[Enregistrement électronique]
Le mardi 11 mars 1997
[Traduction]
Le président (M. David Walker (Winnipeg-Nord-Centre, Lib.)): Le comité poursuit l'audition de témoignages conformément à l'article 108(2) du Règlement, pour examiner l'article 14 de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets (Chapitre 2, Lois du Canada, 1993).
Nous entendrons aujourd'hui M. Francesco Bellini, de BioChem Pharma, M. Hans J. Mäder, de Novartis Pharmaceuticals, M. Gerald McDole, d'Astra Pharma, et M. Karl Parker, de Pfizer Canada.
Je voudrais d'abord remercier nos témoins. Comme vous l'a dit le greffier, nous entendrons pour commencer une brève déclaration préliminaire de chacun d'entre vous et nous consacrerons l'heure suivante aux questions des membres du comité.
Je vais demander à M. McDole, qui est président-directeur général d'Astra Pharma, de prendre la parole en premier.
Bienvenue, monsieur McDole.
M. Gerald McDole (président-directeur général, Astra Pharma Inc.): Merci, monsieur le président, messieurs les membres du comité.
C'est moi qui vais être en quelque sorte le quart-arrière de notre groupe, pour faciliter la discussion.
Je suis accompagné de Hans Mäder, qui est président et chef de la direction chez Novartis, de Francesco Bellini, qui est président et chef de la direction chez BioChem Pharma, et de Karl Parker, qui est vice-président aux relations publiques et gouvernementales chez Pfizer; il représente le président de sa société, Alan Bootes, qui est malheureusement à l'étranger et qui regrette de ne pas pouvoir être ici.
Je pense qu'on vous a distribué à l'avance des exemplaires de nos textes en français et en anglais. Si vous ne les avez pas, nous en avons ici également.
Nous allons vous présenter chacun une brève déclaration, après quoi nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
Je tiens à vous dire pour commencer que le point de vue dont j'aimerais vous parler ce soir sur la révision de la loi C-91 est en fait celui de quelqu'un qui a travaillé pendant toute sa vie professionnelle dans l'industrie pharmaceutique canadienne et qui l'a connue à fond, tant avant que depuis l'adoption des modifications apportées à la Loi sur les brevets. C'est aussi le point de vue de quelqu'un qui comprend l'industrie au niveau mondial et qui est conscient des besoins des filiales de multinationales pharmaceutiques qui cherchent à consolider leurs investissements et à asseoir leur présence sur des marchés forts comme celui du Canada.
J'ai passé bien des années dans la représentation et la gestion, à l'époque des licences obligatoires. J'ai aussi eu la chance d'être nommé à un poste de direction il y a quelques années, à l'époque où le gouvernement du Canada commençait tout juste à accorder des brevets pour les spécialités pharmaceutiques. J'occupe le poste de président-directeur général d'Astra Pharma depuis 12 ans.
J'ai aussi été président de l'ACIM et je continue de participer aux travaux de cette association sur diverses questions touchant l'industrie.
Monsieur le président, je sais que vous avez déjà entendu les propos d'un certain nombre de groupes qui ont des intérêts en jeu, dont l'ACIM. Je suis certain que, dans leur présentation au comité jeudi dernier, ces gens-là ont très bien exprimé la position de l'ensemble de l'industrie du médicament d'innovation. Donc, plutôt que de réitérer notre pensée collective, à savoir que la protection par brevet est efficace et profitable pour le Canada, j'aimerais préciser davantage ce soir le point de vue de notre industrie et le situer dans son contexte.
Je ne vous lirai pas le mémoire d'Astra, qui a été soumis récemment au comité. Mes remarques porteront plutôt sur des exemples concrets concernant notre propre compagnie, Astra Pharma, et sur les avantages que l'adoption d'une politique plus équilibrée de protection de la propriété intellectuelle pourrait apporter au Canada et aux Canadiens. Je serai ensuite à votre disposition, évidemment, pour répondre aux questions des membres du comité.
Astra Pharma est un fabricant de spécialités pharmaceutiques innovatrices, dont l'activité est fondée sur la recherche. Nous sommes une filiale d'Astra AB de Stockholm, en Suède, et nous sommes établis au Canada depuis 1954. Notre compagnie a son siège social à Mississauga, dans des locaux comprenant une usine de fabrication de haute technologie et des installations de pointe pour la recherche. Grâce à une solide gestion stratégique, à des produits innovateurs et à une meilleure protection de la propriété intellectuelle, nous avons réussi à passer du 26e au 5e rang sur le marché canadien.
La recherche-développement est la raison d'être de notre compagnie. Au niveau mondial, environ un de nos employés sur cinq travaille dans ce secteur. Astra concentre ses efforts de recherche dans cinq domaines clés: les maladies des appareils respiratoire et cardiovasculaire, les maladies des voies gastro-intestinales, le soulagement de la douleur et, enfin, les troubles du système nerveux central.
Je sais que les membres du comité s'intéressent particulièrement à la recherche fondamentale et qu'ils ont soulevé la question lors des autres présentations. Permettez-moi par conséquent d'expliquer comment Astra effectue sa recherche fondamentale.
Dans le passé, nous avons réalisé la majorité de nos projets de recherche fondamentale en Suède, dans quatre centres différents, mais nous envisageons de plus en plus l'établissement d'unités de recherche au Canada et dans d'autres pays. En fait, au mois de mai prochain - c'est-à-dire bientôt - , nous ouvrirons officiellement à Montréal un centre consacré à la mise au point de nouveaux médicaments, qui emploiera 150 scientifiques. Il y en a déjà 71 là- bas, d'ailleurs, mais nous allons bientôt porter ce nombre à 150. Ce centre représente un investissement de 300 millions de dollars sur 10 ans et pourra accueillir jusqu'à 450 scientifiques.
Il s'agit de la première unité de recherche Astra à être située hors de la Suède; c'est donc une étape importante pour notre organisation. Notre société mère a mis deux ans à arrêter son choix sur ce site, et comme j'ai participé au processus de sélection, je sais que la décision d'établir ce centre au Canada a été définitive uniquement après l'amélioration de la Loi sur les brevets en 1993. En fait, le Canada n'aurait pas été choisi pour accueillir ce centre si les autorités gouvernementales n'avaient pas adopté la loi C-91.
Mais nous avons aussi investi ailleurs plus de 150 millions de dollars en recherche-développement depuis l'adoption de la loi C- 22, ce qui place Astra parmi les 50 plus grands investisseurs en R- D au pays, tous secteurs confondus, et parmi les 10 plus grands dans le secteur pharmaceutique.
En plus de ces investissements en R-D, nous avons consacré jusqu'ici 126 millions de dollars en dépenses d'immobilisation pour agrandir et améliorer notre siège social et notre usine à Mississauga. Par conséquent, nous disposons depuis 1993 d'une usine de haute technologie pour la fabrication de solutions injectables destinées non seulement au marché canadien, mais aussi aux marchés de l'Amérique latine, du Mexique et de l'Asie-Pacifique.
Nous avons presque triplé nos effectifs au Canada, pour les porter à 756 employés, et cet accroissement s'est fait presque exclusivement dans le secteur de la recherche et de la fabrication. Nous avons aujourd'hui 190 employés qui travaillent en recherche- développement et 220 dans le secteur de la fabrication. Nous prévoyons accroître encore nos effectifs de 20 p. 100 au cours des deux prochaines années.
Nous avons formé un partenariat avec le Conseil de recherches médicales du Canada et l'ACIM, dans le cadre du programme de la santé, en vue de subventionner la recherche. Depuis 1994, nous avons investi 1,6 million de dollars dans cinq secteurs de recherche différents et nous prévoyons que cette somme atteindra 6 millions d'ici deux ans.
J'ajouterai que nous avons conclu une entente avec la société Allelix Biopharmaceuticals pour la mise au point et la commercialisation d'un médicament appelé parathormone humaine recombinée. Cette entente comporte une option pour la construction, par Astra, d'une usine de 60 millions de dollars. La décision sera prise plus tard cette année, probablement avant le mois de novembre, et le Canada est un des trois pays en lice pour cet investissement.
Le marché est un autre des aspects pour lesquels nous recherchons non seulement une protection par brevet équilibrée, comme nous l'avons déjà dit... mais cela aide les entreprises à bénéficier d'autres retombées. Autrement dit, cela signifie que les sociétés comme la nôtre sont encouragées à continuer d'investir dans l'avenir par d'autres moyens. À cet égard, nous avons multiplié nos efforts pour aider à résoudre certains autres problèmes qui minent le système de santé canadien, comme l'escalade des coûts. Nous avons lancé une nouvelle initiative sans but lucratif d'éducation en matière de santé, sous le nom déposé de «Défi santé, notre responsabilité». Depuis son lancement, cette initiative s'est transformée en un programme multilatéral d'envergure nationale qui comprend de nombreux volets vidant à promouvoir la santé et le mieux-être, par l'établissement de partenariats avec des organismes comme ParticipAction.
Nous avons aussi formé, avec deux autres sociétés pharmaceutiques, un réseau visant à réduire les coûts des commandes de médicaments d'ordonnance par le secteur hospitalier. Par le biais de ce réseau canadien de distribution de produits pharmaceutiques, des sociétés pharmaceutiques innovatrices et des fabricants de médicaments génériques ont conjugué leurs efforts pour offrir aux pharmacies d'hôpitaux un concept «tout en un» pour l'achat, la commande, la facturation, la livraison et la réception de produits, sans frais de service distincts.
En 1992, nous avons gelé les prix de tous nos produits, et cette initiative est encore en vigueur à ce jour.
Je sais que M. Ménard s'intéresse particulièrement aux programmes d'aide visant à fournir des médicaments pour des raisons humanitaires; permettez-moi par conséquent de vous décrire la politique d'Astra sur ce point.
L'an dernier, Astra Canada a distribué à ses frais à des patients canadiens, dans le cadre de ce programme, des produits évalués à 1,4 millions de dollars. Un de ces produits, en particulier, sert à traiter des complications liées au sida - et nous le fournissons gratuitement à des patients sidatiques. En 1996, nous en avons distribué plus de 15 000 unités de traitement.
Voilà seulement quelques-unes des réalisations que nous avons pu accomplir depuis l'instauration de mesures de protection de la propriété intellectuelle au Canada. Nous croyons que cette contribution importante ne peut que continuer à favoriser l'amélioration du système de santé au Canada et de l'économie canadienne en général. Nous sommes également convaincus que les membres de notre association vont continuer à considérer le Canada comme un élément vital de leurs stratégies commerciales mondiales.
Je vous remercie d'avoir pris le temps d'écouter ma déclaration. Je vais maintenant laisser la parole à M. Bellini.
[Français]
Le président: Docteur Bellini.
M. Francesco Bellini (président et chef de la direction, BioChem Pharma): Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de votre invitation. Le projet de loi C-91 est très important pour ma société et aussi pour moi-même. J'apprécie cette occasion de partager avec vous mon point de vue là-dessus.
Je suis président et chef de la direction de BioChem Pharma, une société que j'ai fondée avec des collègues il y a 10 ans. Aujourd'hui, BioChem est l'une des 10 plus importantes sociétés biopharmaceutiques au monde. Avec un capital d'environ 4 milliards de dollars, elle est l'une des plus grandes sociétés au Canada.
[Traduction]
Le message le plus important que je voudrais vous laisser, c'est que si la loi C-91 n'avait pas été adoptée, BioChem n'existerait pas dans sa forme actuelle, du moins pas ici au Canada.
Quand la compagnie BioChem a été fondée il y a 10 ans, elle n'avait que cinq employés; elle en compte aujourd'hui plus de 1 000, dont 400 au Canada. Et nous commençons tout juste, après 10 ans de recherche et de pertes, à atteindre la rentabilité.
Nous avons d'abord dû rassembler un capital important, qui vient en majeure partie de l'extérieur du Canada. En 1996 seulement, nous avons recueilli plus de 250 millions de dollars. Je ne pense pas que nous aurions pu nous procurer ce capital, ni attirer les gens dont nous avions besoin pour prospérer si le Canada n'avait pas eu de loi satisfaisante en matière de brevets. Est-ce que des investisseurs et des scientifiques se seraient engagés dans notre entreprise si le gouvernement local lui-même n'avait pas appuyé le principal fondement de notre croissance et de notre réussite futures? Non, bien sûr que non. Il y a beaucoup d'options ailleurs.
L'avenir de tout pays moderne passe par les produits à valeur ajoutée. Le secteur biopharmaceutique aide le Canada à asseoir sa crédibilité dans la nouvelle économie, et à devenir une source de produits innovateurs fondés sur la connaissance et respectés par les dirigeants scientifiques et économiques des autres pays du monde.
Un rapport récent de Ernst & Young sur la biotechnologie révèle qu'il existe environ130 compagnies biopharmaceutiques au Canada. Ce secteur est aujourd'hui une des têtes d'affiche de l'industrie canadienne. BioChem prévoit à elle seule embaucher 50 personnes - surtout des scientifiques - au Canada cette année.
L'histoire de BioChem elle-même est probablement la meilleure illustration de la contribution du secteur biopharmaceutique. Notre croissance résulte en grande partie des risques énormes que nous avons pris pour faire de la recherche dans le but de mettre au point des produits innovateurs. L'année 1996 a été la première année complète pendant laquelle nous avons vendu notre médicament, le 3TC. Après un an seulement, le 3TC est aujourd'hui le médicament le plus souvent prescrit aux malades atteints du sida et du VIH en Amérique du Nord.
Le nouveau traitement associé contre le VIH, dont le 3TC constitue la pierre angulaire, a fait toute une différence dans la vie des gens qui sont atteints du VIH et du sida. Ils peuvent maintenant s'attendre à vivre mieux et plus longtemps. En fait, une étude récente réalisée par le Dr Julio Montaner à l'hôpital St. Paul's de Vancouver a montré une diminution importante du nombre de décès reliés au VIH dans cet hôpital depuis l'introduction du nouveau traitement, et du 3TC en particulier.
Le 3TC est maintenant vendu dans 40 pays et rapporte à BioChem des recettes importantes, qui proviennent en bonne partie de l'étranger et qui sont réinvesties ici, dans l'économie canadienne.
BioChem vend aussi le 3TC au Canada. Dans d'autres pays industrialisés, comme au Canada pour le moment, nous avons la garantie qu'une fois un médicament mis au point et homologué, nous pouvons le vendre pendant la période qui reste sur les 20 ans de la durée du brevet. Cela nous permet donc de recouvrer notre investissement et de réaliser des bénéfices raisonnables.
Faudrait-il affaiblir la protection que nous accordent les brevets sur notre propre marché pour qu'une compagnie de médicaments génériques puisse vendre le 3TC ici pendant qu'il est encore protégé par brevet ailleurs? Non, je ne crois pas que ce soit logique, ni juste. Et la solution n'est pas non plus d'accorder un traitement préférentiel aux entreprises canadiennes. Toutes les grandes compagnies vendent leurs produits partout dans le monde et, dans d'autres pays industrialisés, les brevets sont respectés quelle que soit la nationalité de ces compagnies. Ce devrait être la même chose ici.
L'industrie canadienne du médicament générique est un élément important du système de soins de santé parce qu'elle aide à garder les coûts peu élevés après l'expiration des brevets. Mais il faut être prudent quand on envisage le recours aux médicaments génériques comme moyen de réduire les coûts globaux des soins de santé. Les compagnies pharmaceutiques qui se consacrent à la recherche découvrent de nouveaux médicaments importants qui répondent à des besoins médicaux pour lesquels il n'existait pas de solution jusque-là. C'est notre industrie qui cherche le traitement contre le cancer ou contre la maladie d'Alzheimer, pour ne nommer que deux de nos champs d'activités.
Si on décidait dans tous les pays du monde de copier les médicaments plutôt que d'en créer, aucun nouveau médicament ne serait plus mis au point. Ironiquement, l'industrie du médicament générique voudrait que la source même de ses produits se tarisse, parce qu'il ne lui resterait alors plus rien à imiter.
[Français]
La croissance de BioChem a entraîné la création d'emplois de grande valeur pour les Canadiens. Nous avons investi quelque 75 millions de dollars dans des installations ultramodernes dans les régions de Montréal et de Québec. Notre budget de recherche et de développement pour cette année seulement s'élève à 45 millions de dollars. Et ce n'est pas tout.
Maintenant que nous sommes rentables, nous avons entrepris un certain nombre d'autres initiatives. Nous avons engagé 5 millions de dollars pour la création d'une chaire à l'Université McGill. Cela s'ajoute à un programme de recherche que nous finançons dans neuf universités ou instituts canadiens. De plus, nous prévoyons annoncer dans les prochains jours un investissement majeur d'environ 100 millions de dollars au Canada dans le domaine de la génomique.
[Traduction]
Nous prévoyons investir davantage dans la recherche- développement au Canada parce que c'est ici que nous sommes établis. Nous avons l'ambition de devenir la première compagnie biopharmaceutique au monde. Le Canada est pour nous une excellente base d'opérations, où on retrouve de bonnes universités, des hôpitaux de recherche, des centres de recherche gouvernementaux et des crédits d'impôt favorables à la R-D.
Mais nous devons maintenant avoir l'assurance que vous allez continuer d'appuyer nos travaux. Le Canada est un des rares pays industrialisés où la question de la propriété intellectuelle refait surface à tout bout de champ. Cela cause une certaine instabilité dans notre industrie, et il faut régler la question une fois pour toutes. Le Canada doit faire savoir clairement qu'il appuie ce que nous faisons: de la recherche fondamentale visant à découvrir de nouveaux médicaments et de nouveaux vaccins importants. Je suis fermement convaincu qu'il faut aller au-delà du statu quo. Il faut donner force de loi au règlement de liaison et adopter un mécanisme de rétablissement de la durée des brevets.
Si la loi C-91 est affaiblie, nous allons y voir un message très clair selon lequel le Canada ne nous considère pas comme un élément important de son avenir. Et nous prendrons nos futures décisions d'affaires en conséquence.
Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Bellini.
M. Philip Mayfield (Cariboo - Chilcotin, Réf.): Pourriez-vous me traduire le dernier mot de la page 4?
Le président: De quoi s'agit-il?
M. Philip Mayfield: «Génomique».
[Français]
M. Bellini: C'est la découverte de gènes.
M. Réal Ménard (Hochelaga - Maisonneuve, BQ): La génétique.
[Traduction]
Le président: Qui prendra la parole en troisième?
Monsieur Parker.
M. Karl Parker (vice-président, relations publiques et gouvernementales, Pfizer Canada Inc.): Monsieur le président, messieurs les membres du comité, je m'appelle Karl Parker et je suis vice-président aux relations publiques et gouvernementales chez Pfizer Canada Inc.
Pfizer est une société d'envergure internationale qui oeuvre dans le domaine de la santé et des produits pharmaceutiques, et dont les activités reposent sur la recherche. Le siège social de Pfizer Canada est situé à Kirkland, au Québec; nous possédons en outre des usines et des centres de distribution en Ontario et en Alberta. Je suis à l'emploi de Pfizer Canada depuis 19 ans.
Le comité a déjà entendu parler des effets bénéfiques de la loi C-91 sur l'industrie des médicaments innovateurs au Canada et sur notre industrie biotechnologique naissante. Pfizer Canada appuie sans réserve la position énoncée par l'ACIM, l'association qui représente notre industrie.
Je suis ici ce soir pour présenter au comité des exemples concrets des bienfaits de cette loi qui a permis à ma compagnie, Pfizer Canada, de connaître une croissance exceptionnelle au cours des quatre dernières années et, par le fait même, de créer des emplois, de mettre en marche divers projets de recherche et surtout d'aider les Canadiens et les Canadiennes en leur fournissant l'occasion de bénéficier rapidement de nouveaux médicaments importants.
La loi C-91 a permis à Pfizer Canada de soutenir beaucoup plus efficacement la concurrence des diverses filiales de notre société mère pour obtenir une plus grande part des investissements en matière de recherche et de fabrication. On en trouve un premier exemple dans l'augmentation des dépenses de Pfizer Canada en recherche-développement.
En 1993, par exemple, année où le projet de loi C-91 a été adopté, ces dépenses se chiffraient à 6,9 millions de dollars au Canada. Cette année, elles seront sept fois supérieures à ce montant, soit de 41,3 millions de dollars. En 1996, nos dépenses en matière de recherche-développement correspondaient à 18 p. 100 de notre chiffre de ventes pour les médicaments d'ordonnance; elles étaient donc de beaucoup supérieures à la part de 10 p. 100 à laquelle nous nous étions engagés lors de l'adoption du projet de loi C-91.
Ces dépenses de recherche ont été réparties entre de nombreux centres un peu partout au Canada. En fait, grâce aux programmes de recherche clinique parrainés par Pfizer, des chercheurs expérimentés et compétents peuvent demeurer au Canada, dans des centres plus ou moins peuplés, et continuer à servir la population canadienne tout en réalisant leurs aspirations personnelles: effectuer des recherches d'envergure internationale.
Pfizer Canada effectue notamment d'importantes études d'envergure internationale grâce à des chercheurs et à des patients vivant dans des communautés aussi diverses que Saint John, au Nouveau-Brunswick, Sudbury, en Ontario, Humboldt, en Saskatchewan, Medicine Hat, en Alberta, et Kelowna, en Colombie-Britannique.
Entre 1994 et 1998, les sommes investies par Pfizer Canada aux fins de la recherche s'élèveront au total à 110 millions de dollars. Au moins la moitié de cette somme découle d'une décision résultant directement des améliorations apportées par le projet de loi C-91 à la Loi sur les brevets, à savoir la décision d'établir un centre de recherche où sont amorcés les essais cliniques des premières phases sur les futurs médicaments.
Il est essentiel de se rappeler que la valeur des investissements de ce genre dépasse leurs simples retombées économiques et scientifiques. Ces sommes permettent en effet aux Canadiens et aux Canadiennes de bénéficier plus tôt des bienfaits des traitements médicamenteux les plus récents, pour des maladies où il y a encore lieu d'améliorer la qualité des soins.
Par exemple, des centaines de personnes ont déjà bénéficié au Canada d'un nouveau médicament à l'essai pour le traitement symptomatique de la maladie d'Alzheimer, une maladie mortelle pour laquelle il n'existe encore aucun médicament homologué au pays. Sans nos recherches, ces Canadiens et ces Canadiennes ne pourraient bénéficier d'aucun traitement, et aucun espoir ne leur serait permis. Et sans protection efficace par voie de brevet, aucune entreprise ne pourrait se permettre de faire la recherche nécessaire pour rendre ces traitements possibles.
Le climat favorable créé par la loi C-91 a aussi permis à nos usines de fabrication non seulement de survivre, mais également de prendre une expansion considérable. Alors même que Pfizer rationalisait ses activités de fabrication et procédait à la fermeture de neuf usines ailleurs dans le monde, nous avons investi récemment 14 millions de dollars dans la modernisation de notre usine d'Arnprior, en Ontario, qui exporte maintenant dans 26 pays. De même, notre usine de London, qui se consacre à la fabrication de produits vétérinaires pour notre Groupe de la santé animale, a fait l'objet de travaux de rénovation et d'agrandissement de 6 millions de dollars, et les produits qu'elle fabrique sont maintenant distribués partout dans le monde.
Mais comment la situation a-t-elle évolué en ce qui concerne l'emploi, me demanderez-vous? La loi C-91 a-t-elle amené des changements favorables pour notre entreprise? Je vous répondrai «oui» sans hésiter! Depuis l'adoption de cette loi, l'emploi dans le Groupe pharmaceutique de Pfizer Canada a augmenté de 48 p. 100, le nombre d'employés y passant de 282 à 418, si bien que nous commençons à être à l'étroit au siège social et que nous annoncerons très bientôt le début de travaux d'agrandissement de nos installations québécoises.
On vous a souvent dit que la loi C-91 prévoyait une durée de 20 ans pour les brevets. Comme vous le savez tous, dans le cas des médicaments, cela ne signifie pas pour autant que la période d'exclusivité commerciale soit de 20 ans. En effet, les médicaments sont brevetés peu de temps après leur découverte, mais plusieurs années s'écoulent avant qu'ils ne puissent être mis sur le marché. J'aimerais illustrer la situation en prenant l'exemple du ZOLOFT, un antidépresseur mis au point par Pfizer.
Le ZOLOFT a d'abord été synthétisé par M. Willard Welch, un chercheur de Pfizer, en 1978. Après quelques années de recherche, on a fini par en reconnaître le potentiel, et Pfizer Canada s'est vu octroyer un brevet en août 1982. Il a fallu ensuite près de six ans de recherche additionnelle avant que Pfizer soit en mesure de faire une demande d'homologation auprès des autorités canadiennes, et ce processus d'homologation a exigé trois ans et demi de plus. On voit donc qu'il a fallu 14 ans pour qu'un médicament synthétisé en 1978 atteigne enfin le marché canadien, en 1992. Comme le brevet original de ce médicament échoit en 1999, sa période d'exclusivité commerciale - et il s'agit de notre produit le plus important - n'est pas de 20 ans, comme certains le prétendent, ni de 15 ans, comme c'est le cas au Japon, aux États-Unis et dans certains autres pays, mais de sept ans et demi seulement.
Beaucoup de pays, parmi les partenaires et les concurrents commerciaux du Canada, ont reconnu que la mise sur le marché d'un médicament après sa découverte exigeait des sommes importantes et présentait des risques énormes. Ils ont agi en conséquence, en permettant de prolonger la durée des brevets d'une période pouvant atteindre cinq ans, afin de compenser pour les années consacrées à la recherche et au processus d'homologation. Nous appuyons sans réserve la recommandation de l'ACIM, à savoir que la Loi sur les brevets devrait être modifiée de manière à permettre au Canada un rétablissement similaire de la durée des brevets.
Pour terminer, j'aimerais répéter que la loi C-91 a eu des effets favorables non seulement pour Pfizer Canada, mais aussi - et surtout - pour la population canadienne. Pour favoriser l'expansion d'une industrie pharmaceutique fondée sur la recherche et le savoir au Canada, il est nécessaire d'assurer un climat favorable grâce à une loi efficace et réaliste en matière de protection de la propriété intellectuelle. Les réalisations des cinq dernières années et les activités de l'industrie pharmaceutique en général, et de l'entreprise pour laquelle je travaille en particulier, montrent clairement les bienfaits pour notre pays, sur les plans de l'économie et de la santé, de l'adoption de lignes de conduite en ce sens.
Merci.
Le président: Monsieur Mäder.
M. Hans J. Mäder (président et chef de la direction, Novartis Pharmaceuticals Canada Inc.): Monsieur le président, messieurs les membres du comité, je vous remercie de nous avoir invités à vous présenter nos vues aujourd'hui. Je m'appelle Hans Mäder et je suis président et chef de la direction de Novartis Canada. Je voudrais vous faire connaître aujourd'hui le point de vue d'une entreprise internationale qui a son siège social en Suisse et qui a été créée récemment par la fusion de Ciba-Geigy AG et de Sandoz, qui sont toutes les deux établies au Canada depuis plus de 60 ans.
Novartis Pharma Canada, qui compte plus de 1 000 employés, a son siège social à Dorval, au Québec, et possède également des usines à Dorval et à Whitby, en Ontario. L'usine de Whitby est considérée comme un centre mondial de la technologie de la mise en sachet; c'est la deuxième usine de Novartis Pharmaceuticals en Amérique du Nord, en termes de superficie, et ses produits sont exportés dans 11 pays.
Mais pourquoi deux compagnies suisses prospères et conservatrices abandonneraient-elles leur longue et fière tradition d'indépendance et décideraient-elles de fusionner? La réponse, c'est que les dirigeants de Novartis savent qu'ils doivent faire preuve d'audace s'ils veulent demeurer compétitifs dans la nouvelle économie mondialisée, fondée sur la connaissance et axée sur la technologie. Le gouvernement du Canada - ou plus précisément Industrie Canada - a lui aussi adopté une stratégie fondée sur la compétitivité internationale dans le secteur de la recherche de pointe afin de créer de l'emploi et de consolider l'économie. La compétitivité internationale est la grande question qu'il ne faut jamais perdre de vue dans le débat en cours. Pour le groupe Novartis, à l'échelle mondiale, le principal avantage de cette fusion, c'est qu'elle crée une compagnie disposant de la masse critique et des ressources financières nécessaires pour appuyer la recherche-développement dans le domaine pharmaceutique et pour assumer les risques qui y sont inhérents.
La compétitivité du groupe Novartis, qui est maintenant la deuxième compagnie pharmaceutique au monde, reposera sur un budget de recherche annuel de plus de 2,5 milliards de dollars. De plus, comme la Suisse est un pays relativement petit, Novartis exporte beaucoup de ses investissements en matière de recherche- développement dans d'autres pays, créant ainsi des possibilités pour ses filiales dans le monde entier. Mais ces diverses filiales se livrent une âpre concurrence pour profiter de ces possibilités.
En tant que dirigeant de Novartis Pharma ici au Canada, je dois constamment vendre notre pays à mes supérieurs, en leur démontrant que c'est un meilleur endroit que d'autres pour investir et pour faire de la recherche-développement dans le domaine pharmaceutique. À cet égard, le Canada possède certains avantages sur la concurrence: un bassin de plus en plus nombreux de chercheurs hautement qualifiés dans le secteur biomédical; un réseau d'hôpitaux, d'universités et de centres de recherche prêts à collaborer avec l'industrie et possédant l'expérience nécessaire pour le faire; et enfin, une politique fiscale fédérale et provinciale qui appuie la R-D. La qualité de la recherche effectuée au Canada est telle que les produits qui en découlent font l'objet de demandes d'homologation à l'échelle internationale.
[Français]
Malheureusement, dans cette lutte incessante en vue de l'obtention des mandats de recherche et de fabrication, le talon d'Achille du Canada est le droit de la propriété intellectuelle. S'il existe un argument que nos concurrents étrangers ne se lassent pas d'invoquer à l'appui de leur candidature, c'est bien celui de la protection réelle des produits pharmaceutiques par brevet. En effet, celle-ci ne dure que 10 ans au Canada comparativement à 14 ans aux États-Unis et à 15 ans au sein de la Communauté européenne et au Japon.
Voilà pourquoi nous appuyons fermement l'ACIM lorsqu'elle prône devant le comité le rétablissement de la durée effective des brevets et fait ressortir l'importance en cette matière de modalités prévisibles favorisant l'innovation.
Grâce à la fusion, Novartis Pharma Canada, à l'instar du Groupe Novartis, est aujourd'hui un concurrent plus fort et plus redoutable. Le regroupement de nos activités étant réalisé, nous sommes résolument tournés vers l'avenir et concevons de vastes programmes de recherche et développement dans le but de créer des emplois et d'offrir aux Canadiens des médicaments plus efficaces.
Cette année, notre quête de nouveaux traitements se traduit par la conduite de 78 essais cliniques qui se dérouleront dans 668 établissements canadiens auprès de 4 000 patients et feront intervenir 1 000 chercheurs et investigateurs, le tout moyennant 30 millions de dollars.
Parmi les programmes les plus en vue, citons les études touchant le cancer du sein, les symptômes de la maladie d'Alzheimer et le traitement des tumeurs mortelles du cerveau par une thérapie génétique novatrice.
Compte tenu des revenus prévus et de son engagement à continuer d'investir au moins 10 p. 100 de son chiffre d'affaires en recherche et développement, Novartis Pharma Canada prévoit, pour autant que les règles canadiennes en matière de protection par brevet soient favorables, investir quelque 200 millions de dollars en recherche et développement au cours des cinq prochaines années. Ces sommes seront consacrées à des programmes déjà en place, notamment dans le domaine de la transplantation, mais également dans de nouvelles sphères d'activité telles que la xénotransplantation.
En outre, Novartis Pharma Canada entend porter à au moins 25 p. 100 la tranche de ses investissements en recherche et développement affectés à la recherche fondamentale, notamment par l'intermédiaire de son bureau de recherche fondamentale situé à Calgary, en Alberta. Nous venons d'ailleurs de reconduire pour une période de cinq ans notre engagement financier à l'égard de cet établissement d'envergure mondiale.
[Traduction]
Nous avons tendance, dans ce débat, à parler de la recherche- développement dans le domaine pharmaceutique comme s'il s'agissait d'abord et avant tout d'une question d'argent et d'emploi. Ce sont certainement des aspects importants, mais le but ultime de la recherche biomédicale, mesdames et messieurs, c'est de trouver des moyens de guérir les maladies qui affligent l'humanité. C'est ce qui nous passionne en tant que compagnie pharmaceutique innovatrice. C'est ce qui nous distingue des autres compagnies qui reproduisent les thérapies existantes, par exemple les médicaments génériques.
Pensez un peu à vos électeurs qui souffrent de maladies incurables comme le sida, l'Alzheimer ou certains cancers, et demandez-vous comment vous pouvez favoriser la croissance de la seule industrie qui leur offre un peu d'espoir. Au niveau le plus fondamental, ce n'est pas une question de chiffres ou de bilans, mais de gens bien vivants, en chair et en os, comme vous le montrera le bref exemple suivant.
Au cours des années 70, la recherche effectuée par Novartis a permis la découverte de la cyclosporine - ou du Neoral, comme on l'appelle maintenant; essentiellement, c'est le médicament qui a rendu possibles toutes les transplantations d'organes. Aujourd'hui, grâce à ces transplantations, plus de 10 000 Canadiens et Canadiennes vivent une vie bien remplie et contribuent à la société. Un de ces greffés - si vous me permettez de prendre deux minutes pour vous en parler - s'appelle Michel Perron; il est président-directeur général chez Uniforêt. Il y a plusieurs années, il souffrait de graves problèmes de reins et il était condamné, au mieux, à la dialyse à long terme. Mais après avoir reçu un rein donné par son fils, Michel Perron est allé conquérir le pôle Nord, croyez-le ou non! Il a relevé le défi de remettre en marche une usine de pâte à papier à Port-Cartier, au Québec, et il a ramené cette collectivité à la vie elle aussi. Sans la R-D effectuée par une compagnie pharmaceutique innovatrice, nous ne pourrions pas vous raconter cette histoire. Et Michel Perron n'est qu'un des nombreux Canadiens productifs qui peuvent aujourd'hui apporter leur contribution à la société grâce aux travaux de l'industrie de la recherche pharmaceutique d'innovation.
Mesdames et messieurs, nous savons tous à quel point la question dont votre comité a été saisi est importante. Elle touche la vie et les espoirs de tous les Canadiens. Vous devez donc décider s'ils vont continuer d'avoir accès le plus directement et le plus rapidement possible à de nouveaux médicaments et à une meilleure santé. Vous devez décider si le Canada participera pleinement à la nouvelle économie mondiale. Si vous croyez que c'est ce que le Canada et les Canadiens méritent, vos décisions s'imposent d'elles-mêmes et vous vous rappellerez les réalités suivantes quand vous les prendrez: l'industrie canadienne de la recherche pharmaceutique a besoin du rétablissement de la durée des brevets afin de pouvoir bénéficier des mêmes règles du jeu que ses concurrents commerciaux à l'étranger; la protection actuelle accordée en vertu des brevets doit être appliquée pleinement par l'inclusion du règlement de liaison dans la Loi sur les brevets ou par un autre moyen aussi efficace; enfin, les entreprises canadiennes du secteur pharmaceutique ont besoin d'un environnement stable et prévisible en matière de brevets afin de convaincre leurs sièges sociaux de consentir des investissements importants à long terme au Canada.
Il est temps que l'industrie pharmaceutique canadienne se place sur un pied d'égalité avec le reste du monde. Il est temps également que notre pays songe sérieusement à gagner la course à la compétitivité internationale.
Merci.
Le président: Y a-t-il d'autres commentaires?
M. McDole: Monsieur le président, cette intervention termine notre présentation. Nous nous ferons un plaisir de répondre à toutes vos questions. Vous pouvez nous les poser individuellement ou, si vous ne savez pas à qui les adresser, je vais soit y répondre moi-même, soit demander à un de mes collègues de le faire.
Le président: Merci beaucoup, monsieur.
Étant donné que les témoins ont choisi de lire leurs présentations, je me trouve dans l'obligation de limiter sérieusement la durée de la période de questions. Vous aurez droit à 10 minutes chacun, à commencer par M. Ménard.
[Français]
Monsieur Ménard.
M. Réal Ménard: J'ai trois questions à adresser à nos témoins. Je voudrais revenir à la présentation qui a été faite par la compagnie Pfizer. On parle à la page 5 d'un antidépresseur qui trouverait certainement preneur chez nous certains jours. Vous dites que cette molécule a d'abord été synthétisée par M. Welch, un chercheur, en 1978. Après quelques années de recherche, on a fini par en reconnaître le potentiel et Pfizer s'est vu octroyer un brevet en 1982. Il a fallu près de six ans de recherche additionnelle avant que vous présentiez une demande d'homologation auprès des autorités canadiennes et le processus d'homologation a exigé trois ans. On voit donc qu'il a fallu 14 ans pour qu'un médicament synthétisé en 1978 atteigne enfin le marché canadien.
Nous avez-vous donné cet exemple pour montrer les dédales qu'il faut parcourir entre le moment où on découvre une molécule et le moment où le médicament se retrouve sur le marché, pour nous montrer qu'il s'agit d'un processus extrêmement long? Nous l'avez-vous donné parce que vous vouliez nous sensibiliser aux difficultés inhérentes à notre processus d'homologation des médicaments? J'aimerais que vous reveniez sur cet exemple. Quelle attention voulez-vous nous voir apporter à un exemple comme celui-là?
À ma deuxième question, je souhaiterais, si possible, obtenir une réponse de tous et chacun d'entre vous. Si jamais vous étiez mis en instance de faire un choix entre le maintien du règlement de liaison que l'on connaît et ce qui s'y rattache en ce qui a trait à la production hâtive à partir de la17e année, et un scénario alternatif qui irait résolument du côté des injonctions interlocutoires en bonne et due forme, que seriez-vous tenter de dire aux membres de ce comité?
Troisièmement, et c'est ma dernière question, j'ai apprécié l'allusion aussi subtile qu'à propos au sujet du sida. Dois-je comprendre par cet exemple que je dois voir en vous tous des gens qui vont appuyer mon projet de loi portant sur les pouvoirs additionnels pour le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés?
Je crois avoir exercé un trafic d'influence sain auprès de Mme Erola la dernière fois, et ce n'est pas terminé. Donc, si je pouvais compter sur vous, ce serait un appui intéressant. Si vous avez besoin d'information additionnelle sur mon projet de loi, je suis sûr que le président vous permettra de vous exprimer là-dessus.
Le président: À qui s'adressent vos questions, monsieur Ménard?
M. Réal Ménard: Il y a trois questions. On pourrait peut-être commencer par Astra Canada.
[Traduction]
M. Parker: Puisque votre première question porte sur le ZOLOFT et que c'est ma compagnie qui a mis ce produit au point, je vais y répondre. Si nous vous avons cité cet exemple, c'est en réalité à des fins de comparaison et pour nous assurer que tout le monde comprend pleinement la différence, en termes d'exclusivité commerciale, entre les médicaments brevetés vendus au Canada et ceux qui sont vendus dans certains pays avec lesquels nous avons d'importants échanges commerciaux.
Personne ne met en doute la nécessité d'un processus d'examen raisonnable et très attentif pour tous les médicaments. Tout le monde est d'accord. Ce qui nous préoccupe, c'est que la durée des brevets commence à être calculée à partir du moment où ces brevets sont octroyés. Mais les produits ne nous rapportent absolument rien tant que nous ne sommes pas en mesure de les commercialiser.
Dans le cas du ZOLOFT - et mes collègues pourraient certainement vous citer beaucoup d'autres exemples - , le produit aura une exclusivité commerciale de sept ans et demi seulement. Je le souligne parce qu'il y a un écart entre la situation ici et ce qui se passe chez nos principaux partenaires commerciaux. Il y a parfois une différence de deux ou trois ans, ou même de cinq ou six ans, selon le pays et les circonstances.
Chaque année est précieuse pour un produit. Une durée d'exclusivité de sept ans et demi, plutôt que de 13, 14 ou 15, représente pour notre compagnie un manque à gagner important, alors que nous pourrions réinvestir une bonne partie des bénéfices dans la recherche-développement.
Est-ce que cela répond à votre question?
[Français]
M. Réal Ménard: Vous dites que le brevet court dès qu'il est émis et que vous voyez là quelque chose de désavantageux. Vous aimeriez que le brevet coure à partir de quel moment? Serait-ce au moment où il est émis par l'Office de la propriété intellectuelle du Canada ou le commissaire aux brevets?
[Traduction]
M. Parker: Non, ce n'est pas tellement la question de savoir quand le brevet est accordé. Ce qui compte, c'est la période d'exclusivité sur le marché. À notre avis, une période de sept ans et demi, ce n'est tout simplement pas suffisant de nos jours.
M. McDole: J'aimerais ajouter quelque chose. Ce que nous remettons en question, ce n'est pas la protection de 20 ans accordée par les brevets, mais c'est le fait qu'il y a dans certains pays un mécanisme visant à compenser pour la période inhabituellement longue consacrée aux exigences de réglementation. Ce n'est pas pour tous les produits, seulement pour certains. Dans notre cas, nous aimerions bien avoir une prolongation.
M. Parker: Comme nous l'avons tous dit, c'est important d'être concurrentiels, et s'il y a une protection de sept ans et demi ou moins pour les médicaments brevetés, le Canada n'est certainement pas concurrentiel face à ses principaux partenaires commerciaux.
M. McDole: Je pense que vous avez dit, Hans, que vous répondriez à la deuxième question.
M. Mäder: Oui, il s'agissait de la question sur le règlement de liaison, à savoir si nous préférerions un régime d'injonctions interlocutoires ou un règlement de liaison.
Il est clair que nous avons besoin d'un mécanisme d'application qui fonctionne; or, le règlement de liaison a toujours été efficace. Nous savons que les injonctions interlocutoires, dans le système canadien, ne fonctionnent pas. Donc, quelle est la solution? C'est indissociable; il faudrait un jugement à la Salomon. Dans l'idéal, il faudrait les deux.
Le président: Monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard: Je suis convaincu que les témoins ne l'ont pas oublié: il s'agit d'un pouvoir accru pour le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés qui fait en sorte que, dans le cas d'une personne atteinte d'une maladie dégénérative, il estime que cette personne n'a pas eu un accès juste et raisonnable.
En droit, c'est un concept qu'on applique aussi à d'autres causes. Il y aurait la possibilité pour le Conseil, qui serait doté de nouveaux pouvoirs, de faire une enquête qui serait rendue publique dans le rapport que dépose le ministre en Chambre. Je veux simplement vous dire que dans le milieu pharmaceutique, un peu comme dans la vie en général, le pire côtoie le meilleur.
Il y a des sociétés pharmaceutiques qui ont accordé un accès humanitaire extrêmement responsable. Il y a d'excellents citoyens corporatifs, dont un certain nombre sont assis à cette table, mais il y a également des citoyens corporatifs obtus, détestables et bornés qui n'ont pas été très ouverts à la réalité de l'accès humanitaire.
Je ne sais pas si je dois donner des noms, monsieur le président.
Le président: Non.
M. Réal Ménard: L'idée est de s'assurer que tout cela soit un peu réglementé, mais sans que ce soit coercitif. Lorsque j'ai travaillé avec les avocats, il a fallu un an pour rédiger ce projet de loi. Je comprends bien qu'il n'y a aucune assise légale qui peut obliger qui que ce soit parmi vous à donner un accès humanitaire à des médicaments.
Vous savez que lorsqu'on parle d'un accès humanitaire, on parle de médicaments non homologués. Donc, c'est l'un des grands défis de ma vie que de faire adopter ce projet de loi. Si vous acceptez d'y prêter votre concours, je vous serai éternellement reconnaissant.
[Traduction]
Le président: Est-ce que quelqu'un pourrait donner une réponse rapide à cette question?
[Français]
M. Réal Ménard: Pas si rapide, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Une réponse, alors, s'il vous plaît.
M. Bellini: Dans le cas du 3TC, il y a au Canada environ 3 500 personnes à qui le produit a été administré pour des raisons humanitaires, et 30 000 aux États-Unis. On ne peut pas faire mieux de nos jours. Au Canada, il y a environ 7 000 patients visés. Cela signifie que la moitié d'entre eux ont reçu du 3TC pour des raisons humanitaires.
[Français]
M. Réal Ménard: S'il y a quelqu'un qui ne peut répondre, c'est bien vous.
[Traduction]
Le président: Monsieur Mayfield.
M. Philip Mayfield: Merci, messieurs. Je vous remercie de vos présentations de ce soir.
En vous écoutant, j'ai eu l'impression qu'il devait y avoir certaines choses qui se passent bien parce que vos compagnies investissent, bâtissent, embauchent et intensifient leurs travaux de recherche. Je suis très heureux de l'entendre dire. Mais en même temps, vous dites qu'il faut changer certaines choses.
Monsieur Mäder, vous avez mentionné qu'il fallait appliquer plus efficacement la protection par brevet en incluant le règlement de liaison dans la loi ou en prenant un autre moyen aussi efficace. J'aimerais savoir si vous avez réfléchi à ces autres moyens efficaces qui pourraient être ajoutés à la Loi sur les brevets et aux changements législatifs que cela pourrait impliquer? Y avez- vous pensé?
M. Mäder: Nous y avons beaucoup réfléchi. Tout cela se trouve dans le mémoire de notre association, l'ACIM. Je n'irais pas au- delà de ce que l'association a proposé la semaine dernière. Je comprends que la situation n'est pas facile. Le fait que le règlement de liaison ne fasse pas partie de la loi elle-même rend tout le système vulnérable parce que, comme vous le savez, les gouvernements changent, tout comme les gens. Le système peut donc très facilement être modifié. C'est ce qui rend les investisseurs étrangers nerveux. Je pense que notre collègue M. Bellini pourra vous raconter certaines choses à ce sujet-là.
Quand on regarde la situation dans d'autres pays... nous pourrions avoir un système comme il en existe ailleurs dans le monde, où les tribunaux sont beaucoup plus efficaces et où il est possible d'obtenir une certaine protection grâce à une injonction interlocutoire. Il ne suffit pas de légiférer; il faut aussi appliquer la loi lorsqu'il y a un problème.
M. Philip Mayfield: J'ai essayé plus tôt de poser une question sans beaucoup de succès. Je vais ressayer ce soir.
Il me semble que ce qui compte, c'est la période pendant laquelle le produit se trouve sur le marché. C'est là qu'est le problème. Mais quand j'y pense, c'est une question de moyenne, et nous nous servons parfois des extrêmes pour défendre notre point de vue. Un extrême serait celui d'un médicament pour lequel il faudrait seulement deux ou trois ans avant d'avoir franchi toutes les étapes à son lancement sur le marché, et l'autre extrême... Quelqu'un a parlé aujourd'hui d'un médicament qui n'est toujours pas commercialisé après 35 ou 38 ans.
Est-ce qu'il y aurait moyen de modifier la Loi sur les brevets de manière à ce que les produits soient protégés à partir du moment où le brevet est accordé, avec prolongation pour une période déterminée une fois le permis de commercialisation obtenu et la mise en marché commencée? Qu'est-ce qui serait juste?
Une des faiblesses de cet argument, pour commencer, c'est que les compagnies pharmaceutiques ne seraient plus aussi pressées de commercialiser leurs produits. Mais en même temps, cela semblerait simplifier la question de la durée moyenne et de la possibilité d'une prolongation pour un médicament dont la mise au point et les essais prendraient un temps particulièrement long.
Messieurs, est-ce que cela vous semble réaliste ou possible?
M. McDole: Monsieur le président, je peux répondre à cette question. Le problème, c'est que nous devons faire face à la concurrence mondiale. Qu'il s'agisse de 12 ou de 14 ans, quel que soit le chiffre exact... ce n'est pas tellement cela qui compte, mais plutôt la nécessité d'avoir des règles du jeu à peu près identiques d'un marché à l'autre. Tout ce que nous essayons de vous faire comprendre, c'est que dans notre cas, il y a parfois un écart de deux ou trois ans, ou même plus, entre ce que nous pouvons faire ici et ce qui se passe sur d'autres marchés.
Il me semble plus prudent de procéder au cas par cas plutôt que de fixer une période uniforme pour tous les produits, ce qui ne serait pas nécessairement dans l'intérêt public.
M. Philip Mayfield: C'est le genre de réponse que je voulais entendre.
M. Parker: J'aimerais ajouter quelque chose: j'ai mentionné tout à l'heure dans ma présentation que nous sommes en concurrence avec les autres filiales de notre propre compagnie pour les fonds de recherche, mais nous sommes également en concurrence avec les autres sociétés. Je peux donc vous assurer que nous ne nous traînerions pas les pieds pour mettre un nouveau produit sur le marché. Nous voulons toutes être là, et en premier.
Nous devons aussi nous soumettre à diverses exigences de réglementation. Dans la mesure où vous comprenez que... nous serions tout aussi pressés de mettre de nouveaux médicaments innovateurs sur le marché. Nous voulons commercialiser nos produits le plus vite possible, à condition que ce soit sûr et efficace pour la population canadienne.
M. Philip Mayfield: Puisque nous faisons des comparaisons, il me semble avoir entendu dire que la période de protection, une fois les produits sur le marché, était en moyenne de 14 ans aux États- Unis et au Japon. Vous avez des compagnies qui ont leur siège social en Suède et en Suisse.
La question que je veux vous poser, messieurs, est la suivante: comment le Canada réussit-il à votre avis à soutenir la concurrence internationale? Nous savons ce qui se passe aux États- Unis et au Japon, mais quelle est la situation dans les pays d'Europe qui ont à faire face eux aussi à ce problème? Quelle est notre position par rapport à l'ensemble des pays?
M. Mäder: Si vous comparez avec les autres pays du G-7, comme quelqu'un l'a déjà dit, le Canada vient en dernière place en ce qui concerne l'efficacité de ses brevets... Vous devez comprendre la dynamique de la chose.
Le Canada est considéré comme un pays exigeant au chapitre de la réglementation, autant que les États-Unis, où la FDA est particulièrement difficile. La DGPS, au Canada, est l'organisme qui exige le plus de recherche avant d'approuver la mise en marché d'un médicament - et cette recherche doit être de grande qualité. Cela prend du temps.
En même temps, nous n'avons pas de mesure de rétablissement de la durée des brevets. Donc, quand on additionne ces deux facteurs, l'écart augmente, et le coût aussi. C'est notre gros problème. Avec ce que nous avons au Canada, nous ne pouvons pas faire concurrence aux Américains, qui ont un immense pays et une grosse économie. Mais au Canada, nous avons des chercheurs de première classe. Nous avons aussi d'excellentes universités, que nous avons d'ailleurs développées à grands frais. C'est cela que nous devrions faire valoir. Voilà ce que le Canada peut vendre: sa recherche scientifique. Comme je l'ai dit, étant donné que notre pays est très exigeant, les données qui sont créées ici peuvent servir à présenter des demandes partout dans le monde, y compris aux États- Unis. C'est notre force, mais nous devons disposer d'un environnement qui nous permette d'en faire la promotion.
Le président: Monsieur Mayfield, avez-vous une dernière observation à faire?
M. Philip Mayfield: J'ai une dernière question, monsieur.
Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, on dirait bien qu'il y a certaines choses que nous faisons comme il faut. Est-ce que vous pourriez vous contenter de la loi actuelle?
M. Mäder: Oui, je pourrais m'en contenter, mais j'aimerais en avoir plus.
M. Philip Mayfield: Tout semble aller très bien pour vous.
M. Mäder: Nous nous débrouillons assez bien, comme je l'ai dit, mais nous ne sommes pas loin des normes mondiales. Si vous me donnez des normes mondiales, je vais vous donner des rendements mondiaux, comme le Canada le mérite.
M. Philip Mayfield: Merci beaucoup.
Merci, monsieur le président.
Le président: Du côté gouvernemental, M. Patry va commencer. Je pense qu'il va partager le temps qui lui est alloué avec un autre membre du comité.
M. Bernard Patry (Pierrefonds - Dollard, Lib.): Merci, monsieur le président. J'ai une question générale à poser à tous les membres du groupe, et une question précise pour M. Bellini.
M. Bellini a mentionné dans son exposé que la question de la propriété intellectuelle suscite une certaine irritabilité dans l'industrie. Une des solutions, pour mettre fin à cette instabilité, serait d'inclure le règlement dans la loi. Il a dit également que, dans toutes les compagnies multinationales, lorsqu'il est question d'augmenter les budgets consacrés à la recherche et au développement, les décisions sont prises en Suisse, en Suède ou aux États-Unis, dans le pays de la société mère.
Ce que j'aimerais savoir, c'est si le fait que ce règlement n'est pas inclus dans la loi représente le principal irritant qui vous empêche d'obtenir plus de fonds pour la recherche- développement. Si oui, est-ce que votre compagnie, par l'entremise de l'ACIM, serait prête à travailler à son inclusion dans la loi? Est-ce que quelqu'un voudrait répondre à cette question?
M. Bellini: Il est très important que ce règlement ait force de loi. J'ai comparu devant votre comité au moment de l'examen du projet de loi C-91. On ne sait jamais; ces choses-là peuvent changer. Quand il y a des règlements de ce genre qui ne sont pas inclus dans la loi, ils peuvent être modifiés n'importe quand. Et cela crée beaucoup d'instabilité dans notre industrie. Ce serait très important pour nous que ce règlement soit inclus dans la loi.
M. Bernard Patry: Y a-t-il quelqu'un d'autre qui voudrait commenter?
M. McDole: Je pourrais ajouter que, de façon générale, il est assez rapide et facile de changer des règlements. Par conséquent, il reste toujours un nuage de doute ou d'incertitude au sujet de la permanence du mécanisme d'application, si vous voulez, ou du mécanisme visant à s'assurer que tout fonctionne. Si ces mesures se trouvaient dans la loi, par exemple, plutôt que dans la réglementation, ou s'il y avait un autre mécanisme en place, cette incertitude n'existerait plus.
M. Bernard Patry: Je vais reposer ma question différemment. Pensez-vous que, si ces dispositions sont incluses dans la loi, vos compagnies vont faire plus de recherche-développement au Canada?
M. McDole: Pour ma part, je dois répondre que oui parce que la tendance évolue déjà dans cette direction de toute façon et que, plus le marché sera stable et moins il y aura de risques apparents, plus les investissements suivront.
M. Bellini: Il y a une chose qu'on peut dire en tout cas: c'est qu'on ne sait pas ce que demain nous réserve. C'est la réalité.
M. Bernard Patry: J'ai une question précise pour vous, monsieur Bellini. Quel était le pourcentage des fonds provenant de la Stratégie nationale sur le sida dans le budget consacré à la mise au point du 3TC au Canada?
M. Bellini: Je pense que pour sa mise au point au Canada, il s'agissait de fonds canadiens que nous avons fournis...
M. Bernard Patry: Non, je veux parler de la Stratégie nationale sur le sida adoptée par le gouvernement. Avez-vous reçu des fonds...
M. Bellini: Il y a divers groupes comme celui de M. Wainberg qui ont participé à la découverte du 3TC. À mon avis, il est très important que ces gens-là continuent de faire ce qu'ils ont fait, et je les appuie. À l'heure actuelle, nous augmentons le budget que nous leur accordons dans le but de compenser pour le manque d'argent. Je veux parler de M. Wainberg.
M. Bernard Patry: Je le connais.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Discepola.
M. Nick Discepola (Vaudreuil, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je voudrais poser des questions sur deux points. Premièrement, M. Bellini a mentionné dans son mémoire que l'industrie recherche un rendement raisonnable sur son investissement. Je suis tout à fait d'accord. Mais la seule façon de mesurer ce rendement, à mon avis, c'est de permettre à l'industrie canadienne d'être concurrentielle sur la scène internationale. Je n'ai entendu personne s'opposer à la protection par brevet pendant 20 ans. Je pense que c'est la meilleure protection que vous pourrez obtenir et que vous devrez vous contenter de la règle des 20 ans pour pouvoir récupérer votre investissement, comme vous l'avez dit.
Mais il y a deux choses. D'abord, nous avons parlé du rétablissement de la durée des brevets. Je pense que quelqu'un a dit qu'il faudrait examiner la question au cas par cas. Mais en tant que législateur, j'ai du mal à dire que c'est possible. Il serait difficile de déterminer quels produits favoriser. Par exemple, est-ce que nous favoriserions un produit simplement parce qu'il est plus bénéfique pour l'humanité? Dans quelles conditions, et à la discrétion de qui? Est-ce que les demandes de rétablissement de la durée du brevet devraient être autorisées seulement lorsque le processus de réglementation aurait été particulièrement long? Il faudrait alors mesurer ce qui constitue une durée raisonnable, à l'échelle internationale, par comparaison avec ce qui s'est passé au Canada.
Je vais vous poser tout de suite ma deuxième question.
Il y a des gens qui disent que le règlement de liaison que vous nous demandez d'inclure dans la loi a fait l'objet d'abus, en ce sens que grâce à l'application des dispositions de reconduction automatique et à divers autres moyens, par exemple le cumul de brevets connexes ou parfois les revendications relatives à des brevets non reliés, les allégations et les avis d'allégation, qui se rattachent à tout le processus de l'avis de conformité, il est possible en réalité de faire prolonger un brevet. Je ne crois pas qu'une mesure législative comme le règlement de liaison, si nous devions l'inclure dans la loi, devrait essentiellement entraîner une nouvelle prolongation au-delà de la protection que nous appliquons normalement.
M. Mäder a parlé de moyens aussi efficaces. Je ne crois pas que l'ACIM ait proposé au comité de solutions de rechange au règlement de liaison. Ses représentants nous ont dit tout simplement que nous devrions inclure ce règlement dans la loi. Donc, si vous ou vos groupes connaissez des moyens d'en arriver à un processus aussi efficace, à un autre processus propre au Canada, nous aimerions bien que vous nous en fassiez part.
Le président: C'est une question intéressante. Monsieur McDole, vous pouvez peut-être vous diviser la tâche, de manière à ce qu'une personne réponde à chacune des deux questions qui vous ont été posées.
M. McDole: Je peux certainement répondre à la première puisque c'est moi qui ai parlé de la possibilité d'un examen au cas par cas. J'ai peut-être mal choisi mes mots, mais ce que je voulais dire, c'est que plutôt que de fixer une durée déterminée pour l'ensemble des produits, il faudrait voir combien de temps il a fallu pour que chaque produit arrive sur le marché.
Il existe dans de nombreux pays un mécanisme qui repose sur une formule selon laquelle on ajoute un nombre maximum d'années pour en arriver à un nombre maximum d'années d'exclusivité sur le marché. Cette formule est ensuite appliquée en fonction du temps qu'il a fallu pour que le produit franchisse toutes les étapes de la réglementation. Dans bien des cas, cela ne s'applique pas, mais dans d'autres, oui.
Le président: Qui voudrait prendre l'initiative de critiquer votre association?
Des voix: Oh, oh!
M. McDole: Ce que nous disons, c'est que les mesures de liaison fonctionnent déjà. Elles pourraient probablement être améliorées, et nous serions prêts à discuter des moyens d'y arriver.
Certains autres pays disposent de mécanismes d'injonctions interlocutoires; c'est la solution qu'ils ont choisie. Cela ne fonctionne pas au Canada et nous croyons qu'il ne sera pas possible de changer les lois pour que cela fonctionne ici. Je n'ai donc pas de solution à vous proposer. Mais le mécanisme en place est celui qui fonctionne le mieux.
M. Bellini: Est-ce que je peux vous donner un exemple lié au 3TC? C'est le premier produit que nous vendons au Canada. S'il n'y avait pas de règlement de liaison, quelqu'un pourrait commencer à vendre le même produit dès demain. Qu'est-ce qu'on pourrait y faire? Est-ce que ce serait juste?
Le président: Merci beaucoup.
Je voudrais remercier nos témoins. Nous avons trouvé très utile de recevoir des cadres aussi haut placés, qui nous ont fait partager leur expérience. Comme vous vous en êtes sûrement rendu compte, tous les membres du comité ont suivi vos témoignages avec intérêt et je suis sûr qu'ils auraient beaucoup d'autres questions à vous poser, mais la nature de notre mandat nous en empêche. Nous vous remercions de votre aide. Les membres du comité pourront communiquer directement avec vous, et inversement, pour des éclaircissements sur un point ou sur un autre.
Je vous remercie encore une fois. Nous vous sommes reconnaissants d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.
Je vais maintenant inviter nos prochains témoins, qui représentent Genpharm et Technilab. Nous allons entendre leurs présentations après une pause de deux minutes pour nous dégourdir les jambes.
Le président: Mesdames et messieurs, le comité reprend maintenant ses travaux.
Nous avons avec nous aujourd'hui des représentants des sociétés Genpharm et Technilab. J'aimerais qu'un des témoins se présente comme chef du groupe et nous dise ensuite comment il voudrait procéder.
Veuillez vous présenter, après quoi nous pourrons commencer.
M. Neil Tabatznik (président, Genpharm): Monsieur le président, je m'appelle Neil Tabatznik et je suis président de Genpharm. Je n'ai pas l'intention de diriger le groupe; nous sommes tous égaux ici.
Je suis accompagné de Jean-Guy Goulet, qui est vice-président de Technilab, et de Ian Hilley, qui est vice-président et gérant des projets pour ma propre compagnie, Genpharm. Jean-Guy Goulet va commencer.
[Français]
M. Jean-Guy Goulet, (vice-président senior, Développement des affaires, Technilab Pharma Inc.): J'aimerais vous remercier, monsieur le président, ainsi que les membres du Comité permanent de l'industrie de me donner aujourd'hui l'occasion de venir parler des enjeux de la revue de la Loi C-91 et du point de vue de ma société, Technilab Pharma Inc.
Notre industrie, qui est l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques, a fait une présentation la semaine dernière et, en parallèle, je voudrais exposer les points de vue de ma compagnie.
Je représente ici une entreprise du Québec en pleine expansion. En effet, Technilab emploie actuellement plus de 200 personnes et fabrique des produits pharmaceutiques génériques dans son usine de 150 000 pieds carrés située sur l'autoroute 15, dans la municipalité de Mirabel.
Nous consacrons 15 p. 100 de notre chiffre de ventes à la recherche et au développement et, conséquemment, offrons des emplois de qualité à des scientifiques de différentes disciplines. Nous prévoyons d'ailleurs embaucher 25 autres nouveaux scientifiques au cours de la prochaine année. De plus, nous exportons nos produits dans une quinzaine de pays dont le plus important sont les États-Unis.
Je suis ici pour vous signifier d'abord mon appui à l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques. Comme association, je demande que l'on rejette la proposition des fabricants de médicaments d'origine de prolonger de cinq ans la protection des brevets, cela en signalant bien clairement que nous reconnaissons la légitimité d'une protection des brevets raisonnable.
Je demande de plus qu'on ne nous mette pas les bâtons dans les roues en ce qui a trait aux exportations et aux exportations. C'est important. Ce sera le sujet principal de ma présentation.
Nos ventes sont en forte croissance dans ce secteur, mais l'actuelle réglementation de C-91 nous nuit considérablement en nous empêchant d'exporter des produits protégés ici au Canada même s'ils ne le sont plus ou ne l'ont jamais été dans les pays de destination. Il est important de rappeler que les pays en voie de développement ont un urgent besoin de produits pharmaceutiques moins coûteux, ce qui explique la croissance très rapide de ces marchés d'exportation pour les fabricants de médicaments génériques.
Par ailleurs, une étude récente publiée aux États-Unis indique que dans la période allant de 2000 à 2005, un grand nombre de brevets viendront à expiration aux États-Unis. L'étude estime que cela représenterait un marché de quelque 41 milliards de dollars. Compte tenu du fait que les brevets viendront à échéance plus rapidement aux États-Unis qu'ici pour cette période dans le cas de ces produits, nous serons forcés de construire nos usines là-bas, car il nous est impossible d'exporter des produits protégés ici, au Canada, dans des pays où les brevets couvrant ces produits ont expiré ou n'ont jamais existé. Ainsi, la Loi C-91 contribuera directement à l'exportation d'emplois chez nos voisins du Sud.
Finalement, nous insistons pour que le paragraphe 55(2), portant l'avis de conformité, soit abrogé de manière à ce qu'il ne serve plus de prétexte aux multinationales pour retarder l'entrée sur le marché de nouveaux génériques.
Je vous soumets que nous ne demandons pas de privilèges. Nous demandons seulement d'avoir droit à un développement normal de nos affaires de manière à ce que notre contribution à l'économie, par les emplois et les exportations, ne soit plus handicapée par cette Loi C-91 qui, sous plusieurs aspects, est injuste et dépassée.
Il est temps que le gouvernement reconnaisse notre apport à l'économie. Les consommateurs, les fabricants et les gouvernements en sortiront tous gagnants.
Je vous remercie de votre attention. Je reste disponible pour répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup.
[Traduction]
Monsieur Tabatznik.
M. Tabatznik: Merci, monsieur le président.
Comme je l'ai déjà dit, je suis président de la compagnie Genpharm, qui a été constituée en société au Canada en 1984. Nous mettons au point, nous fabriquons et nous vendons des produits pharmaceutiques génériques.
Nous avons deux usines, une à Etobicoke et une à Cambridge. Notre usine principale, à Etobicoke, comprend trois bâtiments. Notre compagnie est petite, mais nous avons investi plus de30 millions de dollars dans cette usine et nous employons plus de 300 personnes.
Nos ventes au Canada ont augmenté de 148 p. 100 l'an dernier, ce qui fait de nous la compagnie pharmaceutique dont la croissance a été la plus rapide au Canada. Nous exportons vers un certain nombre de marchés, notamment l'Europe et les États-Unis.
Nous avons acheté notre troisième immeuble l'an dernier; nous avons investi plus de 6 millions de dollars pour le rénover et y implanter une nouvelle usine. Nous avons augmenté notre effectif de 40 p. 100. Cette année, nous allons mettre deux autres usines en service.
Je souligne que cette expansion a été possible en grande partie grâce à nos investissements en recherche-développement au cours des trois dernières années, des investissements qui dépassent les 40 millions de dollars. L'an dernier seulement, nous avons consacré 16 millions de dollars à la R-D, et j'ai été fort étonné d'entendre M. Mäder, de Novartis, dire que sa compagnie dépense à peine un peu plus que nous à ce chapitre. Nous sommes une entreprise minuscule. Nous ne figurons même pas dans la liste des 500 grandes.
Nous comptons dépenser légèrement plus pour la R-D cette année. Je dirais qu'en termes de pourcentage des ventes, nous nous situons dans les deux pour cent d'entreprises qui dépensent le plus pour la R-D, non seulement dans le secteur pharmaceutique, mais en général.
Notre usine de Cambridge n'est pas très grande; nous y employons 40 personnes. Nous y fabriquons des céphalosporines, pour lesquelles il faut des locaux séparés. Je vais vous parler un peu plus longuement de cette usine dans une minute.
Genpharm fait partie d'une multinationale beaucoup plus grande qui fabrique des produits génériques, le groupe Merck Generics. Nous avons des sociétés soeurs en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Royaume-Uni, en Irlande et aux États-Unis, qui ont toutes leurs propres centres de R-D, leurs propres installations de fabrication et leur propre programme de marketing. Nous avons aussi des sociétés soeurs en Allemagne, en France, en Hollande et en Scandinavie qui s'occupent uniquement de marketing.
Notre compagnie possède une autre caractéristique particulière, à savoir qu'elle appartient à la société E. Merck de Darmstadt; je précise tout de suite qu'il ne faut pas confondre avec Merck du Canada. C'est la plus ancienne compagnie pharmaceutique au monde; c'est une entreprise familiale, sauf pour les 20 p. 100 d'actions qui ont été mises sur le marché l'an dernier. Il s'agit d'une compagnie qui vend des produits pharmaceutiques de marque, des produits brevetés, et dont les ventes dépassent les 9 milliards de dollars dans le monde entier.
La perspective que nous apportons à votre comité est donc un peu inhabituelle. Nous représentons une multinationale de produits génériques appartenant à une société mère qui fabrique des médicaments de marque et qui, si elle se trouvait au Canada, serait membre de l'ACIM.
Je dois dire que la loi C-91 ne nous a pas causé énormément de tort jusqu'ici. Ses effets commencent toutefois à se faire sentir à mesure que nous nous développons. C'est parce que cette loi n'a d'effets en réalité que sur les nouveaux produits. Or, la plupart des produits que nous avons mis sur le marché - et il y en a plus de 24 - sont des produits anciens. Donc, jusqu'ici, la loi C-91 ne nous a pas beaucoup touchés. Je dois dire qu'elle a même été bénéfique pour nous jusqu'ici parce qu'elle a mis un frein à l'activité de nos deux concurrents et qu'elle nous a permis de nous rattraper. Mais cela n'en fait pas pour autant une bonne loi, monsieur le président, ni une loi juste.
Je voudrais m'attacher à deux aspects de la loi C-91, à savoir l'absence de dispositions au sujet des exportations - ce qui est dommage à mon avis, mais sans plus - et une question beaucoup plus grave, celle de la réglementation, que je qualifierais de grossièrement injuste.
On vous a déjà parlé de l'absence de dispositions sur les exportations; je suis sûr que tout le monde est au courant. Je voudrais seulement vous donner un exemple des conséquences que cela a eues pour notre entreprise. Comme vous l'avez entendu dire, les brevets, surtout sur les céphalosporines, arrivent à échéance plus tard au Canada que sur d'autres marchés importants. Par conséquent, nos installations de Cambridge sont en péril, alors que nous aurions pu autrement les agrandir.
Il n'était pas logique de développer ce produit ici puisque nous n'aurions pas pu le fabriquer en vue de l'exportation. Nous avons donc transféré les fonctions de développement et de fabrication à une de nos sociétés mères à l'étranger, ce qui est dommage. C'est dommage pour Genpharm, parce que les profits que nous aurions tirés de la fabrication de ce médicament nous échappent. C'est dommage pour Revenu Canada parce que les taxes qui auraient été payées sur ce produit sont payées ailleurs. C'est dommage pour les secteurs de la construction et des services parce que nous avions prévu 6,75 millions de dollars pour l'agrandissement de ces installations et que nous avons plutôt dépensé cet argent à l'étranger. C'est dommage pour la cinquantaine de personnes supplémentaires dont nous aurions eu besoin pour exploiter cette usine, mais pour les 40 excellents employés qui travaillent actuellement à Cambridge et dont l'emploi est menacé, c'est une honte. Voilà pour Cambridge.
Cette situation a eu des effets moins visibles sur notre usine principale, à Etobicoke. Nous avons continué à prendre de l'expansion et nous comptons ouvrir deux nouvelles usines l'an prochain.
Si nous devons transférer des produits, cela ne nous dérange pas. Il est seulement dommage qu'au lieu de fabriquer des produits au Canada et de les exporter, nous devions exporter à la fois les produits et les emplois. Mais pour notre société mère, et pour l'ensemble de notre groupe, cela n'a pas d'importance.
Il y a quelque chose de beaucoup plus important, de beaucoup plus fondamental et, si vous me permettez de vous le dire, de beaucoup plus déplorable. Je veux parler de la réglementation. C'est un aspect de la loi C-91 qui est injuste et qui n'a pas sa raison d'être.
Je suis tenu de donner à mes concurrents un préavis de 30 mois si j'ai l'intention de mettre sur le marché un produit qui fait concurrence aux leurs, et ce n'est pas juste. Je dois leur donner ce préavis de 30 mois même si la posologie est entièrement différente, et ce n'est pas juste. Mes concurrents ont donc le temps de modifier leur produit, de changer la posologie, de prendre des mesures sur le marché pour m'empêcher d'y avoir accès, et ce n'est pas juste non plus. Cela leur donne encore30 mois de monopole gratuitement, sans aucune conséquence, et c'est injuste. Et surtout, ils obtiennent ces 30 mois de protection de toute façon, que j'empiète sur leur brevet ou pas. Mais s'il n'y a pas eu de contrefaçon, cette protection de 30 mois n'était pas justifiée, ce qui vous montre à quel point cette disposition est injuste.
Mon entreprise n'obtient aucune indemnisation pour son manque à gagner au cours de ces30 mois, et les consommateurs non plus, pas plus que les provinces, les citoyens et les régimes de santé qui doivent payer eux aussi. C'est injuste parce qu'il n'y a pas moyen de revenir en arrière.
Ce qui aggrave encore les choses, c'est que ce règlement est complètement inutile. Pour tous les autres types de protection de la propriété intellectuelle, ailleurs que dans le secteur pharmaceutique, la Loi canadienne sur les brevets et la common law en général constituent une protection efficace contre les abus. Dans tous les secteurs à part le nôtre, les notions universelles de justice et d'équité suffisent. Et partout, sauf dans notre secteur, on considère que le système judiciaire - comme il l'a prouvé d'ailleurs - est parfaitement capable de protéger efficacement et suffisamment les droits relatifs à la propriété intellectuelle. Mais les compagnies pharmaceutiques qui fabriquent des produits de marque soutiennent qu'elles ont besoin d'une protection particulière et qu'on ne peut pas compter sur les juges pour qu'ils prennent les bonnes décisions et qu'ils appliquent les principes d'équité dans leur intérêt à elles.
Le mémoire de l'ACIM au sujet du recours aux injonctions interlocutoires se résume à un argument très simple, qui est plutôt inquiétant, à savoir qu'il faut écarter les juges canadiens parce que les décisions qu'ils prennent ne conviennent pas à l'ACIM. Il faut leur lier les mains. Ce que prouve ce mémoire, c'est que tous les juges, l'un après l'autre - surtout à l'époque des licences obligatoires, évidemment, mais aussi par la suite - ont refusé de prendre des injonctions interlocutoires. Par conséquent, d'après l'ACIM, il faut accorder aux compagnies innovatrices une protection spéciale par réglementation. Ces compagnies n'ont pas réussi à convaincre les juges que des dommages-intérêts ne suffiraient pas à les indemniser si une autre partie empiétait sur leurs droits; elles cherchent donc maintenant à vous en convaincre.
Si quelqu'un vous traite de singe, vous pouvez toujours ne pas en tenir compte. Si deux personnes vous traitent de singe, vous pouvez aussi faire semblant de les ignorer. Mais si trois, quatre ou cinq personnes commencent à vous traiter de singe, vous êtes bien obligé de vous mettre à manger des arachides. Donc, si tous les juges, l'un après l'autre, ont statué que les intérêts de ces compagnies pouvaient être protégés efficacement et qu'il y avait des compensations suffisantes en cas de contrefaçon, cela signifie que les arguments de ces compagnies sont fallacieux.
Les critères prévus par la loi sont simples: il faut que le plaignant - autrement dit, le détenteur du brevet - ait subi des torts qui ne peuvent pas être corrigés uniquement par une compensation monétaire accordée par décision judiciaire; il faut que la question soumise au tribunal soit grave, et non futile; il faut aussi que la prépondérance des inconvénients penche en faveur d'une partie donnée. Il doit également y avoir un engagement à indemniser le défendeur - et c'est un aspect essentiel - dans le cas où des dommages-intérêts seraient... s'il est établi que l'injonction a été accordée à tort. Ce sont les critères, c'est la loi, et à mon avis, c'est juste.
Les critères invoqués dans un arrêt clé rendu au Canada sont les mêmes que ceux qui s'appliquent au Royaume-Uni. Je le sais parce que j'ai vécu avec un avocat au Royaume-Uni. C'est la même loi qui s'applique en Australie et aussi en Nouvelle-Zélande.
M. Mäder a dit que les règles de jeu devraient être les mêmes pour tout le monde. C'est vrai. Alors, appliquons les lois sur les injonctions interlocutoires qui s'appliquent dans l'ensemble du monde anglophone; appliquons-les ici. M. McDole a reconnu que ces règles sont efficaces ailleurs. Si les actions en injonction interlocutoire fonctionnent dans d'autres pays, appliquons-les ici. Donc, à mon avis, même s'il serait bien que nous ayons une disposition visant les exportations, il serait encore mieux et encore plus juste d'abroger immédiatement le règlement.
Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup de vos présentations très vivantes, monsieur Tabatznik et monsieur Goulet; vous êtes allés droit au but, et cela nous permet de nous lancer dans une bonne discussion.
[Français]
Monsieur Brien, voulez-vous commencer?
M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): J'ai des questions ayant trait à l'exportation, mais on va d'abord essayer de clarifier un point. Monsieur Tabatznik, vous avez fait une affirmation que j'ai un peu de difficulté à comprendre. Vous allez me l'expliquer.
Vous dites que l'avis d'allégation prolonge les brevets de 30 mois. Ma compréhension de cela est la suivante. En moyenne, il faut 22 mois avant que les tribunaux rendent un jugement. En même temps que le dépôt d'avis d'allégation, il y a une demande d'homologation. Vous ne pouvez vendre votre produit tant qu'il n'a pas reçu cette homologation. L'homologation prend en moyenne 26 mois.
Donc, selon moi, vous ne pourriez pas commercialiser votre produit de toute façon, puisque vous n'auriez pas reçu l'approbation de la Direction de la protection la santé. Comment pouvez-vous affirmer que cela prolonge les brevets de 30 mois puisque, de toute façon, vous ne pourriez mettre le produit sur le marché?
[Traduction]
M. Tabatznik: Le règlement s'applique encore après les 30 mois, et je vais vous dire pourquoi. Les tribunaux ne décident pas s'il y a contrefaçon pendant ces 30 mois; ils examinent seulement s'il y a lieu ou non d'accorder un avis. Il y a un certain nombre de cas, dont la plupart ne nous touchent pas directement, mais qui touchent nos concurrents - la lovastatine en est un bon exemple - où il n'a même pas été question de prendre une décision relative à une contrefaçon 43 mois plus tard. Il fallait à une certaine époque 22 mois pour obtenir une approbation au Canada. Il fallait quatre ans pour obtenir une homologation générique. La DGPS a tous les pouvoirs. Ce délai a été réduit à... en moyenne, je dirais que c'est environ 16 mois, mais il y a des cas où la présentation d'une demande peut prendre sept mois. En moyenne, les nôtres prennent environ 12 mois.
Comme vous le dites, il faudrait 22 mois pour qu'un tribunal ordinaire prenne une décision au sujet d'une contrefaçon, mais une semaine suffirait pour décider s'il y a lieu ou non d'accorder une injonction et si le détenteur du brevet pourrait être indemnisé adéquatement dans le cas où il y aurait contrefaçon. Je devrais alors lui payer des dommages-intérêts, mais en vertu de la réglementation actuelle, il n'y a rien qui oblige le détenteur du brevet à prendre un engagement du même genre envers moi s'il s'avère que l'injonction de 30 mois qu'il a obtenue n'était pas justifiée.
[Français]
M. Pierre Brien: Je n'entreprendrai pas un débat sur les chiffres, mais selon les chiffres que nous avons des ministères de l'Industrie et de la Santé, à l'heure actuelle, en moyenne, pour ce qui est de l'approbation des médicaments génériques, il faut 26 mois pour obtenir l'avis de conformité et 22 mois pour le jugement de la cour.
Donc, il n'y a pas d'indemnisation à donner puisqu'il n'y aurait pas eu de rentabilité commerciale. Telle est la logique qui prévaut. Si vous voulez avoir une indemnisation pour les cas qui prennent 43 ou 45 mois, c'est autre chose, mais il s'agit de cas plus exceptionnels. Dans l'ensemble, il n'y a pas d'indemnisation à accorder puisque, de toute façon, le produit ne serait pas sur le marché.
[Traduction]
M. Tabatznik: Sans vouloir me lancer dans une grande discussion, je peux seulement vous dire combien de temps il a fallu à notre compagnie, puisque je ne peux pas parler au nom des autres, pour obtenir des homologations. En moyenne, c'est environ 12 mois ces temps-ci, et c'est parce que la DGPS a accéléré les choses, ce qui est tout à son honneur.
[Français]
M. Pierre Brien: J'ai une question pour M. Goulet. Vous parlez de l'exportation sur un marché auquel vous voulez avoir accès. J'aimerais que vous m'expliquiez à quel moment vous aimeriez pouvoir copier un produit. Voudriez-vous avoir recours à la clause de production hâtive pour le vendre sur ces marchés alors qu'il n'y a pas de protection sur les brevets ou le copier immédiatement et le vendre tout de suite sur ces marchés-là?
M. Goulet: Pour répondre à votre question, je vais prendre la position d'une société pharmaceutique générique qui n'a pas d'usines dans différents pays et dont la fonction est de produire ici au Canada, plus spécifiquement au Québec, et d'exporter ses produits. Le Canada a moins de 2 p. 100 du marché mondial et nous sommes intéressés à pénétrer cette part de 98 p. 100 du marché.
Nous voulons ne pas être restreints aux normes de brevets au Canada lorsque nous voulons développer, fabriquer et exporter un produit dans un pays où le brevet est expiré ou n'a jamais été enregistré. Il est important qu'on ne soit pas limités. Actuellement, au Canada, si le produit est breveté ici, nous ne pouvons développer et fabriquer. Nous devons former des partenariats avec d'autres pays pour développer ces produits et les exporter sur ces marchés.
M. Pierre Brien: D'autres pays permettent-ils ce genre de production? Les États-Unis et les pays européens permettent-ils que des versions génériques des produits soient vendues sur les marchés africains, par exemple?
M. Goulet: Je n'ai pas les données de tous les autres pays. Je peux seulement dire que nos compagnies canadiennes ont moins de 2 p. 100 du marché mondial et qu'il est essentiel que nous puissions avoir accès à ces autres marchés.
Je parlais plus tôt des États-Unis. Le système actuel fait qu'au cours des prochaines années, les brevets vont expirer plus rapidement aux États-Unis, ce qui veut dire qu'une compagnie comme la nôtre ne pourra exporter ses produits aux États-Unis. Nous savons tous qu'aux États-Unis, dans les mois qui suivent l'expiration d'un brevet, il y a une érosion marquée des prix, ce qui fait qu'une société canadienne ne pourra exporter ses produits sur un marché qui correspond approximativement à sept fois le marché du Canada.
Donc, nous allons être contraints, au cours des prochaines années, de déterminer si nous ne devons pas faire un partenariat avec les États-Unis ou ouvrir des usines ailleurs. Mais une chose est claire: dans le contexte actuel, à l'expiration de ces brevets, nous ne pourrons exporter à partir du Canada.
M. Pierre Brien: Je pose ma prochaine question aux deux. En ce qui a trait au règlement de liaison, toute l'industrie générique se demande pourquoi il y a une réglementation particulière au secteur pharmaceutique au lieu du processus d'injonction normal. En contrepartie, ce qui est particulier aussi au secteur pharmaceutique, c'est qu'on permet la production avant l'expiration du brevet. S'il y a un brevet dans un autre secteur, vous ne pouvez faire la production de ce produit-là avant l'échéance du 20 ans. En pharmaceutique, comme vous le savez très bien, on vous permet de le faire plus tôt. Donc, il y a une exception pour vous aussi.
Si on va au bout du raisonnement, si vous souhaitez qu'on abolisse le règlement de liaison, il y aura aussi abolition de la production hâtive. Quel système préférez-vous? Un système où on abolit le règlement de liaison et la production hâtive, ou un système où vous pouvez commencer à copier seulement à l'échéance des 20 ans et qui comporte un processus d'injonction interlocutoire?
[Traduction]
Le président: Monsieur Tabatznik.
M. Tabatznik: Excusez-moi, j'attendais l'interprétation.
Je suppose que vous voulez parler de la disposition Bolar.
S'il y a une telle différence entre l'industrie pharmaceutique et toutes les autres industries, c'est peut-être à cause du temps qu'il faut pour mettre au point un produit générique et pour passer par toutes les étapes du processus de réglementation. L'argument que je vous ai présenté tout à l'heure, à savoir que la protection par brevet et le régime d'injonctions interlocutoires sont suffisants pour toutes les autres industries, est encore valable dans ce cas. Quelle que soit l'industrie dans laquelle je travaille, je ne peux pas exploiter mon produit. Je ne peux pas le fabriquer pour l'exploiter commercialement avant l'expiration du brevet, que je travaille dans l'industrie des médicaments génériques ou que je fabrique d'autres produits comme des appareils photos, des téléviseurs ou des bicyclettes.
[Français]
M. Pierre Brien: J'aimerais obtenir le rapport de M. Goulet.
Le président: Monsieur Goulet, l'avez-vous?
M. Goulet: Non, je n'ai rien à ajouter là-dessus.
[Traduction]
Le président: Monsieur Mayfield.
M. Philip Mayfield: Merci, monsieur le président.
Messieurs, je vous remercie de votre présentation. Quand je vous écoute, je comprends que l'injonction de 30 mois doit poser des problèmes pour les gens de votre industrie, mais je ne vois pas les difficultés des compagnies pharmaceutiques exactement sous le même angle que vous. Si j'ai bien compris, les compagnies d'innovation peuvent vous traîner devant un juge et prouver que vous avez empiété sur leur brevet, mais c'est quand même à elles de vous ramener devant le tribunal et de réclamer des dommages- intérêts ou de recueillir les sommes qui pourraient être nécessaires à cet égard, et c'est un processus assez long. Donc, il me semble qu'il y a bien des choses injustes dans cette affaire. J'aimerais bien entendre vos recommandations, très précisément, sur la façon de régler ce problème de manière équitable, tant de votre point de vue que du point de vue des compagnies qui fabriquent des médicaments brevetés.
M. Tabatznik: À mon avis, la façon la plus juste de régler le problème, c'est d'appliquer les lois générales du Canada. Ce qui est difficile, pour les compagnies de médicaments génériques, c'est simplement que nous n'avons aucune indemnisation s'il est établi que nous n'avons pas empiété sur le brevet.
Vous avez raison de dire que les actions en contrefaçon de brevet prennent beaucoup de temps. Mais au moment de l'audience initiale devant le tribunal, lorsque le juge doit décider s'il y a lieu ou non d'accorder une injonction m'obligeant à m'engager à verser des dommages-intérêts pour contrefaçon, il tient compte de ma capacité de payer. Si je suis une compagnie de médicaments génériques de rien du tout et que je contrefais un produit qui vaut 45 millions de dollars, la prépondérance des inconvénients ne repose pas sur moi, parce que l'engagement à verser des dommages- intérêts n'est pas réaliste.
Donc, quand le tribunal prend sa décision dans une action en injonction interlocutoire, c'est à ce moment-là qu'il examine où se trouve la prépondérance des inconvénients. Dans le cas où il s'avère que j'ai contrefait un produit breveté, est-ce que le versement de dommages-intérêts peut permettre de protéger les intérêts du détenteur du brevet? Comme je l'ai dit, même s'il n'est pas impossible d'obtenir une injonction, dans la plupart des cas les juges statuent que les intérêts des titulaires du brevet peuvent être protégés par le versement de dommages-intérêts au détenteur de la marque s'il est établi qu'il y a effectivement eu contrefaçon.
Donc, à mon avis, la façon la plus juste de résoudre ce dilemme, c'est d'avoir recours aux juges. Faisons appel à eux comme cela se fait dans tous les autres pays anglophones que je connais. Faisons confiance aux juges pour qu'ils prennent la bonne décision, la décision la plus juste.
M. Philip Mayfield: Dans votre comparaison entre systèmes judiciaires, vous avez mentionné la Grande-Bretagne, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, mais je ne vous ai pas entendu parler des États-Unis. Il me semble que les règles américaines relatives aux preuves à cet égard sont assez différentes des nôtres. Quelle différence est-ce que cela ferait?
M. Tabatznik: Je n'en ai aucune idée. La seule raison pour laquelle je connais les systèmes britannique, australien et néo-zélandais, c'est que les deux derniers suivent en gros les principes généraux de la common law établie par le Royaume-Uni.
M. Philip Mayfield: J'aimerais vous poser des questions sur d'autres sujets, à part les brevets, mais je pense que c'est surtout la Loi sur les brevets qui nous intéresse. Je suis donc prêt à laisser la parole aux autres membres du comité qui veulent poser des questions.
Merci, monsieur le président.
Le président: Je vais commencer par M. Lastewka.
M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci, monsieur le président.
Premièrement, je vous remercie d'être venus nous présenter vos vues ce soir. C'était un plaisir d'entendre vos présentations.
J'aimerais avoir plus d'information sur Genpharm. Si vous avez chez vous - où que ce soit - une compagnie qui fabrique des produits de marque et si vous, au Canada, vous fabriquez des médicaments génériques, est-ce que votre compagnie fait de la recherche innovatrice sur les médicaments ou si elle se contente de les copier?
M. Tabatznik: Genpharm elle-même fabrique uniquement des produits génériques.
M. Walt Lastewka: Uniquement des produits génériques.
M. Tabatznik: Oui. Nous nous contentons de mettre au point, de fabriquer et de vendre des produits une fois les brevets échus.
M. Walt Lastewka: Si vous représentiez le secteur de votre compagnie qui fabrique des médicaments brevetés, est-ce que j'entendrais le même son de cloche?
M. Tabatznik: Est-ce que mon mémoire serait le même?
M. Walt Lastewka: Oui.
M. Tabatznik: Oui, parce que je ne prends pas pour un côté ou pour l'autre. J'essaie simplement de vous dire ce qui est juste - et j'espère m'être limité à cela. Ma société mère développe et vend effectivement des produits de marque, et nous respectons les brevets visant ces produits. La compagnie présente des demandes de brevets pour ces produits, et nous les respectons.
M. Walt Lastewka: Dans votre...
M. Tabatznik: Excusez-moi, me permettez-vous de faire un autre commentaire?
À ma connaissance, si la compagnie voulait commercialiser certains produits et qu'elle en était aux premières étapes de sa demande d'approbation pour les vendre au Canada - et il y en a effectivement un qu'elle fait fabriquer sous licence par une autre compagnie... Même à l'époque des licences obligatoires, il n'y a pas un seul produit de marque qui n'a pas pu être mis sur le marché canadien à cause du régime de brevets; par exemple, ma société mère a lancé un produit sur le marché canadien parce que les conditions étaient favorables, et pas nécessairement parce qu'il y avait une protection de 20 ans ou de cinq ans ou, à l'époque, une licence obligatoire.
M. Walt Lastewka: Dans la famille de Genpharm, y a-t-il des pays où on retrouve à la fois une compagnie d'innovation et une compagnie de produits génériques?
M. Tabatznik: C'est le cas au Canada notamment, mais les produits de marque fabriqués par les sociétés qui nous sont apparentées ne sont pas vendus par Genpharm. Ils sont vendus par Marion Merrell Dow et, je pense, par Bristol-Myers Squibb.
M. Walt Lastewka: De façon générale, comment établissez-vous les prix de vos médicaments génériques? Cela a toujours été un mystère. Nous avons essayé d'obtenir de l'information à ce sujet- là. Comment faites-vous?
M. Goulet: Pouvez-vous répéter votre question? Je n'ai pas compris.
M. Walt Lastewka: Comment les compagnies de produits génériques fixent-elles normalement le prix de leurs médicaments? Nous avons entendu des compagnies d'innovation se plaindre que, quand les 20 ans sont écoulés et que les produits génériques arrivent sur le marché, leurs ventes enregistrent immédiatement une baisse de 50 à 90 p. 100. J'aimerais savoir comment vous fixez le prix de vos médicaments, en fonction de quels coûts. Nous ne connaissons pas très bien les mécanismes d'établissement des prix des médicaments génériques.
M. Goulet: Le système actuel repose sur les formulaires provinciaux. Par exemple, en Ontario, il y a une règle de 25 p. 100 moins 10 p. 100, ce qui signifie que le premier produit générique mis sur le marché est vendu à 25 p. 100 de moins que le produit de marque, et le deuxième à 10 p. 100 de moins que le premier, ce qui représente 35 p. 100 de moins que le produit de marque. Jusqu'à un certain point, les formulaires provinciaux réglementent les prix d'entrée des produits génériques de première et de deuxième générations. Après cela, comme dans toute autre industrie, le simple fait qu'il y a une concurrence accrue sur le marché fait pression sur les prix, qui ne peuvent donc aller que dans un sens dans l'industrie des médicaments génériques: à la baisse.
Dans plusieurs provinces, nous ne sommes pas autorisés à augmenter nos prix. Au Québec, par exemple, il n'y a eu dans les formulaires aucune augmentation des prix des médicaments depuis 1993.
Évidemment, quand il y a plus de produits génériques sur le marché, cela fait pression sur les prix, qui diminuent par conséquent. Nous devons trouver des solutions et des mécanismes qui vont augmenter la quantité de produits génériques vendus, de manière à ce que les choses se passent comme pour n'importe quel autre produit, dans n'importe quelle autre industrie.
M. Walt Lastewka: Vous rejoignez exactement ma préoccupation. Si les produits de marque sont mis sur le marché à un prix qui n'est pas établi correctement et que le premier produit générique est vendu à 25 p. 100 de moins... c'est un effet de cascade.
M. Goulet: Pour ce qui est des prix des produits de marque, je ne préfère ne pas répondre. Mais pour notre industrie, je dirai simplement que les décisions relatives aux prix sont fondées sur les formulaires provinciaux, quel que soit le prix des produits de marque.
Le président: Monsieur Lastewka, vous avez le choix. Si vous voulez partager le temps qui vous était alloué, c'est maintenant qu'il faut le faire. Autrement, vous pouvez poser d'autres questions.
Nous pourrons passer aux questions de M. Volpe plus tard. Allez-y.
M. Walt Lastewka: Merci, monsieur le président.
J'aimerais que ce soit bien clair. Quand une province dit par exemple que vos produits doivent coûter 25 p. 100 de moins, est-ce que vous descendez un peu plus bas ou si c'est là que vous fixez vos prix?
M. Goulet: C'est possible. L'établissement du prix du produit est la prérogative de la compagnie générique qui met le premier produit sur le marché. Au cours des dernières années, nous avons surtout vu sur le marché des produits génériques de première génération qu'on pourrait appeler «ultragénériques».
Pour répondre à votre question, je dirais que tous les produits génériques sont lancés, en moyenne, à un prix d'introduction de 25 p. 100 inférieur au prix des produits de marque. Je dirais que cela reflète la situation de notre industrie; lorsqu'il y a plus de concurrence sur le marché, les prix diminuent rapidement. Donc, les prix de nos produits se situent en moyenne entre 40 et 50 p. 100 de ceux des produits de marque, du moins dans le cas des produits très courants.
M. Walt Lastewka: J'ai encore une question au sujet de l'exception relative aux exportations. Je voudrais comprendre.
Le Canada ne fait pas d'exception pour les exportations, mais dites-moi s'il y a des exceptions de ce genre dans d'autres pays du monde.
M. Tabatznik: Encore là, à ma connaissance, la plupart des pays dont j'ai parlé ne prévoient pas d'exemption pour les exportations. Je pense que c'est exact.
Ce que j'ai voulu dire, c'est que quand nous sommes passés du système de licences obligatoires au système actuel de brevets, nous avions le droit d'exporter en vertu de l'ancien système grâce à notre licence obligatoire. Le fait que cette exception n'existe pas ne peut que nuire au Canada... il y a deux perspectives différentes. Nous avons des installations à l'étranger où nous pouvons produire nos médicaments, puisqu'il n'y a pas d'exception. Je dis simplement qu'il est dommage qu'il n'y en ait pas, pour le Canada et pour les Canadiens.
M. Goulet: J'aimerais ajouter, au nom de ma propre entreprise et des petites et moyennes entreprises qui appartiennent à 100 p. 100 à des intérêts canadiens, que nous avons besoin d'exporter. Quand on regarde
[Français]
notre déficit commercial, nous sommes passés de moins 800 millions de dollars en 1987 à moins1,4 milliard de dollars en 1994. Le Canada est devenu un pays
[Traduction]
important dans le secteur pharmaceutique à l'heure actuelle. C'est ce que nous faisons au Canada. Nous importons des produits; nous n'en exportons pas. Mais il faut que nous soyons en mesure d'exporter. C'est très important.
Nous devons avoir accès au marché américain. C'est un énorme marché. Je tiens à répéter que, entre l'an 2000 et l'an 2005, les brevets concernant des médicaments valant plus de 41 milliards de dollars vont expirer; en tant que compagnie canadienne, nous aimerions évidemment profiter de ce marché. Nous allons en profiter, mais la loi C-91 déterminera si ce sera dans des usines au Canada ou aux États-Unis.
M. Walt Lastewka: Merci.
Le président: Merci.
Nous avons maintenant M. Brien, M. Patry, et M. Joe Volpe qui vont poser des questions, après quoi je vais considérer que la liste est close.
[Français]
M. Pierre Brien: J'aimerais revenir sur les exceptions en ce qui a trait à l'exportation. Les modifications que vous demandez, soit qu'on vous permette de vendre des génériques dans les pays où le brevet est expiré, seraient-elles conformes à nos ententes internationales?
M. Goulet: Je me reporte au rapport qui a été déposé par notre association et dans lequel des opinions juridiques indiquent que le Canada, en enlevant les réserves aux exportations, respecterait ces ententes internationales. Telle est la position de notre association.
M. Pierre Brien: Le ministre de la Santé, lorsqu'il a témoigné devant le comité, a parlé d'étendre le mandat du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés aux médicaments non brevetés. Quelle est votre position sur un mécanisme de surveillance des médicaments non brevetés?
M. Goulet: Dans l'ensemble, comme association ou à tout le moins comme compagnie, je n'ai pas de réserve à ce que le Conseil d'examen des prix des médicaments brevetés contrôle les prix des médicaments génériques. Je peux seulement vous dire, comme je le mentionnais plus tôt, que les prix des médicaments génériques évoluent d'une seule façon, c'est-à-dire à la baisse.
Pour ce qui est du prix d'introduction des produits, ce sont les provinces, par les mécanismes de remboursement des médicaments, qui le déterminent. Actuellement, au Canada, la grande majorité des premières versions génériques commercialisées viennent des sociétés innovatrices, par le biais de leurs filiales génériques. Aux États-Unis, ces choses-là sont très populaires. Donc, nous sommes - je peux parler pour ma société - à l'aise face à un pareil système.
M. Pierre Brien: Finalement, je reviens sur un argument que vous martelez constamment, soit l'aspect spécifique du secteur pharmaceutique. Vous dites que tout le règlement de liaison ne devrait peut-être pas exister, parce que cela n'existe pas ailleurs. Dans votre réponse, monsieur Tabatznik, vous disiez souhaiter garder la production hâtive même s'il n'y a pas de règlement de liaison, parce qu'il vous faut du temps avant de pouvoir développer votre produit et le mettre en marché puisque vous devez obtenir un avis de conformité. C'est la même chose pour l'entreprise Novartis. Le développement d'un produit pharmaceutique est beaucoup plus long que le développement d'un autre produit. Donc, l'argument vaut aussi pour eux, et c'est pour cela qu'il y a des protections particulières.
Il y a un aspect spécifique à l'industrie pharmaceutique: c'est que l'approbation nécessaire nécessite un certain temps. Développer un produit dans ce secteur est un peu particulier. C'est pour cela qu'il y a une réglementation particulière pour l'industrie pharmaceutique. Dites-vous que l'industrie pharmaceutique ne doit pas être différente des autres? Si c'était le cas, il n'y aurait pas de règlement de liaison, mais il n'y aurait pas non plus de production hâtive. Si l'industrie pharmaceutique est particulière, on devra trouver une formule qui tienne compte de cela.
[Traduction]
M. Tabatznik: À mon avis, s'il n'est pas nécessaire qu'il y ait des exceptions dans le secteur pharmaceutique, c'est parce que les tribunaux canadiens sont tout à fait capables de prendre des décisions équitables et de concilier les intérêts des parties adverses. S'ils sont capables de le faire dans tous les autres domaines de la propriété intellectuelle, je ne vois pas pourquoi il faudrait traiter les produits pharmaceutiques différemment. Tout ce que nous demandons, c'est que les tribunaux rendent la justice, ce n'est pas un mécanisme d'injonctions spéciales qui constitue en réalité une prolongation des brevets.
[Français]
M. Pierre Brien: Il n'y aurait pas de production hâtive à ce moment-là. M. Goulet est en train de de lui expliquer. Avez-vous compris ma question?
[Traduction]
M. Tabatznik: Oui. Nous ne sommes pas d'accord.
Si le Canada adopte un règlement, cela signifie tout simplement que la recherche-développement va traverser la frontière. Encore là, tout ce qu'on réussira à faire en éliminant une disposition réglementaire, tout simplement, c'est d'exporter les emplois et la R-D à l'extérieur du Canada. Les deux ne sont pas reliés.
[Français]
M. Bernard Patry: Merci beaucoup, monsieur Goulet, pour votre présentation. Elle était courte mais concise et complète. Dans votre exposé, vous nous dites que 15 p. 100 de votre chiffre de ventes va en recherche et développement. Quel genre de recherche faites-vous chez vous, à Technilab? Cette recherche se fait-elle de concert avec les hôpitaux et les universités?
M. Goulet: Pour ce qui est de la recherche et du développement, selon la définition qui est utilisée, il s'agit de la recherche et du développement qui nous permettent de commercialiser nos produits sur le marché. Donc, nous faisons des études de biodisponibilité et cliniques. Certains travaux sont faits avec les universités, d'autres avec des laboratoires spécialisés.
M. Bernard Patry: Les compagnies d'origine nous ont dit que le coût de la production d'un médicament... Dans votre compagnie, combien coûte le développement d'un médicament générique?
M. Goulet: En pourcentage?
M. Bernard Patry: En argent. Peut-on parler de 500 000$, 800 000$, un million de dollars?
M. Goulet: Cela dépend de la nature des produits. Certains produits sont peu coûteux à développer, tandis que d'autres, des versions génériques, peuvent coûter plusieurs millions de dollars. Je n'ai pas de données spécifiques, parce que la gamme des produits est très étendue. C'est certainement de 750 000$ à un million de dollars.
[Traduction]
M. Bernard Patry: Ma question suivante s'adresse à M. Tabatznik. Merci à vous aussi de votre présentation. Elle était plutôt différente des autres, mais très intéressante.
Je voudrais d'abord vous poser une question très courte. Acceptez-vous la protection de 20 ans applicable à la propriété intellectuelle?
M. Tabatznik: Je n'ai aucune objection à ce qu'il y ait des brevets. La question est de savoir quelle devrait être leur durée, en toute justice.
M. Bernard Patry: Mais que pensez-vous des brevets de 20 ans?
M. Tabatznik: Personnellement, je n'ai aucune objection à une durée de 20 ans.
M. Bernard Patry: D'après certaines statistiques, que j'ai même lues dans les journaux, il semble qu'avant l'adoption de la loi C-91, les exportations représentaient environ 10 p. 100 de la production des compagnies de produits génériques, mais que depuis 1993, en fait depuis l'adoption de la loi, ce pourcentage a atteint environ 40 p. 100 l'an dernier, ou en 1995. J'en conclus, à voir cette extraordinaire augmentation des ventes des produits génériques, que la loi C-91, dans sa forme actuelle, leur a été favorable en un sens.
M. Tabatznik: Comme je l'ai dit dans ma présentation, nous commençons seulement à sentir les effets de la loi C-91. Les produits qui étaient sur le marché quand la loi a été adoptée étaient - on peut dire - des produits génériques anciens. C'est la nouvelle génération de produits génériques qui va être retardée et touchée par l'adoption de la loi C-91. Je reconnais que je ne suis pas peut-être pas très objectif puisque l'adoption de cette loi a été une bonne chose pour Genpharm, même si c'était injuste parce que cela n'a pas touché la génération des produits anciens, sur lesquels nous travaillions. C'est sur la nouvelle génération de produits génériques que les effets de cette loi vont se faire sentir: l'oméprazole, la lovastatine, la simvastatine, la pravastine et la sertraline - les nouveaux produits.
M. Bernard Patry: J'ai une dernière question, monsieur le président.
Vous avez soutenu - avec beaucoup d'insistance d'ailleurs - que la période de 30 mois n'était pas juste. Vous avez insisté sur ce point parce que, d'après ce que vous dites, quand il n'y a pas de contrefaçon, cela pénalise votre industrie. Mais quand on regarde le nombre de causes devant les tribunaux, il semble que les compagnies de produits de marque l'emportent plus souvent que les compagnies de produits génériques. Êtes-vous d'accord pour dire que, si on diminue le nombre d'actions en justice, les dommages- intérêts vont tripler ou quelque chose du genre?
M. Tabatznik: Des dommages-intérêts triples, ou même simples, ou en tout cas justes, seraient utiles à mon avis à condition qu'ils s'appliquent aux deux côtés. Si on constate qu'une compagnie est coupable de contrefaçon, elle devrait avoir à payer des dommages-intérêts au détenteur du brevet. Mais si elle n'est pas coupable, c'est lui qui devrait lui payer des dommages-intérêts.
Quand vous dites qu'il y a plus de causes dans lesquelles le jugement a été favorable aux produits de marque, nous avons très peu de causes en cours parce que, comme je l'ai expliqué, nous venons tout juste de mettre sur le marché les produits de la nouvelle génération; il y en aura de plus en plus à l'avenir. Mais d'après ce que je comprends - et c'est une perception personnelle - , dans la plupart des causes dans lesquelles des décisions ont été rendues, ces décisions ne portaient pas vraiment sur le fond, mais plutôt sur des questions de procédure. Il est vrai que, dans les causes portant sur des questions de procédure, les décisions ont été plus souvent favorables aux détenteurs de brevets qu'aux fabricants de produits génériques. Mais sur les questions de fond, je pense qu'il y a eu seulement quatre ou cinq cas où une décision a déjà été rendue.
M. Bernard Patry: Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Volpe, vous pouvez poser les dernières questions, s'il vous plaît.
M. Joseph Volpe (Eglinton - Lawrence, Lib.): Messieurs, je vous remercie de vos présentations. J'avais une série de questions à poser aux témoins qui vous ont précédés et je n'ai pas eu assez de temps; je suis donc heureux de pouvoir vous en poser quelques-unes. J'ai trouvé vos présentations très intéressantes. En fait, je pensais que vous alliez présenter un autre point de vue, je vous l'avoue.
Mais étant donné les arguments que vous nous avez présentés, j'aimerais que vous m'accordiez quelques minutes pour m'aider à comprendre un peu comment le système est censé fonctionner. Cet après-midi et tout à l'heure, nous avons eu droit à une présentation de gens qui ont insisté sur le mot «innovation». Il me semble vous avoir entendu dire que le terme «innovation» ne s'applique pas nécessairement à tous les produits de marque vendus sur le marché. Vous avez dit - corrigez-moi si je me trompe - qu'il se fait beaucoup de fabrication sous licence.
En tant que législateur, si je veux légiférer dans l'intérêt des innovateurs, est-ce que je confonds la fabrication sous licence et l'innovation?
M. Tabatznik: Quand j'ai parlé de «fabrication sous licence», c'était au sujet de deux produits mis en marché par ma société mère; ce sont deux produits très populaires, très utiles et tout à fait innovateurs. Et tous les deux sont fabriqués sous licence par des compagnies de médicaments de marque. Ma société mère a fait la recherche-développement à l'extérieur du Canada et a accordé une licence à des compagnies membres de l'ACIM pour qu'elles mettent ces produits en marché.
M. Joseph Volpe: Mais les compagnies membres de l'ACIM ne s'opposent pas à la fabrication de produits sous licence par d'autres compagnies de l'ACIM, afin de pénétrer le marché, quelles que soient leurs raisons.
M. Tabatznik: L'endroit où se fait la recherche n'a pas tellement d'importance. Comme je l'ai déjà dit, ces deux produits ont été mis sur le marché à l'époque des licences obligatoires - autrement dit, à une époque où il n'y avait pas de protection par brevet - et ils ont été introduits ici parce que le marché canadien était intéressant. La décision de ma société mère aurait été la même, au sujet de la mise en marché de ces produits, que la protection par brevet ait été inexistante ou qu'elle ait duré 50 ans.
M. Joseph Volpe: J'aimerais que nous parlions encore quelques minutes de la question du développement de vos produits. Nous avons entendu au moins une présentation aujourd'hui - d'ailleurs, je soupçonne que vous étiez dans la salle et que vous avez tout entendu puisque vous avez parlé du nombre de fois où on peut se faire traiter de singe - une présentation, donc, pendant laquelle on nous a parlé de «vol», de «piratage» et de «copie» à sept ou huit reprises. Mais vous me dites que ce n'est pas nécessairement le cas.
Expliquez-moi cela. Quand vous présentez une demande de licence à la Direction générale de la protection de la santé, quel genre de recherche avez-vous effectuée? Expliquez-moi la différence entre un produit bio-équivalent et un produit identique, et dites- moi lequel des deux est une copie de l'autre.
M. Tabatznik: Premièrement, au sujet de la recherche que nous effectuons - et que nous faisons en totalité au Canada, dans le cas de Genpharm - , c'est de la recherche analytique et méthodique; elle consiste à prouver qu'il est possible de faire des essais concluants sur le produit. Donc, il y a tout le travail analytique, qui est fait soit par nous-mêmes dans nos propres laboratoires, qui emploient 40 personnes, ou à contrat, dans d'autres laboratoires ailleurs au Canada.
Il faut une recherche analytique très poussée, après quoi il faut procéder soit à des études biologiques, soit à des tests sur les êtres humains pour prouver que les produits fonctionnent, sur le plan thérapeutique, par exemple des analyses de sang ou des essais cliniques, selon le produit, avec des patients.
M. Joseph Volpe: Est-ce qu'un produit bio-équivalent est la même chose qu'un produit identique?
M. Tabatznik: Quand on parle de produit équivalent, cela signifie que le médicament se comporte de la même manière que le médicament de marque à l'intérieur de l'organisme.
M. Joseph Volpe: Compte tenu du fait que vous avez un intérêt personnel dans la chose, lequel de ces deux produits est une copie?
M. Tabatznik: Je dirais que ce sont deux copies conformes en ce sens qu'il faut prouver que notre produit se comporte de la même façon que l'autre. C'est la nature même des produits génériques. Ils produisent le même résultat.
M. Joseph Volpe: Quand une compagnie fait de la recherche innovatrice, en supposant que c'est le cas - j'ai l'impression que tout le monde est d'accord pour protéger la propriété intellectuelle. Donc, si je vais à votre université et que je constate que vous faites de la recherche sur un sujet particulier, que je cours ensuite à une université concurrente et que j'essaie d'embaucher des scientifiques compétents pour effectuer des études dans le même domaine, et si c'est moi qui arrive le premier au bureau des brevets, est-ce que les premiers chercheurs sont considérés comme des copieurs s'ils arrivent avec un produit bio- équivalent?
M. Tabatznik: C'est vous qui seriez le copieur, si vous aviez repris des recherches qui étaient déjà commencées.
M. Joseph Volpe: J'ai une dernière question. Je vous la pose au nom de Walt Lastewka. Nous ne pouvons pas passer la question des prix sous silence.
Monsieur Goulet, au sujet des coûts et de l'établissement des prix, la première question portait sur les prix des médicaments génériques. On nous a dit que nous n'avions en réalité aucun contrôle là-dessus.
Premièrement, est-ce que c'est vrai? Et si oui, est-ce que ces prix ne devraient pas être régis par le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés?
M. Goulet: Je peux vous parler au nom de ma compagnie, au sujet de nos prix. Je pourrais dire qu'ils sont hors de contrôle: ils sont à la baisse. Donc, oui, j'aurais tendance à être d'accord avec vous. Encore une fois, permettez-moi de répéter que...
M. Joseph Volpe: Vous savez quoi? Il me semble que les prix sont peut-être plus élevés parce que vos concurrents affirment que les produits génériques sont particulièrement rentables lorsqu'ils sont vendus à l'étranger, mais qu'ils sont quand même très rentables ici et qu'il faudrait peut-être en contrôler les prix.
M. Goulet: Permettez-moi encore une fois de vous répondre du point de vue de mon entreprise. En tant que société canadienne, nous vendons au Canada, surtout sur le marché canadien, et quand vous dites que les prix... Je vous répète que les prix sont fixés au niveau provincial, pour les besoins des programmes de remboursement des médicaments. Encore une fois, quand il y a plus de produits génériques et plus de concurrence, il y a une pression qui s'exerce sur les prix, comme sur tous les autres marchés, et les prix baissent. Je pense que la solution consiste à trouver des moyens d'introduire plus de produits génériques sur le marché. Les choses se passeraient alors comme sur n'importe quel autre marché. Voilà la réponse, du point de vue de mon entreprise.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Volpe.
Monsieur Volpe, plus vous siégez à notre comité, et plus vous vous rapprochez de ce que nous appelons ici la «malade Ménard».
Une voix: Maladie Ménard!
Le président: La maladie Ménard.
Vous allez bientôt nous présenter votre propre projet de loi d'initiative parlementaire.
Messieurs, il y a un changement à l'ordre du jour de demain. Pourriez-vous rester une seconde?
Je voudrais remercier nos témoins, M. Tabatznik et M. Jean-Guy Goulet. Merci beaucoup, messieurs. Vous avez parlé de façon très directe des questions litigieuses que le comité est en train d'examiner, avec une clarté qui obligera les membres du comité à réfléchir sérieusement à leur position. Ce que nous recherchons en ce moment, ce sont des réponses claires, des discussions et des débats. Nous avons une longue liste de témoins - nous devons en entendre encore 140 environ - et cela nous oblige à réfléchir vraiment à ce que nous voulons faire. Vous nous avez beaucoup aidés. Je pense parler au nom de tous les membres du comité quand je dis que nous avons apprécié vos témoignages.
Avant que je lève la séance,
[Français]
nous aurons un changement demain. Nous aurons une table ronde à 15 h 30. Nous recevrons alors deux témoins qui ont décidé de ne pas venir témoigner le soir.
[Traduction]
Nous allons entendre notre dernier témoin à 17 h 30, mais nous n'avons pas pu joindre tout le monde. Nous allons tenir une discussion en table ronde entre 15 h 30 et 17 h 30 et nous allons demander aux témoins qui devaient venir à 19 heures de se présenter à 17 h 30. Nous allons les entendre à ce moment-là. Je vous suggère de réserver la plage de 15 h 30 à 19 heures dans votre emploi du temps, pour plus de sûreté, après quoi nous serons libres à 19 heures.
La séance est levée jusqu'à 15 h 30 demain. Merci.