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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 6 mars 1997

.1135

[Traduction]

La présidente: La séance est ouverte.

Nous accueillons Mary Marshall et Richard Drewry de l'Association canadienne pour la santé mentale. Richard est coprésident de l'association et Mary Marshall préside le Sous-comité des questions juridiques.

Nous accueillons aussi à titre personnel le Dr Merskey de l'Hôpital psychiatrique de London qui est ici avec nous à Ottawa. Bienvenue à tous.

Je demanderais d'abord aux représentants de l'Association canadienne pour la santé mentale de nous présenter leur exposé, après quoi nous passerons au Dr Merskey, puis, les membres du comité poseront des questions à nos trois témoins.

[Difficultés techniques]

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M. Richard Drewry (coprésident, Groupe d'étude national sur les questions juridiques, Association canadienne pour la santé mentale): Merci, madame la présidente et mesdames et messieurs du comité. Je suis accompagné aujourd'hui par Mary Marshall, qui copréside avec moi notre groupe d'étude sur les questions juridiques.

Il y a déjà quelque temps, nous avons envoyé au ministre de la Justice un mémoire écrit portant sur la réaction de notre association au jugement de la Cour suprême du Canada dans l'affaire O'Connor.

On trouvait, au début de ce mémoire, une brève description de notre association. Nous représentons la branche nationale de la CSM.

Vous remarquerez que l'association défend notamment les personnes qui souffrent de troubles et traumatismes psychiques. Les victimes d'agressions sexuelles souffrent souvent de graves traumatismes psychiques qui doivent être traitées par des professionnels de la santé. Or, ce sont les dossiers de ces professionnels fournisseurs de soins de santé qui font l'objet du projet de loi dont vous êtes saisis.

Notre association a toujours prêché la nécessité de garder les dossiers psychiatriques confidentiels. Il est maintenant admis que les dossiers thérapeutiques des victimes d'agressions sexuelles n'ont pas été protégés de façon appropriée dans nos tribunaux, ce qui justifie l'existence du projet de loi C-46.

Notre association croit que ce projet de loi est un bon début, mais qu'il ne va pas suffisamment loin. Nous souhaiterions une mesure législative qui protégerait véritablement la confidentialité des dossiers thérapeutiques portant sur le traitement des victimes d'agressions sexuelles. Nous demandons des règles de confidentialité qui soient faciles à comprendre et tout à fait prévisibles, de façon que les plaignants et les prestateurs de soins de santé sachent d'entrée de jeu ce qui sera ou pas considéré comme confidentiel.

Mary Marshall vous expliquera maintenant notre position en détail.

Mme Mary Marshall (coprésidente, Groupe d'étude national sur les questions juridiques, Association canadienne pour la santé mentale): Notre court exposé examine les deux questions principales ayant trait aux dossiers thérapeutiques. D'abord, pourquoi ne devrions-nous pas invoquer le critère de la pertinence, et en second lieu, pourquoi la création d'un privilège constituerait-elle une protection plus adéquate?

En premier lieu, pourquoi le critère de la pertinence n'a-t-il pas donné de bons résultats, et n'en donnera-t-il pas de meilleurs à l'avenir? Le projet de loi établit le critère de la pertinence probable, savoir l'accusé a-t-il établi que le dossier présentait une pertinence probable dans le cas de l'affaire instruite? Voilà, au fond, la question qu'il faut se poser, et l'on a souvent abusé de ce critère.

Pour appuyer mes déclarations, je me reporte à un jugement récent de la Cour suprême du Canada de même qu'à ma propre expérience. Le jugement dont il est question a été rendu le 6 février 1997, dans l'affaire Carosella. Dans le cadre de ce jugement, la Juge l'Heureux-Dubé a fait les observations suivantes au sujet de la façon dont les tribunaux inférieurs appliquent le critère de la pertinence probable.

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D'après ma propre expérience professionnelle, ce que dit la juge est tout à fait vrai. Les tribunaux inférieurs ordonnent couramment la production de ces dossiers.

Je représente le tiers porteur de dossiers. Bien que je ne puisse discuter des détails des cas, je puis évidemment vous faire part d'observations et d'informations générales.

Je songe en particulier à un cas auquel j'ai été mêlée: l'avocat de la défense avait cri une procédure criminelle entièrement nouvelle en contre-interrogeant la victime sous serment en présence du procureur de la Couronne, avant que ne débute véritablement le procès criminel. C'est une procédure semblable à la communication préalable que l'on a d'habitude dans les affaires civiles. Mais c'est une procédure à laquelle on avait eu recours dans une affaire au pénal, avant même le début du procès. Ce contre-interrogatoire a donc duré plusieurs heures, en dépit de quoi, l'accusé demandait toujours que les dossiers thérapeutiques soient produits. L'affidavit a révélé que la victime avait reçu des soins thérapeutiques de mon client.

C'est en se fondant là-dessus, et malgré toutes les possibilités qu'avait eu l'avocat de la défense d'obtenir l'information recherchée, que l'on a ordonné la divulgation des dossiers.

On ne fait pas souvent état de ces jugements. Lorsque je représente des tiers porteurs d'un dossier, je demande toujours au ministère public s'il est déjà intervenu dans des cas où il n'y a pas eu ordonnance de production des dossiers en réponse au critère de pertinence probable. Or, le ministère public me répond invariablement que dans ces cas-là, les dossiers étaient toujours divulgués conformément au critère de pertinence probable.

Quels sont les autres problèmes d'ordre pratique que pose le critère de la pertinence probable? Le projet de loi porte que la demande doit être faite au juge de première instance. C'est exactement la même chose qui s'est passée dans l'affaire O'Connor.

La difficulté tient au fait que la demande est déposée avant le début du procès, de sorte que le tribunal ne sait pas encore ce qui est pertinent ou non. En effet, le juge ne sait pas encore comment la Couronne ou même comment la défense présentera sa cause. Il lui est donc extrêmement difficile de déterminer la pertinence.

En outre, l'accusé n'a pas encore vu les documents mais il lui revient tout de même le fardeau d'établir la pertinence probable. Tout ce que sait l'accusé, c'est que la prétendue victime a effectivement reçu des soins thérapeutiques.

Le projet de loi porte que cette raison seule n'établit pas la pertinence probable. C'est la façon dont le critère est établi actuellement. Si vous vous reportez au jugement O'Connor, la cour, dans son jugement majoritaire et dans son jugement minoritaire a établi que le simple fait que l'accusé ait reçu des soins thérapeutiques ne suffit pas à établir la pertinence probable. Toutefois, ce critère place l'accusé entre l'arbre et l'écorce, car la seule chose qu'il sache d'habitude, c'est que le dossier existe, sans qu'il ait eu la possibilité de l'examiner.

Nous pensons que c'est pour cette seule raison que les tribunaux acceptent d'office la production des dossiers. Il faut conclure qu'il est impossible de déterminer la pertinence qu'il y ait divulgation, et dès lors qu'il y a divulgation, il n'y a pas plus de protection de renseignements personnels.

En second lieu, pourquoi le privilège protégerait-il mieux les dossiers thérapeutiques? Je vous explique d'entrée de jeu que notre association prône l'octroi du privilège pour des parties bien définies - comme par exemple les clients de psychiatres, de psychologues et de travailleurs sociaux. Il faudrait également qu'il y ait des exceptions bien définies, tels que les cas où la divulgation devient nécessaire pour établir l'innocence d'un accusé.

Pourquoi le gouvernement fédéral devrait-il créer un privilège? Dans son préambule, le projet de loi porte que l'un des objectifs du Parlement, c'est de protéger les droits des victimes de violence sexuelle ou d'abus sexuel. La création du privilège permettrait la crédibilité. En effet, les victimes pourraient suivre des thérapies sachant fort bien que leurs dossiers resteraient confidentiels et privés.

La Cour suprême des États-Unis créait en 1996 un privilège s'appliquant à tous les dossiers de patients en psychothérapie. La cour établissait que, lors de conversations confidentielles, le participant doit pouvoir savoir que ces discussions seront protégées et que c'était la raison pour laquelle il faudrait établir un privilège.

Actuellement, et comme le prévoit également le projet de loi C-46, les victimes doivent comparaître, habituellement deux fois, devant les tribunaux avant de savoir si les dossiers qui les concernent seront divulgués à l'accusé: la première fois, c'est pour définir le critère de la pertinence probable, puis, si le juge ordonne la communication des dossiers, au moment de la deuxième étape du critère. Cela se fait d'habitude à des moments différents et cela exige donc beaucoup de temps de la part de la victime, tout en lui coûtant très cher.

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Enfin, j'aimerais mettre en lumière un des éléments très importants de notre mémoire. Si l'on souhaite que les victimes puissent participer de plein droit à cette démarche, il faudra libérer des fonds pour que ces victimes puissent se préparer puis se présenter en cour, souvent deux fois, pour bien défendre leur position.

Merci.

La présidente: Merci.

Docteur Merskey.

Dr H. Merskey (à titre personnel): Merci, madame la présidente.

Je suis ici, en effet, à titre personnel. J'aimerais d'abord faire deux ou trois observations, puis vous expliquer quel est mon domaine d'expérience, après quoi je terminerai mes principaux arguments.

Les cas d'exploitation sont communs, très communs. Personne ne le nie. Mais il existe aussi un certain nombre de fausses accusations, comme on le constate de plus en plus souvent, et dont je parlerai plus en détail sous peu. J'aimerais toutefois vous parler de la mémoire retrouvée et des fausses accusations se fondant sur cette mémoire retrouvée.

Je ne traiterai pas ici du projet de loi dans le cadre d'accusations qui sont contemporaines et qui découlent d'agressions survenues alors que la victime en a toute conscience. Il y a longtemps, on n'aurait jamais songé à parler de mémoire retrouvée dans ces deux cas. Voilà ce que je voulais souligner.

Si je suis qualifié pour vous en parler, c'est que je travaille comme psychiatre depuis plus de 40 ans. Je me suis intéressé notamment, et non pas principalement, aux cas d'hystérie parmi mes patients, de même qu'aux cas de troubles dissociatifs ou aux troubles de conversion c'est-à-dire aux maladies qui dépendent essentiellement du fait que le patient croit ou pense qu'il a fait quelque chose de mal. Cela n'a rien à voir avec l'hypochondrie, puisqu'il s'agit ici d'une fausse idée de la maladie, c'est-à-dire d'une maladie artificielle.

J'ai écrit une trentaine d'articles là-dessus publiés dans des journaux spécialisés dans des disciplines connexes et publiés également sous forme de chapitres dans des livres. J'ai également écrit un livre sur l'hystérie, intitulé The Analysis of Hysteria, qui en est actuellement à sa deuxième édition et qui est publié par le Collège royal des psychiatres de Grande-Bretagne, par le truchement de Gaskell Press. J'ai également fait beaucoup de travail sur les maladies qui affectent physiquement le cerveau et certains aspects de la mémoire qui sont associés, ce qui me permet de faire le lien avec les faux souvenirs.

À la suite de la publication d'un article critiquant sévèrement les troubles de personnalités multiples, on m'a demandé de me joindre à la Fondation du syndrome de la mémoire fictive en tant que membre de son conseil consultatif scientifique composé de gens de grande expérience et de scientifiques très distingués dont la fréquentation m'honore.

Dans les documents que je vous ai fait transmettre, vous trouverez un version abrégée de mon curriculum vitae de même qu'une lettre que j'ai envoyée à M. Rock et le résumé de mon témoignage que j'ai fait parvenir hier à M. Dupuis par télécopie, faute de temps pour en faire plus. Je regrette de ne pouvoir vous fournir un mémoire plus structuré, mais j'espère que ces deux documents descriptifs répondront à vos attentes.

Je vous fait tenir également copie d'un article publié dans le American Journal of Psychotherapy portant sur la déontologie des souvenirs retrouvés. Si le sujet m'intéresse, c'est que j'ai pris souvent part à des procès civils dans des causes associées à la douleur chronique, qui est également un de mes sujets d'intérêt. Vous comprendrez que tous ces domaines d'intérêt me sont dictés par ma fascination à l'égard du lien qui existe entre le corps et l'esprit, et c'est ce qui explique peut-être pourquoi une personne peut s'intéresser à des sujets qui semblent aussi disparates.

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Lors de toutes les procédures civiles auxquelles j'ai pris part, mes patients ont vu leur dossier communiqué à la partie adverse. C'est inévitable. Au début, je trouvais cela déplaisant, et ce l'est toujours encore parfois. Mais aujourd'hui, je suis habitué à ce que des avocats me demandent de leur fournir des copies des dossiers que je détiens sur leurs clients, et qui pourraient leur servir dans leur défense lorsqu'il y a action en dommages et intérêts. Cela donne parfois des résultats injustes pour mes patients. À l'occasion, il se trouve des renseignements dans les dossiers, qu'il s'agisse des miens ou de ceux des médecins de famille, ce qui est souvent le cas - que les avocats de la défense peuvent exploiter au détriment de mon patient. Ce ne sont pas nécessairement des renseignements qui ont directement trait à l'affaire, mais il y a parfois d'autres renseignements qui réussissent à convaincre mes patients de ne pas comparaître devant les tribunaux au cas où quelqu'un, par exemple, un conjoint, apprendrait un écart de conduite de leur part. Même si on leur promet qu'il n'y aura aucune mention de ces renseignements, la simple éventualité incite parfois mes patients à se retirer.

Tout bien considéré, j'estime que les intérêts de la justice sont beaucoup mieux servis par l'existence de ces documents que par leur absence. Dans le domaine pénal, j'ai participé à 10 procès où l'accusé avait été inculpé sur la foi de souvenirs retrouvés, et il se trouve qu'aucun d'entre eux n'a été trouvé coupable. Le taux d'acquittement semble progresser. J'ajouterai que dans les affaires où j'ai été mêlé, l'acquittement a été en grande partie attribuable à l'existence de dossiers pertinents.

Permettez-moi de digresser un instant pour parler de ces souvenirs retrouvés. On a dit que si les mauvais traitements dans la petite enfance avaient été plus ou moins graves, le souvenir sera refoulé dans l'inconscient parce que l'individu ne peut pas y faire face et ce n'est que plus tard, grâce à la thérapie, qu'il sera ramené à la surface. C'est une théorie à laquelle souscrit la psychiatrie depuis une centaine d'années, qui remonte aux premiers écrits de Freud et qui se heurte aujourd'hui à beaucoup de difficultés au point d'être presque discréditée.

À notre avis, la théorie des souvenirs retrouvés n'a pas été prouvée, est très difficile à prouver et manque de crédibilité. D'ailleurs, les méthodes employées ces dernières années sont notoirement insuffisantes et dénuées de professionnalisme. Elles font largement appel à la suggestion et se sont soldées par de nombreux scandales dans le monde anglophone ainsi qu'en Hollande et dans certains pays scandinaves. La majorité des spécialistes de la mémoire en psychologie et la majorité des psychiatres universitaires sont sans doute convaincus aujourd'hui que l'on ne peut se fier à la mémoire retrouvée.

J'attire ici votre attention sur la position adoptée par l'Association des psychiatres du Canada, que vous devriez avoir - je pense que c'est le cas, si je pose la question à M. Dupuis - et qui montre notamment que les souvenirs retrouvés, s'ils sont admis en preuve, ne sont fiables que s'ils sont solidement corroborés. La procédure, vous le savez mieux que moi, permet de prononcer une condamnation sans corroboration. La plupart des causes de souvenirs retrouvés se déroulent ainsi: s'il y a condamnation, elle se fera sur la foi du témoignage du malade et du spécialiste ou de l'expert qui dira que les affirmations sont crédibles, que les choses peuvent se produire ainsi. Cela ne peut pas vraiment se passer ainsi, mais c'est ce qui a été dit.

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Dans ce projet de loi, pour moi, c'est l'enquête préliminaire qui est déterminante. C'est à ce moment-là que l'avocat de la défense pourra chercher à découvrir si l'on a usé de méthodes qui risquent de donner lieu à des souvenirs fictifs. Cela prend du temps. Cela ne se fait pas en une heure. Souvent, les dossiers sont longs, et il faut du temps pour passer à travers.

Dans la lettre que j'ai fait parvenir à M. Rock, dans laquelle j'évoque le cas de quelqu'un de London en Ontario qui a suivi un traitement à Ottawa, il y a eu plus de 900 heures de traitement - payées par le RAMO, au fait - où il a été possible de démontrer à partir des dossiers qu'on avait suggéré de façon spéculative un nombre remarquable de souvenirs non prouvés. Lorsque l'on a examiné les faits sur lesquels devaient reposer ces souvenirs, par exemple l'assertion que la plaignante avait, à plusieurs reprises, été violée par son père et avait subi une interruption de grossesse à l'âge de 14 ans sans anesthésiant, des dossiers médicaux ont montré que cela était très peu vraisemblable. C'est le moins qu'on puisse dire. Il n'y avait aucune preuve qu'elle avait jamais été enceinte, comme il aurait dû y en avoir.

Cette documentation ne peut donc pas être employée efficacement sans retarder davantage les procès si l'on veut que cela se fasse à l'écart d'une enquête préliminaire. Ça me semble fondamental. Le changement recommandé dans le projet de loi se contente d'attaquer le processus actuel d'une façon qui occasionnera forcément des difficultés qui seront à nouveau soumises à la Cour suprême. Des avocats me disent que cela mènera fatalement à invalider le projet de loi actuel.

D'après mon expérience personnelle, dans la demi-douzaine d'affaires auxquelles j'ai été mêlé, les notes du thérapeute ont été déterminantes pour comprendre ce qui s'était passé. Dans un cas, lorsque les notes du thérapeute n'ont pas été mises entièrement à ma disposition, il est clair que le jury a mis beaucoup de temps à former son avis. Le résultat aurait été beaucoup plus rapide si nous avions eu connaissance de tous les éléments du dossier, depuis l'origine des allégations, dont certaines étaient ridicules, comme l'allégation d'attouchement sexuel dont la personne disait se souvenir depuis l'âge de 12 mois.

Je l'ai déjà dit, ce problème est répandu. Aux États-Unis, des études sociologiques - l'une en particulier d'une ville assez représentative, Peoria en Illinois - montrent que dans 40 p. 100 des cas d'allégations de viol, la police détermine qu'elles sont fausses soit à cause de l'absence de faits corroborants soit à la suite d'aveux. Si c'est ce qui arrive avant même que l'affaire ne soit jugée, il y en a d'autres, fictives, qui sont entendues et peut-être rejetées par le tribunal.

Nous ne possédons pas de données sur le nombre de gens à qui l'on a suggéré des souvenirs fictifs, mais des projections basées sur des enquêtes auprès de thérapeutes montrent que jusqu'à 1 p. 100 de la population américaine - et j'imagine autant au Canada - ont suivi des thérapies qui ont de fortes chances d'aboutir à des souvenirs fictifs et c'est sans doute ce qui est arrivé. Cela représente une famille sur 25. Il suffit de lire les journaux pour voir que ces cas apparaissent partout sur le continent.

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L'usage de la mémoire retrouvée est nuisible à la psychiatrie. C'est un concept avancé par des gens qui, souvent, ne sont pas des professionnels. Comme psychiatre, je peux vous dire que mes dossiers sont l'un de mes principaux instruments. Je m'en sers et je ne les détruis pas. D'ailleurs, je n'en ai pas le droit.

J'estime que d'autoriser des gens à créer des dossiers sans que l'on puisse examiner leur expertise et leur professionnalisme dans le domaine serait une atteinte aux normes de la profession. Je ne me prononcerai pas sur ce que cela implique pour la loi.

Madame la présidente, je recommande donc que le bill ne serve pas à modifier l'arrêt O'Connor de la Cour suprême, qui a fixé une démarche très minutieuse et très prudente pour respecter aussi bien la confidentialité que les droits de l'accusé.

La présidente: Merci.

Pour mettre les choses en contexte - c'est une observation de ma part - je dirai qu'en 15 ans d'exercice du droit pénal, je n'ai jamais vu un cas d'allégation de mémoire retrouvée ou quiconque se présenter devant le tribunal après avoir soi-disant retrouvé ses souvenirs. Je le dis uniquement pour que l'on comprenne bien les chiffres.

M. Merskey: Puis-je répondre à cela?

La présidente: Bien sûr.

M. Merskey: Le concept de la mémoire retrouvée remonte en fait à la fin des années 80 et s'est répandu au début des années 90. Je ne sais pas quel lien cela a avec votre pratique.

La présidente: Je peux vous dire ceci: je ne l'ai jamais vu en 15 ans. Je peux vous dire que chaque dossier dans presque toutes les affaires auxquelles j'ai été mêlée a été examiné, parce que c'est ce que stipulait la loi pendant la plus grande partie de cette période.

[Français]

M. Landry (Lotbinière): Ma question s'adresse à M. Drewry. Au début de votre exposé, vous avez dit que le projet de loi C-46 était un point de départ, mais qu'il n'allait pas assez loin. Dans quel sens ne va-t-il pas assez loin sur le plan technique?

[Traduction]

M. Drewry: L'ACSN estime que le privilège législatif devrait être accordé à ce type de preuves. Ce serait préférable au projet de loi C-46, qui dit que ces preuves sont admissibles si elles sont pertinentes. La raison pour laquelle nous ne pensons pas que la pertinence soit un bon critère est que celle-ci ne peut être établie tant que le dossier n'est pas divulgué. Or, dès qu'il est divulgué, la confidentialité n'existe plus.

Avec le privilège, par contre, il appartiendra à l'accusé de prouver qu'il existe des circonstances exceptionnelles pour que l'on passe outre au privilège.

Par exemple, si le dossier du thérapeute contenait un aveu que la plainte avait été montée de toutes pièces, ce serait un exemple, selon nous, de cas où l'on devrait passer outre au privilège.

Le nombre d'exceptions serait relativement petit. Une fois que des éléments de preuve ont été communiqués, même pour déterminer leur pertinence, la confidentialité n'existe plus et un grand tort est causé, déjà à cette étape, au malade et au plaignant.

[Français]

M. Landry: Mon autre question s'adresse au Dr Merskey. Docteur Merskey, vous qui avez travaillé avec des patients souffrant de problèmes psychiatriques, trouvez-vous que les tribunaux collaborent très bien avec vous lorsqu'ils font une recherche ou doivent rendre un jugement? Comment voyez-vous les cours face à votre profession?

[Traduction]

M. Merskey: J'ai été appelé comme témoin. J'ai donc subi l'interrogatoire et le contre-interrogatoire.

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Je ne trouve pas que cela contribue directement à la recherche, et je n'ai pas moi-même entrepris de travaux de recherche de concert avec un tribunal.

J'ai peut-être mal compris ce que vous me demandez. Vous pourriez peut-être étoffer votre question.

[Français]

M. Landry: Vous avez à défendre des cas et à les présenter. Trouvez-vous que la cour collabore efficacement avec vous afin d'en arriver à un jugement juste et équitable?

[Traduction]

M. Merskey: Oui, je pense que les tribunaux ont coopéré mais pas tant avec moi qu'avec les avocats de la défense qui ont pu obtenir les dossiers qu'ils souhaitaient. Dans un ou deux cas, l'hôpital où je fais une partie de mon travail n'avait pas de dossiers acceptables. Je ne pense pas que le problème vienne du fait que le tribunal hésite à apporter son aide pour obtenir les dossiers.

La présidente: Monsieur Ramsay, vous avez 10 minutes.

M. Ramsay (Crowfoot): Merci, madame la présidente. Je tiens à remercier nos témoins.

C'est le syndrome des souvenirs fictifs qui m'inquiète à propos de ce projet de loi. Il y a eu des cas au pays, dont un à Saskatoon, où des enfants - je ne pense pas qu'il s'agissait de souvenirs fictifs - ont affirmé qu'il leur était arrivé des choses horribles et que d'autres enfants avaient été assassinés et disséqués en leur présence. Il n'y avait aucune preuve, pourtant, un de ceux qui travaillait à la garderie a été condamné.

D'abord, il faut évidemment que la preuve pertinente soit mise à la disposition de la défense et, ensuite, dans les cas d'agression sexuelle, empêcher que la victime ne subisse à nouveau, inutilement, un contre-interrogatoire sur des éléments de preuve non pertinents.

Docteur Merskey, pensez-vous que ce projet de loi empêchera les avocats de la défense d'obtenir des renseignements pertinents à propos de ces cas de mémoire retrouvée.

M. Merskey: Oui, je le pense. Je pense que l'information ne sera communiquée qu'à la dernière minute, si elle l'est, ce qui rendra difficile, voire impossible, de se servir des documents. Peut-être le juge devrait-il à nouveau retarder le procès. Cela ne fera l'affaire de personne.

M. Ramsay: Mais comprenez-vous l'objet du projet de loi? Comprenez-vous ce que l'on essaie de faire dans les cas habituels de plaintes d'agression sexuelle aujourd'hui? On essaie d'empêcher que des renseignements non pertinents ne soient communiqués à l'avocat de la défense à une étape ou à une autre, qu'il s'agisse d'une audience à huis clos ou d'une séance publique. Le comprenez-vous?

M. Merskey: Je pense que oui. Ce n'est pas très loin de l'arrêt O'Connor, sauf pour le cas de l'enquête préliminaire.

Ce n'est pas très loin des intentions de la Cour suprême non plus. Si j'ai bien compris, la Cour suprême a exposé les choses très clairement. Même avant que la décision de la Cour suprême ne soit rendue, j'ai pris connaissance de dossiers médicaux consultés par un juge. Quatre-vingt-quinze pour cent du texte avait été soigneusement caviardé par le juge parce qu'il avait estimé que ce n'était pas pertinent. J'ai trouvé que ce qui restait du texte était tout à fait approprié et j'imagine que ce qui a été caviardé l'avait été à bon escient.

.1215

M. Ramsay: Ce matin, nous avons entendu des témoins nous parler du critère de la pertinence. Nos témoins à Edmonton nous en parlé aussi. Si j'ai bien compris, le critère de la pertinence n'empêche pas l'avocat de la défense d'avoir accès à des éléments d'information qui ne sont pas pertinents. Il semble donc y avoir un problème ici.

Voici ma question. La plupart de vos réserves à propos du projet de loi disparaîtraient-elles si l'on apportait un amendement qui autoriserait l'examen, prévu dans le projet de loi, des renseignements enregistrés, à l'étape de l'enquête préliminaire?

M. Merskey: Oui.

M. Ramsay: Bon. Donc, ce qui vous préoccupe, ce n'est pas le processus qui sert à déterminer la pertinence; vous voulez que ce critère soit exclu suffisamment tôt pour être entendu à l'enquête préliminaire.

M. Merskey: C'est ça.

M. Ramsay: Bon. Vouliez-vous ajouter quelque chose?

M. Merskey: Les criminalistes trouveront peut-être que ce que je viens d'accepter est trop généreux, mais après avoir pris connaissance du projet de loi et compris les problèmes, il me semble que le plus grand est celui de l'enquête préliminaire.

M. Ramsay: Dans l'intérêt du plaignant, si les tribunaux ne respectent pas le critère de la pertinence et admettent en preuve des renseignements qui ne sont pas du tout des preuves parce qu'ils ne sont pas pertinents, il y a de quoi s'inquiéter.

Je voudrais demander à nos témoins d'Edmonton de dire ce qu'ils en pensent. Est-il vrai que les juges ou ceux qui passent en revue les dossiers pour déterminer s'ils sont pertinents disent seulement qu'ils n'osent pas leur refuser quoi que ce soit parce que cela pourrait être pertinent? C'est cela que vous nous dites?

Mme Marshall: Je vais dire quelque chose à ce sujet pour faire suite à ce que j'ai dit tout à l'heure à propos des observations de la juge L'Heureux-Dubé dans l'affaire Carosella selon lesquelles les tribunaux inférieurs autorisent automatiquement ces dossiers sur la foi du critère de la pertinence probable.

Dans une affaire à laquelle j'ai été mêlée, effectivement, le dossier a été admis en vertu du critère de la pertinence probable. Le procureur est venu me dire que je devrais être reconnaissante, parce que sans cela l'accusé se voyait donner des motifs d'en appeler. Ça me semble être une tactique courante actuellement.

M. Ramsay: À ce propos-là, qu'est-ce que le projet de loi viendra changer? C'est peut-être la raison pour laquelle vous voulez qu'on ait recours au privilège plutôt qu'au critère de pertinence.

J'aimerais que vous nous expliquiez pour les besoins du compte rendu, que nous pourrons lire et étudier par la suite, la différence que vous voyez entre le critère de pertinence et celui du privilège.

Mme Marshall: Eh bien, le privilège est bien différent de la pertinence probable. Dans le deuxième cas, c'est à l'accusé de prouver. Que ce soit en vertu de l'affaire O'Connor ou du projet de loi C-46, c'est à l'accusé de présenter des renseignements qui établiront la pertinence probable. On n'a pas interprété cela comme un critère très exigeant.

À l'inverse, dans le cas du privilège, il existe une présomption en droit que le document n'est pas admissible. C'est un privilège générique.

Comme nous l'avons dit, il y a des exceptions très précises à cela. Par exemple, prenez le privilège de la police et de l'indicateur, qui est un privilège très bien établi en droit. L'exception c'est que cet élément peut être admis s'il est nécessaire pour montrer l'innocence de l'accusé. Dans ce cas, il y aura une protection générique, qui est la même que pour les dossiers médicaux. On sait qu'ils ne pourraient pas être admis sauf en cas de circonstances et d'exceptions précises.

Cela vous convient comme explication?

M. Ramsay: Oui, merci.

.1220

Vous avez aussi dit que parce que le procureur, et en particulier le juge ainsi que l'avocat de la défense, n'auraient pas connaissance de la totalité des éléments du dossier, il serait difficile pour eux de déterminer la pertinence.

Par rapport à quoi l'information consignée dans ces documents serait-elle pertinente? Comment procéderait-on si le critère de la pertinence probable était remplacé par celui du privilège?

M. Drewry: Dans le cas du privilège, comme Mary l'a dit, nous partons du principe que la preuve n'est pas admissible. Si l'accusé peut montrer soit au moment du contre-interrogatoire du plaignant ou d'autres témoins que l'accusation est montée de toutes pièces ou, pour reprendre l'exemple du Dr Merskey, qu'il s'agit du syndrome des souvenirs fictifs, le tribunal peut alors, s'il estime qu'il y a des motifs raisonnables de le croire, passer outre au privilège. Mais le point de départ est que les éléments de preuve ne sont pas admissibles. Les soignants, les plaignants, etc., au moment où les soins sont donnés sauraient qu'il y a de fortes chances que ce qui est dit entre les quatre murs du bureau du thérapeute, serait confidentiel.

Cela serait très utile dans la thérapie. Ce serait très consolant pour la victime, lorsque celle-ci commence à recevoir des traitements après le crime.

La présidente: Votre temps est écoulé, monsieur Ramsay.

M. Ramsay: Merci.

La présidente: Monsieur Telegdi.

M. Telegdi (Waterloo): Merci, madame la présidente.

J'ai eu l'occasion de lire rapidement le document du Dr Merskey, Adult Recovered Memories of Childhood Sexual Abuse. Il me semble avoir lu que, dans de nombreux cas, des accusés ont été acquittés et des thérapeutes poursuivis en justice. Vous serait-il possible de faire des recherches pour voir combien il y a de ces cas et de nous transmettre des renseignements à ce sujet?

Au sujet de la loi, ce qui me trouble dans la thèse que vous préconisez, c'est que dans des situations normales, il n'y a pas de perte de mémoire associée aux agressions. Si vous lisez certains ouvrages de psychologie... Vous avez mentionné Freud. J'ai trouvé cela intéressant. J'ai lu ces ouvrages dans mes cours de psychologie de premier cycle et, à mon grand étonnement, j'ai constaté que certaines de ces théories étaient complètement dingues.

Dans le cas des souvenirs refoulés, si un thérapeute incompétent aide quelqu'un à recouvrer la mémoire d'un événement, on pourrait penser, logiquement, que le tribunal ne fait plus seulement affaire avec le plaignant. Il faut également traiter avec le thérapeute, puisque c'est lui qui a aidé la personne à se souvenir des événements. Dans ce cas, j'estime que les propos du Dr Merskey sont très pertinents.

Vous en avez fait mention de façon très limitée. Vous dites qu'il s'agit de cas d'exception. Il est essentiel, à mon avis, que dans les cas de mémoire recouvrée, on traite également avec le thérapeute.

Il serait alors essentiel de vérifier la crédibilité du thérapeute ainsi que la méthode utilisée pour produire ces résultats. Cela ne concerne peut-être que peu de cas, mais je me souviens avoir lu de nombreux exemples dans lesquels les thérapeutes ont été jugés responsables d'avoir causé la persécution.

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Qu'en pensez-vous, docteur Merskey? Je demanderais également à vos collègues de me dire ce qu'ils en pensent. Vous pouvez même critiquer un peu vos collègues, si vous le voulez.

M. Merskey: Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous avez dit. Je ne vois pas ce que je pourrais y ajouter.

Il est vrai que des gens ont été choqués d'apprendre que ces thérapeutes - aux États-Unis, pas au Canada - ont été reconnus responsables, parfois dans une très vaste mesure, de poursuites intentées au civil. Le nombre de ces cas s'est accru.

J'aimerais revenir à votre remarque sur le défi à mes collègues. Il y a en fait deux étapes à cette question de la pertinence et de la communication des dossiers. Dans un premier temps, les renseignements personnels sont transmis, mais au juge seulement. Il est peut-être vrai que tous les dossiers sont communiqués pour examen. C'est au juge qu'il incombe ensuite de protéger leur confidentialité en décidant quels éléments de ces dossiers seront utilisés.

La confusion vient de ce qu'on ne fait pas la distinction entre la divulgation des renseignements au juge et la divulgation de ces mêmes renseignements à la défense et à quiconque entend l'affaire.

Je m'arrête ici.

M. Telegdi: J'invite nos témoins d'Edmonton à réagir à mes observations.

Mme Marshall: Au Canada, je ne connais pas de causes criminelles où des gens ont été condamnés sur la foi du syndrome des souvenirs recouvrés. J'ajouterai que dans tous les cas dont je me suis occupée et pour lesquels j'ai au l'occasion d'examiner des dossiers dans le contexte du droit pénal le problème des souvenirs recouvrés ne s'est jamais posé.

M. Drewry: Il serait sans doute utile de voir combien il y a de cas de souvenirs fictifs recouvrés au Canada. Nous serions aussi intéressés que le député, sans doute, à savoir ce qu'il en est.

Comme l'a dit le Dr Merskey, nous croyons que ces cas sont loin d'être fréquents. Par contre, nous savons que les dossiers thérapeutiques sont couramment utilisés par les tribunaux dans les cas de plaintes d'agression sexuelle. Nous en sommes à peu près certains.

Je suis avocat, tout comme Mary. J'estime que le projet de loi est extrêmement complexe. Je ne vois pas comment les thérapeutes pourront comprendre cette mesure législative et respecter les critères de confidentialité de façon réaliste lorsque les victimes frappent à leur porte. Je ne vois pas comment ils pourront savoir si ce qui est révélé dans leur bureau sera traité comme un renseignement privé et confidentiel.

C'est tout ce que j'avais à ajouter.

La présidente: Monsieur Telegdi, avez-vous d'autres questions?

M. Telegdi: Oui, madame la présidente.

Ces cas sont peut-être très rares, s'il y en a, mais je sais que de tels cas se sont produits aux États-Unis car j'ai lu quelque chose à ce sujet. Pour moi, lorsque quelqu'un a oublié un événement et qu'un thérapeute l'aide à recouvrer la mémoire, le thérapeute devient si intimement lié aux souvenirs retrouvés qu'il faudrait appliquer des critères différents. Le thérapeute devrait de toute évidence participer au processus pour établir ce lien.

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D'après votre expérience des tribunaux, si je vous dis qu'un événement s'est produit antérieurement et que je m'en suis souvenu grâce à la thérapie, il faudrait bien sûr établir ce lien, n'est-ce-pas?

La présidente: Je ne saurais répondre pour les témoins, mais j'ai exercé pendant 15 ans devant les tribunaux et je n'ai jamais vu de tels cas.

M. Telegdi: Je ne parle pas de votre expérience personnelle. Si quelqu'un déclarait qu'un événement s'est produit il y a 20 ans, qu'il l'avait complètement oublié et que, grâce à l'aide d'un analyste, il a pu en retrouver le souvenir, ne serait-il pas logique que les tribunaux traitent une telle affaire différemment du cas d'une autre personne se plaignant d'un événement dont elle n'a pas perdu le souvenir?

La présidente: Contrairement à ce que certains semblent croire, je ne crois pas que la loi écarte le critère de ce genre de preuve.

Madame Torsney.

Mme Torsney (Burlington): Merci.

Ma première question s'adresse aux représentants de l'Association canadienne pour la santé mentale.

Si j'ai bien compris, on a d'une part certains cas de syndrome de souvenirs fictifs, d'autre part des cas de syndrome des souvenirs recouvrés. Par contre, vous dites, si je ne m'abuse, que dans à peu près tous les cas les dossiers sont communiqués, si on les réclame. Est-ce exact?

M. Drewry: C'est du moins ce que nous disent les procureurs de la Couronne, les avocats de la défense, les thérapeutes et d'autres personnes.

Mme Torsney: D'autres témoins, des experts qui ont traité un certain nombre de cas, disent que c'est également un de leurs problèmes.

Docteur Merskey, je ne suis pas certaine de vous avoir bien compris. Avez-vous dit au début de votre allocution qu'il existe de nombreux cas de fausses accusations?

M. Merskey: Oui.

Mme Torsney: Cela signifie donc que cela se produit fréquemment?

M. Merskey: C'est très fréquent.

Mme Torsney: Cela représente quel pourcentage de tous les cas signalés, 50 p. 100, 60 p. 100, 75 p. 100, 100 p. 100...?

M. Merskey: Nous n'avons pas de chiffres, mais...

Mme Torsney: À votre avis?

M. Merskey: Permettez-moi de vous donner des exemples. En toute conscience, je ne saurais dire s'il s'agit de 30 p. 100 ou de 60 p. 100, les exemples vous seront plus utiles.

Plus de 1 400 familles canadiennes ont communiqué avec la False Memory Syndrome Foundation. Cela signifie que des membres de ces familles estiment que les accusations ne tiennent pas debout.

On conseille à beaucoup de gens de ne rien dire lorsqu'ils font l'objet de fausses accusations. Les avocats disent à leurs clients que la seule chose à faire c'est de ne rien dire avant d'arriver au tribunal.

Nous ne savons pas, et rien n'existe pour en mesurer l'ampleur, jusqu'où va la fausse accusation fondée sur la mémoire recouvrée. Nous ne connaissons le cas que de 1 400 familles canadiennes. Aux États-Unis, il y a trois ans, la False Memory Syndrome Foundation avait déjà été saisie de 20 000 cas; cela se poursuit toujours, quoique le nombre de nouveaux cas a diminué quelque peu dernièrement.

Il y a les scandales sur les enfants victimes de sévices et de fausses accusations dans le cadre de pareils scandales. Nous avons connu notre Martensville, la Grande-Bretagne a connu son Cleveland, il y a eu une douzaine de procès aux États-Unis et dont huit environ ont été annulés.

Le livre de Mark Pendergrast, Victims of Memory est une source excellente et très équitable où l'on trouve facilement ces renseignements.

Mme Torsney: Docteur Merskey, ce n'est pas que je veuille vous interrompre, mais je dois quand même le faire. Je vous remercie pour tous ces renseignements; mais la situation est la suivante: d'après les études, nous savons que 6 p. 100 des femmes victimes d'agression sexuelle signalent le crime et se retrouvent peut-être au tribunal. Ce que vous nous dites aujourd'hui crée l'impression qu'il y a peut-être des milliers - c'est du moins ce que je comprends lorsqu'on me dit qu'il y a «tout lieu de croire» - de fausses accusations portées et que c'est vraiment pratique courante, d'une part, autrement dit que tout est faux, tandis que, d'autre part, on nous dit qu'il n'y a que 6 p. 100 de celles qui ont été victimes d'agression sexuelle qui s'adressent aux tribunaux.

M. Merskey: Deux choses: tout d'abord, je ne sais d'où vous tirez vos chiffres. J'ai mes doutes et j'y reviendrai dans quelques secondes.

Deuxièmement, pour revenir à ce que vous dites, à mon avis l'agression sexuelle est un phénomène très courant. Je l'ai dit au départ. Les accusations fondées seront donc courantes. Mais je crois qu'une proportion beaucoup trop élevée de cas dont sont saisis nos tribunaux sont faux et qu'il y a donc des gens qui se retrouvent en prison sur de simples allégations de mémoire recouvrée. Je pourrais vous en fournir des exemples.

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Mme Torsney: Ce serait fantastique si vous pouviez le faire.

M. Merskey: Il y a le cas de M. E.S.B comparaissant devant le juge Stortini à Sault Ste. Marie, par exemple. La Cour d'appel de l'Ontario a précisé qu'elle ne pouvait pas annuler la décision en droit, mais qu'à son avis l'affaire lui semblait incroyable. Je ne fais que résumer et paraphraser.

Mme Torsney: Peut-être pourriez-vous nous envoyer une liste de ces cas.

M. Merskey: Absolument.

La présidente: Madame Torsney, votre temps est écoulé, mais on ne vous oubliera pas lors du prochain tour.

Monsieur Ramsay.

M. Ramsay: J'ai quelque chose à dire à ce propos. D'après l'information disponible au grand public à ce sujet, non seulement semble-t-il y avoir un fondement à cette théorie du syndrome des souvenirs fictifs, mais encore dans le cas de Martensville, il semble que les thérapeutes ou les enquêteurs ont influencé les enfants...

Mme Torsney: Il s'agissait de policiers.

M. Ramsay: ... à croire à des histoires qui n'avaient rien de réel.

Comment comparez-vous ces deux choses, docteur Merskey, c'est-à-dire la théorie du syndrome des souvenirs fictifs, ou tout du moins le concept de la mémoire recouvrée où des gens se souviennent de choses qu'ils avaient oubliées depuis 25 ans ou plus et la situation dont nous avons été témoins dans le cas de Martensville et d'autres? D'après les enregistrements magnétophoniques dans certains de ces cas, à la première question posée faisant état de sévices ou d'attouchements, l'enfant répondait par la négative mais l'histoire change au fur et à mesure que l'enquêteur approfondi le sujet et pose de plus en plus de questions.

Tout d'abord, êtes-vous au courant de ces cas? Et deuxièmement, quelle est la différence ou la ressemblance entre ces deux phénomènes?

M. Merskey: Oui, je suis au courant de ces cas, monsieur.

Ce qu'il y a de commun, c'est que dans les deux cas il y a de la suggestion illégitime. Les questions sont posées de telle façon que l'on comprend que les réponses ne peuvent mener que dans une certaines direction. C'est tantôt subtil, tantôt avec obturation.

Dans le cas des enfants, on voit très bien que ça s'est beaucoup fait. Dans les cas de thérapie, il y a toute une gamme de possibilités. Tout ce mouvement provient de la conviction généralisée qu'il faut intenter des poursuites à tout prix dans les cas d'agression sexuelle, et qu'il faut trouver l'agresseur et le faire condamner à tout prix. À cela vient s'ajouter l'abandon des restrictions judiciaires traditionnelles dans la façon d'interroger les témoins et de réunir les preuves.

M. Ramsay: J'aimerais aller un peu plus loin que M. Telegdi. Si le processus qui permet de recouvrer la mémoire ou qui permet d'obtenir des déclarations d'enfants du jardin d'enfants qui ont quatre, cinq ou six ans débouche sur des poursuites criminelles, alors je dois donner raison à M. Telegdi dans ce cas, et vous savez que nous ne sommes pas souvent d'accord. Si l'on a enregistré l'interrogatoire, il faut présenter dans la séquence voulue la première question qui est posée et les questions subséquentes qui sont posées. Pour moi, ce serait là une preuve très pertinente. Sauf tout le respect qu'on vous doit, nos témoins disent que cette preuve doit être confidentielle.

Nos témoins d'Edmonton pourraient peut-être répondre à cela. Dans ces conditions, croyez-vous que cette preuve devrait être confidentielle?

Mme Marshall: Je ne connais pas assez bien ce cas. J'ignore dans quelle mesure les témoignages d'enfants qui se souvenaient ont été influencés par les thérapeutes. Est-ce qu'on a vu cela lors des interrogatoires au tribunal? Chose certaine, dans le projet de loi C-46, il n'est question que des dossiers thérapeutiques, et il y a plusieurs autres façons d'attester la validité de la preuve. D'où viennent ces preuves au sujet des souvenirs des enfants? Vous pouvez me le dire?

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M. Ramsay: Essentiellement, dans l'affaire de Martensville, on ne s'est pas servi des dossiers médicaux; on s'est servi de l'enquête de police. Je m'avance ici sur un terrain dangereux parce que je ne connais pas ce cas-là aussi bien, mais on a bel et bien eu recours à des psychiatres.

Dans d'autres cas où l'on avait fait des enregistrements, on a vu que les enfants à l'origine ont nié tout contact physique avec le personnel du jardin d'enfants qui a été plus tard inculpé. Il y avait une tendance évidente ici où au départ l'enfant niait mais après un interrogatoire soutenu, il admettait que quelque chose s'était passé. Dans ces cas-là, si je comprends bien votre point de vue et votre témoignage devant le comité aujourd'hui, cette preuve doit-elle rester confidentielle?

Mme Marshall: Ce que je comprends, moi, c'est que ces renseignements ont surgi non pas au cours de l'interrogatoire au procès, mais au cours de l'enquête policière avant le procès, et ces renseignements ont été corroborés par la suite par un expert avant le procès. L'expert a donné son opinion avant le procès.

Donc vous voulez savoir si tout cela a été présenté au tribunal où on a entendu des témoignages d'experts, ou si l'on a bien vu que c'était le cas lors du procès, est-ce que ces enregistrements ou ces dossiers devraient être admis en preuve ou devraient-ils être secrets? Oui, ils le seraient à moins que n'intervienne l'exception où l'on dit que cette preuve est nécessaire pour prouver l'innocence de l'accusé, par exemple.

M. Ramsay: D'accord. Je vous remercie.

Je n'ai plus de questions, madame la présidente.

La présidente: Merci. Madame Torsney.

Mme Torsney: Merci.

J'ai quelques questions pour vous, docteur Merskey. Vous avez témoigné dans plusieurs causes. Témoignez-vous habituellement pour la défense ou le plaignant?

M. Merskey: J'ai témoigné à dix procès criminels pour le compte de la défense et à un procès au civil pour la défense.

Mme Torsney: Et combien de fois pour le plaignant?

M. Merskey: Jamais.

Mme Torsney: Vous n'avez jamais témoigné pour le compte de la Couronne? J'imagine que c'est la même question.

M. Merskey: Non, je n'ai pas témoigné pour le compte de la Couronne, mais j'ai été consulté en fait par un collège médical au sujet d'une accusation et l'on a demandé mon conseil. Mais je n'ai pas témoigné.

Mme Torsney: S'agissait-il du procès Pilo?

M. Merskey: Non, ce n'était pas le procès Pilo. Au procès Pilo, j'ai témoigné à la demande des avocats du Dr Pilo. C'est un très bon exemple de la façon dont la presse traite parfois cette question avec méchanceté.

Mme Torsney: Pourquoi?

M. Merskey: En plein milieu du procès, une chroniqueuse de Toronto s'est permis de faire des observations sur l'admissibilité de certaines preuves. C'est compliqué à expliquer, mais c'est le genre de situation où l'on a tenté d'influencer publiquement le cours d'un procès. L'affaire est en appel.

Mme Torsney: Si je ne m'abuse, le Dr Pilo ne pratique plus la médecine parce qu'il a avoué sa culpabilité dans ces cas. N'est-ce pas exact?

M. Merskey: C'est exact. Il a avoué sa culpabilité et il a dit également qu'il avait plaidé coupable sur le conseil de son avocat. Il s'agissait d'une transaction pénale à caractère technique pour les besoins de l'Ordre des médecins et des chirurgiens de l'Ontario.

Mme Torsney: Comme s'il s'était rétracté ou quelque chose du genre?

M. Merskey: Non. Il a toujours dit qu'il était innocent, mais on lui avait dit qu'un plaidoyer de culpabilité était pour lui le moyen le plus sûr de s'en sortir.

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Si vous voulez entrer dans les détails, il s'agissait là d'un monsieur à qui une personne reprochait certaines choses tout à fait improbables. Il a plaidé non coupable. Son avocat était disposé à le défendre.

Mais lorsque les allégations sont parues dans la presse, quelques personnes se sont présentées et ont fait des allégations semblables mais assez contradictoires. Autrement dit, ce qu'ils disaient, c'était parfois ce qui était paru dans la presse, mais elles ont fait d'autres allégations qui se contredisaient à son sujet.

Son avocat lui a conseillé de plaider coupable parce qu'il serait reconnu coupable si tant de personnes lui en voulaient. Il disait qu'il était innocent, et il voulait plaider non coupable. Et il s'est alors adressé à un autre avocat.

L'autre avocat lui a dit qu'il le défendrait, et cet avocat a demandé des informations au premier avocat. Puis les deux lui ont dit: «vous êtes vieux, votre pratique ralentit parce que vous êtes cardiaque. Si vous plaidez coupable, vous serez réprimandé. Tout sera fini, et vous devrez renoncer à votre licence. Si vous plaidez non coupable, vous risquez d'être reconnu coupable, et l'on vous imposera aussi une lourde amende.» À contre-coeur, il a plaidé coupable, ayant reçu l'assurance que son plaidoyer de culpabilité ne pourrait être retenu contre lui dans un autre tribunal.

Maintenant, j'ai été attaqué personnellement par Michele Landsberg à cause de mon témoignage dans cette affaire sur le caractère des souvenirs retrouvés. À mon avis, cela relève un peu du journalisme de tabloïd. Je suis heureux que vous m'ayez permis d'en parler.

Merci.

Mme Torsney: Donc, dans les affaires civiles, vous dites que vous témoignez pour la défense. Est-ce que c'est généralement la compagnie d'assurances qui vous paie pour votre témoignage en faveur de la défense?

M. Merskey: Dans le cas du Dr Pilo, mes honoraires ont été payés par l'Association canadienne de protection médicale. Dans certains cas, c'était l'intimé lui-même qui me rétribuait, et dans d'autres cas, c'était l'Aide juridique.

Mme Torsney: Combien vous paie-t-on pour témoigner à titre d'expert?

M. Merskey: Eh bien, le tarif horaire peut être de 200 $, ce sont les honoraires normaux d'un témoin expert, ou le tarif horaire peut être de moins de 100 $ si c'est l'Aide juridique qui paie. Chose certaine, le gouvernement paie moins de 100 $, et en psychiatrie, on peut gagner à peu près 100 $ l'heure, avec l'assurance-santé de l'Ontario en tout cas.

Je n'y prends donc aucun plaisir, parce qu'en fait on perd de l'argent dans plusieurs cas, si l'on parle de revenus professionnels, parce qu'il y a des heures supplémentaires qui ne sont jamais rétribuées.

Mme Torsney: Donc, au total, dans une affaire normale, votre facture s'élève à quelque chose comme...?

M. Merskey: Elles varient entre 3 000 $ et 10 000 $, selon le temps qu'il fallait consacrer rien qu'au témoin de la défense, sans parler du coût pour les victimes innocentes.

Dans un cas où j'ai été obligé de renoncer à une bonne part de mes honoraires, la famille a dû réhypothéquer sa maison. Soit dit en passant, je suis resté deux semaines au tribunal pour ces honoraires aussi.

Mme Torsney: Pour 10 000 $?

M. Merskey: Moins que ça.

Mme Torsney: Puis-je poser une autre question? L'hystérie dissociative...?

M. Merskey: Exact.

Mme Torsney: Quel pourcentage d'hommes et de femmes? Quelle est la proportion de gens qui en souffrent?

M. Merskey: Les diagnostics d'hystérie concernent habituellement des femmes, probablement un ratio de 6 pour 1, mais cela varie selon les circonstances particulières...

Mme Torsney: Et c'est...

M. Merskey: Donc les gens qui diagnostiquent la personnalité multiple, qui est l'exemple dominant de nos jours, l'attribuent le plus souvent aux femmes. À mon avis, ces gens sont hostiles aux femmes parce qu'on ne devrait pas faire ce diagnostic. Ces gens qui se déclarent du côté des femmes, à cet égard, se trompent en fait.

Mme Torsney: Et je me demande, pensez-vous que si nous adoptons cette loi, les tribunaux n'auront jamais accès aux dossiers? Ou est-ce que je banalise votre témoignage?

M. Merskey: Non. On y aura accès la veille du procès, ce qui est un déni de justice, à moins que le procès ne soit ensuite ajourné.

Mme Torsney: D'accord. Et je remarque dans votre second paragraphe que vous dites vouloir restreindre l'accès aux dossiers médicaux et psychologiques à l'accusé ou à son avocat, et il semble que ceux qui exigent cela, ce sont les groupes féminins qui ont dit que l'invocation d'une telle preuve ne fait que pénaliser une deuxième fois les victimes. Mais pensez-vous que l'Association canadienne pour la santé mentale a quelque chose à voir avec ce problème aussi?

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M. Merskey: Je n'en sais pas assez pour le dire. Ce que l'association fait, c'est réagir à ces pressions, mais bien sûr, comme je l'ai dit au début de mon témoignage, les professionnels sont naturellement peu enclins à montrer leurs dossiers à d'autres.

Il ne fait aucun doute que l'association s'en préoccupe. Mais, comme vous l'avez entendu, la dame qui représentait ici l'association est sans doute payée pour défendre des gens qui ne veulent pas révéler leur dossier. Donc si vous voulez savoir ce que les gens y gagnent, il faut tenir compte de cela aussi.

Mme Torsney: Puis-je alors demander à l'Association canadienne pour la santé mentale - particulièrement à son avocate - si elle a adopté cette position parce qu'elle a été influencée en ce sens par de puissants groupes féminins?

M. Drewry: Absolument pas. Nous représentons ici ceux qui souffrent de troubles ou de traumatismes psychiques, qu'il s'agisse d'hommes ou de femmes, de victimes ou d'accusés. Nous disons que les mêmes règles s'appliquent aussi au dossier psychiatrique de l'accusé. Nous ne prenons pas parti, sauf que nous représentons, bien sûr - et nous ne le cachons pas du tout - des gens qui souffrent de troubles psychiques.

Mme Torsney: Puis-je vous demander à tous les deux s'il est pratique courante que, lorsque quelqu'un est accusé d'avoir agressé une autre personne, comme dans une bagarre dans un bar ou tout autre genre de scénario, d'exiger la communication au tribunal de tous les dossiers médicaux et psychiatriques?

M. Drewry: Je n'ai jamais entendu parler de ça. Je serais étonné si c'était le cas. D'après ce que j'en ai lu, ce n'est presque jamais le cas.

Mme Torsney: Donc quel autre genre d'accusations, autres qu'une agression sexuelle, dont sont victimes généralement des femmes et des enfants selon le témoignage du Dr Merskey, entraîneraient une demande pour la divulgation de tous les dossiers médicaux et psychiatriques ou les dossiers thérapeutiques?

M. Drewry: Un procureur de la Couronne serait mieux placé que nous pour vous répondre, mais d'après ce que nous savons, cette pratique se limite presque exclusivement aux cas d'agression sexuelle ou de sévices infligés à un enfant, ou peut-être, dans une certaine mesure aussi, aux différends concernant la garde d'un enfant lorsque des couples divorcent.

Mme Marshall: Cependant, dans le contexte criminel, dans tous les cas dont j'ai été témoin où l'on exigeait la production des dossiers, il s'agissait toujours d'agression sexuelle ou de sévices sexuels.

Mme Torsney: On aurait donc tort de conclure qu'il existe une iniquité quelconque dans le système, étant donné que de manière générale, les victimes d'agression sexuelle sont des enfants ou des femmes, et dans les autres cas, des victimes d'autres genres d'agressions, dans les bars ou ailleurs, sont généralement des hommes? N'y-a-t-il pas un déséquilibre quelconque quant à la méthode de communication des dossiers, aux raisons pour lesquelles on demande ces dossiers, ou le simple fait qu'on les demande?

M. Drewry: Eh bien, j'imagine qu'on pourrait conclure cela. Ce n'est pas ce que nous essayons de prouver ici. J'imagine que c'est une conclusion qu'on pourrait tirer de la pratique qui se fait. Mais parlons franchement, c'est une pratique normale que suivent les avocats de la défense dans les affaires criminelles...

Mme Torsney: Pourquoi?

M. Drewry: ... qui veulent obtenir ces dossiers.

Mme Torsney: Pourquoi?

M. Drewry: Et on s'en sert contre la victime. C'est humiliant et c'est très décourageant. C'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles seulement 6 p. 100 des agressions sont signalées.

Mme Marshall: Plusieurs avocats de la défense m'ont dit que lorsqu'ils demandent à voir les dossiers, c'est parce qu'ils se rendraient coupables de négligence s'ils ne les demandaient pas, depuis le jugement O'Connor. Ils pensent que dès qu'ils apprennent que la victime a reçu des soins thérapeutiques, ils ont l'obligation de demander à voir les dossiers. D'après mon expérience, je crois que c'est une opinion répandue parmi les avocats de la défense.

Mme Torsney: Voici ma dernière question. Pensez-vous que si cette loi est adoptée, et si l'on découvre un jour que le syndrome de la mémoire retrouvée ou des souvenirs fictifs existe, il deviendrait impossible d'avoir accès à ces dossiers?

M. Drewry: Non, pas du tout; je pense que non. Et je pense que le projet de loi C-46, dans une large mesure, ne fait qu'adopter la pratique courante et la codifier. Je ne crois pas qu'il y ait là quoi que ce soit de révolutionnaire, c'est un progrès.

Mme Torsney: Merci.

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La présidente: Merci. Nous avons terminé. Merci à vous d'Edmonton, et merci, docteur Merskey.

Nous reprendrons nos travaux mardi prochain.

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