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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 19 mars 1997

.1531

[Traduction]

Le président (M. David Walker (Winnipeg-Nord-Centre, Lib.)): Mesdames et messieurs, la séance est ouverte. Le comité est prêt à entamer, conformément à l'article 108(2) du Règlement, son examen de l'article 14 de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets, chapitre 2, Lois du Canada, 1993.

Ron Thorpe est-il ici?

M. Ron Thorpe (consultant à la programmation, Institut collégial Marc Garneau): Oui, monsieur.

Le président: M. Strachan et M. Heller ne sont pas ici.

Pourriez-vous nous dire qui vous êtes, monsieur?

M. David J. Cox (président, Apotex Fermentation Inc.): Je m'appelle David Cox.

Le président: Vous n'êtes pas inscrit sur la liste des témoins.

M. Cox: Monsieur, je suis ici à l'invitation d'Ellen Savage.

Le président: Je suis désolé, mais vous ne figurez pas parmi les témoins dans ce dossier, et le moment n'est pas encore venu pour votre intervention. Nous reparlerons de cela plus tard, si vous le voulez bien.

Monsieur Thorpe, je vous souhaite la bienvenue devant le comité. Comme vous pouvez le constater, une seule personne se trouve ici pour la table ronde que nous avions prévue. Cela arrive parfois lorsqu'on prévoit un grand nombre de témoins. Il y a toujours un peu de battement. Soyez le bienvenu à cette séance du comité devant lequel vous allez prononcer un exposé.

Les trois partis sont représentés au sein du comité. Je vais maintenant mettre mon autre casquette et nous allons pouvoir commencer. Une sonnerie va retentir dans une demi-heure, ce qui veut dire que nous avons 25 minutes. Cela devrait nous permettre de faire pas mal de choses. Vous aurez l'occasion de répondre aux questions des représentants des partis, et si nous n'avons pas terminé, nous vous demanderons de revenir et nous poursuivrons quand la sonnerie se sera tue.

Monsieur Thorpe, je vous demanderais de bien vouloir vous présenter brièvement avant d'entamer votre exposé.

M. Thorpe: Merci.

J'enseigne la biologie à l'Institut collégial Marc Garneau à East York, dans la région de Toronto. Je porte moi-même actuellement deux casquettes, celle de consultant scientifique et celle de directeur régional du Centre canadien de ressources spatiales. Sous une forme ou sous une autre, j'enseigne les sciences depuis 26 ans et je fais partie d'un groupe d'éducateurs, d'universitaires et de représentants des entreprises qui, ces quatre dernières années, ont parrainé la Connaught Student Biotechnology Exhibition du grand Toronto.

Si je comparais aujourd'hui devant vous, c'est pour vous entretenir de la situation à laquelle doivent faire face nos étudiants, et particulièrement les étudiants en sciences, aussi bien dans mon établissement, d'ailleurs, que dans les autres. Il s'agit plus précisément, de l'incertitude et de l'inquiétude qu'ils ressentent à l'égard de leur avenir professionnel.

Il y a un peu plus d'une dizaine ans, en 1984, le Conseil des sciences du Canada a publié un rapport intitulé À l'école des sciences, initiative visant le renouvellement de l'éducation scientifique au Canada.

Beaucoup d'entre vous savent que, dans tout le Canada, les professeurs de sciences et les ministères provinciaux de l'éducation ont tenté de donner suite aux recommandations formulées dans ce rapport et dans d'autres, en adoptant de nouveaux programmes afin d'encourager les jeunes, et en particulier les jeunes filles, à suivre des cours de sciences tout au long de leur scolarité et, à l'heure actuelle, nous tentons de mieux faire connaître les contributions canadiennes dans les sciences, ainsi que la manière dont la science a transformé notre société.

De nombreux collègues enseignants et moi-même avons décidé d'appliquer les recommandations formulées dans ce rapport; en ce qui me concerne, j'ai tenté, à l'Institut collégial Marc Garneau, en collaboration étroite avec les milieux de l'espace et de l'aérospatiale, de mettre de nouveaux moyens d'enseignement à la disposition de nos étudiants.

.1535

À Toronto, et dans la région environnante, de nombreuses écoles offrent à leurs étudiants des programmes novateurs, en biotechnologie par exemple. Dans mon propre établissement, nous avons mis sur pied un programme d'astronomie ainsi qu'un programme d'éthique. D'autres établissements d'enseignement de la région métropolitaine - comme Martingrove et l'école secondaire Northern - offrent des programmes de biotechnologie.

Pourquoi le projet de loi C-91 suscite-t-il tant de préoccupations chez les enseignants spécialisés, comme moi, dans les sciences et qui s'intéressent particulièrement aux sciences dans leur contexte canadien?

Une des trois questions qui retient l'attention du comité permanent est le degré de soutien qu'il convient d'accorder à l'industrie pharmaceutique au Canada. Mes collègues et moi-même reconnaissons que les questions sur lesquelles se penche actuellement le comité sont très complexes. Nous avons entendu des membres du comité dire combien il est important de parvenir à un équilibre, rappelant en même temps qu'il faut tenir compte des choix à effectuer au niveau des cours, de l'incitation à la recherche au Canada, de la qualité, de la protection des brevets, des parts de marché et ainsi de suite.

Mes collègues et moi-même, sommes ici pour ne parler que d'un seul aspect de la question, qui n'en est pas moins important en ce qui nous concerne. Nous sommes ici pour plaider la cause des collèges, des universités et des collèges communautaires qui dépendent, en matière de recherche et d'enseignement, de partenariats conclus avec les entreprises et le gouvernement.

Nous sommes ici en tant que partisans de l'industrie des biotechnologies, secteur qui, dans ma région, devrait, d'ici l'an 2000, atteindre un chiffre d'affaires d'un milliard de dollars par an. Comme vous le savez, l'Ontario comprend de nombreux centres de recherche en biotechnologies. Dans la ville où j'habite, les étudiants peuvent suivre des cours dans trois collèges communautaires. Le domaine des biotechnologies vient de prendre son essor en Ontario et, dans la région du grand Toronto, l'industrie des biotechnologies médicales s'est développée au point où, aujourd'hui, notre région compte pour environ 7 p. 100 de l'industrie nord-américaine des biotechnologies.

Nous possédons de puissants moyens de recherche - je veux parler des universités, des collègues communautaires et de plusieurs centres médicaux - de puissantes entreprises et institutions financières, et le secteur des biotechnologies crée des emplois ouverts à une main-d'oeuvre hautement qualifiée.

Les enseignants en sciences que nous sommes considèrent que le domaine des biotechnologies offre aux jeunes chercheurs, ingénieurs et techniciens en herbe, des postes techniques ou de recherche hautement qualifiés. Nous voulons voir se créer, dans le secteur des biotechnologies et dans d'autres secteurs, des emplois faisant appel aux techniques de pointe et à des connaissances poussées afin que les jeunes Canadiens puissent prétendre à des carrières en science et en technologie sans avoir pour cela à s'expatrier.

De nombreux rapports, dont celui du Conseil du premier ministre de l'Ontario, concluent que, plus que jamais, la compétitivité du Canada dans le domaine industriel dépend de ses moyens scientifiques et technologiques. Selon ce même rapport, nos performances scientifiques et technologiques ne sont pas à la hauteur de celles des autres grands pays industriels.

Vous connaissez les chiffres. Au Canada, nous consacrons 1,3 p. 100 du PIB à la recherche. En matière de science et de technologie, les comparaisons entre le Canada et les autres pays industriels font ressortir, au niveau des crédits affectés à la R-D, notre faiblesse par rapport aux normes internationales. La faiblesse des ressources affectées à la R-D illustre le faible nombre de scientifiques et d'ingénieurs que nous avons par rapport à l'ensemble de notre main-d'oeuvre.

Une étude effectuée pour le compte de l'industrie canadienne de l'espace et intitulée Space Education: A Self-Preservation Strategy signale que le Canada compte 30 scientifiques pour 1 000 travailleurs, la proportion correspondante étant de 34 en Grande-Bretagne, de 49 en Allemagne fédérale, de 62 au Japon et de 65 aux États-Unis. Sur 500 élèves de 5e année fréquentant une école de ma région scolaire, 18 obtiendront un diplôme en science et un seul un doctorat en sciences naturelles ou en génie.

Une des conclusions troublantes de cette étude est que, au Canada, le secteur de l'espace fait face actuellement à un rétrécissement du bassin de la main-d'oeuvre dans un domaine où il a d'ailleurs toujours été difficile de trouver un nombre suffisant de travailleurs qualifiés, et à une période où il devient plus difficile de recruter des travailleurs à l'étranger. Ce n'est pourtant pas le seul secteur à se trouver dans cette situation-là. En effet, dans le domaine de la biosystématique et de la taxinomie, la recherche souffre du fait que très peu d'étudiants choisissent, comme je l'ai moi-même fait, de faire carrière dans ces domaines.

.1540

Les partenariats entre les établissements d'enseignement et les entreprises se sont développés au Canada au cours des dix dernières années. Dans mon établissement, nous avons commencé vers 1986 avec quatre entreprises, dont Spar Aerospace. À l'Institut collégial Marc Garneau, nous réunissons à l'heure actuelle plus de 25 organisations et particuliers, y compris l'Agence spatiale canadienne, avec qui nous avons conclu des partenariats stratégiques permettant d'offrir aux étudiants des programmes d'enseignement coopératif, l'accès à des mentors et à des spécialistes des domaines concernés, des appuis techniques et des ressources supplémentaires, ainsi que - chose plus importante encore - , l'occasion de s'initier à la science et à la technologie en entreprise et de faire leurs preuves dans le cadre de situations concrètes.

Le président: Pourquoi ne pas passer directement à la partie qui traite des travailleurs qualifiés? Nous aurons ainsi suffisamment de temps pour vous poser des questions?

M. Thorpe: Entendu.

Il ressort du rapport du Conseil du premier ministre, et d'autres rapports encore, que le Canada devrait adopter des mesures très vigoureuses pour accroître la capacité scientifique et technologique de notre pays. Il faudrait, pour cela, que le pays tout entier s'engage de manière permanente à aider l'industrie à maintenir, voire à améliorer sa position en matière de technologies stratégiques. Le secteur des biotechnologies, comme le secteur de l'informatique et de l'aérospatiale compte beaucoup sur les universités et les collègues communautaires pour leur recrutement.

Mais, dans les établissements d'enseignement postsecondaire on constate actuellement une baisse du nombre d'étudiants s'inscrivant en science et en génie. Selon une étude récente sur l'éducation scientifique, commandée par le ministère de l'Éducation et de la Formation de l'Ontario, les étudiants se détournent des sciences.

Au cours de leur première année d'études universitaires, de 11 à 13 p. 100 des étudiants s'orientent vers les sciences. Contrairement à ce qui se produit dans le cas des diplômes de doctorat décernés dans tous les autres domaines, la proportion des diplômes en science et en génie (86 à 95 en nombre) ne parvient pas à dépasser les 11 p. 100. Or, pour conserver sa compétitivité internationale, le Canada doit augmenter le nombre d'étudiants choisissant de poursuivre leurs études postsecondaires en sciences, en technologie, en génie, en informatique ou en mathématiques. Le problème se situe au niveau de l'école élémentaire et de l'école secondaire, mais c'est également là que se trouve une partie de la solution.

Les entreprises doivent élargir l'appui traditionnellement accordé à l'enseignement primaire et secondaire afin de faire connaître aux élèves et aux étudiants les carrières auxquelles ils peuvent prétendre, afin de contribuer au perfectionnement des éducateurs, de leur fournir, ainsi qu'aux étudiants, l'occasion d'effectuer des recherches et d'offrir des débouchés aux étudiants en sciences.

J'aimerais conclure en disant simplement que, pour mes étudiants, la vie est plus compliquée qu'elle ne l'était pour les étudiants des générations précédentes. Ils doivent faire face aux changements et aux incertitudes de la technologie, de l'économie, des structures sociales et de l'éducation. Les étudiants d'aujourd'hui sont angoissés par la transformation du marché de l'emploi et ils s'inquiètent des perspectives que l'avenir leur réserve. Cette inquiétude est d'autant plus grande que la conjoncture économique a modifié les échanges commerciaux sur le continent et porté les entreprises à réduire leurs effectifs.

Les étudiants canadiens ont besoin de certitude et ils veulent aussi pouvoir contribuer à la société dans un domaine correspondant à leurs aptitudes et à leurs intérêts. Les enseignants en sciences estiment que l'essor des nouvelles technologies et le développement des secteurs qui, comme les biotechnologies, l'informatique et la science de la microgravité, sont fondés sur le développement des connaissances, ouvrent des perspectives qui permettront aux étudiants de contribuer à la société canadienne tout en étant récompensés de leurs efforts.

Je viens plaider ici pour le secteur des biotechnologies, industrie créatrice des emplois qu'occuperont ceux qui se destinent aujourd'hui à des carrières de chercheur et de technicien.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur.

[Français]

M. Brien, avez-vous des questions?

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Bienvenue au comité. J'aimerais soulever une remarque que formulent ceux qui souhaitent qu'on diminue la protection actuelle et disent que le concept de la propriété intellectuelle ne doit pas avoir la même application lorsqu'on parle de l'industrie pharmaceutique à cause de ses implications au niveau du système de santé et de ses coûts.

.1545

Êtes-vous en accord ou en désaccord sur ce genre d'affirmation?

[Traduction]

M. Thorpe: Excusez-moi, je ne pense pas avoir compris la question.

[Français]

M. Pierre Brien: Je vais la répéter.

Les gens qui souhaitent qu'on diminue la portée actuelle de la protection des brevets disent qu'on ne peut pas traiter sur le même pied l'industrie pharmaceutique et les autres secteurs d'activité économique. Que répondez-vous à ceux qui font de telles affirmations?

[Traduction]

M. Thorpe: Je ne suis pas certain d'avoir actuellement une position sur ce point. Je dirais simplement que, d'après moi, il faudrait que cela soit équitable à la fois pour le secteur concerné et pour l'ensemble de la population.

[Français]

M. Pierre Brien: Je suppose que vous connaissez la loi actuelle, soit le projet de loi C-91 adopté lors de la précédente législature. Selon vous, est-ce que la protection actuellement accordée est près de l'équilibre qu'on doit rechercher entre le juste retour sur les investissements ou la protection de la propriété intellectuelle et l'impact sur les coûts du système de santé? Est-ce que ce qui existe actuellement correspond à l'équilibre qu'on cherche à atteindre?

[Traduction]

M. Thorpe: Je pense que oui. D'après l'expérience que j'en ai, la seule chose que je puisse dire est que, dans ma ville, et à l'occasion de mes rapports avec le secteur, j'ai constaté une augmentation sensible du niveau d'activité du secteur des biotechnologies dans la région du grand Toronto. Du point de vue intellectuel, cela me paraît très positif puisque cela offre aux étudiants et aux enseignants la chance d'en savoir davantage sur les entreprises de ce secteur. Cela sert aussi à faire connaître l'enseignement des sciences et de la technologie, ce qui aide les étudiants à faire carrière et, en même temps, à se développer sur le plan personnel.

[Français]

M. Pierre Brien: Plusieurs personnes croient que la recherche fondamentale qui est actuellement faite dans le secteur pharmaceutique est insuffisante. Est-ce que nous devrions envisager de demander des engagements supplémentaires ou plus précis au niveau des types de recherche qui sont effectués afin qu'on ait davantage de recherche fondamentale?

[Traduction]

M. Thorpe: Il me serait très difficile de me prononcer sur cela car, à vrai dire, mon domaine n'est pas celui de la recherche biopharmaceutique et biotechnologique. J'estime, certes, qu'ils doivent poursuivre et même élargir leurs travaux de recherche, mais c'est simplement parce que, d'après moi, nous devrions multiplier autant que faire se peut nos efforts de recherche, non seulement dans ce secteur, mais également dans de nombreux autres secteurs - ainsi, d'ailleurs qu'au sein du gouvernement - afin de développer, au Canada, les connaissances techniques nécessaires et de nous assurer que les spécialistes ainsi formés ne chercheront pas à s'expatrier.

D'après ce que j'ai moi-même pu constater dans l'industrie aérospatiale, bon nombre de nos spécialistes partent travailler ailleurs. Je voudrais que nous puissions offrir aux chercheurs et aux ingénieurs la possibilité de rester au Canada et de servir de mentors à mes étudiants et à tous ceux qui voudraient faire carrière dans les sciences ou la technologie.

[Français]

M. Pierre Brien: Merci.

[Traduction]

Le président: Monsieur Mayfield.

M. Philip Mayfield (Cariboo - Chilcotin, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je tiens d'abord à vous remercier de votre venue devant le comité. Je voudrais vous poser une question qui va probablement vous sembler élémentaire. Qu'entend-on, au juste, par «biosystématique» et «taxinomie»?

M. Thorpe: La biosystématique est la science de la classification des formes vivantes. Elle s'intéresse essentiellement à la flore et à la faune du Canada, par exemple, et effectue un classement en fonction de certains traits caractéristiques qui permettent de différencier une tulipe d'un chrysanthème en raison de ses différents aspects et traits caractéristiques. Il s'agit d'un moyen de classer les organismes vivants en groupes et plus précisément en embranchements, en genres et en espèces.

.1550

M. Philip Mayfield: Ce sont là des mots que je comprends.

M. Thorpe: Il s'agit donc de distinguer l'orge du blé, ou l'érable du sapin baumier.

M. Philip Mayfield: C'est donc ça la taxinomie! Je tenais à me le faire préciser.

Mais ce que j'aimerais savoir, en fait, c'est l'essentiel du message que vous avez à nous adresser. Dans quel sens entendez-vous infléchir l'action du comité? Pourriez-vous nous expliquer cela?

M. Thorpe: Eh bien, je dois dire que les questions sont d'une grande complexité.

M. Philip Mayfield: Simplifiez-les à notre intention.

M. Thorpe: Je ne suis pas certain de le pouvoir, monsieur. Je tenais simplement aujourd'hui à vous exposer le point de vue des éducateurs qui s'inquiètent beaucoup de l'état de la R-D au Canada. Il faut favoriser l'action des entreprises.

Je me suis intéressé de près au concours de biotechnologie organisé à l'intention des étudiants par les laboratoires Connaught, et à certains des travaux effectués dans le cadre de ce concours. Il faut tout faire pour instaurer un régime aussi équitable que possible afin que ce projet de loi permette aux entreprises d'être compétitives; afin d'assurer que nos brevets profiteront au Canada; afin d'assurer que nous allons pouvoir créer suffisamment d'emplois pour nos diplômés; afin que le Canada puisse garder des chercheurs du calibre de Lap Chi Choi, et pour que nos étudiants, lorsqu'ils accèdent à l'enseignement universitaire et postsecondaire, aient l'occasion d'apprendre auprès de chercheurs de ce calibre. J'ai moi-même eu la chance de le faire lorsque j'étais à l'université.

Ce qui m'inquiète c'est qu'au Canada, nous perdons de larges pans d'une propriété intellectuelle que nous devrions pouvoir conserver ici. On fait de plus en plus pression sur les entreprises pour qu'elles redoublent d'efforts afin de conserver sur place les chercheurs et les technologistes. Si l'on veut que les entreprises jouent un rôle plus important en cela, il faudra leur donner la possibilité de le faire en adoptant un régime comparable à celui des autres pays. Je ne veux pas que nos chercheurs, nos ingénieurs et nos biologistes aillent travailler aux États-Unis ou en Europe. Je veux qu'ils restent ici au Canada.

M. Philip Mayfield: Vu certaines des questions que j'ai posées à d'autres témoins au sujet de ce que nous avaient dit les représentants d'entreprises de biotechnologie et des grandes firmes pharmaceutiques, mes collègues de comité auront aisément compris que, d'après moi, le prolongement de la période de protection des brevets prévue au projet de loi C-91 a permis aux entreprises, et surtout aux plus petites d'entre elles, d'entreprendre des recherches, d'assurer le développement de nouveaux produits et, du moins on l'espère, de les mettre en marché. Selon ce qu'ont déclaré les grandes firmes pharmaceutiques, le projet de loi C-91 a créé l'environnement économique qui leur a permis de s'installer au Canada et d'y prospérer.

D'autres ont, pour leur part, déclaré que la collectivité sociale ne peut guère se permettre ce genre de «prospérité». Les grandes firmes laissent par ailleurs entendre que, si cet environnement n'est pas maintenu, si elles ne peuvent pas continuer à bénéficier de l'actuelle durée de protection - que certains voudraient voir allongée - il y a, de par le monde, d'autres pays où ces grandes firmes pourraient se fixer et obtenir les rendements qu'elles désirent. Les entreprises de moindre envergure prétendent qu'il leur est économiquement impossible de rester au Canada.

En tant qu'enseignant qui entretient des liens tant avec ces nouvelles technologies qu'avec les chercheurs, estimez-vous que ce qu'ils nous disent est fondé? Ou est-ce plutôt, comme d'autres témoins l'ont affirmé, que les entreprises entendent simplement conserver les avantages dont elles bénéficient actuellement puisque, économiquement, il ne leur est guère possible d'aller s'installer autre part? Quel est votre point de vue à cet égard?

.1555

M. Thorpe: Il est extrêmement difficile de répondre. Je tenterai de le faire en disant que j'enseigne les sciences et que j'ai l'habitude de me décider en fonction des éléments dont je dispose. J'ai tenté d'approfondir le contexte du projet de loi et je me suis entretenu avec certains collègues qui travaillent tant dans des universités que dans des entreprises. Il me semble que si nous n'accordons pas aux brevets une protection suffisamment longue, le secteur tout entier en souffrira, comme vous l'avez dit, et l'on finira par perdre de larges pans de notre propriété intellectuelle.

Maintenant, comme vous, je dépends des informations que je peux recueillir. Je sais bien qu'il est très difficile, pour vous comme pour d'autres, de soupeser les arguments qui s'opposent ici. Je peux simplement dire qu'en fonction de ce que je crois savoir, ce que j'ai dit plus tôt me paraît tenir.

M. Philip Mayfield: Bon. Vous avez soulevé là un aspect de la question que je n'avais pas évoqué, mais qui me préoccupe effectivement. Vous avez parlé de l'industrie aérospatiale et des pertes qu'elle a subies en matière de R-D. J'ai entendu à la radio des chercheurs de l'établissement de Chalk River dire qu'ils cherchaient des postes au Texas ou ailleurs, afin d'y poursuivre leurs recherches puisqu'on est en train de fermer leurs unités ici au Canada. Cela ne fait que reproduire des situations que l'on a souvent vues au Canada, et où l'on laisse partir nos meilleurs chercheurs, leur départ s'accompagnant d'une perte de propriété intellectuelle.

Je vous remercie d'avoir soulevé la question ici, mais vous avez raison, c'est un véritable noeud gordien et il est très difficile de démêler les intérêts qui se font concurrence. Cela dit, cette concurrence vigoureuse ne m'inquiète pas du tout. Ce qui me préoccupe, par contre, c'est la tâche qui incombe au comité de formuler des recommandations à l'intention du gouvernement.

En plus des grandes firmes pharmaceutiques, des entreprises de biotechnologie et des consommateurs, un autre facteur est le rôle de l'industrie des médicaments génériques. Ces entreprises produisent une part importante des médicaments et des drogues utilisés par les Canadiens. Elles fournissent ces produits à un prix plus bas, ce qui plaît aux consommateurs. Pouvez-vous nous dire quelque chose au sujet de ces produits génériques, de cette utilisation de la propriété intellectuelle d'autrui? D'après vous, après combien de temps un brevet devrait-il pouvoir être exploité par d'autres?

M. Thorpe: Je vous remercie de votre question, mais il m'est extrêmement difficile de vous répondre sur ce point. Je ne dispose pas de suffisamment d'éléments pour le faire. Je ne dispose pas des informations qui me permettraient de vous répondre intelligemment.

Le président: Comme témoin, vous êtes exceptionnel.

M. Philip Mayfield: Jusqu'ici, ils ont tout su.

Le président: Monsieur Mayfield, je vous incite à vous montrer indulgent car nous avons ici deux autres témoins.

M. Philip Mayfield: Oui, je suis heureux de me retirer et de laisser sur ce point le terrain à d'autres.

Le président: Non, ne partez pas, car les représentants du gouvernement vont vous poser des questions après que nous aurons entendu les deux autres témoins. Je demande aux autres témoins de bien vouloir s'avancer.

Nous accueillons maintenant M. Cox, d'Apotex, ainsi que MM. Wagg et Lang, de l'Association des syndicalistes retraités du Canada.

Je précise, à l'intention des nouveaux témoins, qu'on ne sait pas combien de temps va retentir la sonnerie qui nous appellera au vote. Il est probable que ça durera longtemps. C'est un tintement qui appartient à notre quotidien et nous pouvons poursuivre nos délibérations assez longtemps avant d'avoir à quitter cette salle.

Monsieur Wagg ou monsieur Lang, l'un d'entre vous va, je crois, faire une déclaration d'ouverture. Je vous demande de bien vouloir ne pas dépasser les cinq minutes. Nous pourrons alors avoir une bonne discussion, les membres du comité étant très intéressés par ce que vous avez à nous dire.

Monsieur Cox, vous arrivez de Winnipeg. Je vous souhaite la bienvenue devant le comité. Nous avons déjà recueilli les déclarations de représentants de votre société et, pendant que j'écoute les autres, je voudrais que vous gardiez à l'esprit le fait que, hier, nous avons entendu votre président ainsi qu'un autre représentant de votre entreprise. Nous avons entendu l'un de vos collègues ainsi que le représentant d'une de vos sociétés-soeurs.

.1600

Je vous demande donc, lors de votre intervention, de vous rappeler que les membres du comité ont déjà accueilli pas mal de témoins. Nous vous saurions gré de nous apporter des éléments nouveaux. Nous vous remercions de votre participation à ce débat et vous comprenez fort bien que ce que nous cherchons ce sont des nouveaux éléments de discussion et non pas la répétition de ce que nous avons déjà entendu.

M. Larry Wagg (premier vice-président, Association des syndicalistes retraités du Canada): Merci, monsieur le président. Je suis accompagné de mon collègue, Ron Lang, représentant de l'Association pour l'est de l'Ontario. J'ai donné au greffier une copie de notre mémoire mais j'ai également un bref exposé à vous faire et j'espère que les membres du comité auront l'occasion d'étudier les documents que nous avons transmis.

L'Association des syndicalistes retraités du Canada a presque quatre ans. Il s'agit d'une organisation nationale ayant dans chaque province des groupes d'adhérents affiliés aux fédérations provinciales de syndicalistes retraités. Nous avons actuellement environ 400 000 membres.

L'Association des syndicalistes retraités du Canada s'oppose vigoureusement au projet de loi C-91 car celui-ci ne correspond pas aux intérêts des Canadiens et, plus particulièrement, pas aux intérêts des personnes retraitées.

Ce texte met en péril notre régime d'assurance-santé et il est en partie responsable de l'adoption dans l'ensemble du Canada du système rétrograde qu'est celui du ticket modérateur. Ce texte opère une discrimination à l'encontre des fabricants de médicaments génériques et, au lieu de favoriser ces entreprises canadiennes, favorise les grosses sociétés pharmaceutiques multinationales.

Il met le Canada à la merci de ces multinationales étrangères, auprès desquelles nous devrons nous approvisionner en médicaments au prix qu'elles entendront nous imposer.

Cela entraîne une augmentation du prix des médicaments à une époque où notre régime d'assurance-santé est le moins en mesure de payer.

Cela va à l'encontre d'une politique déjà ancienne qui veut que l'on fournisse aux Canadiens des médicaments à un prix raisonnable, tout en accordant par ailleurs une juste rémunération aux inventeurs et aux producteurs de produits pharmaceutiques.

Cela entraîne aussi, dans le secteur pharmaceutique, une très forte hausse du déficit de notre balance des paiements.

Cela réduit le nombre d'emplois que pourront créer des entreprises canadiennes, et ce au détriment des chômeurs canadiens. De plus, cela ne contribue en rien à la recherche fondamentale qui permettrait de découvrir de nouveaux médicaments au Canada.

Dans l'optique de l'ASRC, le problème est le défaut de volonté politique permettant de tenir tête aux multinationales et de protéger notre régime d'assurance-santé et l'ensemble de notre population contre l'augmentation du coût des médicaments.

Le gouvernement au pouvoir en 1968 avait la volonté politique de faire cela, malgré le lobbying intensif de l'Association canadienne de l'industrie du médicament, et c'est en raison de cela qu'au Canada le prix des médicaments est parmi les plus bas du monde. En 1968, l'ACIM et les multinationales qui en font partie avaient prédit des conséquences proprement désastreuses. Les usines fermeraient leurs portes et iraient s'implanter ailleurs. Le Canada n'aurait plus accès à des médicaments indispensables. La R-D en souffrirait. Or, rien de cela ne s'est produit. Nous continuons à pouvoir nous procurer les nouveaux médicaments. Les multinationales sont restées au Canada où elles ont prospéré. Et, ce qui est plus important encore, nous avons favorisé l'essor d'une industrie du médicament générique qui a pu se développer au point où, elle aussi, allait être en mesure de découvrir de nouveaux médicaments. Or, le texte dont nous parlons aujourd'hui y fera obstacle.

Lorsqu'il était dans l'opposition, l'actuel gouvernement s'opposait au projet de loi C-91. Nous lui demandons de respecter les promesses qu'il a faites et de réintroduire, de plein droit après quatre ans, le système de la licence obligatoire. Nous demandons au gouvernement de modifier la réglementation en vigueur en supprimant les exigences posées par l'article 55 en matière d'avis de conformité. Nous demandons également au gouvernement de mettre en oeuvre les recommandations formulées par le Forum national sur la santé.

Le président: Merci.

Monsieur Cox.

M. Cox: Si vous me le permettez, je voudrais préciser que je ne suis pas un employé d'Apotex. Je suis le responsable d'Apotex Fermentation, qui, si elle est effectivement filiale à 100 p. 100 d'Apotex, est néanmoins une compagnie indépendante et tout à fait distincte d'Apotex dans ses activités.

.1605

Nous fabriquons des composés chimiques fins à l'aide de biotechnologies. Nous ne fabriquons pas de médicaments proprement dit, c'est-à-dire que nous ne fabriquons pas de pilules, de capsules ni de cachets.

Lorsque j'ai fait connaître au personnel du comité mon désir de participer à la table ronde sur les biotechnologies, j'ai pensé pouvoir exprimer, devant le comité, un point de vue différent, puisque mon entreprise fabrique des composés chimiques fins. Je voulais également profiter de l'occasion pour expliquer la structure intégrée des sociétés appartenant au groupe Apotex, groupe dont mon entreprise n'est qu'un élément parmi d'autres.

J'insiste bien sur le fait que nous sommes une entreprise de biotechnologie. Nous utilisons les biotechnologies dans nos programmes de recherche, dans nos efforts en vue de développer de nouveaux produits et, si ce n'était pour le projet de loi C-91, nous pourrions effectivement vendre nos produits, non seulement au Canada mais également sur les marchés internationaux. Nos produits reproduisent des médicaments déjà disponibles mais sans en contrefaire les brevets. Nous utilisons les biotechnologies à la fois pour développer et pour fabriquer ces médicaments.

Les technologies en question sont essentiellement la microbiologie, la génétique, la chimie et, bien sûr, la fermentation. Notre unité de fermentation est la plus importante du Canada. Il s'agit, en fait, de la seule unité de fermentation entièrement intégrée capable de produire en grosses quantités des produits pharmaceutiques. Nous employons, au Manitoba, 110 chercheurs, techniciens et ingénieurs bien rémunérés. Notre budget d'exploitation annuel est de 12 millions de dollars, somme qui, jusqu'ici, a été intégralement affectée à la R-D. Nous avons investi, à Winnipeg, plus de 25 millions de dollars dans des installations ultramodernes. Jusqu'ici, nous avons dépensé plus de 70 millions de dollars en R-D et en équipement, sans en tirer un seul dollar de profit - pas un seul. Je vous expliquerai dans un instant pourquoi il en est ainsi.

Je tenais également à comparaître devant vous car on m'avait dit qu'il s'agissait d'une table ronde sur les biotechnologies. Je tenais à faire savoir que l'Association canadienne de biotechnologie industrielle ne saurait prétendre parler au nom de tout le secteur canadien des biotechnologies. Nous sommes une des plus grosses entreprises de biotechnologie au Canada et notre budget de R-D est un des plus importants du pays mais, bien que nous ayons essayé plusieurs fois d'adhérer à l'ACBI, nous n'y avons pas été admis. Pourquoi cela? Parce que l'ACBI est dominée par les entreprises qui constituent l'ACIM. Il suffit de consulter la liste de ses adhérents pour s'en apercevoir. Cette association ne peut donc pas parler au nom du secteur canadien des biotechnologies; elle ne représente que les activités biotechnologiques de l'ACIM et des compagnies qui comptent, ou qui voudraient pouvoir compter, sur l'appui financier de multinationales étrangères.

Ma compagnie appartient, bien sûr, à Apotex Inc. - je l'ai précisé d'entrée - et vous penseriez peut-être me voir m'aligner sur la position adoptée par l'ACFPP. Mais, il y a dans le projet de loi C-91, certains éléments qui, de toute évidence, nuisent beaucoup à ma compagnie, et cela je peux le constater de façon quotidienne. J'aimerais m'expliquer sur ce point.

Il s'agit, d'abord et avant tout, des règles prévues à l'article 55 sur l'avis de conformité. Si vous me le permettez, je voudrais vous expliquer comment ces dispositions affectent l'activité quotidienne de mon entreprise et de ses employés.

Notre principal produit est la lovastatine. Il s'agit d'une version générique du mevacor de Merck. Ce produit sert à réduire le taux de cholestérol dans le sang. Merck ne possède pas, au Canada, de brevet pour la lovastatine en tant que composé, seulement pour le procédé de fabrication. Nous avons découvert et perfectionné un procédé complètement différent qui permet de produire cette substance sans porter atteinte à la propriété intellectuelle de Merck et, pour ce procédé, nous avons nous-mêmes obtenu un brevet en avril 1995. Et pourtant, nous ne sommes pas autorisés à vendre ce produit à notre société-mère pour qu'elle le transforme en pilules car, depuis 1993, c'est-à-dire depuis beaucoup plus longtemps que les 30 mois prévus par le règlement, nous sommes bloqués par un contentieux fondé sur le paragraphe 55.2.

Depuis lors, Merck n'a pas été tenu de faire la preuve d'une quelconque violation de ses droits. Cela étant, pourquoi ce laboratoire le ferait-il? Il lui suffit d'alléguer la contrefaçon et le gouvernement fédéral se charge du reste.

Bien qu'au mois de février, la Cour d'appel fédérale ait jugé que la Direction générale de la protection de la santé devrait mettre fin à cette sottise et nous délivrer un avis de conformité pour ce produit, il a suffi de quelques jours pour que la DPS trouve un nouvel argument technique lui permettant de ne pas appliquer l'ordonnance de la Cour. Encore une fois, nous sommes obligés de nous pourvoir en justice pour démontrer que nous ne sommes coupables d'aucune contrefaçon. Cet abus réglementaire m'oblige à dépenser un million de dollars par mois pour fabriquer un produit que j'ai passé quatre ans à développer, fort de ma certitude qu'il ne contrefait aucun brevet, et prêt à me défendre en justice si nécessaire; mais c'est un produit que je ne peux pas vendre en raison de l'abus flagrant d'une réglementation qui est elle-même défectueuse et superflue.

.1610

Force m'est de penser que si l'on ne modifie pas le projet de loi C-91, il en ira de même des autres produits que je mettrai au point. J'ai quatre produits en cours de développement. J'ai de très fortes raisons de penser que je ne parviendrai jamais au Canada à exploiter de manière rentable une entreprise de développement et de fabrication de produits pharmaceutiques fermentés ne contrevenant à aucun brevet en vigueur, du moins tant que les dés seront pipés afin de favoriser des entreprises étrangères.

Quels sont les choix qui s'offrent à moi? Soit je ferme mon entreprise, soit je dois trouver d'autres moyens de développer mes activités, peut-être en d'autres lieux. Je n'ai guère d'autre solution tant que l'article 55.2 reste en vigueur et qu'on le manipule de cette manière.

L'année dernière, j'avais élaboré un projet d'agrandissement pour Winnipeg, où l'on devait construire une grande unité de fabrication. Cela aurait été, de loin, la plus grande unité de fermentation au Canada, et l'une des plus grandes d'Amérique du Nord. Il s'agissait de multiplier par dix la taille de mon actuelle installation. J'ai déjà acquis les terrains nécessaires et une grande partie de l'équipement qui y était destiné. Or, il m'est impossible de mettre ce plan à exécution vu l'actuel climat d'incertitude. Si l'on ne lève pas cette incertitude en abrogeant l'article 55, il faudra bien que cette installation soit construite hors du Canada. Vous le voyez bien, il n'y a pas d'autre solution. Déjà, j'ai été forcé d'envisager une délocalisation.

Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais faire une dernière observation.

Le second facteur qui affecte quotidiennement mon entreprise c'est l'exportation. Mon activité consiste à fabriquer, par fermentation, des substances pharmaceutiques. Dans ce domaine, le seul moyen de survivre est de profiter des économies d'échelle et de vendre sur les marchés internationaux. C'est pour cela qu'il me fallait une usine aussi importante. Si l'usine est installée au Canada, je ne vais tout de même pas contempler passivement mes concurrents chinois, indiens ou, s'agissant de produits de biotechnologie, américains, et les laisser se tailler une position dominante sur le marché des médicaments génériques pour lesquels les brevets sont éteints partout sauf au Canada. Les brevets viennent généralement à extinction plus tard au Canada.

L'ACFPP prétend que, selon un avis juridique qu'elle a obtenu, le Canada pourrait édicter des mesures d'exemption en matière d'exportation, sans pour cela violer les accords conclus en matière de commerce international. Je vous demande d'envisager de telles mesures. La croissance et la survie même de mon entreprise, et d'autres entreprises fabriquant au Canada des composés chimiques fins, en dépend.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Cox.

[Français]

Monsieur Brien, avez-vous des questions?

M. Pierre Brien: Je vous invite à commencer par mes collègues libéraux.

[Traduction]

Le président: Monsieur Murray ou madame Brown, avez-vous des questions à poser à l'un de nos trois témoins?

[Français]

M. Pierre Brien: Ma question s'adresse au dernier témoin, qui représentait Apotex Fermentation Inc. Vous semblez nous dire que le maintien de la loi aura des effets catastrophiques alors qu'on a vu, chiffres à l'appui, qu'il y avait eu une croissance assez forte des secteurs générique et biotechnologique au cours des dernières années. Si la loi est à ce point catastrophique, comment expliquer cette croissance dans ce secteur d'activité?

[Traduction]

M. Cox: Oui, c'est assez simple. D'abord, je tiens à rappeler que mon entreprise ne fabrique pas des médicaments génériques mais qu'elle utilise des procédés biotechnologiques pour fabriquer des produits biotechnologiques. Dans ce contexte, ma compagnie est, au Canada, l'une des rares à effectivement fabriquer des produits biotechnologiques pour les vendre. En fait, à l'exception possible de Cangène, je ne suis pas certain qu'il y en ait d'autres. Les problèmes auxquels nous nous heurtons sont le fait des fabricants.

Deuxièmement, ma spécialité n'est pas la fabrication de médicaments dont le brevet est éteint mais bien de substances pharmaceutiques qui ne font pas elles-mêmes l'objet d'un brevet, le brevet ne s'appliquant qu'au procédé de fabrication. De très nombreux produits fermentés, ainsi que d'autres produits biologiques, sont couverts par des brevets de procédé et non pas par des brevets de produit. En ce qui nous concerne, nous avons découvert plusieurs procédés qui ne contrefont en rien le brevet détenu par l'inventeur. Nous ne fabriquons pas nécessairement des médicaments génériques; nous fabriquons des produits de substitution à l'aide de procédés qui ne portent aucunement atteinte aux droits de l'inventeur.

[Français]

M. Pierre Brien: J'aimerais obtenir des précisions supplémentaires.

.1615

Comme consommateur, il m'importe peu que le procédé soit breveté; en bout de ligne, c'est le produit que je consomme qui compte. N'est-ce pas une façon indirecte de faire ce qu'on ne peut pas faire directement que de travailler davantage sur les brevets de procédés que sur les brevets de produits?

[Traduction]

M. Cox: Je ne suis pas certain d'avoir bien compris votre question.

[Français]

M. Pierre Brien: Vous me dites que vous ne violez pas les brevets parce que vous travaillez sur des procédés qui sont différents, particulièrement au niveau de la fermentation. Mais en bout de ligne, est-ce que pour certains produits, ce n'est pas simplement une façon un peu détournée de faire indirectement ce que vous ne pouvez pas faire directement, soit copier le produit qui est encore protégé par un brevet?

[Traduction]

M. Cox: Je répète que les produits en question ne sont pas protégés par un brevet. Le gros des produits fabriqués par mon entreprise ne sont pas protégés par des brevets. Ce sont les procédés de fabrication qui sont protégés par des brevets et non pas les produits. Par conséquent, mon entreprise peut très légitimement découvrir et perfectionner de nouveaux procédés qui ne violent en rien les droits de l'inventeur initial. Je vous réponds en vous disant que nous n'exerçons pas la même activité qu'Apotex Inc. Notre activité est plutôt comparable à celle des sociétés de biotechnologie et nous sommes une des rares sociétés de biotechnologie à fabriquer effectivement des produits.

[Français]

M. Pierre Brien: En général, qui sont vos clients? À qui vendez-vous vos produits?

[Traduction]

M. Cox: Nous accorderions la priorité à Apotex Inc. pour la fabrication de médicaments sous leur forme définitive.

[Français]

M. Pierre Brien: Quel pourcentage de votre production vendez-vous à Apotex Fermentation Inc.?

[Traduction]

M. Cox: En raison de l'article 55, je n'ai pas encore vendu un seul gramme de ces produits. On m'interdit de vendre mes produits, mes principaux produits étant bloqués par l'article 55.

[Français]

M. Pierre Brien: Dans le sommaire que nous a présenté l'Association des syndicalistes retraités du Canada, on dit que la loi actuelle, la Loi C-91, augmente le coût des médicaments à un moment où notre système de santé ne peut pas vraiment se le permettre. Êtes-vous d'accord pour dire que certaines découvertes au niveau des médicaments apportent souvent des traitements médicaux alternatifs qui permettent d'éviter des chirurgies et que les médicaments qui nécessitent beaucoup de recherche et de développement peuvent souvent contribuer à réduire les coûts du système de santé? Est-ce que vous admettez ces faits qui ne semblent pas s'inscrire dans l'esprit de vos commentaires?

[Traduction]

M. Wagg: Cela ne nous gêne nullement. Le problème est que le projet de loi C-91 entraîne une augmentation du prix des médicaments indispensables. Cela est abondamment clair depuis 1968, année où a été adopté le système des licences obligatoires. Cela ne fait aucun doute. Historiquement, c'est incontestable.

Nous reconnaissons que ces médicaments sauvent effectivement des vies. Nous reconnaissons aussi qu'ils sont effectivement disponibles au Canada. L'important c'est que nous n'avons aucun moyen de connaître le montant des coûts de recherche et de développement de ce médicament. Les multinationales américaines ou étrangères, les entreprises membres de l'ACIM ont toujours, au Canada, fixé le prix des médicaments en fonction de l'état du marché. Ce prix n'est aucunement lié aux coûts de R-D ni à tout autre coût d'ailleurs.

Ces entreprises considèrent le Canada comme un prolongement du marché américain. Cela a toujours été le cas. On le montre d'ailleurs dans notre mémoire. Ainsi, les médicaments indispensables ont toujours été disponibles au Canada. Avant l'entrée en vigueur du projet de loi C-91 - sous le régime de l'homologation obligatoire, donc - nous n'avons jamais eu de mal à nous procurer des médicaments indispensables. Nous les obtenions même à un moindre coût. Nous avons créé, ici au Canada, une industrie du médicament générique qui, comme nous l'avons dit, est capable, ou du moins sera capable si ce texte est abrogé, de produire les médicaments indispensables et d'entreprendre des initiatives de R-D, tout en créant des emplois bien rémunérés.

À l'heure actuelle, les entreprises multinationales ne font au Canada aucune recherche fondamentale et aucun développement. La R-D effectuée par les entreprises multinationales - les grandes firmes pharmaceutiques - se limite au strict minimum nécessaire pour faire homologuer un médicament par la Direction générale de la protection de la santé.

.1620

[Français]

M. Pierre Brien: Il m'apparaît un peu exagéré de dire qu'il n'y a pas du tout de recherche fondamentale; il y en a quand même qui se fait. Finalement, vous remettez en cause l'efficacité du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, qui a pour rôle d'évaluer les activités de recherche et de développement et de surveiller la hausse des prix et le prix d'entrée de ces médicaments. Si on essayait finalement de trouver un terrain d'entente et que le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés avait un mécanisme différent pour évaluer le prix d'entrée sur le marché, ce qui correspondrait plus à ce que vous avez dit dans la première partie de votre réponse, pour s'assurer que ça correspond seulement aux efforts de recherche et de développement et tout le reste, est-ce que vous seriez plus d'accord sur la Loi C-91?

[Traduction]

M. Wagg: Non, d'après moi, il ne faut conserver aucune des principales dispositions du projet de loi C-91.

Le Conseil se fonde uniquement sur les chiffres fournis par les grandes firmes pharmaceutiques. Ces entreprises n'ont jamais été entièrement franches envers les organismes de réglementation, en ce qui concerne la fabrication de médicaments au Canada. Permettez-moi de rappeler qu'au Royaume-Uni, et cela remonte à Sainsbury et au début des années 60, le ministère de la Santé et de la Sécurité sociale de Grande-Bretagne avait créé un service chargé uniquement de tirer au clair les véritables coûts de R-D et de savoir quel devrait être le prix des médicaments. Ils n'y sont pas parvenus. Étant donné qu'en Grande-Bretagne le gouvernement paie pour les médicaments, il a négocié le prix des produits pharmaceutiques. L'ABPI, l'Association of British Pharmaceutical Industries, doit négocier le prix des médicaments avec le gouvernement britannique. Le gouvernement britannique a pu obtenir une baisse du prix des médicaments, mais il lui a fallu créer une bureaucratie spécialement affectée à cette tâche.

Au Canada, le Conseil, qui manque presque entièrement de moyens, doit se fier aux chiffres que lui fournissent les entreprises. De nouveaux produits sont mis en marché et le Conseil a lui-même reconnu qu'au Canada les médicaments nouveaux sont très chers et que leur prix ne baisse pas, ou du moins baisse très peu. Le Conseil ne sera absolument pas en mesure de contrôler le prix des médicaments au Canada - cela ne fait aucun doute.

Le président: Monsieur Mayfield.

M. Philip Mayfield: Merci beaucoup, monsieur le président.

J'aimerais, monsieur Cox, revenir à la situation que vous nous avez exposée. Je regrette de ne pas très bien saisir ce que vous nous avez dit. La question que j'ai à vous poser a trait à la législation actuelle. Nous avons tendance à voir les choses en noir et blanc, de façon très tranchée. On parle d'un délai de 20 ans, de la fin de la période de protection des brevets et de l'autorisation d'exploiter des brevets délivrés à d'autres entreprises. Mais, comme vous l'avez dit en évoquant votre propre cas, la situation est plus complexe que cela.

Un des témoins qui vous a précédé a parlé, de manière très générale, des différences existants entre les États-Unis et le Canada au niveau de la législation sur les brevets, disant, je crois, que le genre de problème que vous avez évoqué peut être beaucoup plus facilement réglé en vertu des dispositions législatives américaines qu'en vertu de la législation canadienne. S'agit-il d'une législation défectueuse ou est-ce le principe même sur lequel cette législation est fondée que vous mettez en cause?

M. Cox: Il y a, d'après moi, deux choses. La première est que la réglementation prévue à l'article 55 est fondée sur une présomption de culpabilité à l'égard des médicaments génériques. En l'occurrence, c'est au défendeur et non au demandeur que la preuve incombe. Voilà un aspect de cette législation qui nous cause effectivement beaucoup de problèmes.

.1625

On subit, en même temps, le contrecoup de ce passage du projet de loi C-22 au projet de loi C-91, avec les vestiges, si vous voulez, de tout un ensemble de brevets qui ne portent pas sur les produits mais sur les procédés, l'inventeur n'ayant aucun droit à l'égard du produit, mais seulement à l'égard du procédé de fabrication.

Cela est sans doute inévitable étant donné la transition qui s'est opérée au Canada en 1987 et en 1993, mais ce qui n'est pas inévitable, par contre, ce sont les règlements découlant de l'article 55, qui nous obligent à aller en justice pour démontrer notre innocence. Cela me semble inadmissible.

M. Philip Mayfield: Permettez-moi une question tout à fait théorique. Supposons qu'une entreprise qui s'oppose à votre procédé ait tout à fait tort, que se passe-t-il si vous lui répondez que c'est bien regrettable mais que si cela ne lui plaît pas elle n'a qu'à s'adresser à la justice?

M. Cox: J'aimerais bien qu'il en soit ainsi.

M. Philip Mayfield: Je vous demande de nous expliquer ce qui se produirait dans ce cas de figure.

M. Cox: Permettez-moi d'essayer. L'injonction, si je peux l'appeler une injonction - il ne s'agit pas à proprement parler d'une injonction, mais c'est en fait ce que c'est - l'injonction, dis-je, n'est pas délivrée à l'encontre de mon entreprise ou d'Apotex, l'entreprise qui assure la fabrication du médicament sous sa forme finale; l'injonction vise en fait le gouvernement fédéral. On voit donc le gouvernement s'enjoindre lui-même de ne pas émettre un avis de conformité. Auparavant, l'avis de conformité... En tant que fabricant de médicaments génériques, nous n'avions, auparavant, qu'à démontrer la sécurité et l'efficacité de notre produit, à montrer que le médicament avait effectivement les effets vantés, qu'il était sûr et qu'il n'allait pas nuire à la santé des Canadiens. On réglait alors directement avec l'inventeur les problèmes juridiques qui pouvaient éventuellement survenir.

Mais, depuis, ces deux choses-là sont confondues. Le ministre de la Santé ne peut pas autoriser la mise en vente d'un médicament, dont on devrait seulement exiger qu'il soit sûr et efficace, avant que ne soit réglé le problème découlant de l'article 55. L'injonction délivrée par la Cour vise donc le gouvernement fédéral, et l'empêche de nous accorder cette autorisation.

M. Philip Mayfield: Cela me ramène à ma première question. Le problème se situe-t-il au niveau de la formulation du texte, ou s'agit-il d'un problème plus fondamental que cela?

M. Cox: Le problème se situe au niveau du règlement prévu à l'article 55. Ce règlement est superflu. Il ne cadre pas du tout avec notre système juridique, et il est source d'abus et de manipulations. J'estime qu'il ne correspond pas du tout à l'objectif qui était initialement fixé et qui, d'ailleurs, était vicié dès le départ.

M. Philip Mayfield: Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Mayfield, avant de passer la parole à M. Murray, M. Brien et moi-même allons rester ici pour conclure la table ronde. Nous n'irons pas voter. Mais nos deux collègues, eux, iront voter. J'imagine qu'il en sera de même pour vous.

M. Philip Mayfield: Oui, moi, je vais aller voter.

Le président: Je tenais simplement à vous dire que nous allons conclure la table ronde avec nos deux collègues. Il nous reste 13 minutes, et je vous demande donc de ne pas dépasser le temps qui vous est accordé. Il vous reste sept ou huit minutes. Ce n'est pas parce que je me tiens coi ici qu'il vous faut, vous aussi, rester et manquer le vote.

Monsieur Murray.

M. Ian Murray (Lanark - Carleton, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Cox, Je crois qu'il y a quelque chose que je ne saisis pas. Si j'ai bien compris, vous n'avez encore rien vendu de ce que produit votre usine de Winnipeg. Autrement dit, cette usine a été créée uniquement pour mettre au point ce procédé de fabrication de la lovastatine. Est-ce exact?

M. Cox: Et d'autres composés. Ces corps composés ne sont pas nécessairement reliés, mais il s'agit d'autres composés protégés par des brevets de fabrication.

M. Ian Murray: Autrement dit, vous étiez tout à fait confiant - ou du moins, votre société-mère l'était - que vos procédés de fabrication ne contrefaisaient aucun brevet. Sans cela, vous n'auriez pas engagé de tels capitaux.

M. Cox: Tout à fait. Nous savons pertinemment que nos procédés ne contrefont aucun brevet, mais la législation actuelle nous empêche de le démontrer et d'en rapporter la preuve en justice.

M. Ian Murray: Mais en l'espèce vous semblez en attribuer la faute à la Direction générale de la protection de la santé et non à Merck. On voit, à la deuxième page de votre mémoire, que «la DPS a pu, dans les quelques jours suivants, trouver un nouvel argument technique lui permettant de ne pas appliquer l'ordonnance de la Cour».

M. Cox: En effet.

M. Ian Murray: Mais, il y a aussi l'envers du décor. Si ces fonctionnaires fédéraux consciencieux pensaient qu'il y avait lieu de vous donner raison et de donner suite à l'ordonnance de la Cour, j'imagine qu'ils le feraient. Quel est, d'après vous, le problème au niveau de la Direction générale de la protection de la santé?

.1630

M. Cox: Si vous le voulez, je peux essayer de vous l'expliquer. J'ai eu à l'expliquer de nombreuses fois, et je demeure convaincu que tout cela dépend d'un détail d'ordre technique.

La lettre du ministère de la Justice affirme - et là, je simplifie à outrance - ce qui suit: il existait, en fait, deux obstacles à la délivrance d'un avis de conformité. D'abord, il y avait la demande initiale, déposée par Apotex en 1993, en vue de la commercialisation de la lovastatine fabriquée au moyen d'un procédé mis au point par mon entreprise.

En 1995, Apotex, avec la collaboration de la Direction générale de la protection de la santé, a demandé que l'on fasse figurer sur la demande, le nom d'un autre fournisseur afin de prévoir une deuxième source d'approvisionnement au cas où l'on éprouverait des problèmes à l'usine de Winnipeg.

Interprétant l'ordonnance rendue par la Cour d'appel, le ministère de la Justice explique que le juge n'a fait que lever le premier obstacle, le second étant toujours là. Excusez-moi, je devrais étoffer un peu mon explication. Ils ont estimé qu'il s'agissait de deux demandes distinctes. D'après eux, le juge a levé un obstacle, mais le second est toujours là, c'est-à-dire la demande, déposée en 1995, d'ajouter le nom d'un autre fournisseur agréé pour le fabricant du produit final. Apotex a dit, bon, nous n'avons qu'à retirer cette demande, mais le ministère de la Justice a répondu, vous, vous ne pouvez pas, seul Merck est en mesure de le faire.

D'après eux, les délais commencent à courir à partir du dépôt de la deuxième demande, qui n'en était pas une. D'après moi, il s'agissait simplement d'une modification de la demande initiale. Voilà donc ce que j'appelle un détail d'ordre technique.

À mon avis, les règlements n'étaient pas censés empêcher un fabricant de produits pharmaceutiques génériques de commercialiser ses produits, mais c'est bien, pourtant, ce qui s'est passé.

M. Ian Murray: Encore une fois, je ne sais pas si vous êtes au courant de la politique d'achat de votre société-mère, mais puisque vous ne lui avez rien vendu de ce que vous fabriquez à Winnipeg, savez-vous si Apotex se fournit en composés chimiques fins à l'étranger ou si elle se fournit principalement au Canada? Savez-vous cela?

M. Cox: Elle le peut, d'une manière générale, si le brevet est épuisé, mais si le brevet est encore en vigueur au Canada, elle ne le peut pas, que le procédé en question contrefasse ou non un brevet existant.

M. Ian Murray: Je parle là des composants chimiques qui servent à fabriquer un médicament.

M. Cox: Laissez-moi vous répondre d'une manière plus directe. Apotex ne peut pas importer de lovastatine de Chine ou d'Inde, par exemple.

M. Ian Murray: Excusez-moi, je ne parlais pas de lovastatine, je parlais d'autres produits qu'ils...

M. Cox: Oui, ils le peuvent. Si le brevet est éteint, il est fréquent de se procurer des composés chimiques fins sur le marché international.

M. Ian Murray: D'après vous, cela serait vrai de la plupart des composés chimiques fins utilisés?

M. Cox: J'imagine que oui.

M. Ian Murray: En ce qui concerne l'exemption prévue en matière d'exportation, si votre compagnie était installée aux États-Unis, auriez-vous les mêmes problèmes que vous éprouvez actuellement au Canada? Vous avez dit tout à l'heure qu'en général les brevets viennent à expiration plus tard au Canada qu'ailleurs. Mais, si votre entreprise était installée aux États-Unis, seriez-vous soumis aux mêmes règles?

M. Cox: Je pense que oui.

M. Ian Murray: Entendu.

Puisque le temps nous est compté, peut-être devrais-je céder la parole à Mme Brown.

Le président: Je regrette que notre séance de cet après-midi ait été fractionnée par les votes et les témoins, mais je tiens à rappeler que la Chambre de commerce doit venir témoigner à 15 h 15. Si vous voulez bien revenir, dès après le vote, nous entendrons ce témoin. Il nous restera juste après le vote, un seul témoin à entendre.

Excusez-moi, Bonnie. Vous avez la parole.

Mme Bonnie Brown (Oakville - Milton, Lib.): Merci, monsieur le président.

Vous représentez l'ASRC. Auparavant nous avons entendu l'ACPR.

J'aimerais en savoir un peu plus sur votre organisation. De nombreux groupes de personnes retraitées comparaissent devant le comité et, souvent, je me suis demandé si le mémoire qui nous est soumis est le fait de deux personnes, le président et le vice-président, ou si ce mémoire est effectivement soumis à l'approbation d'un conseil d'administration.

J'aimerais également savoir si vos adhérents sont tenus au paiement d'une cotisation. Publiez-vous un bulletin destiné à l'information de vos adhérents? Votre association est-elle très active? Quelle est la périodicité des réunions de votre conseil d'administration? Pourriez-vous me fournir quelques indications sur tout cela?

M. Wagg: Avec plaisir. Ces renseignements figurent dans la première partie de notre mémoire, dont j'ai confié un exemplaire à votre greffier. Nous n'avons pas eu l'occasion de vous en donner lecture.

Mme Bonnie Brown: Pourriez-vous nous dire, cependant, si votre conseil d'administration a approuvé ce mémoire?

.1635

M. Wagg: En 1995, notre assemblée générale - qui a lieu tous les deux ans - a adopté une résolution réclamant l'abrogation du projet de loi C-91, et depuis lors nous avons mené une campagne auprès de nos adhérents dans tout le Canada.

Oui, il y a une cotisation. Nous avons à la fois des adhérents individuels et des adhérents affiliés. Pour l'instant, la plupart de nos membres adhèrent à notre organisation par affiliation. Il s'agit de personnes retraitées ayant appartenu à des syndicats tels que le TCA, le Syndicat de la métallurgie, et, notre plus grand affilié, les National Superannuates, retraités de la fonction publique fédérale.

Mme Bonnie Brown: Merci.

Je peux vous dire que la plupart des groupes de personnes retraitées ayant comparu devant nous, soit en personne soit dans le cadre d'une vidéoconférence, ont adopté la même position que la vôtre, ou du moins une position analogue. Que savez-vous de cette autre association, l'ACPR? Il s'agit de la seule association de personnes retraitées qui se soit déclarée favorable au projet de loi C-91. Avez-vous jamais eu affaire à eux?

M. Wagg: Oui, nos chemins se croisent parfois. Je ne suis pas ici pour critiquer une autre organisation, mais je crois savoir que l'ACPR n'organise pas de réunions annuelles ni même de réunions du tout. Il ne s'agit pas d'une organisation de base.

Nos dirigeants se réunissent à l'échelle nationale au moins trois fois par an, de par nos statuts, et notre assemblée générale se tiendra cette année au mois d'octobre et réunira quelque 300 à 350 déléguées de toutes les régions du Canada. C'est là que sera fixée notre ligne.

Je tiens à préciser que dans certaines organisations de personnes retraitées, il y a parfois - les militants étant ce qu'ils sont - des surnuméraires, mais nous avons nos propres politiques, qui sont fixées comme je vous l'ai indiqué.

Au fait, oui, le mémoire a été approuvé par la direction de notre association.

Mme Bonnie Brown: Merci beaucoup.

Le président: Merci, madame Brown.

Monsieur Mayfield, vous allez donc rester?

M. Philip Mayfield: Oui.

Le président: Très bien.

Je cherche à comprendre comment tout cela fonctionne. Si vous étiez installés aux États-Unis, savez-vous si vous pourriez tout de même exporter vos produits, à supposer que certains brevets étaient encore en vigueur aux États-Unis mais pas ailleurs?

M. Cox: Je crois, monsieur le président, que c'est ce que l'on s'est demandé tout à l'heure. Je crois pouvoir répondre que non, nous ne le pourrions pas.

Le président: Pouvez-vous me citer un autre pays qui vous le permettrait?

M. Cox: Je crois que cela est possible dans certains pays européens, membres de l'Union européenne.

Je crois devoir préciser que cela n'est pas une pratique habituelle dans le reste du monde. À notre avis, une telle mesure permettrait, cependant, d'apporter une solution nationale à une situation qui nous est propre et permettrait de reconnaître qu'au Canada les brevets viennent généralement à expiration plus tard que dans les autres pays du G-7.

Le président: Mais l'on ne peut tout de même pas opter pour une solution qui créerait en fait un autre problème. Vos concurrents... Vous avez parlé, par exemple, des Chinois. Le monde entier fait actuellement de gros efforts pour essayer d'obtenir de la Chine qu'elle reconnaisse le concept de propriété intellectuelle, le concept de brevet. La Chine ne peut pas actuellement adhérer à l'Organisation mondiale du commerce car elle ne reconnaît pas ce concept. Cela ne vaut pas seulement pour votre secteur, mais pour à peu près tous les autres secteurs. Ce sont de féroces concurrents, car ils ne reconnaissent pas, de manière générale, les brevets. Peu importe donc ce que vous pourriez faire, vous partez battus puisqu'ils ne croient pas aux brevets.

M. Cox: Qu'ils croient ou non aux brevets, il n'en reste pas moins vrai que les produits développés par ma compagnie sont des produits innovateurs. Ils ne sont pas faciles à fabriquer. C'est pour cela que nous y consacrons des dizaines de millions de dollars. Je peux dire avec certitude que les Chinois seraient prêts à tout faire pour obtenir nos technologies et nos souches afin de les utiliser eux-mêmes.

Les Chinois ne nous concurrencent pas sur toute la ligne; ils nous font concurrence dans certains domaines, mais pas dans d'autres.

Nous avons une longueur technologique d'avance. Nos souches sont plus productives. Nos techniques sont plus affinées. Nos procédés sont plus efficaces. Mais, en fin de compte, si nous ne pouvons pas exporter un seul gramme de nos produits vers ces marchés, nous n'aurons jamais l'occasion de concurrencer les Chinois. Même s'ils finissent un jour par adhérer à ces accords internationaux, ils continueront pendant longtemps à bénéficier d'une clause de protection des droits acquis et pourront ainsi bloquer nos initiatives.

.1640

Le président: Votre compagnie relève-t-elle de l'article 55.2 ou est-ce votre société-mère?

M. Cox: Notre société-mère.

Le président: Vous n'êtes donc pas affectés au niveau des brevets de fabrication, mais votre société-mère, elle, l'est, puisqu'elle ne parvient pas à vendre ses produits finis...

M. Cox: C'est exact. Moi-même, je n'ai besoin d'aucun avis de conformité. Celui qui a besoin d'un avis de conformité c'est le fabricant du produit fini.

Le président: Est-ce en raison de la structure de votre groupe que votre seul acheteur potentiel est la société-mère?

M. Cox: Mon seul acheteur potentiel serait effectivement le fabricant canadien du produit fini, puisque ce n'est qu'au Canada que mon procédé de fabrication ne contrefait aucun brevet. Par conséquent, il faut que je m'adresse à un fabricant canadien de produits finis, et tous éprouvent le même problème au niveau de l'avis de conformité. Bien sûr, étant donné la structure de notre groupe, nous faisons d'abord affaire avec Apotex Inc.

Le président: Donc, soit nous aidons votre compagnie à accroître ses exportations en modifiant la législation applicable, soit vous créez une société-soeur et vous développez une stratégie de production vous permettant de conserver au Canada vos activités de R-D.

M. Cox: La seule autre solution réaliste, si aucun changement n'intervient, serait de maintenir au Canada nos activités de R-D, mais de déménager à l'étranger nos unités de fabrication.

Le président: Merci.

[Français]

Monsieur Brien.

M. Pierre Brien: J'ai une question qui s'adresse à M. Cox. Vous avez dit tout à l'heure que le mémoire présenté par les représentants du secteur biotechnologique avait été fortement influencé par le fait que plusieurs membres de l'ACIM étaient aussi membres de cette association-là. Ne pourrait-on en dire autant de votre témoignage, parce qu'en fin de compte, vous êtes très étroitement lié avec la plus grande société de médicaments génériques? Si on vous applique le même raisonnement... Ce que vous nous suggérez, finalement, n'est-il pas de ne pas prendre en considération le point de vue des acteurs du secteur biotechnologique?

[Traduction]

M. Cox: Non. Je disais simplement que l'Association canadienne des industries biotechnologiques n'est pas le représentant autorisé de l'ensemble du secteur des biotechnologies au Canada, car elle n'est pas habilitée à parler en mon nom et ses arguments ne correspondent en rien à mes intérêts. C'est tout. Cela dit, je reconnais volontiers, aussi bien oralement que dans mon mémoire, que mon point de vue correspond en grande mesure à celui de l'ACFPP.

Je tenais simplement à vous expliquer que ma compagnie est une compagnie de biotechnologie et que les biotechnologies peuvent servir à créer de nouveaux produits, comme le font les grandes firmes pharmaceutiques, mais aussi à fabriquer des médicaments génériques, ou à découvrir de nouvelles biotechnologies et de nombreuses autres activités encore. Il n'y a aucun secteur qui soit, si l'on peut dire, l'interlocuteur privilégié ou naturel des biotechnologies.

[Français]

M. Pierre Brien: Vous souhaitez que des modifications soient apportées au règlement de liaison, ou même que ce règlement soit aboli. À ce que je comprends, ce règlement a une influence directe sur la production hâtive de médicaments génériques.

Si vous aviez à choisir entre la situation actuelle et la disparition à la fois de la production hâtive de médicaments génériques et du règlement de liaison, auquel cas vous ne pourriez plus produire les médicaments génériques avant l'expiration du brevet, qu'est-ce que vous choisiriez?

[Traduction]

M. Cox: Je répète que cette question n'a pas grand-chose à voir avec la situation de mon entreprise. Il existe actuellement, au Canada, deux types de brevets susceptibles d'intéresser ma compagnie. Il y a les brevets de produit et il y a les brevets de procédé. Ma compagnie élabore des produits concurrents protégés par des brevets de procédé et non pas par des brevets de produit. Je n'ai pas à attendre qu'un brevet vienne à expiration. Cela n'est pas nécessaire si je parviens à mettre au point - et je précise que cela coûte très cher - un procédé de fabrication différent.

Si je veux utiliser le même procédé de fabrication que l'inventeur, il faut, bien entendu, que j'attende que son brevet vienne à expiration. Si je peux utiliser un procédé de fabrication différent, je pourrais vendre mon produit n'importe où dans le monde. Si l'inventeur estime qu'il y a contrefaçon, il doit normalement m'actionner en justice. Mais, en l'occurrence, ce n'est pas le choix qui s'offre à moi. Je constate, en effet, que je dépense un million de dollars par mois pour fabriquer un produit que je ne parviens pas à vendre, en raison d'une prétendue contrefaçon, contre laquelle on ne me donne pas la possibilité de me défendre.

.1645

Le président: Je vous ai demandé tout à l'heure si vous étiez ou non soumis aux dispositions de l'article 55. Vous m'avez répondu que non, mais que votre société-mère, elle, l'était. Quand vous dites «moi», voulez-vous dire vous personnellement, ou votre société-mère?

M. Cox: Je ne peux pas vendre mon produit à ma société-mère car elle ne peut pas fabriquer et distribuer au Canada le produit fini. À ce point là, le processus est interrompu.

Le président: Plus précisément, alors, votre société-mère ne peut pas vous acheter votre produit.

M. Cox: C'est exact. Mais, pour ma compagnie, le résultat est le même.

Le président: Cela dépend des rapports que vous entretenez avec votre patron.

[Français]

M. Pierre Brien: Je veux revenir aux représentants de l'Association des syndicalistes retraités du Canada pour qu'ils m'expliquent quelques-unes de leurs affirmations.

Dans vos arguments, vous faites mention de la création d'emplois. L'abolition du projet de loi C-91 aurait des effets importants sur le secteur industriel, sur l'industrie novatrice dans le domaine pharmaceutique qui commande à l'heure actuelle près de 17 000 emplois. Avez-vous des solutions pour nous aider à maximiser la situation de l'emploi? En effet, si on abolit C-91, il ne faut pas penser qu'on réussira à protéger ces 17 000 emplois.

[Traduction]

M. Ronald Lang (représentant pour l'est de l'Ontario, Association des syndicalistes retraités du Canada): Permettez-moi de vous répondre ainsi. J'étudie l'industrie pharmaceutique depuis le milieu des années 60. J'ai étudié son comportement dans plusieurs pays. J'ai préparé en Angleterre, à la London School of Economics, un doctorat sur l'industrie pharmaceutique, ses coûts et ses prix. Depuis que j'ai pris ma retraite, je suis peut-être un peu moins au fait de ce qui se passe, mais je crois connaître assez bien le secteur et la manière dont il fonctionne.

En 1968, l'ancien comité parlementaire Harley a rendu son rapport. Le Comité de la santé était alors présidé par le Dr Harry Harley. Il s'est penché à l'époque sur les brevets pharmaceutiques et cette industrie a organisé une campagne de lobbying telle que le Parlement n'en avait jamais vu. Ils ont contacté les députés, à Québec, à Montréal et à Toronto, là où les entreprises étaient installées.

Elles ont menacé de quitter le Canada. Elles ont parlé des emplois qui seraient perdues. Elles nous ont avertis que le Canada n'aurait plus accès aux médicaments indispensables. En un mot, elles ont utilisé les moyens les plus tordus et ont en fait, me semble-t-il, tenté de faire chanter nos parlementaires qui sont, pourtant, mandatés par la population canadienne. Tout cela est désormais consigné dans l'histoire. Eh bien, elles n'ont pas quitté le Canada. Nous n'avons pas perdu nos emplois. Nos entreprises sont encore là et elles continuent à fabriquer des médicaments au Canada.

En ce qui concerne les grandes marques pharmaceutiques, ce projet de loi ne permettra nullement de conserver des emplois au Canada. Le risque se situe au niveau des emplois dans l'industrie des médicaments génériques, industrie qui était en pleine expansion. Ce projet de loi risque d'étrangler petit à petit notre industrie des médicaments génériques. Il s'agit, pourtant, d'entreprises canadiennes. Elles ont été créées au Canada et elles se développaient à un bon rythme. Elles permettaient aux Canadiens de bénéficier des médicaments les moins chers du monde.

Au sujet des pertes d'emploi, songeons au cas de Biochem Pharma, de Laval, qui a mis au point un médicament contre le sida. Mais où ce médicament est-il fabriqué? Il est fabriqué par Glaxo Wellcome en Grande-Bretagne. Combien d'emplois ont été créés au Canada? Pas un seul. L'année dernière Wellcome Corporation a versé 57 milliards de dollars de redevances alors que son chiffre d'affaires, dans le monde entier, s'élevait à 270 millions de dollars.

Le résultat ne me semble guère probant. C'est cela qui entraîne des pertes d'emplois et je crois qu'Apotex de Winnipeg va en constituer un autre exemple. Voilà la position que nous avons adoptée, en tant qu'organisation représentant les personnes retraitées.

.1650

[Français]

M. Pierre Brien: Comme vous étudiez la question depuis longtemps, selon vous, le fait que le Canada ait été signataire de l'Organisation mondiale du commerce et de l'ALENA ne constitue-t-il pas un facteur nouveau dont il faut absolument tenir compte aujourd'hui, en comparaison de 1968 et de 1984, alors qu'un rapport avait été publié, en comparaison de la dernière fois où le comité s'était penché sur ce secteur industriel au Canada? Selon vous, est-ce que ce sont des données dont on doit tenir compte ou si c'est une réalité qui ne doit pas nous influencer, qui doit demeurer en dehors du débat? Avez-vous tenu compte de cette nouvelle réalité en considération de deux choses: nos obligations internationales, d'une part, mais aussi, d'autre part, le contexte international? Par exemple, beaucoup plus de médicaments génériques seront importés au cours des prochaines années que par le passé.

[Traduction]

M. Lang: Beaucoup d'autres médicaments génériques seront...? Je ne vous ai pas entendu?

[Français]

M. Pierre Brien: Plus de médicaments génériques seront importés, le marché du secteur générique étant plus ouvert. Il n'est pas aussi évident que le secteur sera dominé par les Canadiens dans les années à venir.

[Traduction]

M. Lang: Les médicaments génériques importés d'où?

M. Pierre Brien: De n'importe où.

M. Lang: Les grandes marques pharmaceutiques contrôlent l'industrie du médicament au Canada et ailleurs. Tant que les multinationales détiennent le brevet d'un médicament, vous ne pourrez pas importer au Canada des analogues génériques. Dans ce cas-là, pourquoi nos entreprises de médicaments génériques ne fabriquent-elles pas, elles-mêmes, ces médicaments? Parce que les brevets en vigueur les en empêchent.

[Français]

M. Pierre Brien: Lorsque les brevets viennent à expiration, ce sont les produits génériques qui prennent le marché. On parle alors d'une industrie quand même importante. Cependant, la tendance, même au cours des dernières années, a été une diminution de l'importance des grands joueurs canadiens, notamment Apotex et Novopharm. Leur importance risque de diminuer encore au cours des prochaines années.

[Traduction]

M. Lang: Il ne fait aucun doute que leur importance va baisser au cours des quelques prochaines années, car elles auront moins de médicaments à fabriquer et à copier. Cela ne fait aucun doute. C'est le résultat vers lequel tend le projet de loi C-91. C'est bien pour cela que nous sommes ici pour protester contre ce projet de loi.

Mais, plus tôt, vous avez évoqué le problème que posent les obligations contractées par le Canada en matière de commerce international. Nous ne sommes pas persuadés qu'aux termes des accords sur l'OMC et l'ALENA, le Canada ne puisse pas réintroduire le système d'homologation obligatoire.

D'ailleurs, je me souviens très bien avoir entendu le premier ministre du Canada, alors qu'il se trouvait dans l'opposition, se lever et dire devant la Chambre que l'opposition, c'est-à-dire l'actuel gouvernement, était contre le projet de loi C-91, et qu'elle entendait le modifier. Il a également dit que son parti s'opposait à la signature de l'ALENA à moins d'y introduire des changements qu'exigeait l'intérêt national.

Eh bien, a-t-il signé l'ALENA sans obtenir de changements? Je crois que c'est effectivement le cas, étant donné que l'honorable John Manley, ministre de l'Industrie, a déclaré, devant ce comité, qu'on ne peut pas le faire en raison d'accords internationaux - notamment de l'ALENA. On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Soit vous voulez protéger les intérêts du Canada, ce que vous n'avez pas fait en signant l'ALENA, soit L'ALENA nous permet effectivement de réintroduire au Canada le système de licences obligatoires. Dans un cas comme dans l'autre, il y a une promesse qui n'a pas été tenue.

[Français]

M. Pierre Brien: Pour cela, vous vous expliquerez avec eux. Ce ne sont pas nos engagements à nous.

[Traduction]

Des voix: Ah, ah!

M. Lang: Mon collègue, M. Ian Murray, est parti et je le regrette.

Le président: Il a dû aller voter.

M. Lang: Je comprends cela.

Le président: Que l'on indique dans le compte rendu que vous procédez par raccourcis.

M. Lang: Ah, ah!

[Français]

M. Pierre Brien: J'ai une seule petite question là-dessus, en fait une sous-question. Vous qui connaissez bien le dossier, vous dites qu'il faudrait modifier les ententes internationales ou bien revenir aux licences obligatoires sans modifier les ententes internationales que sont l'OMC et l'ALENA.

.1655

[Traduction]

M. Lang: Ce que je dis, c'est que je ne crois pas que les accords internationaux que nous avons signés, comme l'ALENA et ceux de l'OMC, nous empêcheraient d'imposer un système d'homologation obligatoire chez nous. Le ministre, lui, pense le contraire.

Eh bien, je dirais que ses conseillers devraient faire un peu mieux leurs devoirs. Je ne peux pas vous en dire plus, mais je ne pense absolument pas que nous soyons empêchés de faire une chose qui irait dans l'intérêt national.

Le président: Monsieur Mayfield.

M. Philip Mayfield: Pour rester sur le même sujet, je rappellerai ce qu'a dit mon collègue, qu'il s'agit-là d'un argument qui vous oppose au gouvernement.

Mais j'aimerais savoir si vous avez pensé à ce que nous devrions faire, si nous pouvions, comme certains l'ont suggéré, revenir en arrière et envisager de modifier l'ALENA. Qu'est-ce que cela donnerait pour le Canada, non seulement dans l'industrie pharmaceutique, mais dans tous les aspects visés par l'ALENA? En fait, y aurait-il même des conséquences? Est-ce que vous y avez réfléchi?

M. Lang: Je ne suis pas un spécialiste de droit commercial, mais j'ai l'impression que si le Canada réclamait des modifications, nous ne les obtiendrions pas. Je pense que cette porte nous est fermée.

Quant à nous, nous estimons qu'il y a d'autres façons de s'y prendre et que, moyennant un peu d'ingénuité, nous pourrions revenir à une forme d'homologation obligatoire.

M. Philip Mayfield: Mais est-ce que vous n'êtes pas, en ce sens, en train de vous contredire?

M. Wagg: Non. Nous estimons que dans le cadre de l'ALENA - ou de l'OMC, dans le cas qui nous intéresse - le gouvernement peut encore agir dans le sens de l'intérêt national.

En fait, j'étais présent lors d'une séance de comité, dans le bâtiment d'à-côté, quand la Coalition canadienne pour la santé s'est présentée en compagnie d'un avocat spécialisé en commerce international, Me Appleton, qui a émis cette opinion. De plus, nous avons vérifié auprès d'autres sources. On nous a dit que c'était possible sur un plan juridique, qu'il est impossible... je vais vous parler de l'autre revers de la médaille. Pensez-vous que, parce qu'ils ont signé l'ALENA, les États-Unis ne font plus jamais rien qui aille dans leur intérêt national?

Le président: J'invite les témoins à la prudence. Nous sommes en train d'étayer une cause très difficile dans un domaine particulièrement délicat. Les conseils juridiques doivent nous être communiqués de façon directe, et ne pas être des ouï-dire. Je ne veux pas me retrouver avec tout un tas de témoignages établissant qu'il est possible de faire quelque chose. Alors, soit vous êtes vous-mêmes en mesure de formuler un avis juridique ou d'apporter des preuves, soit vous n'avancez rien en ce sens. Je veux que nous soyons très prudents, parce que je ne veux pas qu'on vienne nous dire un jour que nous avons entendu dix avis dans ce sens, alors qu'en réalité, nous n'en aurions reçu aucun de façon directe.

Donc, si vous voulez émettre un avis d'un point de vue juridique, je vous en prie, allez-y - et celui de Me Appleton a été noté au procès-verbal - , mais sachez que c'est là une question particulièrement litigieuse.

M. Philip Mayfield: Merci.

Comme vous nous avez déclaré que vous étudiez cette question de près depuis longtemps, je vais vous demander ce que devrait être une période appropriée pour protéger les brevets. Certains nous ont dit qu'elle devrait être de quatre ans, d'autres de quatre ans pour la période correspondant à la possibilité de commercialisation après l'approbation du brevet. Selon vous, et après y avoir réfléchi pendant plusieurs années, quelle pourrait être une période appropriée pour la protection des brevets?

M. Lang: Je dirais qu'elle devrait équivaloir à quatre ans après le début de la période de versement des redevances établies par le commissaire aux brevets. Cependant, j'ajouterai qu'elle ne devrait, en aucun cas, dépasser sept ans par la suite.

M. Philip Mayfield: À partir du début de la période de commercialisation possible.

M. Lang: C'est cela, après quoi il faudrait obligatoirement octroyer une licence, au début du versement de redevances. Encore une fois, comme je le disais, cela est établi par le commissaire aux brevets, en vertu de la loi de 1969.

.1700

M. Philip Mayfield: Bon, je ne vais pas ergoter et j'accepterais votre réponse telle quelle.

J'ai déjà parlé de la possibilité, afin de permettre au détenteur d'un brevet de récupérer son investissement et de réaliser des profits sans avoir à craindre quoi que ce soit, d'établir la durée de protection du brevet à partir de la période de commercialisation possible, peu importe le temps nécessaire à la mise au point du médicament. J'y vois quelques difficultés, mais n'y voyez-vous pas une solution de remplacement à la formule actuelle consistant à protéger un brevet pendant, disons, vingt ans?

M. Lang: Je ne pense pas que cela réponde aux préoccupations de mon organisation en ce qui trait aux coûts pour la santé et aux coûts des médicaments. J'estime que la seule solution réaliste serait d'imposer l'homologation obligatoire, assortie du versement de redevances, après quatre ou sept ans. Une telle période est suffisante, parce que ces médicaments sont commercialisés dans le monde entier et que les fabricants des produits peuvent récupérer leurs coûts de développement et de recherche et réaliser un profit tout à fait confortable, comparable à celui que réalisent d'autres industries manufacturières. Leur rendement sur capitaux propres avoisine 13 ou 14 p. 100, ce qui me paraît tout à fait honnête.

M. Philip Mayfield: À en croire les lettres que m'ont envoyées deux ou trois personnes, certains chercheurs au Canada redoutent les effets d'une diminution de la période de protection des brevets. C'est le cas d'un chercheur de l'Université d'Ottawa et d'un autre de Vancouver. Ils craignent de perdre les revenus que leur rapportent les grands laboratoires, au cas où la période de protection serait raccourcie. Ils croient que leurs recherches seront menacées advenant que les sociétés avec lesquelles ils traitent voient fondre leurs profits ou décident de quitter le pays. Ils se sentent menacer par cela.

Je dois dire que s'il y a une chose qui me préoccupe, c'est notre longue tradition canadienne qui consiste à laisser partir certains de nos plus brillants chercheurs - pas uniquement dans les domaines de la médecine et de la pharmacie, mais dans d'autres domaines également - à cause de circonstances économiques particulières, de politiques gouvernementales ou d'autres raisons. Au fil des ans, nous avons subi les effets d'une véritable fuite des cerveaux qui nous a, d'après moi, laissés en piteux état. Craignez-vous que cela se produise? Mais je crois que vous y avez répondu plus tôt.

M. Lang: Toute ma vie, j'ai été nationaliste bon teint. Je suis Canadien jusqu'à la racine des cheveux.

M. Philip Mayfield: Je suis heureux de vous l'entendre dire.

M. Lang: Je ne veux pas que nos plus jeunes et plus brillants cerveaux quittent le pays. Je veux qu'ils restent ici et qu'ils contribuent à la vie de ce pays. Je pense qu'on peut y arriver et je crois que c'est ce que nous permettait l'ancienne loi sur les médicaments.

La nature de cette industrie est telle que la recherche fondamentale... Au Canada, on fait de la recherche et du développement, pas de la recherche fondamentale. On reçoit les ingrédients chimiques et on les transforme en produits finis.

M. Philip Mayfield: Mais ne nous avez-vous pas dit que la recherche sur le médicament contre le sida a été effectuée au Canada?

M. Lang: C'est le seul brevet dont on a jamais privé le Canada. Et où ce médicament est-il fabriqué maintenant? En Grande-Bretagne, pas ici. Et puisque vous soulevez de nouveau la question, sachez que c'est là que se retrouvent nos plus brillants cerveaux.

Quoi qu'il en soit, par sa nature même, la recherche et le développement sont normalement effectués dans le pays où l'on réalise également la recherche fondamentale, mais pas au Canada. Les seules entreprises qui peuvent effectuer de la recherche fondamentale au Canada sont les fabricants de produits génériques, dans l'industrie émergente des médicaments biogénériques. Ce sont ces fabricants qui effectuent de la recherche fondamentale. Traditionnellement, les multinationales font faire cette recherche à l'étranger.

.1705

M. Philip Mayfield: Monsieur le président, arrêtez-moi avant que je n'épuise tout mon temps sur ce thème, parce que je veux poser une question à M. Cox. Prévenez-moi quand il sera temps pour moi de changer de sujet...

Le président: Le moment est venu!

Des voix: Ah, ah!

M. Philip Mayfield: Parfait.

Le président: Allez-y donc et posez une ou deux questions à M. Cox, après quoi nous conclurons. Nous retenons ces témoins depuis assez longtemps déjà.

M. Philip Mayfield: Effectivement, mais l'échange a été intéressant.

Le président: Tout à fait.

M. Philip Mayfield: Monsieur Cox, je veux vous poser une question très brève. Vous avez déclaré, je crois, que vous n'auriez pas d'autres possibilités que de vous tourner vers certains pays européens... Mais qu'est-ce qui vous empêche de vous tourner vers les États-Unis et de vous installer là-bas?

M. Cox: Je ne pense pas avoir dit que nous n'aurions pas d'autres possibilités. Je ne pense pas qu'un seul pays au monde consente des exemptions d'exportation à des entreprises d'un autre pays où le brevet est encore en vigueur, pour que celles-ci puissent exporter chez lui, où le même brevet a expiré. Je ne pense pas que cela se pratique où que ce soit dans le monde. Je disais que cela est approprié dans le cas du Canada à cause de circonstances qui nous sont particulières et du fait que les brevets y expirent plus tard qu'ailleurs.

Maintenant que j'ai précisé votre remarque liminaire, je dois vous avouer que je ne me rappelle plus votre question.

M. Philip Mayfield: Je voulais savoir pourquoi vous ne pourriez pas aller aux États-Unis pour vous y installer.

M. Cox: Nous préférerions ne pas aller aux États-Unis, pour quoi que ce soit, parce que nous sommes une entreprise canadienne. Nous sommes engagés envers le Canada. Nous voulons nous développer au Canada. Nous avons investi beaucoup d'argent en R-D dans ce pays et je pense qu'il est tout à fait normal et raisonnable de nous donner la possibilité de retirer quelque chose de nos investissements en R-D dans ce pays.

M. Philip Mayfield: Je ne vous suggère pas d'aller aux États-Unis et je ne veux pas dire non plus que c'est ce que vous voulez faire, mais est-ce que vous pourriez en être légalement empêchés?

M. Cox: Non. Les États-Unis ne sont pas particulièrement attrayants pour nous, parce qu'il est maintenant beaucoup plus courant dans ce pays de protéger les produits que les procédés par voie de brevets, sauf dans certains secteurs de la biotechnologie et en biogénétique, où l'on protège à la fois le produit et le procédé.

Donc, si nous voulions aller aux États-Unis en tant que fabricant de produits chimiques de laboratoire, nous devrions sans doute nous en tenir à des médicaments classiques pour lesquels les brevets ont expiré alors que - vous vous souviendrez de ce que j'ai dit au début - pour le moment du moins, nous nous intéressons plus particulièrement aux produits protégés par des brevets sur le procédé plutôt que sur le produit.

Voulez-vous entendre mon opinion à propos de la R-D?

Des voix: Ah, ah!

M. Philip Mayfield: Eh bien, je crois que nous allons devoir nous en remettre au président pour cela.

Le président: Nous allons nous arrêter là.

Je voudrais que vous me précisiez une chose, monsieur Cox. Comme vous nous l'avez dit, vous vous intéressez aux procédés. Mais protégez-vous vos nouveaux procédés par des brevets?

M. Cox: Nous avons nos brevets effectivement.

Le président: Et quelle est la durée de protection pour vos brevets que vous considérez comme étant raisonnable?

M. Cox: Dans le cas d'un brevet canadien, déposé au Canada, 20 ans sans homologation obligatoire, comme le prévoyait le projet de loi C-22.

Le président: Parfait.

Deuxièmement, je voudrais une autre précision. Vous avez dit que vous n'êtes pas membre de l'Association canadienne de biotechnologie industrielle. Je ne sais pas si c'est parce qu'on a refusé votre adhésion ou que vous avez vous-même décidé de ne pas en être membre.

M. Cox: On n'a pas répondu à ma demande d'inscription.

Le président: Et il y a combien de temps de cela?

M. Cox: Deux ans. Depuis, j'ai consulté mon personnel et les membres du conseil d'administration à cinq ou six reprises et on m'a toujours répondu que Cangene est déjà membre de l'association. C'est la réponse qu'on me donne habituellement.

Le président: Quel lien vous unit à Cangene?

M. Cox: L'actionnaire principal de Cangene est ma société-soeur.

Le président: Merci.

Je remercie tous les témoins, comme l'a fait M. Mayfield avant moi. Je parle également au nom de M. Brien. Nous avons beaucoup apprécié votre visite.

Monsieur Thorpe, merci d'être resté. J'espère que vous l'avez apprécié. Finalement, on apprend des choses. J'espère, d'ailleurs, que vous en ferez profiter vos étudiants. Les membres du comité ont réalisé une importante étude sur la science et la technologie à l'automne dernier, et d'ailleurs la plupart des questions que vous avez soulevées l'avaient également été à l'automne. Nous avons beaucoup apprécié votre présence. Vous devriez vous procurer un exemplaire de cette étude sur la science et la technologie, parce que nous y exprimons ce que nous attendons de la jeunesse et que nous y émettons l'espoir que les jeunes embrassent des carrières en science. Nous avons beaucoup apprécié votre point de vue. Il nous a rappelé ce à quoi tout cela correspond.

Merci, monsieur Wagg.

Merci, monsieur Lang. Ce fut intéressant d'entendre l'avis d'un docteur dans le domaine, d'une personne réputée. Nous avons apprécié votre contribution.

.1710

Merci beaucoup à vous, monsieur Cox. Je suis désolé de la confusion qu'il y a eu au début. Nous avons beaucoup apprécié votre témoignage.

Nous allons à présent accueillir les représentants de la Chambre de commerce du Canada qui viennent juste d'arriver.

Excusez-moi, on vient juste de me dire que nous devons aller voter. Je demande à tout le monde de bien vouloir nous excuser.

Les activités du comité sont suspendues pour une demi-heure.

.1711

.1803

Le président: Je remercie les témoins d'avoir eu la patience de nous attendre. Il y en a au moins un d'entre vous qui sait ce que c'est que de devoir voter.

Bienvenue à vous, messieurs Reid et Mayo. Habituellement, nous demandons à nos témoins de nous lire un bref aperçu ou de nous livrer quelques remarques liminaires afin que les députés aient le temps de leur poser des questions ensuite. Si cela vous convient, je vous donne la parole et je vous invite à commencer sans tarder.

M. Timothy E. Reid (président, Chambre de commerce du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président. La Chambre de commerce du Canada se réjouit de l'occasion qui lui est donnée de vous faire part de son point de vue sur la protection de la propriété intellectuelle au Canada.

Je suis accompagné de Me Bill Mayo, avocat à la Société Newbridge Networks. Newbridge, qui est un chef de file mondial dans le domaine de la recherche, du développement et de la commercialisation de matériel de communication sophistiqué, a son siège social à Kanata. Me Mayo est responsable de tout ce qui a trait aux brevets et aux autres questions relatives à la propriété intellectuelle.

Avant de travailler pour Newbridge, il était avocat de pratique privée dans un cabinet d'Ottawa et il se chargeait des causes concernant les compagnies pharmaceutiques et le règlement de liaison sur les avis de conformité. Il m'accompagne aujourd'hui en sa qualité de président du groupe de travail sur l'examen de la Loi sur les brevets, de la Chambre de commerce du Canada.

.1805

Avant que Bill ne vous expose la position de la Chambre de commerce du Canada, je tiens à dire que nous espérons véritablement contribuer aux travaux de votre comité, parce que nous avons pu trouver les gens dans le milieu qui connaissent ces questions, que nous les avons invités à participer à notre travail de formulation de politiques, en collaboration avec nos chambres locales, et que nous les avons amenés avec nous.

Je conclurai mes remarques liminaires en disant que

[Français]

la Chambre de commerce du Canada est la plus importante et la plus représentative des associations canadiennes de gens d'affaires. Elle représente 170 000 membres de tous les secteurs et de toutes les régions du pays par l'entremise de son réseau de 500 chambres et bureaux de commerce locaux.

[Traduction]

Sur ce, monsieur le président, je recommanderais que M. Mayo nous livre sa présentation sur le contenu de notre mémoire.

Le président: Monsieur Mayo, je vous en prie.

M. Bill Mayo (Service juridique, Newbridge Networks Corporation): Monsieur le président, madame et messieurs les membres du comité, l'intérêt que la Chambre de commerce du Canada porte à ces questions dont vous êtes saisies, remonte à l'époque du dépôt des projets de loi C-22 et C-91. Nous étions favorables aux dispositions de ces projets de loi qui avaient pour objet de renforcer la protection de la propriété intellectuelle au Canada et nous avions alors exprimé haut et fort nos préoccupations relativement à tous les points qui n'auraient pas permis de parvenir aux effets désirés.

Par exemple, dans sa déposition auprès de la Commission Eastman en 1985, la Chambre de commerce du Canada s'est très nettement prononcée contre l'homologation obligatoire, car elle risquait de décourager les entreprises d'entreprendre des recherches novatrices et d'entraver les investissements dans ces entreprises.

Nous avons d'ailleurs réitéré ce point de vue lorsque nous avons comparu à propos du projet de loi C-91 et nous nous sommes alors réjouis de constater que ce projet de loi avait mis un terme au régime d'homologation obligatoire.

Les changements apportés par les projets de loi C-22 et C-91 ont beaucoup contribué à améliorer la protection des brevets au Canada. Cependant, dans certains cas, la protection de la propriété intellectuelle ne correspond qu'aux normes minimales énoncées par l'Organisation mondiale du commerce ainsi que dans des accords relatifs aux droits de la propriété intellectuelle dans le domaine commercial. En outre, elle ne se compare pas forcément au niveau de protection accordé dans d'autres pays. Il y a donc encore place à l'amélioration.

Avec la suppression de l'homologation obligatoire, les détenteurs de brevets pharmaceutiques se trouvaient à disposer de la même protection de 20 ans pour leurs brevets que les inventeurs dans d'autres secteurs technologiques. Cependant, les produits pharmaceutiques nouveaux font l'objet d'un processus réglementaire rigoureux pendant la période de 20 ans qui précède leur mise en vente. À la fin du processus d'essai et d'approbation, l'exclusivité commerciale n'est plus garantie par le brevet que pour 10 ans, et parfois moins. Les autres industries ne sont pas confrontées à ce genre d'obstacle.

De nombreux autres pays le reconnaissent et ont adopté des mesures pour que la période d'exclusivité commerciale soit plus équitable, par le truchement d'un système de restauration des brevets. En vertu de ce régime, la durée effective des brevets accordée dans d'autres pays, comme aux États-Unis et au Japon, peut être de 14 ou 15 ans, comparé à la période de 10 ans consentie au Canada. Il faudrait songer à mettre le Canada sur un pied d'égalité avec ses principaux concurrents internationaux en matière de brevets, et pour cela il faut adopter des dispositions analogues à celles d'autres pays.

En outre, il est essentiel que nous disposions des avis de conformité ou du règlement de liaison pour avoir la certitude que les brevets détenus par des compagnies pharmaceutiques ou par des sociétés de biotechnologie seront effectivement respectés. La Chambre de commerce est favorable à ces règlements grâce auxquels les entreprises, grandes comme petites, sont davantage tenues de respecter les brevets. Comme on n'accorde que rarement des injonctions interlocutoires au Canada, surtout quand il s'agit de brevets, le règlement de liaison constitue une bonne solution de remplacement pour faire respecter les droits relatifs aux brevets.

La Chambre de commerce du Canada croit que le gouvernement fédéral devrait s'assurer que le Canada est un pays où il est sain d'investir, où les investissements sont prévisibles, un pays où la protection des brevets est garantie. En vertu du projet de loi C-22, la Loi sur les brevets devait être révisée tous les 10 ans; en vertu du projet de loi C-91, cette période a été réduite à quatre ans. La Chambre estime que la révision à laquelle vous vous livrez constitue l'occasion rêvée pour conférer une certaine stabilité à la Loi sur les brevets en renforçant le système en vigueur au Canada.

Force est de constater qu'au cours des dernières années, l'essor de l'industrie canadienne de la biotechnologie a été encouragé, dans une large mesure, par les normes de protection de la propriété intellectuelle qui ont été améliorées au Canada depuis l'adoption du projet de loi C-91. Les entreprises de biotechnologie s'attachent à transformer les découvertes scientifiques effectuées dans les hôpitaux et les universités au Canada en différentes applications. Le Canada commence à percevoir les avantages économiques, notamment en matière de création d'emplois, que présente cette industrie.

Selon une récente étude de Ernst and Young, l'industrie de la biotechnologie au Canada serait composée de plus de 224 entreprises réparties partout au pays. En 1990, il y en avait encore moins de 12.

.1810

Dans ces entreprises, le niveau d'emploi croit à un rythme annuel de 17 p. 100. On y compte environ 8 000 employés et on s'attend à ce que ce chiffre augmente de 50 p. 100 d'ici l'an 2000.

La majorité des entreprises de biotechnologie au Canada sont des PME, qui peuvent se livrer à des recherches novatrices, de façon compétente; elles savent que leurs brevets ne risquent pas d'être contrefaits et qu'elles disposent, pour la commercialisation de leurs produits, d'une période d'exclusivité au cours de laquelle elles pourront récupérer leurs coûts de développement. Eh bien, cette industrie se trouverait en position de porte-à-faux si elle devait entreprendre systématiquement des actions en contrefaçon de brevets puisque, comme je le disais plus tôt, il est, depuis toujours, difficile d'obtenir des injonctions interlocutoires au Canada.

Si l'industrie canadienne de la biotechnologie est parvenue à maturité, on le doit en grande partie au fait que nous avons su protéger ses deux principales ressources, les ressources intellectuelles et les brevets. Sans une solide protection sur le plan des brevets, les inventeurs canadiens auraient été contraints d'aller dans d'autres pays où la protection de la propriété intellectuelle est davantage prévisible. Pour tout dire, si l'on affaiblissait les actuelles dispositions de la Loi sur les brevets, on porterait gravement atteinte à la viabilité à long terme de l'industrie typiquement canadienne de la biotechnologie.

Pour toutes les raisons que je viens d'énoncer, la Chambre de commerce du Canada invite expressément le gouvernement - à l'occasion de cette révision de la Loi sur les brevets - , à se concentrer sur les avantages qu'une protection renforcée des brevets pourrait présenter sur le plan de la création d'emplois et du niveau d'investissement au Canada. Le gouvernement fédéral devrait s'assurer que la Loi sur la propriété intellectuelle demeure compétitive et donne donc une chance raisonnable au Canada d'attirer des investissements étrangers.

Nous devons veiller à ce que les petites entreprises canadiennes de biotechnologie soient aussi attrayantes aux yeux des investisseurs que celles des autres pays; la meilleure façon d'y parvenir consiste, pour nous, à respecter les engagements que nous avons pris dans le cadre des divers accords internationaux dont nous sommes signataires. Si nous voulons prendre une place plus importante sur les marchés internationaux, nous devons respecter ces engagements. Le Canada doit s'en tenir aux engagements qu'il a conclus vis-à-vis de la communauté internationale.

La Chambre de commerce du Canada est heureuse d'avoir eu la possibilité de soumettre son point de vue au Comité de l'industrie. Nous serons heureux de discuter plus en détail les recommandations contenues dans notre mémoire.

Le président: Merci beaucoup, Maître Mayo pour cette présentation très succincte dans laquelle vous avez abordé les principaux points de votre mémoire. Merci également de faire bénéficier le comité de vos connaissances professionnelles. Nous l'apprécions.

[Français]

Monsieur Brien.

M. Pierre Brien: Dans le secteur de l'industrie du médicament, on constate qu'on a une balance commerciale déficitaire. Je ne sais pas si vous avez examiné cela d'un peu plus près, mais êtes-vous capables d'expliquer ce phénomène et de me dire pourquoi c'est ainsi? Également, que pourrait-on faire pour améliorer la balance commerciale du Canada dans le secteur des médicaments?

[Traduction]

M. Mayo: Je ne suis pas certain de pouvoir pleinement répondre à votre question, mais je tiens à signaler, parce que c'est important, que certains des changements apportés à la Loi sur les brevets sont relativement récents. Il peut falloir des mois, voire des années dans certains cas, pour obtenir simplement un brevet. C'est quelque chose qui va prendre du temps à régler dans le système, comme on peut, je crois, le constater dans le domaine émergent de la biotechnologie.

Sans parler de toutes les raisons d'ordre historique, je dirais qu'il est important de maintenir la tendance actuelle. Je pense que la situation va s'améliorer ou du moins qu'elle va changer peu à peu dans le temps et que les industries de la biotechnologie conduiront de plus en plus de R-D.

[Français]

M. Pierre Brien: L'une de nos préoccupations est d'avoir un cadre législatif qui favorise la recherche et le développement, en plus des incitatifs fiscaux qui sont accordés par le gouvernement fédéral ou par certains gouvernements provinciaux, et d'aller chercher un secteur très intéressant de la recherche et du développement. Mais, en contrepartie, lorsqu'il y a des découvertes, la fabrication se fait dans un autre pays, ce qui fait aussi partie de nos ententes commerciales internationales. À ce moment-là, on ne récupère pas tout l'effet positif de notre investissement en tant que société.

Avez-vous examiné cela attentivement? Est-ce que cela vous préoccupe aussi?

[Traduction]

M. Mayo: Encore une fois, j'estime qu'il faut adopter certains aménagements pour permettre aux industries de prendre de l'essor. Dans mon domaine de spécialité, celui des communications, notre secteur manufacturier est très solide et il est en pleine expansion.

.1815

Je trouve que tout cela intervient parallèlement aux efforts déployés en recherche et en développement, surtout dans les domaines de haute technologie où le fait de disposer d'une main-d'oeuvre qualifiée et de pouvoir compter sur une présence également qualifiée en recherche et en développement vont de pair; les industries manufacturières en sont venues peu à peu à emboîter le pas à tout cela.

[Français]

M. Pierre Brien: Dans votre présentation, vous avez parlé d'un contexte de stabilité en ce qui a trait à la protection des brevets. Cependant, acceptez-vous quand même que le gouvernement révise à l'occasion toute la situation? Il faut trouver un point d'équilibre entre le concept de la propriété intellectuelle et l'impact sur les coûts du système de santé.

Dans le cadre de C-22, il y a eu une révision après 10 ans. Ne serait-il pas souhaitable d'avoir une autre révision statutaire et, si oui, quel serait pour vous la période de temps qui permettrait d'atteindre cette stabilité?

[Traduction]

M. Mayo: Je ne suis pas certain qu'une révision législative s'impose. Comme vous l'avez dit, au cours des dernières années, on a apporté plusieurs changements non seulement au volet brevets de toute cette question touchant à la propriété intellectuelle, mais aussi aux droits d'auteur, aux marques déposées, etc. J'estime qu'il et effectivement nécessaire de revoir ces procédés et ces régimes internationaux, partout dans le monde, ce que font d'ailleurs différentes organisations internationales. En revanche, je ne suis pas certain qu'il faille ajouter à un autre palier de révision législative à tout cela. J'estime que toutes ces questions évolueront d'elles-mêmes.

Il faudra, occasionnellement, apporter des changements. Les révisions obligatoires n'ont pas toujours existé et elles ne sont pas forcément prévues dans d'autres lois. Cela ne veut pas dire que les choses ne changeront pas au besoin ou parallèlement aux changements apportés sur le marché international.

[Français]

M. Pierre Brien: En ce qui a trait au règlement de liaison, vous vous exprimez de façon favorable étant donné la difficulté d'obtenir des injonctions. Si on tient pour acquis qu'il faut garder le règlement de liaison, souhaiteriez-vous qu'il soit partie intégrante de la loi ou s'il pourrait, comme c'est le cas aujourd'hui, continuer d'être modifié par le Conseil des ministres?

[Traduction]

M. Mayo: Ce ne serait pas une mauvaise idée que de reconnaître ce processus dans la loi. Bien sûr, il ne serait pas nécessaire de reproduire intégralement le texte du règlement, mais je pense qu'il serait bon de citer, dans la Loi sur les brevets ou dans une autre mesure législative éventuelle, le principe en question, et de mentionner le règlement concerné.

Dans tous les cas, il ne serait pas mauvais de prévoir cela à un autre niveau. De toute évidence, le règlement demeurerait pour ce qui est de la mise en oeuvre, mais on pourrait fort bien énoncer les principes dans la loi elle-même.

[Français]

M. Pierre Brien: Si on augmentait la protection des brevets de manière à l'amener aux standards de nos concurrents internationaux, pourrait-on légitimement demander des engagements à l'industrie? La dernière fois qu'on avait augmenté la protection, on avait demandé à l'industrie de s'engager à augmenter ses efforts de recherche et de développement et de verser des sommes d'argent au Conseil de recherches médicales du Canada.

Donc, si on devait, comme vous le suggérez, augmenter la protection, ne pourrait-on pas s'attendre en contrepartie à des engagements supplémentaires en ce qui a trait à la recherche et au développement? Sommes-nous en droit de nous attendre à cela et même de l'exiger?

.1820

[Traduction]

M. Mayo: Personnellement, j'estime que le système des brevets se suffit à lui-même et qu'il ne nécessite rien d'autre. C'est un système qui, depuis toujours, a pour objet de reconnaître et de récompenser l'innovation et d'encourager d'autres développements grâce à la diffusion, dans le domaine public, de renseignements brevetés. Ce genre de mécanisme devrait donc suffire, je crois, à déclencher des recherches supplémentaires, si bien que je ne crois pas à la nécessité d'exiger d'autres engagements.

D'un autre côté, si de telles dispositions pouvaient nous permettre de récolter quelques gains supplémentaires, ce ne serait pas une mauvaise chose, mais j'aimerais qu'on laisse le système des brevets fonctionner de lui-même parce que je crois qu'il nous rapportera des avantages additionnels sans qu'il soit nécessaire de prendre d'autres mesures ou de contraindre qui que ce soit à adopter tel ou tel cap. J'estime que les progrès surviendront quand viendra le temps.

Le président: Monsieur Mayfield, je vous en prie.

M. Philip Mayfield: Merci beaucoup.

J'aimerais préciser deux ou trois choses. Dans votre énoncé, vous avez dit que le niveau d'emploi connaît une croissance annuelle de 17 p. 100 et vous estimez que la main-d'oeuvre actuelle de 8 000 personnes devrait augmenter de 50 p. 100. D'où tenez-vous ces renseignements?

M. Mayo: Ils sont extraits de l'étude de Ernst and Young. Je crains de ne pouvoir vous fournir ici d'autres détails relativement à cette étude, mais je pourrais certainement m'en enquérir si vous le voulez.

M. Philip Mayfield: Je l'apprécierais beaucoup, parce que d'autres témoins nous ont dit que le niveau d'emploi a en fait diminué. J'estime que c'est là un renseignement important et j'aimerais beaucoup que vous nous le communiquiez.

M. Mayo: Pour que les choses soient bien claires, je dois vous dire que cette étude portait plus particulièrement sur l'industrie de la biotechnologie et pas sur l'industrie pharmaceutique en général.

M. Philip Mayfield: C'est fort bien. Mais j'aimerais que vous me remettiez tout ce que vous avez.

M. Mayo: Très certainement.

M. Philip Mayfield: Cela fait déjà cinq ans qu'on a adopté la disposition relative au prolongement des brevets. Je me demande si vous avez des prévisions sur ce qui se passera, disons, dans les cinq prochaines années. Vous avez parlé de ce que sera le niveau d'emploi en l'an 2000, mais disposez-vous de renseignements sur ce que seront les investissements, sur le nombre de projets? Je dirais que si l'on s'attend à ce que le niveau d'emploi augmente, tout cela devrait augmenter également. Mais disposez-vous de données à ce propos?

M. Mayo: Je crains de ne pas avoir de détails ni de prévisions précises à cet égard. Cependant, nous pourrons peut être vous fournir d'autres documents. Il faudra que je vérifie pour voir s'il y a quelque chose, mais je crains de ne rien avoir sous la main, en plus de ce dont je vous ai parlé.

Cependant, je crois que vous avez tout à fait raison, compte tenu de la tendance actuelle, il y a tout lieu de s'attendre à ce que ce taux de croissance, assurément important, se maintienne, surtout qu'on a affaire dans ce cas à une industrie naissante. Pour établir encore une fois un parallèle avec ce qui se passe dans les domaines de la haute technologie et des communications, qui ont certainement une bonne dizaine d'années d'avance sur le secteur de la biotechnologie, la croissance, ici à Kanata et dans d'autres villes canadiennes, semble se poursuivre à un rythme relativement soutenu depuis plusieurs années, depuis l'émergence de ces industries.

M. Philip Mayfield: J'aimerais vous poser une question sur un sujet un peu différent. Des témoins ont dit à ce comité qu'il y a des façons de contourner les accords signés et de faire modifier les accords internationaux, comme l'ALENA et les autres. Je me demande si vous disposez de renseignements sur les conséquences que pourraient avoir de telles tentatives visant à faire modifier les accords. Quelles seraient les répercussions dans des domaines autres que celui de l'industrie pharmaceutique? Quelles seraient les répercussions pour le Canada en général? Y avez-vous réfléchi?

.1825

M. Mayo: Si vous commencez à faire cela, à adopter ce genre de mesures, je crains que vous ne lanciez une invitation à un traitement réciproque. Le contrecoup pourrait survenir dans d'autres secteurs, où nous sommes peut-être plus vulnérables, ou d'autres industries, qui ne sont pas visées par ce débat, pourraient être négativement touchées quand le genre de protection auquel elles se sont habituées et dont elles jouissent dans les autres pays, commenceront à s'éroder et qu'on pointera un doigt accusateur dans la direction du Canada parce qu'il aura dérogé à ses engagements. Je crois que c'est le danger que nous courrions si nous adoptions ce genre d'approche.

Personnellement, j'estime que le système des brevets devrait être uniforme pour l'ensemble des industries. On pourrait, certes, faire une certaine place à l'exception, mais comme point de départ, je dirais qu'il faudrait s'en remettre entièrement au système des brevets et traiter les membres des différentes industries de façon équitable pour instaurer un régime concurrentiel, au même niveau de celui des régimes internationaux, pour que nous puissions bénéficier, au Canada, des investissements en R-D d'origine étrangère. De plus, les brevets des produits exportés par des Canadiens à l'étranger bénéficieraient de la même protection qu'ici.

Une entreprise comme celle pour laquelle je travaille réalise la plupart de ses ventes à l'exportation et il est très important, pour elle, que la protection des brevets dans ces autres pays soit prévisible et puisse être appliquée. D'un autre côté, il faut s'attendre à devoir traiter les produits étrangers de la même façon au Canada.

M. Philip Mayfield: J'aimerais vous poser deux autres petites questions concernant les conséquences éventuelles de certaines actions. Certaines entreprises nous ont dit que si l'on n'assurait pas la protection des brevets pendant la période de prolongement, et même après, elles n'auraient d'autre choix que de s'en aller sous de meilleurs climats. D'autres témoins nous ont dit que tel n'était pas le cas. Qu'ils sont allés voir ailleurs ce qui se passe, mais qu'ils ont finalement décidé de rester ici.

Et vous, qu'en pensez-vous? Quelles seraient les conséquences éventuelles d'une réduction de la période de protection des brevets?

M. Mayo: Cela ne serait pas sans effet. Les entreprises n'iraient pas forcément jusqu'à quitter le pays, mais il faut savoir qu'elles évoluent dans un certain climat commercial et que tous ces facteurs interviennent dans les décisions qu'elles prennent relativement à certaines opérations. Donc, je pense qu'il y aurait effectivement un impact.

Des répercussions se feraient également sentir sur les investissements et sur la croissance au Canada. Les entreprises ne plieraient pas forcément bagages au lendemain d'une telle décision, mais on assisterait à des changements progressifs. Il n'y aurait pas forcément un déclin, mais le taux de croissance et le rythme des progrès constatés au cours des dernières années se stabiliseraient, ce qui serait très malheureux.

M. Philip Mayfield: Cela s'appliquerait-il autant aux nouvelles entreprises de biotechnologie qu'aux grands laboratoires?

M. Mayo: Je le pense.

M. Philip Mayfield: J'ai une dernière question. Il est difficile de blâmer ceux qui veulent protéger les intérêts des gens qu'ils représentent. Nombre de témoins que nous avons accueillis ici représentaient les intérêts de consommateurs et étaient préoccupés par le coût élevé des médicaments. Je me demande quels effets une diminution de la période de protection des brevets pourrait avoir sur le prix des médicaments.

Je m'en tiendrai là.

M. Mayo: Il est très difficile de savoir exactement quelles pourraient être les répercussions. D'un côté, il est certain que le prix de vente moyen d'un équivalent générique sera inférieur. Donc, a priori, on pourrait croire qu'il en coûtera moins cher. Cependant, il faut tenir compte de tous les autres aspects entrant en jeu. Si l'on instaure un climat encourageant la recherche et le développement ainsi que l'investissement au Canada, j'estime qu'on sera plus mal loti à long terme. On ne créera plus le même genre d'emplois et l'on n'obtiendra plus le même genre d'investissement, pas seulement sur le plan quantitatif, mais aussi sur le plan qualitatif, en ce qui a trait aux postes hautement qualifiés dans le domaine de la recherche et du développement.

.1830

Donc, si vous limitez votre analyse au prix de tel ou tel cachet générique, par rapport à un cachet de marque, vous ne faites qu'une partie du travail. J'estime que, en fin de compte, nous gagnons à protéger les brevets comme nous le faisons actuellement et à maintenir une certaine cohérence à l'échelle de l'industrie, de même que par rapport à nos partenaires internationaux.

M. Philip Mayfield: Merci beaucoup, monsieur.

Le président: Madame Brown.

Mme Bonnie Brown: Merci, monsieur le président.

Je vais vous demander de m'expliquer un peu la logique de votre mémoire. Vous soutenez ardemment et depuis toujours, le projet de loi C-91. Vous êtes également favorable à la période de 20 ans et au règlement de liaison. Vous avez même parlé de restauration des brevets. Je suppose que vous vous fondez pour cela sur ce que vous dites dans votre mémoire, à savoir que les tribunaux ne sont pas toujours efficaces dans l'application des règles de protection des brevets. Cependant, quand vous nous dites que la protection des brevets devrait être la même dans tous les secteurs industriels, je ne puis m'empêcher de penser aux 170 000 membres de la Chambre de commerce représentant tous les secteurs de l'économie.

Donc, d'un côté, vous prétendez que le régime devrait être uniforme et, de l'autre, vous dites que l'industrie pharmaceutique devrait bénéficier d'une protection spéciale. D'autres industries que vous représentez ont-elles déclaré à la chambre que leurs droits en vertu des brevets ne sont pas suffisamment protégés dans le système juridique canadien?

M. Mayo: Si je me fie à mon expérience, en règle générale, et pas seulement dans l'industrie pharmaceutique, les gens estiment qu'il est extrêmement difficile d'obtenir des injonctions interlocutoires à cause de la façon dont les tribunaux canadiens interprètent actuellement le droit.

Mme Bonnie Brown: Vos propos sont-ils de nature anecdotique ou pouvez-vous les appuyer sur des données empiriques? Avez-vous une liste de plaintes émanant de diverses industries et ces industries ont-elles effectivement demandé à bénéficier de privilèges particuliers, comme l'industrie pharmaceutique, pour contourner ce problème?

S'il est tellement difficile d'obtenir des injonctions interlocutoires, je m'étonne que cette question n'ait été portée à notre attention qu'à l'occasion de cet examen, et pour l'industrie dont on parle. Effectivement, si une révision et une réforme judiciaire s'imposent, je m'étonne que la Chambre ne nous en ait pas parlé avant.

M. Mayo: Je n'ai pas plus de renseignements à vous fournir ici, mais je puis vous assurer que c'est effectivement ce qui se passe dans le cas des injonctions interlocutoires relativement à des brevets.

Je ne sais pas si nous avons été saisis d'autres demandes - encore une fois je vous demande de m'en excuser - émanant d'autres industries, mais je m'engage à vérifier la chose.

Mme Bonnie Brown: Quoi qu'il en soit, le conseil d'administration de la Chambre de commerce du Canada est tellement convaincu du caractère spécial de l'industrie pharmaceutique, qu'il estime qu'il faudrait adopter un ensemble de règles dont aucune autre industrie travaillant avec des brevets ne pourrait se prévaloir. N'est-ce pas?

M. Mayo: Je ne dirais pas que telle est la situation, parce que l'industrie pharmaceutique fait effectivement face à des circonstances particulières.

Mme Bonnie Brown: Je ne vous parle pas de l'industrie pharmaceutique. Je vous parle des 170 000 membres de la Chambre de commerce. Je me demande si d'autres membres ayant affaire au régime des brevets et qui n'ont d'autres choix que de recourir aux tribunaux, sont d'accord pour qu'une industrie en particulier bénéficie d'une protection spéciale. Je me demande si l'on a pleinement débattu la question ou si on ne l'a fait que dans le contexte de l'examen de ce projet de loi.

M. Reid: Je pense que cette question est fondamentale et je ne peux malheureusement pas y répondre. Je crois qu'il serait très intéressant de savoir comment les industries ou les autres secteurs d'activités s'accommodent de la façon dont les tribunaux traitent de ce genre de questions.

La raison pour laquelle nous en discutons ici, c'est parce que nous sommes saisis de ce projet de loi. Nous avons évolué par rapport aux positions que nous défendions dans les années 80 et au début des années 90, et nous adoptons maintenant le même genre de position à propos de ce projet de loi.

.1835

Mme Bonnie Brown: Je le comprends. Voilà où je veux en venir: Je suis membre de la Chambre de commerce, mais je ne l'étais pas à l'époque des premières révisions du projet de loi. Personne de ma Chambre de commerce locale ne m'a demandé si j'estimais que l'industrie pharmaceutique doit bénéficier de privilèges particuliers ou s'il fallait revoir la Loi sur les brevets ou encore s'il fallait revoir la façon dont fonctionnent les tribunaux. Personnellement, j'ai l'impression qu'il n'est pas très réaliste de représenter la même position qu'il y a cinq ans, sans en avoir débattu avec les nouveaux membres.

J'ai une autre question à poser à propos de la Chambre. Si vous sondiez vos membres, je suis certaine qu'ils vous diraient qu'il faut réduire les primes d'assurance-emploi. Je ne suis pas trop loin de la vérité, n'est-ce pas?

M. Reid: Vous savez que la Chambre tient un congrès annuel. Nous y adoptons des résolutions qui émanent des chambres locales. Les seules personnes qui peuvent voter lors de ces assemblées sont des délégués des chambres de commerce locales. Quand vous parlez des...

Mme Bonnie Brown: Et avez-vous adopté une résolution à propos des primes d'assurance-emploi?

M. Reid: Absolument.

Mme Bonnie Brown: Parfait. Je me disais bien que telle était votre position.

Je perçois ici un bris de logique dans le point de vue de la Chambre. En effet, la plupart des employeurs doivent assumer une part de frais beaucoup plus importante au titre de l'assurance-santé que leurs employés. On nous a démontré, ici, que les dispositions du projet de loi C-91 ont provoqué une augmentation considérable, si ce n'est du prix des médicaments classiques, du moins du coût de la part d'assurance-santé que doivent assumer les employeurs.

Je devine que si vous êtes en faveur du projet de loi C-91, c'est au nom des compagnies pharmaceutiques, mais je ne suis pas certaine que la Chambre a analysé les effets de sa position pour l'ensemble de ses 170 000 membres relativement aux coûts de soins de santé et à l'augmentation de ces mêmes coûts qu'entraînerait l'adoption du projet de loi C-91. J'ai l'impression que les 170 000 membres de la Chambre, à l'exception des petites entreprises, devraient être sensibles à une augmentation des coûts des soins de santé et estimer que cela est plus important que d'assurer une meilleure protection des brevets en vertu du projet de loi C-91.

Je me demande si vous avez juxtaposé ces deux idées, qui ont toutes deux un effet sur vos membres.

M. Reid: Votre observation est tout à fait avisée. Me Mayo vous a parlé de la question des coûts et de leurs causes en ce sens que si nous voulons disposer de médicaments nouveaux, nous devons offrir une meilleure protection des brevets. Cette protection doit pouvoir être appliquée et effectivement mise en oeuvre.

Si tel est l'objectif visé, alors nous estimons que c'est ainsi qu'on peut y parvenir. Mais, de grâce, ne déclarez pas la guerre aux autres pays en adoptant une façon de faire et des mesures législatives qui ne seraient pas compétitives sur les marchés internationaux, parce que les étrangers investiront dans ces autres pays en vertu des normes de l'Organisation mondiale du commerce et pas au Canada. Voilà quelle pourrait être la conséquence de tout cela. Vous devez vous demander à quoi doit servir la Loi sur les brevets.

Mme Bonnie Brown: C'est effectivement la question que je vous pose. Je vous demande si la Chambre a établi un recoupement entre la position de ses membres à propos des coûts des cotisations au titre de l'assurance-santé et la position que vous adoptez en tant que représentants de ces mêmes membres au sujet du projet de loi C-91? Personnellement, je perçois un grave manque de logique. J'aurais pensé qu'avant de comparaître devant nous pour vous prononcer globalement en faveur de ce projet de loi, qui affecte l'ensemble de vos membres et des entreprises au Canada, vous en auriez discuté avec ces mêmes membres.

M. Reid: Si vous connnaissez la façon dont nous fonctionnons lors de nos assemblées annuelles, si vous savez qui peut voter et la méthode que nous appliquons relativement à la formulation des propositions de politiques, vous savez donc que les choses fonctionnent un peu comme au sein de votre parti. Les chambres de commerce locales, par la voie de leurs comités d'élaboration des politiques, formulent des propositions qui sont soumises à un processus d'examen préliminaire. Les grandes questions nationales sont traitées en tête de liste lors des assemblées annuelles; elles y sont débattues et font l'objet d'un vote.

Lors de notre dernière réunion à Saint John, au Nouveau-Brunswick, nous avons débattu d'une résolution traitant précisément de cette question. Nous l'avons adoptée. Celle-ci réaffirme, en quelque sorte, notre position sur les questions de politiques internationales. Nous avons été bien précis dans les conseils que nous avons donnés au gouvernement relativement à l'ALE, à l'ALENA et à l'Uruguay Round, et nous continuons de prodiguer nos conseils de cette façon.

Nous estimons que le mémoire que nous vous avons soumis aujourd'hui et le point de vue que nous venons d'exprimer sont non seulement conformes à notre position passée, ce qu'il est possible de vérifier, qu'ils sont cohérents - ce qui, dans le cas qui nous concerne, est une vertu - mais que, plus important encore, ils respectent le contenu des accords internationaux dont nous sommes signataires et les positions que nous avons adoptées au sujet de la propriété intellectuelle, par exemple, lors de notre voyage à Singapour. Si le Canada ne se conforme pas aux accords qu'il a signés et n'adopte pas des règles du jeu qui soient équitables, alors autant ne plus vous préoccuper de l'incidence des médicaments sur les coûts des soins de santé. Ce sont là des questions fondamentales et ce sont là les positions que nous exprimons à ce propos.

.1840

Mme Bonnie Brown: Je comprends cette question de la compétitivité à l'échelle internationale, mais vous continuez de dire que, de toutes les industries que vous représentez et de toutes celles qui sont concernées par la question des brevets, une seule doit faire l'objet d'un traitement spécial, sous prétexte que les tribunaux ne font pas ce qu'on attend d'eux en matière de protection des brevets. Vous n'avez aucune suggestion à nous faire quant à la façon dont les autres compagnies... ou alors aucune d'elle ne s'est plaint au sujet de la protection des brevets.

Je ne comprends pas comment vous pouvez dire que vous représentez 170 000 membres, dont la plupart sont des entreprises, et en même temps soutenir qu'un tout petit secteur de l'économie doit faire l'objet d'une protection spéciale.

M. Reid: Nous avons là affaire à un secteur de l'économie qui est assez critique. Ce n'est pas un petit secteur. C'est un secteur de pointe. Si nous ne sommes pas présents dans ce secteur au cours de la prochaine décennie, tout comme nous le sommes dans les autres secteurs de haute technologie, nos enfants pourront toujours aller se chercher du travail ailleurs.

Voilà comment je répondrais à votre question.

Mme Bonnie Brown: Êtes-vous en train de dire que les autres secteurs de haute technologie ne méritent pas de bénéficier des mêmes exemptions?

M. Reid: Tout cela revient à la même chose. Il faut instaurer, au Canada, des règles du jeu qui soient équitables par rapport à nos concurrents internationaux, en regard des obligations que nous avons contractées en vertu de traités internationaux. Si nous ne le faisons pas, les autres pays se retourneront contre nous et nous frapperont très fort.

Le président: Merci, Monsieur Murray.

M. Ian Murray: Merci, monsieur le président. J'ai une seule question à poser à M. Mayo.

Pour l'instant, les fabricants de médicaments génériques ne peuvent exporter leur version d'un médicament dans un pays où le brevet a expiré, si ce brevet n'a pas encore expiré au Canada. Plusieurs témoins nous ont dit que cela devrait être possible. J'aimerais obtenir votre point de vue sur la question de l'exportation éventuelle des produits génériques entre le moment où le brevet a expiré au Canada et celui où il va expirer dans d'autres pays.

M. Mayo: Je dirais que celui qui obtient un brevet protège en même temps son exclusivité en matière de fabrication, de vente, de commercialisation, d'utilisation et autre de son produit. Cette proposition se trouverait à éliminer ce pilier, autrement dit le droit de fabriquer en exclusivité le produit pendant la durée du brevet. Tout part d'ici, et c'est un aspect fondamental du brevet.

Deuxièmement, je dirais que cela nous ramène à ce qui se produit dans d'autres pays, qui sont d'importants partenaires commerciaux du Canada. Cet aspect n'est pas exempté de la protection des brevets dans ces autres pays.

En outre, je crois comprendre que si ce genre d'exemption était appliquée à des produits pharmaceutiques, autrement dit à un secteur d'activité de l'industrie canadienne, pour nous conformer aux obligations internationales que nous avons contractées par voie de traités, nous devrions sans doute à étendre le même genre d'exception à d'autres domaines, à d'autres industries. Or, je n'ai pas l'impression que les autres industries veulent vraiment que tel soit le cas.

Encore une fois, tout cela s'articule essentiellement autour de deux pôles. D'abord, j'estime qu'il s'agit là d'un aspect fondamental des brevets. Deuxièmement, nous devons être cohérents vis-à-vis de la communauté internationale dans ce genre de question.

M. Ian Murray: Merci, Maître Mayo. C'est tout en ce qui me concerne.

Le président: Si les membres du comité me le permettent, j'aimerais poser une question ou deux. Je vais emboîter le pas à Bonnie Brown, mais j'aborderai la chose de façon un peu différente.

L'autre soir, nous avons entendu un témoignage intéressant d'un représentant des TCA de la Colombie-Britannique. Ces gens-là ont été surpris de découvrir que leurs employeurs ne se soucient pas vraiment de la hausse des coûts de leur programme d'assurance-médicaments. Ils nous ont donné un exemple. Un président de compagnie pouvait fort bien rédiger un gros chèque et ne jamais de demander à quoi correspondait cette dépense ni où tout cet argent pouvait aller. Mais c'est devenu une question de relations syndicales-patronales, parce que ce genre de chèque avait une répercussion sur les avantages sociaux des employés et donc sur les coûts horaires de la main-d'oeuvre et ainsi de suite.

Quand vous avez répondu à la question de Bonnie Brown, vous avez semblé confirmer l'impression de ces gens, à savoir que le milieu des affaires ne s'est pas encore vraiment attardé sur cette question.

.1845

M. Reid: Eh bien vous venez de nous donner une idée de ce que nous devrons faire passer au premier plan dans notre prochain sondage, en même temps que les autres coûts d'exploitation d'une entreprise liés aux bénéfices, ce qui intéresse vraiment les entreprises, qu'il s'agisse de primes d'assurance-emploi ou des autres coûts qui concernent beaucoup plus les coûts liés à la masse salariale de l'entreprise que les bénéfices qu'elle réalise. Je pense que c'est là un axe qu'il convient d'explorer.

M. Mayo: Je pourrais peut-être ajouter quelque chose.

Un peu plus tôt, je vous ai dit qu'on a adopté le système des brevets à une fin particulière, pour encourager la recherche et l'innovation et tout ce qui en découle. J'estime qu'il est important de maintenir la distinction par rapport à d'autres aspects, comme les soins de santé. Ce serait bien d'avoir un petit plus ou de bénéficier de certaines retombées, mais le système des brevets existe pour une raison fondamentale.

Le président: C'est vous qui venez de reposer sur la table la question de la Loi sur les brevets, pas moi. Nous avons affaire à deux questions différentes ici et nous essayons d'établir un lien de cause à effet.

Cela étant, vous pouvez adopter une position générale et dire qu'il n'y a pas de lien causal, mais tous les autres nous disent que s'il n'y a pas forcément de relation de cause à effet, il y a des répercussions sur les programmes d'assurance-médicaments.

Comme je le disais, je vous encourage à y réfléchir. Quand les syndicats et les patrons ne s'arrêtent pas pour réfléchir d'avance à ce qui risque de se passer, les esprits s'échauffent, la pression monte et cela finit par avoir des répercussions sur la manière dont le public perçoit la façon dont l'industrie pharmaceutique est traitée au Canada.

Je vous laisserai sur cette remarque.

[Français]

Avez-vous une dernière question?

M. Pierre Brien: Non.

[Traduction]

Le président: Alors, très vite, monsieur Shepherd. Allez-y.

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Excusez-moi d'intervenir comme cela, à la dernière minute.

Vous avez parlé de l'importance du niveau d'emploi dans les industries en pleine évolution et dans le secteur de la biotechnologie. La question qui nous intéresse est celle des travailleurs intellectuels employés par le secteur pharmaceutique. On pourrait en partie définir ces travailleurs comme étant des personnes employées dans le domaine de la recherche.

Comment se fait-il que les professeurs qui forment les diplômés de nos universités nous disent que ces gens-là ne sont pas employés par nos entreprises, qu'ils ne sont pas employés par les sociétés pharmaceutiques multinationales? Ceux qui effectuent la recherche fondamentale sont engagés aux États-Unis et en Grande-Bretagne.

Avez-vous étudié ce phénomène? Avez-vous étudié le rapport qui existe entre les laboratoires de recherche, les chercheurs et nos universités?

M. Mayo: Je ne pense pas que nous disposons de ce genre d'information.

M. Alex Shepherd: Pourtant, c'est en quelque sorte sur ces prémisses que vous avez fondé votre argumentation, autrement dit sur le fait que nous devons assurer des débouchés pour nos jeunes.

M. Mayo: Très certainement, bien qu'il ne s'agisse-là que d'un secteur d'un vaste domaine qui est celui de la recherche et dans lequel les jeunes peuvent se lancer. Je ne dispose pas de données établissant une ventilation.

Mais si ce problème existe, et il se peut qu'il soit important, je ne crois pas que cela veut nécessairement dire qu'il n'y a pas assez de chercheurs dans le domaine de la R-D en général, dans les entreprises privées, dans les autres institutions, dans les hôpitaux, etc.

Je le rappelle, nous avons un gros effectif de chercheurs dans le secteur de la haute technologie, ici, à Ottawa. Là où je travaille, on ne parvient pas à trouver suffisamment de gens pour combler tous les postes de R-D.

Le président: Je vais remercier nos témoins. Encore une fois, excusez-nous du retard au début. Nous avons apprécié votre comparution.

Monsieur Reid, je sais que votre organisation, comme un parti politique... je sais que c'est toute une gymnastique pour en arriver à adopter une position comme vous l'avez fait. Sachez que j'apprécie les efforts que vous avez investis dans votre comparution pour contribuer aux travaux du comité. Sachez que nous tiendrons compte de votre témoignage, comme de celui des autres témoins, dans nos délibérations finales et vous verrez, tôt ou tard, le résultat de nos travaux. Je vous remercie beaucoup.

M. Reid: Merci.

Le président: La séance est levée. Nous reprendrons demain à 19 h dans cette même salle.

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