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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 10 avril 1997

.1027

[Traduction]

La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor - Sainte-Claire, Lib.)): La séance est ouverte.

Nous sommes à l'amendement BQ-2.4, qui porte sur l'article 1. Madame Gagnon, nous proposez-vous cet amendement?

Sur l'article 1

[Français]

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Je propose que le projet de loi C-46, à l'article 1, soit modifié par substitution, à la ligne 13, page 6, de ce qui suit:

On ajoute ces mots pour faire en sorte que les femmes aient droit à la sécurité sans crainte d'aller chercher tout le soutien dont elles ont besoin. Ceci a également été proposé par plusieurs groupes qui sont venus témoigner.

M. Yvan Roy (avocat général principal, politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Les facteurs considérés dans ce paragraphe démontrent que le Parlement tente de mettre trois éléments en équilibre: d'une part, le droit à une défense pleine et entière, d'autre part, le droit à la vie privée des femmes et des autres personnes qui pourront se prévaloir de cette disposition et, enfin, leur droit à l'égalité de manière à ce qu'il y ait un équilibre.

Lorsque je lis la proposition de Mme Gagnon, il me semble qu'on est dans un autre ordre d'idées. Si on parle de la sécurité, il me semble que l'on fait baisser d'un cran l'équilibrage de ces grands intérêts. J'ajouterais, par rapport à cette sécurité dont on parle et dont la version anglaise parle en termes de personal safety, qu'il s'agit de la sécurité physique de cette personne. Par conséquent, je comprends mal comment s'articulerait cet élément supplémentaire par rapport à l'équilibrage des intérêts que l'on recherche ici au niveau des principes, à savoir, d'une part, le droit à la défense pleine et entière et, d'autre part, le droit à la vie privée, le tout dans le but de s'assurer que tout le monde ait le même droit à l'égalité. Il me semble que la sécurité de la personne entre mal dans l'articulation de ces principes.

Mme Christiane Gagnon: On trouve cela dans la Charte canadienne des droits et libertés.

.1030

M. Roy: Oui, j'en suis bien conscient. En effet, cette notion se retrouve aussi à l'article 7 de la Charte, mais on n'a pas indiqué à l'intérieur de ce paragraphe qu'il fallait, par exemple, que ce soit en vertu des principes de justice fondamentale qui viennent expliquer davantage en quoi consiste l'énumération de l'article 7. Alors, à moins que je comprenne mal l'idée de cette proposition, il me semble qu'en parlant de sécurité de la personne, on sort du domaine visé par le paragraphe (2) de l'article 278.5.

La présidente: Monsieur Langlois.

M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Je suis allé voir l'article 7 pendant que vous répondiez. Si j'ai bien compris, le sens du mot «sécurité» utilisé dans l'amendement proposé par Mme Gagnon vous semble différent de celui du mot «sécurité» utilisé dans l'article 7 de la Charte. Mais comme je suis allé voir le recherchiste pour consulter le Code, j'aimerais vous demander de nous l'expliquer de nouveau.

M. Roy: Si l'idée proposée est de parler de la sécurité telle qu'elle se retrouve à l'article 7 de la Charte, il me semble alors que ce dont on parle maintenant est pour ainsi dire désincarné. Dans la liste des considérations dont il est question ici, on n'a inclus ni la vie ni la liberté. On ne fait que parler de la sécurité. Or, la vie, la liberté et la sécurité de la personne sont qualifiées dans l'article 7 qui dit que, si on y porte atteinte, il faut que ce soit en vertu des principes de justice fondamentale.

Il me semble que la notion dont on parle ici, c'est celle d'une sécurité physique ordinaire, qui me semble différente de celle dont on parle à l'article 7. Si on devait se reporter aux concepts de l'article 7, il faudrait tous les incorporer parce que ça marche dans les deux sens. Ça vaut pour l'accusé et également pour la personne qui a porté plainte. Ça me pose donc un problème.

M. François Langlois: Comme on dit en anglais, you can rest your case

M. Roy: Merci.

[Traduction]

La présidente: Merci.

L'amendement est rejeté

La présidente: L'amendement G-4 est le suivant. Est-ce que vous le proposez, madame Torsney?

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Oui.

La présidente: Monsieur Kirkby, est-ce que l'un des témoins veut...

Mme Catherine Kane (avocate, Politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Cet amendement vise à modifier l'alinéa 278.7.(1). Il est le corollaire de l'amendement adopté hier au comité, qui portait le no G-2, je crois. Nous avons ajouté «et que sa communication sert les intérêts de la justice» au paragraphe 278.5. Il est nécessaire de l'ajouter ici aussi, pour que les mêmes critères s'appliquent aux deux étapes de décision relativement à la production de documents.

La présidente: Nous avons eu une discussion à ce sujet hier.

Mme Kane: C'est exact.

La présidente: Y a-t-il d'autres choses à dire là-dessus? Madame Ablonczy.

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): J'ai deux questions. J'ai continué à réfléchir à cela depuis notre discussion d'hier.

Tout d'abord, comment des preuves pertinentes pourraient-elles ne pas servir les intérêts de la justice? Je ne comprends toujours pas.

Deuxièmement, si j'ai bien compris votre argument, vous dites qu'on ne parle pas seulement de la justice pour l'accusé, mais de la justice au sens large. Je présume qu'on doit arriver à un équilibre entre la justice pour l'accusé et la justice pour le plaignant.

Voici donc ma deuxième question: si c'est bien là votre argument, comment donc le juge peut-il prendre une décision dès le début, sans entendre la preuve? L'objectif de cet exercice est de déterminer ce qui est juste pour l'accusé e t le plaignant. Mais il me semble que vous demandez à ce que cette décision soit prise avant même que commence l'exercice.

.1035

Mme Kane: Non, je ne pense pas. Lisez l'article tel qu'il sera, après l'amendement. Pour commencer, on demande au juge, après que l'accusé ait présenté la demande et que le juge l'ait écoutée, de même que les parties intéressées, de décider s'il examinera lui- même les dossiers. Il doit s'assurer que la demande a été correctement présentée, ce qui n'est qu'une question de procédure, et que les preuves sont pertinentes au procès ou pour déterminer la crédibilité d'un témoin.

Vous posez là une très bonne question, puisque vous dites que si les documents sont probablement pertinents, il est manifeste que leur communication sert les intérêts de la justice. C'est peut-être vrai. Rien ne nous empêche d'ajouter «sert les intérêts de la justice», mais comme bien des témoins l'ont dit au comité, cela ne se rattache pas très bien au reste de la disposition, pour ce qui est de traduire l'intention. L'ancien libellé semblait dire simplement au juge que pour décider d'ordonner la communication des documents, c'est-à-dire de déterminer si la demande avait correctement été présentée, une simple question de procédure, ou si les documents sont probablement pertinents, il doit considérer certains facteurs.

Certains témoins ont signalé que les facteurs n'avaient pas grand chose à voir dans chaque cas avec la pertinence de l'information. Il fallait des considérations plus larges. En ajoutant «sert les intérêts de la justice», on comprend mieux pourquoi le juge doit considérer ces facteurs.

Mme Diane Ablonczy: Je ne suis pas convaincue. Je ne vais pas continuer à débattre de la question, mais vous ne m'avez pas convaincue. Je dirais même que la préoccupation que vous avez formulée au sujet de nombreux amendements présentés par les bloquistes pourrait être exprimée dans ce cas-ci. Il me semble que si vous voulez des critères plus larges que la simple pertinence, cet article devient la cible idéale d'une contestation en vertu de la Charte.

Mme Kane: À notre avis, ce nouveau libellé clarifie l'intention. Cela ne va pas fondamentalement changer ou alourdir le fardeau de la preuve pour l'accusé. Ce qui compte, c'est que la pertinence des dossiers soit probable, mais pour bien demander au juge de considérer ces facteurs, il fallait une base plus large.

Il faut lire l'ensemble de l'article, non pas simplement des paragraphes. Il faut le considérer comme un tout. Avec l'amendement, quand on lit tout l'article, le critère devient très clair.

Mme Diane Ablonczy: Cet amendement soulève tout de suite des craintes chez moi, en tant que membre du comité. Et je crois qu'il en sera de même dans le milieu juridique, quant à l'interprétation et l'utilisation de cet article. Comme je le disais, on ouvre la porte à une contestation, ce que nous voulons certes éviter.

Mme Kane: Divers témoins en ont parlé au comité et ont déclaré que cet article n'avait aucun sens dans son libellé actuel. Avec cet amendement, nous estimons que l'article est plus sensé.

Ces mémoires ne voulaient absolument pas modifier l'article de manière à faire pencher l'équilibre d'un côté ou de l'autre. Nous pensons que l'équilibre est maintenu. Il faut d'abord que l'accusé établisse la nécessité d'examiner ces dossiers. Le nouveau libellé ne porte pas du tout à croire que le juge sera porté à rendre une décision en faveur de l'accusé ou contre lui.

Mme Diane Ablonczy: Quel en est donc l'objectif?

Mme Kane: C'est pour que l'article fonctionne bien, comme un tout. C'est pour que le juge ait à tenir compte de l'alinéa proposé 278.7(2), où on lui dit ce qu'il doit considérer avant de rendre une décision. Le juge pourrait dire que tout ce qu'on lui a demandé de décider, c'est si la demande a été bien présentée ou si le contenu du dossier est probablement pertinent. Il pourrait demander à quoi lui servirait de considérer ces facteurs.

Nous voulons que le juge prenne en considération les mêmes facteurs, à chaque étape, afin que l'intérêt du plaignant soit tout autant pris en compte que ceux de l'accusé, pour qu'on arrive à un équilibre.

La présidente: Pour la gouverne de mes collègues, je vous informe que je viens de recevoir un message: les votes de 10 h 30 ont été reportés à 17 h 30. Nous pouvons donc continuer sans interruption.

Mme Diane Ablonczy: Comment garderons-nous la forme?

.1040

La présidente: Je ne sais pas, mais cette nouvelle m'a soulagée.

Passons maintenant au vote sur l'amendement G-4.

L'amendement adopté [voir Procès-verbaux]

La présidente: Madame Gagnon, proposez-vous l'amendement BQ-2.5?

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Cet amendement est fait dans le même état d'esprit que pour 2.4, et je pense que Me Roy va nous présenter le même plaidoyer. Mais cela ne fait rien.

[Traduction]

La présidente: Merci. Pourriez-vous répéter vos arguments, comme vous l'avez fait pour l'amendement BQ-2.4?

M. Roy: Volontiers, madame la présidente.

L'amendement est rejeté [voir Procès-verbaux]

La présidente: Au sujet de l'amendement BQ-3, madame Gagnon.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Je voudrais faire biffer tout le reste de la phrase après «poursuivant», c'est-à dire biffer:

Plusieurs groupes nous ont dit que la Couronne devait être en possession des mêmes informations que la défense en ce qui concerne les dossiers des victimes. On devrait laisser le choix au juge.

M. Roy: Le but de cette disposition, si on la remet dans le contexte, c'est que le juge va ordonner de fournir les dossiers à l'accusé et d'en fournir une copie au plaignant. La disposition qui se trouve en fin de paragraphe fournit simplement une discrétion résiduaire à un juge qui considérerait qu'il faut conserver, autant que faire se peut, le caractère privé de ces documents-là et dirait que la Couronne n'a pas nécessairement besoin de les avoir.

C'est finalement une espèce de valve de sécurité et rien d'autre. On sait que les tribunaux, et il y a d'ailleurs un jugement de la Cour suprême dans l'affaire Baron c. Canada, ont indiqué qu'en matière d'ordonnance par un tribunal, il fallait toujours qu'il y ait cet élément de discrétion.

De fait, une décision subséquente d'un juge de l'Ontario, le juge Then, dans l'affaire Budreo, est venue confirmer cette idée qu'un juge doit avoir une discrétion résiduaire. C'est essentiellement le but de ce paragraphe. Il ne s'agit pas de priver la Couronne de l'accès à ces documents. En fait, si la plaignante veut les donner à la Couronne, elle peut fort bien le faire. Il n'y a rien qui empêche cette personne de le faire.

Il s'agit finalement d'indiquer au juge qu'il doit garder cette discrétion résiduaire. Je ne pense pas que ça heurte de quelque manière que ce soit les intérêts de la Couronne ou des plaignants. Bien au contraire, cela peut même être utile à des fins constitutionnelles éventuellement.

Mme Christiane Gagnon: À ce moment-là, pourquoi vouloir insérer toute cette jurisprudence dans le texte de loi? D'habitude, vous voulez toujours faire des économies de mots; vous ne voulez pas alourdir le texte.

M. Roy: Laissez-moi vous donner l'explication complète. Les textes de loi dont je parle, concernant les cas Baron et Budreo, sont deux textes complètement différents: dans l'un des cas, il s'agit de la Loi de l'impôt sur le revenu en matière de perquisition et dans l'autre, de l'ordonnance de garder la paix en vertu de l'article 810.1. Il est écrit dans le texte de loi que le juge «doit ordonner» et en anglais, shall order.

La Cour suprême, dans le cas Baron, a dit: Vous ne pouvez pas nous dire shall; vous devez nous donner une discrétion résiduaire.» Et la cour, dans le cas Budreo, a dit la même chose. Or, lorsque vous regardez votre texte ici, vous avez en anglais shall direct, et en français «ordonne», à l'indicatif présent, qui ne donne pas de discrétion au tribunal. Alors, de deux choses l'une: ou bien le Parlement dit que le juge «peut ordonner», et en anglais may direct, et la discrétion sera relativement large, ou bien on crée une discrétion très restreinte, telle qu'elle l'est présentement.

.1045

C'est la raison pour laquelle cette disposition a été ainsi présentée, de manière qu'en bout de ligne la discrétion soit réduite, étroite.

Le paragraphe 278.7(4) se lit:

Encore une fois, je vous dirai que la plaignante qui insisterait, parce que son dossier a déjà été donné à la défense, pour qu'on le donne maintenant à la Couronne, ne serait certainement pas empêchée de le faire aux termes de ce paragraphe 278.7(4), bien au contraire.

[Traduction]

La présidente: Merci.

Madame Ablonczy.

Mme Diane Ablonczy: Ce que nous voulons, bien entendu, c'est arriver à un équilibre entre les droits du plaignant et les droits de l'accusé à une défense pleine et juste.

Il me semble qu'on pourrait prétendre - et je ne sais pas si c'est là ce que prétend mon collègue - que l'accusé a droit à des preuves qui lui accordent une défense pleine et juste, à moins que le juge estime que les documents ne sont pas nécessaires pour une défense pleine et juste. Mais comment diable le juge pourrait-il en décider avant que l'accusé ait même eu l'occasion de voir le document et de décider comment cela pourrait l'aider à présenter une défense pleine et juste? Le juge doit juger à l'avance de la valeur des documents pour l'accusé, et il me semble que c'est une atteinte substantielle aux droits conférés par la Charte à une défense pleine et juste. Il me semble qu'encore une fois, nous parlons de questions très délicates.

M. Roy: L'article dont nous parlons tient pour acquis qu'à ce stade de la procédure le juge a déjà ordonné la communication du dossier à la défense, et dit simplement que le juge ordonnera qu'une copie de ce même dossier qui a été communiqué à la défense sera remise à la Couronne.

Ce que Mme Gagnon propose, c'est que le comité supprime de cet article le pouvoir discrétionnaire résiduel laissé au juge d'instance de ne pas ordonner la communication de ces documents à la Couronne, sauf s'il estime que cette mesure serait contraire aux intérêts de la justice, «cette mesure» se rapportant au fait de communiquer les documents à la Couronne.

Ce que je voulais montrer, c'est que des termes comme «ordonne» causent parfois des difficultés aux tribunaux car ceux-ci ont dit... et je pense là à l'affaire Baron, jugement rendu en 1993 par la Cour suprême du Canada dans le contexte d'un mandat de perquisition.

Les tribunaux ont demandé à conserver un pouvoir discrétionnaire résiduel pour décider qu'il n'est pas approprié, dans des circonstances très particulières - circonstances spéciales que ni vous ni moi ne pouvons prédire - mais il se peut qu'il y ait des circonstances où il ne convient pas d'agir ainsi. Les tribunaux ont donc demandé qu'au lieu «ordonne» nous modifions ce terme en stipulant «peut ordonner».

J'essayais de dire à Mme Gagnon, que j'espère avoir convaincue, que «peut ordonner» est une dilution, en matière de pouvoir discrétionnaire, de ce qui est proposé ici, et qui est très étroit à moins que le juge n'arrive à conclure que cette mesure est dans l'intérêt de la justice. Je recommandais donc de laisser ce genre de pouvoir discrétionnaire résiduel, autorisé ici par la loi, au lieu d'un pouvoir plus large, en disant «peut ordonner». C'est la raison pour laquelle nous proposons de laisser tel quel cet article du projet de loi.

Mme Diane Ablonczy: Je vous remercie de cet éclaircissement. Je constate que j'ai mal compris le sens de cet article, je reviens donc sur ce que j'ai dit.

La présidente: Je vous remercie, madame Ablonczy.

.1050

L'amendement est rejeté

La présidente: Nous passons à l'amendement BQ-4.

Madame Gagnon, proposez-vous cet amendement?

[Français]

Mme Christiane Gagnon: La motion BQ-4 propose l'ajout d'un nouvel article prévoyant la possibilité qu'un juge rende une ordonnance de dépens contre un accusé qui aurait demandé sans fondement, pour des motifs frivoles ou vexatoires, dans un but inapproprié ou en vue de harceler la victime, une communication de son dossier.

M. Roy: Nous savons tous qu'en droit criminel, il n'existe pas de dépens à moins que vous soyez en matière sommaire, et encore. Des craintes ont été exprimées au cours de nos consultations, en particulier par les groupes représentant généralement les plaignantes, à savoir qu'elles craignaient que des coûts ou des dépens soient ordonnés parce qu'on aurait voulu faire valoir son droit de ne pas divulguer ces documents.

De fait, le paragraphe 278.4(3) proposé dans le projet de loi prévoit qu'aucune ordonnance de dépens ne peut être rendue contre les victimes, étant acquis qu'il n'y a pas de dépens de rendus pour quelqu'un qui cherche à se défendre d'une accusation criminelle.

Ce que propose Mme Gagnon est un changement considérable au droit criminel, et je dirais que si l'on voulait être équitable, il faudrait à ce moment-là qu'il puisse y avoir des dépens contre l'un ou l'autre. Dans le système de droit civil, les dépens sont ordonnés contre l'un ou l'autre, contre le plaideur téméraire, dirons-nous en français.

Ici, la notion ne s'appliquerait que contre l'accusé, ce qui est contraire au droit criminel de façon générale et ne s'applique que contre l'accusé et non pas contre la personne qui aurait fait une plainte qui, éventuellement, ne serait pas fondée et contre cette personne qui se serait défendue quant à l'accès de ces documents, bien qu'il soit clair que l'accusé devrait y avoir accès.

Il y a donc deux problèmes: d'une part, un problème de principe quant à ordonner des dépens contre un accusé qui se défend et, d'autre part, un problème d'équité. Soit que les dépens doivent être ordonnés contre les deux, dépendant des cas, soit qu'il ne doit pas y avoir de dépens du tout.

Ce que propose le ministre de la Justice dans le projet de loi C-46, c'est qu'il n'y ait pas de dépens dans ces affaires, ni contre la personne qui a les dossiers ou des personnes qui auraient ces dossiers en leur possession, ni contre l'accusé. Cette façon de faire évite les problèmes que je viens de soulever, des problèmes de principe et d'équité.

[Traduction]

La présidente: Si ce n'est que le plaignant n'est pas partie en droit.

M. Roy: C'est exact, et c'est la raison, madame la présidente, pour laquelle nous avons proposé le paragraphe 278.4, aux termes duquel aucune ordonnance de dépens ne peut être rendue contre vous. Nous avons donc prévu cette éventualité, sachant tous qu'en droit pénal il n'y a pas d'ordonnance de dépens contre l'accusé. C'est pourquoi il est entendu que dans ces cas, en droit, il n'y aura pas d'ordonnance de dépens.

Si vous introduisez des ordonnances de dépens contre l'accusé pour avoir essayé de se défendre, vous vous écartez, en premier lieu, des principes du droit pénal et en second lieu - et c'est une considération encore plus importante - vous allez à l'encontre de l'équité.

.1055

Si nous revenons à ce que nous faisons en droit civil, les dépens peuvent être ordonnés contre l'une ou l'autre partie, selon le perdant. Pourquoi le ferait-on, dans ce cas, contre une seule personne? Je pense qu'il s'agit là d'équité et de respect d'un principe du droit pénal.

La présidente: Madame Ablonczy.

Mme Diane Ablonczy: Oui, je suis d'accord. Cela soulève de nouveau la question qui m'était venue à l'esprit lorsque j'ai étudié le projet de loi, à savoir qu'en ce qui concerne la décision de communiquer ou non le dossier et les pièces à conviction, le plaignant ainsi qu'un organisme qui pourrait détenir ce dossier ont le droit, pendant toutes ces discussions, à un avocat. Il est vrai que nombre de plaignants et d'organismes n'ont pas les moyens financiers suffisants pour engager un avocat pour ce genre d'audiences.

Je me demande si, pour s'assurer que toutes les parties sont bien représentées, l'on a songé à la façon dont les frais allaient être couverts.

Mme Kane: Nous avons attentivement examiner cette question, qui exige également l'intervention des gouvernements provinciaux, à savoir si le plaignant peut bénéficier de l'aide juridique provinciale. Nous avons posé la question aux gouvernements provinciaux, qui en sont tout à fait conscients. Les provinces examinent divers moyens de résoudre ce problème.

Je peux vous en donner un exemple: en Nouvelle-Écosse, l'unité de services aux victimes a créé un fond spécial financé par les recettes provenant d'amendes supplémentaires. Cette unité se chargera de nommer un avocat parmi cinq ou six avocats disposés à aider les plaignants en acceptant un barème d'honoraires comparable à celui de l'aide juridique. L'avocat comparaîtra avec le plaignant qui aura à sa disposition tous les documents nécessaires, entre autres les précédents; ce sera un travail d'équipe, afin que chaque fois qu'il y a une demande on ne soit pas obligé de réinventer la roue. C'est une idée qui mérite d'être examinée par d'autres administrations, que nous continuons donc sur ce point nos consultations avec nos homologues des provinces.

Nous espérons également que lorsque ce projet de loi sera adopté et mis en vigueur nous assisterons à une diminution du nombre des demandes, afin que les plaignants et ceux qui détiennent les dossiers ne soient plus aussi surchargés qu'ils l'ont été jusqu'à présent pour répondre à ces demandes. En effet, les avocats de la défense limiteront leur demande aux dossiers qui, d'après eux, répondront vraiment aux conditions de pertinence probable.

Ce n'est pas une solution idéale, mais elle a ses mérites et nous nous sommes engagés à essayer de l'appliquer de notre mieux au cours de l'année prochaine.

Mme Diane Ablonczy: Merci de cet éclaircissement: vous me rassurez en me disant que cette solution a été mise aussi sérieusement à l'étude.

La présidente: Merci, madame Ablonczy.

[Français]

M. François Langlois: Maître Roy, je vais vous poser une question. Ce sera plus court que de consulter le Code. Premièrement, je dois vous dire que je ne suis pas très au courant du projet de loi C-46; je pensais venir discuter ici de la Loi sur les jeunes contrevenants.

L'article 278.2 contient une liste des articles du Code criminel visés par la présente loi. Est-ce qu'il y en a qui portent sur des délits mixtes, c'est-à-dire pour lesquels on peut être poursuivi soit par acte d'accusation, soit par voie sommaire?

M. Roy: Pour répondre à votre question, il faudrait que je les passe en revue.

[Traduction]

La présidente: Dans certains cas il s'agit de délits mixtes, dans d'autres d'actes criminels; je peux vous renseigner là-dessus.

[Français]

M. François Langlois: D'après ce que Mme Cohen vient de dire, dans le cas des délits pour lesquels on peut intenter des poursuites ou qui font actuellement l'objet de poursuites par voie sommaire, le juge peut adjuger sur une demande de dépens.

M. Roy: En fonction du tarif qui est au Code criminel pour la signification de certaines procédures, etc.

M. François Langlois: Pour les actes «indictables», comme on disait à la faculté, disons par voie de mise en accusation, pour être plus français, évidemment, ce n'est pas possible. Il y a une partie où ce serait possible dans certains cas, de la manière dont vous l'avez mentionné, mais pour l'autre partie, non. L'amendement de Mme Gagnon vise à l'étendre à tous les actes, si je comprends bien. Je ne sais pas si votre compréhension est la même que la mienne.

M. Roy: Si nous sommes en matière sommaire, monsieur Langlois, à la toute fin du Code, il y a une annexe à l'article 840 qui prévoit les dépens qui peuvent être ordonnés. Pour une dénonciation, c'est 1 $; pour une sommation ou un mandat, c'est 50 c.; pour un mandat sur sommation décerné au premier lieu, 30 c. Vous vous retrouvez avec 2,85$. C'est là essentiellement le tarif actuel.

.1100

M. François Langlois: Oui, mais selon l'amendement qu'on a devant nous, les dépens qui sont là ne sont pas des dépens que le juge extrairait de ses lunettes. Les principes de droit auxquels il devrait se reporter sont l'annexe au Code criminel, l'article 840, ou quelque chose en matière de droit civil qui n'a pas son application en matière criminelle. Où irait-il chercher ces dépens pour en faire la détermination si l'amendement était adopté?

M. Roy: En matière d'actes criminels? Je ne le sais pas. Il n'y a nulle part de tarif. En matière civile, comme vous le savez, il y en a dans toutes les provinces, y compris le Québec. En matière sommaire, il y a le tarif dont je viens de parler, qui est vraiment ridicule. En matière d'actes criminel, il n'y en a pas, parce que le principe n'existe pas. On n'a pas de dépens imposés contre un accusé parce qu'il se défend.

M. François Langlois: Je comprends très bien cette disposition séculaire de notre droit criminel, mais si l'amendement était adopté, on parlerait de dépens. Sur quoi va se guider le juge ayant à attribuer des dépens? La disposition est-elle assez complète pour permettre d'accorder un montant?

M. Roy: Je ne saurais dire, monsieur Langlois, comment un juge pourrait se guider en se basant sur le texte qui est présenté.

J'aimerais pouvoir vous aider davantage, mais à la lecture même, le juge peut rendre une ordonnance de dépens contre l'accusé. C'est ouvert. Comment pourrait-il se guider pour choisir un montant donné? Je n'en ai aucune idée.

M. François Langlois: Dans le fond, un juge pourrait prétendre que c'est un genre de dommage réparateur au sens de l'article 24 de la Charte et un autre pourrait dire que c'est comme en matière sommaire. On pourrait se ramasser avec un juge à 50 c. et un autre à 2 000$.

M. Roy: Oui.

[Traduction]

La présidente: C'est un peu prématuré, car l'article n'a pas encore été adopté.

L'amendement est rejeté

L'article 1, modifié, est adopté avec dissidence

La présidente: Merci, madame Ablonczy, je suis contente que vous soyez ici.

L'article 2 est adopté, avec dissidence

Sur l'article 3

La présidente: Est-ce que vous proposez l'amendement G-5, madame Torsney? Les témoins pourraient-ils nous donner leur avis là-dessus, s'il vous plaît?

Mme Kane: C'est une motion visant à apporter une information supplémentaire au formulaire d'assignation de témoin. Un grand nombre des témoins qui ont comparu devant ce comité se sont inquiétés de devoir aller au tribunal chargés de volumes et de boîtes de documents avant qu'il n'ait été décidé si ces documents ou une partie d'entre eux devaient être communiqués au témoin. Ceci entraîne pour eux des frais et un dérangement: selon la nature des documents, il se peut qu'ils doivent laisser les originaux dans leur bureau et les reproduire pour les apporter au tribunal, ou les transcrire, ou emporter certains équipements, afin qu'on puisse visionner des films, par exemple.

Cet amendement stipule clairement que si vous devez communiquer un dossier, vous ne serez tenu de l'apporter matériellement avec vous en réponse à l'assignation que lorsque le juge aura décidé que ce dossier devra être communiqué et dans quelle mesure les documents que vous détenez doivent être communiqués.

Dans le nouveau formulaire d'assignation les renseignements supplémentaires seront d'ordre plus spécifique. On vous demandera, en général, d'apporter certains documents parce que l'avocat de la défense dresse la liste de tout ce qu'il pense être en votre possession et que vous pouvez produire. On vous informe également de vos droits et obligations, si ce qu'on vous demande de fournir est un dossier. Il y est dit que l'assignation devrait être accompagnée d'une demande de communication, et vous aurez l'occasion de vous faire entendre et de faire une demande soit de communication soit de non-communication de ce dossier. L'avant- dernier paragraphe, nouvellement introduit, précisera que si vous détenez une pièce de dossier vous n'avez pas à l'apporter matériellement avec vous jusqu'à ce que le juge en ait décidé ainsi.

La présidente: Merci. Y a-t-il des commentaires? Madame Ablonczy.

Mme Diane Ablonczy: Je voulais juste signaler que cette mesure aura pour effet d'augmenter le nombre d'heures passées au tribunal pour chaque cause.

.1105

Il y aura deux répercussions sur le plan pratique. Il y aura une augmentation des coûts reliés aux services d'aide juridique, qui sont déjà étirés au maximum. Nous venons de parler de nos préoccupations à cet égard. Deuxièmement, si on exige davantage des pourvoyeurs des services d'aide juridique, on peut s'attendre à un retrait de l'avocat principal à cause des exigences accrues, et ce sera l'avocat en second qui devra confronter le premier avocat conseil de la Couronne. Je voulais simplement faire remarquer qu'en ce qui concerne l'intérêt public, il y aura des répercussions d'ordre pratique découlant des extensions prévues par cette disposition.

La présidente: Madame Kane et ensuite Mme Torsney.

Mme Kane: Je ne crois pas que le nombre d'heures passées au tribunal va s'accroître. Il est déjà prévu que lorsque le juge décidera que le dossier devrait être examiné, il sera nécessaire d'avoir un petit ajournement ou un ajournement de quelques jours pour permettre au juge d'étudier ces dossiers. Il ne saura pas nécessairement le nombre de dossiers qu'il aura à examiner ni le temps que cela lui prendra.

Malgré ce paragraphe supplémentaire, il faudra prévoir du temps pour permettre au juge de faire l'examen qu'il juge nécessaire. À long terme, cela devrait épargner du temps et de l'argent aux détenteurs du dossier à qui on demande d'apporter les dossiers. S'ils sont assignés à comparaître et qu'on leur demande de produire les documents, et qu'on décide qu'un examen de la part du juge n'est pas nécessaire, c'est la fin de l'histoire. Ils n'auront pas perdu leur temps ni leur argent à compiler toute la documentation, à en faire des photocopies et ainsi de suite, pour ensuite apprendre que tout cela était inutile, puisque le juge avait décidé qu'il ne lui fallait que les dossiers du 11 mai, ou certaines parties de certains dossiers, et non pas tous les dossiers, qui selon l'accusé pouvaient être pertinents.

Mme Diane Ablonczy: Êtes-vous sure qu'un juge pourrait prendre ce genre de décision sans avoir vu les dossiers? Comment est-ce possible s'il n'a même pas vu le dossier?

Mme Kane: De toute façon, le juge n'aurait pas les dossiers en sa possession. L'idée du projet de loi est de faire en sorte que l'accusé doive établir les motifs sur lesquels il se base pour décider que les dossiers demandés sont pertinents, et il y a des audiences pour en arriver à la décision. Le juge ne voit pas les dossiers avant d'être certain que cela s'est fait et avant d'avoir examiné les facteurs énumérés dans cette loi. Le juge décide ensuite s'il va examiner les dossiers avant de passer à la prochaine étape, ou s'il y a lieu d'en examiner juste une partie. Le fait d'avoir les dossiers au tribunal des dans boîtes ou dans des serviettes ne sera d'aucune utilité pour le juge.

La présidente: Merci. Madame Torsney.

Mme Paddy Torsney: Moi aussi, j'allais proposer un amendement s'il n'y avait pas eu l'amendement du gouvernement pour changer cet article. Le but du projet de loi est d'assurer un certain équilibre, un bon équilibre. J'ai du mal à imaginer une situation, telle que l'ont décrite plusieurs représentants des centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle, où la salle du tribunal serait pleine de gens avec ces documents en main, et qu'il y aurait toutes ces boîtes fermées que personne ne voudrait ouvrir.

On ne peut pas demander à tous ces gens, dont la plupart sont des bénévoles qui travaillent avec des gens éprouvant d'énormes difficultés financières, de traîner tous ces documents et de passer toutes ces heures à les préparer, pour ensuite apprendre que les dossiers sont inadmissibles. Il est tout à fait ridicule qu'ils consacrent tant d'efforts, de temps, et d'argent, qu'ils traînent toutes ces boîtes, attendent toute la journée pour apprendre ensuite que c'était une perte de temps. Nous préférerions, bien sûr, que cette mesure ne paraisse pas dans le projet de loi, mais si on ne peut pas faire autrement, il devrait y avoir une bien meilleure procédure, j'en conviens.

[Français]

La présidente: Madame Gagnon.

Mme Christiane Gagnon: Ne pensez-vous pas que cet ajout est contradictoire avec ce qu'il y a dans le premier paragraphe? On dit que l'assignation ne vous oblige à apporter au tribunal que ce qui est demandé et, par la suite, on dit que ces choses ne sont pas nécessaires avant qu'une décision ne soit rendue.

Ne pensez-vous pas qu'il y a une contradiction et que cela devrait être précisé? On dit qu'il faut apporter les choses, mais on dit plus loin de ne les apporter que lorsqu'une décision aura été rendue.

.1110

[Traduction]

Mme Kane: Je reconnais qu'il semble y avoir une légère contradiction de prime abord mais il faut se rappeler que le nouveau formulaire d'assignation sera utilisé dans toutes les procédures d'agression sexuelle, même quand la demande ne porte pas sur ce qui est défini comme un dossier dans ce projet de loi. Donc dans le nouveau formulaire les renseignements seront d'ordre plus spécifique et moins généraux.

Généralement, quand une personne reçoit une assignation à comparaître en cour et doit apporter des dossiers, l'obligation se limite à la comparution et aux dossiers à apporter. Il ne s'agit pas de les communiquer à qui que ce soit avant de les apporter au tribunal, que le dossier visé se trouve dans la liste du projet de loi ou non. Toutefois, les renseignements supplémentaires figurant sur le formulaire d'assignation précisent qu'il existe une procédure spéciale dans le Code criminel en vue de la communication de dossiers dans les cas d'agression sexuelle. Dans ce cas-là, lorsque la personne doit apporter un dossier selon la définition du paragraphe proposé 278.1, elle n'est pas obligée de les apporter avant que le juge ne détermine si leur communication est nécessaire, et dans quelle mesure.

La présidente: Monsieur Langlois, aviez-vous une question?

[Français]

M. François Langlois: J'aimerais une clarification. On envoie un duces tecum à quelqu'un. Le principe du duces tecum est: apportez-nous les choses. Si la personne continue à lire et va au verso, elle verra là qu'elle n'est pas obligée de les apporter. Il me semble qu'il y aurait moyen de faire en sorte que ce soit beaucoup plus simple pour la personne qui reçoit une assignation. C'est un duces tecum suspendu, ou ce n'en est pas vraiment un, parce qu'on fait une innovation en droit.

M. Roy: Je partage votre vision des choses. Je comprenais la question de votre collègue,Mme Gagnon, comme en étant plus technique. Elle disait qu'on attendait à la fin, dans les formules, pour dire qu'on n'avait pas à apporter ces objets dès qu'on recevait le duces tecum». Pour essayer de disposer de ce problème technique, je vous demanderais de vous reporter au paragraphe 278.3(5). De fait, c'est prévu au texte de loi même, parce que par référence, on vous envoie au duces tecum tel que créé à la formule 16.1. Je vous invite à examiner la deuxième phrase de cette disposition, où il est dit que dans le cas de la personne qui a le dossier en sa possession, sous son contrôle, une assignation à comparaître rédigée selon la formule 16.1 doit lui être signifiée, conformément à la partie XXII, en même temps que la demande.

Dans le texte de loi même, on dit par référence qu'on doit se conformer au subpoena qui est à 16.1, et on dit maintenant, avec l'amendement qui est proposé, de ne pas apporter en cour tous les documents dès qu'on reçoit le duces tecum. On doit laisser le juge prendre sa décision et les apporter une fois que la décision aura été prise. On doit se présenter, mais on n'a pas à apporter tous les documents.

Je conviens avec vous, monsieur Langlois, que ce n'est pas le duces tecum traditionnel, mais la situation des femmes agressées sexuellement n'est pas une situation traditionnelle non plus. C'est une protection supplémentaire qui ne fera pas de mal à l'accusé, qui ne fera pas de mal au tribunal et qui va faire en sorte que ces gens n'auront pas à se promener avec des boîtes de documents qui ne seront jamais requis dans un procès criminel parce que le juge aura décidé qu'il n'y a pas de pertinence vraisemblable.

M. François Langlois: Le duces tecum devient un duces tecum à condition suspensive.

M. Roy: Voilà.

M. François Langlois: La personne devra retrouver la suspension à la fin et on doit présumer qu'elle doit connaître la loi. Il me semble qu'il y aurait moyen, peut-être pas aujourd'hui, mais à l'étape du rapport, de concocter quelque chose pour que ce soit simple pour le justiciable qui reçoit une assignation. Je comprends que ce seront souvent les mêmes groupes qui seront ciblés, mais pour que ce soit vraiment compris dans toute la société - on ne sait pas vraiment à qui pourront s'adresser ces subpoenae - , on pourrait en arriver à une formulation beaucoup plus simple pour qu'à la lecture, la personne sache quelles sont ses obligations, afin que ce ne soit pas comme un contrat d'assurance de la Great West dans les années 1940.

M. Roy: Je vous dirai, sans vouloir argumenter, que si on a a choisi de proposer cette solution, c'est justement dans le but de faciliter les choses. C'est la raison pour laquelle on le met sur le subpoena plutôt que dans un texte de loi. La personne n'a pas nécessairement un Code criminel à la maison. Je n'en ai pas et je suis dans ce métier-là.

Donc, cela paraîtra sur la formule même. Le personne va recevoir un subpoena; elle va le lire et elle va pouvoir constater que, si des choses constituent des dossiers, elle n'aura pas à les apporter la première fois qu'elle se présentera devant le tribunal.

.1115

Elle aura toujours l'obligation de se présenter, mais elle n'aura pas à apporter les documents. Si on ne l'indique pas au subpoena et qu'on le met seulement dans le texte de loi, beaucoup de Canadiennes et de Canadiens ne seront pas en mesure de prendre avantage de cette disposition. On va dire à la personne quelles sont ses obligations dans le texte même du subpoena. On pense que cette manière de faire constitue une meilleure éducation populaire. Cependant, on est évidemment ouverts à d'excellentes suggestions.

M. François Langlois: La position de M. Roy est claire. Je suis aussi d'avis que cela doit figurer dans le subpoena. La seule chose qui nous sépare, et peut-être que la secrétaire parlementaire pourrait en prendre en note et nous revenir éventuellement à l'étape du rapport, c'est que je crois que cela devrait être noté bien avant dans... Il devrait y avoir un caveat au début du duces tecum; autrement, la personne qui ne le lirait pas jusqu'au bout, par exemple parce qu'elle serait un peu nerveuse, apporterait tout devant le tribunal. Certaines personnes apportent des brefs d'assignation en matière civile, et il n'y a pas grand chose là-dessus. Les gens pensent souvent qu'ils sont obligés de faire un chèque dès qu'ils reçoivent cela, mais le procès n'aura lieu que trois ans plus tard. J'en fais la suggestion. Pensez-y.

M. Roy: Je vous comprends mieux. Merci.

[Traduction]

La présidente: Merci, monsieur Langlois.

L'amendement est adopté [voir Procès-verbaux]

La présidente: L'amendement suivant est l'amendement BQ-4.1.

Madame Gagnon, voulez-vous le proposer?

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Je vais le retirer. J'avais essayé de proposer cela dans un autre amendement, le BQ-1.1A, mais on m'a fait comprendre qu'on ne pouvait appliquer rétroactivement la loi. Il s'agit du caractère rétroactif, mais j'aurais quand même aimé qu'on puisse...

[Traduction]

La présidente: Alors nous n'allons pas le présenter.

Mme Christiane Gagnon: Non.

La présidente: Merci.

Or, les amendements BQ-5 et LT-6 sont fondés sur le même principe alors je vais vous demander de donner des explications. Nous allons commencer par Mme Gagnon parce que son amendement est le premier et nous pourrons ensuite voter sur chaque amendement en même temps.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Il y a une erreur dans la rédaction de l'amendement. On demande un délai de trois ans à partir de l'entrée en vigueur pour procéder à l'examen des effets de la présente loi, et non un délai de trois mois.

Je sais que Mme Torsney a déposé un autre amendement qui demande cinq ans. Quant à nous, nous demandons trois ans, parce que les groupes nous ont dit que c'était le délai nécessaire pour mettre en branle toute l'étude. De toute façon, on va se rendre à cinq ans quand on va avoir l'étude en main. Si on pense à cinq ans, on va se retrouver à sept ou huit ans. Ce délai sera beaucoup trop long.

[Traduction]

La présidente: Très bien. Il s'agit donc du principe d'un examen et il faut déterminer s'il doit avoir lieu dans un délai de trois ou de cinq ans.

Madame Torsney.

Mme Paddy Torsney: J'allais vous informer que j'avais déjà chargé mon amendement et que j'allais proposer un délai de trois ans. Trois mois me paraissait un peu trop rapide puisque nous ne disposerions pas beaucoup de renseignements.

Puisque cette initiative représente une modification importante du droit, je crois que l'examen est nécessaire. En fait, je crois que nous proposons ce projet de loi à cause de la loi visant la protection des victimes de viols, il y a un lien entre les deux. Il faut donc s'assurer que l'examen sera fait comme il faut. Je pense que cela tient compte des préoccupations soulevées par LEAF, par les Femmes et le Droit et plusieurs autres organismes. Encore plus important, il reconnaît les points soulevés par le barreau de la défense du professeur Merskey et certains des groupes qui présentent le point de vue du syndrome de la mémoire fictive, qui craignent que cette disposition ne fasse pencher la balance dans un sens ou dans l'autre.

J'estime donc que c'est un changement assez important. Malheureusement, on n'a pas adopté cette disposition au moment de l'adoption de la loi visant la protection des victimes de viols, autrement il y aurait eu un examen trois ans après, c'est-à-dire en 1995 plutôt que maintenant.

La présidente: S'agit-il d'un délai de trois ans ou de cinq ans ici?

Mme Paddy Torsney: Trois ans.

La présidente: On propose donc trois ans dans les deux amendements.

Mme Paddy Torsney: Adjugé.

La présidente: Madame Ablonczy.

Mme Diane Ablonczy: Je voulais simplement dire en passant que lors que j'examinais les amendements ce matin, je pensais aussi qu'un délai de cinq ans était un peu trop long et je voulais le ramener à trois ans. Célébrons ce rare moment d'unanimité entre les trois partis.

La présidente: Je devrais peut-être dire quelque chose pour semer la discorde.

.1120

Mme Paddy Torsney: Je voudrais signaler qu'il y a une légère différence. La deuxième partie de mon amendement établit la procédure selon laquelle il faut faire le rapport, créer le comité, enfin toutes les modalités. Je pense que c'est assez important parce qu'on ne peut pas improviser.

La présidente: Monsieur Kirkby, vouliez-vous dire quelque chose?

M. Gordon Kirkby (Prince-Albert - Churchill River, Lib.): Je pense qu'un délai de trois ans serait bon, nous pourrions utiliser le libellé de la motion de Mme Torsney en y insérant un délai de trois ans, si cela convient à tout le monde.

La présidente: Êtes-vous d'accord?

Il faudrait sans doute que quelqu'un propose que l'amendement LT-6 soit modifié en supprimant la première ligne, qui se lit comme suit «à l'expiration d'un délai de cinq ans» et en la remplaçant par «à l'expiration d'un délai de trois ans», n'est-ce pas?

[Français]

C'est trois en français.

[Traduction]

Voulez-vous voter sur le sous-amendement à l'amendement LT-6?

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Pourquoi ne voterait-on pas sur mon amendement? Je proposais trois ans. Pourquoi ne vote-t-on pas là-dessus?

Mme Paddy Torsney: Il y a une deuxième partie à l'amendement.

[Traduction]

La présidente: J'essaie simplement de faire progresser les travaux du comité. D'après ce que j'ai compris, la plupart des membres du comité estiment que l'amendement Torsney, l'amendement LT-6, correspond mieux à la pratique courante quand on prévoit un examen. De plus, le gouvernement préférerait garder le paragraphe proposé 3.1(2) pour pouvoir orienter la procédure de cet examen.

Mais on peut toujours voter sur votre amendement, madame Gagnon. Allons-y.

Que ceux qui sont en faveur de l'amendement BQ-5 veuillent bien lever la main.

L'amendement est rejeté

La présidente: Que ceux qui sont en faveur du sous-amendement à l'amendement LT-6, afin de remplacer les mots...

[Français]

M. François Langlois: L'amendement a pour objet de remplacer «cinq ans» par «trois ans»?

[Traduction]

La présidente: J'y arrive.

Ceux qui sont en faveur de supprimer le mot «cinq» pour le remplacer par le mot «trois», au paragraphe proposé 3.1(1) de l'amendement LT-6, sont priés de lever la main.

Le sous-amendement est adopté

L'amendement est adopté

La présidente: Quelle unanimité, c'est de bonne augure.

Revenons maintenant à nos moutons, l'article 3, modifié, est- il adopté?

Mme Diane Ablonczy: Je vais probablement proposer quelques amendements inspirés par notre discussion. Je serais heureuse de le faire en troisième lecture mais si vous voulez en parler en comité, j'aimerais savoir à quel moment vous voudriez que je les soumette.

La présidente: Sont-ils disponibles maintenant?

Mme Diane Ablonczy: Non, malheureusement.

La présidente: Pourquoi ne pas le faire à l'étape du rapport?

Mme Diane Ablonczy: Très bien.

La présidente: Portent-ils sur l'article 3? Est-ce la raison pour laquelle vous soulevez ces questions maintenant?

Mme Diane Ablonczy: Oui.

La présidente: D'accord. C'est la raison pour laquelle nous avons un secrétaire parlementaire.

Mme Diane Ablonczy: Je n'ai pas été en mesure de rédiger la version définitive.

La présidente: Ça va. Je vous remercie de l'avis.

L'article 3, modifié, est adopté avec dissidence [voir Procès-verbaux]

L'article 4 est adopté avec dissidence

La présidente: Le préambule est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Une voix: Avec dissidence.

La présidente: Le titre est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Une voix: Avec dissidence.

La présidente: Le projet de loi, modifié, est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Une voix: Avec dissidence.

La présidente: Le projet de loi, modifié, est adopté avec dissidence.

Quelqu'un veut-il proposer que le projet de loi modifié soit réimprimé comme document de travail pour être utilisé à l'étape du rapport à la Chambre des communes?

Mme Paddy Torsney: Je le propose.

La motion est adoptée

La présidente: Quelqu'un veut-il proposer une autre motion pour que je fasse rapport du projet de loi modifié à la Chambre des communes en tant que 11e rapport du comité?

Une voix: Je le propose.

La motion est adoptée

La présidente: Je vous remercie.

Nous allons lever la séance pendant quelques instants pour nous dégourdir les jambes avant de passer à la Loi sur les jeunes contrevenants.

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