[Enregistrement électronique]
Le mardi 18 mars 1997
[Traduction]
Le président (M. David Walker (Winnipeg-Nord-Centre, Lib.)): Conformément à l'article 108(2), du Règlement, nous reprenons l'examen de l'article 14 de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets, chapitre 2, Lois du Canada, 1993. Nos témoins, aujourd'hui, viennent de la province de Terre-Neuve.
Nous avons devant nous deux témoins: Mme Elaine Price, présidente de la Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador, et Don Holloway, président de la Fédération nationale des retraités et citoyens âgés.
Je vous souhaite la bienvenue. Nous allons vous demander de dégager les points essentiels de vos exposés respectifs, après quoi les membres du comité passeront aux questions. Je vais d'abord donner la parole à Mme Price.
Mme Elaine Price (présidente, Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador): Je vous remercie, monsieur le président.
Le projet de loi C-91 concerne tous les Canadiens, à quelque catégorie qu'ils appartiennent, en tant que consommateurs, travailleurs, dispensateurs de soins de santé et utilisateurs de notre régime de soins de santé. Les recommandations que fera votre comité, ainsi que les lois qui en découleront, auront des incidences sur tous les aspects de la société canadienne, modifiant notre régime d'assurance-maladie et de médicaments, ainsi que les emplois dans le secteur canadien des produits pharmaceutiques génériques, sans compter, d'une façon plus générale, la qualité de vie de nos concitoyens.
Le régime de licences obligatoires a permis au secteur des produits pharmaceutiques génériques de prospérer, pour le plus grand bien des Canadiens. La concurrence des produits génériques a créé des emplois et a eu des retombées économiques favorables tout en aidant à réduire le coût des médicaments et en ouvrant la voie à l'introduction de régimes provinciaux d'assurance-médicaments.
Mais le projet de loi C-91 a compromis les avantages acquis, grâce aux licences obligatoires, par ce secteur pharmaceutique et par les consommateurs canadiens, en favorisant les sociétés multinationales d'appartenance étrangère et protégeant leurs bénéfices exorbitants.
Depuis 1993, les Canadiens ont dû payer le prix fort pour le projet de loi C-91: le coût des médicaments d'ordonnance a monté en flèche, compromettant ainsi nos services de soins médicaux ainsi que les régimes provinciaux d'assurance-maladie. Les personnes âgées et les pauvres se sont vus restreindre l'accès aux médicaments, et il y a eu contraction des emplois tant dans le secteur pharmaceutique que dans celui des soins médicaux. Les sociétés multinationales de produits pharmaceutiques, quant à elles, ont affiché, entre 1988 et 1995, des bénéfices avant impôt de29,6 p. 100 de leurs capitaux, soit près de 300 p. 100 au-dessus de la moyenne industrielle. Depuis l'introduction, en 1987, de la protection des brevets, le déficit commercial en produits pharmaceutiques de notre pays a plus que doublé, nous réduisant quasiment à un comptoir d'expédition pour l'industrie pharmaceutique internationale.
D'après l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques, les Canadiens, en achetant des produits génériques, économisent actuellement 750 millions de dollars par an. Les médicaments brevetés coûtant aux Canadiens, en moyenne, 50 à 60 p. 100 de plus que leurs équivalents génériques, la Coalition canadienne de la santé prévoit qu'au tournant du siècle, la protection de 20 ans accordée aux brevets des multinationales par le projet de loi C-91 entraînera une augmentation de milliards de dollars en soins de santé.
Au cours des prochaines années, les produits génériques diminueront très rapidement en nombre, les produits de remplacement n'étant pas autorisés à être mis en marché jusqu'après expiration du brevet. Sans concurrence des produits génériques, seuls les produits brevetés seront en vente, causant ainsi une augmentation vertigineuse du coût des médicaments.
N'est-il pas paradoxal de constater que les lois du gouvernement fédéral amènent les provinces à dépenser davantage en soins de santé et médicaments alors qu'en même temps les paiements de transfert du gouvernement fédéral aux provinces sont radicalement diminués?
Lorsque le projet de loi C-91 a été adopté, prolongeant jusqu'à 20 ans la protection des médicaments brevetés, l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques s'est engagée à créer jusqu'à 2 000 nouveaux emplois dans le secteur pharmaceutique canadien basé sur la recherche. Certains nouveaux emplois ont été créés, certes, mais dans les ventes et la promotion, alors que beaucoup d'autres ont été perdus par les restructurations de sociétés. Une enquête de Statistique Canada sur la masse salariale et les heures d'emploi révèle que lorsque les laboratoires de produits génériques ont été exclus, 2050 emplois, dans ce secteur, ont disparu entre 1990 et 1995. Quand on prend également en compte les pertes d'emplois du secteur provincial des soins de santé, causées par les licenciements attribuables à l'augmentation du coût des médicaments, les Canadiens payent chèrement le projet de loi C-91.
L'industrie pharmaceutique s'est également engagée à investir, dans notre pays, dans la recherche et le développement, mais un examen de ses réalisations à cet égard ne révèle que des résultats affligeants.
Par ailleurs, les laboratoires de produits génériques basés au Canada, représentés par l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques, qui subit, en fait, le résultat désastreux du projet de loi C-91, a créé, de 1990 à 1995, 2 118 nouveaux emplois, soit une augmentation de 140 p. 100 depuis 1990. Ces sociétés canadiennes de produits génériques ont investi dans notre pays, depuis 1993, 13 p. 100 de leurs ventes dans la recherche et le développement, ceci en comparaison avec les 11 p. 100 dépensés par les multinationales pharmaceutiques.
Alors que ces dernières ont inondé le marché canadien avec des médicaments coûteux produits par leurs filiales dans d'autres sociétés et ont créé, de la sorte, des problèmes de balance des paiements pour le Canada, les sociétés de médicaments génériques ont fabriqué leurs produits dans notre pays et exporté dans plus d'une centaine de pays, malgré les restrictions qui leur sont imposées par le projet de loi C-91.
N'est-il pas à la fois ironique et révoltant de constater qu'une loi du gouvernement fédéral a pour effet de pratiquement supprimer la concurrence dans le secteur pharmaceutique canadien, et d'assurer aux multinationales un monopole de fait sur le coût des médicaments, alors qu'on n'arrête pas de dire aux travailleurs canadiens que s'ils veulent survivre dans une économie mondiale, il leur faut être compétitifs?
Nous irons même jusqu'à dire que le projet de loi C-91 va à l'encontre des intérêts canadiens en protégeant les bénéfices abusifs des sociétés pharmaceutiques multinationales, et ce au détriment des consommateurs canadiens, du secteur industriel et commercial canadien et de la politique sociale de notre pays.
Pareille opinion a été exprimée par le sénateur libéral Roy Frith, cité dans le Toronto Star le dernier jour des débats sur le projet de loi pour avoir dit:
- Ils ont porté un coup au coeur du régime d'assurance-maladie qu'ils s'étaient engagés à
soutenir et à protéger. On détruit de la sorte le régime de licences obligatoires, non pour le
bénéfice des Canadiens ou même de citoyens d'autres nations, mais pour protéger de très
puissantes sociétés dont le siège est aux États-Unis, en Suisse et dans d'autres pays éloignés.
- N'est-il pas surprenant de constater qu'alors que, normalement, les gouvernements défendent
bec et ongles leurs propres industries, notre gouvernement, en l'occurrence, prend fait et cause
pour les sociétés de propriété américaine.
Votre comité donne au gouvernement l'occasion d'examiner ces témoignages et d'évaluer l'impact négatif, sur les emplois et le secteur pharmaceutique de notre pays, de la Loi sur les brevets, ainsi que la menace qui pèse sur notre régime d'assurance-maladie et sur nos régimes d'assurance-médicaments. Il donne également au gouvernement une chance de redresser un tort infligé au peuple canadien par le précédent gouvernement conservateur.
Dans l'intérêt de maintenir notre système d'assurance-maladie et notre régime d'assurance-médicaments, ainsi qu'aux fins de protéger les emplois dans les sociétés canadiennes, notre fédération prie instamment le Comité permanent de l'industrie de déjouer les efforts du lobby des multinationales pharmaceutiques et de remplacer la loi actuelle sur les brevets par une politique plus progressive et plus proactive visant à protéger, dans le secteur des produits pharmaceutiques, les intérêts économiques et sociaux des Canadiens.
Cet objectif pourrait être réalisé par la mise en place d'un programme national de médicaments tel qu'il est proposé dans le budget fédéral alternatif de cette année.
La Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador approuve cette proposition. Le coût d'un régime national de médicaments pourrait être compensé par les 4 à 7 milliards de dollars d'économies qui seraient réalisées si nous revenions à une période de protection de quatre ans des brevets des produits pharmaceutiques, comme il avait été recommandé, en 1984, dans le rapport de la Commission Eastman.
En tant que membres du Comité permanent de l'industrie, vous vous trouvez à la croisée des chemins: recommander que les multinationales pharmaceutiques continuent à jouir d'une protection de 20 ans de leurs brevets, ou recommander que le gouvernement mette fin à ce monopole pour assurer le contrôle des prix des médicaments et protéger aussi bien le régime d'assurance-maladie du Canada que les régimes d'assurance-médicaments, sans oublier les emplois canadiens dans des sociétés canadiennes. C'est toute l'orientation future de la politique économique et sociale du Canada dont vous déciderez, ainsi que de la qualité de vie de générations à venir. Nous espérons de tout coeur que vous prendrez la décision qui sera bonne pour les Canadiens.
Le président: Merci beaucoup, madame Price.
Je vais maintenant donner la parole à M. Holloway, de la Fédération nationale des retraités et des citoyens âgés. Bienvenue, monsieur Holloway.
M. Don Holloway (président, Fédération nationale des retraités et citoyens âgés): Je vous remercie de bien vouloir m'entendre aujourd'hui. Nous aurions voulu venir personnellement à Ottawa pour comparaître devant vous, mais ceci est aussi une bonne solution.
Je voudrais d'abord déclarer que notre fédération s'oppose au projet de loi C-91, qui, à notre avis, devrait être rejeté, étant, de toutes les lois canadiennes, celle qui est la plus opposée aux intérêts des consommateurs. À une époque, dans notre histoire, où les gouvernements sont écrasés par les déficits et l'insuffisance des recettes, et où les divers secteurs sont exposés au licenciement et à la compression des effectifs, ce projet de loi est une entrave pour les fabricants canadiens de médicaments.
Les gens de notre pays manquent d'argent, alors que d'énormes capitaux sont amassés par une poignée de banques, de compagnies d'assurance, de sociétés du pétrole et de laboratoires pharmaceutiques internationaux. Ceux mêmes qui profitent de cette situation réclament, à cor et à cri, qu'on en fasse davantage pour eux et que le gouvernement adopte des lois leur assurant des bénéfices faramineux alors même que les citoyens canadiens doivent se priver pour acheter les médicaments qui leur sont nécessaires.
Les médicaments brevetés, à notre avis, bénéficient, grâce à la loi C-91, mal conçue et mal conseillée, d'une situation de monopole quasi unique. Cette loi empêche les Canadiens d'acheter, dans un délai raisonnable, des médicaments génériques à des prix inférieurs en interdisant aux fabricants de produits génériques d'acquérir des licences pour fabriquer des copies de médicaments brevetés dans un délai raisonnable... après le dépôt du brevet.
Pourquoi notre gouvernement nous dit-il que l'ALÉNA, l'ADPIC, l'OMC et le GATT n'autorisent pas de telles licences, alors que des organisations qui ont étudié la question continuent à présenter au gouvernement des exemples de la façon dont de telles licences peuvent être autorisées? Notre fédération, qui compte 550 000 membres et existe depuis plus d'un demi-siècle, est durement touchée par les répercussions désastreuses du projet de loi C-91 et espère de tout coeur que la révision actuelle mettra fin à l'exploitation abusive des Canadiens qui ont besoin de médicaments à un prix aussi raisonnable que possible.
Un grand nombre de médicaments deviennent de plus en plus hors de portée pour la vieille dame dont le seul revenu est sa pension de vieillesse et son supplément de revenu garanti. Qui d'entre nous aurait l'audace de lui dire, elle qui doit renoncer à une partie de ses médicaments d'ordonnance afin de pouvoir acheter les aliments indispensables, que, comme elle n'a que 68 ans, il lui suffira d'attendre qu'elle atteigne l'âge de 90 ans et qu'alors les médicaments seront meilleur marché? C'est parce qu'à ce moment-là le gouvernement autorisera la vente à meilleur marché de ces mêmes médicaments, à 35 p. 100 à 40 p. 100 seulement de leur coût actuel, lorsque les fabricants de produits génériques seront enfin à même de les reproduire.
La Fédération nationale des retraités et citoyens âgés appuie vigoureusement les conclusions de la Coalition canadienne de la santé qui, par l'intermédiaire de John Dillon, analyste principal de la Coalition oecuménique pour la justice économique, déclare, à la page 9 de son étude «Nourrir les requins: protection des brevets, licences obligatoires et droit international du commerce», le 4 mars 1997:
- Tout gouvernement désireux de concevoir une loi régissant les licences obligatoires de produits
pharmaceutiques dans le cadre des ententes de l'ALÉNA et de l'OMC se trouve devant trois
options:
L'option B, l'option de l'utilisation autre, est à l'article 31 des textes de l'ADPIC et à l'article 1709.10 de l'ALÉNA.
L'option C, c'est de renégocier l'ADPIC et l'ALÉNA. De nombreuses dispositions de l'ALÉNA seront rouvertes aux discussions lorsque d'autres pays, comme le Chili, nous demanderons de faire partie de l'accord. L'article 2202 de l'ALÉNA permet à tout autre membre de proposer des amendements, quand il le veut.
Des termes comme «conditions commerciales raisonnables», «période raisonnable», «rémunération adéquate» sont tous des mots de l'accord qui ouvrent la porte, au besoin.
La Fédération nationale des retraités et citoyens âgés appuie le mémoire présenté au Comité permanent de l'industrie de la Chambre des communes par la Coalition canadienne de la santé, conjointement avec le Medical Reform Group, le 4 mars 1997, où l'on peut lire, à la page 6:
- Il faut s'assurer que l'arrivée sur le marché des médicaments génériques sera plus rapide, en
permettant des licences obligatoires après quatre ans d'exclusivité du brevet. Les nouvelles lois
sur les licences obligatoires seraient couvertes par des exemptions appropriées de l'ADPIC et
de l'ALÉNA, qui prévoient une «utilisation publique, non commerciale», ou par le recours à
d'autres exclusions, dans l'intérêt public.
- Il faut établir un régime national d'assurance-médicaments universel. Il faut remplacer le
méli-mélo actuel de régimes et mettre en place un régime national d'assurance-médicaments.
Ainsi, à Terre-Neuve, les personnes âgées ne paient pas pour leurs médicaments. Les médicaments leur sont fournis gratuitement s'ils ont une carte d'assurance-médicaments émise par la province. En outre, l'achat en gros pourrait faire la même chose pour tous.
En terminant, n'allez pas dire aux Canadiens que les multinationales pharmaceutiques ont rempli leurs promesses de recherche et de développement en retour de la bonne protection de leurs brevets, pas plus que leur promesse de créer des emplois et de la richesse pour les Canadiens. En fait, ils ont aboli plus de 2 700 emplois depuis 1982. La Fédération nationale des retraités et citoyens âgés est d'avis qu'il n'y a pas vraiment de réciprocité dans nos partenariats avec ces détenteurs internationaux de brevets médicaux. Veuillez voir les points de notre mémoire que nous vous invitons à considérer.
Nous déplorons qu'on ne nous ait donné que cinq minutes. Nous aurions assurément trouvé utile de disposer d'un peu plus de temps. Toutefois, nous pensons que vous avez compris que les Canadiens ne sont pas satisfaits du projet de loi C-91 et de la législation qui tue la consommation. Nous avons dressé une liste où figurent les 57 organisations les plus en vue représentant les millions de Canadiens qui n'appuient pas le projet de loi C-91. Nous avons annexé cette liste à notre mémoire pour que vous puissiez vous y reporter.
Nous vous exhortons à faire en sorte que la Loi sur les brevets qui vise les médicaments soit avantageuse pour les Canadiens, au lieu de l'être uniquement pour les détenteurs de brevets. Étant donné que le prix des médicaments brevetés est plus élevé que celui des médicaments génériques, nous refusons de rendre le coût des médicaments génériques responsable de la hausse du coût des médicaments. Nous croyons que cette hausse est due en grande partie à l'arrivée sur le marché de médicaments brevetés à des prix démesurés, si bien qu'on évite ainsi d'en augmenter le prix annuellement et qu'on crée l'illusion qu'ils se maintiennent en deçà de la hausse de l'indice du coût de la vie et qu'ils sont imperméables au taux d'inflation annuel. À supposer que le prix des médicaments génériques augmente, ils demeureront quand même moins cher que les médicaments brevetés auxquels on les substitue, si bien que cela constituera une véritable épargne pour les Canadiens.
Si l'on refuse d'autoriser promptement la fabrication générique de médicaments brevetés, que gagnent les Canadiens? Il est vrai qu'il se peut que des médicaments ne soient pas prescrits de façon appropriée, mais un patient ne peut pas discuter l'ordonnance de son médecin. S'il le fait, c'est à ses risques et périls. Pourtant, les médicaments sont utilisés plus intensément. Grâce à des médicaments plus nombreux et améliorés, les Canadiens restent en santé. En outre, les personnes âgées consomment relativement plus de médicaments et c'est ainsi que progressivement de plus en plus de gens atteignent l'âge d'or grâce à de bons médicaments, Dieu soit loué.
Nous n'avons pas d'objection à ce qu'on confie au Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés le pouvoir de réglementer le prix des médicaments génériques ou ne faisant pas l'objet d'un brevet. Quiconque prétend qu'il nous faut respecter l'ALÉNA et l'OMC et les limites établies jusqu'ici n'a pas songé à la possibilité de travailler à l'intérieur des règles de ces organismes pour atténuer le problème que vit le Canada à cause de brevets à long terme. Dix ans, c'était suffisant;20 ans, c'est trop. Dans la vraie vie, les Canadiens doivent s'acheter de la nourriture et retarder l'achat de certains médicaments, à cause de leur prix élevé, aux dépens de leur santé. Les médicaments génériques sont moins coûteux, et par conséquent, plus abordables que les produits brevetés.
Je m'arrêterai ici, pour ne pas aller dans des détails dont je vous ferai part ultérieurement, par télécopie.
Mais il me faut vous dire encore une chose. De nombreuses associations au Canada s'opposent au projet de loi C-91 dans sa version actuelle et croient qu'il faut le modifier. En voici quelques-unes: l'Association québécoise pour la défense des droits des retraités et préretraités; «Alberta Council on Aging»; «Alberta Federation of Union Retirees»; «Alberta Friends of Medicare»; «Alliance for Seniors for the Protection of Canada's Social Programs»; «Council of Citizen's Organizations of British Columbia»; «B.C. Old Age Pensioners' Organization»;«B.C. Federation of Retired Union Members»; «Brandon and District Labour Council»; «British Columbia Nurses' Union»; Association des consommateurs du Canada; «Consumers Council of Canada»; Association des consommateurs du Canada (Ontario); Association des consommateurs du Canada (Québec) Inc.; «Consumers' Association of Canada (British Columbia)»; «Consumers' Association of Canada (Nova Scotia)»; «Consumers' Association of Canada (Manitoba)»; «Consumers' Association of Canada (Newfoundland)»; «Consumers' Association of Canada (Alberta)»; Travailleurs canadiens de l'auto - Canada; Fédération canadienne des étudiantes et des étudiants; Coalition canadienne de la santé; Congrès du travail du Canada; Corporation canadienne des retraités intéressés; Syndicat canadien de la fonction publique; «Cape Breton Regional Health Care Committee»; «Chatham and District Labour Council»; «Choices Manitoba»; Coalition des aînées et aînés du Québec; «Community Health Services of Saskatchewan Association»; «Congress of Union Retirees of canada»; «Fort McMurray and District Labour Council»; «Manitoba Nurses' Union»; «Manitoba Medicare Alert Coalition»; Fédération des Citoyens aînés du Nouveau-Brunswick; «New Brunswick Health Corporation»; «Nova Scotia Government Employees Union»; «Nova Scotia Canadian Health Coalition»; Fédération nationale des retraités et des citoyens âgés, que nous représentons; Fédération nationale des syndicats d'infirmières et d'infirmiers; Organisation nationale anti-pauvreté; Syndicat des infirmières et des infirmiers du Nouveau-Brunswick; «New Brunswick Health Coalition»; «Newfoundland Public Service Pensioners' Association»; Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador, représentée ici aujourd'hui; «Northumberland Labour Council»; etc.
Le président: Monsieur Holloway, s'agit-il de la liste annexée à votre mémoire?
M. Holloway: Oui.
Le président: Bien. Merci beaucoup.
M. Holloway: Je voulais vous l'envoyer par télécopieur, mais votre ligne était occupée et la liste ne vous est pas parvenue au complet.
Le président: Elle est complète maintenant, merci beaucoup, monsieur.
Cette première demi-heure de témoignages a été très utile; les membres du comité vont maintenant vous poser quelques questions.
M. Brien est le premier intervenant.
[Français]
M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): J'ai une question à adresser à Mme Price.
Vous avez mentionné dans votre présentation que l'industrie innovatrice ne respectait pas les engagements qu'elle avait pris au niveau de l'emploi et aussi ceux qu'elle avait pris en matière de recherche et de développement. Le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés nous a dit que ces engagements, en ce qui a trait à la recherche et au développement, avaient été respectés. J'aimerais que vous explicitiez davantage votre affirmation.
Je m'adresse maintenant à M. Holloway. Le ministre a dit devant nous qu'on ne pouvait pas revenir au système des permis obligatoires. Vous avez contredit cette affirmation en vous appuyant sur les déclarations d'autres personnes. Pourquoi donc le ministre aurait-il déclaré devant les membres de ce comité qu'on ne pouvait pas revenir au système des permis obligatoires?
[Traduction]
Le président: Madame Price, voulez-vous répondre d'abord?
Mme Price: Oui, volontiers. Lorsqu'on commence à formuler des critiques, on tombe parfois un peu dans la confusion. Pour commencer, je vous signale que les multinationales pharmaceutiques n'investissent que 11 p. 100 de leur volume de ventes dans la recherche et le développement au Canada. C'est bien en deçà de la moyenne internationale de 18 p. 100.
De plus, il faut dire que 40 p. 100 de l'investissement des multinationales dans la recherche et le développement est en fait subventionné par les contribuables, sous forme de dégrèvements fiscaux.
Il est aussi intéressant de remarquer que 75 p. 100 de la recherche et du développement des multinationales découle d'une obligation légale, dans le cadre de l'homologation des nouveaux médicaments. Le faible niveau de recherche fondamentale, une fois exclue la recherche obligatoire, fait en sorte que moins de 1 p. 100 des nouveaux produits sont brevetés par des chercheurs canadiens.
En outre, pour bien comprendre la situation de la recherche, il faut décider de ce que l'on appellera une percée. De 1991 à 1995, seulement 8 p. 100 des nouveaux produits de l'industrie pharmaceutique représentaient une percée ou une amélioration substantielle par rapport aux traitements existants. Pour le reste, il s'agissait d'élargissement d'une gamme de produits existants, ou d'un nouveau médicament qui offrait une légère amélioration ou pas d'amélioration du tout par rapport aux traitements existants.
D'ailleurs, le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés nous dit que seulement trois nouveaux produits ont été déclarés des percées, en 1994. Seulement deux des 81 nouveaux médicaments brevetés en 1995 pourraient être considérés comme des percées médicales.
Les compagnies pharmaceutiques ont donc leurré la population canadienne en parlant de leurs intentions quant à la recherche et au développement. Il n'y a pas beaucoup de recherches nouvelles qui se font.
De plus, si vous considérez les statistiques relatives à la création d'emplois, vous constaterez que la plupart des emplois perdus dans l'industrie pharmaceutique se trouvent dans le secteur de la recherche et du développement.
Comme je l'ai dit dans mon exposé, certains emplois ont bel et bien été créés, mais c'est dans le secteur des ventes et des promotions et non de la recherche et du développement. Nous avons perdu beaucoup d'emplois dans ces secteurs, parce que les multinationales pharmaceutiques se restructurent et déménagent leurs bureaux ailleurs. On peut penser par exemple à Porto Rico.
J'espère que cela répond à votre question et explique mes propos.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Holloway.
M. Holloway: J'ai une question à deux volets.
Tout d'abord, je vais donner mon appui au Congrès du travail du Canada. Voici quelques chiffres sur les pertes d'emplois découlant de fermetures d'usines. Chez SKB, 150 emplois; chez Wyeth, 100 emplois. Les chiffres sont arrondis pour faciliter leur compréhension. Il y a aussi: Syntex, 150 emplois; McNeil, 100; Upjohn, 120; Beecham, 90; Ciba 100; RPR, 100; Rorer, 100; Cyanimide/Lebelle, 100; Sterling, 150; Burroughs, 100; Ortho, 80; Hoechst, 70; Squibb, 150; RPS, 70 et Warner-Lambert, 80 emplois.
Le président: Monsieur Holloway, nous avons ces chiffres sous les yeux.
M. Holloway: Je vais donc répondre à la deuxième partie de la question.
M. Dingwall a comparu devant votre comité le 4 mars et il a été cité dans le Globe and Mail du lendemain...
Le président: Monsieur Holloway, encore une fois, nous avons cela sous les yeux.
M. Holloway: Ah, bon. Alors vous avez la réponse puisque M. Dingwall a dit qu'à sa connaissance, il n'avait pas reçu d'avis juridique au sujet de l'avis émis par M. Dillon. Il n'a tout simplement pas examiné cela.
C'est pourquoi nous disons que d'autres sources ont été signalées au gouvernement. Mais il n'y a pas eu de suivi quant à la façon dont on pourrait fonctionner tout en respectant les accords commerciaux.
Le président: Merci, monsieur Holloway. Je donne maintenant la parole à M. Mayfield.
J'aimerais simplement dire que M. Dillon a exprimé ses idées seulement 24 heures auparavant. Il faut comprendre M. Dingwall: 24 heures, ce n'est pas bien long pour répondre à un avis juridique.
Monsieur Mayfield.
M. Philip Mayfield (Cariboo - Chilcotin, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Après avoir écouté votre exposé, je me demande si vous êtes au courant des rapports qu'on nous a présentés au sujet des derniers progrès de la recherche, depuis l'entrée en vigueur du projet de loi C-91. Êtes-vous en faveur de la recherche pharmaceutique au Canada?
Deuxièmement, quelle est à votre avis une période adéquate de protection par brevet pour les médicaments, une fois approuvée leur mise en marché?
Troisièmement, à votre avis, le prix des médicaments génériques au Canada est-il approprié?
Et quatrièmement, les médicaments génériques devraient-ils faire l'objet d'un examen par le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés?
Voilà mes quatre questions.
M. Holloway: Merci.
Je réponds oui aux deux dernières questions. Pour la précédente, c'est 10 ans. Quelle était la première question?
Une voix: Êtes-vous en faveur de la recherche pharmaceutique?
M. Holloway: La dernière grande chose qu'on a faite dans ce domaine au Canada, c'est la découverte de l'insuline par les Drs Banting et Best. Depuis, il n'y a pas eu de percée majeure, que nous sachions. Il peut y en avoir eu quelques petites, mais le gros de la recherche et du développement se fait aux États-Unis et en France. Ce sont les pays les plus importants dans ce secteur et nous en profitons. On nous avait promis qu'il y aurait des développements importants chez nous... Je ne pense pas que cela se soit réalisé. Beaucoup de médicaments ont été renouvelés et remis sur le marché avec de légères améliorations, quand ce n'est pas simplement un changement d'emballage, pour revenir sur le marché à un prix plus élevé. À notre avis, ce n'est pas ce qu'on appelle véritablement de la recherche et du développement.
Même si vous améliorez de 20 p. 100, 30 p. 100 ou 40 p. 100 l'efficacité d'un médicament, ce genre de R-D ne justifie pas l'introduction de médicaments plus coûteux pour les consommateurs.
Nous sommes persuadés que les laboratoires de produits génériques sont en mesure de fabriquer des médicaments dont le coût serait de 35 à 40 p. 100 inférieur à celui des médicaments brevetés, produits par les multinationales, et c'est pourquoi nous les appuyons. En effet, les Canadiens n'ont pas d'argent, ils ont du mal, de nos jours, à acheter leurs médicaments, et les médicaments génériques sont meilleur marché et plus abordables pour nous. Quand on va à la pharmacie avec une ordonnance, celle-ci comprend généralement quatre ou cinq médicaments, dont le coût s'élève, mettons, à 80$, et on se dit alors: «c'est un peu trop cher pour moi maintenant, je vais en prendre deux ou trois, et les autres, je les achèterai plus tard.»
C'est ainsi que les choses se passent dans la réalité: les médicaments coûtent très cher, en particulier les médicaments brevetés, et c'est pourquoi nous sommes tous en faveur de médicaments génériques.
Mme Price: J'aimerais ajouter quelque chose.
Vous demandez si nous sommes en faveur de la recherche pharmaceutique: il est évident que nous le sommes! Comme le disait M. Holloway, il n'y a pas beaucoup de recherches nouvelles qui se font au Canada, et si vous examinez les statistiques des médicaments qui sont mis en circulation, vous en verrez la confirmation. Il se peut que la recherche soit florissante ailleurs, mais certainement pas dans notre pays.
Là où nous divergeons, c'est sur la protection accordée aux médicaments brevetés. Là, notre fédération considère que cette protection devrait être accordée pendant quatre ans, comme le recommandait en 1984, si je ne me trompe, la Commission Eastman.
Cela ne signifie pas pour autant que les multinationales ne devraient pas retirer de bénéfices pour la recherche qu'elles font. Avant 1993, les laboratoires de produits génériques étaient autorisés à produire des médicaments brevetés, en échange de quoi ils versaient des redevances à ceux qui détenaient les brevets. Cela me parait un argument probant.
Le président: Je vous remercie, monsieur Mayfield.
Monsieur Patry, vous avez la parole.
M. Bernard Patry (Pierrefonds - Dollard, Lib.): Merci, monsieur le président. Je voudrais adresser quelques questions à Mme Price.
Tout d'abord, madame Price, approuvez-vous le principe de la notion de propriété intellectuelle? C'est une question très brève, et, dans l'affirmative, pendant combien d'années cette propriété intellectuelle devrait-elle être protégée?
Mme Price: Puisque nous parlons de médicaments, j'approuve certainement le principe de la propriété intellectuelle, mais en ce qui concerne la loi sur les médicaments brevetés qui fait l'objet de nos discussions, j'ai déjà déclaré que la Fédération du travail recommande que cette protection s'applique pendant quatre ans. Pour répondre donc à votre question, les médicaments d'ordonnance qui sont brevetés seraient protégés, au nom de la propriété intellectuelle, pendant quatre ans.
M. Holloway: J'ajouterais que...
M. Bernard Patry: Non, mes questions s'adressent à Mme Price.
Le président: Monsieur Holloway, M. Patry a encore quelques questions, et nous vous donnerons ensuite l'occasion d'intervenir, si vous n'y voyez pas d'objections.
M. Holloway: Très bien.
M. Bernard Patry: Avant le projet de loi C-91, disiez-vous, il y avait le système de licences obligatoires. Pouvez-vous me dire pendant combien de temps la propriété intellectuelle était protégée avec ce système? Savez-vous quelle est la différence, en matière de propriété intellectuelle, entre le système de licences obligatoires et le projet de loi C-91?
Mme Price: Je connais assez mal l'historique de la réglementation des licences de produits pharmaceutiques dans ce pays, mais je crois savoir que le système de licences obligatoires était en vigueur, en fait, depuis 1923. Les laboratoires canadiens n'en ont toutefois pas tiré parti, parce que nous n'avions pas la base de production nécessaire, et la loi sur les brevets pharmaceutiques empêchait la reproduction de médicaments fabriqués à l'étranger, de sorte que seul un petit nombre de laboratoires de produits génériques ont pu profiter de la loi de 1923.
Il y a eu un changement en 1969, quand le Canada était devenu le pays où le prix des médicaments était le plus élevé de tous. Aussi a-t-on modifié la loi en assouplissant les contraintes imposées aux licences obligatoires, et les laboratoires pharmaceutiques ont eu l'autorisation d'importer les ingrédients nécessaires et de produire des médicaments génériques à un prix inférieur à celui des médicaments brevetés. Je ne sais pas au juste pendant combien de temps le brevet était protégé, mais le système de licences obligatoires a permis aux laboratoires pharmaceutiques canadiens de produire des médicaments génériques en versant aux titulaires des brevets des redevances en guise d'indemnisation.
Je voudrais également vous signaler qu'à partir de 1969, le secteur canadien des médicaments génériques a connu un véritable essor: des emplois ont été créés et les consommateurs ont également réalisé des économies considérables sur le prix des médicaments, économies qui, d'après une évaluation prudente, s'établiraient entre 200 millions de dollars et 420 millions de dollars par an.
Pour revenir à votre question sur le temps de protection qui devrait être accordé à la propriété intellectuelle, je pense qu'il faut trouver le juste milieu. Vous avez, vous, été élus par le peuple canadien et il me semble donc que ce juste milieu devrait favoriser ceux qui ont élu votre gouvernement, et non les laboratoires pharmaceutiques multinationaux.
M. Bernard Patry: Merci, madame Price, mais vous n'avez pas répondu à ma question.
Je vais donc passer à la suivante. Vous mentionnez deux fois, dans votre mémoire, que la société détenant le brevet affiche des bénéfices scandaleux, et votre collègue signalait que ces bénéfices s'établissaient bien au-dessus de ce qui est raisonnable d'espérer comme prix. Nos témoins de l'Association canadienne de l'industrie du médicament, société détenant le brevet, nous ont dit qu'entre le début du dépôt de la molécule et le début de la vente d'un nouveau produit, les dépenses s'élèvent entre 450 millions de dollars et 500 millions de dollars, et ceci ne tient pas compte du fait que sur une centaine de molécules, il y en a à peine une qui devient effectivement un nouveau médicament.
Les témoins de l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques - les sociétés de médicaments génériques - nous ont dit que le prix de commercialisation d'un médicament copié est d'environ 750 000$, soit moins d'un million, avec un succès assuré. Si vous considérez que le coût de commercialisation du laboratoire de médicaments génériques est de75 p. 100 inférieur à celui des médicaments brevetés, et que la copie a un succès assuré, ne vous paraît-il pas scandaleux que le laboratoire de produits génériques lance un produit sur le marché à75 p. 100 de son coût?
Mme Price: En réalité nous ne parlons pas des bénéfices réels. Certes, le coût de développement de nouveaux médicaments est impressionnant, mais remettons cela en perspective: les sociétés multinationales pharmaceutiques ont affiché, entre 1988 et 1995, des bénéfices qui dépassaient de près de 300 p. 100 la moyenne des bénéfices industriels. Je ne nie certainement pas le coût de développement de ces médicaments, mais il n'a pas d'effet sur la marge bénéficiaire. On peut constater que le secteur pharmaceutique est l'un des rares à s'en être bien tiré pendant la récession.
Le président: Madame Price, pourrais-je vous demander de...
M. Holloway: Vous pouvez vous procurer...
Le président: Excusez-moi, monsieur Holloway, mais je voulais demander un éclaircissement.
Ce que vous avez dit sur les bénéfices est fort intéressant, madame Price. D'où tirez-vous cette information? Nous aimerions pouvoir y donner suite.
Mme Price: M. Holloway et moi partageons la même information, et je vais donc le laisser vous répondre.
M. Holloway: Cette information se trouve dans The Financial Post du 19 janvier, dans un article «Les fabricants de produits pharmaceutiques affichent des bénéfices faramineux». Il est dit:
- Merck & Co., American Home Products Corp. et Warner-Lambert Co. ont affiché des
bénéfices de plus de 20 p. 100 pendant le quatrième trimestre, dû à l'augmentation de la
consommation de leurs médicaments ou la diminution de leur coût. Merck, le plus gros
laboratoire pharmaceutique des États-Unis, annonce que ses bénéfices ont augmenté de22 p. 100, dû à l'augmentation des ventes du médicament hypocholestérolémiant Zocor. Quant
à American Home, ses bénéfices ont augmenté de 29 p. 100, en raison de l'augmentation des
ventes de médicaments américains, dont le nouveau produit amaigrissant Redux.
Warner-Lambert, après avoir réduit considérablement ses dépenses et augmenté ses ventes des
médicaments les plus profitables, a affiché des bénéfices en augmentation de 29 p. 100.
Mme Price: Je recommanderais également au comité de jeter un coup d'oeil à l'ouvrage Prescription for Plunder, préparé par la coalition canadienne de la santé, et qui est un livre ressource sur l'industrie pharmaceutique du Canada.
Le président: Oui, ce groupe a comparu devant nous.
Mme Price: À la page 10 de ce livre, vous trouverez ces statistiques, qui provenaient en fait d'un article du Centre canadien de recherche en politiques de rechange.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Patry, vous avez la parole.
M. Patry: Il me reste une dernière question, ainsi qu'une observation sur le dernier commentaire.
Si les bénéfices des laboratoires de médicaments brevetés augmentent, c'est surtout parce que ceux-ci vendent davantage, et pas simplement parce que les prix des nouveaux médicaments montent en flèche.
Ma question s'adresse à Mme Price. Vous semblez avoir calculé le succès du nombre de brevets en vous basant sur le nombre de nouveaux médicaments. Ne pensez-vous pas que si l'un des laboratoires de médicaments brevetés mettait sur le marché un nouveau médicament contre le sida, par exemple, ou s'il produisait simplement un seul nouveau médicament, s'il effectuait une seule percée, cela justifierait que l'on conserve le projet de loi C-91 tel quel, pour l'avantage que cela apporterait aux Canadiens?
Mme Price: Certainement pas. Nous devons considérer les incidences du projet de loi C-91 sur tous les Canadiens, l'effet qu'il a sur notre régime d'assurance-maladie. Ce dernier, en fait, est compromis par l'augmentation du coût des médicaments, qui touche également nos régimes d'assurance-médicaments ainsi que les personnes âgées et les pauvres qui se voient restreindre l'accès aux médicaments. En outre, le coût des médicaments fait monter en flèche les régimes d'assurance privés, en particulier ceux qui ont été négociés entre les travailleurs et leurs employeurs. Si vous conjuguez donc l'effet nocif pour notre politique sociale avec la perte d'emplois qui touche durement les sociétés canadiennes de médicaments génériques, ce n'est pas la découverte d'un seul médicament qui peut redresser les choses.
Il y va là de bien plus que les bénéfices, il y va de la vie des gens, de notre régime d'assurance-maladie et du genre de pays dans lequel nous voulons vivre. Disons les choses crûment: en 1993, le gouvernement conservateur a bradé notre pays.
Une chance vous est donnée, à vous, à votre gouvernement, de réparer les pots cassés. Vous êtes mis devant le choix: allez-vous faire des recommandations en faveur des gens de ce pays, ou allez-vous faire des recommandations en faveur des multinationales? C'est à cela que tout revient.
Le président: Merci beaucoup. C'étaient toutes les questions, je pense, que le comité avait à vous poser. Je vous remercie de vous être dérangés pour vous rendre là où vous vous trouvez à Terre-Neuve, et pour nous exposer vos idées.
J'ai déjà rencontré certains d'entre vous lors de nos voyages d'hiver, sur d'autres questions, et j'apprécie beaucoup la façon dont vous avez exposé vos idées. Si vous avez quelque chose à ajouter à nos délibérations au cours du mois d'avril, il vous suffira de vous adresser, par écrit, au comité, ou de prendre contact avec l'un de ses membres.
Je vous remercie, madame Price et monsieur Holloway, et vous dis au revoir.
Mme Price: Nous vous remercions également. La Fédération du travail vous fera parvenir son mémoire, car je n'ai apporté ce matin qu'un document de travail, mais nous vous ferons parvenir ce document soit par courrier, soit par télécopie, aujourd'hui même.
Le président: Cela ne soulève aucune difficulté, nous avons une excellente équipe de recherche.
Le comité va suspendre ses audiences pendant que nous établissons la communication avec le Nouveau-Brunswick. Bien que la séance ne soit prévue que pour 9 h 15, nous commencerons aussitôt que les techniciens et les témoins seront prêts, soit probablement entre 10 heures et 10 h 15.
Le président: Nous allons maintenant reprendre officiellement nos audiences.
Je voudrais souhaiter la bienvenue à M. Ian Donovan, qui représente le Miramichi District Labour Council. Nous allons essayer, monsieur, de vous faire exposer votre point de vue, et nous vous donnons pour cela environ cinq minutes. Un grand nombre de groupes comme le vôtre nous ont donné le même message, ce qui est tout à fait normal, et le comité a reçu des exemplaires de mémoires. Nous voudrions donc que vous consacriez simplement quelques minutes à résumer votre position dans ses grandes lignes. Plusieurs députés ici présents aimeraient vous poser des questions, ce qui devrait donner un échange très fructueux.
Le système de table ronde donne la plus grande satisfaction, lorsqu'on le traite comme à la télévision: on se parle les uns aux autres et vous nous donnez une idée de votre point de vue. Prenez en compte que les membres du comité prendront connaissance de votre mémoire et que les attachés de recherche nous aideront à comprendre votre point de vue. Mais le but de la table ronde, c'est d'avoir une discussion plus animée.
Quand M. Boyce arrivera, faites-lui signe de prendre place à côté de vous et il pourra alors, sans plus tarder, se joindre à la discussion.
Nous allons donc commencer la séance, sans plus tarder. Je vous remercie, monsieur Donovan, et je vous invite à dire quelques mots d'introduction.
M. Ian Donovan (secrétaire, Miramichi District Labour Council): Je vous remercie. Les membres du Miramichi District Labour Council voudraient remercier le comité de nous avoir permis de comparaître devant vous. C'est une question d'importance primordiale, car la Loi sur les brevets nuit gravement aux intérêts de nos membres. Nous représentons de 3 000 à 3 500 membres, tous syndiqués, dans la région de Miramichi, au Nouveau-Brunswick.
Ce qui nous paraît regrettable, avec les téléconférences, c'est que le contact direct et personnel fait défaut alors qu'il serait bénéfique et approprié. Nous en avons longuement discuté et avons toutefois conclu que la révision de cette loi doit être abordée et que nous ne devions pas laisser passer cette occasion, ce qui serait encore plus désastreux pour nos membres. C'est pourquoi nous sommes venus.
Le président: Je vous remercie.
M. Donovan: Nous avions un mémoire à présenter, mais il y a eu des changements et je me contenterai de le résumer, ce qui ne prendra pas très longtemps. Nous considérons que tous les Canadiens qui ont eu la malchance de se voir prescrire un médicament breveté ont été durement touchés, en raison de l'augmentation en flèche du prix de ces médicaments.
Depuis que le gouvernement Mulroney, en 1992, a accordé aux laboratoires pharmaceutiques le monopole de la protection des brevets, les prix des médicaments ont augmenté considérablement. Si vous avez de la chance, comme c'est le cas de la plupart de nos membres, vous aurez un régime d'assurance-médicaments avec votre employeur, et dans la plupart des cas, le coût est alors faible ou négligeable, mais si vous ne faites pas partie d'un régime d'assurance-médicaments vous êtes obligé de débourser une grosse somme. Dans notre région où le prix des médicaments semble suivre les salaires des syndiqués, il est très élevé, mais sans cette couverture, vous êtes mal pris.
Nous avons également longuement discuté du fait qu'en 1992, lorsque cette loi a été introduite, le gouvernement libéral s'était vivement élevé contre elle, mais les libéraux ont maintenant retourné leur veste. Nous nous en inquiétons fort et nous nous en demandons la raison.
La protection des brevets représente une subvention du public aux sociétés pharmaceutiques multinationales, c'est là notre point de vue. Le régime d'assurance-maladie est déjà grevé de dépenses, et le Nouveau-Brunswick a eu sa part de compressions de toutes sortes. Plusieurs hôpitaux ont été fermés, et les dépenses en soins médicaux ont été considérablement comprimées. Les charges s'abattent sur nous de toutes parts, et il faut que quelque chose change.
Lorsque la Loi sur les brevets a été introduite, les laboratoires pharmaceutiques ont pris certains engagements, dont l'un était de stabiliser les prix pour les nouveaux médicaments. Veines promesses: les prix des médicaments n'ont cessé d'augmenter, et rien n'indique qu'ils vont se stabiliser.
Autre promesse, celle de la création d'emplois. Nous avons parcouru le rapport et avons pu constater, en maints endroits, que ces emplois ne se sont pas concrétisés. L'expansion semble s'être faite dans le secteur des produits génériques, mais non dans celui des médicaments d'ordonnance.
On nous avait également promis une expansion de la recherche et du développement, en particulier pour de nouveaux médicaments, mais là encore, d'après les chiffres contenus dans les rapports dont nous avons pris connaissance, ce fut un échec sur toute la ligne.
Les prix des ordonnances contenant des médicaments brevetés ont augmenté à raison de13,4 p. 100 depuis 1988 par rapport à 7,6 p. 100 dans le cas des médicaments non brevetés. Les deux ont augmenté, mais les prix des médicaments brevetés semblent augmenter plus rapidement.
En ce qui a trait aux emplois, d'après nos chiffres, l'industrie des produits pharmaceutiques brevetés a perdu 2 055 emplois entre 1990 et 1995. Cela en dit long pour ce qui est de leur engagement à créer de l'emploi. Les emplois qui sont créés le sont au niveau multinational. Avec l'ALÉNA et le GATT, nous avons vu comment les multinationales partir pour aller s'installer dans des pays où les impôts sont moins élevés et où il y a moins de réglementation pour les employés. Nous le constatons sans cesse.
En 1995, seulement deux des 81 nouveaux médicaments brevetés étaient des médicaments innovateurs, soit environ 8 p. 100. On ne peut pas dire qu'il s'agit d'un élément majeur. En 1993, l'industrie avait promis de dépenser plus de 200 millions de dollars au cours des cinq prochaines années et, mai 1996, elle n'avait dépensé que 60 des 100 millions de dollars proposés. Nous estimons que cela est bien loin de l'objectif.
Une autre chose dont nous parlons dans notre mémoire, c'est ce qui est peut être fait. Vous dites que vous avez reçu des mémoires de différents organismes. La position qui ressemble le plus à la nôtre est celle de la Coalition canadienne de la santé qui propose un plan en cinq points pour créer un programme national d'assurance-médicaments. La Colombie-Britannique et l'Ontario sont de bons exemples. Ces provinces ont différents programmes qui visent à mettre en place un régime d'assurance-médicaments pour aider à réglementer le prix des médicaments. Par ailleurs, il faut s'assurer que les médicaments génériques atteignent rapidement le marché, permettant ainsi d'avoir des règles du jeu équitables. Cela aide à contrôler le prix des médicaments et à réduire le coût des médicaments d'ordonnance.
Il faut s'engager à fournir des ressources publiques suffisantes pour surveiller la qualité et l'efficacité de la recherche privée. Les redevances pour les licences obligatoires versées aux titulaires de brevet devraient servir à financer la recherche. S'ils dépensent l'argent pour la recherche, très bien. Veillez à ce qu'ils tiennent parole.
Le processus d'approbation des médicaments doit être sûr et assorti d'une obligation de rendre compte publiquement. Avec toute la réduction de la réglementation concernant les brevets, nous estimons qu'il faut toujours insister pour s'assurer que l'industrie des médicaments ne fait courir aucun danger. Si un médecin prescrit un médicament générique plutôt qu'un médicament breveté, il doit s'assurer que le plus important, c'est la santé de son patient.
Autre chose: il faut contrôler les prix tant pour les médicaments génériques que pour les médicaments brevetés. Nous avons mentionné précédemment que les prix des médicaments génériques et des médicaments brevetés ont augmenté. Il faut faire quelque chose, car le coût des médicaments augmente très rapidement et que nos membres sont très durement touchés.
Voilà qui conclut notre mémoire et, en résumé, c'est à peu près tout ce que nous voulions vous présenter. Je remercie le comité de nous avoir permis de comparaître. J'aurais aimé que cela se fasse dans des circonstances plus personnalisées, mais nous vous remercions néanmoins de l'occasion qui nous a été donnée.
Le président: Monsieur Donovan, nous sommes vraiment reconnaissants de la façon dont votre conseil syndical a accepté de s'adapter à ces circonstances. Environ 150 personnes ont demandé à témoigner, et il en coûterait environ 100 000$ au comité pour se déplacer dans tout le pays. Il y a donc une considération... nous tentons d'utiliser la meilleure façon de communiquer avec les gens sans être impolis à leur égard et tout en donnant notre maximum. Nous comprenons comment la nouvelle technologie affecte la façon dont les gens communiquent, mais comme je l'ai dit, nous vous prenons très au sérieux, et je ne voudrais pas que vous croyiez le contraire.
Quelqu'un de l'opposition aurait-il une question?
Monsieur Brien.
[Français]
M. Pierre Brien: Bonjour. Vous avez beaucoup parlé des enjeux qui concernent la santé. Tout le monde est conscient de ce problème. Est-ce que vous avez aussi analysé tout l'impact économique, l'impact sur le nombre d'emplois? Dans l'industrie innovatrice, il y a 17 000 emplois au Canada. Le secteur de la biotechnologie est en forte croissance et dépend aussi de la protection des brevets. On parle de 4 000 emplois dans ce secteur, ce qui est l'équivalent de ce qu'on trouve dans le secteur des médicaments génériques. Et il s'agit d'une nouvelle industrie. Est-ce que vous avez pris cela en considération pour qu'on essaie de trouver une approche qui établisse un équilibre entre la propriété intellectuelle et les coûts du système de santé?
[Traduction]
M. Donovan: Je ne suis pas certain de comprendre votre question, mais pour ce qui est des pertes d'emploi, il y a eu une certaine création d'emploi. Les faits et les chiffres nous laissent croire que les emplois sont dans le domaine de la promotion et des ventes plutôt que dans le domaine de la recherche. Il faudrait créer davantage d'emplois dans le domaine de la recherche et du développement des nouveaux médicaments. Pour ce qui est des pertes d'emplois, notre position est toujours que les multinationales... au cours des dernières années, il y a des multinationales qui ont quitté le pays pour aller s'installer au Mexique et aux États-Unis, où les régimes fiscaux et la réglementation concernant les employés sont différents. Il semble que ce soit ce que font les multinationales, puisque la plupart des compagnies de médicaments brevetés sont effectivement des multinationales. Il n'y a pas de sécurité dans ces emplois. Oui, notre objectif consiste à avoir au Canada des emplois solides bien rémunérés.
[Français]
M. Pierre Brien: Je vais essayer d'être plus clair. Il y a 17 000 emplois au Canada qui sont liés à l'industrie innovatrice, celle qui fait de la recherche et du développement, donc quatre fois plus que dans le secteur des médicaments génériques. Il y a aussi le secteur de la biotechnologie qui est en forte croissance et qui dépend aussi de la protection des brevets parce qu'il se fait aussi beaucoup de recherche dans ce secteur.
Ne craignez-vous pas qu'en modifiant la situation actuelle, en protégeant moins la propriété intellectuelle, la perte d'emplois va s'accélérer et avoir un impact assez néfaste sur l'économie du Canada dans son ensemble?
[Traduction]
Le président: Monsieur Donovan.
M. Donovan: Pas nécessairement. Pour ce qui est de l'argent consacré à la recherche, si on parle d'une multinationale - lorsque nous parlons des sociétés de médicaments brevetés, nous parlons de multinationales - tout changement à la Loi sur les brevets concernant les médicaments au Canada, représente 2 p. 100, je crois, des ventes nationales de ces médicaments. En ce qui a trait à la recherche et au développement fait par les grandes sociétés pour les médicaments d'ordonnance, je ne crois pas que 2 p. 100 soit fait pour aider les Canadiens. L'impact d'un changement au Canada n'affecterait pas de façon draconienne la façon dont elles font des affaires.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Brien.
Monsieur Mayfield.
M. Philip Mayfield: Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup. J'aimerais peut-être reprendre la même ligne de questions que mon collègue.
La plupart des renseignements que vous nous apportez ce matin, semblent être en désaccord avec d'autres renseignements que nous avons reçus. Par exemple, vous laissez entendre que le nombre d'emplois, particulièrement dans le domaine de la recherche, a diminué. On nous a dit que non seulement les grandes sociétés de produits pharmaceutiques ont atteint leurs objectifs, mais qu'elles les ont même dépassés, tant sur le plan financier que pour le nombre d'emplois créés. Par ailleurs, il y a eu de nouveaux domaines de recherches, particulièrement en biotechnologie. Ces gens ont dit assez clairement que cette augmentation était attribuable au projet de loi C-91, et que si le C-91 était retiré ou si les effets étaient réduits, ils n'auraient pas d'autre choix que d'aller faire leurs recherches dans d'autres régions du monde, loin du Canada. Je me demande, d'un point de vue philosophique, si vous appuyez la recherche pharmaceutique au Canada?
M. Donovan: Oui, tout à fait.
Pour ce qui est de la position des producteurs de médicaments brevetés, c'est à dire qu'ils quitteront le pays, nous avions le même argument lorsqu'ils faisaient valoir l'ALÉNA. Cela est très bénéfique. La loi sur les brevets concernant les médicaments, représente beaucoup d'argent pour les sociétés multinationales. Il vaut la peine de prendre le risque de menacer d'aller s'installer au Mexique ou à Puerto Rico. Cela ne leur coûte rien du tout; peu importe qu'ils fassent leurs recherches ici ou ailleurs au Mexique.
Les emplois devraient être ici. Je ne crois pas que lorsqu'ils disent qu'ils iront au Mexique, la menace soit réelle. Les emplois seront encore ici. Notre objectif à long terme est d'avoir de bons emplois bien rémunérés ici, mais tant que les sociétés pourront se déplacer, pour une raison ou une autre... Il y a d'autres facteurs qui entrent en ligne de compte lorsqu'ils vont s'installer ailleurs: le montant de la subvention qu'un gouvernement est prêt à leur donner; les incitatifs fiscaux; la réglementation concernant les employés. Ce sont tous des facteurs dont ils tiennent compte lorsqu'ils décident d'aller s'installer ailleurs. La loi sur les brevets concernant les médicaments n'est pas le seul facteur dont ils tiennent compte. Il y a toutes sortes d'autres raisons pour lesquelles ils peuvent décider de partir.
Le fait d'avoir un brevet représente toujours beaucoup d'argent pour eux, et nous croyons que c'est pour cette raison qu'ils luttent si fort pour le garder.
M. Philip Mayfield: Si j'ai bonne mémoire, c'est après l'adoption du projet C-91 que les emplois et les fonds consacrés à la recherche ont augmenté et il me semble, d'après moi, que vous prenez un risque assez important en faisant cette supposition. Nous avons des maladies - par exemple le ERV, l'entérococcus résistant à la vancomycine - qui dépendent de la recherche. Nous avons la recherche sur le sida qui a fait énormément de progrès et qui dépend de gros investissements en temps et en argent de la part de gens très qualifiés. J'ai du mal à comprendre votre position à cet égard.
La prochaine question que j'aimerais vous poser est la suivante: qu'est-ce que vous et les gens que vous représentez considérez comme étant une période appropriée pour la protection d'une société par brevet, une fois que le médicament a été approuvé pour utilisation publique sur le marché.
Le président: Allez-y, monsieur Donovan.
M. Donovan: Je vais répéter encore une fois notre position. La solution de rechange que nous avons présentée est celle que propose la Coalition canadienne de la santé, c'est-à-dire une période de quatre ans de droits de brevet exclusifs pour les médicaments brevetés. Après quatre ans, il est alors possible d'obtenir une licence, et c'est parti.
En outre, le représentant du groupe du troisième âge, est maintenant avec nous.
Le président: Nous laisserons M. Mayfield terminer cette ronde de questions, puis nous demanderons à M. Boyce de nous dire quelques mots.
M. Philip Mayfield: Je ne sais pas si vous faites la même distinction que j'essaie d'établir. Vous parlez de protection des brevets et j'essaie de faire la différence entre la période totale de protection et la période de protection une fois que le médicament est sur le marché.
Si j'ai bien compris ce que vous dites, la période de protection pourrait expirer avant même que le médicament soit commercialisé, s'il faut huit ou dix ans pour le mettre au point et faire approuver sa mise en marché. Est-ce exact?
M. Donovan: Non. Une fois que le médicament est sur le marché, nous estimons qu'il serait suffisant de protéger le brevet pendant quatre ans.
M. Philip Mayfield: Ma prochaine question porte sur les médicaments génériques. À votre avis, le prix actuel des médicaments génériques est-il raisonnable?
M. Donovan: Non, pas vraiment. Nous reconnaissons que ces médicaments coûtent moins cher que les médicaments non génériques, mais leur prix est encore loin d'être raisonnable pour les gens de notre région. Dans la recommandation en cinq points, nous réclamons entre autre, un contrôle de tous les médicaments d'ordonnance, qu'il s'agisse de médicaments génériques ou non. Tous les prix ont augmenté. Dans le cas des médicaments génériques, l'augmentation a été d'environ 7 p. 100. Les prix continuent d'augmenter et nous n'avons pas les moyens de payer les augmentations.
M. Philip Mayfield: C'est un autre domaine dans lequel nos opinions divergent. Des témoins nous ont dit que même si le coût des médicaments avait augmenté, ces prix avaient en fait diminué depuis l'adoption du projet de loi C-91.
Vu que les fabricants de médicaments génériques peuvent mettre en marché leurs produits à 1 p. 100 ou moins de ce qu'il en coûte aux sociétés produisant des médicaments brevetés pour mettre au point un nouveau médicament, par quel moyen devrions-nous, à votre avis, contrôler les prix des médicaments génériques?
M. Donovan: Voilà une bonne question. Comme je l'ai dit, si votre question portait sur la façon d'établir le prix des médicaments de marque, les mémoires qui vous ont été présentés en parlent et indiquent dans quelle mesure, à quel tarif, il conviendrait de les dédommager pour les frais de recherche.
Il faudrait que le contrôle soit exercé par un organisme de réglementation quelconque au lieu de se fonder sur l'évaluation que les sociétés font de leurs coûts connexes, des coûts de leurs projets et de leurs coûts à long terme. Les coûts devraient être liés directement aux frais de recherche, de développement et de commercialisation. On ne devrait tenir compte que de ces seuls coûts. Rien d'autre.
M. Philip Mayfield: Ma question portait sur la façon de contrôler les prix des médicaments génériques.
M. Donovan: Je ne vois pas très bien comment on pourrait le faire, si ce n'est par le truchement d'une réglementation gouvernementale.
M. Philip Mayfield: Merci beaucoup.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup.
Si les députés du parti ministériel me le permettent, je demanderai à notre deuxième témoin, de présenter ses témoignages, puis je laisserai la parole à qui voudra bien commencer à poser des questions.
Bienvenue, monsieur Boyce. Vous êtes directeur général de la New Brunswick Senior Citizens Federation, n'est-ce pas?
Voici comment nous procédons. Vous avez quelques minutes pour faire un exposé. Nous n'avons pas reçu votre mémoire, mais nous en recevrons un. Soyez assuré que nos recherchistes l'étudieront en détail. Donnez-nous un aperçu de la situation, puis nous passerons aux questions.
M. Steven Boyce (directeur général, New Brunswick Senior Citizens Federation Inc.): Très bien. Je vais essayer de limiter mes commentaires à la période qui m'a été attribuée. Vous pouvez m'interrompre quand vous voudrez. Je vais essayer d'être aussi bref que possible.
Tout d'abord, je vous remercie de cette occasion de m'adresser à vous. Je dois avouer que je n'ai pas une grande expérience des téléconférences et que j'aurais préféré pouvoir me rendre à Ottawa pour vous rencontrer en personne. J'aurais aussi préféré que votre comité voyage partout au pays, car je suis certain que bien des gens auraient voulu vous faire connaître leur opinion. Néanmoins, au nom de nos 27 000 membres...
Le président: Monsieur Boyce, permettez-moi de rectifier les faits aux fins du compte-rendu. Le comité a invité toutes les personnes qui ont manifesté leur désir de témoigner. C'est une occasion qui a été donnée à tous les Canadiens qui en ont fait la demande.
M. Boyce: Je ne mets pas en doute vos invitations, monsieur. Je vous remercie de l'invitation que vous nous avez faite. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a encore des gens un peu partout qui souhaiteraient vous faire part de leur opinion. Par exemple, dans notre organisme, notre réseau, compte tenu du temps que nous avons eu pour nous préparer... Je ne vais pas entrer dans les détails, mais voici ce qu'il en est. Pour ce qui est de la question à l'étude, nous avons entendu dans notre organisation des arguments pour et des arguments contre. L'ACFPP nous a fourni beaucoup de renseignements, ainsi que des renseignements sur ses recherches, etc. Nous avons également entendu les représentants d'industries membres de l'Association canadienne de l'industrie du médicament qui, bien sûr, se sont dits en faveur de la protection actuelle des brevets sous le régime du projet de loi C-91. En fait, ce qu'ils voudraient, c'est probablement vous demander une protection encore plus étendue des brevets.
Notre organisme essaie de comprendre le lien qui existe entre ce projet de loi sur les brevets, c'est-à-dire le projet de loi C-91, et nos obligations dans le cadre, entre autres, d'accords commerciaux internationaux.
Pour un grand nombre de contribuables, surtout les personnes âgées que nous représentons, il est très difficile de justifier le fait que le projet de loi C-91 soit en réalité dans l'intérêt général du pays alors qu'ici, au Nouveau-Brunswick, c'est, entre autres, à cause de ce même projet de loi, que les coûts de notre programme de médicaments d'ordonnance sont si élevés, que ce programme connaît un déficit chaque année et qu'il faut y investir toujours davantage d'argent. Dans notre province, certains médicaments ne sont même pas inscrits à la formule parce que les fonctionnaires provinciaux chargés d'appliquer cette partie du programme estiment que ces médicaments sont trop coûteux pour nos moyens.
Vous tous - tous les députés du Parlement et tous les politiciens du monde - déclarez qu'ici au Canada nous n'avons pas un régime de soins de santé à deux paliers, que ce n'est pas ce que nous visons. Et bien, vous avez tort. À l'heure actuelle, notre régime de soins de santé comporte bel et bien deux paliers.
Les médicaments dont j'ai parlé, il y en a deux, servent au traitement des troubles de la prostate. Merck Frosst a inventé l'un de ces médicaments qui pourrait éliminer, d'après l'estimation que la société en fait, un nombre incalculable de chirurgies inutiles et coûteuses. Et ce n'est qu'un exemple. Les employés de Merck Frosst et les gens qui peuvent se les offrir pourront acheter ces médicaments, mais les autres, ceux qui dépendent du programme d'assurance-médicaments du gouvernement du Nouveau-Brunswick, n'y auront pas accès et devront s'inscrire à de longues listes d'attente pour subir une chirurgie extrêmement douloureuse.
Ce n'est qu'un exemple, mesdames et messieurs. Nous ne vous demandons pas nécessairement de violer les accords de commerce international. Mais nous croyons savoir que l'industrie pharmaceutique, les sociétés de médicaments de marque, ont étudié ce qui se fait dans divers pays et, dans une certaine mesure - j'utiliserai le terme dans son sens le plus large - exercent un chantage auprès des Canadiens puisque si nous ne leur accordons pas la protection qu'elles souhaitent à l'égard de leurs brevets, elles iront investir ailleurs l'argent de leurs projets de R-D. J'ai parlé à des représentants de cette industrie et ils ont admis qu'à cause de cela, les prix des médicaments sont plus élevés qu'ils ne le seraient normalement.
Les contribuables sont confrontés tous les jours à des compressions budgétaires dans les programmes de soins de santé. Toutes les provinces doivent maintenant exercer des compressions dans leurs programmes, compte tenu de la décision du gouvernement fédéral de réduire les paiements de transfert et de laisser aux provinces carte blanche quant à l'utilisation de l'argent - pour les programmes sociaux, l'éducation, les soins de santé. Il y a des compressions tous les jours et nos gouvernements provinciaux et fédéral, disent qu'il n'y a plus suffisamment d'argent, qu'ils sont en plein déficit, etc.
Par contre, nous savons pertinemment que le projet de loi C-91 maintient le prix des médicaments à un niveau élevé. Nous savons pertinemment, d'après ce que disent les nombreux experts et les autres qui sont censés être impartiaux et ne pas avoir de parti pris en faveur ni des fabricants de médicaments génériques, ni des fabricants de médicaments de marque, que les fonds qui avaient été promis pour la recherche et le développement n'existent pas nécessairement. Nous savons pertinemment qu'il n'y en a pas au Nouveau-Brunswick. Les seules personnes qui sont à l'emploi de ces fabricants au Nouveau-Brunswick, se sont des vendeurs ou, pardon, des éducateurs. Ce sont les personnes qu'on envoie rendre visite à nos médecins et nos professionnels pour les éduquer au sujet de ces médicaments. Les fabricants en question auraient sans doute besoin de vendeurs de toute façon. Il semble donc que le projet de loi C-91 ne nous est pas vraiment très avantageux de ce côté-là. Chose certaine, les fabricants réalisent déjà des bénéfices énormes. Vous devrez finalement vous interroger là-dessus, et, que ce soit à l'échelle nationale ou internationale, j'espère que les gens finiront par s'entendre là-dessus.
Je conclus en vous invitant à lire l'ouvrage de Jeremy Rifkin intitulé The End of Work: The Decline of the Global Labor Force and the Dawn of the Post-Market Era. Je suis sûr que certains d'entre vous le connaissent. C'est un économiste qui dit que, si les grandes sociétés, qu'elles soient du secteur pharmaceutique ou d'un autre secteur, ne commencent pas à faire preuve de sollicitude à l'égard des collectivités dont elles prennent les ressources financières et naturelles et si elles ne commencent pas à remettre plus d'argent dans ces collectivités, nous nous retrouverons au bout du compte, avec une société dont aucun de nous ne veut. La criminalité, le chômage et le reste suivront. Nous produisons de plus en plus de pauvres dans notre pays. De plus en plus de gens déclarent faillite. Vous l'avez déjà entendu, et c'est dans cette voie que nous nous dirigeons. Je ne dis pas cela pour la forme, mais parce que c'est la vérité. Les riches deviennent de plus en plus riches et les pauvres deviennent de plus en plus pauvres.
Je ne pense pas que le projet de loi C-91 nous soit avantageux. Vous devez faire quelque chose pour corriger cette situation.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Boyce.
Je cède maintenant la parole à M. Volpe.
M. Joseph Volpe (Eglinton - Lawrence, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président et messieurs.
Je serais sans doute un petit peu injuste, puisque je ne poursuivrai pas le débat déjà amorcé et j'espère que vous ne vous sentirez pas offusqué si je vous donne l'impression de passer par-dessus ce que vous venez de dire, même si vous avez soulevé quelques questions de principe dont nous pourrions discuter.
Deux questions ont été soulevées aujourd'hui, bien que certaines des données et des informations semblent tout simplement une réaffirmation et une reconfirmation de certaines des questions dont on nous a déjà parlé. La première est celle de la réglementation des prix. Mon collègue a dû s'absenter pendant un moment, mais il cherchait à voir s'il n'y avait pas moyen de réglementer les prix des trois types de produits pharmaceutiques qu'on retrouve sur le marché: les produits brevetés, les produits non brevetés et les produits génériques. Votre collègue a dit il y a quelques minutes, en réponse à une question qui avait été posée, que le seul moyen, selon lui, de contrôler le prix des produits pharmaceutiques ou quelque autre type de produit sur le marché, c'était la réglementation.
C'est bien la première fois que nous entendons quelqu'un venir qu'il veut une plus grande intervention du gouvernement dans la réglementation des prix, à part, ceux qui sont venus témoigner devant le comité pour dire que le rôle du CEPMB devrait être élargi de manière à englober les produits non brevetés et les produits génériques. Le seul autre son de cloche que nous avons entendu, c'est que la concurrence pourrait contribuer à faire baisser les prix. Je crois d'ailleurs que c'est quelqu'un de l'Institut Fraser qui soutenait que la meilleure façon de réglementer les prix serait de permettre la libre concurrence.
Je n'ai entendu personne, ni du secteur des médicaments brevetés, ni du secteur des médicaments non brevetés, dire cela. Chose curieuse, je n'ai entendu aucun de vous le dire non plus, ni d'ailleurs personne d'autre ce matin. Je me demande donc si tout le monde s'est laissé convaincre par l'autre argument dont nous avons été saisis aujourd'hui et qui a été soulevé par mon collègue, M. Brien du Bloc, qui a un point de vue assez particulier à ce sujet.
M. Brien demandait si nous devions accepter le principe du droit à la propriété intellectuelle et quelle valeur avait ce droit. Si le droit à la propriété intellectuelle est un droit qu'il faut mettre sur un piédestal au même titre que les convictions religieuses, quelle devrait être la durée du monopole que nous sommes prêts à accorder à la personne qui a produit le bien en question? La durée devrait-elle être de quatre ans, comme l'a suggéré quelqu'un qui vous a précédé je crois? Devrait-elle être de20 ans, comme le prévoit la Loi sur les brevets? Ou devrait-elle être de 25 ans, comme le demande certains de nos témoins?
J'utiliserai autant de mes dix minutes que possible, monsieur le président, pour voir si je ne peux pas soulever certaines des questions qu'ont évoquées certains de nos collègues de l'autre côté de la table. Je dis cela parce que, si j'ai bien saisi ses propos, M. Donovan a fait une accusation - et j'y arrive à cette accusation, de telle sorte qu'il pourrait peut-être se préparer - selon laquelle les brevets et la durée de protection qu'ils prévoient constituent une subvention pour les entreprises qui en sont les bénéficiaires. Je voudrais qu'il nous donne des précisions à ce sujet, mais pendant qu'il se prépare à répondre à la question, j'aimerais ramener les membres du comité à la question de la propriété intellectuelle, en raison du lien qu'il faut faire entre propriété intellectuelle et brevet.
Le projet de loi C-91 promettait une meilleure protection pour la propriété intellectuelle. En échange - et c'est là quelque chose que nie M. Donovan - , nous aurions un plus grand nombre d'emplois dans le secteur de la recherche et une plus grande variété de produits. En outre, même si les coûts seraient plus élevés - cela va de soi dès qu'on a un monopole - , ils seraient en quelque sorte atténués en raison de la surveillance exercée par le CEPMB. Notre comité a déjà entendu des témoignages à cet égard. M. Donovan ne croit pas qu'il y ait des emplois dans le secteur de la recherche. Certains de mes collègues d'en face s'imaginent que personne, à part les entreprises, ne peut fournir des fonds pour la recherche ou pour l'investissement.
Parce qu'il s'est manifestement documenté, je demanderais à M. Donovan combien parmi les emplois dans le domaine de la recherche que revendiquent toutes les parties à ce débat sont attribuables aux capitaux privés qui sont attirés à un produit en particulier. Combien de ces emplois proviennent, par exemple, du Fonds canadien pour les découvertes médicales, qui fournit...
Le président: Il vous reste trois minutes.
M. Joseph Volpe: Très bien, je vais en utiliser deux.
Le président: Vous ne voulez donc pas qu'il réponde?
M. Joseph Volpe: Je lui poserai une question à laquelle il pourra répondre en une minute.
Le Fonds fournit 149 millions de dollars, tandis que le Conseil de recherches médicales, autre institution fédérale, fournit 240 millions de dollars. Je voudrais, monsieur Donovan, que vous nous disiez combien de ces emplois dans le domaine de la recherche, dépendent de ces 389 millions de dollars qui proviennent de l'argent des contribuables et combien de ces emplois dépendent du secteur privé. Étant donné que le développement du secteur privé semble vous fasciner tout particulièrement, vous pourriez peut-être nous éclairer à ce sujet.
Le président: Avez-vous quelque chose à dire, monsieur Donovan? La question était plutôt acérée.
M. Donovan: Les trois questions sont très intéressantes.
Premièrement, il existe d'autres possibilités. Je n'ai pas voulu dire que la réglementation était la seule possibilité. La solution la plus immédiate, celle qui entraînera les changements les plus soudains, est celle de la réglementation.
En Colombie-Britannique, il existe d'autres solutions. Le régime d'assurance-médicaments de la province laisse aux médecins le soin de choisir le médicament à prescrire; le choix est laissé à la discrétion du médecin. S'il ne connaît le prix des autres médicaments - je suis sûr que la plupart des médecins les connaissent - , on lui fournit les chiffres. Il a ainsi une autre possibilité qu'il peut envisager.
Un autre volet du programme de la Colombie-Britannique... Excusez-moi, je crois qu'il s'agit en fait d'un élément du programme ontarien. Il existe une limite au montant des ordonnances et tout ce qui dépasse ce montant maximal sort de la poche du médecin. Ainsi, au lieu de se contenter de ne rédiger que des ordonnances, le médecin est tenu de faire preuve de diligence. L'Ontario met donc le fardeau sur les employés, les oblige à tenir compte du bien-être du patient.
Vous avez demandé ce que nous pensons des subventions accordées aux compagnies. Si vous voulez me donner le droit exclusif de fabriquer un produit dans notre pays, si vous ne limitez pas le prix que je vais fixer pour un produit de consommation courante, et s'il existe un règlement empêchant quelqu'un d'autre de produire librement et de m'obliger à fixer des prix abordables et équitables, c'est la même chose qu'une subvention. Nous n'y voyons aucune différence.
Quant à votre troisième question, vous m'avez perdu. Je l'ai oubliée.
M. Joseph Volpe: Elle portait sur les fonds privés.
M. Donovan: Vous parlez de la menace de déplacer la recherche à l'extérieur. Dans toutes les régions du pays, il y a d'excellents établissements d'enseignement et de recherche et notre position est exactement la suivante: l'endroit où l'on fait la recherche n'est pas important. Si les meilleurs médecins qui font de la recherche sur un médicament sont basés à l'Université du Nouveau-Brunswick, c'est là que les compagnies devraient aller. Actuellement, tel n'est pas le cas. Les compagnies pharmaceutiques font chanter le gouvernement en lui demandant ce qu'il peut leur offrir et nous nous laissons faire. Nous leur en offrons plus, au lieu de déployer des efforts, là où... Si la meilleure recherche se fait à l'Université McGill, c'est là que les compagnies devraient aller. Je ne pense pas que la menace de déménager au Mexique signifie grand chose. Les compagnies doivent aller là où se fait la meilleure recherche, peu importe l'endroit.
Le président: Monsieur Volpe, vous avez une question.
M. Donovan: Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question, mais...
Le président: Votre réponse est aussi bonne que la question.
Des voix: Oh! Oh!
M. Joseph Volpe: Je tiens à vous féliciter, monsieur Donovan. De toute évidence, le président pense que vous êtes brillant, et que vous êtes aussi un bon camarade de syndicat.
Voulez-vous que je continue? C'est sûr que je n'ai pas épuisé les 10 minutes.
Le président: Prenez donc cinq minutes supplémentaires et ce sera tout. Si M. Mayfield a une question a poser, nous lui donnerons la parole pour conclure.
M. Joseph Volpe: Ma question suivante porte sur les pratiques de commercialisation. Vous avez dit qu'elles constituent un facteur fondamental dans la croissance des coûts. Vous représentez un syndicat; j'imagine donc que vous participez probablement à certaines négociations avec les entreprises sur les régimes d'assurance-médicaments.
L'un de mes collègues ici est médecin. L'industrie et certains autres intervenants, vous compris, l'ont accusé d'être la principale cause des coûts des médicaments, car lui-même et ses collègues de la profession médicale ont l'habitude de prescrire excessivement, de mal prescrire, de prescrire insuffisamment, bref de ne pas faire leur travail. Dans vos négociations avec vos employeurs, examinez-vous certaines pratiques du corps médical, ainsi que les pratiques de commercialisation utilisée par les fabricants de médicaments - génériques ou brevetés - , qui exhortent les médecins et les pharmaciens à recommander certains produits qui ne répondent pas nécessairement à vos préoccupations, à savoir, veiller à ce que les prix imposés à vos membres ou déduits à la table de négociation, sont les moins élevés possibles? Pouvez-vous nous donner une idée de ce qui se passe dans ce genre de négociations? Dans quelle mesure influez-vous sur le choix des médicaments pour lesquels vos membres et vos employeurs seront remboursés?
M. Donovan: En effet, j'ai participé à la négociation des régimes d'assurance médicaments. Nous nous soucions d'abord de la santé et de la sécurité de nos membres, et les médicaments s'inscrivent dans ce cadre.
Nous estimons que le prix des médicaments fait partie intégrante des négociations. Si le prix des médicaments est très élevé, il va faire l'objet d'un débat important et les compagnies vont s'efforcer de ne pas l'assumer. Pour la plupart des entreprises canadiennes, la recherche du profit est l'objectif primordial. Les salaires ou les avantages sociaux des employés ne sont pour elles que des coûts.
Étant donné que le prix des médicaments est de moins en moins couvert depuis plusieurs années, cela préoccupe beaucoup nos membres et se reflète dans les négociations. Nous devons déployer des efforts considérables pour leur obtenir un bon régime d'assurance-médicaments qui les protège suffisamment. En raison de l'augmentation constante des coûts, il n'est pas étonnant que les entreprises soient de plus en plus réticentes à nous donner un régime qui nous protège intégralement. Si les prix des médicaments pouvaient diminuer, nous n'aurions pas tant de difficultés à nous faire assurer.
Actuellement, la question la plus importante qui nous oppose aux entreprises est le coût des médicaments. En effet, les médicaments d'ordonnance représentent une grande partie de l'industrie. Je ne peux pas vous donner le montant que l'employé moyen y consacre chaque année, mais je sais que dans notre région, chaque ordonnance vaut de 35 à 105$ environ. Nous avons un régime d'assurance-médicaments; nous sommes couverts, donc nous payons 1$. Nous avons beaucoup de chance, mais la plupart des gens de notre région n'ont pas une telle protection. Notre population est importante, elle est essentiellement syndiquée, et les prix des médicaments dans les pharmacies de notre région reflètent les salaires syndicaux. Si vous n'avez pas un salaire conventionnel, ou si vous n'avez pas d'assurance-médicaments, vous allez payer 105$ pour une ordonnance. La plupart des gens n'en ont pas les moyens.
M. Joseph Volpe: Vos syndicats ont-ils l'habitude d'aller voir les fabricants de médicaments brevetés ou génériques pour essayer de négocier un prix qu'ils introduisent sur le marché? Les excluez-vous totalement de vos démarches en allant voir directement vos employeurs?
M. Donovan: Nous allons directement voir les employeurs. C'est avec eux que nous signons nos contrats. En vertu de ces contrats, nous voulons certains avantages pour nos membres. Les employeurs doivent demander à une compagnie d'assurance de nous couvrir, mais nous traitons directement avec eux.
Le président: Monsieur Donovan, à cet égard, et avant que je ne demande à M. Boyce s'il a une dernière observation à faire, quel est le pourcentage des employés syndiqués de votre région qui seraient couverts par un régime d'assurance-médicaments quelconque? La couverture des médicaments fait-elle partie intégrante de tous les contrats négociés actuellement?
M. Donovan: Oui. Dans notre région, il y a environ 12 à 15 syndicats différents. Autant que je sache, tous les contrats comportent une assurance-médicaments pour les membres. Il existe quelques différences relatives au montant assumé respectivement par l'assuré et l'assureur, mais à ma connaissance, tous les employés syndiqués de notre région ont une assurance-médicaments.
Le président: L'assurance s'applique-t-elle aux familles des employés et aux retraités?
M. Donovan: Non. Autant que je sache, la plupart de nos assurances-médicaments se terminent en cas de retraite anticipée. Les employés sont couverts jusqu'à l'âge de 65 ans. Ensuite, ils ne sont plus couverts. C'est une autre préoccupation que nous avons. Dès que nos membres vont à la retraite, leurs revenus baissent, et leurs médicaments leur coûtent extrêmement cher. C'est une situation qu'il faut corriger par voie de négociation. Actuellement, ils doivent assumer ces coûts, ce qui est inquiétant pour les gens qui prennent leur retraite. Je n'aimerais pas prendre ma retraite au cours des 15 prochaines années. C'est très inquiétant.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Mayfield, aviez-vous une autre question?
M. Philip Mayfield: Oui monsieur le président, si vous permettez.
Le président: Allez-y.
M. Joseph Volpe: Vous n'étiez pas ici, alors j'ai posé vos questions pour vous.
M. Philip Mayfield: Merci.
Je ne pense pas que vous l'ayez mentionné, mais je sais que d'autres représentants syndicaux ont déclaré que certains fabricants de médicaments changent la dose ou la composition de certains médicaments qu'ils remettent en vente sous un autre nom. Cela m'amène à m'interroger sur la protection des brevets, et je me demande si cela vous préoccupe. Il me semble qu'un brevet protège un nouveau produit, et je voudrais savoir si vous estimez qu'il y a une lacune à cet égard.
M. Donovan: Absolument. Il y a aujourd'hui des maladies comme le sida et le cancer, et il est ridicule qu'une entreprise détienne un monopole sur les remèdes à ces maladies. Pour nous, ces brevets ne servent qu'à donner à ces entreprises le droit exclusif de vendre ces médicaments jusqu'au moment où elles estiment avoir gagné assez d'argent pour se payer de leur peine. Si c'est cela qui nous empêche d'avoir accès à de nouveaux médicaments, il y a parfaitement de quoi s'inquiéter. Les entreprises pharmaceutiques sont les seules à décider à quel moment elles vont offrir des médicaments, quand elles vont faire ceci ou cela, alors qu'un marché ouvert les contraindrait absolument, dès qu'une découverte est faite, à offrir ces médicaments aux gens, selon le besoin.
M. Philip Mayfield: Ce à quoi je pensais... Quel est le mot, monsieur le président?
Le président: Le renouvellement.
M. Philip Mayfield: Le renouvellement, oui. J'aimerais avoir votre avis sur toute cette question du renouvellement.
Le président: Monsieur Donovan ne connaît peut-être pas le terme.
M. Donovan: Je ne le connais pas, mais mon collègue va répondre à cette question.
M. Boyce: De toute évidence, vous venez de mettre le doigt sur la plaie. Le projet de loi C-91 accorde ce qu'on appelle une période de protection pour le brevet, mais comme vous le savez, grâce au processus de renouvellement, aux brevets multiples, aux brevets sur les processus, aux variations légères qu'on apporte à un médicament, à la réintroduction du même médicament quelques années avant l'expiration du brevet, les entreprises détentrices de brevets peuvent barrer la route aux entreprises qui fabriquent des produits génériques - ce sont toutes des tactiques de l'industrie. Je pense que vous êtes au courant de ces tactiques.
Permettez-moi de revenir un peu en arrière. On parle d'une industrie ici. La plupart des industriels n'aiment pas les lois, à moins bien sûr qu'elles ne les favorisent. Personne n'aime se faire imposer une loi. Personne n'aime se voir imposer des limites. Les lois entravent les libertés des gens. Mais il s'agit ici d'une industrie qui est tout à fait différente des autres industries. C'est pourquoi il faut la traiter différemment.
Il ne s'agit pas ici de l'industrie pharmaceutique, de l'industrie des pâtes et papiers ou de l'industrie du tourisme. Il s'agit d'une industrie où la vie des gens est en jeu. Il s'agit d'un produit dont les gens ont besoin, dans certains cas, rien que pour passer la journée. Vous avez ici la possibilité de modifier une loi qui interdit aux gens l'accès à des soins existants parce que l'industrie impose des prix prohibitifs. Comme mon collègue l'a dit, et certains d'entre nous se le demandent, à quoi sert de trouver un remède pour le cancer ou le sida si les gens n'ont pas les moyens de se procurer ce remède ou si les gens ou les provinces doivent se ruiner pour acheter ce médicament?
Si l'industrie voulait sincèrement aider les gens pour lesquels elle produit ces médicaments, on verrait surgir un tas de partenariats et d'entreprises qui abaisseraient les obstacles à la concurrence et qui travailleraient ensemble pour trouver un remède à ces maladies graves. Vous permettez essentiellement à des marchands de déterminer qui vivra. Il y a quelque chose qui ne marche pas là-dedans.
Je vous dis qu'il vous faut non seulement songer à abroger le projet de loi C-91, ou à rétablir la situation qui existait auparavant, comme le voudrait l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques, mais il vous faut aussi envisager des moyens nouveaux... Parce que nous voyons bien que l'ACFPP est là pour faire de l'argent aussi; elle est là aussi pour faire des profits. Nous croyons donc qu'il faut mettre en place des mesures d'application quelconque pour contrôler le coût des médicaments.
La solution au contrôle du prix des médicaments consiste peut-être seulement à encourager davantage la concurrence, si c'est la seule façon de pouvoir faire baisser les prix. Je pense que le projet de loi C-91, avec toutes les mesures de renouvellement qu'on y ajoute, ne fait qu'allonger de 20 ans la protection des brevets pour certaines entreprises.
Vous le savez, vous avez entendu toutes les réponses, j'en ai la certitude. Ma connaissance de la question est limitée, vu le peu de temps que je peux y consacrer. Vous avez, j'en suis sûr, parlé à des gens de partout au pays, et vous allez continuer de le faire. Vous savez quelles sont les solutions et vous avez la possibilité de faire quelque chose. J'espère seulement que vous allez considérer cette industrie très différemment des autres et que vous allez faire abstraction de toute partisanerie, travailler en équipe et faire de votre mieux pour les gens dont la vie est en jeu et dont la vie est constamment menacée parce que notre gouvernement dit tout le temps qu'il n'y a pas assez d'argent.
C'est tout ce que j'ai à dire. Merci.
Le président: Merci beaucoup. Le comité vous remercie ainsi que vous monsieur Donovan, d'avoir pris le temps de venir à Moncton. Nous vous en sommes très reconnaissants, particulièrement à vous, monsieur Donovan, qui avez délaissé votre mémoire pour vous adresser à nous directement et nous expliquer l'effet qu'a le prix des médicaments sur les négociations.
Je pense que nous sommes tous très sensibles à ces questions, et vous nous avez fait entrevoir une perspective particulière. Nous ne comprenons pas toujours très bien comment l'évolution des prix touche l'ensemble du système, et vous, vous devez négocier avec une entreprise qui essaie de contrôler ses coûts de production. Vous nous avez fait mieux comprendre les difficultés que nous devons régler.
Nous vous sommes très reconnaissants de nous avoir fait partager votre expérience à titre de directeur administratif du Conseil du travail de Miramichi.
Encore une fois à vous, monsieur Boyce, merci de nous avoir fait connaître les vues de la New Brunswick Senior Citizens Federation. Des vues semblables ont été exprimées dans d'autres régions du pays, et nous allons prendre tout cela très au sérieux.
Merci encore d'avoir été des nôtres ce matin. Si vous avez d'autres réflexions à nous communiquer, veuillez nous écrire et nous en tiendrons compte dans nos délibérations. Merci et au revoir.
M. Donovan: Au revoir.
Le président: Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 10 h 45, nous aurons donc une pause de 30 minutes. Tâchez d'être de retour à 10 h 40 pour que nous puissions commencer à l'heure.
Merci beaucoup.
Le président: Nous reprenons nos travaux. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, le comité reprend son étude de l'article 14 de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets.
Je souhaite la bienvenue à nos participants de la Nouvelle-Écosse. Nous recevons des témoins qui représentent diverses organisations de la province. Nous vous remercions vivement d'avoir accepté notre invitation à cette téléconférence. Le comité a une longue liste de témoins, et nous allons procéder avec toute l'efficience voulue afin de donner la parole à tous ceux qui ont demandé à nous voir.
J'aimerais que chaque participant à la table ronde prenne environ cinq minutes pour exprimer sa pensée. Nous allons recevoir - si ce n'est pas déjà fait - vos mémoires et nous allons les lire. Veuillez donc prendre quelques minutes pour nous dire en quoi consiste votre point de vue, après quoi les députés auront tout le temps voulu pour vous poser des questions et discuter avec vous en détail, et ainsi vous comprendrez mieux le point de vue des députés, et les députés comprendront mieux votre point de vue à vous.
Je vais commencer par Mme Joanne Mutton, vice-présidente de la Fédération du travail de Nouvelle-Écosse.
Bienvenue, madame Mutton.
Mme Joanne Mutton (vice-présidente, Fédération du travail de Nouvelle-Écosse): Je me contenterai de parler des effets négatifs qu'aura le projet de loi C-91 sur les travailleurs économiquement faibles et sur les aînés, soit les groupes qui n'ont pas du tout les moyens de se permettre une telle loi.
On se demande quel effet ce projet de loi aura sur les citoyens ordinaires de Nouvelle-Écosse. Ceux-ci peuvent-ils se payer des médicaments qui coûtent toujours plus cher à cause des mesures de protection qui ont été mises en place?
Quand je regarde ça, je pense aux gens que j'ai vus dans cette province qui sont peut-être obligés d'aller au service de consultation externe pour faire remplir une ordonnance et qui ne peuvent pas la faire remplir. On se demande où s'en va le système de soins de santé en Nouvelle-Écosse. Je pense que les entreprises pharmaceutiques doivent rendre des comptes au public. Pour que cela se fasse, il faut à mon avis, que le gouvernement du Canada adopte des lois en ce sens. Si le gouvernement ne le fait pas, je pense qu'encore une fois, vous allez voir les riches s'enrichir et les pauvres s'appauvrir. On a vu ça trop souvent avec les diverses lois qui ont été adoptées.
Je vais m'arrêter ici et céder la parole à quelqu'un d'autre.
Le président: Merci beaucoup. Vous avez bien résumé votre perspective. Nous vous poserons plusieurs questions.
Est-ce que David Peters de la Nova Scotia Government Employees Union est là?
M. David Peters (président, Nova Scotia Government Employees Union): Oui, je suis ici.
Le président: Très bien, allez-y.
M. Peters: Merci, monsieur le président. Je tiens à vous dire, au nom de nos membres, soit les 17 000 travailleurs du secteur public que nous représentons, dont environ 8 000 professionnels de la santé, que nous sommes heureux d'être ici ce matin. Nous profiterons de l'occasion pour rappeler au gouvernement ses promesses électorales concernant la santé.
Nous croyons que votre comité doit profiter de cet examen pour accorder à la santé autant d'attention que reçoivent l'économie ou l'industrie. Nous pensons que c'est la santé des Canadiens que vous devez garder à l'esprit dans votre examen parce que la toute première question est de savoir ce qu'on peut faire pour garantir aux Canadiens l'accès à des soins de santé universels et complets.
L'une des principales causes de l'effritement des soins de santé a été la diminution de la contribution fédérale, premièrement au financement des programmes établis, et plus récemment, avec le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, qui est entré en vigueur le 1er avril de l'an dernier. Ce nouvel arrangement financier a eu pour effet de retrancher près de7 milliards de dollars en contributions fédérales aux services de santé, d'éducation, d'intervention communautaire et autres au cours des deux derniers exercices financiers. Cela nous préoccupe beaucoup. Pour la Nouvelle-Écosse, cela veut dire des compressions de l'ordre de 328 millions de dollars, et pour un gouvernement qui manque déjà cruellement d'argent, cela veut dire de nouvelles compressions dans les soins de santé. La diminution de la contribution fédérale, qui se situait à un niveau d'environ 50 p. 100 dans les années soixante et soixante-dix, signifie qu'on dépense aujourd'hui 20 p. 100 de moins pour les services médicaux et hospitaliers assurés.
Ces compressions ont également eu un effet sur l'assurance pour les médicaments d'ordonnance, et c'est là le sujet qui nous préoccupe aujourd'hui. Dans notre province, de tels services s'adressent essentiellement aux aînés de plus de 65 ans et aux bénéficiaires de l'aide sociale. Cela nous préoccupe beaucoup parce que ce sont justement ceux qui ont le moins les moyens de verser leur quote-part pour l'achat de médicaments qui souffrent le plus. En fait, dans notre province, on oblige déjà les gens à verser une quote-part de 20 p. 100 pour les médicaments d'ordonnance, jusqu'à un maximum de 200$. Nous sommes au courant d'exemples de gens qui ne font pas remplir leurs prescriptions. Ils doivent attendre jusqu'à ce que leur prochain chèque arrive. Mais c'est tout de suite qu'il faut prendre ses médicaments d'ordonnance, pas dans 10 jours ou dans2 semaines. Et cela nous préoccupe beaucoup.
Le nouveau programme d'assurance public et privé a eu en fait pour effet d'imposer la moitié du coût du programme aux aînés. De même, on retranche aussi certains médicaments de la liste des médicaments d'ordonnance. Dans notre province, 10 des 15 médicaments anti-inflammatoires pour l'arthrite ont été retranchés de la liste en février. De même, on impose une quote-part de 3$ aux bénéficiaires de l'aide sociale, et ce, à l'heure où ces gens reçoivent 125$ de moins pour leur allocation de logement. D'autres besoins, que l'on appelle spéciaux, ont cessé d'être reconnus ou ont fait l'objet d'importantes réductions.
Les enfants souffrant de maladies chroniques et ayant besoin de médicaments d'ordonnance et les gens qui ont des dépenses pharmaceutiques ruineuses, se voient oubliés ou presque. Nous recevons des rapports de nos membres qui sont techniciens en pharmacie dans des établissements de santé et qui nous disent qu'on manque souvent de médicaments essentiels. Il y a même des assureurs privés dans notre région qui disent avoir du mal à offrir une assurance-médicaments complète à leurs membres.
Voici certaines orientations que nous jugeons nécessaires: premièrement, il faut considérer que les médicaments font partie intégrante de l'assurance-santé, au même titre que les médecins et les services hospitaliers. Ces médicaments constituent un bien public essentiel dans le domaine des soins de santé.
Deuxièmement, le financement public est essentiel si l'on veut garantir l'accès universel aux soins de santé et contrôler les coûts. Les médicaments doivent faire partie intégrante du régime de santé publique.
Troisièmement, si l'on veut aller de l'avant sur ces deux fronts essentiels, il faut une stratégie ou un régime national d'assurance-médicaments, comme l'a recommandé la Coalition canadienne de la santé, et comme on l'a recommandé aussi dans le budget fédéral parallèle. Les divers régimes provinciaux que nous avons au pays sont tout simplement insuffisants si l'on veut gérer efficacement un programme d'assurance pour les médicaments d'ordonnance financé par l'État. Il y a des mesures fondamentales que l'on peut prendre en ce sens. Nous avons besoin de meilleurs systèmes d'information et il faut élargir l'admissibilité afin d'inclure les personnes qui se ruinent en dépenses pharmaceutiques.
Quatrièmement, il faut rétablir le régime de licences obligatoires pour les produits de marque. C'est ce que nous avions avant le projet de loi C-91, mais il n'y a rien qui remplace cela aujourd'hui.
Les problèmes dont il sera question ici aujourd'hui sont bien peu de chose à côté des milliards de dollars supplémentaires que va toucher l'industrie grâce à la protection des brevets pour vingt ans que permettra le projet de loi C-91. Nous sommes d'accord avec la Coalition canadienne de la santé qui réclame l'octroi obligatoire de licences après quatre ans de protection exclusive du brevet. Nous pensons que c'est plus que suffisant pour l'entreprise pharmaceutique qui veut récupérer ses frais de recherche-développement.
Nous ne sommes pas d'accord avec le gouvernement lorsqu'il dit que les accords commerciaux internationaux l'empêchent de rétablir les licences obligatoires. Si le gouvernement veut faire des médicaments un service médical essentiel, il y a des moyens juridiques qui s'offrent à lui. Ces moyens juridiques sont déjà prévus par les accords commerciaux.
Il faut un processus d'approbation des médicaments transparent, exhaustif et suffisamment financé si l'on veut que la Direction de la protection de la santé ait à sa disposition un processus d'examen rigoureux et plus sûr pour tous les nouveaux médicaments. Nous ne voyons pas la nécessité de maintenir des avis de conformité confidentiels dans un régime d'assurance-médicaments national.
Enfin, il y a lieu d'élargir le mandat du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, afin qu'il soit en mesure de contrôler le prix de tous les médicaments, y compris les médicaments génériques, et d'évaluer l'effet de ces prix sur les régimes d'assurance-médicaments provinciaux et le régime d'assurance-médicaments national qu'on envisage.
Pour conclure, je rappelle l'orientation audacieuse et nouvelle pour la santé que recommandait en 1964 la Commission royale sur les services de santé. C'était en 1964, et je cite:
- Que notre pays prenne tous les moyens législatifs, organisationnels et financiers qu'il faudra
afin que tous nos citoyens jouissent de tous les fruits des sciences de la santé sans le moindre
obstacle.
Je serai heureux de répondre à vos questions. Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Peters, pour ces recommandations. Vous avez donné à notre comité matière à réflexion.
Je vais maintenant céder la parole à Heather Henderson de la Nova Scotia Nurses' Union. Bienvenue. Nous vous écoutons.
Mme Heather Henderson (présidente, Nova Scotia Nurses' Union): Merci. Je m'appelle Heather Henderson. Je suis infirmière autorisée et je travaille dans un établissement de soins actifs. Je suis aussi présidente de la Nova Scotia Nurses' Union.
Notre syndicat provincial représente quelque 4 000 infirmières et infirmiers autorisés, auxiliaires, diplômés et stagiaires. Les membres de la Nova Scotia Nurses' Union exercent leur profession dans divers lieux. Nos membres sont présents dans les établissements de soins actifs, dans les grands hôpitaux, les hôpitaux régionaux, les hôpitaux communautaires, les centres hospitaliers de longue durée de la province, ainsi que dans les soins infirmiers communautaires que prodiguent l'OIV et la Croix-Rouge.
Notre syndicat est heureux de faire valoir ses vues concernant la loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets, auprès du Comité permanent de la santé.
Ce que je tiens à vous dire, c'est que nous croyons essentiel de procéder à un examen honnête et complet du projet de loi C-91, tout en gardant à l'esprit le fait que le projet de loi C-91 a eu et continuera d'avoir des répercussions si l'on n'y apporte aucun changement.
Les membres de la Nova Scotia Nurses' Union, en leur qualité d'infirmières et d'infirmiers et de dispensateurs de soins, sont idéalement placés pour constater la nécessité d'instaurer une justice dans le coût des médicaments, et ce, afin que tous les Canadiens, qu'ils soient défavorisés à cause du chômage, de difficultés financières ou familiales, à cause de leur sexe ou de leur âge, aient accès aux médicaments nécessaires lorsqu'ils sont malades.
Fait très intéressant, lorsque l'actuel gouvernement fédéral était dans l'opposition en 1992, avant l'adoption des changements controversés à la Loi sur les brevets que prévoyait le projet de loi C-91, ses députés d'alors ont dénoncé sans hésiter les lacunes dans le projet de loi.
Notre propre députée de la Nouvelle-Écosse, Mary Clancy, disait de ce projet de loi qu'il était pernicieux, et je vais citer Mary: «Pourquoi est-il pernicieux? Parce qu'il en coûtera une fortune aux Canadiens ordinaires.»
Notre député du Cap Breton, qui est aujourd'hui ministre de la Santé, David Dingwall, a déclaré:
- On voit bien ce à quoi veulent en venir les conservateurs. L'un des grands objectifs est
d'enrichir les sociétés multinationales, à n'importe quel prix. Tant pis pour les consommateurs.
Tant pis pour la recherche-développement. Tant pis pour la santé.
Le Forum national sur la santé a publié récemment son rapport. Il dit que les Canadiens demeurent attachés à l'assurance-santé et qu'il faut préserver les cinq principes de la Loi canadienne sur la santé. Le Forum national sur la santé a recommandé que l'on élargisse l'assurance-santé afin d'inclure les médicaments ainsi que les soins à domicile et les soins intégraux.
La Nova Scotia Nurses' Union appuie le plan en cinq points que recommande la Coalition canadienne de la santé en vue de l'établissement d'une stratégie nationale d'assurance-médicaments. Je vais vous dire en quoi consistent ces cinq points.
Les voici:
1. Établir un régime national et universel d'assurance-médicaments afin de remplacer l'ensemble hétéroclite de régimes que nous avons actuellement, et mettre en oeuvre un programme d'utilisation rationnelle des médicaments.
2. Il faut rétablir les licences obligatoires. Ainsi, les médicaments génériques seront mis en vente plus rapidement.
3. Il faut contrôler sérieusement la qualité de la recherche privée. Il faut consacrer à cela des ressources publiques suffisantes. Les redevances pour les licences obligatoires qui sont versées aux détenteurs de brevets seront fonction des sommes consacrées à la recherche.
4. Il faut que le processus d'approbation des médicaments soit sûr et il faut rendre des comptes publiquement en ce sens.
5. Il faut contrôler le prix de tous les médicaments, y compris le prix des médicaments génériques. Le prix des médicaments doit refléter le coût véritable de la recherche-développement et ne doit pas être fondé sur le rendement qu'entrevoient les entreprises pharmaceutiques.
Nous, infirmières et infirmiers, dispensons des soins à nos patients. Ces derniers doivent avoir le même droit à des soins de santé de qualité et avoir accès aux médicaments qui leur sont nécessaires. Ce qu'on voit, c'est que bon nombre de nos patients n'ont pas les moyens d'acheter les médicaments d'ordonnance de marque qui coûtent plus cher. Parfois, le patient décide de ne pas faire remplir son ordonnance. Parfois, il prend moins que l'ordonnance prescrite. Parfois, il se contente d'un échantillon. Le fait est que le patient doit aller jusqu'au bout de son traitement.
En conséquence, l'état de santé de ces gens se détériore, et il en coûte plus cher au système de santé. Nous vous implorons donc, vous les représentants du gouvernement, d'examiner le projet de loi C-91 et d'y apporter les amendements nécessaires. Le Parti libéral du Canada doit prendre cette initiative essentielle à l'heure où il nous semble à nous, infirmières et infirmiers, que le système de santé au Canada se fragmente.
À titre d'infirmières et d'infirmiers fournissant des soins de santé à de nombreux Canadiens, nous voulons que les politiciens qui dirigent ce pays écoutent nos préoccupations, qu'ils soient responsables et qu'ils fassent les changements nécessaires.
Nous ne voulons pas d'un système de santé géré à l'Américaine. Ce modèle commercial de santé publique est vanté par toutes sortes de groupes, les compagnies pharmaceutiques multinationales, les alliances stratégiques d'associations médicales, les régimes d'assurance-maladie à but lucratif, les compagnies de biotechnologie et de gestion des données médicales. Nous ne voulons pas et nous n'avons pas besoin de ce genre de soins de santé au Canada. Nous croyons qu'un tel système mettrait fin à l'assurance-maladie et aux soins de santé que les Canadiens connaissent, que les Canadiens attendent et que les Canadiens exigent.
Merci beaucoup de nous avoir donné l'occasion d'exprimer la position de la Nova Scotia Nurses' Union.
Le président: Merci beaucoup de votre exposé.
[Inaudible - Éditeur]
Mme Fiona Chin-Yee (Health Action Coalition of Nova Scotia): Je ne vous ai pas entendu, mais êtes-vous prêts?
Le président: Oui. Allez-y.
Mme Chin-Yee: Merci.
La Health Action Coalition of Nova Scotia est membre de la Coalition canadienne de la santé, dont vous avez reçu le mémoire et le témoignage, j'en suis sûre.
Notre coalition est composée de groupes représentant les membres de la collectivité - les syndicats, les aînés, les intervenants qui travaillent auprès des personnes défavorisées, qu'il s'agisse des Autochtones ou des pauvres. Nous travaillons avec d'autres coalitions. Voilà donc qui nous sommes.
Je partage ce qui a été dit jusqu'ici, et je suis sûre que vous l'avez entendu ailleurs au pays, à savoir que le système de santé est menacé par le prix exorbitant et croissant des produits pharmaceutiques.
Je voudrais attirer votre attention sur trois points. Premièrement, nous sommes très préoccupés par la différence que l'on établit entre la micro-gestion et la macrogestion du système de santé. Je pense que bien des mesures prises dans le cadre de la réforme de la santé viennent des États-Unis et sont fondées sur une vision étroite qui permet de réaliser certaines économies, mais qui fait beaucoup de mal dans l'ensemble. Nous devrions examiner la question de façon globale pour déterminer ce qui arrive à notre système de santé. Il est intéressant de noter que nous comparaissons devant le Comité de l'industrie et non pas devant celui de la santé.
Permettez-moi de vous rappeler la recommandation du Forum national portant sur la création d'un régime national d'assurance-médicaments, qui s'occuperait de tous les Canadiens et qui serait régi par la Loi canadienne sur la santé. C'est une forme de macrogestion. Nous devons être en mesure de prendre et de maintenir des décisions qui auront une incidence sur l'ensemble du programme de soins de santé.
Je voudrais vous faire comprendre qu'il y a effectivement une différence. Dans un système de micro-gestion, lorsqu'on dépense trop d'argent pour des produits pharmaceutiques qui ne sont pas couverts par un régime à payeur unique, mais par plusieurs payeurs, qu'il s'agisse des compagnies d'assurance, des tickets modérateurs ou des dépenses personnelles, le consommateur, le malade ou le citoyen canadien absorbe constamment ces coûts supplémentaires. Je pense qu'il faut le reconnaître. Au Canada, il n'y a qu'une catégorie de citoyens, il n'y a qu'un trésor public, et si l'argent provient de nos impôts ou de nos poches, nous devons vraiment examiner la question de façon globale.
Deuxièmement, j'estime qu'il y a beaucoup de confusion en ce qui concerne les accords commerciaux et leur incidence sur les positions que nous pouvons prendre ou non. Je pense que vous avez le rapport de Barry Appleton, qui examine nos obligations en vertu de l'ALÉNA et de l'Organisation mondiale du commerce en ce qui concerne le secteur pharmaceutique. Nous devons l'étudier attentivement, car s'il y a des obligations, nous devons examiner le genre d'accords commerciaux que nous signons afin de prendre des décisions de façon indépendante dans le domaine de la santé. Si ces accords n'ont pas d'effet sur nos décisions relatives au financement de la santé et des services sociaux, nous devons le savoir.
Ma troisième observation concerne la recherche sur les médicaments et la législation relative aux sommes que les compagnies pharmaceutiques doivent investir dans la recherche. L'une des préoccupations de notre coalition tient au fait que certaines recherches portent sur les médicaments copiés, c'est-à-dire sur la reproduction de médicaments qui sont déjà commercialisés.
Nous devons trouver le moyen d'encourager la recherche sur des médicaments susceptibles d'aider les personnes à faible revenu. En particulier, je pense au vaccin contre le sida. L'une des raisons pour lesquelles ce secteur est négligé réside dans le fait que les éventuels bénéficiaires d'un vaccin sur le sida se trouvent essentiellement dans le tiers monde et ils n'auraient probablement pas les moyens de payer des prix fixés en fonction du marché nord-américain, par exemple. Ainsi donc, comment assurer une telle recherche et veiller à ce que ses résultats soient accessibles à ceux qui en ont besoin?
En somme, en examinant les règlements relatifs à la loi sur la protection des brevets pharmaceutiques, vous devez vous pencher notamment sur le prix de lancement des nouveaux médicaments. Je pense que vous devez vraiment revoir les règlements concernant le prix de lancement au sein du Comité d'examen de la protection des brevets - je crois que c'est ainsi que vous l'appelez. Il est absolument essentiel que ces règlements soient réécrits immédiatement.
À mon avis, les règlements relatifs à la loi sur la conformité, aux 30 mois de protection supplémentaire des médicaments brevetés, doivent être révisés immédiatement.
Nous devons aussi revoir toute la question de la couleur, de la forme et de la taille des produits et des brevets supplémentaires qui peuvent ajouter 30 mois aux 20 années de protection, et ainsi de suite.
Je crois que vous pouvez régler une bonne partie de ces trois problèmes en examinant la réglementation. Je vous encourage à le faire.
Je vous remercie. J'en ai terminé.
Le président: Merci. En ce qui concerne le fait que ce soit le Comité de l'industrie qui étudie la question, je tiens à préciser que la Loi sur les brevets relève du ministère de l'Industrie; et la composition du comité a été modifiée pour tenir compte du fait qu'il s'agit aussi d'une question de santé. C'est ainsi que nous avons parmi nous le secrétaire parlementaire du ministre de la Santé, et le Dr Pat Sweeney qui est un médecin s'intéressant aux questions de santé. Je sais que les partis d'opposition collaborent également avec des spécialistes de la santé. Assurément, nous partageons vos préoccupations, et nous tenons à ce que vous compreniez que nous avons ici des députés qui examinent la question du point de vue médical.
Maintenant, passons à M. Brian Slaney, directeur du Cape Breton Regional Health Care Committee. Je vous souhaite la bienvenue.
M. Brian Slaney (représentant, Cape Breton Regional Health Care Committee): Merci, monsieur le président. Au nom de mon comité, je vous remercie de nous avoir invités à comparaître.
Je vais d'abord vous donner un aperçu de notre comité avant de vous présenter nos préoccupations relatives au projet de loi C-91.
Le Cape Breton Regional Health Care Committee a été créé au début des années 90 par un groupe de personnes quand il s'est avéré que l'on envisageait de réduire les services dans le domaine de la santé. Il a contribué a maintenir les services de santé avec l'appui de la population.
Le comité demeure intact et il ne cesse de grandir. Il est composé d'hommes et de femmes de toutes allégeances politiques, religieuses, etc. Deux de nos 21 conseillers régionaux en font également partie.
Nous sommes au courant des difficultés financières du gouvernement actuel et nous avons organisé des manifestations massives pour l'inciter à mettre fin aux coupures et à revenir aux recommandations qui avaient été proposées par le Comité sur la réforme de la santé publique.
Notre philosophie est assez simple. La population a le droit d'être mise au courant de tout projet visant à modifier substantiellement son régime de soins de santé et d'y participer. Elle a la responsabilité de s'en informer et d'y contribuer. Quand on l'informe sur son régime de santé et quand on écoute ses recommandations, elle assume davantage la responsabilité d'une utilisation judicieuse du système.
Depuis trois ou quatre ans, le système de soins de santé a subi des compressions énormes; cela a compromis la qualité des soins et a entraîné une pénurie de médecins. Les gens souffrent, surtout les pauvres, les chômeurs, les aînés et les malades. Ces compressions ont été faites au nom de la réduction du déficit. La réduction du déficit n'a rien à voir avec la réforme des soins de santé.
Il est assez clair que les médicaments de marque ne cessent d'augmenter depuis 1987, et il est tout aussi clair que le coût des médicaments est le seul domaine de la santé publique où les coûts ne sont pas contrôlés. Si le gouvernement persiste à invoquer la réduction du déficit pour justifier les compressions en matière de santé, pourquoi ne se tourne-t-il pas vers les produits génériques, qui sont moins cher? Les hôpitaux ne sont pas la seule cause de l'augmentation des coûts de la santé, mais les médicaments de marque en sont une.
Le ministre de la Santé, M. Dingwall, demande l'appui et la collaboration des provinces pour examiner les prix des médicaments non brevetés afin qu'ils n'accroissent pas de façon indue le coût des soins de santé. C'est une bonne chose. Je conviens avec ma collègue Heather qu'il a fait campagne en faveur des médicaments génériques.
Mme Judy Erola déclare pour sa part que son organisation a lancé des campagnes pour aider les médecins à prescrire les médicaments les plus efficaces et à informer les consommateurs sur la façon de les prendre. Elle estime que la mauvaise consommation des médicaments coûte de sept àneuf milliards de dollars par an. Elle vise les aînés qui, en Nouvelle-Écosse, paient une prime de215$ pour les médicaments. Une fois de plus, c'est une bonne chose. C'est une excellente idée d'instruire les gens sur la manière et le moment de prendre des médicaments, mais il faudrait insister davantage pour que l'on prescrive les meilleurs médicaments possible aux plus bas prix possible.
En conclusion, monsieur le président, je vous rappelle que le Cap Breton a le taux de chômage le plus élevé au pays, soit 27,1 p. 100. En réalité, il est supérieur à 40 p. 100. La population de cette région souffre beaucoup et elle n'a pas les moyens de se payer des médicaments, car ils coûtent très cher de nos jours.
Cela dit, j'en ai terminé. Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup d'avoir apporté ce message du Cap Breton. Il est très important de connaître les coûts des médicaments pour une famille moyenne.
Notre dernier témoin est M. Chisholm, chef du NPD à l'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse.
M. Robert Chisholm (chef, Nouveau parti démocratique de la Nouvelle-Écosse): Merci, monsieur le président et honorables membres du comité.
C'est un plaisir d'être ici aujourd'hui. J'aurais aimé communiquer face à face avec vous tous, mais nous sommes heureux que cette technologie nous donne une occasion - et je le dis sincèrement - d'exprimer notre position et de dialoguer avec vous, monsieur le président, et avec les membres de votre comité.
Le caucus du Nouveau parti démocratique de la Nouvelle-Écosse s'intéresse depuis longtemps à la législation sur les brevets pharmaceutiques. Depuis des années, nous travaillons avec les groupes de personnes âgées, les scientifiques concernés et d'autres intervenants pour sensibiliser la population à l'incidence négative, sur les personnes malades et sur notre système de soins de santé, des changements qui ont été apportés à la Loi sur les brevets et qui ont été dictés par les compagnies pharmaceutiques multinationales.
Nous avons exprimé notre opposition au projet de loi C-22 quand il a été présenté par le gouvernement Mulroney en 1986. Nous avons fait la même chose quand le problème s'est posé de façon plus virulente en 1992 dans le projet de loi C-91. À l'époque, nous nous y sommes opposés parce que nous étions convaincus qu'en protégeant davantage le monopole des compagnies pharmaceutiques détentrices de brevets, l'on ferait augmenter le coût des médicaments pour les contribuables et les consommateurs de la Nouvelle-Écosse. De plus, nous avons soutenu que les avantages escomptés, à savoir une augmentation des activités de recherche pharmaceutique en Nouvelle-Écosse, ne compenseraient pas les effets négatifs de l'augmentation des coûts.
Qui plus est, nous ne sommes pas convaincus par l'argument selon lequel la modification de la Loi sur les brevets était nécessaire pour protéger la propriété intellectuelle. Des découvertes de l'industrie pharmaceutique ont eu lieu dans les universités, les hôpitaux et d'autres endroits non commerciaux. Il est insensé de limiter les droits à la propriété intellectuelle aux compagnies pharmaceutiques. De même, il n'est pas socialement rentable de transformer les chercheurs des universités en promoteurs de brevets.
À l'instar de la plupart des Canadiens, et certainement de ceux ici présents, nous pouvons à présent vous dire: «On vous l'avait bien dit!» Au cours des cinq dernières années, les prix des médicaments d'ordonnance ont flambé. Bien que leurs bénéfices se soient maintenus à un niveau très élevé, les laboratoires pharmaceutiques n'ont pas dépensé, en recherche et en développement, ce qu'ils avaient promis. Nous n'avons pas bénéficié d'innovations pharmaceutiques ni d'emplois dans la recherche scientifique, comme nous nous y attendions. Ce qui s'est passé, en fait, c'est que l'augmentation du prix des médicaments a amené les gouvernements à réduire, dans d'autres domaines, le secteur des soins de santé, ce qui a entraîné des licenciements d'infirmières et d'infirmiers, de services la disparition à domicile et d'autres compressions dans tout ce qui se rapporte à la santé. Les projets de loi C-22 et C-91, loin de créer des emplois, ont contribué à en faire perdre.
Ce qu'il faut, c'est faire la part des intérêts de tous. Le système de licences obligatoires a été élargi en 1969 parce que le prix des médicaments, dans notre pays, était trop élevé. Les législateurs se sont alors rendu compte que dans l'intérêt public, il convenait de tenir compte aussi bien de la protection des consommateurs que des droits des détenteurs de brevets pharmaceutiques. Le gouvernement Mulroney, lui, dans sa législation sur ces mêmes brevets, a fait nettement pencher la balance en faveur des sociétés pharmaceutiques; il est grand temps de redresser cette situation, afin que les intérêts de notre système de protection de la santé l'emportent sur les bénéfices des sociétés pharmaceutiques.
Lorsque le caucus NPD de la Nouvelle-Écosse a fait connaître son opposition aux projets de loi C-22 et C-91, nos collègues dans l'opposition, les membres du Parti libéral, tant fédéral que provincial, ont renchéri sur notre position avec tellement de vigueur, qu'ils nous ont presque damé le pion. Le député de Dartmouth, dans son opposition au projet de loi C-91, a déployé des trésors d'éloquence. Le premier ministre, alors leader de l'opposition, avait promis de se défaire de la loi de Mulroney sur les brevets. J'espère que les membres libéraux de ce comité voudront bien, dans l'examen de ce projet de loi, garder ces faits présents à l'esprit.
Dans notre coin de pays, les gens ont la mémoire longue et se souviennent de plusieurs promesses préélectorales des libéraux qui n'ont pas été tenues, en particulier celles sur la TPS et Radio-Canada. J'espère que la Loi sur les brevets ne viendra pas allonger cette liste.
Les membres du comité sont en mesure d'enclencher certaines améliorations capitales au système de santé du Canada. Comme nous le rappelait, il y a quelques semaines, un forum national sur la santé, nous devons élargir l'assurance-maladie pour y inclure un régime universel d'assurance-médicaments. Pour que ce dernier soit abordable, nous devons entamer le monopole des multinationales pharmaceutiques en permettant aux médicaments génériques d'être commercialisés plus rapidement. Comme le disait le ministre de la Santé, nous devons instaurer un contrôle des prix pour tous les médicaments, y compris les médicaments génériques. Ce sont là des questions que je vous demande instamment de prendre en compte dans vos délibérations sur le projet de loi C-91.
En conclusion, monsieur le président, il me reste une chose à dire. Vous êtes le Comité de l'industrie, mais tous les membres sont conscients, j'en suis sûr, de l'importance de la décision qu'ils prendront quant au projet de loi C-91 et des incidences, réelles et directes, que cette décision aura sur les provinces, en leur permettant de restaurer et de maintenir l'intégrité de l'assurance-maladie et de l'élargir, pour y inclure, dans tout le pays, des régimes d'assurance-médicaments et de soins à domicile, conformément aux recommandations du forum national.
Je vous remercie, également au nom de mon parti en Nouvelle-Écosse, d'avoir bien voulu m'écouter, et je serai heureux de répondre à vos questions.
Le président: Merci encore, monsieur Chisholm et les autres. Vos exposés nous faciliteront la tâche. Je vais maintenant donner la parole à M. Brien, du Bloc.
[Français]
M. Pierre Brien: Merci à vous tous. J'ai remarqué qu'il y avait plusieurs points en commun dans vos présentations, que tous vous avez relevé le fait que c'était difficile pour les provinces, spécialement la vôtre, de composer avec des coupures dans les paiements de transfert, de près de330 millions dans votre cas, qui ont exercé beaucoup de pression sur le système de santé.
Cela dit, M. Chisholm a fait allusion au fait que l'industrie n'a pas respecté les engagements pris lors de l'adoption du projet de loi C-91 en ce qui a trait à la recherche et au développement. J'aimerais lui demander de m'expliquer sur quoi il se base, puisque le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés affirme le contraire. Monsieur Chisholm.
[Traduction]
M. Chisholm: Merci de la question. Je m'excuse, mais je ne sais pas au juste qui me l'a posée.
Plusieurs promesses ont été faites, plusieurs engagements ont été pris, si je ne me trompe, tant par le gouvernement Mulroney que par les multinationales pharmaceutiques qui s'efforçaient d'élargir la protection qui leur était accordée. Ces engagements n'ont pas été divulgués, en fait. Je crois que la Coalition canadienne de la santé a examiné assez à fond ces points, et le document en annexe au rapport du forum national - à savoir le volume 2, de Bob Evans - dévoile également les ressorts du contrôle que les multinationales pharmaceutiques exercent, dans notre pays, sur ce secteur, et met à nu le fait qu'un certain nombre de ces promesses n'ont pas été tenues.
C'est ainsi que la Nouvelle-Écosse s'efforce d'affronter les problèmes causés par le délestage du contrôle et la réduction des paiements de transfert, qui continuent à causer une hécatombe dans tout le système de soins de santé. L'effet ne se fait pas seulement sentir en matière d'emplois mais également au niveau des services dont peuvent bénéficier les habitants de notre province. Le coût des médicaments échappe, à notre avis, à toute mesure de contrôle et nous refusons d'accepter une telle situation qui provoque l'augmentation des coûts dans le système de soins de santé. La Coalition de la santé a présenté plusieurs recommandations spécifiques, auxquelles nous nous associons.
Il nous paraît essentiel de réaffirmer le contrôle de notre système de santé afin que nous puissions enfin mettre en oeuvre les recommandations du forum national et avoir un régime national d'assurance-médicaments, à payeur unique, ainsi que les ressources nécessaires pour inclure les soins à domicile dans le régime national.
[Français]
Le président: Monsieur Brien.
M. Pierre Brien: Ma prochaine question est d'ordre général et je l'adresse à vous tous. Ceux qui se sentiront plus à l'aise pour y répondre pourront le faire.
Vos affirmations sont basées en grande partie sur le fait que les médicaments génériques coûtent moins cher que les médicaments qui viennent d'être découverts. Avez-vous réfléchi au fait que plusieurs de ces nouvelles découvertes viennent souvent remplacer un traitement qui était donné par voie chirurgicale auparavant?
Dans une perspective globale, l'arrivée de médicaments d'origine peut faire baisser les coûts du système de santé, et même à un prix concurrentiel, lorsqu'on n'est pas en situation de monopole. Cela peut représenter des économies pour le système de santé. C'est ce qu'on appelle la pharmacoéconomie.
Avez-vous pris cela en considération ou si vous vous êtes seulement arrêtés au coût des médicaments génériques et au coût des médicaments d'origine?
[Traduction]
Le président: L'un d'entre vous voudrait-il répondre?
Mme Chin-Yee: Je vais essayer. Il me semble qu'il y a ici deux questions bien distinctes. Tout d'abord, si le système de soins de santé peut utiliser des médicaments génériques, et s'il peut le faire plus rapidement, ce serait préférable pour l'ensemble du régime, ceci du point de vue de la macrogestion.
La loi de protection des brevets qui précédait le projet de loi C-91 assurait la protection des sociétés pharmaceutiques afin que celles-ci puissent recouvrer les coûts qu'elles avaient consacrés à la recherche et au développement et réaliser un bénéfice, mais en élargissant cette protection on a permis à ces sociétés de réaliser des bénéfices faramineux.
Rien ne semble indiquer qu'un pourcentage de ces bénéfices exorbitants a été réinvesti dans la création d'innovations pharmaceutiques. On peut dire qu'en moyenne, pour toute l'Amérique du Nord, la recherche de médicaments nouveaux représente environ 8 p. 100 de l'argent consacré à la recherche et au développement, soit un pourcentage infime, alors que 75 p. 100 de cet argent est consacré à faire franchir à ces médicaments les barrières de la réglementation gouvernementale. Si vous examinez la question de ce point de vue pécuniaire, ceci ne représente aucune innovation ou médicament révolutionnaire.
Il faut encore envisager la question sous un autre angle. Si l'on accorde aux sociétés pharmaceutiques, ou à toutes autres, une période très prolongée de protection des brevets, en leur permettant d'en tirer le maximum de bénéfices, nous les encourageons, en fait, à produire des médicaments d'imitation, très semblables les uns aux autres ou dont l'effet thérapeutique est semblable pour certaines maladies - qu'il s'agisse de troubles gastriques, d'arthrite, d'hypertension ou autres - , au lieu de les encourager à faire oeuvre de pionnier pour certaines maladies dont le traitement est très difficile. Je pense, par exemple, à la santé mentale ou aux domaines que j'ai cités dans mon exposé, par exemple la recherche d'un vaccin contre le sida. Dans ce dernier cas, la plupart des utilisateurs d'un pareil vaccin sont des victimes du sida dans le tiers monde, et quant aux médicaments pour traiter les malades mentaux, il s'agit souvent de gens qui sont pauvres et ne sont pas en mesure de les acheter.
Il ne s'agit nullement d'empêcher les sociétés pharmaceutiques de réaliser des bénéfices ou de recouvrer leurs coûts, mais nous essayons de vous amener à mettre en place un système qui encourage les sociétés pharmaceutiques à explorer certaines des thérapies innovatrices qui, comme vous le disiez, amèneraient des changements profonds à notre système de soins de santé. C'est exactement l'inverse que fait la loi actuelle.
Le président: Je vous remercie.
Je vais maintenant donner la parole à M. Mayfield.
M. Philip Mayfield: Je vous remercie.
Si vous le permettez, je voudrais revenir sur certains des commentaires que vous venez de faire.
Pour en rester à la question des prix, on nous a dit, me semble-t-il, que le prix des médicaments brevetés avait diminué, en fait, depuis 1992, ce que vous contestez. M. Chisholm disait en effet, je crois, que les prix avaient flambé, et il semblerait qu'ils aient augmenté. Si l'on fait la distinction du coût et du prix, toutefois, le consommateur paye en réalité moins pour ses médicaments et le système de concurrence a, semble-t-il, donné de meilleurs résultats que le contrôle des prix. On nous a dit que si nous en revenions au contrôle, nous pouvions nous attendre à ce que les prix augmentent.
Avez-vous réfléchi à la documentation qui nous a été donnée sur ce sujet?
Mme Chin-Yee: Ce qu'il convient de considérer ici, c'est si nous examinons cette question d'un point de vue purement canadien, ou international. La comparaison entre les pays de l'OCDE, au nombre de 23, dont le Canada, fait apparaître que notre pays ne se classe pas bien - au même rang que l'Italie, si je ne me trompe - quant au coût des médicaments d'ordonnance. Nous devons donc savoir au juste à quoi nous voulons nous comparer.
Il faut bien reconnaître que si vous examinez les budgets des divers ministères de la Santé de notre pays, vous constaterez que c'est l'augmentation du coût des produits pharmaceutiques, tant ceux payés par les contribuables que par les particuliers, qui est l'élément à avoir connu une croissance exponentielle dans le budget santé. C'est un fait que vous constaterez dans tout le pays.
Si vous comparez le prix d'un médicament à celui d'un autre, vous examinez la question sous l'angle de la micro-gestion au lieu de l'examiner sous l'angle de la macrogestion. Confondre les deux nous entraîne vraiment dans les plus grandes difficultés, car nous risquons de démolir l'excellent régime que nous connaissons et que nous pourrions encore améliorer. Il faut donc poser les bonnes questions, et examiner de près les réponses qu'on vous donne.
M. Chisholm: Ce que nous a dit, sur les prix et les coûts, la Coalition canadienne de la santé et d'autres encore, est fort instructif.
Tout récemment, le ministère de la Santé de Nouvelle-Écosse a fait un exposé à notre Comité des comptes publics sur la question du programme d'assurance-médicaments. Le contrôle des prix lui cause des difficultés considérables, l'un des facteurs étant l'augmentation de l'utilisation de médicaments nouveaux et plus coûteux, qui sont mis sur le marché. Ce ministère fait certainement tout son possible pour réglementer l'utilisation de ce genre de médicaments à l'aide de nouveaux formulaires, mais il constate que ceux-ci constituent l'un des facteurs principaux de gonflement des coûts des médicaments en Nouvelle-Écosse.
M. Philip Mayfield: On nous demande de diminuer la période de protection des brevets, ce qui ne laisse pas de m'inquiéter. Selon moi, si une société a dépensé trois quarts d'un milliard de dollars pour mettre au point un médicament, et si on lui permet de l'exploiter pendant quatre ans au lieu de dix, elle sera tentée d'augmenter considérablement le prix de ce médicament au cours de la protection de quatre ans. Je sais, par exemple, que lorsque de nouveaux médicaments ont été découverts pour traiter le sida, on s'est plaint vivement que ceux qui en avaient besoin ne pouvaient se les permettre. Si on abrège encore la période, autant tout au moins que vous le demandez, nous risquons non pas de faire baisser les prix, mais au contraire de les faire augmenter considérablement. Qu'en pensez-vous?
M. Chisholm: Il y a une remarque que je voudrais faire, si vous le permettez: pour traiter de toute cette question, on a choisi le Comité de l'industrie. Je n'ai pas saisi le nom de la personne qui a posé la question, mais ce qui la préoccupe, c'est que les sociétés pharmaceutiques touchent des bénéfices suffisants. Ce qui nous préoccupe nous, c'est de contrôler les coûts de ces produits, pour le plus grand bienfait de tous les Canadiens. Nous voyons là la question sous deux angles totalement différents, et je m'inquiète beaucoup de la perspective de certains dans leurs questions.
J'ai passé en revue certains exposés des années 60 et 70 et cet argument selon lequel les compagnies pharmaceutiques n'ont pas suffisamment de revenus et doivent être en mesure de demander des prix plus élevés afin de mener à bien leurs recherches ne s'est pas avéré. Comme le disait Fiona, nous ne nous comparons pas très bien aux autres pays de l'OCDE pour ce qui est de l'investissement dans la recherche pharmaceutique.
Quelqu'un d'autre veut-il parler?
M. Peters: J'aimerais ajouter quelque chose. Je comprends la question, puisque c'est bien quelque chose dont il faut tenir compte, mais ne nous leurrons pas. Nous tous, les Canadiens, payons une bonne part de la recherche et du développement à cause des lois fiscales qui permettent des déductions considérables. En fait, les sommes consacrées par une compagnie pharmaceutique à la recherche et au développement peuvent représenter un coût minime pour la compagnie, si l'on tient compte des déductions. À la personne qui a posé la question, je réponds qu'il ne faut pas se laisser berner par la propagande des compagnie pharmaceutiques.
Nous nous souvenons tous que lorsque le projet de loi C-91 a été adopté, on a promis la création de milliers d'emplois, surtout au Québec. La promesse n'a pas été tenue. En fait, il y a même eu une réduction des emplois dans le secteur pharmaceutique au Canada, parce que de grosses entreprises se sont fusionnées ou ont racheté de plus petites compagnies, éliminant en chemin des emplois au Canada.
Votre question vaut la peine d'être posée, mais il faut voir réalistement ce qui se passe vraiment au Canada.
M. Slaney: J'ai autre chose à dire, si vous le permettez.
Nous parlons de monopoles. On m'a appris que les monopoles étaient inconstitutionnels ou illégaux au Canada. Je pense que c'est aussi une question pertinente.
Le président: M. Mayfield peut poser une autre question.
M. Philip Mayfield: Merci beaucoup.
Un autre commentaire a été formulé au sujet de l'injonction de trois mois qui s'ajoute aux20 années. J'ai déjà entendu cela auparavant et j'en ai été préoccupé, parce qu'il me semble que cela va à l'encontre de la Loi sur les brevets, au sujet de la protection de 20 ans.
D'après mes recherches, il peut y avoir une injonction de 30 mois, qui se terminerait après20 ans.
Avez-vous fait des recherches à ce sujet? On dit des choses, parfois, qu'on a entendues de quelqu'un d'autre, sans avoir vraiment étudié les faits. Avez-vous fait de la recherche sur le sujet et trouvé quels étaient les faits?
Mme Chin-Yee: En fait, ce n'est pas moi qui ai fait la recherche. Elle a été menée par Robert Evans, un économiste de la santé qui a écrit un document d'information pour le Forum canadien sur la santé. D'autres économistes de la santé ont fait ce travail.
L'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques, représentant les compagnies de médicaments génériques, est particulièrement préoccupée par cette question. D'après ce que j'ai lu, la période de 30 mois s'ajoute parce que dans le cadre du processus réglementaire, lorsqu'une compagnie de produits génériques fait une demande pour copier un médicament, la société pharmaceutique qui détient le brevet peut s'y opposer, si elle le veut. Il y a alors une suspension qui dure quelques mois, jusqu'à ce qu'il y ait une audience. Au total, on peut arriver à une période de protection supplémentaire de 30 mois.
Cela fait partie du processus réglementaire qui découle de cette loi et de la précédente. En fait, cette période de 30 mois existe. Nous n'en verrons vraiment les effets, toutefois, qu'au début du prochain siècle. Cette loi est en vigueur depuis six ans. Certains médicaments ont été mis au point avant l'entrée en vigueur de la loi et commencent à être copiés par les fabricants de produits génériques.
Dans deux ou trois ans, probablement de 1999 à 2005, il sera de plus en plus difficile de copier des médicaments, simplement parce que la loi commencera à faire sentir ses effets. Il y a eu un décalage, qui commence à se résorber. Nous ne verrons vraiment les effets de cette période de30 mois qu'à la fin de siècle ou au début du prochain.
Il faut bien entendu faire les calculs et les études avec beaucoup de sérieux.
Le président: Merci à M. Mayfield et aux témoins.
Je donne maintenant la parole à M. Bodnar.
M. Morris Bodnar (Saskatoon - Dundurn, Lib.): Merci, monsieur le président.
Tous vos exposés sont très intéressants. J'aimerais maintenant revenir à certains commentaires formulés par M. Chisholm.
Je comprends votre intérêt pour la question, étant donné votre orientation politique. Je suis ravi de constater votre intérêt, puisque vos homologues fédéraux du Parti néo-démocrate n'ont manifesté aucun intérêt pour cette question et n'ont jamais comparu devant le comité ni participé à ses délibérations sur le projet de loi C-91.
Vous avez parlé de choses comme la montée en flèche des prix des médicaments prescrits. Je comprends vos commentaires. Je ne dis pas que je suis d'accord avec vous, ni le contraire, parce que vous avez parlé de médicaments prescrits, sans distinguer entre les médicaments génériques et les médicaments brevetés, qui sont tous, de toute façon des médicaments prescrits.
S'il y a un problème avec ces médicaments dont le prix monte et monte trop... Je vous signale, monsieur Chisholm, que votre commentaire sur le prix trop élevé des médicaments m'a déjà été fait par vos homologues néo-démocrates, en Saskatchewan. Je leur ai répondu que si les prix étaient trop élevés, ils pourraient très bien mettre sur pied leur propre entreprise de fabrication de produits génériques, dans une société d'État, comme à l'Université de la Saskatchewan, pour produire leurs propres médicaments, et en tirer des profits exorbitants qu'ils pourraient réinvestir dans l'enseignement à l'université. Pourquoi pas? Avez-vous déjà fait pression auprès de votre gouvernement provincial, pour faire quelque chose de semblable?
Le président: Monsieur Chisholm.
M. Chisholm: Je ne sais pas s'il convient de répondre à cette question. Permettez-moi de vous dire que les néo-démocrates fédéraux se sont certainement prononcés sur la question, et qu'ils aient décidé ou non de comparaître devant le Comité de l'industrie à ce sujet... Je suis ici pour représenter les néo-démocrates de Nouvelle-Écosse, de même que ces gens sont ici pour représenter des milliers ou des centaines de milliers de Néo-Écossais, y compris des néo-démocrates membres du parti fédéral.
Que voulez-vous que je vous dise? Au sujet de la hausse des prix, nous sommes devant un projet de loi inacceptable, étant donné ce qui s'est passé dans les soins de santé au Canada. Je crois que votre comité et vous-même, en tant qu'adjoint parlementaire du ministre de la Santé, devriez donner votre plein appui à la Coalition canadienne pour la santé et d'autres qui s'efforcent de mettre un frein à ce qui revient à donner aux multinationales pharmaceutiques la liberté d'imprimer de l'argent.
Dans le but de protéger l'intégrité du régime de soins de santé au Canada, vous et votre ministre devriez être les premiers à vous opposer à cette loi et à s'assurer que ces modifications sont adoptées.
Si je ne prenais qu'une seconde, une seule seconde pour répondre à votre question sur la Saskatchewan et sur la création d'une compagnie semblable, je m'écarterais de la question qui nous intéresse: nous avons là un mauvais projet de loi. Il faut le modifier. Il faut freiner ce qui revient à sanctionner l'usure, mieux contrôler le régime de soins de santé et le développer à l'avantage de tous les Canadiens.
M. Morris Bodnar: Monsieur Chisholm, il est toujours intéressant de vous écouter parler des médicaments. Vous dites que ma suggestion d'une société d'État, ou quelque chose du genre, s'écarte de la question. Tout ce que je dis, c'est que je voudrais qu'on me propose une solution. Vous pouvez-bien critiquer le système et me dire qu'il nous faut supprimer le projet de loi C-91, mais vous ne m'offrez pas de solution.
Vous pouvez parler des monopoles de l'industrie des médicaments brevetés, les appeler des sociétés multinationales et des monopoles, mais vous n'avez jamais parlé du monopole du secteur des médicaments génériques. J'aimerais trouver une solution qui aidera la population, plutôt que de participer à un débat visant à critiquer le système, sans produire de solution.
Voilà ce que je cherche: une solution à ce problème. L'examen du projet de loi C-91, même s'il en découle des modifications au projet de loi, ne va pas nécessairement rectifier le problème ni faire baisser les prix pour le consommateur.
Laissez-moi vous donner un exemple, un exemple très simple qui se rapporte aux médicaments. Quand le prix d'un médicament augmente, pour le consommateur mais pas pour le fabricant, d'où vient la hausse? Est-ce chez le distributeur ou ailleurs? L'augmentation du prix d'un médicament ne signifie pas nécessairement que c'est le fabricant qui en profite.
Voilà un aspect de la question et je peux vous dire, d'après mon expérience, que les frais de distribution tournent autour de 25 p. 100.
Je cherche des solutions. J'entends vos critiques, mais pas vos propositions. Sauf votre respect, monsieur Chisholm, vous ne faites que de la rhétorique politique.
M. Chisholm: Permettez-moi de répliquer.
Nous sommes ici pour parler du projet de loi C-91. Si je pensais venir présenter un mémoire au ministre de la Santé sur la façon de régler l'ensemble des problèmes du secteur de la santé, je lui conseillerais, pour commencer, de lire le rapport du Forum national sur la santé.
Cela dit, pourquoi ne pas songer, par exemple, à ce qu'a fait le gouvernement de la Colombie-Britannique, avec les prix de référence? Voilà une proposition faites par la Coalition canadienne de la santé comme piste, comme stratégie, comme solution à ce problème.
Pourquoi le gouvernement fédéral n'investirait-il pas dans le Conseil national de recherches, par exemple, pour qu'il consacre une partie de ses efforts et de ses considérables compétences à la mise au point de nouveaux médicaments pour l'avenir, afin de régler certains problèmes?
Sauf votre respect, je pense que nous avons des solutions. Pour commencer, il faut modifier le projet de loi C-91, selon les recommandations de la Coalition canadienne de la santé.
M. Morris Bodnar: Permettez-moi de suggérer une autre...
Le président: Je m'excuse, monsieur Bodnar...
M. Morris Bodnar: Puis-je poser une dernière question?
Le président: Je vais vous donner du temps, mais d'autres personnes veulent intervenir.
Est-ce que quelqu'un d'autre voulait parler de ce sujet?
M. Peters: Oui. Je veux dire que je ne suis pas venu ici pour m'attaquer à l'industrie pharmaceutique. Elle est importante pour la fabrication des médicaments. Mais nous semblons perdre de vue... Je comprends ces questions, mais a-t-on pensé aux consommateurs de médicaments, à ceux qui doivent payer des frais d'utilisation, aux aînés et aux groupes de gens à faible revenu? Il faut aussi penser à eux.
Au sujet du secteur pharmaceutique, le rendement moyen de l'investissement y est trois fois plus élevé que dans le secteur manufacturier au Canada. Il semble y avoir un peu d'excès. Ces entreprises ont les moyens juridiques de prolonger la protection qui leur est accordée par brevet, par exemple en traînant en cour les fabricants de médicaments génériques. Elles semblent être bien protégées, et d'après ce que j'entends, elles semblent avoir de nombreux défenseurs à Ottawa. Mais qui est là pour défendre les Canadiens ordinaires?
Dans ma province, où les personnes âgées doivent payer 20 p. 100 du coût des médicaments prescrits au moment de l'achat, certains doivent retarder l'achat de médicaments, et certains vont même jusqu'à ne pas s'en procurer du tout. Il y a même des cas où des personnes partagent des médicaments, ce qui n'est certainement pas sain non plus.
Il faut arriver à un équilibre. En ce moment, la balance semble pencher du côté des grandes sociétés pharmaceutiques, qui font des profits au Canada, pour les dépenser à l'étranger. Certaines de ces compagnies sont américaines. Il faut que cet argent soit réinvesti au Canada.
De toute évidence, ils n'ont pas tenu leur promesse de créer des emplois dans la recherche et le développement. C'est ce que démontrent les statistiques. En quoi est-ce que cela nous préoccupe? En quoi est-ce que cela préoccupe le dernier intervenant? Il me semble, d'après ses questions, qu'il souhaite protéger les fabricants de médicaments. Il faut protéger ces fabricants, bien sûr, mais pour avoir un système équilibré, il faut également protéger les Canadiens.
Le président: Merci beaucoup. C'est un bon argument.
Fiona, vous vouliez faire un dernier commentaire à ce sujet? Ensuite, M. Bodnar posera une dernière question.
Mme Chin-Yee: Deux choses. Ce qu'il faut, c'est chercher des solutions. Mais la solution proposée consistait à ce que chaque province, donc dix provinces et peut-être aussi trois territoires, créent leurs propres petites sociétés d'État qui fabriquent les médicaments nécessaires à leurs citoyens. Nous comprenons le principe des compétences fondamentales. Au Canada, ces compétences fondamentales en R-D à l'égard de nouveaux médicaments sont situées à Mississauga et aussi à Laval, en banlieue de Montréal. On ne saurait proposer que de petites sociétés soient créées pour fabriquer un médicament alors qu'il en faut en fait des centaines. C'est une solution simpliste qui n'a pas beaucoup de valeur.
Deuxièmement, il faut savoir où chercher les solutions. Au Canada, on a généralement tendance à chercher les solutions chez nos voisins du Sud. Ce n'est pas là que nous trouverons les solutions. L'OCDE, par contre, compte 23 autres pays. Par exemple, Arthur Stewart, économiste de la santé à l'Université Queen's, a rédigé un document intitulé Crossing the Rubicon, dont vous avez sans doute copie. Il dit dans ce document que d'après les études réalisées par l'OCDE sur les réformes de régimes de soins de santé, l'existence d'un payeur unique favorise le contrôle des prix.
Donc, si nous envisageons une grande réforme des soins de santé en vue de limiter les coûts des produits pharmaceutiques, il faut examiner ce qu'a produit le forum national, c'est-à-dire un régime à payeur unique pour les médicaments d'ordonnance au Canada. Ensuite, nous pourrons envisager de mettre en place des mécanismes pour limiter les prix.
En Allemagne, on contrôle directement le remboursement des produits pharmaceutiques. Dans ce pays, où on trouve un grand nombre de sièges sociaux de fabricants de médicaments, on n'a aucune difficulté à influer sur le prix des produits pharmaceutiques. En Grande-Bretagne et en France, on examine tout le régime des ordonnances et de l'éducation, ce que nous avons déjà fait.
Il y a donc 23 régimes différents que nous pourrions étudier. Ce pourrait être un point de départ. Vos attachés de recherche et votre greffière devraient examiner quels mécanismes donnent de bons résultats dans d'autres pays occidentaux. Dans certains de ces pays, on ne trouve pas la même paranoïa qu'aux États-Unis quant au contrôle de l'industrie pharmaceutique. Des solutions, il y en a. Ce qu'il faut, c'est les chercher et examiner des solutions sensées.
Le président: Merci.
M. Bodnar posera une dernière question.
M. Morris Bodnar: Merci, monsieur le président.
Pour répondre à ce que disait M. Peters, mes questions ne démontrent pas un penchant pour l'industrie pharmaceutique. Je croyais être celui qui proposait des solutions pour protéger les consommateurs. Je n'ai pas dit qu'il fallait écarter les solutions qui pourraient nuire aux fabricants de médicaments. Ce que nous voulons, ce sont des critiques constructives. Nous voulons nous assurer de trouver la meilleure solution possible pour les consommateurs canadiens, car ce sont ces consommateurs qui en fin de compte paient la facture. D'ailleurs, nous en faisons partie vous et moi.
Ma dernière question porte sur le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. Comme vous le savez, la compétence fédérale ne s'applique qu'aux médicaments brevetés. Les médicaments brevetés ne représentent qu'une mince fraction, toutes proportions gardées, du coût total des médicaments consommés par le public canadien, alors que les médicaments génériques en représentent une vaste part. Convenez-vous avec moi que les provinces devraient déléguer au gouvernement fédéral l'établissement du prix des médicaments génériques de façon à ce que le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés puisse également examiner les prix de ces médicaments?
Le président: Quelqu'un a-t-il une opinion à ce sujet?
Mme Chin-Yee: Oui. J'en conviens volontiers avec vous. Il faudrait examiner le prix de tous les médicaments nécessaires à la santé des Canadiens.
Il faudrait toutefois examiner rigoureusement les règlements appliqués par le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés et s'assurer que les comparaisons sont établies en fonction de chiffres provenant de l'OCDE, au lieu de ceux provenant de cinq pays comme c'est actuellement le cas.
Il faut donc étendre la portée des comparaisons et situer celles-ci par rapport à l'ensemble du système. Ce sera très intéressant de voir la réaction du conseil quant à la possibilité d'établir un programme national d'assurance-médicaments et de voir quelles seront à leur avis les conséquences pour le système. Mais vous avez raison, il ne faut pas limiter l'examen aux médicaments brevetés, mais l'appliquer aussi à tous les médicaments nécessaires.
Le président: Je tiens à remercier les témoins. Nous avons entendu de très bons témoignages. Vous avez exprimé vos convictions avec ferveur.
Je sais que cette technologie peut paraître un peu étrange, mais nous sommes bien décidés à entendre les 150 témoins de toutes les régions du pays qui ont demandé à être entendus.
Je tiens à remercier plus particulièrement M. Slaney, du Cap Breton. Au nom de tous les membres du comité, je le remercie de s'être rendu à Halifax pour venir nous aider.
Nous étudierons très sérieusement vos opinions. Vous avez démontré que lorsque vos opinions sont mises en doute, comme cela a été le cas avec M. Bodnar, vous êtes prêts à les défendre, et c'est très important pour nous.
C'est ainsi que se termine notre séance. Si vous avez d'autres choses à ajouter à votre témoignage, écrivez-nous à la Chambre des communes. Avant de terminer nos délibérations, nous étudierons toutes les notes supplémentaires qui nous seront ainsi parvenues. Merci.
La séance est levée. Nous nous réunirons à nouveau cet après-midi, à 15 h 30, dans la même salle.