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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 6 mars 1997

.1514

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous reprenons notre examen de l'article 14 de la Loi de 1992 modifiant la loi sur les brevets (chapitre 2, Lois du Canada, 1993). Nous accueillons aujourd'hui des représentants de l'Association canadienne de l'industrie du médicament.

Comme je l'ai déjà dit aux témoins, nous préférons que leur déclaration liminaire soit brève et pertinente, afin d'avoir beaucoup de temps pour la période des questions. Nous lèverons la séance à 17 h 30, lorsque nous serons convoqués pour un vote à la Chambre des communes.

Je suppose que l'honorable Judy Erola, en tant que présidente de l'Association, mènera la discussion.

Vous pouvez présenter les personnes qui vous accompagnent puis faire votre déclaration.

L'honorable Judy Erola (présidente, Association canadienne de l'industrie du médicament): Merci, monsieur le président, mais je vais laisser au président du conseil de notre association, M. Nelson Sims, l'honneur de présenter notre délégation.

.1515

Le président: Très bien. Veuillez présenter les personnes qui vous accompagnent puis faire votre déclaration.

M. Nelson M. Sims (président du conseil, Association canadienne de l'industrie du médicament; président, Eli Lilly Canada Inc.): Merci, monsieur le président.

Je m'appelle Nelson Sims et je suis président de Eli Lilly Canada et président du conseil d'administration de l'Association canadienne de l'industrie du médicament.

Je précise à l'intention des membres du comité et du public que le texte de notre mémoire est disponible en anglais et en français.

Je suis accompagné aujourd'hui de l'honorable Judy Erola, présidente de l'ACIM; de M. Paul Lucas, président et chef de la direction de Glaxo Wellcome Inc.; de M. André Marcheterre, président de Merck Frosst Canada; et de Mme Emma Grell, associée du cabinet d'avocats Gowling, Strathy and Henderson, et qui est l'experte de notre équipe sur le droit des brevets.

Nous allons faire un court exposé, d'une vingtaine de minutes, après quoi nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

Nous aimerions aborder aujourd'hui cinq points importants.

Premièrement, le projet de loi C-91 a contribué à l'investissement de milliards de dollars dans de nouveaux projets de recherche et de développement, à la création de nouveaux emplois, au maintien de prix justes et raisonnables pour les médicaments brevetés, à l'essor d'une industrie dynamique des médicaments génériques et à l'émergence d'une industrie de la biotechnologie, comme on vous l'a dit hier soir.

Deuxièmement, l'ACIM a tenu ses engagements envers le Canada et les Canadiens pour ce qui est des nouveaux investissements consacrés à la R-D, qui ont entraîné la création de nouveaux emplois et ont contribué à l'innovation.

Troisièmement, les médicaments brevetés et l'industrie pharmaceutique novatrice jouent et continueront de jouer un rôle important pour offrir à la population canadienne des services de santé efficients et de qualité confirmée, afin d'assurer le traitement et la gestion des maladies.

Quatrièmement, il existe entre le Canada et la plupart de ses partenaires commerciaux du monde industrialisé un fossé important en matière de propriété intellectuelle, fossé qu'il faut combler en adoptant au Canada les normes mondiales de protection des brevets, dans le but d'assurer de nouveaux investissements en recherche et développement, de poursuivre l'innovation et de créer des emplois.

Cinquièmement, l'exécution adéquate et efficace des droits de propriété intellectuelle est une exigence fondamentale de notre système de brevets. Sans ce mécanisme, qui prend actuellement la forme du règlement sur les avis de conformité, il ne peut tout simplement pas y avoir de protection des brevets. Il serait parfaitement possible d'améliorer le système en renforçant les dispositions de prévention de la contrefaçon. Il importe par ailleurs de réduire la durée des litiges par rapport au processus actuel. Nous croyons que ces améliorations sont à la fois souhaitables et possibles.

Judy Erola va maintenant vous parler des succès obtenus par l'Association en ce qui a trait à ses engagements relatifs à la qualité des soins de santé dispensés au Canada.

Mme Erola: Merci, Nelson.

Bon après-midi, mesdames et messieurs.

Nous avons remis au comité des preuves objectives et documentées sur les engagements pris par l'Association et sur la manière dont ses membres les ont respectés. Nous sommes extrêmement fiers de pouvoir dire que cela s'est traduit par de nouveaux traitements pharmaceutiques pour les Canadiens, ainsi que par de nouvelles possibilités d'emploi pour de nombreux scientifiques et chercheurs jeunes et talentueux d'un bout à l'autre du pays.

Nous sommes particulièrement enthousiasmés par les activités que nous menons en collaboration avec d'autres intervenants du domaine des soins de santé, dont le gouvernement canadien, dans le but d'élaborer des solutions rentables dans le cadre de la réforme du système de santé. Le Forum national sur la santé nous a permis de recueillir de l'information et des conseils utiles sur la nécessité pour le Canada d'adopter un système de santé intégré et fondé sur des preuves. Nous appuyons cette orientation.

Dans son budget du mois dernier, le gouvernement fédéral annonçait la mise sur pied de nouveaux programmes concrets dans les domaines de la santé de la population, des soins pharmaceutiques, de la recherche et de l'innovation. Nous applaudissons ces initiatives qui contribuent à accroître l'accessibilité et la responsabilité au sein du système de santé, et nous assurons le gouvernement de notre coopération et de notre engagement à collaborer avec lui en tant que partenaire dévoué du secteur privé en vue d'établir des solutions adaptées au système de soins de santé canadien.

Nous avons toujours eu pour objectif d'améliorer les résultats thérapeutiques. Or, nous savons que la réalisation de cet objectif dépend entièrement de la recherche pour la découverte de nouveaux traitements et de l'information sur l'utilisation optimale des médicaments.

C'est pourquoi nous appuyons un grand nombre de projets axés sur l'amélioration de la pharmacothérapie et l'utilisation judicieuse des médicaments, dont une campagne d'information au consommateur intitulée «Knowledge is the Best Medicine», qui encourage les patients à discuter avec leur médecin et leur pharmacien pour s'assurer qu'ils comprennent bien la meilleure façon de prendre leurs médicaments. La campagne s'adresse particulièrement aux personnes âgées qui, comme l'a fait remarquer M. Dingwall plus tôt cette semaine, représentent le segment de la population qui consomme le plus de médicaments.

.1520

Nous sommes sur le point d'entreprendre une nouvelle démarche très prometteuse. Il s'agit de notre projet de Port Perry intitulé PAACT, ce qui signifie Projet pilote pour un traitement antibiotique adéquat en collectivité. Ce projet unique, mené à l'échelle communautaire et destiné à de multiples groupes d'intéressés, a pour but de démontrer comment l'information coopérative peut contribuer à promouvoir l'utilisation optimale et rentable des antibiotiques dans la collectivité.

Monsieur le président, les médicaments brevetés ne représentent que 2,5 p. 100 des dépenses totales du système de santé canadien, tandis que les médicaments génériques et les autres médicaments non brevetés comptent pour 3,7 p. 100 de ces dépenses. Depuis 1988, le prix des médicaments brevetés vendus au Canada a augmenté à un taux moyen correspondant à environ la moitié du taux d'inflation, soit 1,6 p. 100 par rapport à 3,1 p. 100.

Le fait est que ni le prix des médicaments brevetés, ni la Loi sur les brevets elle-même ne sont responsables de l'augmentation du coût des médicaments au Canada. Le CEPMB a d'ailleurs annoncé cette semaine que la réglementation fédérale du prix des médicaments brevetés avait contribué à la réalisation d'économies se situant entre 2,9 et 4,2 milliards de dollars de 1988 à 1995. En 1995 seulement, de 846 millions à 1,1 milliard de dollars ont été ainsi économisés.

Il est vrai que le coût global des médicaments a augmenté, mais à un rythme beaucoup moins rapide au cours des dernières années que pendant les années antérieures. De tous les éléments associés à cette augmentation, c'est-à-dire le prix, le lancement de nouveaux médicaments et l'utilisation, c'est ce dernier, soit l'utilisation, qui est le plus déterminant.

L'utilisation est elle-même influencée par de nombreux facteurs, dont la prise d'un plus grand nombre de médicaments, l'usage inadéquat et la prescription erronée de médicaments. Je crois comprendre que vous entendrez des experts à ce sujet plus tard pendant vos audiences.

Nous avons l'intention de poursuivre nos programmes visant à informer les Canadiens sur les médicaments qu'ils consomment et à travailler en collaboration avec les gouvernements, les médecins, les pharmaciens et d'autres intervenants en vue de promouvoir une utilisation plus efficace des médicaments d'ordonnance.

Comme l'a dit l'organisation mondiale de la santé, pour un nombre incalculable de patients du monde entier, la consommation de médicaments est l'essence même de la médecine. Sans médicaments, un service de santé n'a aucune substance et aucune crédibilité.

Tandis que la restructuration du système de santé vise à réduire les soins d'hospitalisation coûteux et que les progrès réalisés sur le plan de la technologie et des pratiques médicales contribuent à écourter les séjours à l'hôpital, les médicaments sont appelés à assumer un nouveau rôle important dans la réduction du budget global des soins de santé.

Monsieur le président, je tiens à vous assurer que nous sommes engagés à réduire le coût des soins de santé au Canada et à proposer aux Canadiens des solutions à cet effet. Or, la protection de la propriété intellectuelle est un aspect déterminant de notre capacité à découvrir et à financer de nouvelles options de traitement et de gestion des maladies.

Monsieur Lucas.

M. Paul Lucas (représentant de l'Association canadienne de l'industrie du médicament): Merci, monsieur le président. Glaxo Wellcome est l'une des plus importantes sociétés pharmaceutiques canadiennes de recherche. Elle emploie plus de 1 100 personnes au Canada, dans ses installations de Mississauga et de Montréal.

Glaxo Wellcome investit chaque année plus de 50 millions de dollars dans la recherche et le développement au Canada. Nous venons d'achever, au coût de 120 millions de dollars, la construction de nos nouvelles installations de fabrication et de mise au point à Mississauga, lesquelles devraient être entièrement fonctionnelles cette année.

Depuis 1990, nous entretenons une alliance stratégique avec l'entreprise canadienne BioChem Pharma, un chef de file international du domaine de la biotechnologie, dans le but de découvrir et de faire homologuer de nouveaux médicaments contre le SIDA et de nouveaux traitements anticancéreux. Cette alliance a mené à la découverte au Canada du 3TC, un médicament contre le SIDA qui a valu à son équipe de chercheurs le prestigieux prix Galien, décerné l'an dernier en reconnaissance de ses travaux avant-gardistes.

Glaxo Wellcome mène ses activités dans un climat de vive concurrence mondiale. Les droits de la propriété intellectuelle représentent une considération à la fois élémentaire et fondamentale dans la décision d'investir à l'échelle mondiale. Aucun pays ne peut se permettre de fermer les yeux sur ce que font les autres en matière de lois sur la propriété intellectuelle, tout en continuant à obtenir de nouveaux investissements dans les industries fondées sur les connaissances, dont la croissance soutenue alimente l'économie mondiale actuelle.

Pour demeurer concurrentiel sur la scène internationale et assurer le maintien de travaux de recherche de calibre mondial, le Canada doit adopter des normes de protection de la propriété intellectuelle de classe mondiale.

Si l'on considère le coût, le risque et les délais associés à la découverte d'un nouveau médicament, l'importance des normes de classe mondiale ne fait aucun doute. À l'heure actuelle, le coût associé à la recherche, à la découverte et à la mise au point d'un nouveau médicament s'établit à environ 500 millions de dollars, et ce montant tend à augmenter. De plus, il faut consacrer en moyenne dix ans à la recherche, à la découverte et à la mise au point d'un nouveau médicament. Des 20 années d'exclusivité conférées par le brevet, il n'en reste environ que la moitié pour recouvrer ces investissements énormes. On peut donc conclure que la «durée effective» des brevets pharmaceutiques émis pour de nouveaux médicaments est en moyenne de dix ans.

.1525

Les risques associés à l'innovation sont énormes. Sur 10 000 substances pharmaceutiques découvertes, une seule finira par être commercialisée. De même, sur dix produits commercialisés, trois seulement permettront à l'innovateur de recouvrer ses investissements en R-D ou de réaliser un bénéfice. Les revenus générés par les sept autres produits ne seront pas suffisants pour recouvrer le montant de l'investissement initial. Ce sont là les enjeux associés à la recherche pharmaceutique innovatrice. L'industrie pharmaceutique du Canada fait face à des défis tout aussi considérables.

La loi canadienne actuelle en matière de brevets présente des lacunes par rapport aux normes internationales de protection des brevets qui sont en vigueur dans les principaux pays industrialisés avec lesquels le Canada conclut des échanges. Les États-Unis, le Japon et l'Union européenne, c'est-à-dire les autres pays membres du Groupe des Sept, offrent tous une meilleure protection des brevets pharmaceutiques que le Canada. Cet écart nuit à notre compétitivité mondiale au chapitre des investissements, de la croissance et des emplois.

Cette concurrence touche même des marchés naissants comme celui du Brésil. Le Brésil a raffermi ses lois sur les brevets l'an dernier seulement et, depuis, les sociétés pharmaceutiques y ont investi 400 millions de dollars US. De toute évidence, le Canada doit prendre les mesures nécessaires pour ne pas rester derrière ses concurrents à ce chapitre. L'adoption d'un système de protection des brevets de classe mondiale nous permet d'être compétitifs sur la scène mondiale. Si nous avons pour objectif d'améliorer la compétitivité internationale du Canada et de l'industrie pharmaceutique innovatrice, il nous faut nécessairement instaurer un système de protection des brevets conforme aux normes internationales.

Deux lacunes sont particulièrement évidentes dans notre système actuel: la non-restauration de la durée de vie des brevets, et les privilèges d'exploitation hâtive accordés aux fabricants de médicaments génériques. Examinons-les plus en détail.

La restauration de la durée des brevets est un mécanisme qui a pour but de prolonger la durée du brevet pour compenser les longues années d'exclusivité qui sont consacrées aux essais et aux démarches entreprises en vue de faire homologuer le nouveau médicament. Contrairement aux autres inventions, les nouveaux médicaments doivent franchir toute une série d'étapes uniques et coûteuses avant d'être mis au point et approuvés. Comme nous l'avons mentionné, environ la moitié de la durée totale du brevet est consacrée aux recherches, aux essais et aux démarches réglementaires en vue d'obtenir l'autorisation de commercialiser le médicament.

Aux États-Unis, au Japon et dans les pays de l'Union européenne, le rétablissement de la durée du brevet prévoit jusqu'à cinq années supplémentaires de protection des brevets pour compenser la période des études cliniques et le processus d'approbation qui précèdent la mise en marché. Par conséquent, la durée effective d'un brevet pharmaceutique canadien peut être jusqu'à cinq années de moins que celle d'un brevet émis dans ces pays. On peut en conclure que nos principaux concurrents offrent un contexte plus propice aux investissements.

Il est important de noter que le rétablissement de la durée du brevet ne s'applique pas d'office à tous les médicaments et qu'il ne prolonge pas systématiquement la protection des brevets. Les entreprises doivent en faire la demande et démontrer pour chaque cas le prolongement des délais occasionné par la mise à l'essai et l'examen réglementaire d'un médicament donné.

Par ailleurs, nous offrons aux entreprises du secteur des médicaments génériques un avantage concurrentiel unique dans le cadre de leur processus réglementaire, en leur accordant certains droits de contrefaçon. Ces droits, dits d'exploitation hâtive, permettent aux fabricants de médicaments génériques du Canada d'accéder au marché dès l'expiration du brevet.

En vertu des droits d'exploitation hâtive, les fabricants de médicaments génériques bénéficient de deux exemptions les autorisant, d'abord, à produire leur version d'un médicament dont le brevet n'est pas encore expiré en vue de la faire approuver par Santé Canada puis à fabriquer et à constituer de grandes réserves de produits afin d'être prêts à les commercialiser dès que le brevet expire.

Ensemble, ces deux dispositions permettent aux fabricants de produits génériques d'accéder au marché jusqu'à 60 mois plus rapidement qu'ils ne pourraient le faire sans ces privilèges. Outre le Canada, seuls les États-Unis offrent un privilège d'approbation hâtive, mais aucun autre pays que le Canada n'accorde le droit de fabriquer le produit et d'en constituer des réserves. Il s'agit d'une lacune importante du système de protection des brevets canadien par rapport aux normes internationales en vigueur chez nos principaux concurrents industrialisés.

Je donne maintenant la parole à M. Marcheterre.

M. André Marcheterre (président, Merck Frosst Canada Inc.): Merci beaucoup, Paul.

[Français]

J'aimerais d'abord prendre quelques instants pour parler aux membres du comité de Merck Frosst Canada Inc. Cette entreprise canadienne figure parmi les cinq plus importantes au chapitre de la recherche et du développement. En 1996, nous avons investi plus de 65 millions de dollars dans la recherche et le développement. Nous avons également consacré 75 millions de dollars à la modernisation et à l'expansion de nos installations de fabrication à Kirkland, au Québec, ainsi que13 millions de dollars à l'expansion de nos installations de recherche. Depuis 1987, nous avons investi plus de 450 millions de dollars dans la recherche au Canada.

.1530

Nous employons plus de 1 300 Canadiens, soit 40 p. 100 de plus qu'en 1987. Nous exploitons le plus grand centre de recherche biomédicale au Canada, le Centre de recherche thérapeutique Merck Frosst.

[Traduction]

Notre engagement envers la recherche et la mise au point de nouveaux médicaments va bien au-delà des produits eux-mêmes. Nous veillons également à ce que nos produits soient utilisés de façon à améliorer la qualité et l'espérance de vie des Canadiens et Canadiennes, tout en assurant une meilleure gestion du coût des soins de santé. C'est pourquoi nous avons mis sur pied et instauré une méthode de gestion des soins fondée sur les preuves, appelée gestion thérapeutique. La gestion thérapeutique est un processus complet et homogène par lequel on se fonde sur les preuves scientifiques pour déterminer quelles sont les pratiques qui permettent d'offrir les meilleurs soins au meilleur coût.

Le mois dernier, nous avons lancé au coût de six millions de dollars un programme de gestion thérapeutique en Nouvelle-Écosse. Ce programme, qui s'intitule ICONS - Improving Cardiovascular Outcomes in Nova Scotia - ou Amélioration des résultats thérapeutiques cardiovasculaires en Nouvelle-Écosse, permettra de mener l'étude la plus complète sur les maladies du coeur jamais réalisée au Canada. Cette étude à laquelle 50 000 personnes prendront part fera de la Nouvelle-Écosse le centre de l'un des plus vastes projets de recherche clinique au monde. Le programme bénéficie de l'appui et de la participation du gouvernement de la Nouvelle-Écosse et d'autres partenaires du domaine de la santé, ce qui démontre que l'établissement de partenariats dans le but d'offrir aux Canadiens et Canadiennes des solutions en matière de soins de santé est la clé d'une meilleure gestion de notre système de santé.

[Français]

Je tiens à souligner que sans système coercitif adéquat et efficace pour les lois régissant les brevets, nous ne disposons pas des moyens nécessaires pour protéger nos brevets. Tout ce que nous avons est un système de droits de brevet sur papier.

Or, les ententes de l'ALENA et de l'OMC, dont le Canada est l'un des signataires, exigent que tous les pays se dotent de mécanismes adéquats et efficaces pour assurer la protection des droits de propriété intellectuelle.

Le règlement sur les avis de conformité permet au Canada de satisfaire aux exigences de ces ententes internationales.

À quoi sert le règlement sur les avis de conformité? En termes simples, il sert à prévenir la commercialisation illégitime de copies de médicaments dont le brevet n'est pas encore expiré. Il prévoit le règlement devant les tribunaux des litiges sur la contrefaçon des brevets parallèlement - et j'insiste sur sur le mot «parallèlement» - à l'étude par Santé Canada de la demande d'avis de conformité déposée par le fabricant de médicaments génériques. Durant cette période de résolution pouvant aller jusqu'à 30 mois, aucun avis de conformité ne peut être délivré par Santé Canada avant que le brevet en question ne soit expiré, que la Cour n'ait rendu son jugement, que les deux parties en soient venues à une entente ou que le délai de 30 mois expire, selon la première éventualité.

Dans le cadre de cette importante révision de la Loi sur les brevets, six aspects essentiels du règlement sur les avis de conformité doivent être pris en considération.

Premièrement, le processus prévu par le règlement n'est entamé que lorsqu'un fabricant de génériques décide de contester la validité d'un brevet légal. Le titulaire de brevet dispose alors de45 jours pour répondre à cette contestation afin de protéger ses droits de brevet. Sa réponse marque le déclenchement du processus de 30 mois.

Deuxièmement, le règlement sur les avis de conformité ne prolonge pas la période de protection des brevets d'une seule journée. En effet, la durée des brevets est fixée par la loi à 20 ans à compter de la date de la demande et ne peut être prolongée en vertu de la loi canadienne actuelle.

Troisièmement, le processus se déroule parallèlement au traitement des demandes d'approbation déposées par les fabricants de produits génériques auprès de Santé Canada. Ainsi, il ne retarde pas la mise en marché du produit générique puisqu'il permet à Santé Canada de poursuivre ses démarches en vue de délivrer un avis de conformité pendant que les tribunaux se penchent sur le dossier. En fait, la mise en marché du générique a été retardée dans seulement quatre des 58 cas qui ont été résolus jusqu'ici. En contrepartie, la décision du tribunal, dans pas moins de 21 cas décidés en faveur des titulaires de brevets, a prévenu la mise en marché de copies génériques illégales.

.1535

Quatrièmement, le délai de résolution des litiges par les tribunaux diminue à mesure que les personnes concernées se familiarisent avec le processus.

Cinquièmement, le règlement sur les avis de conformité ne confère pas aux titulaires de brevet des droits nouveaux que l'on ne trouve nulle part ailleurs dans la loi canadienne. Il est en fait le résultat d'une nette déficience des lois canadiennes, qui ne prévoient pas le recours normal aux injonctions interlocutoires en cas de contrefaçon de brevet. Le fardeau de la preuve est si onéreux qu'il est pratiquement inutile de s'adresser aux tribunaux pour faire respecter les droits de brevet.

Sixièmement, les droits de brevet en vigueur dans le monde entier tiennent compte d'un même principe fondamental, soit qu'il incombe à la personne qui fabrique ou vend le générique de démontrer qu'il ne viole pas les droits de brevet et que le brevet est échu, et non le contraire.

En l'absence de règlement sur les avis de conformité, le Canada ne disposerait d'aucun moyen efficace pour faire respecter les droits de brevet, et notre industrie serait plongée dans une inquiétude profonde. Nous croyons en fait que la précarité actuelle du règlement devrait être rectifiée par l'incorporation des principes et des mécanismes fondamentaux du règlement dans la Loi sur les brevets.

Parallèlement à ce changement, le processus lui-même pourrait être amélioré de façon à réduire les litiges associés à ces cas. Les améliorations proposées vous ont été présentées dans un autre document, et nous serions heureux d'en discuter avec vous.

[Traduction]

Je cède maintenant la parole à Mme Erola pour la conclusion de cet exposé.

Mme Erola: Monsieur le président, à notre avis le cadre législatif instauré il y a quatre ans était raisonnable. Les projets de R-D novateurs, les emplois et les investissements sont à la hausse, le prix des médicaments brevetés est équitable et raisonnable et le secteur des médicaments génériques a vu son chiffre d'affaires augmenter annuellement de 15 à 21 p. 100.

Cependant, nous soutenons qu'en votre capacité de législateurs, vous devez établir une comparaison entre la loi canadienne actuelle sur les brevets et les normes de protection des brevets pharmaceutiques en vigueur dans les autres pays, afin de déterminer en quoi cette situation risque d'influencer nos objectifs mutuels d'équilibre et le développement d'une industrie pharmaceutique canadienne de classe mondiale.

Monsieur le président, notre industrie a respecté ses promesses et demeurera fidèle à ses engagements. Tant que le projet de loi C-91 restera en place, nous nous engageons à maintenir le ratio actuel R-D-ventes, qui se traduira par des investissements de 2,5 à 3 milliards de dollars entre les années 1996 et 2000.

Nous nous engageons à maintenir des prix équitables et raisonnables pour les médicaments brevetés vendus au Canada. Nous nous engageons à appuyer l'innovation et la participation du Canada dans des projets mondiaux de recherche pharmaceutique qui permettront de réaliser de nouvelles percées et, au bout du compte, d'améliorer la santé des Canadiens. Nous nous engageons à travailler en collaboration avec les gouvernements et d'autres intervenants du domaine de la santé dans le but de découvrir des solutions rentables et éprouvées aux problèmes du système de santé, à l'aide de nouveaux programmes thérapeutiques et d'autres projets d'information sur la santé.

Parallèlement à ces engagements, nous demandons au comité et au gouvernement du Canada de bien vouloir considérer deux recommandations fondamentales. Premièrement, les normes et les niveaux actuels de protection des brevets doivent être maintenus, sinon améliorés. Dans cette optique, les principes et les mécanismes fondamentaux du règlement sur les avis de conformité doivent être incorporés au texte de loi, et le processus associé à ce règlement doit être amélioré en vue de réduire les litiges. Deuxièmement, nous devons en tant que nation adopter des normes de protection des brevets qui soient concurrentielles sur le plan international afin d'assurer le maintien des investissements en R-D, de l'innovation et des emplois.

Le rétablissement de la durée du brevet est le mécanisme grâce auquel le Canada pourra continuer de convoiter avec succès les investissements mondiaux dans le domaine de la recherche pharmaceutique. D'autre part, le privilège d'exploitation hâtive doit être révoqué afin de porter la loi canadienne sur les brevets au même niveau que celles de la majorité de nos concurrents internationaux.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de votre attention. Il nous fera maintenant plaisir de répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, madame Erola.

Avant de passer à la période des questions, je voudrais rappeler à tout le monde que je ne veux pas entendre de sonnerie de téléphone cellulaire, ce qui vaut pour notre personnel. Imaginez que vous vous trouvez dans un 747 avec un pilote très nerveux, ça vous aidera.

.1540

Des voix: Oh!

[Français]

Le président: Monsieur Brien.

M. Brien (Témiscamingue): Faut-il penser la même chose du pilote?

Premièrement, vous affirmez que la durée effective des brevets, dans un contexte de comparaisons internationales, est plus faible au Canada que dans plusieurs autres pays, dont les principaux concurrents. On pense en particulier aux États-Unis, à l'Europe et au Japon.

Dans le cas où cette hypothèse s'avérerait fondée et où le gouvernement déciderait d'améliorer la protection effective et de l'aligner sur les standards internationaux, seriez-vous prêts à prendre des engagements additionnels, entre autres par rapport aux dépenses faites en recherche et développement? Si on fait une comparaison internationale, il faut la faire jusqu'au bout. On voit que dans les autres pays, les dépenses en recherche et développement sont plus élevées par rapport aux chiffres d'affaires.

Les données du CEPMB disent que vous consacrez environ 12 p. 100 de votre chiffre d'affaires à la recherche et au développement, alors que dans les pays concurrents, on y affecte plutôt 20 p. 100 des chiffres d'affaires. Donc, seriez-vous prêts à prendre des engagements additionnels à ce niveau-là si une protection accrue vous était donnée?

[Traduction]

M. Lucas: Je vais essayer de répondre à cette question. Tout d'abord, puisqu'on parle des normes internationales en recherche et développement, il faut dire que la norme internationale des dépenses de R-D par rapport aux ventes est d'environ 15 p. 100, pas 20 p. 100. Aux États-Unis, par exemple, le quotient des investissements en R-D par rapport aux ventes peut être de l'ordre de19 p. 100.

Si l'on examine les investissements en R-D au Canada, on constate que les entreprises de l'ACIM ont investi par année 12,5 p. 100 de leurs ventes. Par contre, si l'on ajoute à cela les investissements en R-D des entreprises qui ne font pas encore de ventes, le chiffre passe à environ14 p. 100. Finalement, si l'on tient compte de la manière dont les autres pays calculent ces investissements - par exemple, de la manière dont elles les amortissent - notre pourcentage monte jusqu'à 15,3 p. 100. Autrement dit, nous en sommes aujourd'hui à la moyenne mondiale.

Je puis vous dire que nous sommes très fiers d'avoir réussi à atteindre ce niveau mondial aussi rapidement. De fait, je pense que c'est tout à fait remarquable.

Nous croyons par ailleurs que l'amélioration de la protection des brevets au Canada nous permettra de continuer à attirer d'autres investissements.

Mme Erola: Puis-je ajouter une précision?

Au Canada, on utilise une définition très restreinte de la R-D. Certes, nous convenons que le crédit d'impôt pour la recherche scientifique est extrêmement généreux chez nous, mais il faut savoir que la définition est très restrictive, notamment par rapport à celle de l'OCDE, qui est beaucoup plus large. C'est peut-être une question sur laquelle votre comité voudra se pencher dans le contexte général de l'action gouvernementale à l'égard des systèmes de soins de santé car, à l'heure actuelle, certaines activités qui ne sont pas considérées comme de la recherche sur le plan fiscal, devraient l'être.

[Français]

M. Brien: Vous affirmez que vous vous conformez déjà aux standards internationaux en recherche et développement. Cependant, il y a des gens qui ont un point de vue différent. Je tiens à vous dire que si une protection accrue vous était donnée, on exigerait que vous vous conformiez aux standards internationaux en matière de recherche et développement. Quant à nous, nous aurons à porter un jugement là-dessus à la lumière de l'information qui nous sera donnée.

Ma deuxième question porte sur notre balance commerciale dans le domaine des produits pharmaceutiques. Nous avons un contexte qui favorise beaucoup la recherche et le développement, notamment avec le mécanisme des crédits d'impôt, mais on s'aperçoit que notre balance commerciale est déficitaire et se détériore d'année en année.

Donc, on peut penser que beaucoup de médicaments sont fabriqués à l'extérieur et que, globalement, le Canada est un importateur de médicaments. Comment expliquez-vous cela? N'y a-t-il pas pour nous un problème à subventionner la recherche et à ne pas récupérer, comme société, les bénéfices de la production d'un médicament, puisqu'on est en réalité un importateur?

.1545

[Traduction]

M. Lucas: En ce qui concerne la balance des échanges, les chiffres dont nous disposons, qui viennent de Statistique Canada si je ne me trompe, portent à croire que les exportations augmentent en fait beaucoup plus rapidement que les importations. La balance commerciale commence à se rééquilibrer. Si la tendance se maintient au cours de la prochaine décennie, nous devrions constater une élimination de ce déficit commercial. Cela ne se fera pas du jour au lendemain mais, si nous continuons à effectuer autant d'investissements qu'aujourd'hui, nous pouvons légitimement espérer que ce déficit commercial continuera de s'amenuiser.

[Français]

M. Brien: Comment expliquez-vous la situation actuelle? Le ratio de croissance des exportations est supérieur au ratio de croissance des importations, mais cela n'empêche pas que cette année, la balance commerciale totale était pire que l'an passé. On a freiné son déclin, mais il est toujours là. Comment peut-on penser que cette tendance puisse se renverser s'il n'y a pas d'incitatifs majeurs qui sont demandés et s'il n'y a pas de contraintes d'imposées à la limite?

[Traduction]

M. Lucas: Il existe des incitatifs depuis plusieurs années, du fait de l'amélioration de la protection des brevets. N'oubliez pas qu'il n'y avait en 1987 aucune protection des brevets, c'est-à-dire aucune incitation à investir en R-D. Depuis la création de cette incitation, il y a 10 ans, nous avons constaté une évolution extrêmement positive de la situation, par exemple avec l'adoption de certaines exclusivités mondiales de fabrication.

Je vais vous donner le cas de ma propre entreprise. Nous venons d'investir 120 millions de dollars dans une nouvelle usine de fabrication. Nous exportons aujourd'hui plus de la moitié de la production de cette usine et nous avons deux exclusivités mondiales que nous avons obtenues ces six derniers mois.

Les choses évoluent très bien. Si l'environnement reste le même, si les choses s'améliorent, nous pourrons continuer nos efforts pour obtenir d'autres exclusivités mondiales.

[Français]

M. Marcheterre: Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter à cette réponse en disant qu'il est évident que l'industrie pharmaceutique novatrice était surtout basée en Europe et aux États-Unis. Évidemment, il serait possible pour la plupart des compagnies pharmaceutiques de faire une grande partie de leurs recherche, développement et production uniquement dans les pays où ils sont situés.

Le défi pour un pays comme le Canada consiste à attirer sa juste part de ces investissements en recherche, développement et production qui, le cas échéant, seraient faits ailleurs qu'au Canada. C'est en offrant un contexte compétitif, notamment en termes de protection de la propriété intellectuelle, qu'on peut arriver à créer un environnement où ces compagnies internationales seront en mesures d'être concurrentielles en termes de revenu. En échange, on serait capables d'attirer ici notre juste part d'investissements en recherche, développement et fabrication.

J'aimerais simplement vous dire qu'en relevant la protection avec C-22 et C-91, on a été capables d'attirer au Canada de nouveaux investissements en recherche et développement pharmaceutique d'une valeur de 3,2 milliards de dollars. De plus, on a créé un réseau de recherche et de développement dans nos universités, nos compagnies et nos hôpitaux.

On a formé des chercheurs. On a vu l'émergence d'une industrie de biotechnologie qui emploie au total environ 11 000 employés et investit des sommes importantes en recherche et développement et commence à commercialiser des produits non seulement au Canada, mais aussi dans le reste du monde. Cela se fait par étape. Quand on augmente notre compétitivité, on augmente nos investissements.

M. Brien: Le règlement de liaison est l'un des sujets dont on discutera beaucoup pendant les travaux du comité. Vous dites dans vos documents que c'est un processus qui était nécessaire, compte tenu des lacunes des injonctions interlocutoires au Canada. Certaines personnes disent qu'on pourrait mettre en place un mécanisme différent pour l'obtention des injonctions interlocutoires, de façon à ce qu'on n'ait pas besoin de toute cette mécanique du règlement de liaison pour assurer une protection adéquate des brevets.

.1550

Donc, il y aurait moyen de définir de façon différente les critères d'obtention d'une injonction. De cette façon, on éviterait toutes les difficultés qui sont reliées au règlement actuel. J'aimerais que vous me donniez votre point de vue là-dessus. J'aimerais connaître votre point de vue sur une mécanique différente, si vous êtes ouvert à cela.

M. Marcheterre: Absolument. Les règlements sur les avis de conformité sont un élément critique et essentiel de la Loi sur les brevets. Si on n'a pas de mécanisme de renforcement adéquat, on n'a pas de protection de la propriété intellectuelle. Le mécanisme qui existe actuellement est-il le meilleur? Est-il parfait? Non, il n'est pas parfait, mais on sait qu'il fonctionne. Dans 21 cas, il a prévenu la commercialisation de produits qui auraient autrement été mis sur le marché illégalement.

Par contre, vous avez raison de dire que cela entraîne un nombre important de litiges. On serait tout à fait disposés à discuter avec le gouvernement de façons d'améliorer le système actuel ou même d'en examiner d'autres afin de renforcer adéquatement la protection de la propriété intellectuelle ici, au Canada.

[Traduction]

Le président: Monsieur Schmidt.

M. Schmidt (Okanagan-Centre): Merci, monsieur le président.

Vous dites dans votre mémoire, à la fin du premier paragraphe de la page 5, que le Canada doit «adopter un système de santé intégré fondé sur les preuves». Que voulez-vous dire par là?

Mme Erola: Tout d'abord, que chaque province gère un système de santé qui fonctionne généralement de manière désintégrée. Autrement dit, il y a un budget pour les hôpitaux, il y a un budget pour les médicaments, il y a un budget pour les foyers de personnes âgées, etc., mais le système n'est pas intégré. De ce fait, il arrive souvent que les décisions prises dans un secteur du système de santé aient des effets imprévus sur d'autres.

Une très bonne illustration de ce phénomène vient du budget des médicaments. Si l'on peut aujourd'hui fermer des hôpitaux, c'est en grande partie parce qu'on a aujourd'hui des médicaments et des technologies qui permettent de traiter les patients en les hospitalisant beaucoup moins longtemps. Par exemple, même certaines opérations chirurgicales et certains traitements du cancer se font sans hospitalisation, grâce aux nouveaux médicaments. Si je ne me trompe, le Zofran est un médicament qui permet de traiter les patients sans hospitalisation.

Il n'est donc pas nécessaire d'être un génie en mathématiques pour comprendre que le nombre de lits d'hôpital est étroitement relié à la hausse du coût des médicaments, étant donné que les patients ont moins besoin d'être hospitalisés. Mais il n'y a pas de véritable intégration entre le coût des médicaments et le reste du système, ce qui veut dire qu'on ne se sert pas de toutes les informations disponibles pour prendre les meilleures décisions possibles.

Le système produit aujourd'hui une quantité énorme d'informations concrètes. Nous avons des lignes directrices et des études qui indiquent que certaines procédures et certains changements thérapeutiques peuvent déboucher sur des économies non négligeables. Cela vaut pour tout le système.

Il est donc temps - et M. Dingwall l'a dit très clairement en réponse au Forum national sur la santé, qui a examiné toute cette question - d'évoluer maintenant vers un système complètement intégré de façon à tirer parti des nouvelles connaissances et des technologies fondées sur les connaissances, pour pouvoir prendre les meilleures décisions, fondées sur des preuves. Nous pensons que c'est dans cette voie que le Canada doit s'engager, et je dois dire que tout permet de penser que cette évolution a déjà commencé, ce dont nous nous félicitons.

M. Schmidt: Mais l'intégration ne concernerait pas les autres formes de médecine? Il s'agirait simplement de revoir le système du fait de l'utilisation de nouveaux médicaments. Il ne s'agirait pas d'envisager le recours à d'autres formes de thérapie, comme la naturopathie ou les thérapies holistiques?

Mme Erola: Toutes les preuves devraient être examinées de manière systématique.

M. Schmidt: On pourrait donc y inclure ces éléments?

Mme Erola: Il faudrait tenir compte de toutes les preuves disponibles sur la meilleure manière de traiter les patients.

M. Schmidt: Que seraient, d'après vous, des preuves irréfutables?

Mme Erola: Il existe au Canada d'excellents organismes scientifiques qui peuvent faire tous les essais requis, avec la méthodologie et la rigueur scientifique voulues.

Monsieur Lucas.

.1555

M. Lucas: Je vais vous donner un exemple concernant l'asthme, qui est un des domaines dont nous nous occupons. On sait aujourd'hui comment traiter l'asthme de manière efficace. Bon nombre d'essais cliniques ont montré que la meilleure méthode repose sur l'inhalation de stéroïdes en doses croissantes. Il s'agit donc simplement de mettre ce savoir en application de façon à obtenir les mêmes résultats que pendant les essais cliniques.

Nous avons consulté un certain nombre de parties prenantes du pays, par le truchement de ce que nous appelons nos centres communautaires de traitement de l'asthme, et cela nous a montré qu'on a déjà obtenu une amélioration parfois spectaculaire du traitement des asthmatiques, ainsi qu'une baisse des coûts et une hausse du degré de satisfaction des patients. Il s'agit donc là d'une approche vraiment multidisciplinaire, dans le but d'utiliser les meilleures méthodes.

M. Schmidt: Merci beaucoup.

Je voudrais aborder une autre question. Il semble que ce soit en ce qui concerne le rétablissement des brevets, comme vous dites, que la période d'approbation soit beaucoup trop longue. À l'heure actuelle, elle est de 20 ans. Si la période d'approbation était ramenée à 15 ans, par exemple, cela réduirait à toutes fins pratiques de cinq ans la protection de commercialisation. Et vous voulez que cela soit prolongé de cinq années supplémentaires, disons. Cela semble être votre position maximale.

Si la période d'approbation était de cinq ans, seriez-vous prêts à ramener la période de protection à 15 ans?

M. Lucas: Le facteur crucial est que l'objectif de la protection des brevets est d'assurer 20 ans de protection pour toutes les inventions.

M. Schmidt: [Inaudible]

M. Lucas: C'est exact, car les médicaments sont tout à fait uniques dans la mesure où ils exigent une longue période de mise au point et d'approbation. Toutes les autres inventions obtiennent en fait 20 ans de protection, par le truchement des brevets, parce qu'elles ne prennent pas aussi longtemps à mettre au point. Donc, la notion de restauration de la durée du brevet, qui reviendrait à ajouter deux, trois, quatre ou cinq ans...

M. Schmidt: Certes, mais la vraie question est de savoir pourquoi vous voulez cette protection. Est-ce pour pouvoir commercialiser vos médicaments pendant 10 ans? Quelle protection souhaitez-vous? Voulez-vous 20 ans? Voulez-vous 10 ans de protection sur le marché?

Mme Erola: Je crois qu'il est important de voir ce que font les autres pays en la matière. La période maximale d'exclusivité des brevets qui est assurée par nos concurrents est en tout de 14 ans en ce moment, parce que nous ne parlons pas ici de prolongation automatique. Cela doit se faire cas par cas et, bien souvent...

M. Schmidt: D'après moi, vous voulez une méthode mais pas l'autre.

Mme Erola: Non, nous souhaitons harmoniser notre situation avec celle de nos partenaires commerciaux, et ces derniers...

M. Schmidt: Donc, vous voulez la même chose qu'eux.

M. Sims: Je pourrais vous donner un exemple précis. Le produit de mon entreprise qui connaît le plus de succès est récemment tombé dans le domaine générique. Il s'agit du Prozac, dont vous avez certainement tous entendu parler. Le Canada a été le premier pays du G-7 à connaître une expiration du brevet de ce produit parce qu'il n'offre pas de restauration des brevets. Pour faire approuver ce médicament, nous avons dû passer cinq ans devant la Direction générale de la protection de la santé. D'autres pays ont connu le même phénomène mais, à la différence du Canada, ils ont un système de rétablissement du brevet. Je dois donc faire concurrence à des firmes de recherche globales contre ma concurrence interne, dans ma propre entreprise, qui a toujours pour ce produit un brevet jusqu'en l'an 2001 ou, dans certains cas, jusqu'en l'an 2004, alors que le Prozac a été commercialisé pendant sept ans au Canada.

M. Schmidt: Bien.

Je voudrais passer à un autre sujet: les injonctions interlocutoires. À l'heure actuelle, si je ne me trompe, le critère est celui des dommages irréparables. Si on l'abandonnait, je pense que les tribunaux seraient peut-être plus portés à vous accorder plus facilement ce genre d'injonctions, étant donné qu'il est quasiment impossible de prouver des dommages irréparables, ce qui est sans doute l'une des raisons pour lesquelles cette disposition n'est jamais invoquée. Donc, si le critère était moins rigoureux, seriez-vous prêt à changer de position par rapport à vos concurrents?

M. Marcheterre: Ce qui est important, c'est que nous ayons un mécanisme d'application des dispositions de protection de la propriété intellectuelle. Lors de l'adoption du projet de loi C-91, nous savions que les exigences envisagées en matière d'injonctions interlocutoires étaient telles qu'il serait pratiquement impossible d'en obtenir. Il était donc nécessaire d'établir un autre système, et c'est ce qu'on a fait avec le règlement sur les avis de conformité.

.1600

Nous savons aujourd'hui que ce règlement permet de protéger la propriété intellectuelle concernant les produits pharmaceutiques. Certes, comme je l'ai déjà dit, le règlement n'est pas parfait et on pourrait l'améliorer. Si l'on pouvait concevoir un autre système de protection de la propriété intellectuelle qui serait efficace tout en réduisant les litiges, nous serions certainement prêts à l'envisager et en discuter avec le gouvernement.

M. Schmidt: Vous ne le rejetez donc pas d'office. S'il y avait un système plus efficace et plus efficient, vous seriez prêt à l'envisager.

M. Marcheterre: Absolument, si on pouvait nous le prouver.

M. Schmidt: Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Vous pouvez poser une dernière question.

M. Schmidt: D'accord. Il s'agit de la question du prix de lancement.

Vous dites dans votre rapport - je ne sais plus où exactement - que seulement une idée sur 10 000 aboutit à un médicament commercialisable et que, parmi ces derniers, seulement 3 p. 100 permettent de recouvrer les dépenses de R-D. Quand vous calculez le coût d'un nouveau médicament, y intégrez-vous le coût total des activités de R-D des 10 000 qui n'ont pas réussi? Et les profits engendrés par les 3 p. 100 suffisent-ils pour financer tout cela?

M. Sims: C'est une excellente question.

Nous oeuvrons évidemment dans un domaine très complexe. Le traitement fiscal des dépenses de R-D procède de principes comptables tout aussi complexes.

Pour répondre brièvement à votre question, je vous dirais que non, ce n'est pas comme cela que nous tarifons nos produits. Le prix est établi strictement en fonction des lignes directrices du CEPMB.

M. Schmidt: Il s'agit du prix de lancement, pas du prix ultérieur.

M. Sims: C'est de cela que je parle. Le prix de lancement des nouveaux produits répond strictement aux lignes directrices du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés.

Il y a trois catégories. La première concerne la formule de dosage du nouveau produit, pour laquelle on fait une comparaison milligramme par milligramme. Le prix que l'on peut établir est donc très clair.

Je passe tout de suite à la troisième catégorie, concernant les produits censés représenter une amélioration modeste. Au Canada, même s'il s'agit d'une nouvelle technologie assurant de meilleurs soins aux patients, on estime qu'il s'agit de la troisième catégorie, c'est-à-dire que le prix doit se situer à l'intérieur des gammes de prix des anciennes technologies que l'on veut remplacer. Là aussi, le prix que l'on peut fixer est donc très clair.

Il y a ensuite la deuxième catégorie, qui est celle des percées médicamenteuses et qu'il est important de replacer dans son contexte car, entre 1992 et 1995, elle ne représentait que 9 p. 100 de tous les nouveaux médicaments existant au Canada. Donc, si les médicaments brevetés représentent 2,5 p. 100 de toutes les dépenses de santé et si, entre 1992 et 1995, cette catégorie ne représentait que 9 p. 100 de tous ces nouveaux produits, vous pouvez constater qu'il s'agit d'une très petite portion du pourcentage total.

Comme il n'y a pas d'éléments de comparaison au Canada, puisqu'on parle de produits qui constituent une percée, le principe établi par le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés est que nous ne pouvons dépasser la médiane internationale des pays de comparaison.

Le président: Merci. Monsieur Schmidt, je veillerai à ce que vous puissiez poursuivre cette question.

Monsieur MacDonald.

M. MacDonald (Dartmouth): Merci, monsieur le président.

J'ai l'impression de me retrouver dans un film que j'ai vu récemment, The Usual Suspects. J'ai l'impression de retrouver toujours les mêmes têtes.

Je tiens cependant à souhaiter la bienvenue aux membres de l'Association et à Mme Erola, son porte-parole dynamique et efficace.

Je voudrais aborder plusieurs questions. Tout d'abord, nous essayons manifestement de voir si l'industrie a respecté ses engagements et si le gouvernement a atteint les objectifs qu'il visait en adoptant le projet de loi C-91. Si vous avez suivi les questions que je pose depuis quelques jours, vous aurez constaté qu'il y a quatre ou cinq questions sur lesquelles je pense que nous avons besoin d'informations pour prendre des décisions éclairées.

La première concerne la R-D. Certes, il semble que l'engagement pris par l'industrie en la matière ait été respecté, mais j'aimerais quand même obtenir des précisions.

Tout d'abord, l'industrie a-t-elle l'intention de rehausser le pourcentage de R-D qui est consacré à la recherche fondamentale? En examinant les graphiques que l'on nous a montrés hier, j'ai constaté que, même si les dépenses brutes de R-D ont augmenté, le pourcentage consacré à la recherche fondamentale semble avoir légèrement diminué.

.1605

En ce qui concerne ma deuxième question, nous n'avons pas encore de données précises mais j'aimerais bien les voir. Comme le CEPMB semble utiliser un ensemble de sept pays pour calculer le prix médian des nouveaux médicaments commercialisés au Canada, je me demande si l'Association connaît exactement la proportion des dépenses de R-D par rapport aux ventes dans ces pays. Si j'ai bien compris, elle était de 11,8 p. 100 au Canada en 1995, dans l'ensemble, et de 12,5 p. 100 pour les entreprises faisant partie de l'ACIM. Nous n'avons pas encore de données de comparaison mais je crois comprendre que le CEPMB a l'intention de nous les communiquer. Quoi qu'il en soit, la proportion pour l'industrie canadienne n'était que d'environ 8,2 p. 100 en 1990, alors qu'elle était de 9,5 p. 100 en Italie et de 18,2 p. 100 au Royaume-Uni. Pour la Suède et la Suisse, elle était de 14,4 p. 100. Pour l'Allemagne, de 16,4 p. 100 et, pour les États-Unis, de 11,8 p. 100.

Ces proportions vont-elles diminuer dans les autres pays? Savez-vous s'il y a eu un changement? Y en a-t-il eu un au Canada? Où nous situons-nous par rapport à l'ensemble: au milieu ou au sommet?

M. Lucas: Je vais d'abord essayer de répondre à votre question sur la recherche fondamentale. Celle-ci représente actuellement au Canada entre 25 p. 100 et 30 p. 100 des dépenses totales de R-D. Si l'on fait une comparaison avec les États-Unis et avec les autres grands pays du G-7, on constate que c'est à peu près la même chose partout.

Il faut savoir que la recherche fondamentale ne représente généralement que cette proportion des dépenses totales de R-D, les coûts les plus élevés concernant la mise au point des produits. J'ai l'impression qu'on sous-estime parfois l'importance de la recherche clinique, et je vais vous en donner quelques exemples. Supposons que la recherche fondamentale ait permis de découvrir une molécule destinée à traiter le VIH. Lorsque la recherche fondamentale est terminée, l'entreprise entreprend des recherches cliniques pour essayer de démontrer que le produit est efficace contre l'hépatite B. S'agit-il là de développement clinique ou de recherche fondamentale? La plupart des gens disent qu'il s'agit en fait de recherche véritable car il s'agit d'un développement clinique très important qui permet de découvrir une nouvelle utilisation du même produit. Voilà pourquoi on sous-estime parfois l'importance réelle de la recherche. Cela dit, les chiffres sont très comparables entre le Canada et les autres grands pays.

M. MacDonald: Pourriez-vous prendre l'engagement de les vérifier? Nous pourrions peut-être les obtenir plus facilement ailleurs mais, si votre association pouvait nous les communiquer, j'en serais très content.

Mme Erola: Certainement. Nous avons des chiffres de l'OCDE et je serais très heureuse de vous communiquer les différentes interprétations et définitions des divers pays.

M. MacDonald: Dans le rapport qu'il nous a adressé, ainsi que dans son rapport annuel, le CEPMB dit que le pourcentage de R-D consacré à la recherche fondamentale se situait à 27,2 p. 100 en 1990, et qu'il a ensuite baissé pendant toutes les années suivantes pour atteindre respectivement 26,5 p. 100, 26,4 p. 100, 25,3 p. 100, 21,9 p. 100 et 22,2 p. 100. C'est pour cette raison que je posais la question.

Mes autres questions concernent le prix de lancement des médicaments, et je vous en ai déjà parlé. Les Canadiens ont beaucoup de mal à savoir si le prix de lancement d'un nouveau médicament est raisonnable ou non. De fait, même le CEPMB a du mal à s'y retrouver lorsqu'on lui pose la question: «Pensez-vous que les données disponibles vous donnent une idée raisonnable de ce que devrait être le taux de rendement des investissements consacrés à la mise au point de produits?»

Vous avez des établissements de recherche dans de nombreux pays et nous ne savons pas vraiment quel est le coût de mise au point d'un médicament. Le CEPMB ne le sait pas non plus. Je vous ai entendu dire qu'il n'y a que peu de nouveaux médicaments qui finissent par être commercialisés, mais il est important que le public soit bien informé. Lorsqu'une entreprise nous dit quel est le prix médian d'un médicament dans les sept autres pays, comment pouvons-nous avoir l'assurance que ce n'est pas 200 p. 100 supérieur à la réalité? Comment pouvons-nous avoir l'assurance que la mise au point du médicament ne vous a pas coûté que 10 ou 30 millions de dollars, alors que vous avez un marché mondial d'un milliard de dollars par an et que vous vous attendez à obtenir 12 années d'exclusivité?

.1610

Comment le CEPMB peut-il déterminer de manière raisonnable quel devrait être le prix de lancement d'un médicament? Est-ce que les compagnies pharmaceutiques lui communiquent des données détaillées sur les coûts réels de R-D?

M. Lucas: Je crois qu'on peut les obtenir par Tufts. C'est un cabinet qui a étudié en détail le coût de mise au point des médicaments et, comme je l'ai dit plus tôt, il est arrivé au chiffre de 500 millions de dollars, chiffre qui ne cesse d'augmenter. Selon les prévisions, il atteindra un milliard de dollars au début du siècle prochain.

M. MacDonald: Je parle ici d'un médicament particulier car le CEPMB est chargé de décider si son prix de lancement est raisonnable ou non. Son seul critère est le prix médian des autres pays, puisqu'il est établi que le prix au Canada doit se situer dans la moyenne. Cela dit, si vous vendez votre médicament dans chacun des autres pays à un prix supérieur de 500 p. 100 ou de 200 p. 100 à ce qu'il devrait être, cela veut dire que le prix canadien est lui aussi trop élevé.

M. Sims: Je vais vous donner une information qui devrait vous rassurer, monsieur MacDonald.

M. MacDonald: Nous l'espérons.

M. Sims: Lorsque nous fixons le prix d'un nouveau médicament, il ne faut pas oublier que ce dernier doit faire concurrence aux thérapies existantes, qu'elles soient pharmaceutiques ou non. Je veux parler ici de chirurgie ou d'autres thérapies. Autrement dit, le médicament doit résister à une analyse pharmaco-économique rigoureuse. Si ce n'est pas le cas, il n'est pas accepté par les autorités provinciales ou privées.

Voilà pourquoi la plupart des compagnies novatrices de produits pharmaceutiques ont intégré à leurs équipes de R-D des groupes importants de recherche pharmaco-économique. Ainsi, lorsque le médicament arrive sur le marché, le public a tout de suite accès aux données pharmaco-économiques cliniques.

M. MacDonald: J'ai quelques autres questions à poser. Je vais essayer d'être bref. Je voudrais mieux cerner la position de votre association.

Lorsque nous discutions du projet de loi C-91, en 1993, on ne cessait de nous dire que son adoption se traduirait par une hausse des dépenses de R-D et par la création de nombreux emplois. Je me souviens d'avoir demandé précisément à l'époque: «Et quoi d'autre?» Ce à quoi on m'a répondu: «C'est tout». Autrement dit, si le projet de loi C-91 était adopté, vous disiez n'avoir besoin de rien d'autre.

J'entends cependant des choses troublantes. J'ai entendu dire que le Canada ne doit pas prendre de retard par rapport aux autres pays, notamment le Brésil.

L'ACIM a-t-elle l'intention d'obtenir la restauration de la durée de vie des brevets à l'échelle internationale, pour que ça devienne la norme? Je pense que nous devrions le savoir. Il y a trois ou quatre ans, nous traitions d'un projet de loi qui était censé stabiliser l'industrie et favoriser sa croissance au Canada. L'ACIM estime-t-elle maintenant que son objectif doit être la restauration de la durée des brevets à l'échelle internationale?

Mme Erola: Je me souviens des débats de l'époque. De fait, j'ai pris la peine de revoir le procès-verbal de ces audiences. Si vous me le permettez, je vais vous répéter ce que l'on disait à l'époque.

À la question: «Pensez-vous que le projet de loi C-91 constituera un mécanisme efficace de protection de brevets?», on a répondu ceci:

Certes, le projet de loi C-91 a établi un certain équilibre, mais c'est ce que nous avions répondu à l'époque. Nous avions dit très clairement que c'était le premier élément et qu'il devrait y en avoir d'autres.

M. MacDonald: Au moment de l'adoption du projet de loi C-91, le processus réglementaire prenait en moyenne 40 mois. Les entreprises semblaient tout à fait prêtes à prendre des engagements si le système des licences obligatoires était aboli. Au cours des quatre dernières années, nous avons constaté en moyenne - et je sais bien qu'il y a des exceptions, dont il faudra s'occuper - que la période d'approbation a été ramenée à 20 mois.

Autrement dit, les entreprises bénéficient presque d'une année et demie d'exclusivité commerciale, ce qui me semble tout à fait avantageux par rapport au reste du monde. Ne croyez-vous donc pas que...

Mme Erola: C'est parfaitement vrai. Si notre système de réglementation parvient à s'harmoniser avec ceux des autres pays, nous n'aurons plus besoin de restauration ou de prolongement de la durée des brevets.

.1615

M. Lucas: J'aimerais ajouter une remarque. Il faut bien comprendre que le temps qui s'écoule avant de mettre un produit sur le marché comprend non seulement le temps d'approbation par l'organisme de réglementation mais aussi la période de mise au point et des essais cliniques. C'est la combinaison des deux qui a réduit la durée effective des brevets.

Une étude que nous venons d'effectuer sur les molécules introduites au Canada dans les années 1990 a démontré que la durée de vie effective des brevets a été ramenée à 8,5 ans. Voilà pourquoi nous réclamons la restauration de la durée de vie des brevets. Et, je le répète, cela ne s'appliquera qu'à certains types de produits.

Mme Erola: Quoi qu'il en soit, si le système de réglementation s'améliore, c'est un facteur à prendre en considération.

Le président: Nous pourrons y revenir plus tard.

M. Volpe devant partir, les députés de l'opposition acceptent-ils qu'il pose ses questions tout de suite?

Monsieur Volpe, vous pouvez prendre vos cinq minutes, après quoi nous donnerons la parole à un représentant de l'opposition officielle puis à M. Schmidt.

M. Volpe (Eglinton - Lawrence): Je remercie sincèrement mes deux collègues du Bloc de leur générosité. Je vais essayer d'être diplomate. Merci beaucoup.

J'aimerais revenir sur les deux questions que vous avez soulevées, c'est-à-dire la restauration de la durée de vie des brevets et, même si vous n'avez pas utilisé l'expression, les dispositions Bolar. Avant cela, toutefois, je voudrais parler du document intitulé Closing the Intellectual Property Protection Gap in Canada, auquel vous avez fait allusion et qui a été envoyé à tous les députés. Vous dites que le Canada doit atteindre les normes internationales.

Hier soir, une organisation dont vous vous souvenez probablement tous nous a remis ce document, intitulé Biotech in Canada: Economic Indicators. Je crois que vous en avez reçu des exemplaires. Le premier graphique, concernant la croissance du chiffre d'affaires des sociétés de biotechnologie cotées en bourse au Canada, aux États-Unis et en Europe, montre qu'il y a eu un taux de croissance de 45 p. 100 au Canada par rapport à l'année antérieure, de 29 p. 100 aux États-Unis, et de 18 p. 100 en Europe. Si la situation est tellement mauvaise au Canada, comment se fait-il que l'on enregistre des taux de croissance aussi remarquables?

Le deuxième graphique concerne la hausse des dépenses de R-D dans les sociétés de biotechnologie cotées en bourse au Canada, aux États-Unis et en Europe. On y constate que la hausse au Canada, d'une année à l'autre, a été de 24 p. 100, contre 10 p. 100 aux États-Unis et 20 p. 100 en Europe. Commentaires?

M. Marcheterre: Avec plaisir. Ces données démontrent l'incidence exacte de l'amélioration de la protection des brevets au Canada et de l'instauration d'un environnement qui nous permet d'être plus compétitifs par rapport aux autres pays.

M. Volpe: J'ai avec moi une lettre du président de Monsanto qui dit que ces entreprises de biotechnologie sont essentiellement des petites entreprises de capital-risque. Cela n'a rien à voir avec la protection des brevets.

Mme Erola: Il n'a pas dit que cela n'avait rien à voir avec la production des brevets.

M. Volpe: Je l'ai dit pour lui.

Des voix: Oh!

Mme Erola: Je ne pense pas qu'il l'apprécierait.

Une voix: Certainement pas.

M. Volpe: Les avis peuvent être partagés là-dessus. Quoi qu'il en soit, des sommes considérables sont investies, ce qui donne les taux de croissance élevés que je viens de citer, mais vous dites que les conditions ne sont pas satisfaisantes. Je ne saisis pas.

M. Lucas: La semaine prochaine, vous aurez l'occasion de vous adresser à d'autres membres de notre association, notamment à Biochem Pharma, société canadienne qui a investi au Canada précisément à cause de la législation sur les brevets. Je suis sûr que le Dr Bellini vous en parlera à ce moment-là mais il est clair...

M. Volpe: Nous lui poserons la question.

Revenons sur la question des brevets, puisque vous avez parlé d'éliminer les litiges à ce sujet. Hier, on nous a dit que le Bureau des brevets avait reçu des listes de brevets destinés à bloquer la concurrence, et que ces listes comprenaient 169 brevets qui n'auraient pas dû y figurer, comme des brevets pour un frein de bicyclette, un système d'entreposage de disques compacts, une lentille pour tube cathodique, etc.

En outre, on nous a fourni des informations du ministère de la Santé résumant diverses causes sur des avis de conformité. Sur les 103 causes mentionnées, on trouve des gagnants et des perdants. Toutefois, ce qui trouble les membres du comité, c'est que 24 avis d'interdiction ou objections à des allégations ont été retirés après le début du litige.

.1620

Cela veut-il dire que les sociétés pharmaceutiques intentent des poursuites frivoles et qu'elles ne sont pas vraiment sérieuses quand elles parlent de produits illégaux qui entrent sur le marché?

Le président: Comme ce sera la dernière question de M. Volpe, veuillez formuler votre réponse en conséquence.

M. Marcheterre: J'aimerais répondre à cette question. Lorsque l'avis d'allégation est publié, on y trouve généralement très peu d'informations pour nous permettre de juger s'il y a ou non une contrefaçon. De ce fait, nous n'avons pas d'autre choix que de prétendre qu'il y a contrefaçon. Plus tard, lorsque des données complémentaires sont fournies, nous pouvons prendre une décision plus éclairée et il nous arrive de convenir qu'il n'y a pas eu de contrefaçon.

Si vous voulez des précisions, je vais demander à Mme Grell de vous les donner.

Mme Emma Grell (conseillère juridique, Association canadienne de l'industrie du médicament): En ce qui concerne les plaintes retirées, nous n'en connaissons pas toujours les raisons exactes. Dans certains cas, elles le sont pour les raisons qu'André vient de mentionner. Dans d'autres, on obtient des informations complémentaires durant les audiences.

Par exemple, il y a eu un cas - qui devrait figurer sur la liste d'Industrie Canada - de compagnie générique qui a retiré l'avis d'allégation qui avait entraîné le lancement des procédures. Dans un autre cas, une ordonnance d'interdiction avait été rendue contre cette même entreprise dans une cause antérieure. De fait, j'ai connaissance de trois causes qui ont été abandonnées parce que l'entreprise générique qui avait intenté les poursuites a retiré ses allégations.

Je connais deux cas où l'entreprise générique a produit de nouvelles informations et...

M. Volpe: Nous connaissons les détails. Nous les avons déjà obtenus d'Industrie Canada.

Mme Grell: Je crois que les faits sont parfaitement clairs.

Le président: Je vous serais reconnaissant de donner le temps aux témoins de répondre. Laissez-les s'exprimer, s'il vous plaît.

Poursuivez, madame Grell.

Mme Grell: Il y a environ 32 causes qui ont été abandonnées de cette manière, pour une raison ou une autre. Je crois que certaines étaient reliées à des brevets qui ont été examinés et dont on a constaté qu'il s'agissait de brevets de processus. Cela peut arriver lorsque la cour a eu le temps d'analyser le sens précis des textes réglementaires et de constater que certains brevets n'auraient pas dû figurer sur les listes parce qu'ils ne correspondaient pas aux règlements.

Il y a eu par exemple en 1995 un arrêt de la Cour fédérale d'appel disant que les brevets concernant purement des processus ne devraient pas figurer sur la liste. Il est raisonnable de supposer qu'un certain nombre de causes ont été abandonnées pour cette raison.

Il y en a eu quelques-unes pour lesquelles les compagnies génériques n'ont fourni aucune preuve.

Il y a une chose qu'il me semble important de souligner en ce qui concerne les brevets dont on a constaté qu'ils n'auraient pas dû figurer sur la liste. Je ne pense pas qu'il y ait une seule cause devant les tribunaux concernant une société détentrice de brevet contre un produit générique qui soit allée en audience contre la société générique, sur la base de ce brevet, une fois que le tribunal a clairement indiqué quels types de brevets correspondent aux textes réglementaires.

Il peut y avoir des cas où l'on a invoqué plus d'un seul brevet dans une même procédure. Or, l'un de ces brevets peut concerner un processus et il se peut que l'entreprise brevetée ait clairement indiqué au tribunal qu'elle n'attend pas de décision à ce sujet étant donné le précédent établi par la cour elle-même.

Le président: Merci beaucoup de cette précision.

Mme Erola: Si vous me le permettez, j'aimerais apporter...

Le président: Veuillez m'excuser, j'essaie vraiment de donner à tous les témoins la possibilité de s'exprimer, mais nous aurons beaucoup de temps à la fin de la séance.

Mme Erola: C'est en réponse à M. Volpe.

Le président: Nous reviendrons à M. Volpe.

Monsieur Ménard.

[Français]

M. Ménard (Hochelaga - Maisonneuve): Je me joins à vous, monsieur le président, pour souhaiter la bienvenue aux témoins. Je sais que cette tribune-ci est assez familière à au moins l'un d'entre eux.

Vous avez laissé sous-entendre à plusieurs reprises que la définition de «recherche et développement» appliquée par le Conseil d'examen était en quelque sorte préjudiciable. J'ai assisté à une séance de formation intensive où on nous a expliqué la définition de «recherche et développement», que je vais vous lire brièvement:

Un peu plus loin, on nous dit que c'est la définition standard des pays de l'OCDE.

.1625

Je vais poser mes trois questions l'une après l'autre, mais vous seriez très aimable, pour notre compréhension, de nous expliquer en quoi la définition que je vous ai lue porte préjudice à l'évaluation qu'on fait des niveaux de recherche et de développement.

Voici ma deuxième question. Plus votre réponse à cette question sera claire, plus notre amitié sera grande. Vous savez que j'ai déposé un projet de loi concernant l'accès humanitaire aux médicaments. Je sais que la compagnie Glaxo Wellcome Inc. a à cet égard un bilan dont elle a toutes les raisons d'être fière. Êtes-vous prêts à prendre l'engagement que l'ACIM sera solidaire de ce projet de loi et que vous allez encore améliorer les choses? S'agissant de l'accès humanitaire aux médicaments, le pire côtoie le meilleur. Certains membres de votre association sont extrêmement généreux et ouverts et il y en a d'autres qui ont une performance extrêmement négative.

Donc, accepteriez-vous que le Conseil d'examen puisse intervenir et faire enquête lorsqu'il y a des raisons de penser qu'il n'y a pas un accès humanitaire juste et raisonnable?

Allons-y pour les deux premières. Je suis sûr que l'indulgence du président va me permettre d'en poser une troisième.

[Traduction]

Le président: Connaissez-vous le projet de loi de M. Ménard?

Mme Erola: Je pense que la question qu'il vient de soulever relève du programme d'usage humanitaire des médicaments, de Santé Canada. Si je ne me trompe, la dernière fois que j'ai examiné ce dossier, quelque 10 000 personnes avaient bénéficié de ce programme. Il est donc évident qu'il marche bien.

La deuxième question concerne le problème global de l'accès aux médicaments au Canada. Je pense que c'est une question de portée plus générale qu'a soulevée le Forum sur la santé lorsqu'il a dit que les médicaments devraient être accessibles à toute personne qui en a besoin. Nous sommes d'accord avec ce principe. Quant à savoir comment l'appliquer, ce n'est pas nous qui pouvons en décider. Je ne veux pas dire que la question ne pourrait pas être soumise à votre comité, je ne le sais pas vraiment.

[Français]

M. Ménard: Madame Erola, il y a deux dimensions que je veux vous rappeler. Premièrement, le projet de loi que j'ai déposé donne au Conseil d'examen des pouvoirs afin que lorsqu'une personne qui est gravement malade... Nos téléspectateurs et les membres de cette salle doivent savoir que, lorsqu'on parle de l'accès humanitaire aux médicaments, on parle de médicaments non homologués dont un médecin a des raisons de penser qu'ils pourraient sauver la vie de certaines personnes.

Au sein de votre société, des compagnies comme Glaxo Wellcome Inc. ont une performance très intéressante. D'autres citoyens corporatifs, et la décence la plus élémentaire m'oblige à ne pas révéler leurs noms, ont refusé de donner un accès humanitaire aux médicaments, et mon projet de loi propose que le Conseil puisse ouvrir des enquêtes, à la suite d'un rapport au ministre, dans les cas où il y aurait des sociétés... Vous allez convenir avec moi qu'on est en présence de sociétés qui ont déclaré des profits de 5 milliards de dollars l'année dernière et qu'il y a quelque chose de raisonnable à assurer un accès humanitaire décent aux médicaments.

Deuxièmement, expliquez-nous clairement en quoi la définition de «recherche et développement» utilisée par le Conseil, et dont le Conseil dit qu'elle est standard dans les pays de l'OCDE, porte un préjudice à votre organisation, s'agissant de l'évaluation du niveau de la recherche que vous avez faite par le passé?

[Traduction]

Le président: Nous avons maintenant les paragraphes 3a) et b).

[Français]

M. Ménard: Monsieur le président, tout est possible avec vous.

[Traduction]

M. Lucas: Comme vous le savez, la R-D est définie dans la Loi de l'impôt sur le revenu, à laquelle nous nous conformons. Comme je l'ai dit plus tôt, elle est peut-être définie différemment dans d'autres pays. Par exemple, certains acceptent que les dépenses de R-D comprennent l'amortissement de certains investissements de R-D.

Mme Erola: Je vais vous citer la définition qui est utilisée au Canada, pour l'information de tous les membres du comité:

.1630

L'OCDE, par contre, a cette définition:

Cette définition est beaucoup plus large puisqu'elle englobe ce que nous appellerions nous des recherches dans les sciences du comportement et des recherches sur les populations, lesquelles ne sont pas touchées par la définition canadienne contemporaine.

[Français]

M. Ménard: Êtes-vous en mesure, avant de nous quitter, de fournir à ce comité deux éléments d'information? En citoyens corporatifs responsables que vous avez été et que vous êtes, à combien évaluez-vous l'effort de recherche additionnel que vous souhaitez consentir pour la suite des événements?

Deuxièmement, puis-je me coucher ce soir en pensant que j'ai l'appui de l'ACIM pour ce qui est de mon projet de loi donnant des pouvoirs additionnels au Conseil pour l'accès humanitaire, oui ou non? J'apprécierais le savoir, parce qu'il ne doit pas y avoir de secrets entre nous.

Madame Erola, votre carrière politique est derrière vous, pas devant vous.

[Traduction]

Mme Erola: Il me serait très difficile d'exprimer un appui sans réserve à l'égard d'un projet de loi que je n'ai jamais vu. Je crois qu'il faudrait y consacrer un débat.

Toute la question de l'usage humanitaire des médicaments mérite une étude attentive car dans le contexte actuel, la décision dépend exclusivement du médecin traitant. Or, il y a toutes sortes de facteurs à prendre en considération. Cela dit, je ne pense pas que nous soyons totalement satisfaits du système actuel.

Je vais demander à mes collègues de donner leur avis.

M. Lucas: Dans l'ensemble, nous essayons de collaborer avec Santé Canada pour réduire le temps qu'il faut pour approuver des médicaments, ce qui devrait atténuer quelque peu la nécessité de l'usage humanitaire. Cela dit, cet usage ne disparaîtra jamais.

Comme l'a dit Mme Erola, nous devons veiller à ce que les médicaments soient disponibles au bon moment, quand on en a vraiment besoin.

En ce qui concerne votre projet de loi, je ne peux pas non plus vous donner mon avis car je ne l'ai pas vu.

Mme Erola: Croyez-vous cependant que ce soit le rôle du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés? Très franchement, je ne le pense pas. Je crois que c'est quelque chose dont Santé Canada devrait s'occuper, dans le cadre de la Loi canadienne sur la santé.

Le président: Cela relève de notre comité. Il s'agit de savoir si nous comprenons ou non le projet de loi de M. Ménard.

M. Schmidt: J'ai deux questions à poser.

La première concerne votre première recommandation touchant les avis de conformité, c'est-à-dire les principes qu'il conviendrait d'appliquer et les mécanismes permettant d'en assurer l'application. Il est évident que c'est quasiment toute l'industrie pharmaceutique, biotechnologie comprise, qui en serait la principale bénéficiaire. Quels sont donc les principes que vous voudriez entériner dans la législation, et quels sont les principaux mécanismes que vous voudriez recommander?

M. Marcheterre: J'aimerais répondre à cette question. Laissez-moi tout d'abord rappeler un principe: nous investissons des centaines de millions de dollars dans nos activités de recherche et de développement, sur des périodes extrêmement longues, et c'est pourquoi nous avons besoin d'un environnement prévisible.

Pour répondre précisément à votre question, je vous dirais qu'il faudrait que ce qui est actuellement un texte réglementaire, pouvant être modifié, devienne un texte législatif, de façon à ce qu'il soit plus difficile de le modifier, c'est-à-dire qu'on ne puisse le modifier sans le processus démocratique habituel.

Cela dit, je vais demander à Mme Grell de vous donner des précisions sur les divers éléments que nous souhaitons.

Mme Grell: Il y a des principes qu'il faudrait intégrer à un texte de loi plutôt qu'à un texte réglementaire. Je commencerai par le plus fondamental, qui est simplement qu'il devrait y avoir un lien entre la question de l'avis de conformité adressé à un deuxième entrant sur le marché et le statut du brevet. Autrement dit, il faudrait indiquer dans la Loi que le statut du brevet et la position du deuxième entrant, du point de vue de la contrefaçon éventuelle ou de l'invalidité, devraient être décidés avant que l'on accorde une approbation réglementaire au deuxième entrant.

.1635

Voici d'autres choses fondamentales qu'il pourrait être utile d'entériner dans la Loi: veiller à ce qu'il existe un processus, comme il y en a un actuellement dans le cadre du règlement, pour que le deuxième entrant, la société générique, donne à l'avance des informations sur son argumentation; donner au détenteur de brevet un délai raisonnable pour étudier l'affaire; lui donner également un délai raisonnable, si des poursuites sont officiellement engagées, pour préparer sa défense.

Je le répète, ces dispositions existent actuellement dans les textes réglementaires. Cela ne veut pas dire qu'il faille inclure dans la Loi tout ce qui est actuellement établi par voie réglementaire mais que les principes et éléments clés soient formulés dans la Loi, afin d'être étoffés dans le règlement.

M. Schmidt: Autrement dit, le principe fondamental est qu'il appartient au deuxième entrant de prouver qu'il n'a pas contrefait le médicament breveté, plutôt qu'au détenteur du brevet de prouver qu'il y a eu une contrefaçon. Le fardeau de la preuve appartiendrait donc au deuxième entrant plutôt qu'au détenteur de brevet.

Cela semble être à vos yeux le principe fondamental, principe encore plus important que les deux autres, n'est-ce pas?

Mme Grell: C'est exact.

M. Schmidt: Pourquoi prenez-vous cette position?

Mme Grell: C'est un principe fondamental du droit des brevets au Canada et dans le monde entier.

M. Schmidt: Dans certaines régions, peut-être, mais pas dans d'autres.

Mme Grell: Non, partout.

M. Schmidt: Partout?

Mme Grell: Lorsqu'un détenteur de brevet peut établir de prime abord que ce que fait le contrevenant constitue une infraction au brevet - dans le contexte pharmaceutique, par exemple, que la société générique essaie de vendre la même substance... Comme vous le savez, c'est en fait ce qui se produit. La société générique compare toujours son produit à celui de la société détentrice du brevet.

Donc, si le détenteur de brevet peut montrer que ce qu'il fait semble constituer une infraction au brevet, le fardeau de la preuve change, en vertu du droit des brevets. C'est au contrevenant qu'il appartient de montrer que son produit n'est pas fabriqué en utilisant le processus particulier qui est protégé par le brevet.

En outre, si un contrevenant affirme que le brevet est invalide, c'est à lui de le prouver. Un brevet, lorsqu'il est accordé, est examiné par le Bureau des brevets. En vertu de la Loi sur les brevets, un brevet est présumé valide tant que la personne qui le conteste n'a pas prouvé le contraire. Donc, demander au deuxième entrant, qui veut par définition s'implanter sur le marché avant l'expiration du brevet, d'assumer le fardeau de la preuve est tout à fait conforme aux principes normaux du droit national et international des brevets.

M. Schmidt: Je voudrais maintenant poser une question dans un domaine complètement différent.

Qu'est-ce qu'une société ou une industrie pharmaceutique intégrée?

M. Marcheterre: Je peux essayer de répondre à cette question. J'ai été surpris d'apprendre hier que Merck Frosst n'est pas une compagnie pharmaceutique intégrée.

Des voix: Oh!

M. Marcheterre: Selon notre définition, il s'agit d'une société qui fait de la recherche et du développement. Nous avons à Kirkland plus de 200 personnes qui font de la recherche et du développement pour Merck Frosst, et d'autres qui s'occupent de la fabrication. De fait, nous en avons 350 qui s'occupent de fabrication. Nous avons à Kirkland près de 500 personnes qui s'occupent de diffuser des informations pour vendre ce produit.

Voilà, à mon avis, ce qu'est une société pharmaceutique intégrée. C'est une société qui fait de la recherche, du développement, de la fabrication, du marketing et de la vente.

M. Schmidt: Cela comprend-il aussi copier ses propres médicaments?

M. Marcheterre: Vous voulez parler de...?

M. Schmidt: Vous pourriez avoir une filiale générique qui produit des copies de vos propres médicaments ou de ceux d'une autre compagnie.

.1640

M. Marcheterre: Je vois. Dès que le brevet concernant un de nos produits arrive à expiration, nous savons que nous allons normalement perdre 80 p. 100 des ventes de ce produit à une société générique. S'il s'agit d'un produit de 100 millions de dollars et qu'on en perd 90 millions en deux ou trois ans, ce n'est pas négligeable. Donc, si l'on a le sens des affaires, on va essayer de récupérer cette somme en participant à l'environnement qui permet la concurrence après l'expiration du brevet.

M. Lucas: Cependant, produire des médicaments génériques n'est pas nécessaire pour être une compagnie pharmaceutique intégrée.

M. Schmidt: Mais ce n'est pas exclu?

M. Lucas: Non, ce n'est pas nécessairement exclu.

M. Schmidt: Cela comprend-il aussi le secteur biotechnique?

M. Lucas: Pas nécessairement.

M. Schmidt: Mais ce serait possible.

M. Lucas: Oui.

M. Schmidt: Bien.

M. Lucas: Je suis d'accord avec la définition de M. Marcheterre: c'est la découverte, le développement, la fabrication et la commercialisation.

M. Schmidt: Mais il y a aussi toutes les activités annexes qui font que la société est vraiment intégrée. Comme vous existez pour faire de l'argent, ces autres activités vous permettent aussi d'en faire.

Le président: M. Discepola, suivi de M. Murray.

M. Discepola (Vaudreuil): Merci, monsieur le président.

À mesure qu'avancent ces audiences, je réalise que nous n'obtiendrons jamais de réponses. Un groupe nous dit que le système de brevets coûte 4 milliards de dollars aux contribuables canadiens, mais un autre nous dit qu'il permet d'économiser de l'argent. Un groupe nous dit que nous sommes intégrés, un autre, que nous ne le sommes pas.

La chose que l'on devrait sans doute faire, monsieur le président, considérant ce qu'il y a de commun entre les témoignages d'hier et d'aujourd'hui, serait de révoquer le travail préliminaire, de révoquer l'entreposage, de révoquer les avis de conformité et de mécontenter tout le monde. Comme ça, nous aurions fait notre travail.

J'ai entrepris mon travail au sein de ce comité en pensant nous pourrions vraiment arriver à quelque chose et donner satisfaction à tout le monde mais, en ce moment, j'ai le sentiment que nous n'y arriverons pas.

D'aucuns prétendent que l'avis de conformité a pour effet concret de vous accorder la restauration de la durée de vie du brevet puisque cela vous permet de faire traîner les choses. En effet, vous pouvez obtenir 36 mois de plus de protection de votre brevet que ce que permet la Loi, avec exclusivité commerciale.

Je comprends que si cela arrive et que si l'avis de conformité est délivré avant la prorogation du brevet d'origine, cela ne se produira pas. Que se passe-t-il cependant si, un an avant l'expiration du brevet, vous alléguez qu'il y a eu contrefaçon? Cela ne va-t-il pas vous donner en fait deux ou trois années d'exclusivité de plus?

M. Marcheterre: Je voudrais répondre à la question.

Si le processus judiciaire est en cours au moment où le brevet arrive à expiration, il est automatiquement interrompu et le produit générique peut être commercialisé avec avis de conformité.

J'aimerais vous montrer sur l'écran l'évolution parallèle de ces processus et ce qui peut les interrompre.

Vous voyez que l'année zéro de développement d'un produit est celle où l'on dépose la demande de brevet. Autrement dit, dès que nous faisons une découverte, nous déposons une demande de brevet car nous oeuvrons dans un secteur extrêmement compétitif. Nous ne pouvons pas attendre.

Sur une période de 10 ans, nous allons poursuivre la mise au point du produit en faisant des études cliniques et en déposant un dossier à la Direction générale de la protection de la santé. Ce processus prend une dizaine d'années. Après cela, en moyenne, un avis de conformité sera délivré au détenteur de brevet et c'est alors seulement que l'on commencera à commercialiser le produit breveté.

Au bout d'un certain temps - et j'ai pris l'année 14 dans cet exemple - la société générique demandera un avis de conformité et nous adressera également un avis d'allégation.

.1645

Dans un cas typique, il faut environ 32 mois pour qu'un avis de conformité soit préparé et délivré pour un produit générique. Cela se fait en parallèle à l'examen qui se poursuit dans le cadre de la procédure judiciaire. En conséquence, cette procédure s'arrêtera au moment où l'avis de conformité sera prêt à être délivré, ce qui veut dire que nous ne pouvons retarder la mise en marché d'un produit générique si son fabricant a obtenu une autorisation de vente.

Si l'on entamait le processus plus près de la vingtième année, lors de l'expiration du brevet, la procédure judiciaire s'arrêterait automatiquement et le produit générique obtiendrait un avis de conformité car le brevet serait arrivé à expiration. De ce fait, la procédure judiciaire ne retarde pas d'une seule journée la mise en marché d'un produit générique.

M. Discepola: Peut-être pourriez-vous nous adresser plus tard votre recommandation sur les mesures que le comité pourrait recommander pour modifier la loi. J'ai l'impression que le système est beaucoup trop lourd. Il y a des allégations de part et d'autre et cela me paraît excessif. J'ai l'impression qu'il devrait être possible de rationaliser le processus.

En ce qui concerne la demande d'injonction, j'ai l'impression que le Canada, les États-Unis et la Grande-Bretagne appliquent tous le même critère. Je crois comprendre, par exemple, qu'il y a fort peu de contrefaçon de produits brevetés au Royaume-Uni. Si le système marche bien là-bas, qu'est-ce qui vous fait dire qu'il ne peut pas marcher ici?

M. Marcheterre: Comme vous le savez, l'injonction interlocutoire existe au Canada. Sur le plan pratique, cependant, le détenteur de brevet d'un produit pharmaceutique ne peut s'en servir. Il faut en effet que le plaignant prouve, sur la base de données concrètes, que le contrevenant va lui causer un tort irréparable, ce qui est quasiment impossible à prouver. En conséquence, les tribunaux n'accorderont pas d'injonction interlocutoire, ce qui veut dire que nous n'avons aucun mécanisme d'exécution de ce droit.

M. Discepola: Si nous devions entériner le principe des dommages-intérêts triples dans le processus d'injonction, l'ACIM serait-elle mieux disposée à l'égard de ce processus ou aurait-elle encore des difficultés à l'accepter?

M. Lucas: Tant que les tribunaux n'auront pas pour instruction de rendre leurs décisions sur les injonctions interlocutoires en fonction de motifs différents, nous aurons toujours le même problème.

Je vais vous donner un exemple précis qui concerne mon entreprise aujourd'hui. Il s'agit de l'AZT. Avant l'entrée en vigueur du règlement sur l'avis de conformité, Novopharm et Apotex ont pu obtenir un avis de conformité avant la mise en marché de leurs produits. Nous avons essayé d'obtenir une injonction interlocutoire mais nous n'y sommes pas parvenus. Nous leur avons donc intenté un procès en contrefaçon. Or, quatre années plus tard, l'affaire n'est toujours pas réglée.

Voilà un bon exemple des raisons pour lesquelles nous voulons cette réglementation connexe à l'avis de conformité et pourquoi le mécanisme d'injonction interlocutoire ne fonctionne tout simplement pas au Canada.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Murray.

M. Murray (Lanark - Carleton): Merci, monsieur le président. Je voudrais revenir à la question de la restauration de la durée de vie du brevet. Il est évident que ce mécanisme existait dans d'autres pays, en tout cas jusqu'au dernier débat à ce sujet. Mme Erola en a parlé plus tôt.

Connaissez-vous l'historique de ce mécanisme dans les autres pays, aux États-Unis et au Japon, par exemple? Les sociétés ont-elles dû mener une dure bataille pour l'obtenir ou est-ce quelque chose qui s'est instauré naturellement?

Mme Erola: C'est précisément cela qui s'est produit. Ces pays ont depuis très longtemps des établissements complètement intégrés de recherche et de développement de médicaments. Ils surveillent attentivement la situation et ils s'occupent très bien de l'industrie. Je crois que la Grande-Bretagne en est le meilleur exemple. Elle veille à ce que son infrastructure, réglementaire ou autre, favorise l'expansion de l'industrie. C'est la même chose au sein de l'Union européenne.

.1650

Ces pays ont pris des mesures extraordinaires en ce qui concerne le processus d'approbation des médicaments, ce dont nous avons parlé tout à l'heure. Le système du Royaume-Uni est considéré comme le meilleur au monde car il faisait partie de toute l'infrastructure qui a été mise en place pour garantir l'éclosion d'une industrie pharmaceutique compétitive et de niveau mondial.

Je crois que c'est dans cette voie que le Canada évolue lentement, afin de se doter de tous les systèmes nécessaires à l'épanouissement d'une industrie solide.

En 1992, nous n'en étions encore qu'à une étape du processus. On procédait juste à l'élaboration des textes réglementaires. Nous en étions parfaitement conscients mais nous savions aussi qu'il serait quasiment impossible d'obtenir simultanément l'adoption du projet de loi C-91 et la mise en oeuvre des nouveaux développements.

Cela fait toutefois ressortir la nécessité de veiller à ce que notre droit des brevets et à ce que tous nos systèmes réglementaires restent compétitifs. Nous ne pouvons nous satisfaire d'approximations. Nous devons toujours être conscients de ce que fait la concurrence, afin de suivre son évolution.

Mme Grell: À l'époque, le Royaume-Uni a constaté qu'il prenait du retard par rapport aux États-Unis, qui avaient adopté la restauration de la durée des brevets en 1984, et par rapport au Japon, qui l'avait fait aussi au milieu des années 1980. Il a constaté qu'il lui fallait intervenir pour combler l'écart.

M. Murray: Changeons de sujet. D'aucuns estiment que les fabricants de produits génériques devraient être autorisés à exporter dans les pays où les brevets sont arrivés à expiration. Je comprendrais que vous ne soyiez pas d'accord avec cela mais j'aimerais savoir ce qu'il en est exactement.

M. Lucas: Je vais répondre à cette question.

Il y a plusieurs choses à prendre en considération à ce sujet. Premièrement, les sociétés génériques ont l'intention, en formulant cette demande, d'essayer d'obtenir une exemption d'exportation. Deuxièmement, une telle mesure présenterait des avantages et des inconvénients.

Je vais vous citer un extrait d'un discours qu'a prononcé Leslie Dan lors de la conférence de Yorkton sur les sciences de la vie, en octobre 1996:

Voilà ce que je veux dire quand je parle de leur intention.

M. Murray: Qu'est-ce que cela a à voir avec l'exportation?

M. Lucas: J'y arrive.

Les dispositions de travail hâtif dont disposent les génériques leur donnent déjà la possibilité d'entreprendre à l'avance du travail en fonction de nos brevets. L'exemption à l'exportation leur donnerait une nouvelle possibilité d'exploiter nos brevets et de mettre leurs produits en vente à l'étranger. La question qu'il faut se poser est celle-ci: comment allons-nous garantir que les produits ne seront pas vendus sur le marché canadien, en infraction d'un brevet? Voilà quel est le problème en ce qui concerne l'objectif.

Il y a aussi un problème de coût. Quel serait le coût pour le Canada? Tout d'abord, une exemption d'exportation irait à l'encontre de nos accords commerciaux internationaux. La seule solution consisterait à accorder cette exemption d'exportation pour tous les produits de toutes les industries, en vertu de notre ratification de l'accord sur l'Organisation internationale du commerce.

Si nous devions agir ainsi - et le comité devra y réfléchir sérieusement - cela correspondrait-il à notre volonté d'oeuvrer en harmonie sur les marchés internationaux? Il est incontestable qu'accorder une telle exemption d'exportation porterait atteinte à notre réputation internationale.

En ce qui concerne les bienfaits, il faut se demander sérieusement ce que pourrait en retirer vraiment le Canada. Prenez l'exemple des exportations sur le marché américain.

Si un brevet arrivait à expiration au Canada mais pas aux États-Unis, les sociétés génériques pourraient exporter aux États-Unis. En réalité, si l'on examine les brevets et leurs dates d'expiration, la plupart arrivent à expiration au Canada un an avant les États-Unis, ce qui veut dire que le Canada ne tirerait aucun avantage réel d'autoriser les exportations aux États-Unis. Et cela vaut pour la plupart des pays du G-7.

M. Murray: Veuillez m'excuser mais, si ces entreprises ouvrent des usines aux États-Unis pour approvisionner ce marché, cela ne va-t-il pas à l'encontre de ce que vous venez de dire?

.1655

M. Lucas: Je vais vous citer un autre extrait du même discours de Leslie Dan:

Et ensuite,

Voilà pourquoi ces entreprises construisent des usines aux États-Unis. De fait, dans le cas d'un de nos produits, le ranitidine, Novapharm construit une usine aux États-Unis pour y obtenir un avantage compétitif par rapport aux autres sociétés génériques qui y sont présentes.

Examinez maintenant le cas des exportations vers d'autres pays où il n'y a quasiment aucune protection des brevets. Il s'agit dans l'ensemble de marchés à très bas prix. Pour pouvoir vendre sur ces marchés, il est pratiquement indispensable d'avoir une société locale, et l'on est obligé de faire concurrence sur les prix. Autrement dit, on obtient des prix sensiblement inférieurs aux prix canadiens.

Si l'on autorisait les sociétés génériques à exporter sur ces marchés, cela reviendrait au fond à subventionner leurs activités sur ces marchés à très bas prix. Voilà pourquoi je dis qu'il faut tenir compte de l'objectif visé, des coûts et des avantages, pour savoir si ce serait une bonne chose ou non.

Le président: Nous pourrons peut-être revenir sur cette question à la fin de la séance.

Monsieur Brien.

[Français]

M. Brien: Le ministre de la Santé est venu témoigner devant le comité. On pourrait avoir un long débat sur la mécanique, mais son objectif était d'avoir une organisation qui pourrait aussi contrôler le prix des médicaments non brevetés. Plusieurs de vos membres produisent aussi des médicaments non brevetés, qu'il s'agisse de copies génériques ou d'autres types de médicaments. J'aimerais connaître votre opinion sur cette suggestion du ministre qui voudrait qu'on contrôle aussi le prix des médicaments non brevetés par un mécanisme de surveillance s'apparentant à celui du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés.

[Traduction]

L'ACIM est convaincue qu'il nous faut plus d'informations. Nous n'avons tout simplement pas assez de données. Nous pensons qu'il faut faire plus d'études en la matière pour savoir si ce serait la bonne chose à faire.

[Français]

M. Brien: Comme nous sommes des gens persistants, je vais poser une question que nous avons déjà posée tous les deux, mon collègue d'Hochelaga - Maisonneuve et moi. Seriez-vous prêts, en contrepartie d'une protection plus grande, à prendre des engagements supérieurs à ceux que vous avez déjà pris en ce qui a trait à la recherche et au développement?

[Traduction]

Mme Erola: Tout dépend de ce que vous entendez par «supérieurs». Nous avons clairement dit que nous sommes déjà à des niveaux mondiaux et que nous avons l'intention de continuer à fonctionner aux niveaux mondiaux si l'on maintient le même degré de protection.

[Français]

M. Brien: Je vais reformuler ma question si vous le voulez. À ce niveau-là, vous êtes dans le cadre actuel. Si le cadre de protection était amélioré, ne serait-il pas normal qu'on ait des exigences plus élevées? Seriez-vous prêts à vous engager à être non seulement être parmi les meilleurs, mais les meilleurs en recherche et développement?

[Traduction]

Une voix: Bonne question.

[Français]

M. Marcheterre: Notre feuille de route est assez révélatrice en ce qui a trait à ce qui se passe lorsqu'on a un environnement compétitif par rapport aux autres pays industrialisés, un environnement qui nous permet d'attirer ici, au Canada, des investissements en recherche, développement et production. On n'a pas besoin d'être forcés à faire de la recherche et du développement. C'est la mission des compagnies innovatrices que de faire de la recherche et du développement pour trouver de nouveaux médicaments et les commercialiser.

En voici la preuve. On nous a fourni un environnement compétitif. Nous nous étions engagés à faire un effort de 10 p. 100, et nous avons maintenant des investissements en recherche et développement de l'ordre de 12,5 p. 100. Nous nous sommes également engagés à investir encore de 2 à 3 milliards de dollars entre 1997 et 2000. Donc, en maintenant une compétitivité internationale, on va maintenir un incitatif important pour les investissements en recherche et développement.

.1700

J'aimerais aussi mentionner une chose ayant trait à la restauration des brevets pharmaceutiques. Si on décidait au Canada d'augmenter la protection au niveau de celle des autres pays industrialisés, la restauration des brevets s'appliquerait dans plusieurs années et non immédiatement.

Étant donné que notre protection n'est pas tout à fait au niveau de celle des pays qui sont nos concurrents, nous croyons qu'on devrait maintenant réviser nos politiques de développement industriel de manière à ce que nous demeurions compétitifs dans les années à venir et à assurer un niveau de protection qui soit le même que dans les autres pays industrialisés. Nous allons certainement en retirer les fruits, comme on a retiré des fruits importants depuis 1987, soit 3,2 milliards de dollars en recherche et développement pharmaceutique.

[Traduction]

Mme Erola: Il faut ajouter qu'il y a un processus annuel d'évaluation de nos engagements. Je veux parler du rapport annuel que dépose à la Chambre des communes le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. Vous y trouverez des chiffres très précis sur les dépenses des entreprises. Si ces dépenses devaient diminuer, les députés s'interrogeraient sérieusement. Voilà pourquoi j'affirme que l'on peut s'attendre à ce que la croissance des dépenses se maintienne si l'on a une législation internationalement compétitive en ce qui concerne les brevets.

Pour l'information des députés qui n'étaient pas présents à l'époque, notammentM. MacDonald, je voudrais rappeler qu'il y avait pas mal de sceptiques qui pensaient que nous ne pourrions pas atteindre les 10 p. 100. Je parle ici d'il y a 10 ans, et la situation a été révisée il y a quatre ans. Non seulement cet objectif a-t-il été atteint, il a été largement dépassé.

Je le répète, si l'on examine la définition dans le contexte général de la concurrence, nous sommes largement au-delà. Je pense que nous avons la méthodologie requise pour vérifier annuellement si l'industrie respecte ses engagements.

[Français]

M. Brien: Je suis d'accord et je ne conteste pas le fait que vous avez respecté les engagements du passé. Il ne fait aucun doute que vous les avez respectés, et vous dites que c'est en croissance. Donc, compte tenu qu'on aura une protection accrue, même si les fruits ne viendront que plus tard, les engagements additionnels peuvent être définis de la même façon, avec le même échéancier. Vous dites que vous y arrivez de toute façon. J'ai donc du mal à comprendre pourquoi vous n'êtes pas prêts à en faire un engagement. Vous dites que, de toute façon, il va s'en faire plus. Donc, selon votre propre raisonnement, il n'y aurait pas de risque à prendre cet engagement-là.

Il y a aussi d'autres types d'engagements. On parle entre autres de l'argent qui était versé au Conseil de recherches médicales du Canada. C'est un engagement, qui n'est pas nécessairement renouvelable, de 200 millions de dollars d'ici deux ans. Vous êtes rendus à 110 ou 115 millions de dollars. Êtes-vous prêts à continuer à contribuer et à prendre d'autres engagements de ce type?

[Traduction]

Mme Erola: La réponse est oui. Nous l'avons clairement indiqué dans notre déclaration liminaire.

Si vous voulez faire le point sur le programme du Conseil de recherches médiales avec l'ACIM, nous en sommes maintenant à 130 millions de dollars. Nous avions pris un engagement de200 millions de dollars sur cinq ans et il reste encore 18 mois. Nous avons donc la conviction absolue que nous allons atteindre ces objectifs.

Je me permets d'ajouter que le programme a connu un succès spectaculaire. Cette semaine encore, le Conseil a confirmé que nous allions le poursuivre sur une base annuelle, dans les mêmes conditions, si l'on maintient des normes de protection des brevets internationalement compétitives.

M. Lucas: Je voudrais renforcer une déclaration de M. Marcheterre. Au cours des années, plusieurs de nos entreprises ont réussi à investir dans des opérations très solides de R-D au Canada, qu'il s'agisse de recherches fondamentales, intra-muros ou extra-muros, de mise au point de produits, de biostatistique ou de recherche clinique. Nous nous sommes dotés de ces infrastructures parce que nous avons fait les investissements requis.

Aujourd'hui, si notre pays reste compétitif, nous avons une occasion exceptionnelle de tirer parti de cette infrastructure et d'attirer encore plus d'investissements au Canada. Nous sommes tous engagés dans cette voie. Nous voulons attirer plus d'investissements. Nous n'avons pas besoin d'y être obligés, comme le précisait M. Marcheterre.

Mme Erola: Un très bon exemple du leadership canadien est l'étude sur le cancer du sein, que l'on a annoncée la semaine dernière. Il s'agit d'une étude mondiale de 15 millions de dollars conçue par l'Université de Calgary. Cela vous donne un exemple du fait que le Canada est un chef de file dans tout ce domaine des études cliniques. Nous faisons des travaux remarquables, pas seulement sur le cancer du sein mais aussi en cardiologie. M. Marcheterre vous dira que le Canada est probablement l'un des pays de pointe dans ce domaine.

.1705

Le président: [Inaudible]... de promotions à ce sujet; nous connaissons donc votre argument.

Je vais donner la parole à M. Lastewka, à M. Schmidt puis à M. MacDonald. Si des membres du comité, dont Mme Parrish, souhaitent faire une dernière remarque, ils en auront l'occasion.

Monsieur Lastewka.

M. Lastewka (St. Catharines): Merci, monsieur le président.

Je voudrais m'assurer que nous aurons un exemplaire de la diapositive qui nous a été montrée.

Le président: D'accord. Elle sera remise au greffier.

M. Lastewka: Merci, monsieur le président.

Je voudrais revenir à la discussion antérieure sur la recherche et le développement. Je crois comprendre que le Canada est l'un des mieux placés dans ce domaine parmi les pays du G-7. Pouvez-vous le confirmer?

M. Lucas: Je ne saisis pas bien le sens de votre question.

M. Lastewka: Je veux parler des crédits d'impôt pour la recherche et le développement.

M. Lucas: Oui, on peut probablement dire que les crédits d'impôt au Canada sont très compétitifs.

M. Lastewka: Si je comprends bien votre argumentation d'aujourd'hui, vous aimeriez que les paramètres de la recherche et du développement soient élargis en fonction de ceux de nos concurrents et des autres pays de l'OCDE.

Mme Erola: Juste la définition.

M. Lastewka: Lorsque nous avons entendu les représentants du CEPMB, nous avons parlé de la manière dont les prix de lancement sont établis et ils nous ont dit que ce sont les pays du G-7 qui constituent la référence. C'est ce que j'ai compris. Croyez-vous qu'il serait acceptable que le CEPMB utilise également les pays de l'OCDE pour faire les comparaisons?

M. Sims: Si je me souviens bien, j'ai eu de longues discussions il y a cinq ans avec le CEPMB au sujet des pays de référence. Le Conseil estime que les sept pays choisis sont adéquats. Nous en avons longuement discuté.

Si le comité pense qu'il faut revoir la question, c'est faisable, mais je puis vous dire qu'elle a été examinée en grand détail.

Mme Erola: L'un des principaux facteurs pris en considération à l'époque était que l'on devait choisir des pays ayant un système de soins de santé similaire au nôtre. En effet, si l'on veut comparer des choses comparables, il faut que le système de santé et les paramètres économiques le soient aussi.

M. Lastewka: Je crois que nous devrons revenir là-dessus.

Vous avez dit plus tôt - et c'est pourquoi je voulais poser ces questions - que vous perdez90 p. 100 des ventes d'un produit dont le brevet est arrivé à expiration. À mes yeux, cela semble indiquer que les prix étaient trop élevés. Sinon, pourquoi perdriez-vous une proportion aussi élevée de vos ventes lors de l'expiration du brevet?

M. Marcheterre: J'aimerais répondre à cette question car c'est également pour cette raison qu'il est important d'avoir un mécanisme d'exécution efficace au Canada.

Je vais prendre l'exemple d'une invention autre qu'un produit pharmaceutique pour vous montrer exactement ce qui se passe. Songez à une entreprise qui fabrique des caméras. Si elle investit dans la recherche et le développement pour trouver une nouvelle technologie, elle pourra immédiatement commercialiser le produit qu'elle finira par mettre au point, ce qui lui permettra de profiter de la protection dont elle dispose et de l'invention qu'elle a produite.

Dans son cas, il n'y a pas toute une industrie qui attend de pouvoir copier son invention. En outre, il n'y a pas de mécanisme semblable aux dispositions des gouvernements provinciaux imposant l'utilisation de cette caméra générique.

Voilà pourquoi l'industrie pharmaceutique est tellement différente des autres types d'industries. C'est parce qu'il y a un groupe d'entreprises qui attendent de copier ses produits et qu'il y a en outre une utilisation obligatoire des copies lorsque celles-ci sont disponibles. Voilà la différence. Voilà pourquoi il est tellement crucial que nous ayons des mécanismes adéquats d'exécution des clauses de protection de la propriété intellectuelle.

Il existe d'ailleurs une différence supplémentaire. Lorsque nous avons une nouvelle formule pharmaceutique et que nous obtenons un brevet, il faut encore dépenser des centaines de millions de dollars pour mettre au point un produit commercialisable. Il faut parfois jusqu'à 10 ans pour atteindre cette étape et pour obtenir un avis de conformité.

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Nous devons donc faire des investissements très coûteux pendant longtemps mais, lorsque nous finissons par obtenir un produit, celui-ci peut être facilement copié. Voilà pourquoi nos inventions sont différentes de celles des autres industries.

M. Lastewka: Je ne pense pas que vous ayez répondu à ma question. Je viens pour ma part de l'industrie honorable du veau. La dernière fois que j'ai vérifié, elle était très compétitive mais je n'ai jamais vu un producteur perdre 90 p. 100 de son marché. Il y a quelque chose que je ne comprends pas du tout ou...

M. Marcheterre: [Inaudible]... gouvernement provincial qui vous obligera à utiliser votre automobile ou l'automobile d'un autre producteur.

M. Lucas: Ce qui se passe, c'est que les gouvernements provinciaux disent qu'ils ne rembourseront, dans le cadre des régimes d'assurance-médicaments, que les produits les moins chers, ce qui donne automatiquement la préférence aux produits génériques. Une partie importante de la population bénéficie aujourd'hui d'une assurance-médicaments et c'est pourquoi nous perdons très rapidement notre marché.

M. Lastewka: Une dernière question, monsieur le président, si vous me le permettez.

Lorsque vous distribuez votre recherche à l'échelle globale... et je comprends bien que vous avez une entreprise mondiale. Si cela se trouve dans votre document, indiquez-moi seulement la page. Vous avez un graphique montrant les dépenses de R-D par rapport aux ventes par pays. Y a-t-il aussi quelque chose à ce sujet dans le texte?

Mme Erola: Je crois que vous trouverez de bonnes informations à ce sujet dans les documents que nous avons remis au comité mais, si vous avez besoin d'autres précisions, nous serons très heureux de vous les fournir.

M. Lastewka: Je m'intéresse au pourcentage de R-D par rapport aux ventes. Prenez les pays du G-7, si vous voulez.

Mme Erola: Oui.

M. Lastewka: Merci.

Le président: Monsieur Schmidt.

M. Schmidt: Je voudrais revenir à la question de la recherche. L'industrie pharmaceutique est une industrie «du savoir», comme on dit aujourd'hui. Cela comprend toutes sortes d'éléments. Nous avons entendu parler hier de l'élément biopharmaceutique et du fait que la biotechnologie joue le rôle de complément et de service de l'industrie pharmaceutique.

Lorsque le CEPMB évalue si vous avez effectué ou non les recherches que vous aviez promises, il se fonde uniquement sur les informations que vous lui communiquez vous-mêmes. Il s'en remet à vos chiffres. Ma question est donc la suivante: vos chiffres sont-ils distincts et facilement identifiables?

Par exemple, l'argent que vous investissez dans le CRM est facilement identifiable. Qu'en est-il de l'argent donné à une entreprise biopharmaceutique qui a besoin de capitaux pour poursuivre ses recherches? Est-ce comptabilisé dans vos dépenses ou dans les siennes? La même somme peut-elle être comptabilisée deux fois?

Mme Erola: Non, elle ne peut être comptabilisée deux fois.

M. Lucas: Non, il n'y a pas de double comptabilisation.

Je vais vous donner un exemple. Nous avons une alliance stratégique avec Biochem. Lorsqu'elle a découvert le 3TC, elle a eu besoin d'un partenaire qui pouvait l'aider pour la mise au point du produit. Glaxo Wellcome a négocié un accord de collaboration avec Biochem pour poursuivre les recherches. Nous y avons investi une certaine somme, tout comme elle. Du point de vue de la R-D nous avons comptabilisé la somme que nous avons investie, et elle a comptabilisé la sienne. C'est cela qui figure dans les rapports.

M. Schmidt: Ce que j'essaie de dire, cependant, c'est que, si nous voulons devenir globalement compétitifs dans l'industrie pharmaceutique, comme dans toute autre industrie du savoir, le concept même de recherche et développement doit être fondateur car c'est sur cette base que l'on découvre les médicaments vraiment novateurs. Ce n'est donc pas de l'argent qui est dépensé en perte, comme beaucoup le pensent, même s'il peut n'y avoir que trois produits commercialement rentables sur 10 000 idées envisagées.

Ma question est donc la suivante: pourquoi sommes-nous limités à seulement 10 p. 100 des ventes lorsque la croissance future de toute votre industrie, et pas seulement de certaines entreprises, dépend de cette recherche absolument fondatrice? Pourquoi ne voudriez-vous pas accroître cet élément afin que votre industrie puisse devenir aussi mondialement compétitive que vous le souhaitez? Nous pourrions devenir un leader mondial.

M. Lucas: Comme nous l'avons déjà dit, nous avons pris l'engagement de 10 p. 100...

M. Schmidt: Était-ce le minimum?

M. Lucas: Nous sommes aujourd'hui à 12,5 p. 100.

M. Schmidt: Pourquoi n'allez-vous pas jusqu'à 20 p. 100?

M. Lucas: Nous avons des entreprises à gérer.

Des voix: Oh!

.1715

M. Schmidt: J'entends bien mais vos revenus futurs dépendront de ce que vous investirez aujourd'hui. Vous savez fort bien qu'il faut investir aujourd'hui pour gagner de l'argent demain. Vous en gagnerez encore plus.

M. Lucas: Il est cependant évident que nous devons investir avec prudence. Nous réexaminons constamment nos investissements en R-D. Notre secteur comporte des risques élevés, car les coûts le sont aussi, et nous avons donc dû modifier la manière dont nous envisageons les investissements en R-D. Nous ne pouvons plus aujourd'hui nous payer le luxe de faire des recherches qui n'ont aucune chance d'être productives. Nous examinons tous nos investissements de R-D d'un oeil très critique de façon à nous assurer qu'ils seront aussi efficaces et efficients que possible et qu'ils déboucheront sur des produits commercialisables.

Il ne serait probablement pas très efficient que toute l'industrie arrive à 20 p. 100, mais vous ne devez pas oublier que 12,5 p. 100 n'est qu'une moyenne. Cela veut dire que certaines entreprises consacrent 100 p. 100 de leur chiffre d'affaires à la R-D parce qu'elles viennent d'être créées et qu'elles ont encore tout à inventer.

Mme Erola: Ce sont les entreprises qui ne sont pas prises en compte dans le rapport des prix du CEPMB.

M. Schmidt: Je le comprends parfaitement mais ce qui m'intriguait hier soir, avec les représentants de la biopharmacie, c'est que ceci représente une orientation pratiquement tout à fait différente vers les soins pharmaceutiques, et totalement différente de celle de l'industrie pharmaceutique chimique, où vous avez fait vos débuts.

Si c'est dans cette nouvelle voie que l'on s'engage et si les deux secteurs peuvent être regroupés - c'est ce que l'on veut dire quand on parle de soins de santé intégrés au lieu de soins simplement pharmaceutiques - nous entrons dans un champ d'activité totalement nouveau. Qui sait ce que sera la prochaine étape? Cela provient de la relation symbiotique entre eux... Je suis sûr que vous en êtes conscients puisque vous investissez dans ces activités de biopharmacie.

Pourquoi ne serions-nous pas prêts à augmenter le pourcentage plutôt qu'à imposer des limites? Voilà ce que je voulais savoir.

M. Lucas: Il n'y a certainement aucune limite.

Une voix: L'avenir est illimité.

M. Lucas: En fait, et je suis sûr que tous ces messieurs partagent mon avis, nous n'avons aucune hésitation à investir lorsque nous trouvons de bons projets de recherche qui vont être productifs. J'espère que nous en trouverons de plus en plus au Canada.

Nous en avons déjà trouvé de nouveaux. Comme vous avez pu le constater hier soir, il y a de nouveaux secteurs dans lesquels nous pouvons investir. J'espère qu'il y en aura beaucoup plus à l'avenir.

M. Schmidt: C'est fort agréable à entendre, monsieur le président. C'est très encourageant.

Le président: Je vais donner quelques minutes à M. MacDonald.

M. MacDonald: Je voudrais des précisions, monsieur le président. Les deux parties au débat nous ont communiqué des chiffres différents. Je ne sais pas si le ministère a les chiffres exacts mais je pense qu'il est important de s'entendre là-dessus.

Lors du dernier débat consacré à cette question, vous disiez qu'il faut de sept à neuf ans pour amener un produit sur le marché. J'ai obtenu l'autre jour des données montrant que la période moyenne d'exclusivité commerciale au Canada se situe aujourd'hui entre 12 et 13 ans. Je me suis laissé dire que c'est une année de plus en moyenne qu'aux États-Unis mais, lorsque vous nous avez présenté votre graphique, vous avez dit qu'il fallait en moyenne 10 ans pour commercialiser un produit, ce qui veut dire 10 ans d'exclusivité commerciale.

Ces chiffres ne concordent pas mais ils sont importants. En effet, monsieur le président, chaque année supplémentaire d'exclusivité commerciale d'un produit signifie qu'il peut être vendu sans concurrence.

Or, on nous a dit que le prix des produits baisse considérablement, en général, lorsque la concurrence arrive. La baisse peut atteindre 25 p. 100 à 40 p. 100, ce qui représente des économies considérables pour les consommateurs canadiens.

J'aimerais donc savoir quelle est la durée moyenne de l'exclusivité commerciale. Est-ce10 ans, comme vient de le dire l'ACIM? En ce qui concerne la mise en marché d'un produit, faut-il en moyenne 10 ans ou huit ans? Les deux années de différence sont très importantes. Le chiffre exact est-il celui que nous a communiqué le ministère ou celui de la CFPP, qui est d'environ 14 ans?

M. Lucas: Le chiffre de 12, 13 ou 14 ans cité par la CFPP provient d'une étude de l'Université Queen's.

Il y avait malheureusement de sérieuses failles dans ses calculs. L'une d'entre elles concernait la prise en compte de ce que les auteurs appelaient «la perpétuité», qui allonge la durée de vie effective d'un brevet.

Ce principe n'est absolument pas exact. On ne peut pas allonger la durée de vie d'un brevet au-delà de 20 ans. Les auteurs de l'étude se sont complètement trompés dans leurs calculs de la durée de vie des brevets.

J'ai cité plus tôt une étude que nous avons effectuée - et que nous serions très heureux de vous communiquer - sur les molécules lancées sur le marché canadien dans les années 1990. La durée de vie moyenne effective des brevets était de huit ans et demi ou, pour être tout à fait précis, huit ans et sept mois.

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Il ne faut pas oublier que, lorsqu'on parle de durée de vie effective d'un brevet, il faut tenir compte de chaque produit individuellement. Certains ont une durée de 10 ans, d'autres de 11 ans, et d'autres encore de sept ans. Le concept de restauration de la durée de vie d'un brevet concerne les produits qui sont au bas de cette échelle.

M. MacDonald: Et c'est précisément notre problème. La CFPP a financé une étude qui est parvenue à une conclusion, et votre organisation en a financé une autre qui est parvenue à une autre conclusion. Il serait utile que vous nous la remettiez.

Ma dernière question concerne une réponse que vous avez donnée plus tôt. Il s'agit de la question des prix, qui est essentielle. Elle l'est en tout cas à mes yeux et, je pense, aux yeux des consommateurs canadiens. Elle est également essentielle pour déterminer si le niveau de recherche et de développement que nous obtenons en échange de l'allongement de la durée de vie des brevets est relativement raisonnable.

Autrement dit, si vous obtenez deux années de plus pour commercialiser un produit, et si cela vous rapporte 50 millions de dollars de profits supplémentaires, vous empocherez toujours40 millions de dollars de plus si la contrepartie est que vous investirez 10 millions de dollars de plus en R-D. Pour les consommateurs, ce seront toujours 50 millions de plus qu'ils auront à payer. Certes, la recherche est très importante, mais il faut l'envisager dans le contexte global.

Voici donc ce que je voudrais savoir. Lorsque le CEPMB examine le prix de lancement d'un nouveau produit, l'entreprise doit-elle lui remettre des données précises sur ses coûts de production? Sinon, le CEPMB doit-il se contenter d'examiner le prix médian du même produit dans les sept pays qu'il a retenus?

Je vous pose cette question parce que, lorsqu'on traite d'un cas de monopole, par exemple lorsqu'il s'agit de la distribution d'un service public comme l'électricité, l'entreprise qui demande une hausse de tarif est tenue de se justifier en fournissant le détail de ses coûts de production. L'organisme de réglementation estime qu'il est dans l'intérêt public d'obtenir ces données.

Le mandat du CEPMB est de réglementer les prix de lancement ainsi que les hausses de prix. Je voudrais donc savoir quelles sont les données qu'il utilise pour ce faire. Lorsqu'un nouveau produit est lancé, Glaxo ou Merck lui donne-t-il toutes les données pertinentes?

M. Sims: Nous lui donnons les données qu'il demande.

Il importe cependant de préciser la notion du monopole. Une société de service public est un monopole classique, certes, mais je puis vous assurer que, lorsque mon entreprise commercialise un nouveau produit dans une catégorie thérapeutique donnée - comme un antibiotique - les deux messieurs qui sont assis à ma droite me font une concurrence féroce. Donc, même si mon entreprise est peut-être la seule à avoir la molécule en question, mes concurrents ont d'autres produits du même groupe thérapeutique auxquels je dois faire concurrence. Nous ne sommes donc absolument pas dans une situation de monopole au sens classique, comme vous le laissez entendre.

Nous fournissons au CEPMB les données qu'il nous demande. Il ne nous demande pas de données sur les coûts. Je parle ici au nom de mon entreprise seulement. Je ne sais pas...

M. MacDonald: Très bien. Puis-je vous interrompre? Ce facteur est très important car nous devons également indiquer dans notre rapport si nous pensons qu'il faudrait modifier ou non les méthodes du CEPMB. Très franchement, s'il ne vous demande même pas ces renseignements... S'il vous les demandait, les donneriez-vous? Serait-il facile de les donner?

M. Sims: Non.

M. MacDonald: Pourquoi?

M. Sims: La réponse est non. C'est très...

M. MacDonald: Si vous mettez au point un nouveau médicament, vous devez certainement savoir ce que cela vous a coûté. Sinon, comment pouvez-vous fixer le prix? Vous fixez votre prix en fonction des sommes consacrées à la recherche, au marketing et à la production. Vous devez donc bien avoir les chiffres à votre disposition. J'espère que vous ne fixez pas vos prix au hasard.

M. Lucas: Je vais essayer de vous répondre en vous donnant comme exemple le processus de mise au point d'un médicament. Je crois que nous avons un document à ce sujet. Il est essentiel de bien comprendre comment les médicaments sont mis au point.

Prenez un produit comme le Zofran, qui est un antagoniste 5-HT3 de la nausée pour les patients qui se font traiter pour le cancer. Il s'agissait d'un produit tout à fait nouveau pour le marché canadien et on a donc fait une comparaison avec les autres marchés internationaux.

Pour la mise au point de ce produit, un très grand nombre de chercheurs ont étudié les récepteurs dans le corps humain. Des millions de dollars ont été consacrés à cela et à l'identification du récepteur 5-HT3. Cela a fait partie du coût de mise au point du produit.

Nos chimistes ont pu ensuite mettre au point des milliers et des milliers de molécules pouvant être efficaces contre ce récepteur. Ils ont fini par en trouver une qui était à la fois efficace et sécuritaire. Nous avons alors effectué des essais en laboratoire, puis sur des animaux, puis sur des volontaires en bonne santé, puis sur des patients, après quoi nous sommes passés au développement clinique général.

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Le coût moyen de mise au point d'un composé de cette nature - et je reviens aux données que nous avons mentionnées plus tôt - est de 500 millions de dollars.

Je pourrais vous donner aussi l'exemple d'un produit que nous sommes sur le point de lancer sur le marché canadien.

Le président: Veuillez m'excuser, je ne veux pas faire preuve d'impolitesse mais la cloche que nous entendons sonner est importante pour ceux qui sont assis de ce côté.

Je suis désolé, madame Parrish, nous devons lever la séance. La question qui vient d'être posée était tellement importante que je tenais à laisser l'échange se poursuivre.

Je sais que les députés voudront vous remercier individuellement mais je tiens à vous remercier collectivement en leur nom. La séance a été longue et je vous remercie de votre collaboration.

Je vous remercie également de nous avoir offert les services de Mme Grell. J'espère qu'elle pourra rester à notre disposition, pour les séances publiques et en privé. Cela est extrêmement utile pour nos chercheurs.

Ces sessions sont extrêmement importantes pour le public canadien. Ceux qui le souhaitent peuvent obtenir la liste des témoins de la semaine prochaine en s'adressant au greffier.

La séance est levée.

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