[Enregistrement électronique]
Le jeudi 18 avril 1996
[Traduction]
La présidente: La séance est ouverte. Nous accueillons des représentants du Comité de la législation de l'Association canadienne des chefs de police: Le chef Brian Ford, président; la surintendante en chef Gwen Boniface, membre; Vince Westwick, membre, et Denis Asselin, membre.
Nous avons jusqu'à 12 h 30 environ. Plus votre exposé sera long, moins nous aurons de temps pour poser des questions. Je m'en remets à vous.
Le chef Brian Ford (président, Comité de la législation, Association canadienne des chefs de police): C'est intéressant.
La présidente: Ça fonctionnait bien avec mes parents. Je n'avais qu'à parler jusqu'à ce qu'ils en meurent d'ennui.
M. Ford: Madame la présidente, j'aimerais d'abord vous remercier d'avoir invité l'Association canadienne des chefs de police à témoigner aujourd'hui. Je m'appelle Brian Ford. Je suis chef de police à la Municipalité régionale d'Ottawa-Carleton, mais je m'adresse à vous aujourd'hui à titre de président du Comité de la législation de l'Association canadienne des chefs de police.
Je suis accompagné par la surintendante en chef Gwen Boniface, officier responsable de la région de l'Ouest à la Police provinciale de l'Ontario et vice-présidente du Comité de la législation;
[Français]
Me Denis Asselin, avocat et conseil juridique pour le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal;
[Traduction]
et de Vince Weswick, avocat général au Service de police régional d'Ottawa-Carleton. Il y a aussi, parmi les spectateurs, le directeur général de l'Association canadienne des chefs de police, M. Fred Schultz.
Nous sommes venus vous parler de la justice pour les jeunes. Nous sommes particulièrement heureux d'avoir l'occasion de nous exprimer sur ce sujet qui revêt une importance particulière pour les collectivités que nous desservons dans toutes les régions du Canada.
Avant de commencer mon exposé, je tiens à souligner que nous applaudissons à l'approche que le gouvernement du Canada a adoptée pour s'attaquer à ce problème. Nous partageons l'opinion de l'honorable Alan Rock, ministre de la Justice, qui estime qu'il était devenu essentiel de corriger les lacunes les plus graves du système, ce qu'on a fait en partie, du moins, avec le projet de loi C-37, avant de passer à l'examen détaillé que vous venez d'entreprendre. Nous vous encourageons à penser aux jeunes contrevenants selon trois catégories: les délinquants ayant commis un crime grave, ceux ayant commis une infraction mineure et ceux dont les crimes se situent entre les deux.
Les crimes graves commis par des jeunes et la capacité de la Loi sur les jeunes contrevenants... a miné à votre avis la confiance qu'ont le public et la police dans le système de justice plus que tout autre aspect ou crime. Plus tôt cette semaine, vous avez entendu les témoignages très convaincants de victimes de crimes graves commis par des jeunes. Récemment, les journaux d'Ottawa ont fait état d'incidents horribles et tragiques. Nous partageons la souffrance des victimes de ces crimes, l'angoisse de toute la collectivité. Outre nos préoccupations individuelles, ce sont souvent, en fait, dans presque tous les cas, les agents de police qui doivent tenter d'expliquer le système aux victimes éperdues de ces crimes.
À notre avis, la loi C-37 a corrigé certains de ces problèmes, mais nous devrons voir comment les tribunaux interpréteront et appliqueront ces modifications législatives de façon à protéger les collectivités et à respecter les droits et les souffrances des victimes. Ces crimes sont peu fréquents du point de vue statistique, mais leurs effets à l'échelle nationale est considérable et ils sont très visibles dans les médias.
Votre comité doit continuer de veiller à la bonne mise en oeuvre de la loi C-37 et être prêt à intervenir si elle ne produit pas les résultats escomptés.
À l'autre extrême, on trouve l'autre catégorie de crimes, celle des infractions mineures. Nous sommes d'avis, comme bon nombre de chefs de police au Canada, que nous devons, si cela était possible, opter pour la déjudiciarisation dans le cas des jeunes contrevenants et remplacer le système existant par un programme proactif de prévention et de réinsertion sociale comprenant du counselling lorsque c'est faisable. Cela ne signifie pas que nous ne devons pas intervenir, mais plutôt que nous devons trouver une solution de rechange à la petite criminalité chez les jeunes. Ce sera l'occasion idéale d'établir des partenariats avec le système d'éducation, qui est le mieux en mesure de collaborer aux programmes de probation et aux mesures de rechange.
En ce qui concerne les autres infractions, telles que les entrées par effraction, les vols d'autos, les voies de fait et tous les autres crimes commis par les adolescents, il est évident qu'elles n'ont pas toutes la même gravité. Chaque fois qu'elles sont commises, toutefois, il en résulte des conséquences négatives pour la collectivité et les victimes.
Les policiers, les éducateurs et les agents de probation se demandent donc si le système pour les jeunes, dans sa forme actuelle, a de véritables effets sur les adolescents. Mes collègues vous feront part de nos réflexions et recommandations à ce sujet, mais, essentiellement, nous estimons que ce sont les effets du système sur les adolescents qui devraient être au coeur de notre examen. Certaines provinces semblent connaître plus de succès que d'autres, et nous devrions évaluer ces succès tout en continuant à explorer toutes les possibilités de la prévention, de la responsabilisation et de la réinsertion sociale.
Je vous donne un exemple à l'échelle locale dont nous sommes particulièrement fiers: le Centre pour jeunes de la police d'Ottawa-Carleton, situé à l'intersection de la promenade Prince of Wales et du chemin Hog's Back, à Ottawa. C'est un centre pour jeunes parrainé par la localité. En fait, c'est le projet d'un de nos agents qui, par son engagement personnel, a réussi à changer les choses.
Mes collègues vous parleront d'autres programmes qui connaissent un certain succès ailleurs au Canada. Encore une fois, madame la présidente, je suis heureux d'inviter le comité à venir visiter le Centre pour jeunes de la police d'Ottawa-Carleton, à voir sur place comment il fonctionne. Je vous encourage aussi à visiter d'autres installations de ce genre ailleurs au Canada pour voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.
Ces programmes ne sont pas une panacée, mais il est clair que des ressources doivent être affectées à la lutte contre la criminalité juvénile d'une façon qui n'est pas courante dans le système pour adultes.
En conclusion, l'Association canadienne des chefs de police est heureuse d'avoir été invitée à s'adresser au comité. La criminalité juvénile et les problèmes du système de justice pour les jeunes restent des préoccupations importantes pour la police et les collectivités. Nous vous encourageons à poursuivre votre examen.
J'aimerais maintenant, si vous me le permettez, céder la parole à la surintendante en chef Boniface.
La présidente: Allez-y.
La surintendante en chef Gwen Boniface (membre, Comité de la législation, Association canadienne des chefs de police): J'aimerais d'abord vous remercier de votre invitation. Nous vous avons présenté des mémoires, hier seulement toutefois, et je m'en excuse.
Je passerai rapidement en revue une partie de ces documents puis je céderai la parole à M. Westwick.
L'ACCP a soutenu et continue de soutenir l'approche en deux étapes concernant la Loi sur les jeunes contrevenants. Nous tenons à souligner que nos préoccupations à l'égard des crimes graves commis par les adolescents restent les mêmes. Nous estimons que les crimes graves doivent être traités de façon sérieuse. Voilà pourquoi nous avons appuyé les modifications aux dispositions de renvoi et l'imposition de peines plus lourdes pour ces crimes.
Nous vous encourageons à conserver cette approche dans la présente mesure afin de redonner confiance au public. Sans cet aspect fondamental de la loi, on perdra toute confiance dans le système.
En outre, la violence dans les écoles, qui était pratiquement inconnue il y a quelques années à peine, constitue un grand défi pour les enseignants, les parents et la police, sans compter les victimes de cette violence. Bien sûr, l'évolution des gangs de jeunes dans bon nombre de nos grandes villes, et même dans certaines des plus petites, est une source de préoccupation constante, non seulement en raison de leur croissance en nombre, mais aussi du très jeune âge de ceux qui en font partie.
La justice pour les jeunes est un processus dynamique qui évolue rapidement et radicalement. Bien des aspects du système, y compris la nécessité de tenir des procès dans les meilleurs délais et toutes les questions entourant le traitement obligatoire, méritent toute notre attention.
La question qui se pose est de savoir si on pourrait réaliser tout ça dans le cadre législatif actuel ou s'il nous faut changer fondamentalement notre approche. La plupart des remarques que nous faisons aujourd'hui traduisent des vues et observations générales sur l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants et confirmeront probablement ce que d'autres témoins vous ont déjà dit.
Afin de vous fournir le plus d'information possible, nous avons interrogé nos collègues de tout le pays à la fin de l'année dernière et au début de 1996. Ensuite, nous avons tenu une réunion avec nos partenaires du système de justice pour les jeunes dans la région d'Ottawa et entamé des discussions avec les membres du Comité de la législation de l'ACCP.
Les commentaires suivants se veulent le reflet de ces délibérations. Ils se divisent en quatre grandes catégories. En général, on estime que le système pour les jeunes ne permet pas de responsabiliser les jeunes contrevenants. Cette opinion prévaut dans tout le Canada.
Nous l'avons résumée, dans notre mémoire, en disant que la principale lacune du système, c'est qu'il va à l'encontre du principe fondamental que tout parent responsable tente d'inculquer à ses enfants, à savoir que chacun doit assumer la responsabilité de ses actes. Par conséquent, il semble raisonnable que le système de justice pour les jeunes se fonde sur les principes auxquels adhèrent la plupart des parents responsables: la justice; la responsabilisation; la certitude que nos gestes entraînent des conséquences; la cohérence et, c'est très important, des délais raisonnables.
J'aimerais vous toucher quelques mots du système accusatoire. Bien des directeurs de police ont soulevé des questions concernant l'application de la procédure accusatoire aux jeunes contrevenants, particulièrement aux délinquants primaires et à ceux qui commettent des crimes mineurs. On estime que, souvent, l'approche accusatoire mise trop sur le résultat. Les mesures de contrôle procédural et juridique inhérentes au système minent le lien que doit faire l'adolescent entre le geste qu'il a posé et le châtiment qui en résulte.
On a proposé l'adoption d'une approche plus holistique à la réinsertion sociale, une approche qui mettrait à profit l'institution qui a le plus d'effet direct sur les jeunes contrevenants - la famille - et qui donnerait lieu à une plus grande responsabilisation.
Les dispositions actuelles de la loi sur le rôle indéfini des parents par opposition au rôle des avocats limitent la possibilité pour les parents de participer activement au processus et au résultat, et ce, même si, selon la loi, les parents restent responsables de leurs enfants. Les dispositions sur l'anonymat de la Loi sur les jeunes contrevenants visant à protéger les jeunes délinquants aggravent ce problème; elles sont utiles parce qu'elles évitent l'étiquetage des contrevenants primaires, mais elles laissent trop souvent aux jeunes contrevenants la possibilité de rejeter toute responsabilité pour leurs actes.
En faisant participer les parents au processus judiciaire, on encouragerait la responsabilisation autant pendant qu'après la comparution devant le tribunal. On pourrait même aller au-delà de la participation des parents et faire intervenir un plus vaste réseau dans le processus judiciaire et la réinsertion sociale des délinquants. Cela sous-entend bien sûr un engagement accru des enseignants, des policiers et des parents, ainsi que de l'adolescent même.
Ainsi, les enseignants ont des contacts directs avec les contrevenants pendant la longue période qui sépare la perpétration du crime de la fin du procès. Le lien doit être fait entre le crime commis et les conséquences pour la victime, les pairs et la société en général.
Des initiatives de ce genre - je ne peux vous les décrire toutes - , comme celles des conférences familiales lancées en Australie, permettent de réunir tous les intéressés en vue d'en arriver à un règlement satisfaisant pour certains. Nous vous encourageons à examiner ces solutions attentivement, ainsi que les projets menés dans d'autres pays, particulièrement en Europe, où on offre des services de médiation entre les contrevenants et leurs victimes.
Par conséquent, nous vous recommandons d'abord d'examiner les mécanismes de rechange au règlement des conflits qui confèrent un rôle défini aux parents et aux autres parties intéressées en vue de responsabiliser le délinquant.
M. Vince Westwick (membre, Comité de la législation, Association canadienne de chefs de police): Madame la présidente, pour donner suite aux remarques de la surintendante en chef Boniface sur le système accusatoire, la Loi sur les jeunes contrevenants, à l'article 3, énonce à titre de principe que les jeunes contrevenants doivent assumer la responsabilité de leurs délits. La responsabilisation, c'est aussi simple que de dire «oui, j'ai commis ce crime» ou «non, je n'ai rien fait de mal» ou «voilà ce que j'ai fait et je le regrette». Pourtant, en pratique, les procureurs de la Couronne savent bien que s'ils n'ont que la déclaration de l'accusé, la déclaration de l'adolescent, ils ne pourront faire la preuve parce qu'il est extrêmement difficile sinon impossible de produire une déclaration d'un adolescent qui sera jugé recevable par un tribunal au Canada.
Je vous en donne un exemple qui a été porté à mon attention la semaine dernière. On m'a demandé, à titre d'avocat du service de police, de faire quelques remarques sur un projet de formulaire de déclaration qui serait mis à la disposition de vos officiers-éducateurs - nous vous en avons remis un exemplaire. J'ai examiné le document et, ce faisant, je pensais à l'exposé que j'allais faire ici aujourd'hui; je me suis dit qu'il n'était pas étonnant que l'approche accusatoire cause des problèmes pour les tribunaux de la jeunesse puisqu'il faut neuf pages de jargon juridique avant qu'un agent de police puisse dire à un adolescent contre qui des accusations pourraient être portées: «veux-tu me dire ce qui s'est passé?» ce qui revient à demander: «es-tu prêt à réfléchir à la question de la responsabilité» Le policier doit se servir d'un formulaire de neuf pages en jargon juridique remplies d'avertissements et de dénis de responsabilité.
J'aimerais vous toucher quelques mots d'une autre question qui me tient particulièrement à coeur à titre d'ancien avocat de la Couronne et de la défense et qui pratique encore le droit, mais surtout à titre de parent.
En août dernier, mon propre fils a été témoin de ce qu'on pourrait appeler un cas mineur de voies de fait. Quatre garçons de niveau secondaire - mon fils à 15 ans - se promenaient à bicyclette un vendredi soir; un garçon d'un autre groupe est arrivé et l'un des amis de mon fils lui a donné un coup de poing au visage. L'adolescent a alors dû recevoir des soins d'orthodontie qui ont coûté 4 000 $. Néanmoins, ce n'était pas le délit le plus sérieux à se produire dans les rues d'Ottawa.
Ça s'est passé la première semaine d'août 1995. Le procès s'est terminé la semaine dernière, environ 9 mois et demi plus tard. Comme père, et je m'adresse plus particulièrement à ceux d'entre vous ici qui sont aussi parents, je dis: «Imaginez qu'il s'agisse de votre propre adolescent». Si, par exemple, votre adolescent ou un jeune de votre famille violait une des règles du foyer, rentrait après le couvre-feu, vous ne lui diriez pas: «Je te donne rendez-vous au salon vendredi prochain, à 14 heures, et une date sera fixée à ce moment-là pour discuter de la réaction qu'il y aura à l'infraction au règlement.» Comme parents, vous constatez tout de suite que cela n'a aucun sens. L'art d'être parent est peut-être mal défini, mais nous savons tous instinctivement que le jeune doit savoir que notre geste a des conséquences et qu'il faut les lui faire connaître clairement et dans des délais raisonnables.
Comme nous l'indiquons dans notre mémoire, à notre avis, l'un des principaux problèmes que présente la Loi sur les jeunes contrevenants dans sa forme actuelle, c'est que les réactions, quelles qu'elles soient, ne sont pas à propos. Normalement, lorsque nous témoignons devant votre comité, c'est qu'un avant-projet de loi a été rédigé par les rédacteurs du ministère de la Justice; nous vous indiquons alors si un «oui» ne devrait pas être remplacé par un «et», et ainsi de suite. Aujourd'hui, tel n'est pas le cas; ce n'est pas là le genre d'étude que mène actuellement votre comité. Mais, quelles que soient les autres questions concernant la Loi sur les jeunes contrevenants sur lesquelles vous devrez vous pencher, nous vous exhortons à tenir compte des délais de réaction.
Par suite de l'arrêt Ascov, qui s'applique à toutes les causes criminelles au Canada, il existe une règle selon laquelle tous les dossiers doivent être traités en six mois environ. La Cour suprême du Canada a rendu cette décision à la fin des années 80. Nous estimons que, pour les jeunes contrevenants, il devrait y avoir ce qu'on appelle dans d'autres juridictions un «procès expéditif» qui se tiendrait dans les 90 jours. Je n'emploierai pas l'expression «règlement expéditif», quelle qu'en soit la définition, et j'y reviendrai dans un moment. Je peux vous dire que, dans nos délibérations, bien des gens ont fait valoir que ce procès devrait en fait se tenir dans les 60 jours. Je vous laisse le soin de déterminer, après avoir consulté d'autres experts et d'autres témoins, si une période de 60 à 90 jours serait indiquée.
M. Ramsay (Crowfoot): Pourquoi pas deux semaines?
M. Westwick: Pour ma part, je n'y vois pas d'objection, monsieur Ramsay, mais je suis conscient des difficultés pratiques que cela pourrait entraîner non seulement pour la police, mais aussi pour le système en général. À mon avis, le plus tôt est le mieux. Officiellement, nous vous proposons de tenir ce procès expéditif dans les 90 jours. Mais j'espère que lorsque vous examinerez tous les mémoires et documents qui vous ont été remis, que vous vous souviendrez de mon exemple du parent qui dit à son enfant: «Je te donne rendez-vous la semaine prochaine dans le salon» et du ridicule dans ce concept quand vous devrez déterminer ce qui constitue un délai raisonnable pour la tenue d'un procès.
J'aimerais aborder une autre question très brièvement. Si vous deviez concevoir - et dans notre mémoire, nous vous demandons de l'envisager sérieusement, en fonction de la description de crimes graves que vous a donnée le chef Ford et qui sont assez fréquents, que les crimes plus sérieux soient traités séparément et fassent l'objet d'un châtiment plus sévère, alors que les infractions mineures... Si vous deviez concevoir un système dans le cadre duquel la loi prévoirait que les crimes graves seraient traités avec sévérité, devant un tribunal, selon l'approche accusatoire, mais prévoirait aussi davantage de souplesse pour les infractions mineures, dans les cas où on pourrait envisager la déjudiciarisation et les mesures de rechange, il faudrait une loi qui confère aux intervenants un pouvoir discrétionnaire suffisant pour recourir à ces autres mesures au besoin. J'espère que vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'il nous faut une loi souple.
Nous prétendons - et cela peut vous sembler un peu étrange - que la Loi sur les jeunes contrevenants nous offre déjà cette souplesse. Elle permet déjà d'intervenir. D'après les consultations que nous avons menées au sein de notre organisation auprès des chefs de police de tout le Canada, le problème se situe plutôt au niveau de l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants.
On n'affecte pas les ressources nécessaires, que ce soit au palier fédéral ou provincial, aux programmes de déjudiciarisation, de médiation et de mesures de rechange. J'exclus les crimes graves qui doivent faire l'objet d'une peine sévère. Mais pour tous les autres cas, on pourrait recourir à ces mesures mais on ne le fait tout simplement pas. Nous ne sommes pas ici pour blâmer qui que ce soit, nous vous disons simplement que, dans les faits, ces mesures ne sont pas mises à profit.
Dans une de nos recommandations, nous vous encourageons, dans vos délibérations, et j'espère que vous le ferez, à aller sur le terrain et à dresser la liste des meilleurs programmes, car il existe plusieurs initiatives très réussies dans les provinces. Il y a bien des choses qui fonctionnent mal, mais il y en a bien d'autres qui donnent de bons résultats.
Il pourrait être intéressant de dresser, à l'aide de vos ressources, la liste des meilleurs programmes vous pourriez alors déterminer lesquels pourraient faire l'objet d'une loi et lesquels pourraient plutôt faire l'objet de directives de la part du solliciteur général et du ministre de la Justice.
Enfin, je vous encourage certainement à visiter personnellement certains des endroits où la justice pour les jeunes suit sont cours. Le chef Ford vous a invités au Centre pour les jeunes de la police d'Ottawa-Carleton. Il y a aussi un tribunal tout près et toutes sortes d'endroits au Canada où vous pouvez voir la justice pour les jeunes dans ce qu'elle a de mieux et de pire.
Je voudrais toutefois vous mettre en garde. Si vous allez sur le terrain, puis-je faire une petite suggestion, ne le faites pas en comité permanent de la Chambre des communes sur la justice et les questions juridiques, avec tout le cérémonial gouvernemental. Allez-y discrètement, individuellement, pour voir comment ça se passe.
Je sais que vous êtes tous très occupés, mais faites une petite promenade jusqu'à la rue Elgin, tout près d'ici, et allez voir ce qui se passe dans les salles d'audience 24, 25 ou 26. Vous pourrez alors assister aux renvois, aux ajournements, à l'aide juridique - les processus - et déterminer ce qui est utile. Vous pourriez même vous rendre dans différents palais de justice du Canada pour voir s'il y a des différences entre les provinces.
Je connais bien le système d'Ottawa, mais je ne pourrais vous dire comment ça se passe ailleurs. Toutefois, après avoir consulté les membres de l'association, il semble que le processus ressemble beaucoup à celui d'Ottawa que je connais bien.
Je vous encourage à aller sur le terrain. Mais faites-le discrètement de façon à obtenir une bonne vue d'ensemble. Cela vous sera très utile. Cela complétera les témoignages des experts et des différents témoins que vous entendrez et situera vos délibérations dans un contexte réaliste.
M. Ford: Y a-t-il des questions?
La présidente: Nous commençons par M. Ramsay, qui a dix minutes.
M. Ramsay: Merci, madame la présidente. Je remercie les témoins d'être venus ce matin. Je trouve leurs recommandations et certaines de leurs déclarations très encourageantes.
Le système de justice coûte environ 12 milliards de dollars à chaque année aux contribuables. Une partie de ces coûts relèvent du système pour la jeunesse. Comment pouvons-nous traiter avec cette industrie de la justice? Oui, nous pouvons descendre jusqu'à la rue Elgin et voir ce qui se passe dans les salles d'audience 24, 25 ou 26. Mais je ne crois pas avoir besoin d'y aller parce que je sais - nous savons - ce qui s'y passe.
Il existe ce que j'appelle une industrie de la justice pénale constituée d'éléments qui ont tout intérêt à maintenir le statu quo. Il semble qu'au moins quelques-uns de ces éléments ne se soucient guère de vos objectifs ou de vos recommandations.
Si je devais amener mon fils au salon et lui dire que, suivant la recommandation de votre association, j'attendrai 90 jours avant de préciser quelles seront les conséquences de son geste, pour tenir l'audience et rendre ma décision, cela aura le même effet que... J'estime que vos recommandations sont sur la bonne voie.
J'ai des questions à vous poser sur différents sujets, notamment sur la divulgation d'information. Nous avons abordé la question brièvement avec les témoins qui vous ont précédés ce matin. Que pensez-vous de la communication des renseignements, particulièrement sur les contrevenants violents et les contrevenants violents qui récidivent? Est-il avantageux pour la justice et la sécurité de la collectivité de ne pas révéler l'identité des contrevenants violents qui récidivent?
À mon avis, ce n'est pas le cas. Si le fils de mon voisin a des difficultés et que je ne le sais pas, je ne peux rien faire. Cette situation est également responsable du taux élevé de suicides chez les jeunes. Si je ne sais pas que mon voisin a besoin d'aide, comment puis-je la lui offrir? Qu'en pensez-vous?
J'ai d'autres questions, notamment en ce qui concerne la communication des renseignements? Que pensez-vous des carcans que l'on impose au «droit de savoir», quand il s'agit d'individus qui ont démontré par leur comportement qu'ils représentent un risque pour la société? Pensez-vous que l'on doive garder confidentielle l'information qui concerne les récidivistes violents?
M. Westwick: Disons que l'ACCP a toujours fait valoir qu'il fallait communiquer l'information en ce qui concerne les détenus à risque élevé, à toutes les fois que nous avons comparu ici, que ce soit pour parler des jeunes contrevenants ou des armes à feu. Au cours des dernières années, nous avons comparu devant le comité à plusieurs reprises. Encore une fois aujourd'hui, vous nous donnez l'occasion de vous faire part de notre opinion sur la communication d'informations dans le cas des contrevenants à risque élevé.
Nous attendons avec impatience, comme nombre d'autres, le projet de loi gouvernemental sur la libération des détenus à risque élevé. Aucune autre question ne s'est avérée aussi difficile à solutionner pour les forces policières de tout le pays, car il faut trouver un équilibre entre la protection de la communauté et les intérêts de chaque contrevenant sur le plan de la protection des renseignements personnels.
J'éprouve de la difficulté à répondre à votre question: nous attendons un projet de loi qui nous aidera dans le cas des contrevenants à risque élevé. C'est encore plus difficile de voir comment parvenir à cet équilibre dans le cas des jeunes contrevenants. Je veux dire que déjà la question est très compliquée dans le cas des détenus à risque élevé. Elle l'est d'autant plus dans le cas des jeunes contrevenants.
Ici, je ne peux pas prétendre parler au nom de l'ACCP; je crois personnellement à la réadaptation comme élément du régime pénal à l'intention des jeunes. Je ne suis pas prêt à dire la même chose en ce qui concerne les adultes, mais j'y crois dans le cas des jeunes. Par conséquent, je serais donc plutôt porté à rejeter une procédure qui identifie les jeunes publiquement, car elle pourrait bloquer leur réadaptation ou des mesures de rechange.
Je pense que M. Asselin voulait ajouter quelque chose à ce sujet.
[Français]
M. Denis Asselin (membre de l'Association canadienne des chefs de police, Comité de la législation): Monsieur Ramsay, dans le projet de loi C-37, les récentes modifications qui sont entrées en vigueur le 1er décembre 1995, modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants, autorisent un agent de la paix à s'adresser au tribunal pour adolescents dans le but d'obtenir la permission de révéler l'identité d'un jeune contrevenant dans deux cas seulement: tout d'abord, lorsque c'est nécessaire pour aider la police dans l'arrestation d'un jeune et deuxièmement, lorsque ce jeune délinquant constitue un danger pour la société. Je pense que c'est suffisant et que ce devrait être uniquement dans ces deux cas que l'identité des jeunes contrevenants puisse être révélée. Il ne faudrait pas que ce soit dans le but de punir une deuxième fois ce jeune pour les offenses qu'il a commises et pour lesquelles il a déjà purgé une peine.
[Traduction]
M. Ramsay: Vous avez mentionné que cela nuirait peut-être à la réadaptation que d'identifier les gens. Je pense que si nous voulons modifier le régime pénal dans le sens qui vous intéresse et dans celui de nombreuses autres personnes dans tout le pays, il nous faut être très pratiques. Lorsque quelqu'un fait quelque chose, ce n'est pas le tribunal ou quelqu'un d'autre qui l'identifie publiquement. Ces gens se marquent eux-mêmes par leurs actions, c'est là l'une des conséquences de leurs gestes.
Comme pays et société, nous avons éliminé les conséquences de ces actions, les conséquences d'une conduite criminelle. Nous avons protégé l'individu parce que nous pensions possible de réadapter le contrevenant. Nous avons donc protégé ses droits, mais à mon avis, et de l'avis de nombreux autres, cela nuit à la sécurité de la société.
Soyons donc pratiques. Comment pouvons-nous édifier un régime juste et équitable si nous sommes disposés à cacher - si je peux me permettre le terme - la vérité? Comment pouvons-nous créer un système qui fonctionnera et nous donnera ce que nous voulons, c'est-à-dire une société sûre, lorsque nous refusons de communiquer, en vertu d'une loi, la vérité sur les gestes posés par quelqu'un, que cette personne ait été reconnue coupable ou condamnée à une peine? La première sanction lorsque nous commettons une infraction, c'est la divulgation. Qui a cambriolé la banque? Quelle a été la sentence passée par le juge? Cela donne à la société certaines garanties, une certaine connaissance sur la façon de se protéger et de protéger ses enfants.
Des témoins nous ont dit la même chose mardi. Parce que l'information n'est pas divulguée, ils ne savaient pas contre qui protéger leurs jeunes enfants. Ils ne savent pas qui prévenir s'ils ne savent pas que le jeune contrevenant qui habite plus loin sur la rue a été condamné, de façon répétée, pour trafic de stupéfiants ou une autre infraction criminelle.
Je suppose que les membres de notre comité doivent se préparer - du moins c'est mon cas - à vivre de nombreuses frustrations tant que nous faisons cet examen. Toutefois, à mon avis, si nous voulons vraiment faire quelque chose pour remanier notre régime pénal, il nous faut être pratiques. Je ne pense pas que l'aspect pratique de la communication de renseignements se retrouve actuellement dans nos lois. Si cela fonctionnait, ce serait formidable.
Dans quelle mesure cela fonctionne-t-il? En fait, je pense que l'un des membres du comité a soulevé cet aspect dans ses questions aux témoins ce matin ou peut-être est-ce les témoins qui ont mentionné la chose eux-mêmes. Si une personne commet une infraction, et si elle n'a pas à payer ce prix - que ses voisins, ses amis, la société sauront ce qu'elle a fait - elle s'en tire à bon compte. Ce sera l'attitude de certaines personnes. Je n'ai pas à m'inquiéter de ce que je vais faire puisque personne ne le saura, sauf le policier, et il ne peut le répéter.
Si je comprends bien, les modifications au projet de loi C-37 permettraient d'informer les principaux intéressés, et quelques autres... Cela aura une incidence sur la communication des renseignements, jusqu'à un certain point, mais je crois que ce ne sera pas très efficace.
La présidente: Monsieur Ramsay, vos 10 minutes sont écoulées.
M. Ramsay: Donc peut-être pourriez-vous nous dire si nous abordons la question de la divulgation d'un point de vue pratique.
La présidente: Donnons-leur la chance de répondre, s'il vous plaît.
M. Westwick: De façon générale, je conviens avec quelques-unes de vos remarques, mais pas avec toutes. Lorsque vous dites que nous ne faisons pas connaître les conséquences au public, je le conteste. Les dispositions sur la vie privée prévues dans la Loi sur les jeunes contrevenants empêchent de divulguer le nom. Je sais que vous avez également parlé de cet aspect, mais je pense que vous avez exagéré le niveau de confidentialité, les aspects de protection de la vie privée qui existent dans cette loi.
Deuxièmement, si vous vous reportez au compte rendu des séances de comité ou à vos propres notes sur les mémoires que nous avons présentés dans le cadre de l'examen du projet de loi C-37, vous constaterez que nous avons souligné qu'il y a quelques situations ridicules, comme par exemple les agents de police qui ne peuvent pas transmettre aux professeurs et aux directeurs d'école les noms d'étudiants inculpés pour des infractions graves. C'est ridicule. De ce point de vue, la situation s'est quelque peu améliorée.
Vous parlez de ce qui est pratique. C'est un concept important qui me plaît. Toutefois, de façon générale, la seule différence par rapport au régime pour adultes, c'est que le nom de l'inculpé, le nom de la personne reconnue coupable - s'il s'agit d'une jeune personne - n'est pas publié. Les médias expliquent que la loi leur interdit de publier le nom. Toutefois, les détails d'une récente affaire horrible à Ottawa, par exemple - il y a actuellement ajournement - ont figuré en premières pages des journaux la semaine dernière, présentés au public sous un jour très cru qui nous a tous choqués.
Donc il y a un équilibre. Je ne suis pas sociologue. Je ne peux pas répondre à toutes les questions au sujet de l'identification. Toutefois, je pense que dans la loi, on tente de parvenir à un équilibre entre la vie privée et la protection du public. Je n'ai aucun mal à envisager que l'on élargisse les dispositions qui traitent de situations exceptionnelles comme celle mentionnée plus tôt par Denis - dans la mesure où, comme c'est le cas actuellement, on laisse cela à la discrétion du juge.
La présidente: Nous allons maintenant passer au côté libéral, 10 minutes, à commencer par M. O'Reilly.
M. O'Reilly (Victoria - Haliburton): Merci beaucoup, madame la présidente.
Je vous remercie de votre présence ici. Je vous félicite de votre exposé.
Précédemment, j'ai rempli deux mandats à la Commission ontarienne des libérations conditionnelles. J'y étais lorsque l'on a adopté la Loi sur les jeunes contrevenants. J'ai vu des criminels endurcis être libérés et revenir comme jeunes contrevenants. J'ai également comparu à titre de témoin dans une affaire d'agression. J'aimerais donc que vous nous en disiez un peu plus long sur vos recommandations dans ces deux domaines.
J'ai comparu sept fois devant les tribunaux. Il y a eu deux juges, deux avocats de la défense et deux procureurs différents. Tout a commencé en novembre 1991 par une première comparution et s'est terminé, je pense, en octobre 1992. Je pensais que j'allais devenir un vieillard, ou du moins vieilli, avant que cela ne se termine.
L'agression avait été commise par une adolescente, mais au moment du prononcé de la sentence, elle était peut-être presque une femme adulte. En fait, elle était enceinte à ce moment-là, ce qui a influencé la sentence. Elle s'est retrouvée condamnée à six mois d'emprisonnement et à six mois de libération conditionnelle. Et pourtant il s'agissait d'une délinquante à risque élevé et récidiviste.
Je voulais également dire qu'en ce qui concerne l'incarcération, la peine courte n'existe pas. Si vous n'avez jamais été emprisonné, une nuit, c'est long. J'ai travaillé dans des établissements pénitentiaires et j'étais toujours heureux qu'on me permette de rentrer chez moi le soir.
En ce qui concerne la Loi sur les jeunes contrevenants, il y aurait lieu d'apporter des améliorations à trois niveaux. Tout d'abord, les contrevenants inculpés pour la première fois doivent être traités différemment des récidivistes et peut-être en est-il question. Ensuite il y a la question de l'âge, jusqu'à l'âge magique de 15 ou 16 ans, et ensuite pour les récidivistes, âgés de 16 à 18 ans. J'aimerais aborder cet aspect.
L'aspect matériel de l'arrestation et de l'incarcération où tout est confondu crée des problèmes énormes pour ceux qui travaillent dans le système, pas uniquement les contrevenants, mais surtout les contrevenants d'une première infraction.
J'aimerais savoir ce que vous pensez des données de base dans les dossiers scolaires, vitales à mon avis. Parfois cette information est disponible, parfois pas, tout dépend des règles sur le caractère confidentiel de l'information. Plus particulièrement, j'aimerais que vous nous en disiez plus long sur votre recommandation numéro 1 qui porte sur l'appui de personnes autres que les parents.
Dans votre recommandation no 2, vous dites que la plupart des affaires dont sont actuellement saisis les tribunaux seront rejetées à cause de l'arriéré et de la surcharge du système. Mon exemple de sept comparutions sur une période de 11 mois est-il typique. Je ne parle pas du moment où l'infraction a eu lieu, je parle du moment de la première comparution. L'infraction avait eu lieu bien avant. Il y a probablement eu six mois avant qu'on ne se retrouve devant les tribunaux.
Comment pourrions-nous éviter les causes perdues dont vous parlez dans votre recommandation no 2? J'ai un peu réuni toutes mes questions ensemble dans un seul panier de façon à ne pas avoir à répéter. J'ai appris cela de Jack.
Des voix: Oh, oh!
M. Westwick: C'est un grand panier.
Permettez-moi de commencer par la fin et ensuite je suivrai mes notes. En ce qui concerne les délais, je partage tout à fait votre avis, tout à fait. Je suis persuadé que les tribunaux devraient faire effectuer - enfin je n'aime pas ce terme, parce que ça fait un peu trop américain et que ça évoque certaines images - des procès efficaces, plutôt que rapides.
Vous comprendrez que je serais plutôt porté à dire 30 ou même 60 jours, mais les juges doivent pouvoir dire aux intéressés, «cette affaire sera entendue la semaine prochaine ou dans deux semaines ou encore va être reportée». À l'heure actuelle, il y a un si grand nombre d'autres pressions et je ne critique pas du tout les juges, là n'est pas mon intention.
Jusqu'à un certain point, c'est l'industrie de la justice pénale comme l'a décrite M. Ramsay. Il y a des pressions de tous genres, dont la charte n'est pas la moindre, et les juges doivent en tenir compte. Si la loi prévoit clairement et explicitement que le procès doit commencer avant telle date, le tribunal saura alors exactement comment exercer sa discrétion.
Incontestablement, le nombre d'ajournements... Pour l'avocat de la défense, c'est une tactique. Si vous pouvez obtenir l'ajournement, vous avez peut-être marqué un point, les témoins ne se présenteront peut-être pas.
Il est important d'entendre l'affaire rapidement. Je m'en remets à vous, pour décider au cours de vos délibérations, quelle période est appropriée, mais il faut que cela se fasse dans des délais raisonnables.
En ce qui concerne l'information sur les antécédents, je ne sais pas au juste. Il faut formuler quelques hypothèses. Si vous parlez de décision et de sentence aux termes de la Loi sur les jeunes contrevenants, je considère que le tribunal devrait disposer de toute l'information pertinente, qu'il s'agisse des antécédents, du dossier scolaire ou de son équivalent dans les autres provinces.
Dans tous les cas de décisions importantes au Canada actuellement, il y a toujours un rapport prédécisionnel préparé par l'agent de libération conditionnelle. On y examine toute une gamme de questions et ce genre d'information doit y figurer.
Dans un deuxième temps, il faut considérer cette information dans le cas des solutions non accusatoires. Si vous êtes dans un milieu accusatoire comme les tribunaux, les antécédents n'ont pas leur place, mais s'il s'agit de médiation de mesures de rechange, alors ce genre d'information est important. Il ne s'agit pas uniquement de l'information, mais plutôt des gens qui peuvent parler de ces antécédents. Faites venir le directeur de l'école, le professeur, le voisin, la victime.
Il se fait des expériences intéressantes à divers endroits au pays et cela fonctionne. Ces solutions ne conviennent pas à toutes les infractions. Ce n'est clairement pas approprié dans le cas des infractions graves, mais c'est très approprié dans un grand nombre d'infractions. Dans le cas de ces dernières, les antécédents et les connaissances sont essentiels.
Mes seuls autres commentaires porteront sur quelques-uns des points que vous avez fait valoir au sujet de la prévention. Dans le régime de justice pénale, nous parlons beaucoup de la prévention, mais souvent, nous ne nous en tenons qu'à des paroles. Les forces policières doivent se reconnaître coupables à cet égard aussi. La prévention est extrêmement importante sur bien des plans, et jusqu'à un certain point, les services de police communautaires constituent une forme de prévention.
En ce qui concerne les programmes de prévention, il faut poser des gestes concrets et tangibles en partenariat avec le réseau scolaire pour faire passer le message. Dans les écoles secondaires et primaires de tout le pays, vous avez un public captif, qui est là tous les jours. Pourquoi ne pas utiliser ce moyen pour diffuser encore plus loin le message de prévention et de lutte contre le crime?
On voit actuellement des tentatives en vue de mettre en place des programmes d'officiers-conseillers dans les écoles et plusieurs programmes de prévention dotés de ressources limitées au sein de forces policières. Je suis particulièrement fier du programme de la journée du droit qui a eu lieu hier. À Ottawa, nous avons tenu deux procès simulés dont l'un présidé par M. le juge Sopinka, qui a été pour nous une sorte de trouvaille. Le deuxième procès simulé était en français et était présidé par M. le juge en chef adjoint Lennox de la division provinciale, où il y a eu littéralement des centaines d'étudiants du secondaire qui ont pu observer ce procès centré sur la Loi sur les jeunes contrevenants.
C'était très bien, c'était un succès, tous ont applaudi et ont je pense appris quelque chose, mais ça c'est une journée par année. À mon avis, il faut faire passer ce message de façon beaucoup plus régulière, pas uniquement dans le cadre de programmes spéciaux, mais dans le cadre du programme scolaire.
Je m'excuse, je m'éternise.
M. O'Reilly: Donc préconisez-vous que les rapports...
La présidente: Votre temps est écoulé.
M. O'Reilly: Excusez-moi.
La présidente: Je vous en prie.
Monsieur Ramsay, vous avez cinq minutes.
M. Ramsay: Le projet de Loi C-41 prévoyait des mesures de rechange dans le cas des adultes, et cela existe aussi pour les jeunes. Êtes-vous en faveur de telles mesures dans le cas de toutes les infractions, y compris les infractions avec violence, ou est-ce que vous voulez les limiter aux infractions sans violence? Vous avez dressé une liste de crimes graves et de crimes moins graves, mais êtes-vous en faveur de ces mesures de rechange pour tous les crimes?
M. Ford: Cela revient à ce que je disais plus tôt. De prétendre que nous sommes en faveur des mesures de rechange dans le cas de tous les crimes... il faut prendre soin de ne pas tout mettre dans le même panier, si l'on veut. Il y a les infractions «avec violence» telles que celles dont parlait M. Westwick lorsqu'il décrivait la durée d'un... Il s'agissait d'une infraction avec violence puisque quelqu'un a été agressé et ce de façon violente.
Je ne connais pas du tout les antécédents de l'affaire, mais à titre d'exemple, selon qu'il ce soit agit d'une première infraction, je pense que l'on pourrait utiliser des mesures de rechange dans le cas de certaines infractions avec violence, à des fins de réadaptation du jeune contrevenant.
À mon avis, on ne peut pas dire qu'il ne faut jamais avoir recours à des mesures de rechange dans le cas de crimes violents. Cela reviendrait à décider quels sont les crimes violents. S'il s'agit de meurtres, voilà une chose. Parlez-vous d'agression ou de cambriolage? Si on utilise un couteau au cours d'un cambriolage, c'est une infraction avec violence. Personne n'a été blessé, peut-être, mais c'est quand même une infraction avec violence.
Je pense qu'il faut faire très attention de ne pas prétendre que toutes les infractions avec violence doivent être traitées de telle ou telle façon. Il faut maintenir un esprit ouvert.
Je suis fermement persuadé et l'association aussi que les mesures de rechange ont un rôle important à jouer dans le processus de réadaptation des jeunes. Il existe plusieurs très bons exemples des avantages de telles mesures et dans certains cas, il s'agissait de crimes avec violence.
M. Ramsay: Merci.
J'aimerais maintenant passer à un autre sujet, à savoir jusqu'à quel point la loi a empêché les agents de police de traiter officieusement avec les jeunes qui ont commis une infraction que vous qualifiez peut-être dans votre mémoire de mineure, ou une infraction qui se situerait entre les deux.
À mon époque, lorsque j'étais agent de la paix, nous jouissions d'une grande discrétion pour traiter officieusement avec les jeunes et ne pas les lancer dans le système. Or, je vois que maintenant, un agent de la paix ne peut même pas prendre une déclaration sans suivre telle ou telle procédure. Une partie de son travail consiste à recueillir de l'information, y compris ce que le contrevenant peut vouloir révéler à ce moment-là.
Jusqu'à quel point la loi a-t-elle lié les mains des agents de police dans le cas de crimes mineures au fil des ans? Est-il de plus en plus difficile pour les agents de la paix de traiter des choses officieusement ou est-ce que c'est plus ou moins la même chose que par les années passées? Où en sommes-nous maintenant?
Mme Boniface: J'aimerais faire quelques commentaires. On peut penser - pour reprendre vos paroles - que nous avons les mains liées dans une plus grande mesure. On a de plus en plus cette impression. Jusqu'à un certain point, la loi les empêche d'agir, car on ne peut regarder la situation aujourd'hui et ne pas voir les changements survenus depuis 10 ans.
Il serait peut-être utile que le comité - et c'est pourquoi nous parlons des meilleures pratiques - examine certains des programmes innovateurs qui ont vu le jour. Je viens de la police provinciale de l'Ontario, et j'ai appris l'existence d'un programme dans une école secondaire qui prévoit un tribunal pour les adolescents où ce sont d'autres adolescents qui sont les juges.
Si on met une structure en place, monsieur, la possibilité de le faire existe.
Quand il s'agit d'aspects précis comme le nombre de pages qu'il faut pour expliquer à quelqu'un quels sont ses droits... Je songe au père ou à la mère d'un adolescent qui lit tout cela; rendu à la fin de la page 9, comme parent, quel est le message que j'ai reçu, et songez à celui que pourrait recevoir l'enfant. Cela a changé la façon dont on procède, jusqu'à un certain point.
Je pense qu'il se fait du travail à l'intérieur de la loi. Cela se limite à des infractions mineures, aux infractions les moins graves. Évidemment, aussitôt que vous imposez ce genre de déclaration à un agent de police, vous alourdissez le système.
La présidente: Monsieur Knutson.
M. Knutson (Elgin - Norfolk): Le chef du détachement de la police provinciale de l'Ontario à Tillsonburg, dans ma circonscription, a abordé la question du formulaire avec moi. Est-ce que vous nous recommandez d'adopter ce formulaire ou est-ce simplement une description du formulaire actuel?
Mme Bethel (Edmonton-Est): Voilà de quoi il s'agit.
Une voix: C'est le formulaire actuel.
M. Knutson: Pouvez-vous nous faire une recommandation en ce qui concerne le nouveau formulaire?
M. Westwick: J'aimerais dire, à moitié en riant, mettons-le à la poubelle.
M. Knutson: Oui, mais pouvez-vous, pas nécessairement aujourd'hui, me faire parvenir un formulaire révisé?
M. Westwick: Je vous ai justement remis ce formulaire pour vous démontrer l'élément accusatoire du système de justice pénale pour les jeunes. Lorsque le système est accusatoire, voilà le genre de formulaire... Ou quelque chose du genre. Vous pouvez jouer avec les mots, vous pouvez tenter de rayer ceci ou cela, mais c'est fondé sur la charte.
M. Knutson: Que nous n'allons pas modifier.
M. Westwick: Non, que nous n'allons pas modifier. Mais si vous parlez de méthodes non accusatoires, celles qui offrent toutes sortes de possibilités, alors vous n'avez pas besoin du formulaire. Vous n'en avez pas besoin du tout parce que vous parlez alors de règlement des différends et des choses de cette nature.
M. Knutson: En effet.
M. Westwick: Ce qu'il faut dans la loi - et c'est déjà là en grande partie - c'est la possibilité de passer d'une approche à l'autre. Toutefois, une fois que vous avez adopté la méthode accusatoire, alors il vous faut ce genre de formulaire.
M. Knutson: Je comprends. Je ne conteste pas ce que vous avez dit, mais j'avais cru comprendre que si vous arrêtez un jeune, il vous faut remplir ce formulaire dans les quelques minutes ou les quelques heures après son arrestation au poste. Vous devez prendre sa déclaration avant de pouvoir décider quelle option prendre.
Il me semble, quelles que soient les améliorations que l'on puisse faire sur le plan de la discrétion et d'une meilleure répartition à l'intérieur du régime, que vous risquez de vous retrouver avec un formulaire de toute façon. J'ai peut-être tort, mais disons que c'est le cas et qu'en dernière analyse, vous vous retrouviez avec un formulaire.
J'aimerais que vous proposiez un nouveau formulaire. Puis-je vous faire une autre demande?
M. Westwick: La difficulté, c'est que toute l'approche accusatoire qui ressort de la Loi sur les jeunes contrevenants repose sur la notion d'application régulière de la loi, sur un modèle axé sur les droits, à l'instar du régime pour adultes.
M. Knutson: Et sur une tradition vieille de centaines d'années.
M. Westwick: Or, cela va à l'encontre de la déclaration de principe où il est dit qu'il faut assumer la responsabilité de ses gestes et rendre des comptes. Les deux choses sont incompatibles.
Si vous avez, par exemple...
M. Knutson: Je comprends ce que vous voulez dire. Je demande simplement, en fait, où serons-nous dans trois ans? Il y aura un régime mixte, qui prévoit des mesures de déjudiciarisation ainsi que des méthodes accusatoires. Il y aura sans doute un formulaire, au début du processus. Je ne fais que supposer. J'ai tout simplement pensé que si vous vouliez recommander un nouveau formulaire, c'était le moment de le faire, mais si vous ne vouliez pas le faire, c'est parfait.
M. Westwick: Bien sûr. Nous aimerions avoir le temps d'y réfléchir et nous pourrions peut-être vous soumettre quelque chose plus tard.
M. Knutson: Je voudrais discuter de la question de l'âge. Vous avez parlé à deux ou trois reprises de l'Ontario. Je connais, du moins de manière superficielle, la loi ontarienne sur la protection de l'enfance. Les représentants de la Société d'aide à l'enfance de ma localité me disent que, quand un jeune de 10 ou 11 ans commet un délit - mettons qu'il mette le feu à une maison - , ils ne peuvent rien faire à moins que l'enfant n'ait besoin de protection - autrement dit, à moins qu'il ne soit victime de mauvais traitements.
Voilà quand les gens entendent cela, ils ont du mal à contenir leur colère. Le directeur de la Société locale d'aide à l'enfance soutient qu'il faudrait abaisser l'âge. Vous pourriez peut-être nous dire ce que vous en pensez.
M. Ford: Abaisser l'âge de 12 à...
M. Knutson: Oui, afin que les autorités aient la possibilité d'intervenir. Les gens estiment que la Société d'aide à l'enfance devrait intervenir, mais elle ne peut intervenir que lorsque l'enfant a besoin de protection.
M. Ford: Nous avons des réserves au sujet du processus. Nous sommes d'avis qu'il existe des failles dans la législation provinciale relative aux questions concernant les jeunes contrevenants, etc., et que ces failles doivent être corrigées. Je sais que nos homologues provinciaux, par l'entremise de leurs comités de la législation, cherchent à recommander des améliorations à la législation.
Pour ce qui est d'abaisser l'âge, nous considérons que cela n'est pas nécessaire. Le nombre d'infractions de ce genre commises par des jeunes de moins de 12 ans n'est pas tellement élevé.
Mme Boniface: J'aurais quelque chose à ajouter à cela.
Dans le mémoire que nous avons soumis précédemment, nous disions que le comité voudrait peut-être envisager la possibilité de prévoir un mécanisme qui permettrait d'inclure les enfants qui se trouvent dans des situations extrêmement graves... Quand nous avons témoigné devant votre comité la dernière fois, c'était à l'époque de l'affaire Bulger en Angleterre, et je crois que nous avions alors indiqué que si vous mettiez sur pied un mécanisme qui permettrait, dans ces cas très exceptionnels, d'inclure les jeunes dans le système d'application générale, ce serait peut-être là un moyen de s'attaquer au problème.
Je crois que ce que dit le chef de police Ford, c'est que, au lieu d'élargir le système, il faudrait peut-être examiner ce que prévoit la législation provinciale en matière de protection de l'enfance.
M. Knutson: D'accord.
La présidente: Merci, monsieur Knutson.
Monsieur Ramsay, vous avez cinq minutes.
M. Ramsay: Merci, madame la présidente.
Pour faire suite à ce qui vient d'être dit, je ne suis pas d'accord avec vous là-dessus, car les plus vieux peuvent se servir des plus jeunes, qui sont à l'abri de toute intervention policière, pour commettre des infractions. Nous avons actuellement des jeunes de 10 et 11 ans qui commettent des délits criminels.
Aux termes de l'ancienne Loi sur les jeunes délinquants, la police et les tribunaux étaient habilités à intervenir en cas de délit criminel sans égard à l'âge du contrevenant. Si nous n'adoptons pas cette approche-là... Pourquoi ne l'adopterions-nous pas? Pourquoi n'abaisserions-nous pas l'âge? Voilà ce que je vous demande, et voilà ce que demandent bien des gens. Si nous abaissions l'âge, comment cela nuirait-il à l'objectif global d'assurer une meilleure protection de la société?
Dans ma province de l'Alberta, dans l'ouest, nous avons un enfant qui a commis je ne sais combien de vols d'automobile. Si l'on s'en tient aux droits qui lui sont garantis, la police ne pourrait même pas ramener l'enfant chez lui, parce que ce serait une forme de détention que le mettre dans la voiture de police pour le ramener à la maison. Que peut faire la police s'il dit «Je ne veux pas rentrer chez moi»?
Les gens ne comprennent pas. Pourquoi recommandez-vous cela à notre comité? Je voudrais que vous répondiez à ma question dans cette optique. En quoi serait-il dangereux d'abaisser l'âge à 10 ans par exemple?
[Français]
M. Asselin: Au Québec, la Loi provinciale sur la protection de la jeunesse, à l'alinéa 38h), dit qu'un enfant de 11 ans qui commet un crime sérieux a certainement un trouble sérieux de comportement et que son comportement est la preuve que ses parents ne sont pas en mesure de s'en occuper adéquatement. À ce moment-là, il tombe sous l'empire de cette loi-là parce qu'on utilisera le même personnel, les mêmes ressources et les mêmes outils que s'il avait commis la même infraction ou le même crime un an plus tard, à l'âge de 12 ans.
Pour nous, au Québec, le fait de réduire l'âge n'est pas approprié puisque la Loi provinciale sur la protection de la jeunesse peut être appliquée avec les mêmes mesures et les mêmes solutions que si l'enfant avait 12 ans. En effet, au Québec, les mesures ou solutions qui sont prévues dans la Loi fédérale sur les jeunes contrevenants nécessitent le même personnel et les mêmes ressources que la Loi sur la protection de la jeunesse.
[Traduction]
M. Ramsay: Pourtant, nous avons entendu M. MacNamara nous dire que, dans certaines provinces, les programmes sociaux n'ont pas les ressources voulues pour intervenir auprès de ces jeunes. Il recommandait vivement que, dans des cas comme ceux-là, la société autorise la police à intervenir dans les cas de délits criminels commis par des enfants de moins de 12 ans. En dépit de ce que vous venez de dire, je ne considère pas qu'il y ait de danger ni pour la société ni pour les jeunes qui ont des démêlés avec la loi du fait que les policiers sont habilités à intervenir auprès des enfants de moins de 12 ans qui commettent des délits criminels.
M. Westwick: Il a été question de cette possibilité quand le projet de loi C-37 était devant votre comité et, si l'âge avait été ramené à 9 ou 10 ans ou à je ne sais trop quel âge, vous auriez eu des jeunes de 9 ans et de 10 ans qui auraient été obligés de remplir une déclaration que même les avocats adultes trouvent très complexes. Il faut donc trouver un juste milieu.
Vous trouverez peut-être un certain attrait aux propositions que l'ACCP a déjà faites à ce sujet. C'est comme pour les dispositions concernant les renvois au système pour adultes. Il s'agit d'un système de renvoi au système général pour les rares cas où cela s'appliquerait. Je ne suis pas spécialiste des lois ni de la constitution, mais il me paraît assez curieux de vouloir modifier une loi fédérale en raison de lacunes possibles dans les lois des différentes provinces.
M. Ramsay: En tout cas, les citoyens des différentes régions du pays se disent préoccupés par la situation, car ils estiment qu'on ne fait rien pour les protéger ou pour protéger leurs biens ou leurs enfants à eux contre ces personnes qui commettent des délits et qui se trouvent à tomber dans ce groupe d'âge. Il me semble que nous ne servons pas bien la société si nous ne tenons pas compte de ces préoccupations.
La présidente: Merci, monsieur Ramsay. Monsieur Discepola.
[Français]
M. Discepola (Vaudreuil): J'espère avoir le temps de poser trois questions.
Ma première question s'adresse à M. Asselin et concerne la nécessité de divulguer les noms des jeunes contrevenants.
Vous avez dit, en réponse à M. Ramsay, que vous étiez satisfait de la loi actuelle. Mais ne pourrait-on pas prévoir l'obligation, pour les policiers, le directeur de l'école ou un autre intervenant, de divulguer les noms des jeunes contrevenants?
Je ne parle pas d'un cas comme celui de le fameuse famille Toope de Montréal car, en général, le milieu connaît déjà les noms des jeunes contrevenants. Mais si ce même jeune se déplace ailleurs au Canada, je pense avoir le droit de savoir si un jeune meurtrier ou un jeune contrevenant fréquente la même école que mes enfants. Il faudrait que mes enfants soient au moins sensibilisés à cet égard.
[Traduction]
Ma deuxième question s'adresse à M. Westwick. Je souscris entièrement à la nécessité d'assurer la réinsertion sociale des jeunes et à la responsabilisation des jeunes. Mais je voudrais revenir sur ce que vous avez dit au sujet du jeune qui avait dû subir pour 4 000 $ de traitements d'orthodontie. Dans le contexte de la responsabilisation, les parents ne devraient-ils pas être tenus d'indemniser la victime du délit, qu'il s'agisse d'un vol avec effraction ou d'un acte de vandalisme quelconque, en fonction bien sûr de leur capacité à payer? Je crois qu'il faudrait examiner la possibilité d'obliger le jeune ou sa famille à indemniser la victime, étant entendu qu'ils pourraient le faire sur leur vie entière si nécessaire.
Ma dernière question s'adresse au président du comité de l'ACCP, M. Ford. Je voudrais savoir ce que vous pensez de la possibilité d'une plus grande souplesse pour ce qui est de détenir les jeunes contrevenants même après l'expiation de leur peine initiale. À l'heure actuelle, ils sont condamnés à une peine déterminée et, quand ils ont expié leur peine, ils sont remis en liberté.
Encore là, je me reporte au meurtre de Toope, car le jeune de 13 ans qui a été trouvé coupable dans cette affaire a été évalué, et l'évaluation a montré qu'il serait très difficile d'assurer sa réinsertion sociale. Aux termes de l'ancienne loi, il sera libéré et il pourra revenir dans ma localité, dans ma rue, puisque c'est là qu'il habite, quand il aura 16 ans. Le système judiciaire pour jeunes ne devrait-il pas avoir une plus grande latitude pour ce qui est d'intervenir à ce moment-là afin que le jeune puisse être détenu encore plus longtemps s'il n'est toujours pas en mesure d'être réintégré dans la société?
[Français]
M. Asselin: J'ai mentionné précédemment que les modifications récentes permettaient au tribunal pour adolescents d'autoriser la divulgation de l'identité d'un jeune lorsqu'il présente un danger ou encore lorsque c'est nécessaire pour son arrestation.
Mais il y a d'autres changements qui ont été apportés et qui permettent à un agent de la paix, sans même s'adresser au tribunal, de communiquer au personnel scolaire qu'un jeune remis en liberté constitue un danger ou est violent. C'est pour permettre au personnel scolaire d'assurer le suivi nécessaire et de prendre les dispositions qui s'imposent afin de protéger les autres étudiants ou étudiantes.
Cette communication peut se faire également lorsque le jeune doit respecter certaines conditions. Ce sont les personnes qui l'encadrent dans son environnement scolaire qui peuvent le mieux surveiller le respect de ces conditions.
Deuxièmement, vous vous êtes mis à la place d'un père de famille dont l'enfant pourrait être victime d'un acte criminel. Mais il se pourrait aussi que votre enfant soit l'auteur d'un acte criminel, malgré toute votre bonne foi, votre bonne volonté et les efforts que vous faites pour lui donner une bonne éducation.
Si on révèle à vos autres enfants, aux autres membres de votre famille, à vos voisins et à vos amis que votre fils a eu un écart de conduite et a commis une infraction, cela va vous faire un mal considérable et il n'est pas évident qu'on pourra ainsi assurer une plus grande protection des futures victimes.
[Traduction]
M. Westwick: Pour ce qui est de votre question au sujet des dommages, si vous parlez du modèle des droits, si vous parlez de ce qui se passe après le procès, dans ce cas particulier, il y avait un doute raisonnable et le jeune n'a pas été trouvé coupable. On ne peut pas demander à celui qui n'a pas été trouvé coupable d'assumer la responsabilité des dommages découlant de l'infraction dont il a été acquitté.
Cependant, si vous voulez parler de la gamme des mesures disponibles - mesures de rechange, règlement des différends - , il me semble que c'est là un avantage, non seulement pour le jeune inculpé, mais aussi pour la victime. C'est souvent l'occasion pour la victime de se vider le coeur, de décharger sa colère.
Je ne prétends aucunement être un spécialiste de la médiation, mais c'est une technique qui comprend notamment des mesures de rechange pour le règlement des différends et qui est utilisée dans les situations les plus diverses, y compris dans des situations mettant en cause la législation sur l'emploi. Elle commence enfin à être utilisée pour des infractions criminelles mineures commises par des adultes. C'est donc manifestement une option qui existe, et, sans entrer dans tous les détails du cas en question, c'est peut-être celle qu'il aurait fallu retenir. Je crois que les parents du jeune qui a dû subir des traitements d'orthodontie auraient peut-être été très heureux s'il aurait été possible d'en arriver à une entente quelconque. Le résultat final n'était satisfaisant pour personne, sauf pour l'avocat de la défense qui, lui, a fait de l'argent avec cette affaire.
M. Discepola: Il y a eu indemnisation.
M. Westwick: Oui, absolument.
La présidente: Monsieur Ford.
M. Ford: Pour ce qui est de la possibilité de détenir les jeunes après qu'ils ont expié leur peine, je ne connais pas les détails du cas en question. Jusqu'à récemment, la peine maximale était de trois ans, mais notre association essaie, dans le cas des contrevenants adultes trouvés coupables de délits criminels violents, de les garder en détention même après qu'ils ont purgé leur peine. Je crois que nous avons présenté plusieurs mémoires à ce sujet.
C'est un peu ce que nous demandons à votre comité d'examiner quand il s'agit des jeunes contrevenants, qu'ils soient coupables d'infractions graves ou d'infractions mineures ou encore d'infractions se situant entre ces deux extrêmes. Il faudrait qu'on ait cette possibilité dans le cas des contrevenants qui commettent des infractions graves, comme celui dont vous nous avez parlé. Il y aura toujours des cas où le système devra permettre une certaine souplesse pour traiter les cas très sérieux, ceux des contrevenants, jeunes ou adultes, qui, de l'avis de ceux qui les traitent et qui sont plus compétents pour déterminer quelles sont leurs chances d'être réadaptés, ne pourront pas être réintégrés à la société.
La présidente: Il ne nous reste que quelques minutes. Avez-vous autre chose à dire, monsieur Ramsay? Je vous accorde deux minutes, pas plus.
M. Ramsay: En ce qui concerne ce projet de questionnaire, et pour faire suite à la question de M. Knutson, je crois savoir que c'est la loi qui oblige les agents de la paix à s'en servir quand ils interrogent un jeune contrevenant. Le formulaire ne pourra donc pas changer tant que la loi, y compris la Charte des droits et libertés, ne sera pas changée. C'est comme ça que je comprends la chose.
Si, comme vous dites, c'est la Charte et la loi qui l'exigent, vous devrez continuer à suivre cette procédure tant que la loi ou la Charte n'aura pas été modifiée.
M. Westwick: Je ne suis pas constitutionnaliste. Je crois qu'il serait possible d'établir un système permettant de prendre les déclarations et d'admettre sa responsabilité qui serait beaucoup moins complexe que celui que nous avons à l'heure actuelle et qu'il ne serait pas nécessaire pour cela de modifier la Charte ou de recourir à une clause de dérogation. Il faudrait peut-être faire preuve d'imagination dans la rédaction, mais je suis persuadé que ce serait possible de le faire dans les limites existantes. Il faudrait toutefois envisager de modifier la Loi sur les jeunes contrevenants.
M. Ramsay: Vous y tenez.
M. Westwick: Bien sûr.
M. Ramsay: Merci.
La présidente: Madame Bethel.
Mme Bethel: Merci, madame la présidente.
Je suis moi aussi de l'Alberta et, même si je sais que certains croient qu'il faut recourir à des camps d'entraînement... Des progrès considérables ont été réalisés en Alberta, surtout grâce aux comités de justice communautaire. Nous en sommes vraiment très fiers. À Edmonton, bien entendu, nous parlons, non pas de forces policières, mais de services de police.
Nous avons donc des mécanismes efficaces en Alberta, qu'on pourrait qualifier de modèle du genre, et voilà qui m'amène à votre recommandation numéro 3. Vous dites que nous devrions comparer ce qui se fait dans les différentes provinces et produire un répertoire des mesures les plus efficaces. Iriez-vous même jusqu'à envisager d'effectuer une vérification opérationnelle afin d'obtenir une évaluation sérieuse de l'efficacité et de l'efficience de ces mesures? Qui serait le mieux placé pour effectuer une vérification de ce genre? Avez-vous des suggestions à nous faire quant à la façon dont nous pourrions nous y prendre pour obtenir la collaboration des provinces?
Si vous pouviez répondre en une minute, j'aurais une autre question à vous poser.
Mme Boniface: Vous êtes sans doute bien plus habile que nous pour ce qui est d'obtenir la collaboration des provinces.
Mme Bethel: Il faut comprendre que je parle ici de l'Alberta.
Mme Boniface: Quand on a un système qui est compatible, ou apparemment compatible, avec la législation, je crois qu'il est essentiel de voir comment il est mis en oeuvre dans les différentes régions du pays et d'en évaluer l'efficacité.
À vrai dire, en ce qui concerne les mesures qui sont des modèles du genre, nous essayons nous-mêmes de voir ce qui se fait dans nos différents organismes, nous nous interrogeons - à notre comité de la législation, nous avons des représentants de toutes les provinces depuis l'Alberta jusqu'à la côte est - et de nous renseigner sur ce qui se fait dans les services de police de notre province relativement aux jeunes. Nous avons vraisemblablement tous une part de responsabilité à cet égard. Si vous examinez le système dans le contexte de la législation, je crois qu'il est absolument essentiel que vous vous intéressiez aussi à sa mise en oeuvre.
Mme Bethel: Par contre, les ressources nécessaires à la mise en place de mesures de rechange relèvent manifestement des provinces et, à mon avis, il est manifeste que les provinces n'assument pas leurs responsabilités à cet égard.
Mme Boniface: En tout cas, d'après ce que nous disent nos membres, l'interprétation varie énormément d'une province à l'autre.
Mme Bethel: Comment pouvons-nous faire ou comment pouvons-nous encourager...?
M. Westwick: Peut-être en dressant un répertoire des mesures les plus efficaces. La pression morale aurait peut-être davantage de chance de réussir qu'une intervention musclée de la part du gouvernement fédéral. S'il peut être démontré que tel programme ou telle mesure donne des résultats dans une province quelconque et permet de réaliser des économies - je ne connais pas de gouvernement au Canada qui ne cherche pas à économiser de l'argent - , si les mesures efficaces qui sont appliquées dans une province peuvent être appliquées ailleurs, c'est peut-être l'argument le plus fort que nous puissions avoir pour convaincre...
Mme Bethel: La dernière partie de ma question était la suivante: qui serait le mieux placé pour faire cette évaluation des mesures les plus efficaces? Il me semble que cela devrait se faire au moyen d'une vérification opérationnelle. Mais qui serait le mieux placé pour faire cette évaluation?
M. Ford: Quand vous parlez d'une vérification opérationnelle, vous parlez de vérifier dans quelle mesure un programme en particulier donne de bons résultats. Tout dépend de la jauge qui sera utilisée pour déterminer l'efficacité du programme en question.
À mon avis, si vous le permettez, le centre pour jeunes que nous avons... je suis allé à Edmonton - j'ai même vécu à Edmonton quand j'étais jeune homme pour voir ce qui existait comme programme de services de police communautaires, et je me suis aussi rendu à Calgary pour voir quels sont les programmes qui existaient là. Ce sont d'excellents programmes. Nous en avons même adopté certains pour les utiliser ici. Un des critères que nous avons utilisés pour déterminer l'efficacité de notre centre pour jeunes était le taux de criminalité dans le voisinage du centre.
Mme Bethel: Je ne veux pas parler de la méthode. Je veux simplement savoir qui, quel groupe, quelle organisation serait...
La présidente: Je peux peut-être vous venir en aide. Il existe déjà des organismes fédéraux qui s'occupent de choses de ce genre, notamment le Conseil national de prévention du crime.
M. Ford: Le Conseil national de prévention du crime et le ministère du Solliciteur général aux niveaux tant provincial que fédéral, sont les mieux placés, dans l'ensemble, pour évaluer les programmes de ce genre. Le solliciteur général et les procureurs généraux de certaines provinces ont même des gens en place pour s'occuper de cela. Ainsi, il existe ici même en Ontario une division des services policiers, qui relève du Solliciteur général. La division effectue des vérifications des services de police afin de déterminer l'efficacité de leurs divers programmes. Elle exerce une surveillance à cet égard.
La présidente: Je tiens à vous remercier sincèrement. Je ne sais pas si vous vous en rendez compte, mais ce que vous venez de nous présenter s'inscrit parfaitement dans la lignée de ce que les églises nous ont dit plus tôt dans la journée. La matinée a été très productive. Nous sommes très sensibles à votre point de vue. Merci.
La séance est levée.