LA POLITIQUE SUR LES BREVETS PHARMACEUTIQUES
Les responsables de la politique canadienne en matière de brevets pharmaceutiques ont toujours cherché le juste milieu entre des objectifs contradictoires, à savoir offrir à la population des soins médicaux abordables et, en même temps, développer l'industrie pharmaceutique du Canada.En 1923, la Loi sur les brevets a été modifiée pour imposer l'attribution de licences obligatoires, qui permettaient aux fabricants de médicaments génériques de produire un médicament breveté avant l'expiration de la période de protection conférée par le brevet, contre le paiement de redevances. Cette politique n'a pas donné les résultats escomptés. Entre 1935 et 1969, on n'a accordé que 22 licences obligatoires, et des études ont montré que, comme on pouvait s'y attendre, les médicaments coûtaient plus cher au Canada qu'à l'étranger.
La Loi a été modifiée en 1969 afin d'autoriser l'attribution de licences d'importation obligatoires. Entre 1969 et 1985, 306 licences d'importation obligatoires ont été délivrées. Les répercussions économiques de cette politique ne sont pas claires. Elle a eu des conséquences fâcheuses pour certains titulaires de brevets, ce qui a entraîné des fermetures d'usines, mais d'après le rapport Eastman, dans l'ensemble, le secteur novateur de l'industrie pharmaceutique n'en a pas souffert. Les prix des médicaments sont demeurés à un niveau raisonnable, ce qui a permis aux Canadiens de réaliser des économies estimatives de 211 millions de dollars en 1983, toujours selon le rapport Eastman.
En 1987, le projet de loi C-22 a restreint la portée des licences obligatoires en garantissant aux titulaires de brevet une période d'exclusivité avant qu'un fabricant de produits génériques ne puisse obtenir une licence lui permettant de vendre une copie d'un produit breveté. Si l'ingrédient actif était fabriqué au Canada, la période d'exclusivité était de 10 ans; s'il était importé, la période d'exclusivité était de sept ans. Ces périodes commençaient à courir à partir de la date où Santé Canada attestait officiellement que le médicament en question respectait toutes les conditions imposées relativement à la santé et à l'innocuité. En outre, le projet de loi C-22 créait le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB), un organisme quasi-judiciaire indépendant chargé de veiller à ce que les prix des médicaments brevetés ne soient pas excessifs, et de faire rapport sur les tendances des prix et sur les dépenses de recherche et de développement des titulaires de brevet. En retour, les fabricants de produits pharmaceutiques brevetés se sont engagés à accroître substantiellement les travaux de R-D menés au Canada.
En 1991, dans le cadre des négociations du GATT, on a publié le rapport Dunkel. Le gouvernement de l'époque a alors perçu clairement la direction donnée à la politique internationale sur la protection de la propriété intellectuelle. En effet, on s'orientait vers des périodes de protection par brevet de 20 ans à partir de la date de dépôt de la demande de brevet, et la discrimination selon le domaine technique n'était pas autorisée. Les médicaments ne pourraient donc pas faire l'objet de dispositions spéciales.
En 1993, le projet de loi C-91 est déposé. Les brevets touchant des produits pharmaceutiques conféraient désormais une période de protection de 20 ans à partir de la date de dépôt de la demande de brevet et non de la date à laquelle Santé Canada en autorise la vente. Aucune nouvelle licence obligatoire ne devait être accordée et celles qui avaient été délivrées récemment étaient retirées.
L'élimination des licences obligatoires permettant de contrôler les prix exigeait que l'on revoie le fonctionnement du Conseil. Celui-ci fut autorisé à imposer des amendes et des baisses de prix.
Dorénavant, pour contrôler les prix, on devrait s'assurer que le prix de lancement n'est pas excessif puis, on devrait surveiller toute augmentation subséquente des prix afin de vérifier si ces majorations sont inférieures au taux d'inflation. Le CEPMB applique différentes règles sur le prix de lancement d'un médicament selon la catégorie à laquelle celui-ci appartient. Un nouveau médicament peut être : a) un médicament révolutionnaire qui présente d'importants avantages thérapeutiques ou financiers pour le régime de santé; b) un succédané qui présente peu d'avantages thérapeutiques; ou c) une reformulation d'un médicament existant. Les prix des médicaments révolutionnaires ne peuvent être plus élevés que le prix médian établi à partir des prix exigés dans un groupe de sept pays utilisés à des fins de comparaison. Le prix des succédanés ne peut être plus élevé que le médicament le plus coûteux de la même catégorie thérapeutique. Les prix des autres médicaments sont établis en fonction des prix actuels des différents formats et formulations du même médicament.
Le projet de loi C-91 prévoyait deux exceptions aux règles sur la contrefaçon des brevets. Une petite quantité d'un médicament breveté pourrait être produite pour approbation réglementaire, et, au cours des six derniers mois de la durée d'un brevet, de plus grandes quantités pourraient être produites afin de constituer des réserves. Ensemble, ces dispositions permettent l'expédition de médicaments génériques en vue de leur vente le jour suivant l'expiration du brevet. De façon assez controversée, le projet de loi C-91 établissait un lien entre l'avis de conformité, qui certifie que le médicament générique a franchi toutes les étapes du processus d'approbation des médicaments de Santé Canada, et l'expiration du brevet du médicament breveté.
Lors de l'adoption du projet de loi C-91, l'Association canadienne de l'industrie du médicament a écrit au gouvernement afin de présenter de façon détaillée les engagements collectifs de ses membres. Ces engagements étaient les suivants:
- Un ratio R-D/ventes de 10 p. 100.
- De nouveaux investissements d'au moins 400 millions de dollars avant la fin de 1996.
- La répartition régionale des programmes extra-muros de recherche clinique en fonction de la population.
- L'augmentation des approvisionnements en produits chimiques de laboratoire pour atteindre un total variant entre 15 et 20 millions de dollars.
- Le versement d'une somme de 200 millions de dollars au fonds CRMC-ACIM sur une période de cinq ans.
- L'établissement des possibilités d'investissements en recherche et d'expansion industriels en régions.