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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 18 mars 1997

.1914

[Traduction]

Le président (M. David Walker (Winnipeg-Nord-Centre, Lib.)): Bonsoir, mesdames et messieurs. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, l'examen par le comité de l'article 14 de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets (Chapitre 2, Lois du Canada 1993), va maintenant reprendre avec une table ronde réunissant divers groupes de la Saskatchewan.

J'aimerais, au nom du Comité de l'industrie, vous souhaiter à tous la bienvenue ici ce soir. Conformément à notre façon de procéder habituelle, nous allons demander à chacun des représentants, en commençant par Ann Smart de la Coalition de la santé de la Saskatchewan, de nous exposer brièvement, en l'espace de peut-être cinq minutes environ, leurs idées principales. Une fois les exposés terminés, nous passerons à l'étape de la table ronde au cours de laquelle les membres du comité formuleront des observations et vous poseront des questions. J'ai bien hâte à cette discussion.

Encore une fois, donc, bienvenue. La parole est maintenant à Ann Smart.

Mme Ann Smart (Coalition de la santé de la Saskatchewan): Merci.

Comme vous le savez sans doute, la Coalition de la santé de la Saskatchewan est affiliée à la Coalition canadienne de la santé. Notre organisation a été créée dans le but de protéger et d'améliorer le régime d'assurance soins médicaux, qui a pris naissance en Saskatchewan et dont jouissent aujourd'hui tous les Canadiens.

.1915

Les cinq principes sur lesquels repose le régime d'assurance soins médicaux sont l'universalité, l'accessibilité, la transférabilité entre les provinces et les territoires, la couverture exhaustive et l'administration publique sans but lucratif. C'est sur ces principes que nous appuyons notre travail, et ce sont ces principes qui sont la raison pour laquelle nous avons demandé de comparaître devant le comité aujourd'hui.

La plupart des Canadiens conviennent que les soins de santé sont un service essentiel pour les gens et non pas une simple commodité. L'accès aux médicaments est de plus en plus la pierre angulaire en matière de soins pour les malades. La valeur des médicaments se trouve par exemple reflétée dans le nombre de produits qui sont aujourd'hui mis à la disposition des personnes souffrant de maladies mentales. Je suis certaine que vous tous savez que c'est grâce à la disponibilité de ces médicaments que l'on a pu fermer des établissements de soins de santé mentale, privilégiant le maintien chez elles des personnes atteintes de troubles mentaux lorsque cela est possible. Cette décision a eu une très forte incidence non seulement sur ces personnes mais également sur leur famille et leur communauté. Le recours aux produits pharmaceutiques pour stabiliser la santé est un phénomène de la médecine moderne. C'est dans ce contexte que nous comptons aborder l'examen en cours du projet de loi C-91.

Ceux qui perçoivent les produits pharmaceutiques comme étant tout simplement une autre commodité voudront aborder la question dans la perspective très étroite de la législation en matière de brevets, mais même les partisans de cette position doivent reconnaître que la protection des brevets avait au départ été conçue dans le but d'équilibrer les droits de l'inventeur et les besoins du grand public. En tant que groupe de Canadiens intéressés par la question, nous représentons ce grand public. Cette base historique suffit pour justifier un examen plus large de la question des brevets dans le domaine médical.

D'importants changements dans notre système de soins de santé sont en train de s'opérer partout dans le pays, comme vous le savez tous. Deux forces sont à l'origine de ces transformations: premièrement, le désir d'améliorer le système et, deuxièmement, le désir d'économiser de l'argent. L'accès à des médicaments sur ordonnance sûrs et appropriés peut être perçu comme une amélioration. D'un autre côté, ces coûts doivent être contrôlés et des systèmes de reddition de comptes mis en place.

Le comité ici réuni doit se pencher sur le fait que le coût des médicaments sur ordonnance est le seul élément du système de soins de santé qui demeure incontrôlé. À l'heure actuelle, le secteur des soins de santé consacre 12,7 p. 100 de son budget aux médicaments, soit une hausse de 9 p. 100 entre 1984 et 1994. En même temps, les dépenses au titre des hôpitaux ainsi que des médecins ont reculé. Du point de vue du consommateur, l'augmentation des coûts des médicaments est grave; 15 p. 100 des Canadiens n'ont pas d'assurance-médicaments et bien plus encore n'ont qu'une assurance minimale. La situation varie énormément d'une province à l'autre.

Tant qu'une personne est à l'hôpital, le coût de ces médicaments est couvert par le gouvernement à l'heure actuelle, mais la nouvelle tendance vers le renvoi précoce à la maison des patients en soins actifs signifie que les coûts des produits pharmaceutiques sont de plus en plus à la charge des intéressés et de leur famille, ce qui constitue de nouveaux frais d'utilisateur et nous pousse manifestement vers un système de soins de santé à deux paliers. Les produits pharmaceutiques de marque protégés par un brevet nous coûtent en moyenne 50 à 60 p. 100 de plus que leurs équivalents génériques. L'actuelle période de protection de brevet de 12 ans est telle que des milliards de dollars supplémentaires devront être dépensés au titre des soins de santé d'ici l'an 2000. Le gouvernement fédéral détient à lui seul le pouvoir de contrôler le coût de nos médicaments. Il pourrait commencer par annuler la période de protection par brevet de 20 ans présentement accordée aux sociétés pharmaceutiques.

Nous sommes d'accord avec le Forum national sur la santé lorsqu'il dit que le public canadien reconnaît que l'objet du projet de loi C-91, comme c'est le cas de toute loi en matière de brevets, est de limiter la concurrence et de faire augmenter les prix et les profits de l'industrie, contribuant ainsi à l'escalade générale des coûts des soins de santé au Canada. Nous ne sommes pas de l'avis du ministre de l'Industrie selon lequel le gouvernement fédéral est tenu, en vertu d'ententes commerciales internationales, de ne pas réduire la période de protection conférée par brevet. Nous disons que cette position est lâche, que c'est une excuse pour se plier au puissant lobby monté par l'Association canadienne de l'industrie du médicament.

Nous attirons votre attention sur le paragraphe 1709(2) de l'ALENA et le paragraphe 27(2) du Code de l'OMC sur la propriété intellectuelle touchant le commerce, qui autorisent tous deux un pays à exclure des articles du brevetage si cela est nécessaire pour protéger l'ordre public. D'après ce que nous avons compris, il s'agit là d'un terme de droit international qui renvoie à la capacité d'un gouvernement de prendre des mesures pour le bien du public. Les soins de santé servent assurément le bien public.

Le Comité d'examen parlementaire fait bien sûr partie du gouvernement canadien. Vous êtes habilités à affirmer le droit du Canada de contrôler nos lois en matière de brevets pour notre bien commun à tous. Nous vous exhortons à ne pas nier la réalité que les médicaments sont un élément essentiel de notre système de soins de santé et qu'en tant que tel ils sont bien plus que de simples commodités vendues sur le marché. Les Canadiens de partout doivent savoir que lorsque nous sommes malades, nous avons accès à des médicaments sûrs, quelle que soit notre capacité de payer. Il nous faut savoir que cet accès est garanti où que nous vivions, que cela ne dépend pas du bon vouloir des compagnies d'assurances privées, et que les médicaments ont été suffisamment éprouvés et contrôlés par l'administration publique.

.1920

Par conséquent, nous appuyons la position adoptée par la Coalition canadienne de la santé, soit que le comité doit soumettre au gouvernement fédéral des recommandations veillant à ce que les médicaments génériques arrivent rapidement sur le marché, ce en autorisant l'octroi de licences obligatoires après quatre années de protection de brevet exclusive.

Nous vous demandons de recommander la création d'un régime national universel d'assurance-médicaments, de recommander le contrôle des prix pour tous les médicaments, y compris les produits génériques, par le biais d'imposition de prix de référence, et de recommander que des ressources publiques suffisantes soient consacrées au financement de la recherche publique fondamentale, que la qualité et l'efficacité des travaux de recherche privés soient contrôlées et que le processus d'homologation des médicaments soit rendu sûr et transparent grâce à l'établissement d'un nouveau mandat pour la Direction générale de la protection de la santé, mandat exigeant d'elle qu'elle élabore des normes et des règles plus strictes.

Merci de nous avoir donné l'occasion de nous faire entendre.

Le président: Merci d'avoir été si directe, madame Smart. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Nous allons maintenant entendre l'intervenant suivant, M. Peterson. Bienvenue.

M. Warren Peterson (membre du conseil d'administration, Clinique communautaire de Saskatoon): Merci.

Le président: Vous représentez la Clinique communautaire de Saskatoon.

M. Peterson: C'est exact. Je suis également président de la Fédération des cliniques communautaires de la Saskatchewan, qui sont au nombre de cinq.

Le président: Merci.

M. Peterson: La Clinique communautaire de Saskatoon a été créée en 1962 et elle est née de la loi saskatchewannaise sur les soins médicaux et de la grève des médecins qui s'en est ensuivie. Elle regroupe plus de 20 000 membres et assure chaque année plus de 36 000 visites.

La Clinique communautaire de Saskatoon et les autres cliniques communautaires de la Saskatchewan sont des organisations coopératives de soins de santé primaires gouvernées par leurs membres et qui assurent des services multiples communautaires en faisant appel à des travailleurs de la santé salariés, dont des médecins, qui travaillent dans le cadre d'équipes multidisciplinaires. Ensemble, elles servent quelque 80 000 résidants de la Saskatchewan.

Si je vous dis tout cela, c'est que toute réforme de notre système de distribution de médicaments doit être intégrée dans le système de soins de santé dans son entier, et tout particulièrement dans l'élément soins primaires. La grande majorité de la documentation, y compris celle émanant des comités consultatifs fédéraux, territoriaux et provinciaux sur la réforme des soins de santé et du Forum national sur la santé, appuie le recours à des centres de soins de santé primaires communautaires comme le nôtre comme étant un élément important de toute réforme des soins de santé.

Nous souscrivons aux positions adoptées par la Coalition canadienne de la santé relativement à la réforme visant les médicaments ainsi qu'à celles du Forum national sur la santé. Plus particulièrement, nous pensons que l'obtention obligatoire de licences devrait être rétablie, que la protection en matière de brevets pour les compagnies pharmaceutiques productrices de produits de marque devrait être réduite et qu'un régime national de produits pharmaceutiques devrait être mis en place par étapes par le gouvernement fédéral, en collaboration avec les territoires et provinces.

Dans le cadre d'un tel régime, nous serions également favorables à la création d'une organisation suffisamment dotée et qui fonctionne à distance et du gouvernement et d'intérêts privés et dont la tâche serait de promouvoir la recherche et le développement dans le domaine pharmaceutique, ce afin de servir l'intérêt public ainsi que celui d'une population en santé.

Vous constaterez que les centres de soins de santé coopératifs s'intéressent à la santé de la population et à la promotion de la santé.

L'un des principes qui sous-tendent la Loi canadienne sur la santé est que les services médicalement nécessaires soient à la disposition de tous selon le besoin et non pas selon la capacité de payer. Il est incontestable que les produits pharmaceutiques sont médicalement nécessaires et qu'ils devraient par conséquent être couverts par un régime national. Les produits pharmaceutiques ne sont en effet pas une simple commodité, et les juristes experts en la matière maintiennent qu'un tel régime devrait être établi pour au moins trois motifs.

Au fur et à mesure qu'augmentent les disparités entre les différents niveaux de revenu, il a été prouvé que la santé de la population va reculant. Pour une multitude de raisons, les disparités sur le plan revenu au Canada, et en fait partout, sont à la hausse. Le coût des régimes d'assurance privés allant en augmentant, parce que la plupart d'entre eux sont liés à l'emploi et parce que le prix de lancement des nouveaux médicaments est élevé, les personnes à faibles revenus, souffrant de maladies chroniques, âgées et handicapées sont de moins en moins en mesure de se payer les médicaments dont elles ont besoin pour maintenir leur santé. Par conséquent, les patients sont de moins en moins en mesure de faire remplir leurs ordonnances et de suivre les recommandations données pour leur utilisation. Ces personnes voient leur état de santé se détériorer.

Il incombe aux gouvernements d'équilibrer privilège privé et bien collectif. La protection conférée par les brevets est un instrument que peuvent utiliser à cette fin les pouvoirs publics.

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Il nous faut décider du genre de société que nous voulons. Si vous croyez qu'une société est normalement et naturellement caractérisée par d'importantes différences entre les quelques rares privilégiés et les masses sans privilèges et, partant, qu'une population moins en santé est un petit prix à payer pour avoir une telle société, alors vous maintiendrez qu'il faut assurer aux compagnies pharmaceutiques une protection par brevet d'au moins 20 ans.

Si vous pensez au contraire qu'une société mérite, par le biais d'efforts collectifs et de responsabilités individuelles, de s'occuper de ses citoyens et de promouvoir le bien-être de ses membres, alors vous réduirez la durée de protection des brevets, établirez un système de contrôle des prix pour tous les médicaments, y compris les produits génériques, créerez de bons programmes de recherche médicale et pharmaceutique axés sur la prise de bonnes décisions politiques et prendrez avec les provinces et territoires des mesures devant déboucher sur un régime national d'assurance-médicaments.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Peterson, pour une vue d'ensemble très claire des valeurs qui interviennent dans notre discussion.

Madame Smart, à qui la parole maintenant?

Mme Smart: Marjorie Willson, du Saskatchewan Seniors Mechanism.

Mme Marjorie Willson (présidente, Saskatchewan Seniors Mechanism): Je m'appelle Marjorie Willson, et je suis présidente du Saskatchewan Seniors Mechanism. Comme je l'explique dans notre mémoire, notre groupe représente quelque 12 organisations municipales ou provinciales de personnes âgées. Nous représentons quelque 80 000 aînés en Saskatchewan.

Nous tenons à souligner que le nombre des personnes âgées va croissant. En Saskatchewan, nous comptons pour 15 p. 100 de la population à l'heure actuelle, et la proportion passera à 25 p. 100 ou plus d'ici l'an 2031. Les personnes du troisième âge consomment environ 40 p. 100 de tous les médicaments vendus. Cela signifie que les aînés subissent beaucoup plus que tout autre groupe les coûts élevés des nouveaux produits qui arrivent sur le marché. C'est là une chose que nous tenions à souligner: dans le cas de la plupart des personnes du troisième âge, ce sont elles qui paient le coût de ces médicaments.

Ce ne sont pas uniquement les nouveaux médicaments qui coûtent cher; le prix de tous les médicaments est en train d'augmenter. Cela préoccupe beaucoup les personnes âgées. Cela signifie souvent pour elles qu'il leur faut choisir entre acheter des médicaments pour lesquels leur médecin leur a fait une ordonnance ou de la nourriture. Il s'agit là, bien sûr, pour n'importe qui, d'un choix plutôt difficile.

Pour mieux cerner le problème, sachez que le coût de certains médicaments a augmenté de plus de 80 p. 100 au cours des six dernières années. Cela est énorme. Lorsqu'une personne a un revenu fixe, que ce revenu est en train d'être grugé et qu'une prestation de 120 $ par an lui est offerte, cela ne va pas changer grand-chose.

J'aimerais vous parler d'un médicament qui a été utilisé en Saskatchewan, l'énalapril. Il s'agit d'un médicament qui était limite et il a fallu faire une étude. La question était de savoir s'il allait falloir le rendre disponible ou pas. Les choses ont été retardées pendant deux ans. Pendant cet intervalle, la province a économisé 2 millions de dollars car c'était le prix original, et non pas le nouveau prix.

La protection conférée par les brevets est donc en train de faire de beaucoup augmenter les coûts. Nous pensons que si le projet de loi C-91 n'est pas révoqué, alors le gouvernement du Canada a pour responsabilité envers le public de contrer les effets néfastes de l'augmentation des coûts des produits pharmaceutiques.

La période de protection des brevets ne sert qu'à enrichir les sociétés pharmaceutiques. Le taux de rendement moyen - avant impôt - est de 29,6 p. 100 pour le secteur pharmaceutique alors qu'il a été en moyenne de 10,7 p. 100 pour les autres industries dans le même intervalle. C'est une différence considérable.

On nous avait également promis qu'une fois le projet de loi adopté, il y aurait de la recherche dans les universités. Souvent, la recherche se résume à des essais cliniques qui sont effectués en milieu hospitalier, au lieu que ce soit de la recherche fondamentale. Nous nous demandons si c'est la bonne façon de procéder.

.1930

C'est la même chose en ce qui concerne le nombre d'emplois, comme nous le mentionnons dans notre texte. Nous parlons de personnes âgées qui vivent en dessous du seuil de la pauvreté. C'est le cas de nombre d'entre elles. Le coût que subissent ces personnes, tant en argent qu'en angoisse, est énorme.

L'on sait que le Parti libéral s'était opposé au projet de loi lorsqu'il était du côté de l'opposition. Nous nous demandons si cet examen de 1997 est une occasion de corriger les conséquences catastrophiques qu'a eues le projet de loi sur les personnes âgées.

J'aimerais réitérer les cinq points que quelqu'un d'autre a mentionnés ici. Voici donc ce qu'il faut pour améliorer les choses: établir un régime d'assurance-médicaments pour les Canadiens, veiller à ce que des médicaments génériques meilleur marché soient disponibles rapidement sur le marché, contrôler la qualité et l'efficacité de la recherche, faire en sorte que le processus d'homologation des médicaments soit sûr et transparent, et contrôler les prix de tous les médicaments, y compris les produits génériques.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Willson. Et merci d'être allée, vous aussi, droit au but.

Et maintenant, est-ce le tour de Glen ou de Dale?

M. Glen Makahonuk (président, Syndicat canadien de la fonction publique (division de la Saskatchewan)): C'est Glen.

Le président: Allez-y, Glen.

M. Makahonuk: Je m'appelle Glen Makahonuk, et je suis président de la division de la Saskatchewan du Syndicat canadien de la fonction publique. Le Syndicat canadien de la fonction publique représente à l'échelle du pays quelque 450 000 personnes. La division de la Saskatchewan regroupe quant à elle 20 000 membres qui travaillent dans des hôpitaux, des hospices, des foyers, des universités, des écoles, des bibliothèques, des municipalités et d'autres entités du secteur public. Près de la moitié de nos membres sont des prestateurs des soins de santé.

Nous sommes heureux de l'occasion qui nous est ici donnée de vous exposer nos préoccupations relativement au projet de loi C-91. Au cours des cinq dernières années, les prix des produits pharmaceutiques ont monté en flèche, les travaux de R-D prévus ne se sont pas matérialisés et les compagnies pharmaceutiques ont supprimé des milliers d'emplois.

L'Association canadienne de l'industrie du médicament avait promis des prix stables pour les nouveaux médicaments lors du dépôt du projet de loi C-91. Au lieu de cela, cette loi de monopole axé sur les brevets est venue augmenter le coût des soins de santé.

Le Dr Joel Lexchin pense que le prix des ordonnances pour de nouveaux médicaments brevetés a augmenté au rythme d'environ 13,4 p. 100 par an depuis 1988, comparativement à 7,6 p. 100 pour le prix des médicaments sur ordonnance non brevetés.

Selon des travaux de recherche effectués par la Coalition canadienne de la santé, d'ici l'an 2010, le projet de loi C-91 aura coûté entre 3,6 et 7,3 milliards de dollars aux consommateurs et aux contribuables. Le seul poste de dépenses en matière de soins de santé qui est hors de contrôle est celui des médicaments. À l'échelle nationale, près de 15 p. 100 du budget en matière de soins de santé est consacré à l'achat de médicaments. Un tel niveau n'est pas soutenable à une époque caractérisée par un recul des paiements de transfert pour les soins de santé.

Les fabricants de produits pharmaceutiques de marque ont argué qu'il leur fallait une prolongation de la protection des brevets aux fins de la recherche. Cependant, il a été prouvé que les membres de l'Association de l'industrie du médicament consacrent relativement peu d'argent à la recherche et au développement, soit environ 11 p. 100 des ventes comparativement à une moyenne internationale de 18 p. 100.

Seuls 8 p. 100 des nouveaux produits proposés par l'industrie pharmaceutique étaient des médicaments révolutionnaires, tandis que 49 p. 100 correspondaient à de simples extensions de gammes de produits et 43 p. 100 présentaient peu ou pas du tout d'amélioration par rapport aux produits existants. Au lieu de dépenser plus d'argent au titre de la recherche et du développement, les compagnies pharmaceutiques consacrent environ 1 milliard de dollars par an à la promotion de leurs produits.

Le taux de rendement moyen des capitaux propres avant impôt dans le secteur pharmaceutique entre 1988 et 1995 a été de 29,6 p. 100, comparativement à un taux de rendement moyen pour tous les autres secteurs manufacturiers de 10,7 p. 100.

D'après ce que nous savons, les compagnies pharmaceutiques avaient promis que le projet de loi C-91 allait créer des emplois. Au lieu de cela, ces fabricants de produits pharmaceutiques de marque ont supprimé 2 055 emplois entre 1990 et 1995. Pendant cette même période, les fabricants canadiens de produits pharmaceutiques génériques ont quant à eux créé environ 2 118 emplois.

D'autre part, entre 1989 et 1994, les importations au Canada de produits pharmaceutiques américains ont augmenté de près de 200 p. 100. Selon la U.S. International Trace Commission, le projet de loi C-91 a contribué à un déficit commercial en croissance rapide du côté de l'industrie pharmaceutique.

Nous aurions plusieurs recommandations à vous soumettre, et elles sont semblables à celles présentées par les autres groupes. Nous croyons que le projet de loi C-91 détourne des fonds publics toujours plus rares des services de première ligne au profit de l'enrichissement des multinationales pharmaceutiques. Les fabricants de produits génériques peuvent produire des médicaments meilleur marché que les multinationales et créer en même temps davantage d'emplois. Partant, la loi doit être modifiée.

.1935

Nous exhortons le gouvernement fédéral à adopter le plan à cinq points de la Coalition canadienne de la santé, soit: premièrement, établir un régime d'assurance-médicaments national universel; deuxièmement, veiller à ce que les médicaments génériques arrivent rapidement sur le marché en prévoyant des licences obligatoires après quatre années de protection de brevet exclusive; troisièmement, engager suffisamment de ressources publiques pour contrôler la qualité et l'efficacité et lier les royalties pour les licences obligatoires versées aux détenteurs de brevet aux sommes consacrées à la recherche; quatrièmement, faire en sorte que le processus d'homologation des médicaments soit sûr et transparent; et, cinquièmement, contrôler les prix pour tous les produits pharmaceutiques, y compris les produits génériques.

L'adoption de ces réformes ferait baisser les prix des médicaments et améliorerait la santé des Canadiens. Nous prions instamment le gouvernement fédéral de prendre des mesures pour veiller à ce que les amendements au projet de loi C-91, que je viens de vous présenter, soient adoptés.

Merci beaucoup de nous avoir entendus.

Le président: Merci, Glen, pour votre exposé. Je m'excuse de l'interruption. Cela arrive de temps à autre que nous ayons des difficultés techniques du côté de l'interprétation, auquel cas il nous faut nous arrêter et veiller à ce que chacun entende bien.

Le dernier intervenant est Dale Holmberg, du Conseil de santé du district de Moose Jaw - Thunder Creek. Bienvenue, Dale.

M. Dale Holmberg (membre du Conseil de santé du district de Moose Jaw - Thunder Creek): Merci. Je représente en même temps un certain nombre d'autres organisations, notamment la Banque alimentaire de Moose Jaw et de la région environnante, le CGEU Long-Term Disability Plan, la CGEU Health and Welfare Trust, et la section de Moose Jaw de la Coalition de la santé de la Saskatchewan.

Les députés fédéraux libéraux avaient avancé de puissants arguments contre le projet de loi C-91 lors du débat au Parlement en 1992. Leurs arguments étaient valables à l'époque et peut-être qu'ils le sont encore plus aujourd'hui étant donné ce qui s'est passé depuis. Ils avaient tout à fait raison de penser que cela allait avoir une incidence énorme sur les régimes d'assurance-médicaments provinciaux et sur les citoyens.

Les coûts des produits pharmaceutiques allaient déjà en augmentant à l'époque. La prolongation de la protection de brevet qui a résulté du projet de loi C-91 et de son prédécesseur, le projet de loi C-22, n'a fait qu'aggraver les choses. Selon les récentes statistiques de Santé Canada, le montant d'argent que les Canadiens ont consacré à l'achat de médicaments a fait un bond énorme, passant de 1,1 milliard de dollars en 1975 à 9,2 milliards en 1994. De ces 9,2 milliards, 3,3 milliards ont été versés par la bourse publique. Ce montant est presque le triple des 1,2 milliard de dollars que les gouvernements provinciaux avaient dépensés dix années plus tôt.

Même si cette multiplication par trois des coûts semble à elle seule excessive, l'augmentation aurait été bien pire si les gouvernements provinciaux n'avaient pas réduit les prestations et rayé certains médicaments de la liste. Le pourcentage des médicaments achetés par les pouvoirs publics avait augmenté rapidement, passant de 25 p. 100 en 1970 à 54 p. 100 en 1981. Cependant, en 1994, le total était passé à 35 p. 100 de l'ensemble des médicaments achetés au Canada.

À l'image des autres provinces, la Saskatchewan avait commencé à transférer le coût des médicaments directement aux poches de ses citoyens et(ou) de leur régime d'assurance-médicaments complémentaire. En 1992, le gouvernement néo-démocrate a augmenté le déductible annuel pour le régime d'assurance-médicaments de 204 p. 100, le faisant passer de 125 $ à 380 $. Depuis l'adoption du projet de loi C-91, le déductible est passé à 1 700 $.

Lorsque le ministre des Services sociaux, Lorne Calvert, était ministre de la Santé, il avait dit que le projet de loi C-91 coûtait à lui seul aux résidants de la Saskatchewan 6 à 10 millions de dollars par an. L'augmentation des coûts des médicaments se trouvait reflétée dans l'augmentation des coûts du Saskatchewan Prescription Drug Plan.

Le coût moyen par personne inscrite au régime d'assurance-médicaments est passé de 116,88 $ en 1985-1986 à 227,84 $ en 1994-1995. Pendant la même période, le coût moyen de l'ordonnance est passé de 15,24 $ à 26,11 $. Face à cette augmentation des coûts, le gouvernement a tout simplement rehaussé le déductible. Le résultat net de tout cela est qu'un grand nombre de personnes ont en fait perdu leur couverture en vertu du SPDP. Même si cela a allégé le fardeau subi par les coffres publics, les coupures ont tout simplement servi à transférer les coûts ailleurs.

En tant que membre du Saskatchewan Government Employees Union Health and Welfare Trust, je peux vous dire, m'appuyant sur mon vécu, que cela a eu une forte incidence sur nos membres. Le CGEU Health and Welfare Trust est responsable des régimes d'assurance-maladie et dentaire de plusieurs unités de négociation.

Par suite des augmentations du déductible dans le cadre du Saskatchewan Prescription Drug Plan, en 1993, la Croix Bleue a haussé de 120 p. 100 les primes pour nos prestations supplémentaires de soins de santé. Cela a créé des difficultés pour nos membres, étant donné que nombre d'entre eux payaient leurs propres primes et que les membres de certaines unités de négociation gagnaient le salaire minimum ou à peine plus. Certaines unités de négociation ont donc dû envisager une réduction de leur couverture.

Le pire restait à venir. En effet, un an plus tard, nous avons été confrontés à une nouvelle augmentation, celle-ci de près de 115 p. 100. Un grand nombre de nos unités de négociation n'ont tout simplement pas pu encaisser le coup. C'est ainsi que nous avons été amenés à changer d'assureur. Cela s'est cependant avéré être une solution temporaire. L'an dernier, notre nouvel assureur a augmenté nos primes de 88 p. 100 pour refléter ses coûts véritables.

.1940

Bien qu'il y ait d'autres facteurs, c'est surtout le coût des médicaments qui amène les augmentations. Les remboursements pour achat de produits pharmaceutiques ont compté pour 61 p. 100 des coûts du régime en 1995-1996. Pour nos membres, cela a amené des primes beaucoup plus élevées, et dans certains cas, où les gens n'avaient pas les moyens de payer ces primes majorées, il a fallu opter pour une couverture réduite.

Pour les personnes pauvres et âgées, l'escalade des coûts des produits pharmaceutiques crée encore plus de difficultés, car la plupart d'entre eux n'ont pas le privilège d'être inscrit à un régime de prestation de santé élargi. En fait, selon la Coalition canadienne de la santé, 3,6 millions de Canadiens ne sont couverts par aucun régime d'assurance-médicaments.

En Saskatchewan, les démunis ne sont que partiellement protégés par le régime provincial d'assurance-médicaments. Les personnes âgées de la Saskatchewan, même si elles sont admissibles au supplément de revenu garanti, sont néanmoins frappées tous les six mois d'un déductible de 200 $ pour les médicaments dont elles ont besoin. Les résidants plus jeunes, qui vivent en dessous du seuil de la pauvreté, doivent eux aussi composer avec un déductible. Un chef de famille monoparentale avec un enfant, par exemple, qui a un revenu correspondant au seuil de la pauvreté, serait frappé d'un déductible de 260 $ tous les six mois. C'est beaucoup d'argent pour quelqu'un dont le revenu se situe au niveau du seuil de la pauvreté.

Étant donné ce qui est advenu des prix des produits pharmaceutiques par suite des projets de loi C-22 et C-91 et l'incidence que cela a eue sur les Canadiens, je dois me ranger du côté du député libéral Joseph Volpe, qui est, je pense, membre du comité chargé d'examiner le projet de loi C-91, et qui a dit lors du débat sur le projet de loi en décembre 1992 que s'il était adopté, si les libéraux reprenaient le pouvoir, il leur faudrait le révoquer.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Holmberg.

[Français]

Monsieur Ménard, veuillez commencer les questions.

M. Réal Ménard (Hochelaga - Maisonneuve, BQ): Je pourrais vous dire à la blague que c'est sûr qu'il n'existe pas à ce jour de médicament connu pour forcer les libéraux à tenir leurs promesses. Si jamais il y en avait un, il serait appelé à une large diffusion, à quelques notables exceptions.

Je constate que vous avez porté des accusations assez dures à l'endroit des compagnies de médicaments d'origine. Je voudrais m'adresser d'abord à l'Union canadienne des employés publics, étant entendu que vous avez avancé des chiffres. Vous semblez dire que l'effort qui est fait au chapitre de la recherche et du développement serait de 11 p. 100 au Canada et de 18 p. 100 ailleurs.

Les informations dont disposait le comité nous amenaient à comprendre que c'était plutôt de l'ordre de 14 p. 100. Pouvez-vous nous donner un petit peu plus d'information là-dessus? J'adresse ma question au représentant de l'Union canadienne des employés publics, M. Glen Makahonuk. Par la suite, j'aurai deux ou trois autres questions.

[Traduction]

M. Makahonuk: En réponse à votre question, notre recherche s'est appuyée sur des documents fournis par la Coalition canadienne de la santé, notamment une publication intitulée A Prescription for Plunder. Il est nécessaire de mettre fin au monopole des multinationales qui fabriquent des médicaments pour régir le prix des médicaments et protéger le système de soins de santé du Canada. Nous nous sommes appuyés là-dessus pour compiler nos données en prévision de notre comparution devant le comité permanent ici réuni. Voilà ce sur quoi nous nous sommes appuyés pour obtenir nos données. Si vous allez les contester, elles ont été puisées dans la documentation qui nous a été fournie.

Pour ce qui est des pourcentages, je pense que nous avons souligné que les sommes d'argent consacrées à la recherche au Canada demeurent en deçà de la moyenne internationale.

[Français]

M. Réal Ménard: Je crois que certains de nos témoins, dont je vais taire le nom, croient que vos données sont peut-être erronées en ce qui a trait aux ratios de recherche, mais nous aurons l'occasion d'y revenir.

.1945

J'aimerais connaître les arguments que vous pourriez donner au comité. Le Canada est peut-être sur la mauvaise voie en voulant offrir une protection aux compagnies qui font de la recherche. Cependant, c'est comparable à ce qu'on retrouve à l'échelle internationale, parce que vous devez quand même savoir que tout cela n'est pas le fruit du hasard et que la période de 20 ans que l'on donne au total est un ratio que l'on trouve dans plusieurs pays industrialisés.

Partant du principe que cet argument seul n'est pas de nature à vous convaincre, que seriez-vous en mesure de dire au comité pour le convaincre qu'il faut plutôt se diriger vers une période de quatre ans? Est-ce une période de quatre ans au total à partir du moment où une molécule est brevetée, ou une période de quatre ans à partir du moment où la commercialisation commence?

[Traduction]

M. Makahonuk: C'est une bonne question. Je ne pourrai pas vous fournir de détails là-dessus, mais il me semble que le délai pour la commercialisation d'un produit est de quatre ans.

[Français]

M. Réal Ménard: D'accord. Si c'était une question d'examen, on ne pourrait pas dire que la réponse est substantielle, mais je comprends qu'on n'a pas toujours les moyens d'étoffer nos points de vue. Un témoin - je pense que c'est la représentante de la Saskatchewan Seniors Mechanism - a signalé ce qui s'est passé dans le cas de l'Enalapril. Cela aurait eu des conséquences extrêmement négatives pour les consommateurs et les consommatrices.

Seriez-vous assez aimable pour nous en parler? Vous avez fait allusion à la contestation de deux années, à la protection du brevet et dit qu'apparemment, la province aurait pu épargner des millions de dollars dans la situation que vous nous avez décrite. Donc, pouvez-vous dire aux membres de ce comité ce qui s'est passé particulièrement dans le cas de l'Enalapril?

[Traduction]

Mme Willson: Oui, c'est notre rapport de Lorne Calvert, qui était alors ministre de la Santé.

En 1994-1995, lors de la dispute ou de la contestation visant ce médicament, la province a économisé 2 millions de dollars, ce qu'elle n'aurait pas pu faire s'il n'y avait pas eu contestation, car il y aurait eu augmentation du prix. Cela leur a coûté plusieurs millions de dollars depuis 1995 de pouvoir utiliser ce médicament.

[Français]

M. Réal Ménard: Sans entrer dans les détails techniques de tout cela, présentez-vous cet argument au comité en pensant que toute la question de la protection des brevets est non fondée? Ou bien est-ce toute la question de l'allégation de l'avis de conformité? Que voulez-vous qu'on retienne de votre témoignage pour cet exemple spécifique?

[Traduction]

M. Holmberg: Ce qui compte, c'est assurer un équilibre entre l'intérêt public et celui des détenteurs de brevets. Pour un seul médicament mineur, cela va finir par coûter aux Saskatchewannais, sur une période d'un, deux ou trois ans, des millions de dollars.

La protection par brevet est certainement importante pour les compagnies pharmaceutiques. C'est important pour une société comme la nôtre d'encourager la recherche et le développement, mais à quel prix et pendant combien de temps? Combien d'argent est-il raisonnable de réinvestir dans la recherche et le développement? Ce que nous disons, c'est que l'équilibre n'est pas assuré comme il le devrait: en effet, il devrait pencher davantage du côté de l'intérêt public et moins de celui des titulaires de brevets privés.

[Français]

M. Réal Ménard: Personnellement, encore une fois, je souhaite que d'ici la fin de nos travaux, on soit en mesure de nous convaincre que quatre ans est un délai intéressant, mais il faut que l'on ait une information un peu plus spécifique.

Si vous estimez que le statu quo, c'est-à-dire la protection actuelle, est inadmissible pour consommateur, je suis prêt à me pencher sur la question avec vous, mais il faut quand même se poser la question inverse.

.1950

Si nous n'offrons pas un cadre concurrentiel pour la recherche et le développement... Êtes-vous en mesure de donner à ce comité des exemples, des faits ayant trait à l'industrie générique et à sa capacité d'offrir des médicaments?

Je vais vous donner un témoignage bien personnel, pour ne pas être trop académicien. Mon conjoint de fait est décédé au mois de janvier dernier. Il était atteint du sida. Je connais très, très bien la problématique du sida, parce que je suis cette question-là depuis 10 ans. Les compagnies ont fait de la recherche, et on est passé d'une situation où le sida était une maladie mortelle à une situation où il est devenu une maladie chronique.

Je suis d'accord qu'il faut assurer un équilibre. Cependant, croyez-vous que l'industrie du médicament générique est en mesure de prendre la relève en ce qui a trait aux grandes orientations de recherche pour les maladies dégénératives?

[Traduction]

Mme Smart: J'aimerais répondre à la question. La question n'est pas celle de voir les fabricants de produits génériques prendre la relève en ce qui concerne la recherche. Ce qu'il faut, c'est un investissement dans la recherche publique. Le gouvernement devrait verser des fonds aux universités pour des travaux de recherche fondamentale sur des problèmes médicaux aussi graves que le SIDA et d'autres maladies contre lesquelles les gens doivent lutter. Il nous faut un financement public de la recherche fondamentale.

Ce que nous disons également, c'est que les fabricants de produits génériques n'investissent pas suffisamment d'argent dans la recherche fondamentale. L'argent qu'elles y consacrent n'est de toute façon pas dépensé ici au Canada. Les fabricants de produits génériques peuvent jusqu'à un certain point mettre de l'argent dans la recherche, mais tant que la protection par brevet n'a pas été levée et que n'ont pas été octroyées des licences obligatoires au bout de la période de quatre ans, la concurrence pour la commercialisation des médicaments est limitée. Ce que vous avez, c'est un monopole exercé pour certains médicaments par les fabricants de produits de marque. Par conséquent, il n'est de toute façon pas très logique d'avoir une prolongation de durée de brevet.

[Français]

M. Réal Ménard: Nous vivons dans une société où les gens vivent plus longtemps, particulièrement les femmes. Ne pensez-vous pas que la question de la recherche va se poser avec une acuité particulière?

Vous avez raison d'appeler de tous vos voeux un état de fait où les gouvernements vont investir davantage dans la recherche. Cependant, à l'instant où l'on se parle, ce sont les compagnies pharmaceutiques qui financent les grandes orientations de recherche. On peut bien souhaiter que l'ACIM fasse une déclaration et prenne des engagements, et l'Opposition officielle va pousser pour que l'ACIM ne se contente pas de 11,8 p. 100, qui est son effort à l'instant où l'on se parle, mais se dirige plutôt vers 15 p. 100.

On est peu susceptibles d'être dans une société où ce sont d'abord les fonds publics qui vont financer la recherche. Personnellement, je suis un peu perplexe quand vous nous dites que vous reconnaissez que l'industrie du médicament générique ne fait pas de recherche alors que, dans une même foulée, vous souhaitez que l'on limite le cadre de concurrence. N'y a-t-il pas quelque chose de contradictoire dans ces deux énoncés?

Je crois que c'est l'Union canadienne des employés publics qui a déclaré qu'un milliard de dollars étaient investis en publicité par les compagnies pharmaceutiques. Selon votre compréhension du dossier, cette somme de un milliard de dollars est-elle déductible d'impôt pour les compagnies pharmaceutiques?

[Traduction]

M. Makahonuk: Si j'ai bien compris, la recherche et le développement et la promotion de produits donnent lieu à certaines déductions d'impôt.

[Français]

M. Réal Ménard: Ce n'est pas vrai. Si on vous fait parvenir les règles qui édictent qu'une compagnie pharmaceutique peut déduire des frais pour le crédit d'impôt de recherche et de développement expérimental, vous allez voir que les dépenses de conventions, de marketing ou de promotion sont exclues.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Ménard.

.1955

Avant de céder la parole à M. Murray, j'aurais une intervention à faire, ce qui arrive rarement. Plusieurs groupes nous ont parlé aujourd'hui de la règle des quatre ans. L'un des témoins de ce soir a fait état de travaux réalisés par le ministre provincial de la Santé et qui indiquent l'augmentation du coût des produits pharmaceutiques sur ordonnance. Personne ici ne doute qu'il y a eu une certaine augmentation du côté des coûts. Mais votre recommandation est qu'il devrait y avoir une règle de quatre ans, après quoi la concurrence serait autorisée. La loi n'est en place que depuis quatre ans. Quelle différence amènerait votre règle des quatre ans par rapport à ce qui s'est passé jusqu'ici?

M. Holmberg: Je pense que ce que l'on entend par cette règle des quatre ans, c'est qu'après quatre à six ans, l'octroi de licences obligatoires soit de nouveau permis afin que les produits génériques puissent être lancés sur le marché. Vous pourriez continuer d'avoir une durée de brevet plus longue... pas 20 ans, mais une durée située entre dix et 20 ans. Rétablissez l'octroi des licences obligatoires de façon à ce que les produits génériques puissent avoir plus rapidement accès au marché.

Cela a fonctionné. Si l'on regarde les statistiques, autrefois, l'octroi de licences obligatoires fonctionnait au Canada. Cela permettait de fournir aux Canadiens des médicaments de bonne qualité à un prix abordable. Avant l'avènement du projet de loi C-91, nous avions l'un des systèmes les moins coûteux du monde industrialisé en matière de produits pharmaceutiques. Par suite de l'adoption du projet de loi C-91 et de son prédécesseur, le projet de loi C-22, nous nous retrouvons avec certains des prix les plus élevés du monde industrialisé.

Puis-je revenir à la question de la recherche? L'autre aspect du fait que les compagnies pharmaceutiques disent qu'elles ont besoin de cet argent pour la recherche... Aux États-Unis, en 1991, les compagnies pharmaceutiques ont dépensé 10 milliards de dollars sur la promotion et la commercialisation et 9 milliards sur la recherche. D'autre part, il faut vous rappeler que leurs profits sont extrêmement élevés comparativement à tous les autres secteurs d'activité - environ deux ou trois fois plus élevés.

Le président: Oui, mais j'essaie tout simplement de comprendre. Si l'argument est que dans le cadre d'un système bien protégé elles ont tendance à consacrer plus d'argent à la recherche, votre argument est-il qu'il faut que le système soit encore plus protégé pour qu'il y ait davantage de recherche, ou moins protégé pour qu'il y ait moins de recherche?

M. Peterson: Puis-je tenter de répondre?

Il ressort assez clairement d'une volumineuse recherche, y compris les travaux du Forum national sur la santé, que la quantité de recherche consacrée à l'élaboration de nouveaux médicaments qui étaient sensiblement différents des produits existants et qui offraient des avantages sensiblement supérieurs, était très faible comparativement au montant d'argent consacré à la recherche et au développement de variations mineures de produits pharmaceutiques.

Il n'est pas du tout clair que les intérêts des compagnies pharmaceutiques en matière de recherche soient axés sur des bienfaits sur le plan santé. Ils sont plutôt, ce qui est incontournable, axés sur le profit.

Le président: Monsieur Murray.

M. Ian Murray (Lanark - Carleton, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. Je tiens tout d'abord à remercier les témoins pour leurs présentations.

Vous avez en Saskatchewan une jeune industrie biotechnologique en plein essor. Plusieurs compagnies biopharmaceutiques que nous avons entendues il y a une semaine ou deux nous ont dit très clairement qu'elles ne pourraient pas survivre au Canada sans la protection par brevet de 20 ans, qui est la norme internationale à l'heure actuelle. Elles ne pourraient tout simplement pas attirer les investisseurs dont elles ont besoin, c'est-à-dire des investisseurs patients à long terme.

Ma question s'adresse à qui veut bien y répondre. Je n'ai personne de précis en tête. J'aimerais savoir quelle est selon vous votre responsabilité envers ces compagnies qui font des travaux de recherche très intéressants sur les produits pharmaceutiques?

M. Peterson: J'aimerais donner au moins une réponse initiale à votre question. La Commission Eastman, déjà en 1985, avait clairement démontré qu'il y avait de solides arguments en faveur de l'octroi de licences obligatoires et d'une protection par brevet modérée. Elle a également prouvé que la compétitivité n'en souffrirait pas pour autant. Le Forum national sur la santé a plus ou moins abouti à la même conclusion.

.2000

M. Ian Murray: N'y a-t-il personne d'autre qui voudrait dire quelque chose là-dessus?

M. Holmberg: Je vous renverrai à Issues and Patent Policy with Respect to the Pharmaceutical Industry - Commission d'enquête sur l'industrie pharmaceutique, Approvisionnements et Services Canada, 1986, de Yahouda Kotowiz.

La période de brevet moyenne doit être plus lourdement pondérée à l'extrémité inférieure de l'échelle, se soldant par une durée de brevet optimale moyenne qui est sans doute inférieure à cinq ans, et ce même pour les produits qui sont véritablement novateurs. L'introduction de licences obligatoires change le tableau. Nous savons que les licences obligatoires avec un taux de royalties approprié sont toujours supérieures à une durée de vie de brevet écourtée qui produit les mêmes revenus pour les innovateurs.

Oui, nous devons bel et bien quelque chose aux compagnies qui font la recherche, mais les preuves dont nous disposons montrent que leurs profits sont très élevés et qu'elles dépensent par ailleurs beaucoup plus d'argent au titre de la promotion et de la commercialisation que de la recherche et du développement. Cela est vrai aux États-Unis ainsi qu'au Canada.

M. Ian Murray: Non, je ne voulais pas parler des fabricants des produits de marque. Je voulais parler des jeunes compagnies biotechnologiques qui dans bien des cas n'ont pas encore réalisé de profits.

Je vais maintenant passer à autre chose. J'aimerais savoir si vous êtes en faveur de l'assujettissement des médicaments génériques au Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB). Est-ce là quelque chose que vous appuieriez?

Une voix: Oui.

M. Peterson: Oui.

M. Ian Murray: Tout le monde.

On a entendu beaucoup d'extraits de débats au Parlement remontant à la période 1992-1993. L'une des choses qui avaient été dites à l'occasion de ces débats était que le projet de loi C-91 allait sonner le glas pour l'industrie des médicaments génériques. J'aimerais savoir comment vous expliqueriez le fait que les fabricants de produits génériques aient prospéré depuis l'adoption du projet de loi C-91.

Une voix: Nous ne sommes pas en faveur des fabricants de produits génériques, nous sommes en faveur d'une politique axée sur l'intérêt public et qui tienne compte du coût élevé de la protection par brevet. Il est certain que les producteurs de médicaments génériques se portent bien.

Une voix: Les prix ont beaucoup augmenté.

Une voix: Ça va. Nous ne sommes pas en faveur d'un secteur de l'industrie par rapport à un autre. Nous sommes en faveur d'une politique fondée sur l'intérêt public et qui tienne compte du coût élevé de la protection des médicaments brevetés.

M. Ian Murray: J'aimerais également être certain de bien comprendre ce qu'a ditMme Willson relativement au fardeau pour les aînés. Pourriez-vous me dire quel régime d'assurance-médicaments est offert aux personnes du troisième âge en Saskatchewan? On a entendu parler du déductible, qui s'élève, je pense, à 200 $ tous les six mois. Cela s'applique-t-il également aux personnes du troisième âge?

M. Holmberg: Pourriez-vous répéter?

Mme Willson: Ils veulent en savoir plus sur le déductible.

M. Holmberg: S'ils ont droit au supplément de revenu garanti, c'est 200 $ tous les six mois.

M. Ian Murray: Pour tous les aînés?

M. Holmberg: Non. C'est...

M. Ian Murray: Excusez-moi. S'ils sont admissibles au SRG.

M. Holmberg: C'est exact.

M. Ian Murray: Et s'ils ne le sont pas?

M. Holmberg: C'est en fonction du revenu, cela varie selon le niveau de revenu. Je pense que c'est 0,17 fois leur revenu.

Mme Smart: Mais cela ne vise pas uniquement les aînés à très faibles revenus, mais un nombre important de personnes âgées qui ne sont peut-être même pas admissibles au SRG. Le prix des médicaments augmente sans cesse.

Notre groupe a organisé partout dans la province des sessions que nous avons appelées «vision». Un grand nombre de personnes nous ont dit qu'à la fin du mois il leur fallait choisir entre leurs médicaments ou de la nourriture. Bien sûr, si elles ne continuent pas de prendre leurs médicaments comme elles sont censées le faire, autant qu'elles laissent tomber tout de suite. Le problème du coût pour les personnes âgées est une chose dont on ne cesse de nous parler.

M. Holmberg: J'aimerais ajouter que j'ai entendu parler de cas de personnes qui ont dû réintégrer les rangs des assistés sociaux à cause du coût des médicaments.

.2005

Mme Willson: Le système que nous avons en Saskatchewan avec notre régime d'assurance-médicaments est de loin supérieur à ce qu'ont les gens dans certaines autres provinces. Il y a certaines conditions spéciales et certains cas particuliers qui sont jugés prioritaires.

M. Peterson: Je tiens à valider ce que vient de dire Mme Willson au sujet des problèmes des aînés et des personnes à revenus fixes. Chez nous, à la clinique, le pharmacien me dit que les gens doivent faire exactement le même choix: ils n'ont pas toujours les moyens d'acheter à chaque mois les médicaments dont ils ont besoin.

M. Ian Murray: J'aurais une dernière toute petite question à vous poser au sujet de l'établissement de prix de référence. Je pense que Mme Smart a mentionné cela dans le contexte de la réalisation d'économies. La Coalition de la santé de la Saskatchewan appuie-t-elle l'établissement des prix en fonction de niveaux de référence? D'après ce que j'ai compris, il arrive que des médecins prescrivent un médicament donné et refusent les médicaments de rechange. Peut-être que j'ai mal compris.

Mme Smart: Le recours à des prix de référence est une chose qui a été adoptée ou tentée en Colombie-Britannique, et il semble que cela ait fonctionné plutôt bien. Les médecins peuvent voir les différents prix des médicaments et prescrire le moins cher.

M. Ian Murray: Monsieur le président, s'il me reste encore du temps, je me ferai un plaisir de le partager avec mes collègues.

Le président: J'aimerais poser encore une autre question, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, car vous avez évoqué plusieurs points qui sont vraiment importants pour nous.

J'aimerais tout d'abord vous dire, en guise de préambule, que je pense que tous les membres du comité ici réuni sont très sensibles aux difficultés qu'ont les personnes à faibles revenus qui doivent se procurer des médicaments sur ordonnance. Personne ici ne conteste la gravité du problème.

Il importe de contrôler le prix des produits génériques, et vous avez tous semblé acquiescer lorsqu'un participant a dit qu'il aimerait beaucoup voir cela relever du Conseil d'examen du prix des médicaments. Cela reviendrait en fait à un transfert d'autorité du gouvernement provincial au gouvernement fédéral. La question a-t-elle été abordée avec le gouvernement provincial? Prévoyez-vous que ce sera là sa position lorsqu'il comparaîtra devant nous?

M. Peterson: Je ne pense pas que nous ayons un quelconque renseignement là-dessus.

Le président: Ce pourrait être utile. Nous aimerions être bien certains que tout le monde travaille ensemble pour la même chose. Si vous avez l'occasion d'en discuter, ce serait peut-être une bonne chose, car votre ministre provincial va venir ici et je suis convaincu qu'il est intéressé par ce que pense la coalition. Vous voudrez peut-être tout simplement vous assurer que...

M. Peterson: Le premier ministre de la province nous a déjà invités et il nous faut travailler avec le gouvernement. Lorsque je dis «nous», je veux parler de la Coalition de la santé. La Fédération des cliniques communautaires travaille avec le gouvernement provincial depuis un an ou deux déjà.

Le président: C'est très bien, très utile.

Enfin, j'aimerais revenir sur la règle des quatre ans afin d'être certain de comprendre la position de chacun. Lorsque Eastman en a discuté vers le milieu des années 80, ce qu'il a dit c'est qu'il faut tenir compte du fait qu'il faut compter six à sept ans pour mener à bien les essais sur le terrain et toutes les étapes du processus de réglementation. Au bout de sept ans, vous devriez avoir quatre années d'exclusivité sur le marché. Cela donne un total de 11 ans. Par conséquent, lorsque vous parlez de la règle des quatre ans, entrevoyez-vous ce dont parlait Eastman, soit 11 ans, ou bien avez-vous une autre interprétation, que je ne suis pas certain de comprendre?

Mme Smart: Je pense que nous parlons des quatre années de la même façon que Eastman, car c'est là-dessus que nous nous appuyons. Ce serait quatre ans à partir de la mise en marché, après quoi l'octroi de licences obligatoires serait autorisé.

Le président: Merci.

Y en a-t-il parmi vous qui aimeraient faire quelques remarques en guise de conclusion? Y a-t-il quelque chose dans vos propos que nous n'aurions pas saisi?

M. Holmberg: Permettez-vous que je mentionne un médicament en particulier? Un membre de notre conseil de santé de district utilise un produit appelé mestinon. En juin 1996, son coût a augmenté de 125 p. 100. Pourriez-vous, je vous prie, vous renseigner là-dessus?

Le président: Oui. En retour, vous pourriez peut-être nous aider avec quelque chose, et c'est un témoignage public. Le Conseil d'examen du prix des médicaments a comparu devant nous et a parlé d'une très faible augmentation annualisée du coût des médicaments qui relèvent de lui. Or, les témoignages anecdotiques que nous avons entendus disent tout le contraire. Auriez-vous le temps dans les prochaines semaines d'obtenir auprès du greffier une copie de ces témoignages et de nous dire ce que vous en pensez.

S'il y avait moyen pour nous d'améliorer de quelque façon le travail du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, nous aimerions que vous nous le disiez, car il ne sert à rien de nous frustrer les uns les autres en obtenant des renseignements auprès d'un organisme qui nous dit que tout va bien s'il y a en face de nous toutes sortes de témoignages anecdotiques allant dans le sens contraire. Nous tenons beaucoup à savoir comment faire pour renforcer cette organisation. Je sais que je parle ici au nom de tous les membres du comité.

.2010

M. Peterson: L'une des choses qu'il pourrait faire serait de commencer à contrôler les coûts initiaux, les coûts de lancement, des produits de marque, car ils sont très gonflés comparativement aux coûts d'investissement.

Le président: Merci beaucoup de votre temps et de vous être retrouvés ce soir. Je peux vous dire qu'en tant que parlementaires nous considérons que vos opinions sont importantes. Nous avons déjà entendu exprimer certaines de ces mêmes positions, mais ce n'est pas l'originalité de la présentation qui nous intéresse mais ce qui est dit autour de la table ronde, et vous avez ajouté de la couleur et des observations qui ont vraiment rendu cela très vivant pour nous. Nous vous en sommes reconnaissants et l'heure et demie que vous nous avez consacrée a été grandement appréciée par tous les membres du comité. Merci.

Nous allons poursuivre nos audiences ailleurs au pays et j'espère que nos résultats et conclusions correspondront à ce que vous aimeriez voir relativement au système de soins de santé et à la propriété intellectuelle ici au Canada. Merci beaucoup et bonsoir.

Quelles sont les nouvelles les plus récentes en ce qui concerne la Colombie-Britannique? Que se passe-t-il là-bas d'après vous?

Une voix: Je n'ai pas encore parlé avec eux. Je peux téléphoner tout de suite.

Le président: Pourquoi ne pas le faire tout de suite et voir si quelqu'un est déjà arrivé dans la salle? Nous avons une avance d'une demi-heure, mais ce que nous avons l'habitude de faire c'est de téléphoner à l'avance, et lorsque les gens sont arrivés plus tôt que prévu on essaie de commencer dès que possible.

[Français]

M. Réal Ménard: On pourrait peut-être interrompre la séance pendant 10 minutes.

Le président: Absolument. Nous l'interromprons probablement jusqu'à 20 h 30.

[Traduction]

Nous viserons vraisemblablement 20 h 30. C'est ce que je pense. Nous ne pourrons pas commencer avant cela, même si nous bousculons les choses. La séance est donc levée jusqu'à 20 h 30.

.2012

.2020

Le président: Pourrais-je avoir votre attention à tous, s'il vous plaît? Avant d'entamer l'audience proprement dite, j'aimerais vous expliquer la marche à suivre. Nous vous accorderons ensuite une minute pour y réfléchir.

Ce que nous aimerions faire dans le cadre de la table ronde c'est inviter les gens à faire une déclaration liminaire mettant en relief les points saillants de leurs mémoires. Le documentaliste est assis à côté de moi. Les membres du comité prennent très au sérieux les mémoires. Soyez assurés que les mémoires seront lus et examinés.

Ce que nous aimerions savoir, c'est pourquoi vous êtes intéressés par la question et quel message vous aimeriez transmettre et aux membres du parti au pouvoir et aux membres des partis de l'opposition, afin que nous puissions vraiment comprendre ce qui se passe. Certains d'entre vous travaillent avec la Coalition canadienne de la santé, ce qui est très bien et tout à fait acceptable. Leurs mémoires nous ont déjà été présentés. Nous vous serions donc reconnaissants de bien vouloir nous dire ce avec quoi vous êtes d'accord et ce qui vous inquiète.

Les députés ont beaucoup de questions à vous poser. Nous nous intéressons aux différentes perspectives de partout au pays. Je peux vous promettre que tout le monde engagera la discussion avec vous par la suite et vous aurez l'occasion de vous faire entendre. Occupez-vous de la première partie, d'abord. Transmettez-nous votre message, grâce à l'écran, si vous voulez, puis laissez-nous amplement le temps de vous poser des questions par la suite.

Dès que je frapperai avec mon marteau, la séance sera officiellement ouverte et l'enregistrement commencera. Je vous demanderai également de dire qui vous êtes. Avez-vous décidé entre vous de qui va commencer? Dans la négative, je pourrai tout simplement prendre ma liste et dire... Pourquoi pas vous, Jef? Cela vous va-t-il?

M. Jef Keighley (représentant national, Travailleurs canadiens de l'automobile): C'est très bien, David.

Le président: Le comité reprend donc , conformément à l'article 108(2) du Règlement, l'examen de l'article 14 de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets.

J'aimerais commencer par souhaiter la bienvenue aux témoins participant aux tables rondes organisées pour aujourd'hui. Cette fois-ci, nos témoins nous viennent de Colombie-Britannique. Tous les membres du comité se joignent à moi pour vous souhaiter la bienvenue. Nous envisageons avec plaisir de vous entendre.

Nous aimerions que chacun d'entre vous donne son nom et explique en l'espace de cinq minutes environ quelles sont, à son avis, les questions pressantes que devrait résoudre le comité. Une fois que nous aurons entendu tout le monde, nous passerons à l'étape table ronde.

Je vais donc demander à Jef Keighley, de la section de la Colombie-Britannique des Travailleurs canadiens de l'automobile, d'entamer nos délibérations. Bienvenue.

M. Keighley: Merci, David. J'aimerais tout d'abord vous remercier de l'occasion qui m'est ici donnée de comparaître devant le comité, étant donné surtout l'heure qu'il est à Ottawa. Nous vous avons envoyé une copie de notre mémoire hier. Je vais en sauter certaines parties afin que nous puissions nous plonger dans le vif du sujet.

Je m'appelle Jef Keighley. Je suis représentant national des Travailleurs canadiens de l'automobile. Je suis également vice-président de la Fédération du travail de la Colombie-Britannique. Je suis accompagné de Spencer Mohart. Spencer est l'administrateur de notre régime de santé et de bien-être, non seulement pour notre syndicat, mais également pour d'autres syndicats de la Colombie-Britannique. Spencer a une grande expérience dans ce domaine.

.2025

Nous allons nous concentrer principalement sur la question de la négociation, notamment celle des régimes d'assurance-maladie et bien-être, et tout particulièrement les régimes d'assurance-maladie complémentaires.

Nous nous définissons comme étant un syndicat social. Ce que nous voulons dire par là c'est que nous reconnaissons que nos responsabilités politiques et sociales vont bien au-delà du lieu de travail, pour s'étendre jusque dans nos communautés. Lors du dépôt initial du projet de loi C-91, nous nous y étions farouchement opposés car nous savions déjà qu'il allait, s'il était adopté, amener une augmentation du coût des produits pharmaceutiques pour tous les Canadiens, et non pas seulement les travailleurs organisés.

Nous tenons à ce que vous sachiez que nous appuyons pleinement la campagne «Medicare: Need Not Greed» de la Coalition canadienne de la santé, ainsi que son plan à cinq points pour l'industrie pharmaceutique et tout son travail.

Même si notre expérience remonte bien plus loin en arrière, nos observations viseront principalement les dix dernières années, soit la période intervenue depuis l'avènement des projets de loi C-22 et C-91, et nous tenons à vous donner quelques exemples critiques des conséquences que ces textes de loi ont amenées. Les renseignements que je vais vous donner s'appuient sur notre expérience de la négociation et de l'exécution de régimes d'assurance-maladie et de bien-être pour une vaste gamme d'entreprises qui sont présentes sur le marché de la Colombie-Britannique.

Prenons notre assurance-maladie complémentaire, soit la partie remboursement des médicaments de notre régime d'assurance-maladie et de bien-être, en 1987: notre coût moyen par employé était alors de l'ordre de 7,80 $. Au cours des dix dernières années, ce coût a augmenté de 275 p. 100, pour atteindre une moyenne mensuelle par personne de 21,44 $.

La quasi-totalité de cette augmentation est directement attribuable à la hausse du coût des médicaments brevetés. Ces derniers ont augmenté de 16 p. 100 chaque année au cours des dix dernières années dans le cadre de notre régime. Une fois déduits 34 p. 100 pour l'inflation, cela donne en vérité - pour la seule augmentation au-delà de l'inflation - 8c. de l'heure pour chaque heure de travail payée pour chacun de nos membres. Cela donne une moyenne annuelle par employé couvert de 140 $.

Pour bien comprendre les primes d'assurance-maladie et bien-être, il est important de savoir - et c'est là l'élément critique - que les primes versées sont directement fonction des demandes de remboursement. Les compagnies d'assurances, dans le cas des groupes très importants, qui comptent 1 000 membres ou plus, demandent environ 15 p. 100 pour couvrir leurs profits et leurs frais généraux. Au fur et à mesure que la taille du groupe diminue, elles prennent des primes de30 p. 100 ou plus au titre de coûts, de profits et de frais généraux, pour les groupes de 100 ou moins, et pour les groupes de 50, cela passe à 35 p. 100.

Ce qu'il est important de comprendre ici c'est que l'augmentation du coût des produits pharmaceutiques coûte plus d'argent à tous les employeurs, à tous les groupes employeurs-employés et à tous les Canadiens. Mais les plus petits employeurs - et ce sont les petites et moyennes entreprises qui sont les moteurs économiques du pays et dont on devrait par conséquent s'occuper - sont forcément frappés plus durement, même si tout le monde est touché.

Il est juste de dire que le projet de loi C-91, et le projet C-22 qui l'a précédé, ont eu une incidence directe et néfaste sur tous les employeurs, mais que les employeurs de taille petite et moyenne ont été plus durement frappés que les autres.

Cette réalité a par ailleurs eu un effet considérable sur les régimes d'assurance-médicaments provinciaux. En Colombie-Britannique, par exemple, lors de la mise en oeuvre du programme Pharmacare, il y avait un déductible de 50 $ par famille, et le niveau de remboursement était de80 p. 100. Aujourd'hui, par suite de l'augmentation du coût des médicaments, parce que nous alimentons les coffres des multinationales, notre déductible est passé de 50 $ à 600 $, et le taux de remboursement est, lui, passé de 80 à 70 p. 100. Tous les résidants de la Colombie-Britannique, tous les groupes d'employeurs et tous les groupes employeurs-employés en paient les frais.

Je suis allé à la bibliothèque la semaine dernière pour faire de la recherche sur les conséquences relatives et j'ai examiné la liste de 1 000 du Financial Post et la liste de 500 de la revue Fortune. Nous avons joint à notre mémoire les quatre dernières pages des médianes de Fortune 500 pour l'an dernier.

L'une des choses qui ressort clairement de la liste Fortune 500 du 29 avril 1996 - et il nous faut vraiment regarder l'expérience américaine car c'est cela qui domine l'industrie des médicaments brevetés ici au Canada - est que sur 36 secteurs identifiables aux États-Unis pour le rendement sur un an et le rendement sur dix ans pour les investisseurs, les sociétés pharmaceutiques se sont classées au quatrième rang.

Pour ce qui est du rendement sur les revenus, du rendement sur les avoirs et - ce qui est extrêmement important - du rendement sur les capitaux propres - car c'est vraiment cela qui détermine le profit - les sociétés pharmaceutiques se classent au premier rang parmi 36 secteurs industriels des États-Unis. En 1995, les compagnies pharmaceutiques affichaient un taux de rendement sur les capitaux propres de plus de 30 p. 100. Le seul secteur où les résultats sont meilleurs est celui du trafic de stupéfiants.

.2030

Si les compagnies pharmaceutiques accumulaient les découvertes révolutionnaires, l'on aurait au moins une certaine sympathie à l'égard de leur position. La réalité est que c'est exorbitant. Ce qu'elles font en fin de compte, exprimé en termes industriels, c'est du reformatage et de la reformulation prospective, pour exploiter le filon principal de la protection par brevet. C'est comme si elles exploitaient les projets de loi C-91 et C-22 comme des mines.

Spencer, qui est avec moi, nous en a parlé en 1992. Il avait soulevé le problème avec nous à l'époque, s'appuyant sur des renseignements obtenus auprès du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, selon lesquels, en 1991, 94 produits pharmaceutiques prétendument nouveaux ont été lancés par le secteur pharmaceutique au Canada. Sur l'ensemble, seuls cinq étaient véritablement nouveaux; 34 étaient des produits d'imitation, présentant très peu ou pas du tout d'amélioration thérapeutique mais néanmoins visés par une protection par brevet supplémentaire et vendus à des prix nettement plus élevés. Les 55 autres étaient tout simplement des produits d'extension, avec, par exemple, remplacement d'un comprimé par une capsule, changement de couleur, ou légères différences dans le dosage en milligrammes.

Pour conclure, le projet de loi C-91 a frappé et les travailleurs et les employeurs canadiens. Nous ne pouvons pas laisser passer l'occasion de souligner l'ironie palpable du fait que les soi-disant défenseurs du libre marché dans l'industrie pharmaceutique souhaitent limiter la concurrence en ce qui concerne les produits génériques. Il semble que la «main invisible» d'Adam Smith soit en fait attachée au bras d'un pickpocket, et les poches dans lesquelles vient plonger cette main, ce sont les vôtres, les miennes et celles de toutes les personnes dans cette salle.

Nous vous exhortons à intégrer dans vos recommandations le plan à cinq points proposé par la Coalition canadienne de la santé. Nous pensons que ce serait bien pour les citoyens canadiens. Nous pensons que ce serait bien pour les entreprises canadiennes.

Je vais m'arrêter là et laisser quelqu'un d'autre enchaîner, et nous pourrons participer à la discussion tout à l'heure.

Le président: Jef, je vous remercie de votre présentation. Je pense que les membres du comité vont revenir sur ce que vous avez dit. Nous sommes très intéressés par l'impact sur les négociations syndicales et sur les coûts dont vous faites état dans votre exposé, fort original. Nous n'avons pas entendu suffisamment de témoignages là-dessus, loin de là, alors, si cela ne vous ennuie pas, nous y reviendrons très certainement.

M. Keighley: Avant qu'on ne passe au suivant, je pense qu'il est important de se rappeler que les montants d'argent payés dans le cadre de ce processus sont de loin supérieurs à ce dont se plaint la communauté des employeurs relativement aux primes d'assurance-chômage. Or, la communauté des employeurs ne dit mot au sujet de cette question fort importante.

Le président: Ce que vous venez de dire est très juste, et je vous remercie d'en parler.

La parole est maintenant à Joyce Jones, présidente de la Greater Vancouver Seniors Coalition. Bienvenue.

Mme Joyce Jones (présidente, Greater Vancouver Seniors Coalition): Merci. Nous sommes très heureux de pouvoir participer à la discussion ici ce soir. Je suis accompagnée de Ben Swanky et d'Ellen Woodsworth, qui sont également membres de la Greater Vancouver Seniors Coalition.

Notre coalition représente diverses organisations de personnes du troisième âge et nous avons des sections locales un peu partout dans la province. Notre coalition a vu le jour en 1994 lorsqu'il est devenu apparent que les programmes sociaux, sur lesquels comptent un si grand nombre de personnes âgées, allaient être sérieusement érodés par les coupures budgétaires fédérales. Nous autres, aînés, serions plus efficaces si nous parlions d'une seule voix. Nous n'en sommes pas encore là, mais nous faisons des progrès.

Nous organisons des conférences d'organisation d'aînés pour parler des questions qui surgissent et qui méritent selon nous qu'on s'y penche. Nous publions des feuillets d'information, émettons des communiqués de presse et parrainons des conférenciers, et nous sommes souvent interviewés à la télévision et à la radio.

Je suis certaine que vous n'avez pas besoin d'entendre cela, mais nous tenons à vous mettre à jour au sujet de la situation de la majorité des personnes âgées et de leur niveau de vie. La plupart d'entre eux ne sont pas riches et appartiennent plutôt à la catégorie des personnes à faibles revenus. En 1996, 46 p. 100 des aînés avaient des revenus inférieurs à 20 000 $ et comptaient très largement sur la sécurité de la vieillesse et le supplément de revenu garanti, et 33 p. 100 d'entre eux avaient des revenus situés entre 20 000 $ et 40 000 $, ce qui est loin d'être riche. Seuls 5 p. 100 d'entre eux avaient des revenus de plus de 75 000 $. D'autre part, 62 p. 100 des femmes âgées n'ont pas de régime de pension privé et comptent largement sur les paiements de transfert du gouvernement.

Nous sommes convaincus que la principale raison de l'escalade des prix des médicaments est le projet de loi C-91, qui accorde aux grosses sociétés pharmaceutiques multinationales étrangères un monopole de 20 ans sur la vente de produits de marque au Canada. L'objet du projet de loi C-91 n'était et n'est pas d'améliorer la santé des Canadiens. Il s'agit d'interdire la concurrence, d'empêcher la croissance d'une industrie canadienne de production de médicaments génériques, capable de produire des médicaments de même qualité pour la moitié du prix, et d'augmenter ses propres profits sur le dos des Canadiens. Cet état de fait a été reconnu par le Forum national sur la santé, qui a été créé par le gouvernement, dans son rapport final, que vous avez vu.

.2035

Enfin, M. Chrétien et deux ministres du Cabinet qui ont participé à l'examen du projet de loi C-91 déclarent que la suppression de l'article prévoyant un monopole de 20 ans n'est pas négociable, car le Canada est signataire de l'ALENA et d'une entente avec l'OMC, qui contiennent des articles accordant des droits de brevet monopolistiques. Laissant de côté le fait honteux qu'un gouvernement canadien ait pu signer une entente qui retire au Canada le droit de décider de ce qu'il y a de mieux pour son système de soins de santé, il y a toujours moyen de contourner de tels articles.

Pourquoi le gouvernement canadien ne peut-il pas s'efforcer de modifier ces deux ententes commerciales afin que nous puissions conserver le droit de gérer notre système de soins médicaux comme nous l'entendons, ce qui, en l'occurrence, supposerait le rétablissement des licences obligatoires? L'octroi de licences obligatoires avait été instauré au Canada en 1923 et sensiblement élargi en 1960. Cela autorisait les entreprises canadiennes à fabriquer et à vendre des médicaments brevetés qui étaient sur le marché depuis plusieurs années déjà. Les fabricants de produits génériques versaient des royalties à l'inventeur du médicament concerné pour contrecarrer le coût de la recherche et du développement. Le projet de loi C-91, adopté en 1993, a éliminé l'octroi de licences obligatoires rétroactivement au 20 décembre 1991.

Apparemment, il y aurait trois clauses d'exception qui permettraient au Canada de contourner les dispositions en matière de protection de 20 ans prévues dans le projet de loi C-91 et de rétablir l'octroi de licences obligatoires. C'est l'avis de Jean-Gabriel Castel, professeur d'affaires internationales au Osgoode Hall Law School. Il s'agit, premièrement, de traiter les licences obligatoires comme étant une exception limitée à l'ALENA et aux Accords sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), tout particulièrement l'article 30 des ADPIC et son pendant dans l'ALENA, l'article 1709.6.

Voici ce qu'a dit le professeur Castel:

C'est là sa première option. Il poursuit en élaborant une deuxième option, esquissant de nombreuses façons de modifier ces lois.

Une deuxième option en ce qui concerne l'octroi institutionnel de licences obligatoires, tout en acceptant que de telles lois doivent respecter les articles susmentionnés des ADPIC et de l'ALENA, serait de veiller à ce que l'on recoure à l'article prévoyant «l'utilisation de l'objet visé par un brevet autrement que pour les motifs autorisés en vertu de l'article sur les exceptions limitées». Ainsi, si une licence pour un organisme public avait une application sans but lucratif ou si un fabricant de produits génériques produisait des médicaments sous contrat pour un programme public de distribution de médicaments, ces autres utilisations seraient autorisées.

En d'autres termes, l'octroi de licences pour des produits pharmaceutiques destinés à être distribués en vertu d'un régime public de distribution de médicaments plutôt que dans un contexte commercial serait l'un des meilleurs moyens de faire en sorte que soient disponibles des produits génériques sans pour autant violer les conditions imposées par l'ALENA et l'entente avec l'OMC.

La troisième option esquissée par le professeur Castel serait que le Canada cherche à faire modifier le code des ADPIC et que l'ALENA soit modifié pour éclaircir la portée des licences obligatoires. Je pense qu'il est important de se rappeler que ces ententes commerciales ne sont aucunement gravées dans la pierre. L'article 2202 de l'ALENA autorise tout membre à proposer des amendements n'importe quand.

Le Forum national sur la santé dit dans son rapport final que l'industrie pharmaceutique multinationale peut faire exercer des pressions par des gouvernements étrangers en vue de la modification des politiques canadiennes et ses intérêts. Partant, le Forum national sur la santé estime que des initiatives avec d'autres pays lancées par le ministre fédéral de la Santé pourraient être un contrepoids plus efficace face à ces pressions. Nombre d'autres pays composent avec des problèmes identiques en matière de gestion de l'utilisation et du coût des médicaments. Tout cela figure dans le rapport du forum national.

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Des mesures tel l'octroi de licences obligatoires sont un moyen légitime grâce auquel réaliser des objectifs publics. L'octroi de licences obligatoires ne rejette pas les intérêts du secteur privé mais vient ajouter une dimension sociale en exigeant des titulaires de brevets qu'ils partagent leurs inventions en échange de royalties, ce pour couvrir le coût de la recherche et du développement.

La Greater Vancouver Seniors Coalition appuie fermement le plan à cinq points de la Coalition canadienne de la santé.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Jones. Nous apprécions beaucoup votre exposé.

Je vais maintenant donner la parole à Sandra Sorensen, de la Health Sciences Association of British Columbia. Bienvenue, Sandra.

Mme Faith Uchita (directrice intérimaire en communications, Health Sciences Association of British Columbia): Ce n'est pas Sandra qui est venue. Je m'appelle Faith Uchita.

Le président: Excusez-moi, Faith. Personne ne m'a dit qu'il y avait eu un changement. Allez-y.

Mme Uchita: Je suis venue ici en tant que représentante de mon syndicat, la Health Sciences Association of British Columbia. Notre syndicat représente plus de 10 000 professionnels des soins de santé oeuvrant dans le domaine des soins de santé en Colombie-Britannique.

Je suis pharmacienne au Vancouver General Hospital et j'ai eu l'occasion de constater de visu les effets du projet de loi C-91 sur les coûts et sur la qualité des soins de santé en Colombie-Britannique.

Le coût des médicaments s'est emballé. Notre situation est aggravée par le mauvais texte de loi qu'est le projet de loi C-91. Nous partageons les préoccupations soulevées par d'autres participants au panel et ajoutons notre voix à celle de la Coalition de la santé de la Saskatchewan dans l'exposé que vous ont fait aujourd'hui ses porte-parole.

Dans le temps limité dont nous disposons pour vous saisir aujourd'hui de nos préoccupations, j'aimerais m'attarder tout particulièrement sur les conséquences des ententes commerciales internationales pour notre système de soins de santé.

Le président: Faith, nous avons quelques difficultés du côté de l'interprétation ici. Pourrait-on vous approcher un microphone?

Mme Uchita: Très bien. Il serait utile que nous puissions voir toutes les personnes qui nous écoutent.

Le président: D'accord. Une fois l'installation terminée, la caméra pourra balayer la salle plus souvent pour que vous ayez une meilleure idée de qui nous sommes et de qui vous écoutent.

Allez-y, Faith. Je m'excuse de l'interruption. L'interprète doit pouvoir entendre clairement votre voix pour pouvoir traduire vos propos pour les membres du comité. Allez-y, je vous prie.

Mme Uchita: Dans le temps limité dont nous disposons pour vous saisir aujourd'hui de nos préoccupations, j'aimerais m'attarder tout particulièrement sur la question des ententes commerciales internationales et notre système de soins de santé. Nous nous souvenons de la position adoptée par le Parti libéral lors du débat sur l'ALENA et de votre opposition à la Loi sur les médicaments brevetés. Aujourd'hui, vous dites que vous êtes liés par l'entente commerciale internationale, soit l'ALENA, et par les exigences de l'Organisation mondiale du commerce. Nous ne sommes pas du même avis.

Nous appuyons l'opinion du juriste spécialisé en droit commercial, Barry Appleton, qui explique pourquoi votre gouvernement ne pourrait pas voter dans l'intérêt du public. D'autres articles de l'entente commerciale autorisaient le Canada à imposer des restrictions, le cas échéant, dans l'intérêt du grand public, afin que les Canadiens aient plus rapidement accès à des médicaments génériques meilleur marché.

Lorsque le ministre de l'Industrie, John Manley, dit qu'il n'est pas possible de retourner au régime d'octroi de licences obligatoires d'avant 1991, et que le ministre de la Santé, David Dingwall dit qu'il n'y a pas d'autres possibilités, ils leurrent le public sur une question d'une importance critique pour l'ensemble des Canadiens.

Nous avons lu et appuyons le mémoire préparé par John Dillon et qui vous a été soumis, intitulé On Feeding Sharks: Protection, Compulsory Licensing and International Trade Law, concernant les médicaments et les obligations commerciales internationales du Canada aux termes de l'ALENA et de l'OMC. M. Dillon fait ressortir que le Parlement pourrait apporter dans le cadre de cet examen de la Loi sur les brevets plusieurs changements qui seraient conformes aux obligations du Canada en matière de commerce international.

Nous vous encourageons vivement à consulter des juristes sur des stratégies envisageables avant de conclure qu'il vous faut vous plier à la lettre à l'entente commerciale. Les Canadiens, les Américains et les Mexicains se sont fait promettre une solution de six mois dans le cadre du débat public sur l'ALENA. On nous a dit qu'on pourrait sortir de l'entente avec un préavis de six mois. Cette assurance doit certes être aussi pertinente aujourd'hui qu'elle l'était à l'époque, surtout relativement à cette question- ci.

.2045

Bien que le gros des dommages et de la restructuration amenés par l'ALENA soit à long terme, nous avons néanmoins la possibilité, avec cet examen, d'invoquer notre droit de reprendre le contrôle sur un secteur clé de nos services et de notre économie.

Nous appuyons la demande du Forum national sur la santé d'un régime universel d'assurance-médicaments administré par le gouvernement. Nous pensons qu'un tel régime correspond à la définition d'intérêt public donnée dans l'entente commerciale. Nous exhortons le gouvernement du Canada à donner suite à cette disposition en modifiant le projet de loi de façon à veiller à ce qu'au moins une version de chaque préparation pharmaceutique vendue au Canada soit exemptée de la protection par brevet. Cela garantirait aux Canadiens un accès à des produits pharmaceutiques de qualité élevée et à faible coût. Cela contribuerait également au maintien et à l'amélioration de notre système de soins de santé national, qui est le parti politique de tous les Canadiens.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, Faith, pour un excellent exposé.

Nous allons maintenant entendre deux représentants du Syndicat des employés des hôpitaux. L'un de vous va-t-il parler au nom du groupe? J'ai le nom de Fred Miezia. Est-ce que c'est vous, monsieur, qui allez faire la présentation?

M. Fred Miezia (président, Syndicat des employés des hôpitaux): Oui.

Le président: Très bien. Allez-y, je vous prie.

M. Miezia: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je suis président du Syndicat des employés des hôpitaux et nous somme une division du Syndicat canadien de la fonction publique en Colombie-Britannique. Je suis également membre du conseil de la B.C. Federation of Labour et vice-président régional du conseil national du SCFP.

Je participe à cette audience au nom des 42 000 travailleurs des soins de santé de première ligne qui sont membres de notre syndicat. Cela fait plus de cinq ans que nous servons le public dans des hôpitaux, des établissements de soins de longue durée et des organismes de santé communautaires. Nous sommes de fervents défenseurs de la préservation et de l'amélioration des soins de santé publics et nous appuyons les cinq objectifs énoncés par la Coalition canadienne de la santé.

Nous aimerions utiliser notre temps avec le comité pour appuyer le principe d'une assurance-médicaments universelle administrée par les pouvoirs publics au Canada. J'aimerais également vous renvoyer à la réponse différente donnée par le gouvernement ici en Colombie-Britannique. Nous comptons parmi les provinces qui ont été les plus durement touchées par les réductions des paiements de transfert pour les services sociaux et les soins de santé. Cette situation est encore aggravée par les dispositions du projet de loi C-91. Notre gouvernement a établi un système de fixation des prix en fonction de prix de référence et une approche différente aux coupures dans les soins de santé comparativement aux autres provinces. Il est par conséquent très important que vous entendiez véritablement les gens d'un bout à l'autre du pays. J'aimerais en même temps vous dire que le projet de loi C-91 est un obstacle aux soins de santé et un fardeau financier pour les régimes d'assurance-maladie des provinces.

En guise de préface, j'aimerais vous dire que nous sommes très mécontents de la façon dont le gouvernement a choisi de s'occuper de cet important texte de loi. Notre syndicat est frustré par l'absence de réelle consultation au sujet du projet de loi C-91 à l'extérieur d'Ottawa. La promenade électronique d'aujourd'hui dans le pays est un piètre remplacement des audiences publiques étendues à l'échelle nationale que méritent le projet de loi est les Canadiens.

Des voix: Bravo!

M. Miezia: Nous sommes également troublés par le fait que cet examen de la loi se limite au Comité permanent de l'industrie. Cela vient renforcer notre perception et celle de nombreux résidants de la Colombie-Britannique que l'actuel gouvernement considère la fourniture des médicaments dont les Canadiens ont besoin comme étant une question de commerce et d'industrie, qui s'intéresse surtout aux profits, plutôt que comme une question fondamentale dans le contexte des soins de santé pour les Canadiens. Vous pouvez faire mieux. Vous devez faire mieux.

La loi devrait être assujettie à un vaste examen, notamment par le Comité permanent de la santé et, à l'échelle nationale par les ministres de la Santé. Le gouvernement devrait par ailleurs veiller à ce que la vaste gamme de groupes de la société canadienne qui sont touchés par le projet de loi C-91 soient et au courant de l'examen en cours et invités à y participer.

Notre syndicat estime que l'accès aux produits pharmaceutiques nécessaires est autant un élément du droit des Canadiens aux soins de santé que l'est l'accès à des professionnels de la santé, à des procédures médicales et à des installations de soins de santé.

L'assurance-médicaments universelle n'est pas une notion radicale. Il s'agit d'un élément clé de l'infrastructure sociale et économique des 24 premières nations industrialisées, exception faite, bien sûr, des États-Unis et du Canada. Le Forum national sur la santé, créé par le gouvernement fédéral lui-même, a conclu que le système fédéral-provincial existant d'assurance-maladie devrait être modifié pour englober le coût des médicaments sur ordonnance. Il s'agit là d'un conseil que devrait suivre le gouvernement.

.2050

La triste réalité pour 3,6 millions de Canadiens est que les produits pharmaceutiques sur ordonnance nécessaires ne font pas partie de leur couverture de base. Il s'agit là d'une faille énorme dans la couverture pour soins de santé de base, étant donné qu'un faible niveau de revenu est largement accepté comme étant synonyme de mauvaise santé. Le manque d'accès aux produits pharmaceutiques nécessaires vient aggraver un mauvais état de santé, menant à l'hospitalisation ou à l'institutionnalisation, qui sont à long terme plus coûteux pour le système de soins de santé.

Le plus gros obstacle à l'assurance-médicaments universelle est la protection par brevet de 20 ans conférée aux nouveaux médicaments en vertu du projet de loi C-91. En utilisant la récente étude de l'incidence du projet de loi C-91 de l'Université Queen's comme base, l'on estime que le texte de loi coûtera aux consommateurs et aux contribuables de la Colombie-Britannique 30 à 50 millions de dollars chaque année pendant les 13 prochaines années. Cela coûtera jusqu'à 7,3 milliards de dollars aux Canadiens d'ici l'an 2010.

Le projet de loi C-91 dresse également une barrière conséquente devant les efforts déployés par les provinces pour offrir à leurs résidants une assurance-médicaments plus exhaustive. Les prix des nouveaux médicaments brevetés augmentent de plus de 13 p. 100 par an, soit près du double de l'augmentation annuelle pour les médicaments non brevetés. Il n'est donc guère étonnant que le coût du régime Pharmacare de la Colombie-Britannique ait doublé au cours des cinq dernières années. Le programme Pharmacare de la province illustre en effet les économies sur le plan soins de santé qui seraient réalisées si la commercialisation de produits génériques était autorisée plus tôt que ne le permet le projet de loi C-91.

Afin de contrôler les coûts, le gouvernement de la Colombie- Britannique a adopté l'établissement de prix de référence en 1995. En vertu de ce programme, Pharmacare paie pour le médicament efficace le moins coûteux pour soigner certains problèmes médicaux. Ce programme vise à contrôler les coûts résultant de la prolifération sur le marché des médicaments «perroquets». Chaque année, près de la moitié des médicaments nouvellement brevetés qui arrivent sur le marché sont des variations coûteuses de produits pharmaceutiques payants.

L'établissement des prix à partir de prix de référence résultera en des économies de 44 millions de dollars cette année. Il s'agit là d'un montant considérable pour un programme dont le coût annuel se chiffre à environ 500 millions de dollars. Selon certaines estimations, l'application à l'échelle du pays d'un système d'établissement de prix à partir de niveaux de référence pourrait économiser chaque année quelque 500 000 millions de dollars au système de soins de santé. Si le lancement sur le marché de produits génériques était autorisé plus rapidement, les économies pour le système de soins de santé seraient encore plus importantes.

Il n'est guère étonnant que les fabricants de produits de marque tentent de bloquer en recourant aux tribunaux l'établissement de prix à partir de niveaux de référence. Tranchant en faveur du gouvernement de la Colombie-Britannique en mai 1996, le juge de la Cour suprême a souligné que l'établissement de prix à partir de niveaux de référence n'avait pas eu une incidence néfaste sur les soins donnés aux patients. Il s'agit là d'une conclusion qui a également été appuyée par le B.C. College of Physicians and Surgeons.

Je demande au gouvernement de faire un examen attentif des recommandations de la Coalition canadienne de la santé et du Forum national sur la santé et de jouer un rôle de leader dans la mise en oeuvre pour tous les Canadiens d'un régime d'assurance-médicaments universel. Cela cadrerait avec les cinq principes qui sous-tendent le système canadien de soins de santé. Nous ne devrions jamais les oublier et nous ne saurions trop les répéter. Les voici: administration publique, exhaustivité, universalité, transférabilité et accessibilité d'un bout à l'autre du pays.

Cela cadre également avec les objectifs d'une réforme progressive des soins de santé. Avec la désinstitutionnalisation des soins de santé et leur transfert à la communauté, il est logique que les produits pharmaceutiques couverts dans les hôpitaux le soient au niveau de la communauté. Dans le cas contraire, ce ne serait qu'une entrave à un modèle de soins de santé plus près des gens.

En 1993, le Parti libéral s'est dressé aux côtés des Canadiens pour s'opposer aux profits massifs découlant du projet de loi C-91 de Mulroney, dans les derniers jours d'un gouvernement discrédité. En 1997, avec des coupures de centaines de millions de dollars qui continuent d'être opérées dans le régime de soins de santé et un revirement total concernant le projet de loi C-91, les libéraux semblent être parfaitement à l'aise avec les anciennes politiques de Mulroney.

J'aimerais, au nom de tous nos membres, exhorter le comité de contrer ces membres du Cabinet qui ont oublié la promesse libérale de protéger le régime de soins de santé du Canada. Le moment est venu de contrôler les coûts des produits pharmaceutiques et de protéger les soins de santé en mettant fin au monopole qui est autorisé en vertu du projet de loi C-91.

Merci.

Le président: Le dernier témoin représente le Syndicat des infirmières de la Colombie-Britannique. Je pense qu'il s'agit de Mary Malerby. Est-ce bien cela?

Mme Mary Malerby (vice-présidente, Syndicat des infirmières de la Colombie-Britannique): C'est exact.

Le président: Bienvenue au comité.

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Mme Malerby: Le Syndicat des infirmières de la Colombie- Britannique représente quelque 23 000 infirmières autorisées de la Colombie-Britannique. Ces infirmières sont appelées à composer tous les jours avec les effets secondaires du projet de loi C-91. Comme nous avons tous pu le constater, avec le rétrécissement des budgets pour les soins de santé, les fermetures de lits d'hôpital et le renvoi des patients chez eux plus tôt et en moins bonne santé, la charge de travail des infirmières a sensiblement augmenté.

Les prix des médicaments sont un autre élément du problème. En effet, en vertu du projet de loi C-91, les médicaments sur ordonnance connaissent une augmentation annuelle de 12 p. 100. Malheureusement pour le public, ces prix frappent les contribuables de la Colombie-Britannique en même temps que le gouvernement - le vôtre, soit dit en passant - continue de sabrer dans le budget pour les soins de santé et les paiements de transfert à la Colombie-Britannique.

Non seulement les résidants de la Colombie-Britannique doivent payer plus cher à la pharmacie pour acheter leurs médicaments, mais c'est le cas également de tous les hôpitaux et tous les établissements de soins de santé de la province.

En même temps que l'on ferme des lits d'hôpital et que l'on remet les gens dans la rue beaucoup plus vite que jamais auparavant, l'on doit garder certaines personnes dans ces lits et dans ces hôpitaux parce qu'elles n'ont pas les moyens d'acheter les médicaments dont elles ont besoin une fois rendues chez elles. Par conséquent, pour sauver la vie des gens, on les garde plus longtemps à l'hôpital, dans le seul but de leur donner des médicaments qu'elles n'ont pas les moyens d'acheter sur le marché.

Si l'on ajoute à cela ce qui se passe du côté des paiements de transfert, le projet de loi C-91 a un effet désastreux sur l'ensemble de la Colombie-Britannique. Des centaines de millions de dollars dont on a désespérément besoin pour les soins de santé sont en train d'être retirés aux soins aux patients et versés aux compagnies pharmaceutiques. L'on ne peut tout simplement pas se permettre de continuer de payer des prix exorbitants pour les produits des sociétés pharmaceutiques multinationales, surtout lorsque les fabricants de produits génériques proposent des solutions de rechange beaucoup moins coûteuses.

Nous aimerions maintenant soulever, en guise de rappel, un certain nombre de points importants. Les prix des médicaments augmentent de 12 p. 100 par an. Les médicaments protégés par brevet coûtent en moyenne 50 à 60 p. 100 de plus que leurs équivalents génériques. Les contribuables canadiens peuvent économiser chaque année 750 millions de dollars en achetant des médicaments génériques.

Les produits pharmaceutiques ont compté pour 15 p. 100 des dépenses en matière de soins de santé au Canada en 1993. Ce total crèvera bientôt le plafond, le projet de loi C-91 nous obligeant maintenant à acheter davantage de produits de marque. Seuls 8 p. 100 de l'ensemble des nouveaux médicaments brevetés entre 1991 et 1995 étaient des produits révolutionnaires, des médicaments qui présentaient des améliorations conséquentes par rapport aux produits existants.

Quarante-neuf p. 100 de tous les produits arrivés sur le marché depuis 1991 sont des produits que nous avions déjà. On a tout simplement changé le dosage, la couleur ou autre. Mais c'est le même médicament, que l'on a toujours eu, sous réserve de quelques petits changements. L'on ne peut donc pas parler dans leur cas de recherche. C'est du vol.

Le projet de loi C-91 a donc véritablement été une ordonnance pour la catastrophe dans le contexte du régime canadien de soins de santé. Quelque 23 000 infirmières de la Colombie-Britannique vous disent que le moment est venu de mettre fin à cela. Le moment est venu pour vous, qui formez notre gouvernement, de vous opposer à ces changements. Nous tenons à vous rappeler, comme l'ont déjà fait d'autres autour de cette table, qu'en 1993 le Parti libéral s'est vigoureusement opposé à ce système de brevet. J'espère que ceux qui étaient là en 1993 se souviendront de ce qu'ils disaient à l'époque: les millions et les millions de dollars que ce système de brevetage allait coûter au régime de soins de santé correspondent tout à fait à la réalité. Ne continuez pas de commettre la même erreur que celle que vous avez laissé se faire commettre sous le régime Mulroney.

Les 23 000 infirmières de la Colombie-Britannique souhaitent que vous abrogiez le projet de loi C-91, et nous aimerions par ailleurs que vous appuyiez la stratégie nationale pour les médicaments.

Merci.

Le président: Merci beaucoup de votre présentation.

Nous allons maintenant passer à la table ronde.

[Français]

Nous allons commencer avec M. Ménard.

M. Réal Ménard: Monsieur le président, vous avez remarqué qu'au total, les témoins ne sont pas très contents de votre gouvernement et estiment que, peu importe que ce soit par voie intraveineuse, orale ou anale, vous avez changé d'idée comme gouvernement.

Vous avez des propos assez durs envers le projet de loi C-91. Vous demandez même son rappel. Donc, il est peut-être plus fondamental de discuter de cela avec vous.

.2100

D'abord, le porte-parole des Travailleurs canadiens de l'automobile a déclaré qu'en 1987, le coût moyen d'une réclamation était de 7,07 $ pour chaque employé et qu'en 1996-1997, ce coût moyen s'élevait à 21,44 $.

Dois-je comprendre que 100 p. 100 de la hausse que vous nous décrivez est imputable, selon vous, au projet de loi C-91?

[Traduction]

Le président: Allez-y.

M. Keighley: Tout d'abord, félicitations pour votre fin de semaine. Les journalistes de partout au pays en ont parlé.

Les 7,80 $ correspondent à la prime mensuelle versée pour obtenir la couverture. Cette prime mensuelle est maintenant passée à 24,44 $.

Vous pouvez, pour n'importe quel mois, avoir un membre qui ne fait aucune demande de remboursement quelle qu'elle soit. Vous pouvez également avoir un membre qui fait des demandes qui, ajoutées ensemble, représentent plusieurs centaines de dollars. Spencer Mohart, qui administre le plan, pourrait sans doute vous fournir davantage de précisions là-dessus.

Une voix: D'accord.

M. Spencer Mohart (administrateur, Régime de santé et de bien- être, Travailleurs canadiens de l'automobile): Ce montant de 7,80 $ correspond à ce que cela nous coûtait chaque mois pour fournir des médicaments sur ordonnance aux personnes couvertes par les régimes d'avantages sociaux que nous avions négociés. Ce qui s'est passé, c'est qu'au cours des dix dernières années, ce montant est passé à 21,44 $ par employé par mois. Évidemment, une partie de l'augmentation est attribuable à l'ajustement, si vous voulez, en vertu du régime d'assurance-médicaments du gouvernement provincial.

Comme Jef l'a mentionné tout à l'heure, le déductible pour le régime Pharmacare était au départ de 50 $ par famille par année civile, avec remboursement de 80 p. 100 de tous les montants en sus. Ce déductible a été augmenté année après année et il est aujourd'hui de 600 $ par famille par année civile, et le pourcentage de remboursement est passé de 80 à 70 p. 100.

Ce n'est pas l'intégralité de l'augmentation de 275 p. 100 qui est directement attribuable au coût des médicaments sur ordonnance: ce sont plutôt le coût de ces médicaments et la réaction des gouvernements provinciaux à ces augmentations de coûts. La seule façon pour les gouvernements d'essayer de les contrôler était d'augmenter le déductible.

L'établissement des prix en fonction de niveaux de référence n'a jusqu'ici pas eu une très forte incidence sur nos régimes, même si je constate dans mes statistiques pour l'an dernier que les chiffres sont demeurés stables. C'est la première fois en dix ans que les coûts n'ont pas connu une escalade. Le recours à des prix de référence, adopté par la Colombie-Britannique, a au moins stoppé l'augmentation radicale des prix d'une année sur l'autre.

M. Keighley: Il importe également de se rappeler que l'on parle ici de deux coups durs qui nous ont frappés: le projet de loi C-22 en 1987 et le projet de loi C-91 en 1993. Ce sont là les deux chocs qui ont débouché sur la situation que l'on connaît aujourd'hui.

Le président: Monsieur Ménard.

[Français]

M. Réal Ménard: L'un des porte-parole de votre coalition a affirmé que la hausse mensuelle du coût des médicaments était de 16 p. 100, tandis qu'un autre a dit qu'elle était de 12 p. 100.

Vous savez que le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés est un tribunal quasi judiciaire qui doit chaque année présenter un rapport, rapport qui est déposé en Chambre au moins de juin par le ministre de la Santé. Ce rapport a deux grands objectifs. Il doit évaluer un peu la hausse du coût des médicaments, avec comme référence un certain nombre d'autres pays industrialisés, et on peut, lorsque l'on consulte ce rapport, examiner l'effort des 69 sociétés pharmaceutiques titulaires de brevets en termes de recherche et de développement.

Nous avons eu le plaisir de recevoir ici le président du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. Vous savez que depuis que le Conseil existe, il n'a eu que deux présidents: d'abord M. Eastman, un Canadien issu de la Suisse, et M. Elgie, qui est président depuis peu.

Lorsqu'on regarde les rapports - je crois qu'il y en a eu 10 - , on voit qu'il y a au Canada un contrôle du prix des médicaments brevetés et que la hausse du prix des médicaments brevetés est de beaucoup inférieure à l'indice des prix à la consommation.

.2105

Vous nous dites que tout cela n'est pas crédible, que ce n'est pas vrai et vous nous invitez à examiner d'autres statistiques, c'est-à-dire les vôtres. Comment expliquez-vous l'écart entre les données de la coalition et celles du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés?

[Traduction]

M. Keighley: Eh bien, dans notre cas, nous parlons du véritable versement qui est fait. Nous ne parlons pas de quelques statistiques génériques. Nous disons que c'est cela qui est versé en vertu de notre régime.

Nous avons peut-être des coûts différents dans le cadre de notre régime, mais il n'en demeure pas moins que nos statistiques s'appuient sur les versements qui sont véritablement faits à des vrais êtres humains pour des vraies maladies. Nous n'essayons pas de justifier cela en nous appuyant sur des statistiques générales.

Il y a encore autre chose que l'on pourrait dire...

[Français]

M. Réal Ménard: Je crois que l'on ne parle pas de la même chose. Un membre de votre coalition a déclaré que la hausse annuelle du prix des médicaments était de 12 p. 100 et l'autre a dit qu'elle était de 16 p. 100.

À plusieurs reprises, vous avez dit qu'il y avait une différence entre la hausse du coût des médicaments brevetés et la hausse du coût des médicaments non brevetés, et que le prix de ces derniers augmentait moins vite que celui des médicaments brevetés. Accordez-vous quelque importance à cela? Croyez-vous que le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, qui est un tribunal quasi judiciaire, est crédible lorsqu'il nous dit qu'il peut prendre des mesures de redressement et qu'au Canada, la hausse du coût des médicaments brevetés est inférieure à l'inflation? Êtes-vous d'accord ou pas sur cela? Je ne vous parle pas des primes que vous devez payer comme employeur ou comme syndicat. Je vous parle de l'évaluation du Conseil.

[Traduction]

Le président: Jef, permettez-moi de vous dire à quoi nous voulons en venir avec cela. Ce que nous essayons de faire... Et je vais enchaîner un peu sur la question de M. Ménard, car c'est très opportun. Nous essayons de comprendre certaines des données de sources différentes que nous avons.

Selon le mouvement syndical, qui est très important, les augmentations de coûts ont été dramatiques. Le témoignage officiel de l'organisme gouvernemental est que selon ces statistiques, l'augmentation annuelle a été inférieure à 2 p. 100.

Ma question est donc la suivante: l'augmentation de vos coûts est-elle attribuable à la mise en oeuvre du projet de loi C-91, ou bien y a-t-il eu des changements dans les habitudes de consommation? Pensez-vous qu'il y a eu toute une constellation de causes, ou bien attribuez-vous directement la situation aux prix qu'exigent les fabricants en tant que source unique? C'est cela que nous tentons de comprendre, pour savoir quelle pondération établir pour ces différents éléments.

[Français]

C'est la même question, je pense.

[Traduction]

M. Keighley: Un si grand nombre de ces médicaments ont été reformulés. Prenez une formulation datant d'avant le projet de loi C-91. Il y a de fortes chances qu'elle ne soit plus utilisée, car la plupart des produits ont été reformulés et sont aujourd'hui proposés sous une autre forme. Ils comparent donc une formulation qui n'est plus communément prescrite, car les médecins obtiennent les renseignements primaires sur les produits auprès de ces mêmes compagnies pharmaceutiques qui font le travail de reformulation et qui augmentent les prix.

Il n'est par conséquent guère étonnant que si vous comparez un médicament qui est de moins en moins utilisé à cause de la remise en forme et du travail de relations publiques auprès des médecins... son prix sera peut-être statique ou relativement bas comparativement à l'inflation, mais les coûts d'ensemble de ce qui est véritablement prescrit par de vrais médecins pour de vrais patients augmentent de façon phénoménale.

Nous payons ce que les médecins prescrivent, et non pas ce qu'un conseil du gouvernement établit quelque part comme étant une comparaison statique pour une période donnée.

[Français]

M. Réal Ménard: C'est une nuance extrêmement importante. Vous nous dites que c'est aux médicaments prescrits par les médecins qu'il faut attribuer la hausse du coût des médicaments, parce que vous avez des raisons de penser que les médecins prescrivent les médicaments les plus coûteux. Est-ce bien ce que vous nous dites?

[Traduction]

M. Keighley: Non, nous avons des raisons de croire qu'ils prescrivent dans la moyenne d'un bout à l'autre du pays. Nous avons suffisamment de chiffres pour savoir qu'il ne s'agit pas de pointes ou de vallées artificielles. Cela reflète fidèlement ce qui se passe au sein de la profession médicale. Les renseignements qu'obtiennent les médecins sont fournis par les compagnies pharmaceutiques et ils réagissent en conséquence, et c'est cela qui alimente la hausse des coûts. Les médicaments qu'ils prescrivent sont des médicaments reformulés et réemballés dans le but d'obtenir une protection supplémentaire de 20 ans et d'en profiter pour augmenter le prix.

.2110

[Français]

M. Réal Ménard: Je crois qu'il sera extrêmement difficile pour le comité de se faire une opinion si on ne se comprend pas.

Personnellement, je vous dis que le Conseil d'examen, lequel est composé de cinq membres, dont un comptable, un médecin et un pharmacoéconomiste, a pour mandat d'évaluer la hausse du coût des médicaments brevetés. Il le fait à partir d'un certain nombre de lignes directrices, dont un éventail de comparaisons entre pays industrialisés.

Dites-vous que la hausse du coût des médicaments brevetés est vraiment démesurée? Avez-vous vraiment l'impression que cette hausse n'est pas ce que prétend le Conseil? Le Conseil nous dit que la hausse du coût des médicaments brevetés est inférieure à 2 p. 100, mais les membres de la Coalition canadienne de la santé, en Saskatchewan, au Manitoba et en Colombie-Britannique, nous disent que les coûts des médicaments augmentent de 16, 12 ou 17 p. 100 par année. De quoi parle-t-on lorsqu'on fait une affirmation comme celle-là?

[Traduction]

M. Keighley: Au risque de me répéter, cela s'appuie sur ce que nous payons véritablement, ce qui correspond à ce que les médecins prescrivent véritablement. Le conseil d'examen est sensiblement détaché de la réalité dans sa description de la situation que vivent les Canadiens.

[Français]

Le président: Une dernière question, monsieur Ménard.

M. Réal Ménard: Avec toute la diplomatie dont vous et moi sommes capables, je comprends que vous dites au membres du Comité permanent de l'industrie que le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés a erré, que son évaluation est erronée et qu'on ne devrait pas s'en remettre à ce type d'évaluation-là.

N'ayez pas peur de dire le fond de votre pensée.

[Traduction]

M. Keighley: C'est exact. Vous ne devriez pas fonder vos conclusions là-dessus.

Le président: Merci beaucoup. Il nous faudra aller jusqu'au fond de la chose.

Mme Malerby: J'aimerais moi aussi faire une déclaration. J'ignore comment les responsables du brevetage des médicaments font leurs évaluations, mais je suis convaincue qu'ils manipulent leurs données pour faire bonne impression et décrocher encore 20 années de protection.

J'aimerais ramener la discussion à ma réalité. Dans ma réalité, soit un hôpital de soins actifs, en Colombie-Britannique nous avons réduit de plus de 1 900 le nombre de nos lits d'hôpital. Nous avons donc 1 900 lits de moins aujourd'hui qu'il y a quatre ans, et, en même temps, nos dépenses au titre de médicaments ont augmenté de 12 p. 100 par an dans nos établissements en Colombie- Britannique. Je ne sais qui fixe les prix, mais ce que je peux vous dire c'est qu'au fur et à mesure que le coût de tout le reste baisse, le coût des médicaments consommés dans les établissements de soins en Colombie-Britannique augmente de 12 p. 100 par an et la tendance à la hausse va se maintenir.

Le président: Monsieur Mayfield.

M. Philip Mayfield (Cariboo - Chilcotin, Réf.): Merci beaucoup.

J'aimerais aborder un autre aspect de la question. On a entendu le conseil nous parler du prix des médicaments; on a entendu d'autres scénarios en matière d'augmentation de fonds pour la recherche, de multiplication des installations, d'augmentation du personnel, etc. Il y a des représentants du secteur de la biotechnologie qui nous ont dit qu'il est impératif, pour qu'ils puissent poursuivre leurs travaux de recherche et leur production, qu'ils jouissent d'une période de brevet prolongée, sans quoi ils ne seront plus viables. Nous avons également entendu les gros nous dire qu'ils ont augmenté leur financement par suite de cela et que si ce même degré de protection n'est pas maintenu, alors ils seront portés à aller s'installer ailleurs dans le monde, dans un cadre qui leur sera plus favorable sur le plan profits.

.2115

Cela sonne l'alarme pour certains, surtout ceux qui oeuvrent dans le domaine de la recherche. J'ai ici deux lettres, l'une d'un épidémiologiste de l'Hôpital général de Vancouver, et l'autre de la division de la neurologie à l'Université d'Ottawa. Les auteurs des deux lettres plaident avec insistance pour l'augmentation du financement consenti par les compagnies pharmaceutiques productrices de médicaments de marque, disant que cela est absolument essentiel pour le maintien de la recherche. Une personne mentionne des problèmes telle l'éclosion de souches résistantes à la vancomycine. Il y a eu quelques cas du genre en Colombie- Britannique.

Si nous ne sommes pas prêts à investir de l'argent dans la recherche qui est nécessaire, alors lorsque notre population aura besoin de ces médicaments, ils ne seront pas disponibles. Je me demande comment vous régleriez cette question de l'argent qui est nécessaire pour la recherche et dont ces personnes disent avec force conviction qu'il doit résulter du maintien de la période de protection par brevet.

M. Mohart: Je ne pense pas qu'il y en ait parmi nous qui refuserait de reconnaître qu'il doit y avoir une certaine protection par brevet pour les nouveaux médicaments. Leurs responsables doivent récupérer leur travail de R-D. Ce qui enrage les gens ce sont les cas dont je vous ai parlé et dont certains figurent dans ces rapports: je veux parler des plus de 60 p. 100 des soi-disant nouveaux médicaments qui ne sont rien d'autre que le remplacement d'une pilule par une capsule ou d'une capsule par un cachet, tout cela pour que le prix monte en flèche et que la période de brevet soit prolongée. Cela est criminel.

Je ne pense pas que nous contestions la reconnaissance d'une certaine protection privée pour le travail de recherche et de développement d'un nouveau médicament, mais lorsqu'ils s'adonnent à ce genre de jeu, lorsqu'ils jouent avec les règles et essaient de contourner la loi, alors c'est à vous de faire quelque chose dans le cadre de la loi pour mettre fin à ce genre de trafic.

M. Keighley: Je n'ai jamais vu quelqu'un qui bénéficiait d'une politique en préconiser le changement. C'est le vieil adage selon lequel ceux qui sont prêts à voler à Peter pour payer Paul peuvent toujours compter sur l'appui de Paul. Il est évident qu'ils veulent que l'argent continue de rentrer.

C'est une règle en affaires au Canada que de dire que si vous ne sonnez pas l'alarme, vous n'allez pas attirer l'attention des gens, mais dire que ceci va se traduire par un exode massif d'un pays qui offre un très bon marché... Nous offrons un bon marché. Nonobstant notre population, c'est mieux que la moyenne dans la plupart des pays du monde. Il y a un bon rendement. Même à des prix bien inférieurs, il ne faut pas penser que ces personnes vont fuir et laisser derrière elles leurs profits.

Le président: Madame Bonnie Brown.

Mme Bonnie Brown (Oakville - Milton, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je tiens tout simplement à être bien certaine de comprendre ce que dit cette délégation et ce sur quoi ses membres s'entendent. Pour revenir aux questions posées tout à l'heure par M. Ménard, êtes-vous en train de dire qu'il est un exercice inutile que le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés évalue les augmentations du prix de, mettons, un médicament vieux de dix ans qui est de moins en moins prescrit chaque année? Vous faites une distinction entre ces prix-là, qui augmentent peut-être à un rythme inférieur à celui de l'inflation, et les coûts réels des employeurs, soit ce qu'ils versent aux gens en vertu de régimes d'assurance-médicaments et autres. Vous dites que ce serait plutôt de l'ordre de 12 p. 100 par an.

Vous dites que ces coûts réels sont fondés sur ce que les médecins prescrivent réellement. Ils prescrivent souvent les nouveaux médicaments plus coûteux qui sont toujours vendus au prix de lancement et qui sont protégés par des brevets, mais il s'agit souvent tout simplement de nouvelles versions de médicaments anciens. Vous pensez que c'est ce jeu qui est responsable de l'augmentation de vos coûts. C'est bien cela, n'est-ce pas?

.2120

M. Keighley: Oui, en grande partie. Ce n'est pas qu'il ne vaut pas la peine de tester le médicament vieux de dix ans ou plus, mais si c'est là le seul travail qu'il fait, alors on joue avec une part du gâteau toujours rétrécissante.

Ils surveillent sans doute moins de 10 p. 100 des augmentations, tandis que les médecins prescrivent de plus en plus des médicaments qui se situent autour de 90 p. 100, et c'est de ce côté-là qu'il y a augmentation. Ce n'est pas que l'exercice qu'ils font est mauvais. Il ne correspond tout simplement pas au monde réel qu'ils essaient d'évaluer.

Mme Bonnie Brown: Merci.

Nous avons entendu hier un actuaire du régime d'assurance- maladie Green Shield, et il a très clairement établi une distinction entre les prix et les coûts. Je suis tout à fait d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il nous faut en tant que gouvernement être préoccupé par les coûts.

J'aimerais maintenant poser une question à Mary Malerby. Mary, la plupart des médecins semblent penser que le recours accru à la pharmacologie ou à des thérapies pharmaceutiques réduit en fait les coûts des soins de santé, car les gens sont moins nombreux à être hospitalisés. Vous, vous dites que les séjours à l'hôpital sont souvent plus longs, certains patients étant gardés à l'hôpital de façon à ce qu'ils puissent recevoir les médicaments coûteux dont ils ont besoin mais qu'ils n'auraient pas les moyens de payer si leur médecin les sortait de l'hôpital. Votre association dispose-t- elle de preuves autres qu'anecdotiques de cela? Gardez-vous des statistiques sur ce phénomène de séjours plus longs à l'hôpital?

Mme Malerby: Je ne saurais vous dire tout de suite si nous avons des statistiques là-dessus, mais je sais qu'il y a de nombreuses infirmières qui pourraient vous parler de cas précis, de personnes qui passent leur temps dans les couloirs des hôpitaux, en train de lire le journal ou de discuter, et qui ne peuvent pas rentrer chez elles parce qu'elles souffrent par exemple de la maladie de Crohn et que le coût des médicaments dont elles ont besoin est trop élevé pour qu'elles puissent les prendre à l'extérieur du cadre hospitalier. Elles ne peuvent avoir accès à ces médicaments qu'à l'hôpital. Souvent, il s'agit de thérapie par intraveineuse. La seule raison pour laquelle ces personnes sont à l'hôpital est que les médicaments sont donnés par intraveineuse.

Nous avons des programmes dans le cadre desquels ces personnes devraient pouvoir prendre des produits par intraveineuse chez elles ou dans la communauté, avec l'aide d'infirmières communautaires. D'autre part, le coût de ces médicaments à la pharmacie, si ces personnes devaient les acheter elles-mêmes au lieu de les obtenir à l'hôpital, est si élevé qu'elles ne peuvent tout simplement pas se le permettre. Certains médicaments, notamment ceux utilisés pour soigner les personnes atteintes de la maladie de Crohn, coûtent jusqu'à 400 $ la dose. À moins d'être parent de Conrad Black, personne n'a les moyens d'aller s'acheter quatre doses de médicaments, à 300 $ ou 400 $ la dose. C'est tout simplement impossible.

Mme Bonnie Brown: Je comprends le concept. Ce que vous dites c'est qu'il n'y a personne chez vous qui compile des statistiques. Votre association pourrait-elle commencer à en compiler, dans peut- être dix gros hôpitaux de la Colombie-Britannique, pour pouvoir nous donner assez rapidement - même si cela ne devait couvrir que trois semaines - des chiffres sur l'incidence de ce genre de choses?

Mme Malerby: Je pense qu'il nous serait possible de préparer quelque chose du genre.

Mme Bonnie Brown: Cela nous serait utile.

Je pense que c'est Jef qui a dit - et j'ai trouvé cela très intéressant - que les employeurs sont en train de gémir au sujet des primes d'assurance-emploi et de demander que ce coût soit réduit, mais il semble qu'ils ne disent mot au sujet de leur part des coûts des régimes d'assurance-médicaments. Auriez-vous une petite idée des raisons à cela? Je trouve moi aussi que ce phénomène est un peu étrange.

M. Keighley: La plupart des employeurs ne savent pas vraiment ce pourquoi ils écrivent des chèques. C'est là une grosse partie du problème. Ils écrivent un chèque et ils ont un consultant à la fin du mois qui leur dit qu'ils doivent 25 000 $ au régime d'assurance- maladie et bien-être. Ils paient, mais ils ne comprennent pas vraiment.

J'ai dû m'asseoir à la table de négociation et leur expliquer ce pourquoi ils paient, quel est le coût à l'heure et quel serait leur coût si leurs employés affichaient moins ou plus de 40 heures de travail. Ils ne comprennent pas très bien, mais il n'y a pas un cri humain de la part des milieux d'affaires.

Dans l'ensemble, les milieux d'affaires se font tout simplement l'écho de ce que disent le Conseil canadien des chefs d'entreprises ou des groupes provinciaux comme le Fraser Institute ou le conseil des gens d'affaires. Si les conseils de gens d'affaires n'en parlent pas, alors les petites et moyennes entreprises n'en parlent pas non plus, car c'est auprès des premiers qu'elles se renseignent. Elles ne font que répéter ce qu'elles entendent. Bien franchement, et sans vouloir manquer de respect pour eux, c'est largement fonction de l'ignorance - non pas de la stupidité, mais bien de l'ignorance - des milieux d'affaires en ce qui concerne ce pourquoi ils paient vraiment.

.2125

Mme Bonnie Brown: Merci.

Des témoins qui vous ont précédés ont dit penser que la recherche pure qui est en train d'être faite est axée sur les profits potentiels du médicament et non pas sur les besoins du pays en matière de santé publique. Certains ont dit qu'ils aimeraient que la recherche pure soit financée à même les deniers publics. La recherche serait ainsi axée sur les préoccupations en matière de santé publique.

Avez-vous réfléchi à ce concept? Dans l'affirmative, quelle pourrait selon vous être la source du financement de tels investissements publics?

Le président: Quelqu'un pourrait-il répondre à cette question?

Mme Jones: Il semblerait que lorsqu'une personne du troisième âge rend visite à son médecin, une fois sur deux elle en sort avec une ordonnance. C'est une façon facile de s'occuper de soins de santé, mais ce n'est pas la meilleure façon. La solution pour vous occuper de votre santé n'est pas de repartir chaque fois du cabinet de votre médecin armé d'une ordonnance.

Le président: Très bien. Merci beaucoup.

Y en a-t-il parmi les membres du panel qui aimeraient faire quelques dernières observations? Chacun a-t-il eu l'occasion de dire ce qu'il avait à dire?

Vous, monsieur, qui levez la main, allez-y.

M. Ben Swanky (Greater Vancouver Seniors Coalition): Nous pensons que la recherche devrait être contrôlée et dirigée de la façon qu'a décrite le dernier député qui a parlé. En d'autres termes, elle devrait être axée sur ce qui est bénéfique pour les soins de santé et non pas sur ce qui est bénéfique pour les profits des multinationales, car ces dernières sont intéressées à vendre des médicaments, et nous nous intéressons à notre santé. Il s'agit de deux objectifs contradictoires.

Je pense qu'il devrait y avoir un certain contrôle du genre de recherche qui est effectuée. Il faudrait surveiller la recherche de façon à être certain que le travail qui est fait va contribuer à un meilleur système de soins de santé.

Le président: Merci beaucoup. Je tiens à remercier chacun des participants.

Jef - par votre intermédiaire et par celui de Spencer - vous pourriez peut-être communiquer avec le Bureau national des travailleurs canadiens de l'automobile. Je pense qu'ils ont communiqué avec nous une fois leur nom inscrit au programme, mais j'aimerais que nos recherchistes s'asseoient et examinent tout cela davantage dans le détail.

Dans le cadre d'une séance de travail comme celle-ci, il arrive souvent que les politiciens ne voient pas comment vous classez les choses, comment vous les voyez, comment vous ventilez les coûts, les types de comportements et tout le reste. Nous tenons à mieux cerner tout cela, car une leçon que j'ai apprise est que si l'on ne s'arrête pas pour écouter ce que disent les syndicats, on ne voit pas les conséquences sur le plan négociation et toutes les autres considérations qui interviennent dans vos ensembles d'avantages sociaux.

Nous sommes donc très désireux de nous asseoir et d'être bien certains de comprendre pleinement ce avec quoi vous composez et quelle base de données vous avez élaborée au fil des ans, car cela pourrait nous aider dans nos délibérations. Je vous fais donc cette demande. J'aimerais bien que quelqu'un de chez vous communique avec moi ou avec le greffier pour être bien certain qu'une réunion ait lieu. D'accord?

M. Keighley: J'aimerais dire quelque chose pour illustrer à quel point cela est important. Si l'on prend les trois gros dans l'industrie du montage des automobiles - et ils se trouvent principalement en Ontario et un petit peu au Québec - les producteurs canadiens ont un avantage de 600 $ par automobile par rapport aux Américains, sur le seul plan des coûts de soins de santé. Je dis bien 600 $ par véhicule, grâce à notre système plus efficient.

.2130

Le président: Je peux également vous dire que j'ai pleinement compris votre position au sujet d'une autre question à laquelle je me suis intéressé. Je pense avoir rencontré certains d'entre vous en juin dernier. Cela a beaucoup influencé la façon dont j'ai fini par décider de structurer certaines des questions de pensions au pays. J'apprécierais beaucoup entendre vos opinions personnelles sur tout cela.

Pour ceux d'entre vous qui s'inquiètent pour le comité, je tiens à dire, afin que cela figure au procès-verbal, que bien que nous soyons un comité de l'industrie et que nous ayons ce rôle parce que la Loi sur les brevets relève du ministère de l'Industrie, le comité a en fait été reconstitué de façon à être bien certain que l'on tienne pleinement compte des intérêts en matière de santé.

Nous avons le secrétaire parlementaire auprès du ministre de la Santé, nous avons un médecin d'un côté, nous avons également M. Ménard, qui a proposé un projet de loi d'initiative parlementaire et qui est très intéressé par la question des soins de santé. Je tiens à ce que vous sachiez que les deux perspectives nous préoccupent tout autant. Au sein du comité, tous les partis se sont réorganisés pour veiller à ce que soient présents ici des critiques préoccupés par la santé, pour éviter que l'examen ne se limite à l'aspect industrie.

Toutes les personnes qui ont demandé de comparaître devant le comité ont été entendues ou le seront dans les mois à venir. Nous avons fait le nécessaire pour que tous les Canadiens désireux de se faire entendre au sujet de la question dont nous sommes saisis en aient l'occasion.

Merci beaucoup pour le temps que vous nous avez consacré ce soir. Je peux vous dire que nous vous avons écoutés très attentivement. La coalition nationale que certains d'entre vous avez organisée s'est beaucoup fait entendre au cours des dernières semaines. Je suis certain que l'on tiendra également compte de ses avis. Merci beaucoup et bonsoir.

La séance est levée.

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