le ministre de la Santé a déposé un document hier. Il avait d'ailleurs été déposé à la rencontre des ministres provinciaux de la Santé. Ce document faisait état de discussions entre différents sous-ministres qui en étaient arrivés à la conclusion qu'ils s'inquiétaient du prix des médicaments non brevetés.

Ils suggéraient une interdélégation de pouvoirs afin que le mandat du Conseil soit élargi à la surveillance du prix des médicaments non brevetés. Le ministre de la Santé et les différents ministères qui, semble-t-il, ont discuté de ce sujet, semblaient préoccupés après avoir analysé le prix des médicaments non brevetés.

Quand vous parlez de compétition, cela ne semble pas les satisfaire. S'il y a assez de compétition, de toute façon, le Conseil en arrivera à la conclusion que le prix des médicaments sur le marché correspond à une valeur commerciale. Accepteriez-vous d'être soumis à cette autorité?

Deuxièmement, je ne veux pas aller vérifier vos livres pour la recherche, mais je veux savoir si vous accepteriez que le Conseil se penche aussi sur la surveillance ou la vérification des sommes que vous consacrez à la recherche et au développement, comme c'est le cas pour les médicaments d'origine.

[Traduction]

Mme Drinkwalter: Monsieur Brien, dans les documents que le ministre de la Santé a déposés hier, il a bien fait la distinction entre les médicaments non brevetés à fournisseurs uniques qui n'ont pas de concurrence et ceux qui ont plusieurs fournisseurs - une autre façon de désigner les génériques - lorsqu'il y a concurrence. Il a montré dans ses documents que pour les médicaments génériques, la concurrence ne fait que faire baisser les prix. Dans les documents sur le coût des médicaments déposés par le ministre, il montre que plus il y a de compagnies génériques sur le marché, plus le prix baisse.

Dans les cas où la concurrence fait baisser les prix, ce serait gaspiller l'argent du contribuable selon nous que de financer des activités administratives. Nous examinerons volontiers un mécanisme de surveillance, si c'est à cela que vous songez.

Il est malheureux - et j'en ai parlé au Dr Elgie - que le rapport du CEPMB ne fasse pas clairement cette distinction, même si le Dr Elgie m'a assuré que le ministre de la Santé comprend maintenant très bien que les produits génériques, en situation de concurrence, n'ont pas besoin d'être assujettis au même mécanisme de réglementation des prix. De fait, le Forum national sur la santé est arrivé à la même conclusion, comme Brogan Consulting, chargé d'une étude par la Conférence fédérale-provinciale des ministres de la Santé.

[Français]

M. Brien: Je comprends que ce n'est pas un souhait et que si on se dirige dans cette voie, vous allez devoir discuter des mécanismes avec nous. Donc, vous ne souhaitez pas être soumis à cette autorité.

Vous parlez du contexte international, particulièrement en ce qui a trait à l'ALENA et à l'OMC. Vous dites que, d'après certains avis juridiques, que vous allez déposer devant le comité, j'espère, le ministre exprime une position qui n'est pas tout à fait conforme à la réalité quand il dit qu'on pourrait revenir à un système de licences obligatoires en vertu de certains articles des accords de l'Organisation mondiale du commerce et de l'ALENA.

Vous dites clairement que la position du ministre là-dessus est sans fondement juridique.

[Traduction]

M. Jim Keon (vice-président, Recherche et affaires internationales, Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques): Nous pensons que le Canada a la marge de manoeuvre nécessaire pour modifier ses lois sur les brevets dans le cas des produits pharmaceutiques, oui. Nous estimons que les six ou sept points dont nous avons parlé aujourd'hui portent sur différents aspects des conventions. Nous estimons que les questions juridiques sont légèrement différentes dans chaque cas. Je peux vous les donner dans chacun d'eux, si vous le souhaitez.

Le fait est que l'on parle de règlements touchant les avis de conformité, d'exportation, de dispositions Bolar, de dimension, de forme, et de couleur ou de licences obligatoires, ce sont des aspects différents des conventions. Le gouvernement dispose de plus de latitude dans certains domaines que dans d'autres. Le ministre Manley lui-même, lorsqu'il a comparu, a parlé des règlements concernant les avis de conformité pour les médicaments brevetés et dit qu'il était évident que le Canada avait été au-delà des engagements qu'il avait pris, et que l'on avait ajouté un système concernant les contrefaçons et la mise en application des règlements qui avantageait l'industrie pharmaceutique.

.1635

Donc, oui, nous croyons qu'il y a beaucoup de latitude. Nous pensons qu'un ministre ou quiconque d'autre ne devrait pas dire que l'on ne peut pas changer la loi, parce qu'il y a des possibilités.

Je vois que l'on est en train de distribuer notre rapport. Nous avons demandé des avis juridiques sur chacune de ces questions - vous les trouverez dans ce document - auprès des juristes qui font autorité en la matière au Canada. Je me ferai un plaisir de revenir sur certains détails si cela pouvait vous être utile, à propos de chaque question. Toutefois, je vous répondrais en gros que, oui, le Canada dispose d'une certaine latitude.

M. Sherman: Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter quelque chose. Le système de licences que nous avions auparavant et qui a été révoqué était un système de licence automatique sur demande. Pratiquement quiconque faisait une demande obtenait une licence.

Ce qui est tout à fait clair, c'est que le GATT et l'ALENA prévoient de façon spécifique des licences obligatoires dans les cas d'abus de brevets. Le Canada a en fait un article dans sa Loi sur les brevets qui prévoit des licences dans les cas d'abus. Le problème c'est que c'est un article très difficile à utiliser si l'on n'en simplifie pas la procédure.

Ce qui serait possible, c'est que la Commission d'examen des prix ou une autre commission soit habilitée à déclarer qu'un prix est excessif et que cela puisse servir de justification à l'émission d'une licence obligatoire aux fabricants de produits génériques en vertu des dispositions d'un article sur les abus.

C'est certainement quelque chose qu'on pourrait ajouter à l'arsenal car, à l'heure actuelle, la Commission d'examen des prix se contente d'accepter les prix de monopole dans les pays étrangers alors que dans bien des cas, nous pourrions prouver que les prix sont tout à fait injustes par rapport au prix de revient et au niveau qui serait acceptable.

Si la commission avait le pouvoir de recevoir une demande de notre part pour dire, par exemple, que nous vendrions un certain produit à 10 p. 100 du prix, elle pourrait déclarer: «Dans ces circonstances, le prix du produit breveté est trop élevé; ce n'est pas juste» et pourrait ensuite faire émettre une licence aux termes de l'article sur les abus. C'est certainement possible pour le Canada et c'est un compromis qui me semblerait tout à fait justifié.

[Français]

M. Brien: J'avais moi-même demandé au ministre de l'Industrie s'il y avait un lien entre le règlement de liaison et la protection Bolar, ce qui vous permet de faire une production hâtive. Les deux ministres, autant celui de la Santé que celui de l'Industrie, nous ont dit qu'il y avait un lien très clair entre les deux. Vous demandez qu'on fasse disparaître le règlement de liaison mais qu'en contrepartie on garde l'avantage de la protection hâtive.

Donc, pour vous, il n'y a clairement pas de lien entre les deux, alors que les deux ministres nous ont dit qu'il y avait une relation entre ces deux choses-là.

J'aimerais entendre votre point de vue là-dessus. Croyez-vous que le Canada est compétitif en ce qui a trait à la protection effective des brevets? Dites-vous que le Canada rencontre les standards internationaux en ce qui a trait à la protection effective?

[Traduction]

M. Sherman: Tout d'abord, je ne vois pas du tout la logique d'un tel lien. Il s'agit de questions indépendantes. Que le Canada autorise ou non le stockage ou que le Canada autorise ou non la R-D n'a absolument rien à voir de rationnel avec les règlements. Je ne vois vraiment pas comment on peut lier l'un à l'autre, il n'y a pas de lien logique.

Le Canada peut se débarrasser des règlements et devrait le faire. Il n'y a toutefois pas de raison de ne pas conserver les exceptions. On peut dire qu'une chose est liée à une autre. Le régime de licences obligatoires a été retiré et l'on a ajouté ces autres règlements qui sont extrêmement dommageables. Il n'y a aucune logique à conserver les règlements. Il n'y a pas de lien logique avec les deux autres dispositions.

Le président: Merci.

M. Schmidt.

Oh, je suis désolé.

[Français]

M. Keon: Pour la deuxième partie de la question sur la protection au Canada, l'étude de Queen's a examiné cette question et a déterminé qu'au Canada, la période d'exclusivité était entre 12 et 14 années. Ils ont étudié la date d'introduction du produit sur le marché, qui est déterminée par IMS, la compagnie qui prépare toutes les statistiques pour l'industrie pharmaceutique au Canada.

.1640

Cette dernière a comparé cette date avec la date d'expiration des brevets, qui est aussi déterminée par IMS, et a constaté que la moyenne était de deux ans. Par la suite, ils ont pris la liste des médicaments que les compagnies de marque ont fabriqués et, avec le ministère de la Santé et cette liste, ils ont déterminé que, si l'on prenait la date d'expiration du dernier brevet de la liste et qu'on la comparait avec la date d'introduction, cela représentait 14 ans.

Donc, au Canada, la période de protection est de 12 et 14 ans. Aux États-Unis, comme l'a dit Brenda, elle de 11 à 12 ans. Nous pensons que le Canada est maintenant compétitif avec les autres pays pour ce qui est de la période de protection.

[Traduction]

Le président: Monsieur Schmidt.

M. Schmidt (Okanagan-Centre): Merci, monsieur le président.

J'ai quelques questions à poser. Tout d'abord, j'aimerais que vous expliquiez de façon un peu plus détaillée si vous le pouviez ce que vous considérez être une société pharmaceutique intégrée.

Mme Drinkwalter: Une société pharmaceutique intégrée a tous les éléments, à partir de la production des produits chimiques fins, en passant par le développement des produits chimiques fins; la recherche sur l'entité pharmaceutique; la fabrication et, enfin, l'exportation de ces produits sur les marchés mondiaux - tout l'éventail, du développement des produits chimiques fins jusqu'à l'exportation du produit.

M. Schmidt: Cela signifie que ce n'est pas une société qui fabrique des médicaments nouveaux?

Mme Drinkwalter: Non, pas du tout. Cela englobe toute une série d'activités de recherche notamment pour les nouveaux médicaments mais cela commence dès la première étape.

Ce que nous avons au Canada, comme dans beaucoup d'autres industries, ce sont des filiales fortement tronquées qui ne se livrent qu'à certaines de ces activités. Quelquefois elles ne font que vendre. De moins en moins, elles fabriquent pour des usines qui appartiennent à des étrangers, car on les rationalise de plus en plus en Amérique du Nord.

M. Schmidt: Permettez-moi de préciser un peu, monsieur le président. Nous avons deux exemples ici - Apotex et Merck. S'agit-il de sociétés pharmaceutiques pleinement intégrées?

M. Sherman: Apotex l'est; pas Merck. Apotex fabrique des produits chimiques, procède à la fermentation des produits chimiques, fait de la biotechnologie et de la production par dose, exporte dans le monde entier et dépense 20 p. 100 de ses recettes en recherche. Nous faisons mieux que Merck à tous égards et certainement pour ce qui est des économies que nous faisons réaliser au régime de santé publique.

M. Schmidt: D'accord. Ma question est donc la suivante: comment faire la distinction entre une société multinationale titulaire exclusivement de brevets et une société pleinement intégrée? J'aimerais comprendre exactement quelle est la contradiction parce qu'il y en a évidemment une.

M. Sherman: C'est en fait plus que tout autre chose une question de principe de mise en marché. Merck et les autres sociétés de l'ACIM sont essentiellement des sociétés étrangères qui considèrent le marché canadien comme un marché à exploiter, surtout avec la valeur importée. Le gros de la valeur vendue est importé. Elles sont là pour gagner de l'argent au Canada et pour sortir cet argent - de toute évidence, pour en sortir autant qu'elles le peuvent. C'est la raison pour laquelle il y a un déficit commercial de 1,6 milliard de dollars. C'est leur seul intérêt au Canada; c'est d'exploiter un marché et de retirer de l'argent.

En tant que société canadienne, nous voulons aussi développer notre entreprise mais tout comme elles veulent se développer aux États-Unis, nous voulons nous développer au Canada. Je suis Canadien et mes ambitions sont de bâtir une industrie canadienne à l'échelle internationale qui soit intégrée. C'est la raison pour laquelle nous faisons tout ce que nous pouvons au Canada, notamment la recherche, la fabrication de produits chimiques, la production sous sa forme posologique - tout - et que nous exportons dans le monde entier. Nous créons un excédent d'exportation et non pas un déficit d'exportation.

M. Schmidt: Afin de présenter les choses de façon à ce que je puisse les mieux comprendre - parce que je ne suis pas pharmacien ni propriétaire d'une société pharmaceutique quelconque - pourriez-vous présenter la chose un peu différemment? Peut-on dire qu'Apotex a une protection de 20 ans pour certains de ces produits brevetés?

M. Sherman: Oui.

.1645

M. Schmidt: Peut-on également dire que pour d'autres aspects de ces opérations, cette société est similaire à une société fabricant des produits génériques...

M. Sherman: Apotex est un fabricant de produits génériques.

M. Schmidt: D'accord.

M. Sherman: Essentiellement.

M. Schmidt: C'est essentiellement un fabricant de produits génériques mais elle a certains autres brevets qui entreraient dans la même catégorie que ceux que détient, par exemple, Merck.

M. Sherman: Oui, nous sommes titulaires de nombreux brevets.

M. Schmidt: D'accord, donc ce qui est important c'est que pour Merck il y ait certaines restrictions sur le genre d'activités poursuivies, restrictions qui n'existent pas... qui ne sont pas liées au type de société.

Merck ne fabrique pas de produits génériques - à moins que je me trompe? - ne copie pas ses propres pilules ou autre.

M. Sherman: Seulement s'il existe un autre produit générique.

Pour Merck et les autres membres de l'ACIM, l'important est d'éviter la concurrence sur nos composants identiques parce que cela leur permet d'obtenir des prix très élevés. Ils produisent un produit générique seulement lorsqu'un autre est mis sur le marché, afin d'essayer de couvrir tout le marché. Mais ils n'encouragent pas la concurrence sur la même entité chimique parce que cela exigerait d'accorder de meilleurs prix et un meilleur rendement.

M. Schmidt: D'accord.

Novopharm est également une société pharmaceutique intégrée?

M. Leslie Dan (président directeur général, Novopharm Ltd., Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques): Nous sommes intégrés dans la mesure où nous avons des avis nous permettant la fabrication; nous avons la recherche et nous exportons. Mais, à l'heure actuelle, nous ne fabriquons pas de matériaux bruts. C'est le seul élément qui manque. Nous possédons tous les autres.

M. Schmidt: Novopharm bénéficie-t-il ainsi de la protection de brevet pour certains de ses produits?

M. Dan: Oui, nous déposons toujours des demandes de brevets et nous détenons des brevets.

M. Schmidt: Donc, Novopharm et Apotex pourraient être en concurrence pour la fabrication des produits génériques.

M. Dan: Certainement. C'est bien connu.

M. Schmidt: Je veux être certain que nous comprenions bien ce qui se passe.

M. Sherman: Vous remarquerez qu'on nous a mis de part et d'autre de la table.

M. Schmidt: En effet, je l'ai remarqué et Mme Drinkwalter est assise juste au milieu flanquée de part et d'autre d'un homme.

Mme Drinkwalter: Je vous crois.

M. Dan: Comme vous le voyez, nous sommes très éloignés même à cette table.

M. Schmidt: Serait-il aussi possible, ou arrive-t-il, que Apotex, par exemple, prétende que Novofarm fasse de la contrefaçon d'un de ses produits brevetés?

M. Sherman: Cela serait en effet concevable dans l'avenir, certainement.

M. Schmidt: Si cela se produisait, les arguments invoqués ici ne créeraient-ils pas un conflit d'intérêts au sein de votre propre société?

M. Sherman: Pas du tout. Si Novopharm devait contrefaire un de nos brevets, nous poursuivrions cette société.

M. Schmidt: J'en suis certain.

M. Sherman: Absolument.

M. Schmidt: Ils en feraient autant.

M. Sherman: Oui, mais on ne s'attendait pas à leur faire fermer boutique simplement parce que nous les accusons de contrefaire un produit breveté sans que personne ne rende une décision.

M. Schmidt: Mais vous pourriez le faire.

M. Sherman: Dans le cadre de ce système, oui. C'est bizarre.

M. Schmidt: C'est ce que j'essayais de vous faire dire. Si vous le vouliez, vous le pourriez.

M. Sherman: Oui, et si j'en avais l'occasion, je le ferais probablement.

M. Schmidt: Donc, autrement dit...

M. Sherman: Ça ne veut pas dire que c'est bien.

M. Schmidt: Là n'est pas la question. Ce qui est important, c'est que vous pourriez vous attaquer mutuellement bien que vous vous considériez l'un et l'autre comme des fabricants de produits génériques, appartenant à l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques plutôt qu'à l'ACIM.

M. Sherman: La concurrence est farouche et nous ferions tout ce que nous pouvons dans le cadre de la loi pour l'emporter, comme les sociétés titulaires de brevets, les sociétés membres de l'ACIM. Je ne les blâme pas de faire ce qu'elles font; je nous en veux simplement d'être suffisamment stupides pour les laisser faire.

M. Schmidt: C'est très clair, monsieur le président.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Avez-vous une dernière question, monsieur Schmidt?

M. Schmidt: Oui.

Je vais changer un peu de tactique car j'aimerais passer à un autre domaine. Il s'agit du genre de recherches que vous effectuez.

M. Dan: Il y a essentiellement deux types de recherches. L'une serait la formulation d'un produit, l'amélioration d'un produit, qui est la recherche essentielle et que font toutes les sociétés, petites ou grandes, fabricants de génériques ou de produits brevetés. Mais ce qui est plus important et plus emballant en matière de recherche c'est celle qui est entièrement originale et innovatrice dans le secteur de la biotechnologie. Plus particulièrement, nous croyons avoir un nouveau moyen de traiter le cancer, une façon plus efficace et le temps nous dira si nous avons raison. Je crois que nous sommes à la veille d'une découverte majeure qui profitera non seulement aux Canadiens mais au monde entier.

M. Schmidt: Cela vous opposera-t-il à Biomira?

M. Dan: Je dirais que nous sommes bien en avance sur Biomira.

M. Schmidt: Bien.

M. Dan: C'est notre avis.

M. Schmidt: Évidemment.

.1650

M. Sherman: Apotex est sans doute celui qui dépense le plus en recherche dans toute notre industrie. Nous dépensons environ 70 millions de dollars par an en travaux R-D, ce qui représente près de 20 p. 100 de notre chiffre d'affaires. Nous essayons d'être le plus dynamique possible dans ce domaine. Nous oeuvrons beaucoup dans la fabrication de produits chimiques - comme dans le procédé de fermentation - afin d'édifier une industrie fondamentale intégrée. Nous passons beaucoup de temps sur l'approbation des règlements, comme n'importe quelle autre compagnie. Nous travaillons beaucoup aussi à mettre au point de nouveaux composés. Nous avons conclu un important accord de recherche avec le ministère de la Défense nationale portant sur un produit de remplacement des tissus vivants, recherche qui se déroule joliment. Nous avons donc beaucoup de cordes à notre arc.

De plus, de concert avec Novopharm, nous subventionnons à grands frais la recherche fondamentale et les universités, beaucoup plus que n'importe quelle autre compagnie étrangère, cela va de soi, en subventionnant des chaires. Je crois même que Novopharm a subventionné la chaire de neurochirurgie à l'Hôpital général de Toronto. Nous avons, pour notre part, subventionné la chaire de biologie moléculaire à l'Institut de recherche Sandra Lunenfeld de Toronto.

L'année dernière, en association avec le Conseil de recherches médicales, nous avons octroyé la bourse la plus importante qu'ait jamais administrée le Conseil. Apotex y a contribué à raison de 4 millions de dollars, et le Conseil à raison de 1 million. Nous avons lancé un concours qui s'adressait à tous les chercheurs du pays. Les résultats ont été évalués par les pairs, et nous avons accordé une bourse de 5 millions de dollars au groupe du cycle cellulaire de Toronto de l'Hôpital général de Toronto.

Nous effectuons de la recherche fondamentale et de la recherche appliquée plus que toute autre compagnie étrangère. Nous comptons quelque 60 détenteurs de doctorats.

Le président: Nous allons donner à M. Schmidt la chance de continuer à poser ses questions plus tard.

Auparavant, j'ai deux choses à dire. D'abord, je crois que le comité a accepté de poursuivre ses travaux jusqu'à 17 h 30, pour donner la possibilité à tous les intéressés de poser des questions. À 17 h 30, vous pourrez toujours vous adresser à moi si vous avez besoin de plus de temps, et nous continuerons peut-être encore un peu, car vous êtes nombreux à vouloir prendre la parole.

En second lieu, je demanderais aux gens dans l'auditoire de bien vouloir débrancher leur téléphone cellulaire.

M. Schmidt: Merci, monsieur le président.

Le président: Si nous étions dans l'Ouest, nous pourrions vous demander de les laisser à la porte avec vos pistolets, mais cela pourrait toujours confondre nos auditeurs. Il nous serait impossible de savoir qui est entré et qui est resté dehors.

Monsieur Bodnar.

M. Bodnar (Saskatoon - Dundurn): Merci beaucoup de cette introduction.

Si j'ai bien compris vos propos, vous demandez que nous abrogions les règlements, particulièrement ceux qui portent sur l'avis de conformité. Étant donné que, pour l'instant, nous ne savons pas encore quoi faire avec ces règlements, votre association serait-elle disposée à discuter de solutions de rechange au système actuel, y compris d'éventuelles modifications aux règlements relatifs aux avis de conformité?

M. Sherman: Ce sont les fondements mêmes des règlements qui sont à reprendre. La solution de rechange, c'est le système juridique qui a été mis au point depuis des lustres par le corps judiciaire, et qui se fondent sur ceux qui présentent une certaine logique. Ce n'est pas comme si les règlements avaient une utilité quelconque. Ils ne servent à rien du tout, et leur notion même présente de graves lacunes. Il n'y a pas vraiment matière à compromis car il s'agit soit d'en avoir soit de ne pas en avoir.

M. Bodnar: Là-dessus, monsieur Sherman, je comprends bien quelle est votre position, mais est-ce votre point de vue personnel ou celui de l'Association?

M. Sherman: C'est le point de vue de l'Association.

M. Bodnar: Votre association est-elle prête à discuter des modifications possibles aux règlements liés aux avis de conformité ou pas?

Vous dites qu'ils présentent de graves lacunes, si j'ai bien compris, et nous ne savons pas, pour notre part, si nous allons les abroger. Mais que diriez-vous de discuter de certaines modifications qu'on pourrait y apporter? Êtes-vous disposé à le faire?

M. Sherman: Nous sommes prêts à envisager n'importe quoi, mais je ne vois pas comment cela pourrait être possible. Ils sont si imparfaits, et pas uniquement du fait qu'ils sont injustes puisqu'ils nous obligent à dire à nos concurrents quels sont nos projets et à obtenir leur approbation. Non seulement ces derniers font-ils tout en leur pouvoir pour faire de l'obstruction à nos projets, mais ils réagissent à la simple connaissance de nos plans d'action. Tout cela va à l'encontre des bonnes pratiques d'affaires, car rien ne devrait nous obliger de révéler nos projets à nos concurrents.

M. Bodnar: Madame Drinkwalter, vous voulez ajouter quelque chose?

Mme Drinkwalter: Oui. Cela fait quatre ans que nous discutons avec Industrie Canada, et je crois que nous n'avons plus rien à nous dire. Personne n'a jamais été en mesure de justifier la raison d'être de ces règlements à l'endroit des compagnies pharmaceutiques.

Ce n'est pas comme si l'on avait pas cherché par tous les moyens à établir les données. Les fonctionnaires d'Industrie Canada se sont rendus à Londres et à Washington. Nous-mêmes avons ouvert le dialogue avec eux, et nous leur avons montré tous nos livres. Peu importe l'angle sous lequel on envisage la question, en dépit de tous nos efforts, il nous faut conclure que la seule solution, c'est de les abroger, car on n'a jamais réussi à justifier leur nécessité.

.1655

M. Bodnar: Autrement dit, à moins qu'on ne puisse justifier leur existence, vous ne proposez que leur abrogation; vous n'envisagez même pas de les modifier, n'est-ce-pas?

Mme Drinkwalter: C'est exact.

M. Bodnar: Pour ce qui est de la lettre de Pierre Blais que l'on a mentionnée, on laisse entendre qu'on pourrait verser des dommages et intérêts et que cela pourrait être une solution.

Vous avez mentionné vous-même, monsieur Sherman, la possibilité des dommages-intérêts. Vous avez également mentionné l'injonction automatique, qui existe actuellement au Canada. C'est d'ailleurs ce devant quoi on se retrouve en réalité.

Vous êtes-vous demandé ce qui se passait aux États-Unis et les solutions qui s'offrent en pareil cas? Que je sache, les Américains permettent que l'on impose des dommages et intérêts en double et en triple au perdant.

M. Sherman: Non.

M. Bodnar: Ah non?

M. Sherman: Non, les Américains ont des règlements semblables, mais qui n'ont rien à voir avec les dommages-intérêts. Je ne comprends pas ce que vous voulez dire.

Les Américains ont des règlements qui ressemblent aux nôtres. C'est le seul autre pays du monde qui les ait, et les résultats ont été désastreux pour eux, car ils leur coûtent des dizaines de milliards de dollars.

Aux États-Unis, les compagnies génériques constatent qu'elles ne peuvent même pas se permettre financièrement des litiges, et sont donc obligés de conclure des ententes à l'amiable.

Ainsi, Genpharm, qui est une compagnie canadienne, avait déposé une demande à l'égard de la ranitidine aux États-Unis, elle a été poursuivie, mais a pu s'en tirer avec une entente. Merck lui a payé quelque chose comme 50 millions de dollars, et lui a accordé certaines autres concessions pour établir qu'un brevet invalide était...

Une voix: Glaxo.

M. Sherman: Pardon, c'est la Glaxo qui a payé Genpharm pour reconnaître qu'un brevet invalide était au fond valide. On constate qu'aux États-Unis, les règlements constituent un obstacle énorme à la concurrence, ce qui fait que lorsque les compagnies génériques constatent que certains brevets présentent des vices de fond et qu'ils sont donc invalides, sont obligés désormais de conspirer avec les détenteurs de brevets pour se partager le butin, si j'ose dire, ce qui nuit terriblement au système des soins de santé aux États-Unis et coûte des milliards de dollars.

M. Bodnar: Si je comprends bien, vous expliquez dans votre mémoire que les querelles procédurales actuelles dans le système vous coûtent très cher. Je suis en train de réfléchir tout haut à certaines possibilités: s'il existait un programme qui permette de vous payer des dommages-intérêts si vous gagnez votre requête ou des dommages-intérêts à l'autre partie si vous la perdez, pensez-vous que ce serait une option viable?

M. Sherman: Mais dès lors que nous entrons sur le marché, l'autre partie, c'est-à-dire le breveté, touche des dommages-intérêts comme le prévoit le système actuel. Mais en vertu des règlements actuels, même si nous venions à gagner, nous n'obtiendrions aucun dommage-intérêt.

Ce n'est pas une solution, et ce pour deux raisons. D'abord, c'est la population qui est perdante. Même si l'on nous versait des dommages-intérêts dans l'éventualité d'une victoire de notre part, ces dommages-intérêts ne représenteraient qu'une fraction des bénéfices qu'obtient l'adversaire, car ses prix sont beaucoup plus élevés. L'adversaire retire donc des gains inespérés aux dépens du système de soins de santé, et de plus, nous ne pouvons pas pour notre part attendre le versement des dommages-intérêts. Actuellement, nous faisons l'objet de 50 poursuites. Nous ne pouvons continuer pendant ce temps à faire des affaires et à investir. Nous n'avons pas suffisamment de revenus pour pouvoir attendre 10 ans avant de nous faire rembourser des dommages-intérêts. Notre domaine d'affaires, ce ne sont pas les procès: c'est la fabrication de produits pharmaceutiques. Or, nous ne pouvons faire des affaires tant que nous ne pénétrons pas sur le marché avec nos produits, alors que nous sommes convaincus que nous ne violons aucun brevet. La situation est catastrophique.

M. Bodnar: Vous avez mentionné l'étude de Queen's. Je l'ai sous les yeux, mais comme on vient tout juste de la distribuer, je n'ai pas eu l'occasion de la parcourir.

Savez-vous comment cette étude a été financée ou qui l'a financée? Autrement dit, l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques a-t-elle participé à son financement, ou encore des fabricants de médicaments brevetés? Comment cette étude a-t-elle été financée?

M. Keon: Je suis désolé, je n'ai pas compris le nom de l'étude que vous avez mentionnée.

M. Bodnar: L'étude de Queen's.

M. Keon: Cette étude a été effectuée par le groupe de la politique de la santé de Queen's, grâce à une subvention de l'ACFPP.

M. Bodnar: Et de vous seulement?

M. Keon: Oui.

M. Bodnar: Je vois.

Me reste-t-il du temps?

Le président: Vous pouvez poser une autre question.

M. Bodnar: D'accord.

.1700

Quant aux commentaires qu'a fait le ministre hier au sujet du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés - et on y a fait allusion, ainsi qu'à la concurrence - ce conseil existe et il affirme que si le prix des médicaments brevetés est plus bas, c'est grâce au fait qu'il existe.

Je vois que vous être pressé d'intervenir, monsieur Sherman, mais laissez-moi finir. Restez calme, et je vous donnerai l'occasion d'intervenir.

Si un groupe, dans cette catégorie, dispose d'un conseil d'examen des prix, ne serait-il pas avantageux que l'autre groupe, notamment celui des médicaments génériques, ait lui aussi un conseil d'examen des prix? Manifestement, nous n'avons aucune autorité sur le secteur des médicaments génériques.

M. Sherman: Nous avons déjà discuté de cette question. L'existence d'un monopole est la seule raison qui justifie un organisme de contrôle des prix, parce que les prix sont élevés.

M. Bodnar: C'est précisément ce que je dis. N'existe-t-il pas deux principaux joueurs au Canada dans le secteur des médicaments génériques, soit Apotex et Novopharm? Sur le plan économique, cela ne se rapproche-t-il pas dangereusement d'un monopole ou, à tout le moins, d'un oligopole?

M. Sherman: Il y a de nombreuses sociétés de produits génériques. Quoi qu'il en soit, s'il n'y a pas d'obstacle à la concurrence au niveau du brevet, et que nous fabriquons un produit générique dont le prix est trop élevé, cela stimule la concurrence. C'est le génie du système de la libre entreprise. Dans un contexte de libre entreprise, si des gens d'affaires constatent qu'un prix est trop élevé, ils se lanceront dans l'arène pour soustraire le marché à l'autre société. Les prix sont dictés par la concurrence. C'est le système idéal.

M. Bodnar: Ma dernière question porte sur les restrictions relatives à l'exportation. Même si cela ne représente pas un préjudice pour le pays étranger, vous avez mentionné qu'il nous est impossible de fabriquer ici un produit d'exportation si cela portait préjudice à une autre société ici. Connaissez-vous les motifs sous-jacents à cette restriction en particulier?

Mme Drinkwalter: Oui. J'étais à la table au cours de la dernière ronde de négociations et c'est une erreur. En fait, le ministre de l'époque, M. Wilson, a admis que c'était un problème, une conséquence imprévue. On ne s'était pas aperçu qu'il y avait des dates d'expiration différentes des brevets entre les pays. Malheureusement, nous subissons depuis lors les conséquences de cette erreur malheureuse.

M. Bodnar: Je vois. Merci.

Le président: Merci.

[Français]

Monsieur Ménard.

M. Ménard: Sauf votre respect, je crois que le rôle du Conseil pourrait très bien s'étendre aux produits génériques. N'oubliez pas que ce n'est pas juste une question d'exercer un contrôle au niveau de la concurrence. Il s'agit aussi de voir les efforts de recherche qui sont consentis. Il y a quand même là quelque chose d'utile pour le contribuable et pour le consommateur. Lorsqu'on lit le rapport annuel du Conseil, on voit les efforts qui ont été faits au niveau de la recherche et les comptes qui sont rendus.

Monsieur Sherman, je pense que vous avez été un peu court à cet égard. Personnellement, je crois que votre association gagnerait en crédibilité en reconnaissant que le Conseil pourrait très utilement exercer un droit de regard à la fois sur vos activités et sur votre recherche.

Deuxièmement, je suis sensible à votre argumentation concernant l'avis d'allégation. Je crois qu'il y a là quelque chose à vérifier, mais je voudrais comprendre le processus. Vous dites que lorsque qu'un avis de conformité est émis et que vous voulez copier un médicament, vous n'avez aucune possibilité de vous faire entendre, car il y a une injonction automatique et un délai de 30 mois qui s'engage. C'est ce que vous avez dit au comité. Je crois qu'il y a quelque chose à examiner là-dedans.

Par ailleurs, il me semble qu'il faut reconnaître que la grosse différence entre votre industrie et l'industrie du médicament d'origine, c'est que cette dernière permet de mettre sur le marché de nouvelles générations de médicaments qui ont un effet curatif. Il faut que cela se fasse avec un minimum de protection. Je voudrais qu'au moins vous soyez d'accord avec nous pour dire que le statu quo est un minimum raisonnable et je voudrais connaître votre évaluation de cela.

Pour commercialiser un nouveau médicament, il faut faire des investissements qui se situent entre 500 et 600 millions de dollars. Êtes-vous conscients de cela? Le reconnaissez-vous? Je prends juste le cas du sida, que je connais très bien. Sans des investissements considérables, on n'aurait pas été en présence, en moins de 10 ans, de trois générations de médicaments qui vont faire en sorte que le sida, de maladie mortelle qu'il était, va devenir une maladie chronique.

.1705

Quelle évaluation faites-vous des coûts inhérents à la mise sur pied d'un nouveau médicament? Parlez-nous de l'avis d'allégation. Il y a peut-être là des principes de justice naturelle qui sont foulés du pied et qu'il faut voir.

C'est une sensibilité que j'ai. De grâce, soyez un peu plus bienveillant à l'endroit du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, parce que votre argumentation pour vous y soustraire est extrêmement faible, selon moi, en toute amitié, même pour vous, monsieur le secrétaire parlementaire.

M. Volpe (Eglinton - Lawrence): Tant que cela?

M. Ménard: Non, pas tant que cela, mais enfin.

[Traduction]

M. Sherman: Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris la question, mais je vais néanmoins essayer d'y répondre.

Personne d'entre nous n'affirme qu'un détenteur de brevet ne devrait pas tirer une juste récompense de son invention. Le problème tient au fait qu'à notre connaissance, les prix sont scandaleusement élevés, allant jusqu'à représenter jusqu'à 1 000 fois le coût. Cela est tout à fait disproportionné par rapport à ce que toute personne jugerait raisonnable si elle avait les faits en main.

Le problème c'est que le Conseil d'examen des prix ne possède pas les faits. Il se borne à regarder quels sont les prix dans d'autres pays où il n'y a pas de réglementation et à dire: «Si cela leur convient, cela nous convient aussi». C'est une parodie du mandat; ce n'est pas un bon exercice du mandat. Nous devons éviter les abus à l'endroit des brevets. Nous devons assurer une rémunération juste à l'inventeur et un rendement intéressant sur l'investissement tout en empêchant les abus.

Selon nous, le conseil devrait déterminer ce qui est juste en tenant compte du coût, de ce que devrait être le prix dans un marché concurrentiel et du prix qui a été fixé. Ce prix est-il 100 fois ou 1 000 fois plus élevé que le coût? Est-ce logique? Si le prix est excessif par rapport à ce qui serait équitable, le conseil devrait pouvoir donner une licence obligatoire.

Autrement dit, le détenteur du brevet devrait pouvoir exercer un certain monopole tant qu'il vend son produit à un prix équitable, mais s'il n'est pas prêt à le faire, quelqu'un d'autre devrait s'en charger et le détenteur du brevet devrait se contenter d'une redevance pour que le public canadien puisse obtenir des médicaments à des prix raisonnables.

[Français]

M. Ménard: Vous voulez revenir...

[Traduction]

Le vice-président (M. Lastewka): Monsieur Ménard, vous avez dépassé votre temps de parole. Je vous ai déjà donné plus de temps, mais vous avez dépassé le temps qui vous était alloué.

Je donne maintenant la parole à M. MacDonald.

M. MacDonald (Dartmouth): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'ai fait preuve de patience jusqu'ici. Cela fait quelques années que j'ai entendu ces mêmes personnes témoigner devant le comité et, malheureusement, certaines des mêmes questions dont nous avions discuté il y a quelques années sont encore une fois sur le tapis.

Je voudrais d'abord dire un mot à Barry Sherman.

Cela fait peut-être trop longtemps que je suis ici, mais il me semble qu'on peut parfois se servir de son bon sens pour déterminer si un règlement atteint l'objectif visé ou non. Je dois vous dire, monsieur le président que je n'avais jamais pensé être un jour d'accord avec M. Blais dont j'étais le critique officiel à la Chambre il y a quelques années, mais que je devrai aujourd'hui lui envoyer un message par télécopieur pour lui dire que je suis d'accord avec sa lettre à propos des règlements.

Comme j'avais passé des heures et des jours à l'époque à participer au débat sur le projet de loi C-91, je peux vous dire que si quelqu'un, même les députés conservateurs, avaient su que les règlements permettraient à tellement d'avocats de faire tant d'argent, ils y auraient peut-être réfléchi à deux fois avant d'approuver la mesure.

Pour ma part, je crois que le but des règlements doit être d'appliquer la politique, d'appliquer la loi. J'avais participé à l'étude de cette mesure pendant des jours et des mois; cela faisait partie de ma vie. Nous n'avions jamais voulu supprimer la concurrence et tenir les fabricants de produits pharmaceutiques à l'écart pendant 30 ou 45 mois à cause de poursuites dont certaines sont de toute évidence frivoles. Cela n'était pas du tout notre intention. J'ai assez bonne mémoire pour pouvoir vous le garantir. Ce n'était pas notre intention. C'est presque gênant que de voir maintenant ce qu'on a fait à cause des règlements. Je n'arrive pas à le croire.

Monsieur le président, si le comité ne réussit à faire qu'une chose, il doit essayer sérieusement de déterminer si cette façon de procéder est vraiment dans l'intérêt des consommateurs. Il y a d'autres solutions et elles sont très claires. On devrait agir dans ces cas comme avec n'importe quel autre genre de brevet. Si le détenteur du brevet intente des poursuites et s'il perd, il paiera de gros montants en dommages et intérêts, ce qui le fera réfléchir deux fois avant d'intenter des poursuites.

Ce que je veux, ce n'est pas de permettre aux compagnies génériques de faire plus d'argent, mais plutôt de faire en sorte que les consommateurs pourront obtenir leurs médicaments d'ordonnance aux meilleurs prix possibles. C'est tout. Je sais que Barry et Leslie aimeraient probablement faire un peu plus d'argent et c'est très bien s'ils le font, mais je dis tout cela parce que je trouve que les consommateurs sont mal servis par le système actuel.

.1710

Le vice-président (M. Lastewka): Allez-vous poser votre question?

M. MacDonald: Oui. Je poserai ma question pendant mes cinq minutes.

Le vice-président (M. Lastewka): Je vous avertis que...

M. MacDonald: Tout d'abord, il importe de signaler que je suis le seul député qui était ici la dernière fois et qui faisait partie de ce comité. Il importe de le noter. Nous avons très peu de temps pour parler de ces questions...

Le vice-président (M. Lastewka): Je suis d'accord.

M. MacDonald: ... et c'est l'une des questions les plus importantes pour le régime de soins de santé du Canada à l'heure actuelle.

Je tiens à bien préciser qu'il s'agit au fond d'une question de fixation de prix. Nous avons entendu le CEPMB et je pense que ses membres remplissent bien le mandat que nous leur avons confié. Je n'ai pas l'intention de critiquer le CEPMB. Ses membres ne peuvent faire que ce que la loi leur demande de faire, mais ils ne peuvent pas être entièrement d'accord avec cela, comme je l'ai dit au président du CEPMB hier soir.

Je voudrais savoir comment on peut me dire avec la moindre certitude que le prix fixé au départ pour un produit pharmaceutique quelconque est raisonnable, qu'il reflète dans une mesure quelconque le montant qui y a été investi et l'exclusivité commerciale dont il jouira pour recouvrer cet investissement et faire un profit raisonnable. Tout ce que le CEPMB a pu nous dire, c'est qu'il tient compte du prix médian des sept autres pays industrialisés. C'est ainsi qu'on procède maintenant, mais je voudrais que quelqu'un m'explique les autres possibilités. C'est très bien de dire que l'augmentation du prix des médicaments chaque année est moins élevée que le taux d'inflation, mais si le prix original est 100 p. 100 ou 200 p. 100 plus élevé qu'il ne devrait l'être, le fabricant pourrait baisser le prix, bien paraître et réaliser malgré tout un bénéfice intéressant.

Quelqu'un peut-il m'expliquer quelles autres méthodes le CEPMB pourrait utiliser?

M. Sherman: L'autre solution, bien sûr, c'est de nous demander ce qu'il en est. On ne peut pas poser la question aux détenteurs des brevets parce qu'ils refuseront de répondre, mais nous savons combien coûtent les matériaux bruts et la fabrication que nous pourrions utiliser et pour quel prix nous pourrions les fabriquer. On pourrait permettre au CEPMB de recevoir des demandes de fabricants de produits génériques déclarant que certains prix sont excessifs, mais le seul résultat logique serait que nous puissions obtenir une licence obligatoire si nous avions raison. Ce serait la seule solution logique.

M. MacDonald: Est-ce qu'on ne pourrait pas vous accuser à ce moment-là de servir uniquement vos propres intérêts? C'est ce que me diront les représentants de l'ACIM quand ils viendront témoigner.

M. Sherman: Ce devrait être un processus accusatoire. Nous fournirions certains renseignements et les détenteurs de brevets auraient le droit de réfuter nos arguments. Nous fournirions nos preuves sous serment comme dans n'importe quelle autre procédure accusatoire. C'est la seule solution. Si l'on veut décider ce qui est juste, la seule façon de le faire, c'est de considérer quels sont les coûts ou ce qu'ils seraient sur un marché concurrentiel. On pourrait aussi examiner les prix sur un marché concurrentiel et non pas sur les marchés où il n'y a aucune concurrence. Cela montrerait aussi quel prix serait raisonnable.

M. MacDonald: Un autre aspect vraiment inadmissible du projet de loi C-91, c'est son caractère rétroactif. C'était la première fois qu'une telle mesure avait un effet rétroactif. Cela avait fait disparaître un certain nombre de demandes qui avaient déjà été présentées en vue d'obtenir une licence obligatoire. Je pense que vous avez parlé de 36 licences. Sur ces 36 licences obligatoires qu'on n'a pas pu obtenir à cause de l'effet rétroactif de la mesure, combien portaient sur des produits qui jouissent encore d'une exclusivité commerciale quatre ans plus tard? Si la mesure n'avait pas eu un effet rétroactif, il y aurait maintenant des produits équivalents sur le marché.

M. Sherman: Il y en a beaucoup. Je ne peux pas vous donner le chiffre exact, mais il y a notamment l'énalapril, la lovastatine et le lisinopril. Les brevets de certains de ces produits n'arriveront à expiration que dans dix ans.

Le vice-président (M. Lastewka): Pouvez-vous nous obtenir ces renseignements et les déposer auprès du greffier?

M. Sherman: Nous obtiendrons ces renseignements.

Le vice-président (M. Lastewka): Merci.

M. MacDonald: Les médicaments touchés par l'effet rétroactif représentaient-ils beaucoup d'argent?

M. Sherman: Cela représente des milliards de dollars.

Le vice-président (M. Lastewka): Merci, monsieur MacDonald.

Je donne maintenant la parole à M. Schmidt.

M. Schmidt: Merci, monsieur le président.

Je voudrais parler un peu de la recherche et du genre de recherches que vous effectuez vous-même. Vous avez dit quelque chose au sujet des universités et de la recherche fondamentale et innovatrice. Quelle proportion du budget total destiné à la recherche serait consacrée à la recherche fondamentale qui mènera, du moins on l'espère, à une découverte importante quelconque?

M. Sherman: Je ne peux répondre que pour Apotex. C'est environ le tiers du budget, soit probablement plus que toute autre compagnie.

M. Schmidt: Sur un total de combien?

M. Sherman: Sur un total de 70 millions de dollars.

M. Schmidt: C'est ce que j'avais compris. Cela représenterait combien pour Novopharm?

.1715

M. Dan: Ce serait environ le tiers. En 1996, nous avons dépensé un plus de 35 millions de dollars pour la recherche, mais là-dessus, près de 9 millions de dollars visaient une recherche tout à fait novatrice.

Je dois vous dire que, d'après nos renseignements, les fabricants de spécialités pharmaceutiques ne dépensent pas 35 p. 100 de leur budget en recherches novatrices. Ils y consacrent de 15 à 20 p. 100 de leur budget de recherche au maximum. Je ne veux pas dire qu'ils n'effectuent pas de recherche originale, mais très souvent, ils achètent un produit qui a déjà été mis au point par d'autres et pour lequel ils peuvent faire des études cliniques. Ils achètent régulièrement des produits de petites compagnies pour pouvoir les mettre davantage au point.

Dans l'ensemble, je pense donc que nous dépensons plus au chapitre de la recherche originale en moyenne que les fabricants de produits brevetés.

M. Schmidt: Ma question suivante est celle-ci. Il reste environ 70 p. 100 du budget de recherche. À quoi cet argent est-il consacré?

M. Sherman: À des études de stabilité, au développement d'une méthodologie analytique, à des essais cliniques et à des études de biodisponibilité auprès d'êtres humains. Dans notre cas, nous dépensons énormément d'argent à la mise au point de procédés de fabrication de produits chimiques et de la fermentation.

J'ajoute que l'élément le plus important de nos recherches et celui qui nous distingue des autres compagnies, c'est que le but de nos recherches consiste à fabriquer un produit et à créer des emplois de production au Canada, alors que les fabricants de spécialités pharmaceutiques se contentent d'obtenir une approbation réglementaire au Canada pour des produits en bonne mesure importés ou bien, s'ils effectuent des travaux de recherche fondamentale et découvrent quelque chose, le produit de la recherche quitte le pays et ne crée pas d'emploi au Canada.

M. Schmidt: Mon autre question a trait à la procédure pour les brevets eux-mêmes. Quelle partie du processus d'obtention d'un brevet a-t-il à voir avec le procédé de fabrication par opposition au médicament lui-même? C'est deux choses bien différentes. Il me semble que ce n'est pas la même chose. Si je ne m'abuse, les deux éléments étaient intégrés dans le processus d'obtention du brevet auparavant. Fait-on maintenant la distinction entre les deux ou devrait-on la faire?

M. Sherman: Depuis environ 1987, je pense, les compagnies peuvent obtenir un brevet pour un médicament, c'est-à-dire pour le produit lui-même, alors que, auparavant, on présentait une revendication à l'égard du procédé même, c'est-à-dire qu'on faisait une revendication à l'égard du produit uniquement lorsqu'il était fabriqué par un procédé particulier. Maintenant, pour tous les nouveaux composés brevetés, les détenteurs de brevet obtiennent le monopole complet sur le composé, peu importe comment il est fabriqué.

M. Schmidt: Il me semble que c'est assez important.

M. Sherman: Oui, c'est très important.

M. Schmidt: Je voudrais maintenant revenir à la question posée par M. MacDonald au sujet des 36 demandes sur lesquelles la loi avait eu un effet rétroactif. Quelle proportion de ces 36 demandes portait sur le procédé de fabrication et quelle proportion sur le composé lui-même?

M. Sherman: Je ne saurais vous le dire. J'imagine que la plupart des demandes portaient sur un processus breveté.

M. Schmidt: C'est ce que je craignais.

M. Sherman: Cependant, dans bien des cas, le brevet relatif au procédé suffit pour empêcher la fabrication. Il n'y a pas moyen de fabriquer le composé autrement. Dans certains cas, il y a d'autres solutions. Dans le cas de la lovastatine, nous avons trouvé un autre procédé à beaucoup de frais, mais le fait est que nous ne pouvons même pas vendre ce produit à cause des règlements, même si nous ne violons pas le brevet.

Le président: Monsieur Patry.

[Français]

M. Patry (Pierrefonds - Dollard): J'aimerais continuer un peu sur la recherche et le développement. En répondant à mon collègue, M. Schmidt, vous avez parlé des montants d'argent qui sont dépensés par les compagnies génériques relativement à la recherche et au développement pour des produits innovateurs.

Vous nous avez dit qu'en 1995, les compagnies génériques avaient dépensé jusqu'à 127 millions de dollars en recherche et développement. J'aimerais savoir quelle partie de ce montant était admissible à des crédits d'impôt. Pour ce qui est des crédits qui sont accordés à la recherche et au développement, leur pourcentage est-il le même par rapport au montant d'argent que vous avez donné en réponse à M. Schmidt?

[Traduction]

M. Sherman: À ma connaissance, toutes ces dépenses sont admissibles. Je ne vois pas pourquoi elles ne seraient pas.

M. Dan: Pour obtenir un crédit d'impôt, nous devons présenter une demande au ministère du Revenu national qui vérifie nos chiffres. Il s'agit d'une vérification très détaillée.

[Français]

M. Keon: Les données qui vous ont été présentées sont les mêmes que celles dévoilées par les compagnies à Revenu Canada.

[Traduction]

M. Patry: Question suivante. Vous semblez dire que le Règlement sur l'avis de conformité prolonge la durée du brevet. C'est une chose que je ne comprends pas. Pourriez-vous m'expliquer comment le règlement de liaison change la date d'expiration d'un brevet.

M. Sherman: Cela ne change pas la date d'expiration du brevet. Cela permet au détenteur du brevet de nous écarter indéfiniment du marché, même après l'expiration du brevet, en alléguant que nous allons violer un autre brevet qui n'a rien à voir avec le premier. Prenons l'exemple du médicament lovastatine. Le brevet peut expirer en 1999, mais le fabricant pourrait obtenir un brevet pour de la nourriture pour chiens en 1999 et mettre ce produit sur la liste pour la lovastatine. Il faudrait donc attendre 30 ou 40 mois ou 10 ans pour prouver que le fait de vendre le médicament lovastatine ne violera pas le brevet pour la nourriture pour chiens. C'est ce que font les fabricants.

.1720

M. Patry: Très bien. Je voulais simplement savoir ce que vous en pensiez.

[Français]

Beaucoup de mes collègues, hier soir, ont questionné le Dr Elgie relativement au coût excessif des médicaments en général. J'ai cru comprendre une réponse qui a été donnée au préalable par M. Sherman.

[Traduction]

Vous dites que les prix sont régis par la concurrence. C'est ce que vous avez dit.

[Français]

J'aimerais savoir pourquoi vos compagnies vendent des médicaments à d'autres pays à bien meilleur marché qu'elles les vendent à nos consommateurs, à nos gouvernements provinciaux. Pour moi, le coût pour les consommateurs est bien important. Si vous me dites

[Traduction]

que les prix sont régis par la concurrence,

[Français]

j'en conclus que le coût des médicaments génériques, qui s'établit à 75 p. 100 du coût des médicaments d'origine, est excessif, cela au détriment des consommateurs canadiens.

M. Keon: Selon nos chiffres, les prix au Canada sont en moyenne de 40 à 50 p. 100 inférieurs aux prix des produits de marque. Toujours selon nos chiffres, les prix au Canada sont moins élevés que ceux imposés aux États-Unis. Donc, nous ne croyons pas que nos prix soient trop élevés au Canada. Comme le Dr Sherman l'a dit, plus il y a de concurrence, plus les prix sont bas.

[Traduction]

M. Patry: Voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Sherman: Il est vrai que nos prix sont moins élevés dans certains marchés d'exportation, qu'au Canada et ce pour une bonne raison. C'est à cause des conditions sur ces marchés et parce que nous n'avons aucun coûts supplémentaires liés à la réglementation.

Au Canada, nous avons des coûts énormes pour obtenir une approbation en vertu des règlements. Nous devons recouvrer ces coûts d'une façon quelconque et il y a peut-être un autre marché où nos coûts marginaux seront très faibles parce que nous ne serons pas obligés d'effectuer des études afin d'obtenir l'approbation réglementaire et cela nous permettra de vendre nos produits moins cher dans ces autres pays. C'est difficile de généraliser, mais il peut y avoir de bonnes raisons pour lesquelles les prix à l'exportation sont inférieurs aux prix au Canada dans certains cas.

Le vice-président (M. Lastewka): Merci, monsieur Patry. Je dois maintenant passer à quelqu'un d'autre.

M. Patry: Merci.

Le vice-président (M. Lastewka): Je vais permettre au Bloc de poser une brève question, après quoi je donnerai la parole à M. Discepola, à M. Volpe et à Mme Parrish.

[Français]

M. Brien: Les questions qu'on vient de poser sur la recherche et le développement illustrent à quel point il serait important d'avoir quelqu'un qui se pencherait pour déterminer si l'information que vous nous donnez... Finalement, vous voyez qu'il y a un peu un problème de confiance parce qu'on doit se fier à l'information que vous nous donnez. Il faudrait qu'elle soit soumise à une autorité objective.

Vous dites qu'il y a de la concurrence et que vos prix sont corrects. Parfait. Nous, on mettrait en place un groupe qui pourrait surveiller le prix des médicaments non brevetés et faire rapport sur les activités de recherches et de développement. Il y aurait une autorité neutre qui ferait rapport et vos données seraient confirmées par des gens qui donneraient une opinion neutre dans le dossier.

Je ne comprends pas que vous ne vouliez pas être soumis à une autorité quelconque pour ces deux volets-là, autorité qui ferait rapport sur le prix des médicaments non brevetés et sur les activités en recherche et développement.

[Traduction]

M. Sherman: Je n'aurais aucune objection à divulguer des renseignements sur nos recherches aux autorités appropriées. On peut déjà obtenir ces renseignements en s'adressant à Revenu Canada et à Statistique Canada qui prépare déjà des rapports sur les exportations et sur toutes sortes d'autres choses. Statistique Canada pourrait certainement préparer de tels rapports en se fondant sur les renseignements que possède déjà le gouvernement du Canada. De toute façon, si quelqu'un veut des renseignements à propos de ces recherches, je n'aurais aucune objection à les présenter. Je suis très fier de ce que nous faisons.

M. Dan: Nous aussi. Nous sommes tout à fait disposés à fournir de tels renseignements et vous serez peut-être étonné de voir à ce moment-là que nos compagnies dépensent plus d'argent que la plupart des grandes entreprises. Ce ne sont pas tous les grands fabricants qui font des recherches importantes. Certains, en font mais d'autres pas.

Le vice-président (M. Lastewka): Nous entendrons une autre question du Bloc et ensuite je donnerai la parole à M. Volpe et à Mme Parrish.

.1725

[Français]

M. Ménard: Monsieur le président, je vais essayer d'être clair avec M. Sherman, parce que je n'ai pas eu de réponses claires à mes autres questions.

Il y a des modalités très précises du ministère du Revenu qui font en sorte que toutes les dépenses admissibles aux fins de recherche ne sont pas considérées par le Conseil d'examen. Nous avons obtenu la liste des critères. Il existe un certain nombre de critères, soit les immobilisations, les investissements, etc. Je crois que c'est important, parce qu'avec tout le respect qu'on doit à votre organisme et à votre intégrité, vous comprendrez qu'il y a quelque chose de facile à se présenter devant nous et à nous dire que vous investissez 128 millions de dollars sans que personne puisse attester du caractère véridique de ces chiffres.

L'essentiel du débat est ceci. Pourquoi une compagnie investirait-elle 600 millions de dollars pour découvrir un médicament s'il peut être copié 10 ans plus tard sans qu'elle ait nécessairement fait ses frais? C'est un peu cela, le débat. L'effort qui est le vôtre en recherche et développement est extrêmement important.

Plus tôt, vous avez été extrêmement muets sur l'évaluation que votre organisme fait des coûts inhérents à la commercialisation et à la découverte d'un médicament. J'aimerais que vous vous prononciez là-dessus. Erre-t-on quand on avance le chiffre de 600 millions de dollars?

[Traduction]

M. Sherman: Je ne peux pas vous fournir ces chiffres, mais je sais qu'il y a toutes sortes de données montrant qu'il peut s'agir de quelques millions ou de quelques centaines de millions de dollars selon la source du renseignement. De toute façon, pour la plupart des produits, cela représente un petit pourcentage du chiffre d'affaires mondial.

Je ne peux que répéter ce que j'ai dit tantôt. Personne ne prétend que l'investissement d'un détenteur de brevet ne doit pas lui rapporter un montant raisonnable. Le problème survient quand les détenteurs de brevet fixent eux-mêmes les prix, comme ils le font aux États-Unis et en Europe, et que nous acceptons ces prix. Ces prix sont trop élevés - et c'est tout à fait naturel; ce serait ridicule de s'attendre à autre chose - ils n'ont absolument aucun rapport avec ce qui constituerait un rendement raisonnable.

Il suffit de voir les bénéfices nets. L'industrie des produits pharmaceutiques est, de loin, l'industrie la plus rentable du monde si l'on compare son chiffre d'affaires au montant investi et c'est parce que les prix sont trop élevés, beaucoup trop élevés par rapport au montant dépensé pour la recherche.

Si l'on pouvait faire faire une étude indépendante de toutes les données pour déterminer quel serait un prix équitable, je suis convaincu que l'on conclurait que presque tous les prix des médicaments brevetés fixés aux États-Unis sont excessifs et que l'on devrait accorder des licences obligatoires pour rectifier la situation.

Le vice-président (M. Lastewka): Monsieur Volpe.

M. Volpe: Merci, monsieur le président. J'espère pouvoir être bref vu le temps qui m'est alloué.

Je voudrais parler de certains aspects du préambule du projet de loi et de certaines parties de l'introduction des allocutions des deux ministres devant notre comité.

J'ai, comme M. MacDonald, participé au débat sur le projet de loi C-91 en 1991-1992. Il siégeait à l'époque au Comité de la consommation et des corporations. Il était critique officiel et avait suivi de près ce qui s'était passé à l'époque.

Les deux ministres et vous-même avaient parlé des licences obligatoires. Ce processus avait été instauré par le gouvernement de l'époque pour atteindre deux objectifs précis. Le premier était de créer une industrie canadienne qui s'occuperait de mettre au point des produits chimiques et pharmaceutiques de première qualité et de fabriquer un produit canadien.

Nous considérions que ce serait une industrie canadienne qui serait par conséquent régie par la politique et la loi du Canada. Ce principe tenait encore pendant les débats au moment de l'étude du projet de loi C-91.

Le deuxième était de créer un milieu où les consommateurs et les régimes de soins de santé du Canada auraient accès à des produits pharmaceutiques à des prix concurrentiels.

Compte tenu de ces deux objectifs, je voudrais poser quelques questions aux témoins que mes collègues ont déjà posées à d'autres.

Sur le plan de la stratégie industrielle, même selon le projet de loi C-91, le gouvernement voulait en retour que l'industrie s'efforce de créer beaucoup plus d'emplois hautement spécialisés pour contrer la fuite des cerveaux.

M. Schmidt avait commencé à vous poser une question, monsieur Sherman, et je voudrais que M. Dan y réponde aussi. Il vous a demandé combien d'employés d'Apotex ont un doctorat et je voudrais savoir aussi combien d'employés d'Apotex ont une maîtrise et combien sont médecins.

.1730

Pendant que vous cherchez ces renseignements, M. Dan pourra peut-être faire la même chose. Je pense qu'il importe que les membres du comité puissent obtenir de tels renseignements de nos témoins lorsqu'une mesure législative est adoptée pour atteindre un but particulier comme celui-là.

Pendant que vous cherchez ces renseignements, je voudrais vous poser deux questions au sujet des coûts. La première a trait au fait que le prix des médicaments coûte quelque chose d'une part au régime de soins de santé et, d'autre part, au public canadien. On nous a dit que les prix ont baissé, alors que les coûts augmentaient en flèche. Un médecin de McGill a dit hier au Comité de la santé que les coûts des médicaments étaient maintenant impossibles à contrôler. C'est ce qu'on peut lire dans le hansard. N'importe qui peut le lire. C'est probablement seulement l'avis de ce médecin, mais elle s'appuyait sur certains chiffres pour faire son affirmation.

Je voudrais vous demander à vous deux, messieurs, et peut-être aussi à Mme Drinkwalter, comme les compagnies pharmaceutiques, c'est-à-dire les vôtres et celles qui fabriquent des médicaments brevetés, font la promotion de leurs produits. Comment incitent-elles les médecins à prescrire leurs produits? Il est bien évident que la façon dont ceux-ci prescrivent les médicaments contribuent à l'augmentation du coût des régimes de soins de santé.

Ma dernière question, parce que je sais que nos témoins vont y réfléchir a trait au fait que M. Sherman a parlé des règlements de liaison et des problèmes qu'il y avait à intenter des poursuites vu que les compagnies ne peuvent recouvrer leurs frais juridiques ou réclamer des dommages-intérêts. Il a dit une chose sur laquelle je voudrais qu'il élabore, en l'occurrence que, même s'il était prêt à accepter un système où le tribunal pourrait accorder des dommages-intérêts en cas de poursuites frivoles, selon lui, les régimes des soins de santé et les consommateurs seraient encore perdants. Je voudrais qu'il nous donne encore plus de détails là-dessus parce que je ne comprends pas très bien son raisonnement.

Voilà donc mes trois questions, monsieur le président, et j'espère que nous obtiendrons des réponses.

Mme Drinkwalter: Barry, voulez-vous répondre pour commencer à la première question au sujet du genre d'employés que vous avez?

M. Sherman: Je peux peut-être répondre rapidement aux trois questions, après quoi les autres témoins pourront compléter s'ils le veulent.

Parmi les employés d'Apotex et de ses filiales, 76 ont un doctorat, 120 une maîtrise, 321 un baccalauréat et 164 un certificat ou un diplôme d'école postsecondaire. Nous avons donc 688 employés qui détiennent un diplôme quelconque, y compris des doctorats, plus un médecin. Nous employons, bien sûr, aussi bien d'autres personnes dans les universités et dans divers hôpitaux qui effectuent des recherches à contrat pour nous ou que nous commanditons. La stratégie industrielle adoptée en 1969 a donc donné d'excellents résultats, comme l'avait constaté M. Eastman dans son rapport.

Pour ce qui est de la deuxième question au sujet de la publicité auprès des médecins, l'industrie des médicaments brevetés dépense beaucoup plus en publicité auprès des médecins que pour la recherche. Si vous feuilletez le Medical Post ou une autre revue médicale, vous verrez une page après l'autre de publicité coûteuse pour promouvoir l'utilisation des produits les plus rentables pour les compagnies pharmaceutiques et non pas des produits qui sont le plus utile pour les malades. On m'informe que plus de 90 p. 100 des nouveaux médicaments brevetés n'ont pas de meilleurs effets thérapeutiques que d'autres produits déjà sur le marché, mais que les compagnies leur font malgré tout de la publicité et que les compagnies ne font de la publicité que pour les produits sur lesquels elles ont un monopole parce que cela leur permet de faire plus d'argent. Si je ne m'abuse, elles dépensent plus d'un milliard de dollars par an pour la publicité.

Quelqu'un a-t-il un chiffre exact sur la publicité?

M. Volpe: Où annoncez-vous vos produits?

M. Sherman: Nous ne faisons pas de publicité auprès des médecins. À mon avis, les médecins devraient obtenir leurs renseignements médicaux de source objective et non pas des fabricants de produits pharmaceutiques. Ce devrait être un organisme consultatif quelconque, soit composé de médecins, soit de représentants du gouvernement, soit d'une combinaison des deux. Les médecins devraient recevoir toute la documentation sur les effets secondaires et l'utilité de divers produits pharmaceutiques et seules des personnes indépendantes et objectives devraient dire aux médecins quel médicament prescrire dans quel cas. Les médecins ne devraient pas prescrire un médicament simplement parce qu'une compagnie pharmaceutique a dépensé beaucoup d'argent pour la publicité. Je trouve cela immoral.

M. Volpe: Et la troisième question?

.1735

M. Sherman: Pour ce qui est de la troisième question au sujet des dommages-intérêts... Je pense que j'irais même jusqu'à dire qu'on devrait interdire la publicité des médicaments brevetés auprès des médecins.

Pour ce qui est des dommages-intérêts, le problème c'est que ce n'est pas vraiment suffisant pour nous permettre d'obtenir des dommages-intérêts. Vu que ces règlements sont en vigueur depuis un certain temps, je trouve essentiel, surtout pour Apotex, que l'on prévoit un recours dans la loi pour nous permettre d'obtenir des dommages-intérêts pour les torts qui nous ont été causés dans le passé même si ces règlements sont abrogés.

Mais pouvoir demander des dommages et intérêts n'est pas une solution car tout le temps où nous sommes exclus du marché, même si nous finissons par obtenir des dommages et intérêts, le régime de santé publique lui n'en reçoit. Nos produits coûtent de 25 à 50 p. 100 - je ne sais pas exactement - moins cher et toutes ces années où nous sommes exclus du marché, le régime de santé publique ne peut bénéficier de ces économies. On ne peut compenser cela, sauf si l'on impose une pénalité à la compagnie source, ce qui serait difficile.

L'autre problème que posent les dommages et intérêts est que nous ne pouvons attendre. Nous avons des centaines de millions de dollars investis aujourd'hui - 100 millions, ne serait-ce que pour la lovastatine - alors que nous ne pouvons pas vendre les produits. Il ne s'agit pas de contrefaçon et nous tirons le diable par la queue. Nous ne pouvons continuer à supporter ces investissements. Sans revenu, nous ne pouvons payer nos employés. Nous perdons de l'argent tous les mois.

M. Volpe: Vos concurrents dans le fond sont heureux de vous entendre dire cela.

Et monsieur Dan?

M. Dan: Je me ferai un plaisir de vous fournir une liste plutôt que de vous donner les chiffres inexacts. Il nous suffit de nous reporter à nos statistiques. Nous avons certainement des médecins, des titulaires de doctorat et des diplômés de sciences entre autres - 27 pharmaciens.

D'ailleurs, avant de venir ici, j'ai jeté un coup d'oeil au nombre de nouveaux emplois que nous avons créés depuis six ans. Nous avons créé 645 emplois permanents et 475 emplois temporaires. Ceux-ci ne travaillent peut-être pas toute l'année mais c'est certainement un bon bilan de création d'emplois, plus de 100 nouveaux emplois par an. La question sera de savoir si nous allons pouvoir continuer ainsi.

La deuxième question est de savoir comment faire la promotion. Comme vous le savez probablement, pour que les compagnies génériques puissent vendre leurs produits en volume et en quantité appréciables, il est nécessaire que les diverses autorités provinciales incluent ces produits dans leur formulaire, lequel est distribué à tous les médecins et pharmaciens et c'est probablement la première source de promotion, en plus des observations que peuvent faire les pharmaciens aux médecins à propos du fait que ce produit existe sous une forme générique.

D'autre part, des représentants vont rendre visite aux médecins mais nous admettons que c'est plutôt rare alors que les soi-disant représentants des différentes marques sont là constamment.

De plus, je dirai que nous faisons de la publicité dans les revues professionnelles et nous présumons qu'elles sont lues par les médecins ainsi que par les pharmaciens.

M. Sherman: C'est un très petit pourcentage des ventes.

Le vice-président (M. Lastewka): Merci.

Madame Parrish.

Mme Parrish (Mississauga-Ouest): Si vous permettez, monsieur le président, j'aimerais laisser tomber ma première question et revenir sur ce qu'a dit M. Sherman.

Vous dites que vous faites très peu de publicité. Vous avez dit aussi que les grandes compagnies pharmaceutiques, en particulier pour les médicaments novateurs, font beaucoup de publicité auprès des médecins.

Quand je vais à la pharmacie avec une ordonnance, je trouve que le pharmacien vous fait toute la publicité voulue. Il m'offre toujours le produit générique, s'il existe.

M. Sherman: Seulement s'il existe.

Mme Parrish: Certes. Est-ce que cela ne contredit pas ce que vous avez dit? Si les grandes compagnies pharmaceutiques ont de nouveaux médicaments qu'elles veulent décrire aux médecins, il leur faut faire de la publicité. Pour vous, ce n'est pas nécessaire, parce que vous vous contentez de copier ce qui existe déjà.

M. Sherman: Ce que je veux dire, c'est qu'il est anormal qu'un médecin prescrive à un patient un médicament simplement parce que c'est celui qui rapporte le plus au fabricant de médicaments. Il devrait au contraire lui prescrire ce qui est le mieux pour sa santé. Ce n'est pas le genre de renseignement qu'il peut obtenir du fabricant de médicaments.

Mme Parrish: Excusez-moi, monsieur Sherman, mais est-ce que c'est là un jugement de valeur?

M. Sherman: Probablement.

Mme Parrish: Je pense que les médecins seraient très choqués de vous entendre dire que vous ne pensez pas qu'ils puissent lire une publicité et comprendre qu'il s'agit d'un nouveau médicament qu'on leur décrit.

M. Sherman: Je puis vous dire qu'il ne fait absolument aucun doute - cela n'a rien de subjectif - que la publicité par les sociétés titulaires de brevets marche, sinon elle ne dépenserait pas des milliards de dollars à cela. Toute cette publicité influence énormément les ordonnances de médecins.

Mme Parrish: Si vous permettez, monsieur le président, n'est-il pas normal qu'elles fassent de la publicité sur leurs derniers médicaments et qu'elles expliquent ce qu'ils font?

M. Sherman: Si, mais elles ne l'expliquent pas. Elles ne disent pas, au fait, ce médicament n'est pas meilleur que quelque chose d'autre qui n'est pas breveté et qui coûte un dixième du prix. Ce n'est pas indiqué dans la publicité. La publicité invite à utiliser ce médicament parce qu'il est fantastique et ne dit pas qu'il coûte dix fois plus cher sans aucune raison.

.1740

Mme Parrish: Eh bien je dirais que vous avez un excellent système de publicité par exemple à ma pharmacie Shoppers Drug Mart. Si je ne prends pas du Stémétil avant de monter dans l'avion, je dois garder un sac sous le menton tout du long. Quand je vais l'acheter, le pharmacien me dit qu'il peut me donner le médicament générique. Neuf clients sur dix le prendront certainement s'ils paient eux-mêmes leurs médicaments. Vous n'avez donc pas besoin de faire de publicité.

M. Sherman: Non, mais nous faisons de la publicité auprès des pharmaciens. Nous leur en donnons pour leur argent. La seule façon d'obtenir une vente d'une pharmacie particulière est de lui offrir un meilleur prix qu'à nos autres clients. Quand il y a de la publicité pour les médicaments sur ordonnance, la décision ne dépend pas du prix. Ce n'est pas le médecin qui paie. Le médecin est influencé très fortement par la publicité et il ne compare pas les prix.

Mme Parrish: J'aimerais encore poser une question dont on parle beaucoup depuis deux jours. Vous l'avez soulevée dans votre rapport. Il s'agit de l'assurance-médicaments qui couvre les produits pharmaceutiques. Vous parlez d'abus. Hier, les gens parlaient du coût croissant du régime de santé publique au Canada.

Voilà quelque chose qui m'inquiète beaucoup. Je sais qu'au sein du comité, nous sommes censés examiner plus précisément le projet de loi C-91 mais je pense que des comités comme le nôtre peuvent aussi faire de bonnes recommandations. Ceci, parce que des gens comme vous et comme la coalition hier ne cessent de nous répéter qu'il y a des tas d'abus qui font augmenter les prix.

N'est-on pas l'un des pires pays du monde pour ce qui est de tels abus? Autrement dit, chaque mère dont un enfant renifle et qui va voir le médecin reçoit une ordonnance. Si c'est couvert par l'assurance-médicaments et si on en donne continuellement à ces enfants, n'aurons-nous pas toute une génération de bactéries qui résistera aux antibiotiques? N'avons-nous pas une génération qui achète de plus en plus de médicaments, et qui fait donc monter les prix? Ils sont toujours fourrés chez le médecin.

Ne croyez-vous pas, que même en tant que fabricant de produits génériques ou non génériques, vous avez une obligation sociale d'informer les gens? C'est comme le secteur du tabac qui doit faire des publicités antitabac. Vous devriez dire: n'utilisez pas ces médicaments, n'en abusez pas, n'utilisez pas la pénicilline si vous n'en avez pas besoin. Cela n'entre-t-il pas dans le problème du coût?

Mme Drinkwalter: Il y a des lignes directrices fédérales et provinciales que l'on étudie de près en ce qui concerne les ordonnances. Les sociétés de notre secteur participent à une initiative en Ontario intitulée la Table ronde de l'Ontario sur les ordonnances.

En outre, quant à la situation de notre pays - il faudrait vérifier, car je croyais avoir cela ici - j'ai lu dans le nouveau document d'Industrie Canada sur la compétitivité des secteurs dit que nous utilisons en fait moitié moins de médicaments que les Américains.

Mme Parrish: Mais ce sont eux les pires du monde.

Mme Drinkwalter: Nous sommes loin d'être les meilleurs mais je crois que c'est un problème très généralement reconnu. L'industrie de part et d'autre, c'est-à-dire le gouvernement et les milieux médicaux et pharmaceutiques essaient de voir comment régler ce problème.

Mme Parrish: Merci.

Le président: Un dernier commentaire de M. MacDonald.

M. MacDonald: Une question très rapide que je n'ai pu poser tout à l'heure. Il s'agit de l'interdiction de fabriquer au Canada des produits pour l'exportation aux États-Unis après expiration des brevets. Mme Drinkwalter a dit tout à l'heure qu'il semblait, quand nous avons adopté le projet de loi C-91, que cela pouvait être une erreur dont on n'avait pas forcément prévu les conséquences.

Suite aux observations de M. Volpe, l'intention initiale en 1969 lorsque l'on a imposé les licences obligatoires, était d'essayer de bâtir une industrie vraiment canadienne. Pas simplement une industrie pour servir les besoins canadiens mais une industrie pharmaceutique canadienne multinationale.

J'aimerais que quelqu'un me dise si cette disposition a modifié les décisions d'investissement des fabricants de produits génériques. Bref, cette décision signifie-t-elle que, dans certains cas, nous exportons des investissements, et peut-être des emplois, vers d'autres pays, simplement pour desservir leurs marchés?

M. Dan: Cela a certainement été un facteur. Si nous ne pouvons pas fabriquer de produits au Canada et les exporter, cela nous oblige plus ou moins à construire des laboratoires à l'étranger. Il ne fait donc aucun doute que c'est un facteur.

M. Sherman: Et c'est de plus en plus important. Il y a des tas de produits tels que l'énalapril, le lisinopril et d'autres dont la durée du brevet est beaucoup plus longue au Canada qu'aux États-Unis.

Le ranitidine est disponible sous licence obligatoire au Canada. Novopharm va fabriquer ce médicament aux États-Unis parce qu'il y a un brevet au Canada. Nous nous allons le fabriquer au Canada parce que nous avons une licence obligatoire qui n'a pas été annulée. Nous pouvons donc continuer à le fabriquer au Canada. Mais, pour l'avenir, nous devrons faire de plus en plus de production à l'étranger pour les États-Unis et d'autres marchés internationaux, si le problème ne peut être réglé.

.1745

Le président: Merci beaucoup d'être venus nous faire cet exposé et répondre à nos questions. Comme vous avez pu le constater, les quatre partis s'intéressent beaucoup à la question.

Je suis sûr que vous suivrez nos délibérations. Il y a encore à peu près 145 témoins qui doivent comparaître et tout le monde pourra donc se faire entendre.

La séance est levée.

Retourner à la page principale du Comité

;