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Table des matières


Opinion dissidente du Bloc Québécois

Rapport provisoire du Comité de l'Industrie

Examen des sciences et de la technologie et le «déficit d'innovation»

Que de paroles creuses. . .


Introduction

Le Comité permanent de l'industrie a décidé de déposer un rapport provisoire à la suite des consultations qu'il a tenues concernant l'examen des sciences et de la technologie. Les membres du Comité ont voulu présenter, dans ce rapport provisoire, des recommandations au ministre des Finances avant le dépôt de son prochain budget. Or, la minceur et la timidité des recommandations s'y retrouvant démontrent bien le peu d'empressement de la majorité libérale à relancer le développement des sciences et de la technologie au Canada et au Québec.

Le rapport majoritaire contient une longue énumération de citations tirées des consultations sur divers sujets abordés par les témoins. Aucune ligne directrice, aucun constat solide, aucune recommandation d'envergure ou innovatrice. La majorité libérale nous sert quatre maigres recommandations dont la plupart se retrouvent déjà dans un rapport du Comité des finances. Comme perte d'argent et de temps, les Libéraux n'auraient pu mieux faire. Leur rapport tape-à-l'oeil sera aussi utile au ministre des Finances qu'une motoneige au Mexique.

On ne tient pas des consultations pour se donner bonne conscience ou pour tenter de démontrer qu'on s'intéresse aux sciences et à la technologie. Des propositions concrètes, un leadership ferme, une direction claire et des recommandations innovatrices doivent ressortir de consultations aussi importantes et fondamentales pour le développement économique du Canada et du Québec.

En prévision du budget, le Bloc Québécois va justement recommander dans cette opinion dissidente d'une part, certaines orientations pour le gouvernement fédéral en matière de sciences et technologie et, d'autre part, des propositions concrètes et nouvelles pour favoriser le développement des sciences et de la technologie au Canada et au Québec.

1. - Commercialisation et recherche fondamentale : L'équilibre doit être maintenu

Dans leur rapport, les députés de la majorité libérale semblent pencher en faveur de la commercialisation de la recherche fondamentale effectuée par les universités et le gouvernement fédéral. Le Bloc est pour le principe de commercialisation de la recherche fondamentale quand les circonstances s'y prêtent. Toutefois, le Bloc Québécois se doit de mettre en garde la majorité libérale contre une telle orientation aussi unilatérale. Les avis divergent sur cette question et, notamment sur le risque que soulève cette approche en mettant possiblement en péril la recherche fondamentale à long terme pour des résultats à court terme plus prometteurs.

La recherche effectuée par des organismes publics permet justement de viser des objectifs à plus long terme par rapport aux objectifs des entreprises qui cherchent un profit plus immédiat. Un équilibre doit être maintenu entre la commercialisation de la recherche gouvernementale et la recherche à plus long terme bénéfique pour l'amélioration générale de la société.

2. - Les universités et la formation : L'ingérence habituelle

Le Comité semble vouloir, une fois de plus, s'immiscer dans le fonctionnement des universités et dans la formation. Nous devons encore rappeler aux députés libéraux que l'éducation est de juridiction provinciale en vertu de l'article 93 de la Constitution du Canada et ce, malgré l'intervention du fédéral par le biais des conseils subventionnaires.

Oui, les conseils subventionnaires financent la recherche universitaire. Non, le gouvernement fédéral n'a pas à s'ingérer dans les choix des établissements universitaires, tant en ce qui concerne les recherches effectuées que la commercialisation de ces recherches.

Par ailleurs, aborder la question de la formation alors que le gouvernement fédéral et le gouvernement québécois tentent de négocier une entente pour le retrait du fédéral de cette compétence provinciale dénote une méconnaissance d'un dossier aussi sensible où l'ensemble des intervenants québécois ont fait consensus.

3. - Les orientations futures : «Coast to coast to coast»

Dans ce domaine, la majorité libérale semble aussi vouloir faire du «coast to coast to coast». Certes, l'idée de cibler des domaines précis où le gouvernement devrait concentrer ces énergies est intéressante pour le domaine des sciences et de la technologie. Toutefois, les différences structurelles majeures entre les économies des différentes régions du Canada rendraient complètement inadaptées les cibles établies par le gouvernement fédéral. En effet, le gouvernement fédéral a tendance à s'aligner sur l'économie ontarienne dont la structure industrielle est fort différente de celles des autres régions du Canada.

L'exemple de la fusion et de la fission nucléaire est probant. Le gouvernement fédéral a choisi de favoriser uniquement le développement de la fission nucléaire avec la technologie des Candu, technologie majoritairement concentrée en Ontario et ce, au détriment de la fusion nucléaire et du projet Tokamak situé au Québec.

La détermination des domaines ciblés par les gouvernements devrait être laissée aux provinces qui ont une connaissance beaucoup plus approfondie de leur structure industrielle et de leurs besoins pour le développement économique de leur région.

4. - Des recommandations précises et concrètes au ministre des Finances

Pour son prochain budget, nous recommandons au ministre des Finances les mesures suivantes dans le but d'améliorer le développement des sciences et de la technologie au Canada et au Québec, notamment dans le domaine de la recherche et développement.

a) Mesures budgétaires : Redonner la priorité aux sciences et à la technologie
Programme d'infrastructures

Dès le début de la session parlementaire, au mois de septembre dernier, le Bloc Québécois demandait au Premier ministre de donner suite à sa proposition de mettre sur pied un deuxième programme d'infrastructures. Dans les conditions pour un nouveau programme, le Bloc proposait notamment un volet axé sur la haute technologie. Par conséquent, nous sommes en accord avec la recommandation du rapport majoritaire sur ce dossier si le tout se fait en collaboration avec les provinces.

Conseils subventionnaires

Après avoir coupé de façon draconienne dans les budgets des conseils subventionnaires, faisant passer leur budget de 958 millions de dollars en 1994-1995 à 867 millions de dollars en 1997-1998, la majorité libérale se réveille et quémande au ministre des Finances d'accorder une «priorité» à l'augmentation du financement des conseils subventionnaires.

Trop peu, trop tard. Ces compressions contre-productives ont déjà eu leurs effets néfastes sur le financement de la recherche universitaire et, contrairement au Bloc Québécois, les députés libéraux ont eu un silence complice lorsque le ministre des Finances annonçait ses réductions budgétaires dans les sciences et la technologie. Il est fort hypocrite de demander du bout des lèvres au ministre des Finances d'accorder une simple «priorité» alors que les compressions annoncées vont s'étirer jusqu'en 1997.

Ces réductions, vigoureusement dénoncées par le Bloc Québécois, peuvent être qualifiées d'irresponsables et de contre-productives à moyen et à long terme. Par exemple, la baisse du financement au Conseil de recherche médicale a déjà des répercussions sur la recherche médicale au pays, plusieurs chercheurs se plaignant du manque de financement dans un domaine aussi crucial. Depuis 1990, le Canada est le seul pays du G7 à avoir diminué les crédits de la recherche biomédicale, un domaine hautement compétitif.

Par conséquent, l'Opposition officielle recommande plutôt au ministre des Finances de rétablir le financement des conseils subventionnaires à ce qu'il était en 1993. Faire autrement, minerait la compétitivité du Canada et du Québec dans des domaines d'avenir qui ont des retombées importantes pour le développement de notre économie.

Réseaux de centres d'excellence

Le Bloc Québécois souscrit à la recommandation concernant les Réseaux de centres d'excellence.

b) Mesures fiscales : Des mesures créatrices d'emplois
Crédit d'impôt fédéral pour la recherche et développement

Au mois de novembre 1996, l'Opposition officielle présentait une série de recommandations sur la fiscalité des entreprises, des recommandations axées sur la création d'emplois. Dans ce document, intitulé Dépenses fiscales corporatives au Canada - Analyse critique et recommandations, le Bloc Québécois recommandait de revoir les règles d'admissibilité aux crédits de recherche et développement. L'aide devrait viser les salaires en recherche et développement plutôt que l'acquisition de biens, ceci afin de susciter la création d'emplois de qualité, d'augmenter les débouchés des jeunes chercheurs nouvellement formés et de favoriser le développement des technologies de pointe. De plus, un mécanisme inspiré du système américain devrait également être étudié par le gouvernement, afin de ne pas octroyer de crédit pour les dépenses de recherche et développement qu'une firme aurait de toute façon effectuées.

Dans ce même document, nous demandions aussi au gouvernement fédéral de cesser immédiatement de réduire son crédit de recherche et développement pour les entreprises québécoises qui profitent d'un crédit équivalent au niveau provincial, puisqu'il ne pénalise pas la super-déduction qu'accorde l'Ontario pour le même type de dépenses. Il s'agit d'une injustice fiscale flagrante qui pénalise uniquement les entreprises oeuvrant au Québec et nuit à la recherche et développement dans des secteurs clés de l'économie québécoise.

Le rapport des Libéraux discute amplement de l'importance du capital de risque pour le domaine des sciences et technologies. Que de paroles creuses puisque rien de concret n'est proposé.

Dans un autre document, intitulé Fiscalité des particuliers - Analyse et recommandations présenté au début de février, le Bloc a proposé des mesures pour favoriser les fonds de travailleurs qui sont une importante source de capital de risque.

Le Bloc propose donc de hausser la limite maximale de l'investissement permis dans un fonds de travailleurs. Les Libéraux ont abaissé cette limite de 5 000 $ à 3 500 $ lors du budget de 1996. Or, ces fonds ont incontestablement des effets bénéfiques sur le développement économique et sur la création d'emplois. Nous recommandons donc de hausser le plafond maximal d'investissement annuel à 5 000 $.

c) Des dépenses équitables : Un juste rétablissement
Le Bloc Québécois a toujours dénoncé l'iniquité flagrante à l'égard de la répartition des dépenses du gouvernement fédéral en sciences et technologie. Iniquité qui perdure depuis des années et qui coûte chère au Québec en emplois de qualité et en développement économique à moyen et à long terme. Le gouvernement libéral n'a jamais voulu s'attaquer à ce problème structurel important, préférant se réfugier derrière des excuses inacceptables pour les Québécoises et Québécois.

De 1986-1987 à 1994-1995, les dépenses fédérales au titre de la science et technologie se sont élevées à 30,94 milliards de dollars. Pour cette période, le Québec a reçu seulement 19,1 % de ce montant total, soit 5,91 milliards de dollars. Pour 1994-1995, la situation s'est légèrement améliorée par rapport à 1992-1993 passant de 20,2 % à 22,1 %, mais il s'agit tout de même d'un manque à gagner de 130 millions de dollars par rapport au poids démographique du Québec pour 1994-95. L'argument du gouvernement sur la Région de la capitale nationale ne tient pas puisque dans cette région, la partie québécoise n'a reçu que 215 millions de dollars des dépenses en 1994-1995 sur1,69 milliard de dollars, soit un maigre 12,8 % des dépenses totales.

Nous recommandons donc que, dans le cadre du prochain budget, le ministre des Finances élabore une stratégie à moyen terme pour rétablir l'équilibre dans les dépenses en sciences et technologie du gouvernement fédéral pour que cesse l'iniquité envers le Québec dans la répartition de ces dépenses.

Le même raisonnement s'applique pour les dépenses intra-muros du gouvernement fédéral en recherche et développement. De 1986-1987 à 1994-1995, les dépenses fédérales intra-muros au titre de la recherche et développement se sont élevées à 12,53 milliards de dollars. Toutefois, le Québec n'a reçu qu'une mince part durant ces années, par rapport à son poids démographique, soit 13,1 %. Un manque à gagner de 160 millions de dollars pour l'année 1994-1995 et de 1,51 milliard de dollars entre les années 1986-1987 et 1994-1995.

Nous recommandons donc que, dans le cadre du prochain budget, le ministre des Finances élabore une stratégie à moyen terme pour rétablir l'équilibre dans les dépenses intra-muros en recherche et développement du gouvernement fédéral pour que cesse l'iniquité envers le Québec dans la répartition de ces dépenses.

Conclusion

En 1994, une des principales recommandations du Vérificateur général du Canada, dans son rapport sur les sciences et technologie, était que «le Cabinet devra faire preuve de persévérance et de leadership». Malheureusement, le Cabinet et ses ministres pourront difficilement compter sur la députation libérale pour les aider dans cette lourde tâche.

Certes, les efforts du ministre de l'Industrie, avec le dépôt de la stratégie fédérale dans le domaine des sciences et technologie au mois de mars 1996, peuvent sembler nobles. Toutefois, comme le stipulait le Vérificateur général, c'est la mise en place de cette stratégie qui en déterminera la véritable efficacité. Il faut beaucoup plus qu'un simple document intitulé Les sciences et la technologie à l'aube du 21e siècle. Il faut des propositions concrètes et efficaces et non des voeux pieux que nous proposent la majorité libérale dans son rapport ténu et incomplet.

Le Canada a un sérieux retard en matière de recherche et développement effectué sur son territoire par rapport à ces principaux compétiteurs. Nos efforts en recherche et développement nous plaçaient au 15e rang des pays de l'OCDE avec un maigre 1,50 % des dépenses de recherche et développement par rapport à notre PIB. Les États-Unis, notre principal concurrent, consacre 2,75 % de son PIB à la recherche et développement. Ce retard continue d'accroître notre déficit d'innovation et met en péril le développement économique à long terme du Canada et du Québec.

La volonté du gouvernement libéral dans le domaine des sciences et de la technologie pourra se mesurer lors du dépôt du prochain budget. Le Bloc Québécois propose, comme premier pas, des avenues intéressantes dans cette opinion dissidente. Toutefois, si le passé est garant de l'avenir, nous devons espérer peu, puisque comme le soulignait le Vérificateur général dans son rapport de 1994 sur les stratégies fédérales dans ce domaine, «les efforts déployés dans ce domaine à cette fin au cours des trente dernières années ont échoué».

Est-ce que le Cabinet libéral va mieux faire que la députation libérale du Comité permanent de l'industrie? Espérons-le!

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