[Enregistrement électronique]
Le jeudi 6 juin 1996
[Traduction]
La présidente: Nous sommes très heureux d'être à Scarborough aujourd'hui. Nous sommes ici pour plusieurs raisons, mais surtout parce que nous savons que ces questions sont fort importantes pour votre ville et parce que, très franchement, les députés fédéraux d'ici m'ont rendue folle jusqu'à ce que j'aie accepté de venir. C'est pourquoi nous sommes ici et non à Windsor, où se trouve ma circonscription.
Nous sommes très heureux d'être ici et d'entendre ce que Scarborough a à dire. Nous allons vous écouter volontiers aujourd'hui.
Nous avons tout d'abord à l'ordre du jour une table ronde avec les personnes suivantes:M. Faubert, qui n'est pas ici; M. Duguid, le conseiller municipal du quartier 5; le détectiveTom Archibald; le sergent-détective Don Campbell; Gaye Dale; Milt Pearson; Frank Fernandes; Andrew Bedeau; Margaret Crosby; et Cheryl Gilbert.
Croyez-vous que le maire serait très fâché si nous commencions tout de suite, monsieur le conseiller?
M. Brad Duguid (conseiller municipal, Ville de Scarborough): Pas du tout.
La présidente: Je suis sûre qu'il va faire une entrée remarquée.
Voulez-vous faire des exposés ou simplement lancer la discussion tout de suite?
M. Duguid: Quatre d'entre nous, dont le maire, vont faire des exposés, après quoi la discussion pourra commencer.
La présidente: Ça va. Nous avons notre propre procédure; on prend des habitudes et on déteste s'en écarter. En temps normal, nous posons beaucoup de questions, et je vous serais reconnaissante de nous en laisser le temps, car nous sommes ici pour apprendre. Il y a peut-être aussi des choses que vous voudrez apprendre de nous, mais pour le moment, nous allons nous mettre à votre école.
M. Duguid: Je crois que nous en avons tous à apprendre ici. Je pense que c'est bon.
Pour vous donner une idée du caractère très représentatif du Conseil de sécurité communautaire de Scarborough, sachez que Cheryl Gilbert nous vient du Réseau de soutien aux victimes de Scarborough; Frank Fernandes est de la Police auxiliaire du Toronto métropolitain; Doreen Hare siège au conseil des écoles séparées; Milt Pearson, homme d'affaires actif au sein de la communauté, préside notre comité. Nous savons tous que Gaye Dale est présidente du Conseil scolaire de Scarborough. On vous a déjà présenté les deux agents de police qui nous accompagnent.Margaret Crosby est du Service des loisirs, des parcs et de la culture, plus précisément de la Division des services à la jeunesse. Andrew Bedeau siège au Conseil de jeunesse de Scarborough.
Ce ne sont là que quelques membres du conseil de sécurité communautaire, ceux qui s'occupent essentiellement des questions relatives à la jeunesse. C'est pourquoi nous voulions les réunir autour de la table aujourd'hui. D'autres membres du conseil se joindront probablement à nous aujourd'hui, mais pour le moment, je n'en vois aucun derrière moi.
Le Conseil de sécurité communautaire est très représentatif, comme je l'ai dit, et la plupart de nos membres représentent les divers secteurs qui se préoccupent de prévention du crime à l'échelle communautaire. Je tiens à dire d'emblée que nous allons tous nous exprimer aujourd'hui à titre individuel. En tant que groupe, nous n'avons jamais pris de position officielle sur la Loi sur les jeunes contrevenants, et la raison en est simplement que nous nous préoccupons de questions de prévention du crime à l'échelle communautaire. Nous ne nous préoccupons pas des lois fédérales ou provinciales. Nous avons tenu à témoigner devant votre comité aujourd'hui parce qu'à notre avis, il y a des choses qu'il faut faire si l'on veut élargir la prévention du crime à l'échelle communautaire.
Pour vous donner une idée des positions que notre groupe a prises, sachez que nous avons publié un rapport en juin dernier, rapport qui a été approuvé par le conseil municipal. Vous en avez probablement des exemplaires; ce rapport contient 43 recommandations. Au chapitre des mesures que nous prévoyons pour la jeunesse, des principes que nous avons énoncés, nous affirmons que chaque collectivité doit être responsable de ses jeunes. Nous croyons aussi que la prévention du crime spécialisée et communautaire est l'un des meilleurs moyens de prévenir la criminalité chez les jeunes. À notre avis, les programmes de traitement qui éloignent les jeunes de leur collectivité ne sont pas aussi efficaces que les initiatives locales. De même, nous croyons que les jeunes doivent être tenus responsables de leurs actes, et que chaque méfait doit être puni.
Au terme de nos audiences, l'an dernier, nous avons conclu qu'il n'y a pas de programme ou de réforme législative qui puisse remplacer un parent responsable, et je pense qu'il faut le dire. Le gouvernement, les organismes et les collectivités peuvent conseiller les parents et les aider à se débrouiller, mais au bout du compte, ce sont les parents qui doivent élever leurs enfants. Toute mesure gouvernementale visant à aider les parents à s'acquitter de leurs devoirs ferait le plus grand bien et pourrait avoir, à notre avis, des effets plus considérables que les modifications que vous entendez proposer à la Loi sur les jeunes contrevenants.
Il semble exister une perception, et c'est ce que nous avons vu lors des nombreuses rencontres publiques auxquelles nous avons assisté, selon laquelle il n'y a qu'à modifier la Loi sur les jeunes contrevenants, et la criminalité juvénile et les comportements déviants vont disparaître. On semble blâmer la Loi sur les jeunes contrevenants pour toute la criminalité juvénile et tous les comportements déviants des jeunes.
Bon nombre de membres de notre conseil qui sont ici aujourd'hui, ont tenu des audiences dans toute la ville au cours des dernières années avec la collaboration du Service de police du Toronto métropolitain. Nous avons tiré quelques conclusions, et je suis convaincu que votre comité a entendu les mêmes ailleurs.
La première, c'est que les adultes croient que la Loi sur les jeunes contrevenants est trop indulgente, et ils veulent qu'elle soit renforcée. La deuxième, c'est que les jeunes tiennent la Loi sur les jeunes contrevenants pour une plaisanterie et ont peu de respect pour l'efficacité du système de justice s'intéressant à eux.
Chose curieuse, bon nombre de ces préoccupations ont été exprimées au cours de la première étape: on veut des peines plus sévères pour le meurtre; on veut renverser le fardeau de la preuve pour les 16-17 ans, qui devront prouver qu'ils ne devraient pas être jugés par des tribunaux adultes pour les infractions violentes graves; on veut permettre aux victimes de faire des déclarations dans les cas où de jeunes contrevenants sont impliqués. Mais nous avons constaté au cours de nos audiences, même après l'étape un, qu'on posait toujours les mêmes questions, ce qui nous a amenés à croire que les mesures de l'étape un n'avaient pas été bien expliquées au public. Le public ne sait toujours pas que certaines de ces mesures ont été renforcées.
Même s'il ne fait aucun doute que les réformes de l'étape un étaient un pas dans la bonne direction, malheureusement, ce n'est pas un pas qu'il faut faire, mais un grand bond en avant, à mon avis, si nous voulons conserver la confiance du public dans le système de justice pour les jeunes.
Étant donné que je suis en politique depuis plusieurs années déjà, je crois que dans une démocratie, lorsqu'une loi n'a plus le respect du public, cette loi devient inefficace, quels que soient ses mérites techniques. C'est l'un des problèmes qui se posent aujourd'hui. Quand cela arrive, la seule façon de regagner la confiance du public dans la loi est de la modifier en profondeur ou de la remplacer complètement.
Il ne fait aucun doute, à mon avis, que la Loi sur les jeunes contrevenants, à tort ou à raison, n'a plus le respect du public. Vous n'avez qu'à venir à l'une de nos rencontres publiques. Je suis convaincu que vous avez été témoins vous aussi de l'indignation que cette loi semble soulever - à tort ou à raison. Je l'admets, il arrive que cette indignation soit mal inspirée. Les jeunes considèrent que cette loi est une farce, et les adultes semblent considérer qu'elle est trop indulgente. À mon avis, ces perceptions sont ancrées trop profondément pour convaincre le public du contraire.
Peu importe que les peines maximales prévues par la Loi sur les jeunes contrevenants ne soient pas nécessairement plus indulgentes que le public le croit généralement. En fait, dans plusieurs cas, il arrive que les adultes qui commettent les mêmes infractions soient punis moins sévèrement que les jeunes contrevenants. Qu'importe que le problème ne tienne pas à la peine maximale prévue par la Loi sur les jeunes contrevenants mais aux peines insuffisantes et inégales qu'imposent les tribunaux. Qu'importe aussi que les ressources provinciales et les programmes de l'Aide à l'enfance s'adressant aux jeunes contrevenants et les programmes de mesures de rechange présentent des insuffisances béantes. Qu'importe qu'en réalité, le comportement des jeunes contrevenants les plus violents ne soit pas motivé par une Loi sur les jeunes contrevenants déficiente mais bien par des problèmes sociétaux, qu'il s'agisse de mauvais traitements au foyer, de parents irresponsables ou de la pauvreté, pour ne nommer que ceux-là.
Mais tant et aussi longtemps que le public croira que la Loi sur les jeunes contrevenants est la cause de tous les comportements déviants, le public et les autorités politiques n'auront pas la volonté qu'il faut pour remédier aux vraies causes de la criminalité. Et c'est ce qui préoccupe notre groupe, qui s'emploie à trouver des solutions fondées sur l'action communautaire.
J'ai été intrigué, plus tôt cette semaine, de voir le procureur général et le solliciteur général de l'Ontario faire tout un plat de leur témoignage devant votre comité. Je trouve ironique qu'on dise, au terme d'un examen en profondeur de la criminalité et de la violence juvéniles, que c'est au niveau des ressources provinciales et des programmes s'adressant aux jeunes contrevenants qu'on peut exercer la plus grande influence sur la criminalité juvénile. Tant et aussi longtemps que le gouvernement provincial pourra se retrancher derrière la Loi sur les jeunes contrevenants et la blâmer pour les problèmes qu'il éprouve - qui sont nos problèmes - , la province ne pourra pas être tenue responsable du rôle important qu'elle joue dans l'administration du système judiciaire, dans l'administration des tribunaux de la jeunesse qui imposent les peines, et dans l'administration des programmes de traitement s'adressant aux jeunes contrevenants ainsi que des programmes de garde, et quant à la responsabilité qu'a le gouvernement provincial de promouvoir les programmes de prévention s'adressant aux jeunes.
Même si je suis d'accord avec certaines déclarations que vous avez entendues plus tôt cette semaine, mais pas avec toutes, je suis un peu inquiet de voir qu'on blâme la loi fédérale pour tous les malheurs qui nous accablent, de voir les autres gouvernements se retrancher derrière elle alors qu'ils devraient s'occuper de ce qui se passe chez eux.
J'ai quelques recommandations précises à faire au Comité de la justice. J'aimerais qu'on modifie le nom de la loi. Même s'il s'agit d'un changement de forme, je crois qu'en lui donnant un titre plus fort, on fera comprendre aux gens que les changements qu'on y apporte sont importants. Les changements que vous avez apportés au cours de la première étape ne semblent pas avoir retenu l'imagination publique. Ils ne semblent pas avoir une grande résonance auprès du public. C'est pourquoi je crois qu'une modification au titre pourrait avoir cet effet.
J'ai fait quelques suggestions ici. Je pense que le mot «criminel» aurait bien sa place ici - la Loi sur les jeunes criminels, ou quelque chose du genre. Des milliers de possibilités s'offrent à vous.
Deuxièmement - et je constate que c'est une chose qu'on réclame de plus en plus - j'aimerais qu'on abaisse l'âge d'application à 10 ans ou moins. Il ne s'agit pas de jeter en prison les 10 et 11 ans à la première occasion. Il s'agit simplement de donner à la police la capacité d'intervenir un peu plus. Je crois que l'essentiel est là: la capacité d'intervention.
Je crois que l'essentiel est là: la capacité d'intervention. J'admets que la police peut déjà intervenir, mais il me semble que la plupart des interventions se bornent à détenir le jeune pour procéder à un examen psychologique. C'est comme si on se servait d'une autre loi pour protéger le public. La sécurité publique dans l'intérêt des enfants eux-mêmes, des jeunes contrevenants eux-mêmes, exige plus que ça.
Ce ne sont que des suggestions, et je suis convaincu que vous allez en entendre plusieurs autres. J'espère que le comité va tenir compte de tout ce qu'il entendra.
À mon avis, la Loi sur les jeunes contrevenants doit être modifiée en profondeur si l'on veut qu'elle cesse d'être méprisée par le public. Ce n'est qu'à compter de ce moment que l'on pourra s'attaquer aux vraies causes de la criminalité, à mon avis. J'ai ici quelques suggestions que notre comité a mises de l'avant par le passé, suggestions qui, croyons-nous, auront plus d'effet sur la criminalité et la violence juvéniles. Je vais vous dire en quoi elles consistent.
À mon avis, il faut mieux intégrer les services de santé, d'éducation, de maintien de l'ordre, de protection de l'enfance et d'aide à la famille. Il faut mieux cibler les quartiers où se trouvent les jeunes à risque élevé. Il faut des programmes sociaux, de santé et d'éducation plus développés pour les familles ayant de jeunes enfants et pour les couples qui attendent un enfant. Il est essentiel de créer plus de programmes alternatifs efficaces si l'on veut éloigner des tribunaux les jeunes qui ont commis des infractions mineures. De même, l'intervention de la victime dans l'imposition de certaines peines pourrait avoir pour effet de limiter le récidivisme.
De même, lorsque des mesures de détention sont nécessaires, et c'est parfois le cas, il faut prévoir un traitement. On ne peut tout simplement pas enfermer le jeune quelque part pendant deux ou trois ans, ou trois mois ou six mois, puis le libérer en pensant qu'il ne récidivera pas. Au contraire, ce jeune pourrait être encore plus endurci à sa libération. Je crois qu'il faut promouvoir les aptitudes à la vie quotidienne et les programmes d'éducation qui donneront aux jeunes contrevenants la possibilité de refaire leur vie.
Dans la ville de Scarborough, le Conseil de sécurité communautaire travaille en collaboration avec d'autres pour trouver des solutions communautaires à certains problèmes liés à la criminalité et à la violence juvéniles. Notre municipalité est en quête de solutions en ce sens. À notre avis, notre tâche serait beaucoup plus facile si le gouvernement fédéral prenait les moyens voulus pour regagner la confiance du public dans un système de justice pour les jeunes.
Je vous remercie de m'avoir donné la parole aujourd'hui. Je la cède maintenant au maire Faubert.
La présidente: Merci, monsieur Duguid.
Votre honneur, nous sommes très heureux de vous recevoir.
M. Frank Faubert (maire de Scarborough): Merci, madame la présidente, membres du comité. Bonjour et bienvenue à Scarborough. Nous sommes heureux de vous recevoir nous aussi et de participer à ces audiences sur la Loi sur les jeunes contrevenants.
Les modifications à la loi de l'étape un étaient les bienvenues et se faisaient attendre depuis longtemps. Cependant, il est évident que ces modifications n'ont pas atténué le mécontentement du public à l'égard de la Loi sur les jeunes contrevenants. Votre comité et ceux qui l'ont précédé ont entrepris une révision globale de tous les problèmes qui se posent. Ce qu'il faut faire maintenant, ce n'est pas une étude de plus mais entreprendre une révision globale de la loi, parallèlement à la création ou à l'expansion de services de soutien et de counselling qui nous permettront de nous attaquer à certaines causes profondes de la criminalité. Malheureusement, chacun sait que dans la conjoncture économique actuelle, nous n'avons pas les moyens de tout faire immédiatement. Cependant, si nous n'agissons pas maintenant, nous risquons d'atteindre le point de non-retour.
Ce sont certains incidents violents, dont les auteurs étaient âgés d'à peine 11 ans, qui ont amené le public récemment à exiger des mesures concrètes, et ces incidents ont mis en lumière les déficiences d'un système où l'on voit de tels incidents se produire avec une fréquence troublante. On pose souvent la question: ces crimes commis par des enfants sont-ils plus fréquents, ou s'agit-il simplement de quelques cas aberrants qui suscitent une attention médiatique démesurée par rapport au problème lui-même?
Les statistiques tendent à confirmer la première hypothèse. Selon les sources publiques, de 1986 à 1994, les crimes violents commis par des contrevenants âgés de 12 à 17 ans ont augmenté de 133,5 p. 100. Le service de police métropolitain répond à ceux qui disent qu'il y a eu plafonnement que de 1985 à 1995, tous les crimes violents, particulièrement les crimes violents commis par des jeunes, ont connu une hausse frappante.
On ne semble pas manquer de propositions de changement. La question qu'il faut se poser est celle-ci: avons-nous la volonté politique et les ressources financières qu'il faut pour apporter ces changements? Modifier la loi n'est pas une panacée pour tous ces malheurs, mais il faut apporter des changements si l'on veut restaurer la confiance du public dans le système de justice, à tous les niveaux, dont le système de justice pour les jeunes.
Il faut consolider la loi. L'âge minimum doit être éliminé. Contrairement au conseiller Duguid, qui dit qu'il faut simplement l'abaisser, je dis moi qu'il faut l'éliminer. Que le jeune ait 10 ans ou huit ans, peu importe. Et d'ailleurs, dans certaines situations - comme en Angleterre, où des jeunes contrevenants âgés d'à peine six ans ne peuvent être tenus comptables de leurs actes, que ce soit au moment où ils ont commis ces actes ou dans un futur lointain - si un crime d'adulte est commis, la responsabilité de protéger le contrevenant doit cesser.
Dans un article récent, le Toronto Star suggérait qu'abaisser l'âge d'inculpation nous fait courir le risque d'inonder d'enfants le système. Il est exact que nous courons le risque d'engorger encore plus un système déjà saturé, mais c'est quand même préférable à des contrevenants qui font des pieds de nez au système sachant pertinemment qu'ils peuvent commettre les crimes les plus hideux en toute impunité. Quoi qu'il en soit, si nous réussissons à étendre le système à un plus grand nombre de jeunes contrevenants, des changements concomitants peuvent avoir lieu pour obtenir les résultats souhaités.
Il faut que les procureurs de la Couronne puissent invoquer les antécédents du contrevenant. Quand un contrevenant atteint 18 ans, quels que soient ses antécédents, ils ne peuvent être cités contre lui. En fait, ils comparaissent devant le tribunal avec un casier vierge. Je recommande de mettre fin à cette situation. Dans certains cas, un certain nombre de délits peuvent être attribués à un nombre relativement minime de récidivistes. Tant que nous laisserons le crime payer, le problème restera le même. Il est nécessaire de penser en termes de peines maximales et de mesures disciplinaires progressives. Par exemple, pour un premier délit, il y a une sanction, quelle qu'elle soit. En cas de récidive, cette sanction doit augmenter, et ainsi de suite.
Et les victimes de crime? Voulant à tout prix protéger les droits des accusés, beaucoup trop souvent nous ignorons les victimes de ces crimes que nous laissons se débrouiller seules avec leurs conséquences. Un peu plus tôt, cette semaine, le procureur général provincial a suggéré une modification de la loi pour donner aux victimes le droit de poursuivre les parents des jeunes contrevenants devant les cours de petites créances.
Cette recommandation est étrange. L'indemnisation maximale devant ces tribunaux est de 10 000$ sans compter les dépens. En cas de crime violent, tout particulièrement d'homicide ou d'agression sexuelle, 10 000$, est-ce la valeur que nous donnons à la vie, ou à une vie ruinée?
Souvent les parents de ces contrevenants se trouvent eux-mêmes dans une situation financière précaire. Même en cas de victoire devant les tribunaux, comment se faire payer? Il y a une question fondamentale qu'il faut se poser: Une somme d'argent peut-elle remplacer ou réparer le dommage causé?
Je crois qu'en faisant cette proposition le procureur général essaie de trouver une solution au problème dans le système actuel - le manque de responsabilité de l'inculpé et de la famille de l'inculpé. Pour les contrevenants dont c'est le premier crime, pourquoi ne pas instituer une peine obligatoire incluant des réparations pour la victime ou la communauté? Si un jeune contrevenant défonce une porte pendant un cambriolage ou qu'il vandalise un bien ou provoque des dégâts quelconques, il devrait être condamné à les réparer.
Les contrevenants dont c'est le premier crime devraient obligatoirement suivre un programme de réadaptation. Ne pas le suivre jusqu'au bout devrait entraîner l'incarcération immédiate.
Les gouvernements, y compris les gouvernements locaux, responsables de l'adoption d'arrêtés, de mesures de couvre-feu, de programmes anti-violence dans les écoles, et les familles elles-mêmes doivent assumer leur part de responsabilité mais en dernière analyse c'est le contrevenant qui doit rendre compte de ses actes. Tant que nous ne changerons pas la loi pour refléter la réalité de l'époque où nous vivons, tant que nous ne donnerons pas aux procureurs et aux juges la latitude nécessaire pour sanctionner intelligemment les contrevenants, tant que les parents n'assumeront pas une plus grande part de responsabilité des actes de leurs enfants et tant que nous n'offrirons pas les services de réadaptation et les réseaux de soutien à ceux qui essaient de trouver une solution à ces problèmes, en matière de délit, le statu quo continuera à prévaloir. Il semble pourtant que tout le monde est d'accord pour dire que cela n'est plus acceptable.
Merci.
La présidente: Monsieur Duguid, à qui le tour?
M. Duguid: La présidente de la Commission scolaire de Scarborough, Gaye Dale.
Mme Gaye Dale (membre, Conseil de sécurité communautaire de Scarborough): Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie infiniment de me permettre de vous parler au nom de la Commission scolaire de Scarborough.
Les écoles ne vivent pas dans un monde à part. Elles sont le reflet de la société. Quand la société devient violente, les écoles ne sont pas épargnées. Il y a quelques années, cette commission, ma commission, a constaté l'escalade de la violence dans nos écoles. C'est alors que nous avons adopté notre politique de sécurité scolaire. Cette politique a rapidement été qualifiée de politique de «tolérance zéro».
Cette politique énonce clairement les conséquences pour les étudiants qui mettent en danger la sécurité des autres étudiants et du personnel. Les comportements violents ou menaçants à l'école ou pendant les activités supervisées ou patronnées par l'école entraînent une suspension de trois à vingt jours de classe. Les comportements plus violents ou plus dangereux entraînent une suspension provisoire de 20 jours et une recommandation d'expulsion.
Depuis l'entrée en vigueur de cette politique, les agressions armées dans nos 168 écoles ont chuté d'une manière spectaculaire pour passer de cinq par mois à moins d'une par mois. Les autres statistiques sont tout aussi encourageantes.
Cette expérience nous a enseigné que les enfants veulent et ont besoin qu'on fixe clairement des limites à ce qu'ils peuvent et ne peuvent pas faire. Une fois en place, ils les respectent. Nous avons aussi découvert qu'une expulsion est une expérience sérieuse et traumatisante pour les élèves et que lorsque les conséquences de leurs actes sont sérieuses, cela peut avoir un effet très positif. Plusieurs de nos élèves qui ont été expulsés en vertu de cette politique ont fait tout ce qu'ils pouvaient avec leurs enseignants, les travailleurs sociaux et les psychologues pour changer leur attitude. En conséquence, ils sont de nouveau dans nos écoles.
Nous sommes très satisfaits de cette politique de tolérance zéro. Elle marche très bien. Mais une fois que ces élèves quittent l'enceinte de l'école, ils ne relèvent plus de notre juridiction. Ils ont aussi besoin de savoir clairement ce qu'ils peuvent et ne peuvent pas faire et quelles en sont les conséquences dans la communauté. La Loi actuelle sur les jeunes contrevenants ne contient absolument rien dans ce sens. Combien de fois lisons-nous dans les journaux que des jeunes ont bravé les policiers qui les arrêtaient sachant que leurs actes n'auraient pas de répercussions graves? Il est évident que les jeunes savent faire la différence entre le bien et le mal, mais il y a très peu de moyens dissuasifs pour modérer leur comportement.
La Commission scolaire de Scarborough a relevé huit problèmes dans la Loi sur les jeunes contrevenants. Permettez-moi de vous les citer brièvement. Le premier est celui de l'âge. Certains jeunes de moins de 12 ans se prévalent ouvertement de la protection de la Loi sur les jeunes contrevenants pour prévenir toute forme de sanction. Il nous faut pouvoir exercer un contrôle sur les plus jeunes autre que le simple renvoi aux parents. Nous suggérons d'abaisser le seuil à dix ans et de prévoir des dispositions supplémentaires pour les jeunes de moins de dix ans.
Le deuxième problème concerne la législation pour les crimes graves. Quand des jeunes de16 ou 17 ans sont accusés de meurtre, ils sont souvent transférés devant des tribunaux pour adultes. Cependant, il existe toujours une procédure leur permettant d'éviter ce transfert. Ces transferts devraient également être envisagés pour d'autres crimes graves comme les vols à main armée, les agressions avec coups et blessures et les délits commis avec des armes. Les jeunes de 16 et 17 ans peuvent et devraient être tenus beaucoup plus responsables de leurs actes. Ils devraient être pratiquement jugés comme les adultes.
Les règles d'accès à l'information nous posent également un certain nombre de problèmes. Bien que des amendements aient dernièrement rendu plus facile pour les responsables scolaires l'accès à l'information sur les conditions de libération sous caution ou sur les sentences de jeunes contrevenants fréquentant leurs écoles, il leur est toujours impossible de savoir s'ils devraient ou non se renseigner sur tel ou tel cas particulier. Il nous faut un mécanisme informant automatiquement le principal d'une école de toute condition imposée à un jeune délinquant pouvant affecter son établissement.
Cela soulève un autre problème - que faire quand ces conditions ne sont pas respectées? Lorsque les administrateurs scolaires savent pertinemment qu'un de leurs élèves ne respecte pas les termes de sa sentence, il n'y a pas de mécanisme clair permettant de porter ce fait à l'attention des autorités concernées. Il faut un mécanisme simple qui permette aux administrateurs scolaires de travailler de concert avec le personnel de probation pour s'assurer que les termes de la probation imposée aux jeunes délinquants sont respectés. C'est le seul moyen d'associer dans la même tâche le système scolaire et le système de probation.
Un autre problème grave est la criminalisation de la jeunesse. La Loi sur les jeunes contrevenants continue à être considérée comme une version mineure du système judiciaire adulte avec tout ce que cela implique - caution, assistance juridique, photos, empreintes digitales, etc. Avec comme conséquence de donner parfois aux jeunes contrevenants le statut de vedette au sein de la communauté contrevenante, inhibant toute possibilité, toute chance de réinsertion. Pour les contrevenants dont c'est le premier petit délit, pas trop grave, il nous faut revenir à l'ancienne prémisse qui voulait que souvent ces jeunes étaient les victimes de mauvaises fréquentations et de manque de surveillance.
La protection de la vie privée nous pose aussi un problème. Alors que dans notre majorité nous appuyons le principe philosophique de protection de l'identité des jeunes contrevenants, nous croyons qu'il a souvent des effets pervers. Nous aimerions que la protection de la vie privée soit limitée aux contrevenants responsables d'un premier délit ou à ceux responsables de délits moins graves. Élever les enfants est un exercice collectif qui doit impliquer toute la communauté - surtout les parents.
Ceux qui travaillent dans les tribunaux pour enfants vous diront que souvent les jeunes contrevenants comparaissent sans leurs parents. Nous aimerions que la Loi sur les jeunes contrevenants soit modifiée et oblige les parents à assumer une responsabilité supplémentaire quand leur enfant est mêlé à une activité criminelle. Il faudrait peut-être rendre obligatoire, quand un enfant vit avec un parent, la présence de ce parent au tribunal pour répondre de l'accusation en son nom ou avec lui.
Enfin, il y a le problème de l'assistance juridique. Nous savons tous que le système d'assistance juridique connaît des difficultés financières et que le fait qu'il soit accessible à tous les jeunes, quels que soient les revenus ou les ressources familiales, n'arrangent pas les choses. Il y a aussi le problème des jeunes contrevenants qui retardent la procédure de manière déraisonnable simplement parce qu'ils n'ont pas pris la peine de demander l'assistance juridique.
En conséquence, nous recommandons que des délais et des directives supplémentaires soient imposés pour les jeunes et l'assistance juridique. Ce n'est qu'en travaillant ensemble - les écoles, la police, les organismes communautaires et le système juridique - que nous pouvons espérer finir par résoudre le problème de la criminalité juvénile. Je suis ici aujourd'hui pour vous demander les outils nécessaires pour atteindre cet objectif.
Au nom des conseillers, des administrateurs et du personnel de la Commission scolaire de Scarborough, je vous remercie de votre attention.
La présidente: Merci.
Monsieur Duguid, y a-t-il encore quelqu'un?
M. Duguid: Oui. Le sergent-détective Don Campbell et le détective Tom Archibald.
Le sergent-détective Don Campbell (membre, Conseil de sécurité communautaire de Scarborough): Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité parlementaire permanent, Votre Honneur, mesdames et messieurs les membres du conseil, mesdames et messieurs, au nom du chef adjoint Joe Hunter, officier commandant du East Field Command, nous vous remercions de votre invitation.
Je suis actuellement le commandant de la Brigade anti-drogue d'East Field Command et de l'unité de lutte contre la délinquance urbaine. J'ai consacré la majeure partie de mes 20 ans de carrière à l'investigation. J'ai été membre pendant sept ans de la Brigade anti-hold-up, responsable des enquêtes sur les vols à Scarborough.
Notre déclaration de ce matin est commune. Le détective Tom Archibald vous exposera notre position. Plus tard pendant la discussion je pourrai peut-être vous éclairer sur ce qui se passe réellement dans les tribunaux et vous faire part de quelques suggestions de changements et de modalités de leur application.
Permettez-moi de vous dire qu'aujourd'hui la perception de la Loi sur les jeunes contrevenants, loi faite par et pour les avocats, est stigmatisée par les médias. Les jeunes aujourd'hui pensent qu'ils sont spéciaux et qu'ils devraient bénéficier de traitements spéciaux.
J'aimerais maintenant demander au détective Archibald de vous exposer notre position concernant la Loi sur les jeunes contrevenants.
Le détective Tom Archibald (membre, Conseil de sécurité communautaire de Scarborough): Merci beaucoup.
La tendance en matière de criminalité juvénile est d'additionner le nombre de crimes commis par des jeunes, de s'en effrayer, de blâmer la loi et de la modifier rapidement dans l'espoir que cela réglera le problème. Changer la loi cependant n'est qu'un élément de la solution de ce problème complexe.
Nous entendons souvent dire que la criminalité augmente et que «les choses étaient bien différentes de notre temps». Ces deux prémisses sont absolument correctes. Aujourd'hui, non seulement les jeunes doivent faire face aux mêmes problèmes que nous lorsque nous étions jeunes mais en plus, malheureusement, ils ont le fardeau supplémentaire de se considérer eux-mêmes comme des victimes. C'est confirmé par pratiquement tous les jeunes auxquels je parle qui me disent avoir besoin d'être protégés par quelqu'un. Ils estiment avoir besoin de quelqu'un pour les protéger, d'appartenir à un groupe ou à une bande pour les protéger.
Il y a quatre différences principales entre les jeunes d'hier et ceux d'aujourd'hui. Aujourd'hui le mot «respect» a disparu du vocabulaire des jeunes contrevenants. Les jeunes contrevenants sont de plus en plus jeunes et de plus en plus malins - ou du moins c'est ce qu'ils pensent. Les victimes deviennent de plus en plus jeunes - ou de plus en plus âgées, comme par exemple les personnes âgées. La Loi sur les jeunes contrevenants ne fait pratiquement peur à aucun contrevenant.
Ils sont les premiers à vous dire qu'ils connaissent leurs droits - et que nous ne pouvons rien leur faire. Ce qui m'embête c'est que les parents qui viennent au poste de police après l'arrestation de leur fils ou de leur fille me demandent toujours si on leur a rappelé leurs droits. Ils me demandent ce qu'ils peuvent faire en tant que parents.
La situation est inextricable. Vous avez les enfants qui connaissent leurs droits et les parents qui ne connaissent pas les leurs. Pratiquement tous ceux à qui je parle réclament le retour au contrôle antérieur. Ils le réclament pour les aider à contrôler leurs enfants. Que cela plaise ou non, ils comptent sur nous pour les aider.
Les jeunes d'aujourd'hui sont bombardés en permanence par toutes sortes d'informations données par les médias, la télévision, la musique, les éducateurs et même les parents. Ils absorbent ces informations et les évaluent avec les outils à leur disposition, les outils que nous leur fournissons. Parfois, cependant, les outils que nous leur donnons, certains messages, ne sont pas clairs.
Nous leur disons de ne pas commettre de crime et pourtant nous leur montrons comment en commettre dans des films. Internet leur apprend comment en commettre.
Nous leur disons que le crime ne paie pas et pourtant dans les films on voit les criminels se promener en voiture de sport avec des bijoux en or valant des milliers de dollars.
Nous leur disons de signaler les crimes et pourtant nous ne leur accordons ni le soutien ni la protection dont ils ont besoin pour le faire. Cela provoque un effet contraire. Quand ils sont témoins d'un crime, ils ne disent rien.
Nous leur disons que s'ils commettent un crime ils iront en prison et pourtant nous ne les y envoyons pas.
Il faut que d'une manière ou d'une autre nous leur fassions comprendre que les comportements inacceptables ne seront pas tolérés, un point c'est tout, et qu'ils devront rendre compte de leurs actes. Je ne dis pas qu'il faut envoyer tous les jeunes contrevenants en prison car je crois que tous les jeunes devraient avoir droit à une deuxième chance quand ils font une simple bêtise. Je dis qu'il faut qu'il y ait une certaine progression, une certaine discipline, un certain régime de sanctions dans notre système, ce qui ne semble pas être le cas actuellement.
Quand un jeune commet un vol, une agression, une agression avec une arme ou même une agression avec coups et blessures et qu'il se voit infliger la même sanction, voire une sanction moindre que lors de son premier délit, il y a quelque chose qui ne va pas. Il y a des jeunes qui sont condamnés à une simple période de probation pour avoir menacé d'autres jeunes avec un revolver chargé. Il y a des jeunes qui sont condamnés à des peines de liberté surveillée et qui disparaissent. Nous les arrêtons et nous les inculpons d'infraction aux termes de leur liberté surveillée. Ils sont recondamnés à une peine de liberté surveillée. Il y a quelque chose qui ne va pas.
Que le contrevenant sache que la prochaine fois il ira en prison - pas une possibilité, une certitude - le ferait peut-être réfléchir deux fois. Peut-être pas, mais ils n'y pensent certainement pas à deux fois quand ils savent qu'ils peuvent recommencer cinq ou six fois avant d'atteindre l'âge d'adulte et qu'ils pourront recommencer à zéro. Quel message pour les jeunes contrevenants et quel message pour les victimes!
Le maire a parlé des victimes, et c'est une considération très importante. Nous avons tendance à la perdre de vue. Beaucoup de gens ont peur, et ce sont des hommes, des femmes, des personnes âgées, et également des jeunes. Dans tous ces groupes il y a eu des victimes de ces contrevenants. Notre communauté doit annoncer clairement qu'elle fera tout ce qu'elle pourra pour soutenir et protéger les victimes du crime. Nous ne devons pas non plus oublier que ces gens-là sont une majorité. Ces saloperies sont le fait d'un très petit groupe.
La plupart des jeunes sont des gens décents, ils sont même un atout précieux pour notre communauté. Il n'y en a que quelques-uns qui profitent de la protection offerte par le système actuel pour commettre des crimes. D'ordinaire, ce sont les mêmes qui récidivent. En fait, on ne voit pas très souvent apparaître de nouveaux visages. Le récidivisme et le fait qu'on ne les force pas à assumer leurs responsabilités font que le problème va en s'amplifiant.
Je suis d'accord pour qu'on change le titre de la Loi sur les jeunes contrevenants. Changeons tout cela, remplaçons-le par autre chose et prenons un nouveau départ.
Notre société est en évolution constante, et pour cette raison, nous devons envisager d'abaisser l'âge minimum à au moins dix ans. Je suis même d'accord avec le maire, peut-être devrions-nous cesser complètement de mentionner un âge.
Les jeunes qui atteignent l'âge de 16 ans doivent être traités comme des adultes. Ils doivent être traités comme des adultes parce qu'ils se considèrent comme des adultes. De notre côté, nous considérons également qu'un jeune de 16 ans est un adulte, cela va sans dire.
Nous devons immédiatement - immédiatement - chercher des moyens d'éduquer les parents. Nous devons leur donner les outils dont ils ont besoin pour résoudre les problèmes qu'ils ont dans leur foyer. Cela coûterait beaucoup trop cher d'essayer de le faire pour eux. Il faut donc leur donner les outils, c'est beaucoup plus facile et beaucoup plus rentable.
On croirait entendre un homme politique.
Le président: C'est effrayant, n'est-ce pas?
Des voix: Oh, oh!
M. Archibald: Nous devons également chercher à éduquer tout le monde sur les responsabilités des gens qui ont des enfants. On pourrait peut-être commencer très tôt, à l'école primaire, et continuer au secondaire. Un cours destiné aux parents qui viennent d'avoir un enfant les aiderait probablement aussi à résoudre les problèmes.
Évidemment, tous les parents et tous les jeunes qui récidivent devraient être obligés de suivre ce cours. Cela va sans dire.
Je suis d'accord également pour qu'on oblige les parents à assister aux séances de tribunal. À l'heure actuelle, on voit des jeunes assister à des séances parce qu'on l'a exigé. Ils se rendent donc au tribunal, ils restent là cinq minutes, et la séance est ajournée ou encore remise à plus tard, et en attendant, ils manquent l'école toute la journée sous prétexte qu'ils devaient aller au tribunal. Ce genre de chose doit prendre fin. Ce serait peut-être plus facile si les parents étaient là.
Il y a des jeunes, à l'heure actuelle, qui s'entre-tuent littéralement. Il n'y a qu'à voir la quantité des armes qui circulent, les gens qui sont poignardés, tous les meurtres que nous avons eus. De gros changements sont nécessaires, immédiatement. Je ne saurais trop insister sur ce point. En dépensant un peu d'argent maintenant, on réussira peut-être à empêcher le problème de s'aggraver.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup. Je veux seulement saluer John Cannis, qui est parmi nous, et qui est une des principales raisons de notre présence ici. Derek a fait des difficultés, mais John a fait beaucoup de difficultés. C'est une plaisanterie, nous avons accédé à leur demande avec plaisir.
Voilà donc comment nous allons procéder. Nous commençons par des tours de questions de dix minutes et je donne la parole aux gens qui la demandent. Cela n'a rien de rigide, et lorsqu'une question a été posée, n'importe lequel d'entre vous peut y répondre s'il le souhaite.
Une précision; ces députés travaillent sur ce dossier depuis un certain temps. Ils connaissent leur sujet, ils sont respectueux, mais parfois, leurs questions sont assez dures. Par conséquent, ceux d'entre vous qui sont venus nous parler vont devoir répondre aux questions.
Un premier tour de dix minutes, donc, et je donne la parole à M. Langlois.
[Français]
M. Langlois (Bellechasse): Ma question s'adresse à qui voudra bien y répondre.
Dans la présentation qui a été faite, je ne vois pas de continuité entre les dix premières années de la vie d'une personne et l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants. J'aimerais que ceux et celles qui travaillent auprès des jeunes m'informent de l'état des lois provinciales en Ontario relatives aux personnes en bas âge, par exemple en bas de 12 ans, qui sont dans des situations qui ne sont pas régies par le droit criminel et qui sont en difficulté.
M. Archibald a bien noté tout à l'heure dans son exposé qu'à un moment donné, on dirait qu'il n'y a plus de fil conducteur. Une personne est laissée à elle-même jusqu'à l'âge de 12 ans et soudainement on la met face au système judiciaire. Il me semble qu'il manque quelque chose un peu partout. Je voudrais connaître ce qui prévaut en Ontario pour les jeunes entre l'âge de raison et 12 ans. De quelle façon les jeunes à problèmes sont-ils traités? Y a-t-il une approche constructive? Quelles sont les ressources à votre disposition?
[Traduction]
M. Archibald: À l'heure actuelle, le public a l'impression que lorsqu'un jeune de moins de12 ans commet un crime, la police ne peut rien faire. Ce n'est pas entièrement exact, car, en fait, nous pouvons l'arrêter. Nous pouvons arrêter un enfant de six ans. Nous pouvons arrêter un enfant de quatre ans. C'est possible. Cela dit, que pouvons-nous faire après? Absolument rien.
Nous avons la Loi portant réforme du droit de l'enfance qui peut nous aider dans une certaine mesure après l'arrestation. Nous ne pouvons pas traduire l'enfant devant un tribunal, mais nous pouvons faire intervenir la Société de l'aide à l'enfance et lui demander d'examiner le comportement de l'enfant pour déterminer si ses parents... Et tout cela conduit à un processus qui fait intervenir des psychologues et qui soutient les parents du jeune contrevenant jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge de12 ans. Cela dit, la police ne peut pas porter d'accusation ou envoyer l'enfant devant un tribunal.
Depuis l'époque où la loi a été adoptée, leur mentalité a énormément changé. Ils sont beaucoup plus durs aujourd'hui, beaucoup plus débrouillards, ils ont été forcés de le devenir. Chez certains, c'est un choix délibéré, mais très souvent, s'ils le sont devenus, c'est par crainte de devenir des victimes. Autrement dit, soit on suit le mouvement, soit on se laisse distancer et on devient une victime assurée. C'est la plus grosse peur.
Pour répondre à votre question, donc, la loi ne peut rien faire dans le cas de ces enfants-là, mais il existe des groupes de soutien qui viennent en aide à la famille et aux enfants. Je ne sais pas dans quelle mesure ils sont efficaces.
Mme Dale: Au conseil de Scarborough, nous sommes en train de mettre au point une politique pour lutter contre l'intimidation et la brutalité. Cette politique est appliquée dans les classes des158 écoles que je représente. Elle permet aux enfants de dire non à la brutalité, de dire que c'est inacceptable, et de reprendre le contrôle de leur propre existence. Si quelqu'un cherche à les intimider, ils vont immédiatement voir le professeur qui peut les aider.
Voilà comment nous essayons d'aider ces enfants dans le système scolaire, et peut-être pourront-ils se reprendre avant de devenir eux-mêmes des jeunes contrevenants. Nous voulons leur montrer ce qu'ils doivent faire pour venir à bout de la situation dans laquelle ils se trouvent.
Je vais vous donner un exemplaire de notre politique sur l'intimidation et la brutalité et sur les écoles sûres.
Le président: Nous l'apprécions beaucoup, merci infiniment.
[Français]
M. Langlois: Dans ma pratique privée, avant d'être député à la Chambre des communes, une des choses qui me faisaient toujours un peu sursauter était de voir des parents lors des auditions dans les cours de justice. Lorsque la culpabilité d'un jeune accusé ne faisait aucun doute, ils prenaient le parti de leur enfant jusqu'à la limite possible dans le système, lui démontrant que par leur appui, ils défendaient leur enfant contre la système et contre la société elle-même.
Il me semble que l'enfant devrait ressentir une brisure quelque part, d'abord face à sa famille, bien avant de se retrouver devant le tribunal. Si j'avais commis un acte criminel, je n'aurais pas attendu d'être en cour pour faire intervenir mes parents. J'aurais senti la haine de mon père et de ma mère à la maison. Il me semble que cette attitude va en se détériorant et qu'une rééducation des parents devrait être faite quelque part.
Pour obtenir un poste dans la société, on doit suivre des cours; bien que les règles biologiques soient assez simples, les gens devraient être formés pour devenir des parents efficaces dans cette société où tout éclate et où les valeurs traditionnelles ne tiennent souvent plus. Vous avez probablement eu à intervenir dans des cas de violence conjugale, qui sont peut-être des groupes plus ciblés où il y a de la délinquance.
J'aimerais entendre votre point de vue. Lorsque les parents ne s'entendent pas entre eux, est-ce que les jeunes ont tendance à prendre des voies déviantes? Il semble également exister un sérieux problème au niveau des parents. C'est une matière à réflexion sur laquelle je me penche régulièrement.
[Traduction]
M. Archibald: Pour commencer, je suis totalement d'accord avec vous, mais c'est un sujet différent sur lequel nous pourrions passer un mois entier.
Ce genre de problème ne se résout pas en famille autour de la table de la cuisine pendant le souper. Très souvent, les parents de ces enfants ne sont pas là pour les soutenir. Les enfants rentrent dans une maison vide, leurs parents travaillent, les deux parents ont des emplois à plein temps pour faire vivre leur famille. J'ai entendu des enfants dire que chez eux, autour de la table, on ne parle que de problèmes d'argent, et leurs parents se disputent constamment. C'est donc un milieu tout à fait différent.
Vous dites que les parents peuvent aller au tribunal pour soutenir leurs enfants, et je ne dis pas que les parents n'y vont jamais. Ce que je dis, c'est que les parents de la plupart des enfants que je vois ne sont pas là. Ils ne vont pas au tribunal, ils y vont peut-être au moment de la sentence, mais certainement pas pendant toutes les autres audiences qui ont précédé. Pendant ces audiences-là, ils n'étaient pas là.
Il y a une chose que nous devrions peut-être considérer - et j'en ai parlé à notre conseil de la sécurité: c'est bien joli d'éduquer les parents, mais comment faut-il s'y prendre? C'est une bonne question. Vous pouvez essayer de faire venir tous les parents à une réunion communautaire, mais vous aurez de la chance si 10 ou 12 parents se présentent.
Nous sommes en train, en collaboration avec le bureau du solliciteur général, d'étudier la possibilité d'intervenir là où les parents travaillent. Il faut les atteindre, et pourquoi ne pas essayer à un endroit où ils sont obligés d'écouter. Cela peut être une bonne chose pour l'employeur également si les parents ne sont plus obligés de prendre congé pour aller assister à d'innombrables séances du tribunal.
Dans le cadre de la structure familiale, cela pourrait donc constituer un sujet d'étude tout à fait à part, les niveaux de vie actuels, les problèmes de ces enfants avec leurs parents, sur le plan du respect, etc. C'est une bonne idée.
M. Campbell: J'aimerais ajouter une chose. Beaucoup de néo-Canadiens viennent s'installer dans la région métropolitaine de Toronto. Très souvent, les parents ne savent pas très bien ce qui se passe ici, au Canada. Lorsqu'un fils ou une fille rentre de l'école et annonce qu'ils ont des droits, qu'ils peuvent installer une serrure sur la porte de leur chambre et que personne n'a le droit d'y pénétrer, les parents prennent ça pour parole de l'Évangile. On voit donc des enfants qui empêchent leurs parents d'entrer dans leur chambre, qui accumulent du matériel électronique, des vêtements, toutes sortes d'articles. Les parents ne posent pas de questions sur la provenance de ces objets, ils pensent qu'ils n'en ont pas le droit.
Peut-être pourrait-on envoyer aux parents un dossier d'orientation, par exemple, en 9e année. Nous pourrions travailler avec les parents, leur expliquer quels sont leurs droits, leur expliquer qu'ils doivent être attentifs à certains signes chez leur fils ou chez leur fille, leur demander si leurs enfants ramènent du matériel à la maison, etc. Ce sont des questions que nous devrions leur poser, et en même temps, leur dire que les enfants ne sont pas censés verrouiller leur porte.
Ce genre de chose devient de plus en plus fréquent. J'ai exécuté des quantités de mandats de perquisition dans des maisons où les portes des chambres d'enfant sont verrouillées. Les placards sont verrouillés. Les parents ont l'impression que c'est un droit. Nous devons expliquer tout cela aux parents, ceux qui ne viennent pas au tribunal et qui n'ont donc pas l'occasion d'entendre le juge ou l'avocat de la défense.
M. Archibald: Il y a effectivement des parents comme cela. J'ai vu des enfants suicidaires, et j'ai fait exactement ce qu'il a dit. Dans une petite chambre à coucher, j'ai trouvé du matériel volé valant plus de 30 000$. Il y avait même des pneus d'automobile. Comment les parents peuvent-ils ne pas s'en apercevoir? Cela me dépasse.
Sérieusement, lorsqu'il s'agit d'un cas de suicide, on trouve dans une chambre fermée à clé, des notes de suicide, des chansons de suicide, des indications d'un culte quelconque. Quand on pose des questions aux parents, ils répondent que c'est la chambre de leur enfant, que cela ne les regarde pas. Je ne vous parle pas d'enfants de 17 ans, mais bien d'enfants de 14 ans. Ce n'est pas normal.
Mme Dale: J'ai vraiment l'impression que beaucoup de gens ne se rendent pas compte à quel point c'est différent aujourd'hui d'être parents. J'ai été élevée à Scarborough. Quand j'avais des problèmes à l'école, mes parents y allaient et ils prenaient parti pour l'école. Ils avaient raison de prendre des sanctions contre l'enfant. Aujourd'hui, les parents viennent nous demander ce que nous avons fait pour que leur enfant fasse telle chose. Je pense que le problème se situe à ce niveau là, c'est là que ça commence.
À mon avis, notre action devrait viser les parents actuels, mais nous devons également cibler ces jeunes adultes, car ce sont les parents de demain. Nous élaborons des classes destinées aux futurs parents, et nous voulons leur donner toutes les informations nécessaires pour faire d'eux de meilleurs parents.
Le président: Merci. Monsieur Gallaway.
M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Merci, madame la présidente, et merci à tous d'être venus ce matin. J'ai trouvé votre exposé particulièrement intéressant.
Dans les interventions, on retrouve le même élément, la nécessité d'abaisser l'âge minimal. Certains ont dit 10 ans, d'autres ont dit qu'il ne fallait même plus le mentionner.
J'aimerais revenir sur une observation que vous avez faite, détective Archibald, sur les activités de la Société de l'aide à l'enfance. Si un enfant de 10 ans commet un acte criminel, vous pouvez faire appel à la société. La police dispose donc d'un autre recours.
M. Archibald: C'est exact.
M. Gallaway: C'est donc une chose que vous pouvez faire, n'est-ce pas?
M. Archibald: Absolument.
M. Gallaway: D'accord. Par conséquent, quand vous dites que la police ne peut rien faire quand il s'agit d'un enfant de dix ans, ce n'est pas tout à fait exact.
M. Archibald: Non, effectivement, vous avez parfaitement raison. J'ai dit que la police avait une possibilité; nous pouvons arrêter l'enfant. Nous ne pouvons pas l'envoyer devant les tribunaux, mais nous pouvons faire appel à certains organismes.
M. Gallaway: Très bien.
Tous ceux qui ont parlé ce matin semblent penser également que le système ne fonctionne pas bien. Je vous pose donc cette question: à quoi servirait-il d'envoyer un enfant de dix ans dans un système qui ne fonctionne pas bien?
M. Archibald: Le système des tribunaux?
M. Gallaway: Oui. Permettez-moi de répéter ma question. On connaît la Société de l'aide à l'enfance, et vous avez mentionné l'existence de plusieurs services de soutien, de psychologues et d'autres services communautaires; à quoi servirait-il d'envoyer un enfant devant les tribunaux ou de le priver de tous ces recours qui n'existent pas dans ce système?
M. Archibald: Le système des tribunaux fonctionne, et il peut fonctionner, mais il se trouve que pour l'instant, il ne fonctionne pas. Nous ne sommes pas les seuls à le penser, les enfants pensent la même chose. Ils se moquent tous de ce système.
Dans ce système, le juge peut forcer un enfant de 12 ans à demander une aide psychologique, à s'adresser à un professionnel, à faire du travail communautaire, etc. Mais en dehors du système des tribunaux, nous ne pouvons pas les forcer. Comment peut-on forcer des parents et des jeunes à consulter un psychologue si les parents refusent ou s'en fichent complètement?
M. Gallaway: Dans ce cas, je vais vous faire une suggestion. Aux termes de la législation sur l'enfance, on peut retirer la garde d'un enfant à un parent qui refuse de coopérer. Ne pensez-vous pas que c'est une menace, une sanction?
M. Archibald: Ah, Seigneur. Je ne sais pas. Est-ce que cela se produit souvent? C'est ce que je ne sais pas.
M. Gallaway: Vous ne savez pas, mais par contre, vous connaissez particulièrement bien les tribunaux du système criminel. Très bien. À mon avis, si cela est fréquent, peut-être que ce système-là ne fonctionne pas non plus. Vous ne savez pas.
M. Archibald: Non, je ne sais pas.
M. Gallaway: Très bien.
Vous avez parlé des droits des enfants. Vous pensez qu'il faut leur enlever leurs droits? Vous pensez qu'ils ne devraient avoir aucun droit devant les tribunaux?
M. Archibald: Non, pas du tout. Vous pouvez tracer la ligne n'importe où dans le sable, ils vont sauter dessus immédiatement. Vous savez quoi? Je peux vous assurer que leurs orteils vont dépasser. J'en suis persuadé. La ligne est maintenant tellement loin qu'aujourd'hui, ce sont des meurtres.
M. Gallaway: D'accord. Vous dites qu'il faut les traiter comme des adultes parce qu'ils se considèrent comme des adultes. Monsieur le maire veut abaisser l'âge limite. Je vous pose donc cette question: si nous traitons les enfants de 10 ans comme des adultes, quels autres droits allons-nous leur donner? S'ils deviennent des adultes, est-ce qu'ils ne devraient pas en même temps jouir des autres droits des adultes?
M. Archibald: Pas du tout, parce que j'ai parlé des enfants de 16 ans. Ils sont aujourd'hui beaucoup plus débrouillards et beaucoup plus durs qu'ils ne l'étaient il y a 10 ans. C'est notre système qui a provoqué cela. Tout a contribué à les rendre plus durs que n'importe lequel d'entre nous au tour de cette table, qu'il s'agisse de la télévision, des médias, etc.
M. Gallaway: N'êtes-vous pas d'accord pour dire que notre société donne des indications contradictoires aux adolescents? Ainsi, en Ontario, les jeunes dès 16 ans ne peuvent obtenir qu'un permis de conduire avec restrictions, qui n'existait pas auparavant; on leur impose des règles différentes. Pourtant, vous proposez qu'ils soient considérés comme des adultes aux fins du droit pénal.
M. Archibald: À 16 ans, oui, parce que vous les laissez conduire, vous les laissez prendre le volant d'un véhicule de plusieurs tonnes, vous leur confier cette responsabilité à titre d'adulte. Si l'âge minimal d'application restait 18 ans, les adolescents continueront d'en rire. Ils sont beaucoup plus durs qu'avant. Pour ma part, j'estime qu'à 16 ans, ce sont des adultes. Si vous leur parlez, si vous les écoutez, si vous voyez les crimes qu'ils commettent, vous constatez que ce sont des adultes.
M. Gallaway: Nous allons donc remettre des enfants de 10 ans aux mains d'un système qui manque de ressources. Vous recommandez que les adolescents de 16 ans soient traités comme des adultes. Par conséquent, recommandez-vous aussi que les adolescents de 16 ans reconnus coupables d'avoir commis un crime méritent une peine d'emprisonnement? Vous connaissez bien le système de justice pénale. Savez-vous que, dans les pénitenciers fédéraux, les détenus les plus jeunes ont35 ans? Vous voulez emprisonner des adolescents de 16 ans avec des adultes de 35 ans?
M. Archibald: Pas du tout.
M. Gallaway: Alors, où les enverrons-nous? Devrons-nous construire de nouvelles prisons?
M. Archibald: Ça, je l'ignore. Je dis simplement qu'il faut prévoir, au sein du système, un mécanisme de réduction de comptes. Je ne préconise pas qu'on envoie des enfants de 10 ans en prison ou qu'on les fasse comparaître devant les tribunaux. J'ai dis simplement que les enfants de 10 ans qui commettent des crimes doivent être jugés de sorte qu'on puisse imposer de façon progressive des mesures disciplinaires. Le système est là, mais il ne fait pas ce qu'il devrait faire.
M. Gallaway: Vous ne connaissez pas le système de protection de la jeunesse. Vous ne savez pas que nous avons là un système progressif.
M. Archibald: Je ne répondrai que ceci: je ne connais pas ce système parce que je ne suis pas agent de la protection de la jeunesse. Moi, je m'occupe de vols, d'extorsions, de crimes commis avec des armes. C'est le genre d'infractions dont je m'occupe.
Les adolescents qui commettent ce genre de crimes ont une mentalité... il faut faire quelque chose. Voilà où je veux en venir.
M. Gallaway: Vous suggérez donc qu'on les fasse juger par les tribunaux.
M. Archibald: Oui.
M. Gallaway: Très bien.
Monsieur le maire, vous avez aussi recommandé qu'on abaisse l'âge d'application de la LJC.
M. Faubert: Je propose qu'on l'élimine.
M. Gallaway: D'accord. Je ne veux pas être insolent, mais si vous les traitez comme des adultes, êtes-vous aussi disposé à ce que ces jeunes de 12 ans votent pour vous?
M. Faubert: Monsieur Gallaway, je crois que vous compreniez très bien pourquoi j'ai fait cette recommandation. Où doit-on fixer la limite? Tout le monde a une limite arbitraire. Il n'y a pas d'âge magique, que ce soit dix, neuf, huit ou sept ans. Si vous commettez un crime d'adulte - je ne prétends pas qu'on doive faire juger tous ces enfants par un tribunal pour adultes ou les condamner tous à une peine d'emprisonnement - , il faut que leur crime soit puni. C'est ce que prévoit notre société. Nous vivons conformément à la règle de droit. Si nous voulons faire fi de cette règle dans certaines circonstances - et c'est manifestement ce que nous faisons aux termes de certaines dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants - nous abandonnons nos responsabilités. C'est peut-être là une partie du problème.
Nous semblons croire que nous devrions traiter les adolescents et certains jeunes contrevenants... Croyez-moi, j'ai eu des contacts avec eux. J'ignore quelle est votre expérience personnelle avec les adolescents, mais moi j'ai connu des trafiquants de drogue chevronnés de huit et neuf ans. Ils ne sont pas devenus trafiquants de drogue sous l'influence d'un adulte; ils ont pris l'initiative. J'estime qu'ils doivent répondre de leurs actes. La société doit les forcer à répondre de leurs actes. Nous nous jugeons civilisés, mais nous ne cessons de tolérer la barbarie.
M. Gallaway: Dans le cas du trafiquant de drogue de huit ans, à quoi sert le système? À assurer sa réinsertion sociale ou à le punir?
M. Faubert: À assurer sa réinsertion sociale. À cet âge, les chances sont meilleures qu'avec un criminel endurci.
M. Gallaway: Saviez-vous que le Canada a le troisième taux d'incarcération d'adolescents au monde? Saviez-vous qu'il est fort probable qu'un adolescent qui a des démêlés avec la justice se retrouvera en détention? Le saviez-vous?
M. Faubert: Non.
M. Gallaway: Très bien. Maintenant que vous le savez...
M. Faubert: Dites-moi où vous voulez en venir.
M. Gallaway: ... pourquoi croyez-vous qu'en faisant juger le contrevenant de huit ans par un tribunal, on l'aidera à changer de vie?
M. Faubert: Nous ne préconisons pas la détention dans tous les cas.
M. Gallaway: Je parle des tribunaux.
M. Faubert: Le tribunal est l'organe qui juge les contrevenants et leur impose une peine. Comme vous le savez, cette peine n'est pas toujours une peine d'emprisonnement. Toutes sortes de possibilités s'offrent aux jeunes contrevenants, dont le counselling. Le problème, c'est qu'ils refusent souvent de se prévaloir de ces programmes et qu'on n'insiste pas pour qu'ils le fassent. Il y a toutes sortes de faux-fuyants et d'échappatoires. Voilà où nous voulons en venir.
La présidente: Monsieur Gallaway, votre temps est écoulé. Je vous avais prévenu, ce n'est pas toujours facile.
À titre d'information pour les témoins et les membres du comité, normalement, il y a alternance entre les députés d'opposition et les ministériels. Cependant, sur ce sujet-ci, nous avons constaté que les députés des trois partis ont souvent beaucoup de choses en commun. M. Langlois m'a indiqué dans une note que, avec le consentement des membres du comité, il cédera son temps à M. Cannis. Monsieur Cannis, vous avez cinq minutes.
M. Cannis (Scarborough Centre): Merci, madame la présidente. Je n'utiliserai peut-être pas les cinq minutes, mais je suis heureux de l'occasion qui m'est donnée d'intervenir.
J'aimerais répondre à certaines des remarques qui ont été faites par les témoins. Une chose m'a frappé: l'agent Archibald a dit que les jeunes d'aujourd'hui ferment leurs portes, ferment leurs placards. Est-ce la Loi sur les jeunes contrevenants qui les fait agir ainsi? Je l'ignore. Peut-être pouvez-vous répondre à cette question.
Par ailleurs, il me semble que les autorités provinciales aient aussi des obligations. Vous avez parlé de partenariat et de collaboration. Je suis entièrement d'accord avec vous. Ça commence à la maison, à l'école, mais d'autres, comme le CRTC, ont un rôle à jouer. Les autorités provinciales permettent aux enfants de répondre comme vous l'avez décrit tout à l'heure - si ça vous convient, vous, les parents, d'accord, sinon, je trouverai un autre moyen de subvenir à mes besoins - ce qui constitue la porte de sortie et qui enclenche tout un processus.
Les trois paliers de gouvernement, fédéral, provincial et municipal, tentent de s'attaquer à la racine du problème, mais doivent aussi subir d'importantes restructurations. Je sais que les organisations que vous représentez font souvent allusion aux compressions budgétaires et se plaignent de ne pouvoir faire leur travail. Il en va de même pour les écoles. Mais nous devons nous adapter à la situation et faire de notre mieux. Est-ce que c'est ce qui se passe chez vous?
M. Archibald: Tout le monde fait l'impossible avec des ressources de plus en plus rares. Les services de police ne peuvent réduire davantage leurs dépenses.
Je crois vous avoir entendu dire qu'on n'a aucun respect pour le système et vous vous êtes demandé pourquoi. C'est parce que les adolescents ne craignent rien. Ils n'ont peur de personne. Ils n'ont peur ni de la police, ni de leurs parents, ni des enseignants. Cette année seulement, je crois avoir arrêté quatre ou cinq jeunes qui avaient attaqué des enseignants.
Les adolescents n'ont aucune crainte tout simplement parce que, selon leur perception, le système ne peut leur faire de tort. En fait, pour eux, il n'y a pas de système. «Vous ne pouvez rien faire contre moi. Il n'y a rien que vous puissiez faire. Qu'allez-vous faire?»
M. Cannis: Le système des tribunaux vous semble-t-il efficace?
M. Archibald: Oui, dans de nombreux cas. J'ai vu des adolescents qui avaient commis un crime pour la première fois et qui se faisaient imposer comme peine des mesures de rechange; ils n'ont pas récidivé. C'est un peu comme pour les choux de Bruxelles. Certains enfants en mangent une fois puis n'en mangent plus jamais. Certains enfants en font autant avec le crime. Ce sont les récidivistes qui posent un problème, car ils savent comment profiter du système.
Il y a aussi les gangs. De plus en plus, c'est la mentalité du gang qui prévaut. Les victimes elles-mêmes se joignent à des gangs parce qu'elles estiment que c'est pour elles la meilleure forme de protection. Il n'y a pas d'autre système. Elles se font entraîner. Voilà pourquoi il y a tant d'enfants qui se font entraîner dans des gangs; ils croient qu'ils seront protégés ainsi. Des clans se forment alors, il y a des querelles qui mettent en cause 200 ou 300 personnes. C'est ridicule.
On le voit dans les cas de meurtres. Les jeunes ne commettent pas seuls les meurtres. Habituellement, c'est quelqu'un de l'extérieur qui prend la décision et tout un clan commet le crime.
Je sais que c'est un sujet distinct, mais il faut qu'on se concentre sur les activités des gangs. Si nous n'agissons pas, les enfants continueront de s'adresser à ces clans pour obtenir le soutien et la protection dont ils estiment avoir besoin. Les clans les protégeront. Si nous n'agissons pas, la situation s'aggravera.
M. Cannis: Ne croyez-vous pas qu'on devrait examiner la façon dont les tribunaux provinciaux déterminent les peines? Se doter d'une Loi sur les jeunes contrevenants, c'est une chose; l'administrer en est une autre. Je ne parle pas seulement de l'Ontario, mais de toutes les provinces du pays.
J'ai souvent entendu dire que les adolescents ne recevaient que des peines très légères. Où est le message, où est le châtiment? S'il y a négligence, c'est de la part de tous, les provinces et le gouvernement fédéral. On m'a dit, et je l'ai constaté, que le système fédéral ne fait rien. Il me semble que c'est un message qu'on doit communiquer clairement à nos commettants, à notre pays, au niveau provincial.
M. Archibald: Absolument.
M. Cannis: Il faudrait peut-être examiner les genres de peines qui sont imposées pour ensuite modifier les règles.
M. Campbell: Vous oubliez une chose importante. Les jeunes contrevenants qui reçoivent même la peine la plus sévère peuvent après un an demander une révision de peine au tribunal; s'ils ont été sages au cours des six ou douze derniers mois, le juge réduira la peine. On peut donc tenter de leur faire peur, leur imposer une peine de détention, mais ils savent qu'au bout d'un an, ils seront libérés. Ils n'auront qu'à présenter une demande au tribunal et à bien se comporter pour que le juge réduise leur peine. Même en prévoyant un examen de la demande par un juge, la loi est actuellement libellée de telle sorte que...
La présidente: Il vous intéressera peut-être d'apprendre que, hier, on nous a dit que cet article n'était pas invoqué assez souvent, qu'en fait, il est rarement utilisé. C'est ce que nous ont dit les représentants des établissements de détention.
Le sergent-détective Campbell: Je peux vous dire qu'à Scarborough on l'utilise beaucoup.
La présidente: Je suppose que cela dépend de l'endroit.
Le sergent-détective Campbell: Au centre de détention de l'ouest de Toronto, cela se fait très rapidement: «Tu n'as qu'à plaider coupable; on t'imposera une peine, mais il te suffira de comparaître de nouveau devant le tribunal l'an prochain pour la faire réduire.» Tous les jeunes contrevenants de la région métropolitaine de Toronto sont envoyés à ce centre de détention; ils sont donc tous au courant.
Mme Dale: S'il y a des directives claires et des conséquences sérieuses, les enfants comprennent. Cette semaine, un jeune contrevenant m'a dit: «Je ne savais pas que, si je me battais sur le terrain de l'école et que j'allais ensuite ailleurs, je resterais sous l'autorité de l'école; je croyais m'en tirer à bon compte en quittant le terrain de l'école.» Cela m'indique qu'il a réfléchi à la question. Il croyait pouvoir s'en tirer en quittant le terrain de l'école. Mais nous savions qu'il s'en était pris à un autre adolescent à l'école; nous pouvions le prouver, nous avions des témoins. Il croyait pouvoir nous échapper. Mais nous lui avons dit qu'il devait assumer la responsabilité de ses actes. Nous savons que si les enfants savent qu'ils sont responsables, ils écoutent. Lui, il croyait pouvoir nous échapper.
Cela m'apparaît important. Il faut prévoir des conséquences graves et s'assurer que les contrevenants assument ces conséquences.
La présidente: Merci, madame Dale.
Madame Torsney.
Mme Torsney (Burlington): Merci.
J'aimerais d'abord vous féliciter d'avoir créé ce comité spécial sur la prévention du crime. J'ai été heureuse d'apprendre ce que vous avez fait jusqu'à présent, et j'aimerais bien en savoir plus long.
Une chose me préoccupe: vous êtes tous des leaders, vous siégez à ce comité, vous êtes des porte-parole en matière de prévention du crime. Or, vous véhiculez certains des mythes les plus communs sur le système actuel et sur les changements que nous y avons apportés.
Outre les quatre-vingt-dix minutes que nous passerons ensemble, il m'apparaîtrait souhaitable que vous fassiez appel à des experts du domaine pour être mieux informés. Je vous ai entendu dire que le dossier est éliminé lorsque les adolescents atteignent l'âge de 18 ans. C'est faux. Nous pouvons vous recommander des gens très compétents qui pourraient vous parler des effets de la criminalité juvénile, des indicateurs, de ceux qui risquent d'avoir des démêlés avec la justice. Je vous suggère de communiquer avec Mary Anne Kirvan, du ministère de la Justice, qui travaille à ces questions depuis des années et qui serait une excellente personne- ressource pour vous si vous vouliez tenir une séance intensive d'information.
Au cours des derniers jours nous avons entendu dire - en fait, c'est un juge qui a travaillé avec les jeunes quand il était avocat qui nous l'a dit - qu'il est très décevant que nous ne cessions de répéter que le système de justice pour les jeunes est une fumisterie. Maintenant, les enfants en disent autant. Nous n'avons pas rendu service aux jeunes en leur disant cela.
On nous a parlé d'un incident précis: une adolescente qui était en détention ne cessait de répéter que rien ne lui arriverait, que tout cela n'était qu'une blague. Nous lui avons fait remarquer que quelque chose lui était arrivé: elle était en détention. Elle avait cru les gens et les médias, qui ne cessent de répéter que tout cela n'est qu'une blague.
Vous dites que les jeunes connaissent très bien leurs droits, mais ce n'était pas le cas de l'adolescent qui a eu des problèmes à l'école dont vous venez de nous parler. Dans les petits conseils scolaires et écoles, on met l'accent sur la pratique. Tout le monde au pays connaît la politique de la tolérance zéro. Vos enfants sont au courant, mais ils ne comprennent pas vraiment comment cela se passe à l'école. Imaginez un peu la situation à l'échelle du pays. À mon avis, nous avons encore du pain sur la planche à ce chapitre.
J'aimerais demander très précisément à Doreen et à Gaye si elles peuvent nous donner le texte des directives que reçoivent les enseignants pour la maternelle et la pré-maternelle, si cela existe encore, et pour la première et la deuxième années, lorsque des problèmes de comportement se manifestent chez les enfants et qu'ils ont besoin d'aide supplémentaire. J'aimerais voir les documents qui expliquent aux enseignants à qui téléphoner tout de suite, s'il y a un document qui parle du Dr Leschied, et d'autres personnes ont des preuves. S'ils font face à ce genre de comportement et que ces enfants sont à risque, les enseignants devraient avoir ce genre d'outil.
J'aimerais voir ces documents, si vous voulez bien nous les donner, car ces enfants n'apparaissent pas tout à coup à l'âge de 12 ou de 16 ans; ce comportement se manifeste dès l'âge de 3, 4, 5 ou 6 ans, sauf que personne n'y prête attention. J'aimerais beaucoup voir ces documents.
J'ai une question pour vous deux ainsi que pour le détective Archibald. Combien d'enfants de votre conseil scolaire avez-vous renvoyés au projet Earlscourt grâce à vos contacts avec la police?
Mme Dale: Je n'en ai aucune idée.
Mme Doreen Hare (conseillère scolaire, écoles séparées, Quartier 1, Scarborough Community Safety Council): Je n'en ai jamais entendu parler. Je devrai me renseigner.
Mme Torsney: Vous avez, dans le Grand Toronto, le meilleur programme du pays pour les moins de 12 ans, programme qui vise à enseigner aux parents les compétences nécessaires pour s'occuper de leurs enfants. C'est le meilleur programme du pays. Il coûte 4 000$ par an pour l'enfant et sa famille. Les responsables du programme travaillent avec les écoles et les enfants. Ils leur montrent comment éviter d'avoir des démêlés avec autrui.
Il n'y a pas assez de cas pour maintenir le programme. Ce sont les écoles et la police qui sont censées y envoyer les enfants à problèmes. Ces gens-là peuvent aider ces enfants à devenir de meilleurs adultes. Vous, qui êtes en première ligne, ne connaissez même pas ce programme, qui existe dans votre ville. Eh bien, il n'existe pas dans votre ville, mais il relève de votre conseil. Nous vous fournirons des renseignements sur ce programme aussi.
Andrew, vous travaillez avec les enfants à votre école et ailleurs. Êtes-vous encore à l'école?
M. Andrew Bedeau (Scarborough Youth Council, Scarborough Community Safety Council): Oui.
Mme Torsney: Certaines personnes nous ont dit aujourd'hui que les jeunes âgés de 16 et 17 ans devraient être jugés au tribunal pour adultes. Ces personnes veulent qu'ils soient traités comme des adultes. Croyez-vous que le système d'immatriculation par étapes progressives, l'âge électoral et l'âge à partir duquel il est permis de consommer de l'alcool devraient être modifiés parce que les jeunes âgés de 16 ans sont maintenant des adultes?
M. Bedeau: Je crois personnellement que la seule chose à changer, c'est l'âge dans la Loi sur les jeunes contrevenants.
Mme Torsney: Pourquoi?
M. Bedeau: Parce qu'à l'âge de 16 et 17 ans on sait penser consciemment. On enseigne cela aux jeunes à l'école. On leur enseigne non seulement comment régurgiter de l'information, mais aussi comment la moduler et comment élaborer ses propres pensées. Tout se passe après l'âge de 15 ans. C'est un âge relatif pour certains. Mais dès l'âge de 16, 17 ou 18 ans, on est considéré pratiquement comme un adulte pour ce qui est de la criminalité. On sait exactement ce qu'on fait et ce à quoi on s'engage.
Le seul problème, comme certains des détectives l'ont dit, c'est la peur et tout le reste; la Loi sur les jeunes contrevenants est une politique de tolérance zéro; donc on en fait la promotion. Chacun sait de quoi il parle. Chacun sait à quoi il s'engage. Cela réduit l'ignorance et, par conséquent, la peur. Donc, la Loi sur les jeunes contrevenants ne suscite pas beaucoup de peur.
Pour revenir à ce que vous disiez à propos de l'âge à partir duquel il est possible d'obtenir un permis de conduire ou de boire de l'alcool, et tout le reste, non, il ne faudrait pas abaisser l'âge. Personnellement, je ne bois pas.
Mme Torsney: Pourquoi?
M. Bedeau: L'âge à partir duquel il est permis de boire relève d'une mentalité différente de celle qui concerne la Loi sur les jeunes contrevenants à mon avis.
Mme Torsney: Exemple?
M. Bedeau: Pour qu'une jeune personne commette un crime, il suffit de deux choses. Soyez indulgents, car je ne suis pas avocat... Les jeunes doivent savoir ce qu'ils font et doivent être capables de le faire, si je ne me trompe. Corrigez-moi si j'ai tort.
En ce qui concerne la consommation d'alcool, il reste beaucoup d'inconnues. On en fait beaucoup trop état dans les médias. Les gens boivent pour s'amuser, pour s'enivrer, pour faire la fête. Je n'excuse pas ce comportement, et je ne le recommande certainement pas.
Mme Torsney: Et le droit de vote? C'est un geste d'adulte.
M. Bedeau: J'aimerais bien que l'on fasse passer un test à certaines personnes pour abaisser l'âge où on a le droit de voter, car je crois que certains jeunes en connaissent suffisamment sur la vie politique pour voter intelligemment.
Mme Torsney: Et les adultes de plus de 18 ans?
M. Bedeau: J'aimerais qu'on leur fasse passer le test à eux aussi.
On pourrait bien parler encore longuement des différents secteurs du gouvernement qu'il vaudrait la peine de changer et d'améliorer, mais nous sommes en train d'étudier la Loi sur les jeunes contrevenants. En ce qui concerne la consommation d'alcool, ne changez rien; pour ce qui est du droit de vote, rabaissez peut-être l'âge de voter; pour la conduite automobile, ne changez rien; quant à la Loi sur les jeunes contrevenants, rabaissez l'âge auquel elle s'applique.
La présidente: Monsieur Lee.
M. Lee (Scarborough - Rouge River): J'espère que le compte rendu montrera clairement que ce n'est pas moi qui viens tout juste de parler - non pas que je veuille me dissocier des observations du témoin, mais...
Depuis plusieurs années, j'essaie de comprendre l'objet de la Loi sur les jeunes contrevenants et de la reformuler dans mes propres termes, sans faire appel à la langue juridique. Il y a quelque temps, j'ai conclu que le seul objectif de cette loi, c'était de permettre l'intervention de forces de la société dans la vie d'un jeune. Je suppose que l'on définira plus tard ce que l'on entend par jeune. C'est donc là l'objectif de la loi; ce n'est pas de jeter ces jeunes en prison. Il s'agit plutôt de fournir l'intervention appropriée. Si l'intervention ne vient pas, le tout se solde par un échec, et si l'intervention ne convient pas, cela se solde aussi par un échec. Le gouvernement fédéral a beau élaborer la loi, ce sont les provinces et les municipalités qui interviennent.
Nous avons vu certains exemples d'interventions, parfois officielles, parfois non. Le conseil scolaire a un programme d'intervention qui ne se fonde pas sur la Loi sur les jeunes contrevenants. Il a recours à d'autres outils. On a entendu dire que les moins de 12 ans étaient laissés pour compte et qu'il n'y avait aucune intervention obligatoire à leur égard. On peut en effet le regretter, car on souhaiterait sans doute pouvoir intervenir auprès d'un jeune de 13 ou de 12 ans de la même façon que l'on voudrait intervenir dans le cas d'un jeune de 11 ans, s'il a commis le même crime dans le même contexte, ou dans le cas d'un enfant de huit ans. Mais peu importe, voilà l'objectif de la loi.
Pouvez-vous donner au comité des exemples d'interventions qui vous semblent appropriées, qu'elles soient officielles ou pas, autres que celles qui existent ou que celles qui n'existent pas ici mais que vous connaissez? On a entendu parler du projet Earlscourt. Certains d'entre vous pourraient-ils nous donner des exemples d'interventions qui leur sembleraient appropriées dans le cadre de la Loi sur les jeunes contrevenants et qui feraient appel à la détention en milieu fermé ou en milieu ouvert, ou encore à d'autres types d'intervention?
Le sergent-détective Campbell: Il m'a semblé intéressant d'entendre dire que la Loi sur les jeunes contrevenants avait empêché certains organismes d'intervenir.
M. Gallaway a mentionné les droits et a dit que, actuellement, dès lors qu'un agent de police a affaire à un contrevenant ou à quelqu'un qu'il soupçonne d'avoir commis une infraction, ou s'il croit même qu'il l'a commise, il doit lui lire ses droits. Or, dès qu'on lit à quelqu'un ses droits, il se tait. S'il a commis une infraction suffisamment grave, vous pouvez également l'informer qu'il peut être transféré à un tribunal pour adultes. Cela fait partie de ses droits.
Voilà pourquoi je suis convaincu que la Loi sur les jeunes contrevenants a eu pour conséquence de faire augmenter le nombre des mises en accusation devant les tribunaux, tout bonnement parce que les jeunes refusent de vous parler et de vous faire des déclarations. Auparavant, l'agent de police pouvait intervenir et proposer divers programmes d'intervention, mais, aujourd'hui, le contrevenant ou le suspect refuse de dialoguer avec lui. Autrement dit, on en arrive aujourd'hui à des prétentions établies prima facie qui sont renvoyées aux tribunaux, à qui on demande de trancher. Cela ne nous donne ni à nous ni à d'autres organismes la possibilité de placer le jeune contrevenant dans un programme différent, parce qu'il n'a plus à vous parler.
Voilà ce qui arrive aujourd'hui. Les jeunes contrevenants à qui j'ai eu affaire ont refusé de me parler et de me dire quoi que ce soit. Pourtant, je leur dis que je veux les aider et les insérer dans un programme.
Il existe des tas de bons programmes et des tas de solutions de rechange. Pourtant, on ne nous donne pas l'occasion d'y envoyer les jeunes contrevenants.
Même le juge Doherty a écrit que les articles 57 et 16 de la Loi sur les jeunes contrevenants sont un obstacle qui empêche ceux qui le souhaitent d'aider les jeunes.
Nous n'avons donc d'autre choix que de les traîner devant les tribunaux. Il existe de bons organismes d'aide, mais nous ne pouvons nous tourner vers eux. Voilà pourquoi j'affirme que c'est à cause de la Loi sur les jeunes contrevenants qu'il y a un nombre croissant de jeunes contrevenants devant les tribunaux.
M. Duguid: De plus, au cours de la prochaine année, notre conseil tiendra ses propres audiences locales sur le crime et la violence chez les jeunes. Nous allons sans doute commencer dès ce mois-ci.
M. Lee a posé la question clé: que peut faire notre collectivité pour offrir différents programmes d'intervention de rechange? Nous ne saurions répondre aujourd'hui à cette question, puisque nous n'avons même pas encore commencé nos audiences. Espérons que dans 12 mois nous aurons entendu quelques suggestions originales.
Une solution possible qu'a mentionnée le maire, c'est le dédommagement.
Nous voudrions voir la collectivité s'engager plus directement. Ce qui nous inquiète un peu, c'est de remettre le jeune entre les mains de quelqu'un d'autre, surtout s'il en est à ses premières infractions, ce qui a pour effet de l'envoyer dans un autre milieu, qui s'en occupera. Cela revient à dire que nous nous lavons les mains du sort de nos enfants. Si certains enfants de notre collectivité ont mal tourné, nous les envoyons ailleurs. Demandons-nous d'abord s'il n'est pas possible de faire quelque chose à l'échelle locale. Mais, pour l'instant, nous n'en sommes pas encore au point où nous puissions vous donner une réponse définitive.
Voilà la question clé.
La présidente: Je vais malheureusement devoir mettre un terme à cette discussion. Aujourd'hui, nous avons invité certains spécialistes d'autres milieux et d'autres professions pour qu'ils puissent aussi vous écouter. J'aurais même dû vous les présenter plus tôt. Je vous présente Mary Anne Kirvan, conseillère juridique principale au ministère de la Justice en ce qui concerne la Loi sur les jeunes contrevenants. Vous voudrez peut-être prendre un instant pour lui parler, et elle pourra vous donner sa carte d'affaires.
Votre groupe, qui a de bonnes idées et un bon plan d'attaque, constatera peut-être qu'il existe au gouvernement fédéral, dans des organisations caritatives, ou même ailleurs, des ressources qui peuvent vous aider et qui sont à proximité. Si l'un ou l'autre des membres du comité peut vous être d'une quelconque utilité, n'hésitez pas à aller le voir. Nous commençons à peine à constater à quel point il y a toutes sortes de trésors un peu partout qui peuvent aider les collectivités.
Je vous remercie beaucoup. Tout le monde n'a pas eu la chance de prendre la parole, mais vous étiez là, et nous en avons été heureux. J'espère que vous pourrez continuer d'être des nôtres toute la journée.
Nous vous remercions beaucoup, monsieur le maire, d'avoir mis à notre disposition une si belle salle.
Nous allons faire une pause de deux minutes pour permette à Mme Heather Kinnear, directrice des politiques et de la planification à la Probation Officers Association of Ontario, de s'installer.
La présidente: Nous reprenons la séance. Commençons tout de suite, et les retardataires se joindront ensuite à nous.
Pour ceux qui craindraient de rater quelque chose, je vous signale qu'il y aura une transcription de nos délibérations.
Nous accueillons donc maintenant, de la Probation Officers Association of Ontario, Mme Heather Kinnear, directrice des politiques et de la planification, M. Bob Eaton, vice-président, et Mme Judi Curtis, trésorière. Bienvenue à vous tous.
M. Bob Eaton (vice-président, Probation Officers Association of Ontario): Je vous remercie.
Permettez-moi d'abord de vous dire quelques mots au sujet du mandat que notre association. Créée en 1954, la Probation Officers Association of Ontario représente environ 900 agents de probation et agents de libération conditionnelle de la province. Notre association s'est fixé un certain nombre d'objectifs, dont les deux premiers sont les suivants: prendre position de façon crédible sur les questions liées au système de justice pénale et présenter aux décisionnaires des points de vue représentatifs sur les questions législatives.
Notre organisme se compose de bénévoles. Comme je l'ai dit, ces bénévoles sont des agents de probation et des agents de libération conditionnelle qui travaillent au sein des ministères ontariens des Services communautaires et sociaux et du Solliciteur général et des Services correctionnels.
Avez-vous tous reçu un exemplaire de notre mémoire?
La présidente: Oui.
M. Eaton: Puisque vous pouvez tous lire à votre guise notre mémoire, nous préférerions d'abord parler de la table des matières et ensuite des recommandations qui figurent au milieu de la page 7.
Nous aimerions d'abord vous entretenir du rôle et des fonctions de ce qu'on appelle le délégué à la jeunesse. Notre association est d'avis que l'appellation «agent de probation» devrait remplacer celle de «délégué à la jeunesse» qui figure dans la loi. Le terme «délégué à la jeunesse» est un terme général qu'utilisent divers organismes oeuvrant dans toutes sortes de domaines, ce qui, à notre avis, est source d'une grande confusion non seulement pour les familles et pour les jeunes contrevenants, mais aussi pour les fournisseurs de services eux-mêmes. Le titre d'agent de probation refléterait clairement les fonctions confiées à la personne chargée de voir à ce que le jeune contrevenant respecte une ordonnance d'un tribunal.
Notre association a toujours soutenu que les agents de probation sont des professionnels spécialistes du domaine des services correctionnels. Voilà pourquoi les agents de probation devraient posséder un diplôme universitaire attestant leurs compétences. Si le titre d'agent de probation figurait dans la loi, notre association estime que cela confirmerait le caractère professionnel de notre travail. En outre, la crédibilité des délégués à la jeunesse et des agents de probation serait rehaussée si l'on en faisait des fonctionnaires des tribunaux.
Permettez-nous maintenant de vous donner des précisions au sujet de la recommandation visant à renforcer et à clarifier les conditions des ordonnances de probation. J'aimerais souligner au comité que la charge de travail des agents de probation est extrêmement élevée en Ontario et dépasse parfois même les bornes. Si l'on accroît la charge de travail de nos membres sans par la même occasion augmenter les ressources dont ils disposent, le niveau des services s'en ressentira ainsi que la sécurité du public. Par conséquent, compte tenu du fait que nos ressources sont limitées, il nous faut améliorer les services qui sont offerts, utiliser les ressources de la façon la plus efficace et cibler la bonne clientèle. Nous n'en pouvons plus d'essayer de répondre aux besoins dans tous les domaines, et en particulier dans le domaine de l'aide à l'enfance et de la santé mentale des enfants.
Pour ce qui est de l'application de la loi, de nombreux agents de probation disent s'inquiéter que les tribunaux ne prennent pas suffisamment au sérieux les cas de violation des conditions de probation et que ces cas donnent souvent lieu à des négociations de plaidoyers ou à l'imposition de peines très clémentes. À notre avis, c'est la crédibilité du système de justice pénale qu'on mine si l'on ne fait pas comprendre clairement aux jeunes contrevenants que le fait de ne pas respecter une ordonnance de probation entraîne de graves conséquences.
Par conséquent, nous recommandons au comité d'envisager la possibilité de faire du non-respect d'une ordonnance une infraction mixte ou un acte criminel. On insisterait ainsi sur la gravité de ce genre d'infraction.
Nous estimons qu'il convient également de préciser dans la loi les conditions régissant les ordonnances de probation. Nous recommandons plus précisément de clarifier pour les jeunes contrevenants ce qu'on entend par «obligation de ne pas troubler l'ordre public et de bien se conduire». En outre, nous recommandons que les ordonnances de probation exigent que le jeune contrevenant informe le délégué à la jeunesse ou l'agent de probation qui lui est assigné de tout changement d'adresse, d'école ou d'emploi. Cela nous permettrait de mieux surveiller les jeunes contrevenants et de les retrouver au besoin.
Nous aimerions également souligner que la collecte d'informations est essentielle. Nous devons supprimer les obstacles à cette collecte. L'efficacité des agents de probation dépend de la qualité de l'information dont ils disposent.
Les délégués à la jeunesse et les agents de probation se réjouissent des amendements récents apportés à la Loi sur les jeunes contrevenants relativement au contenu des rapports prédécisionnels, dans la mesure où ils peuvent maintenant exercer une influence sur la portée de ces évaluations. Notre association recommande donc que la Loi sur les jeunes contrevenants accorde clairement le droit au délégué à la jeunesse ou à l'agent de probation d'obtenir cette information des tribunaux en prévision de la rédaction de rapports prédécisionnels.
Enfin, nous voulons insister sur la nécessité de l'élaboration continue de programmes correctionnels efficaces. Les causes de la criminalité sont nombreuses, et c'est pourquoi il n'y a pas de solution facile au problème. Il nous faut non seulement évaluer les facteurs criminogènes, mais aussi cibler la bonne clientèle et allouer les ressources qui conviennent à son traitement.
Maintenant que je vous ai donné un aperçu de notre rôle, Heather et Judi vont vous donner certaines précisions s'y rapportant.
Mme Judi Curtis (trésorière, Probation Officers Association of Ontario): Je vais vous donner un bref aperçu de la façon dont le système fonctionne en Ontario.
Il existe bien un système à deux paliers. À l'époque de la proclamation de la Loi sur les jeunes contrevenants, la question de l'âge de la clientèle visée a suscité une vive controverse. Pour ceux qui, comme moi, s'en souviennent, l'Ontario s'est opposé à ce que l'âge soit porté à 18 ans. Voilà pourquoi on a créé un système à deux paliers. La raison essentielle pour laquelle l'Ontario s'est opposé à ce changement, c'est qu'on a estimé qu'il y avait une grande différence entre un enfant de 13 ans et un enfant de 18 ans. On a craint que le fait de regrouper ces jeunes au sein d'un même système ne fonctionne pas.
Le système actuel est donc à deux paliers. Je suis agente de probation et je m'occupe d'enfants âgés de 12 à 16 ans qui ont été reconnus coupables d'une infraction. Heather, elle, est agente de probation et agente de libération conditionnelle. Elle s'occupe de jeunes âgés de 16 à 18 ans qui ont été reconnus coupables d'une infraction. Voilà donc le système à deux paliers. La façon dont on traite ces deux groupes d'âge diffère.
De toute évidence, il y a beaucoup d'intervenants dans le cas des enfants de 13 ou de 14 ans: les écoles, les parents et les travailleurs sociaux. Dans le cas d'un enfant qui relève des services d'aide à l'enfance, le nombre d'intervenants peut être élevé. Voilà pourquoi on nous assigne un nombre de cas un peu moins élevé qu'aux agents du second palier.
En raison des problèmes que posent les déplacements, on a récemment essayé dans le nord de l'Ontario de combiner les deux paliers. Un agent du second palier est allé dans une réserve et s'est occupé du cas de tous les jeunes contrevenants, sans égard à leur âge. Cet agent s'est vraiment rendu compte du fait qu'il faut consacrer beaucoup plus de temps aux enfants plus jeunes. Notre mémoire fait d'ailleurs mention de cette étude.
Pour ce qui est des enfants âgés de 12 à 16 ans, l'agent de probation s'occupe du cas du début à la fin. On essaie donc de ne pas changer d'agent de probation en cours de route pour des raisons de continuité. Prenons le cas d'un jeune qui fait l'objet d'une ordonnance de probation et dont le comportement l'amène à être placé sous garde en milieu ouvert et par la suite en détention. Je serai chargée de m'occuper de son cas du début à la fin. C'est moi qui serai chargée de son cas tant qu'il sera visé par le premier palier du système des jeunes contrevenants.
Le deuxième palier fonctionne de façon un peu différente. Si le jeune contrevenant fait l'objet d'une ordonnance de probation, on lui assigne un agent de libération conditionnelle provisoire, mais normalement on lui assigne un autre agent s'il est placé en détention. Si cette détention est en milieu ouvert, on lui assigne ce qu'on appelle l'agent de liaison résidentiel et, si elle a lieu en milieu fermé, un agent de liaison institutionnel. Cet agent collabore ensuite avec l'établissement pour réintégrer ce jeune contrevenant dans son milieu.
On traite donc les enfants de façon un peu différente selon leur âge. Les jeunes de 16 et 17 ans sont traités un peu plus comme des adultes. L'agent qui leur est assigné peut aussi bien être assigné à des adultes. Peut-être que la situation pour ce qui est de l'application de la loi est un peu plus claire. Dans le cas des enfants plus jeunes, nous tâchons de collaborer avec tous les intervenants et faisons même à l'occasion un peu de travail social.
Voilà comment le système fonctionne. Oui, les ressources disponibles varient selon les secteurs du système de justice pénale visés.
Je voulais aussi vous donner quelques précisions au sujet du programme de mesures de rechange en Ontario et vous dire ce qui, à notre avis, fonctionne et ne fonctionne pas dans ce programme. Nous constatons que la décision des tribunaux relativement au recours à ce programme est fonction de l'infraction commise. Ce sont les procureurs de la Couronne et les avocats de service qui ont la charge de proposer au tribunal de recourir à ce programme dans les cas particuliers. La plupart du temps, ils demandent au tribunal de suspendre la procédure et recommandent que le jeune contrevenant puisse participer à un programme de mesures de rechange. Ce n'est que par la suite qu'on se demande si cette décision est celle qui convient pour le jeune contrevenant visé.
Par conséquent, des jeunes qui ne devraient pas participer à ce programme y sont renvoyés. Il se peut qu'il puisse sembler indiqué de recommander qu'un jeune qui a commis un vol bénéficie de ce programme. Si j'ai l'occasion de discuter avec ce jeune contrevenant pendant une demi-heure, je peux me rendre compte s'il présente des risques élevés et si le programme lui convient. Parfois, les jeunes ne prennent pas au sérieux l'infraction qu'ils ont commise parce qu'on les fait bénéficier d'un programme de mesures de rechange.
Il se peut aussi qu'on recommande pour ce programme un jeune qui a été reconnu coupable de voies de fait. Il peut s'agir d'une bagarre entre élèves. Supposons que ce jeune ne se soit jamais bagarré auparavant et que ses parents aient pris les choses en main. Dans le fond, c'est un bon garçon. Dans son cas, le programme de mesures de rechange conviendrait parfaitement. Or, parce qu'il a été reconnu coupable de voies de fait, il se peut qu'on lui refuse de participer au programme.
Notre association recommande qu'on évalue chaque cas individuellement avant de recommander la participation d'un jeune contrevenant au programme de mesures de rechange et que la décision ne soit pas fonction de l'infraction qui a été commise. Il s'agit plutôt de déterminer si le programme convient au jeune contrevenant ou s'il faut plutôt songer à des sanctions pénales. Nous abordons cette question aux pages 2 et 3 de notre mémoire.
Je crois que Heather va maintenant aborder quelques autres points.
Mme Heather Kinnear (directrice, Politiques et planification, Probation Officers Association of Ontario): J'aimerais aussi vous entretenir de quelques dispositions relatives à l'application de la loi qui figurent dans la Loi sur les jeunes contrevenants. Comme Bob l'a mentionné, les membres de notre association ont exprimé au fil des ans leurs préoccupations quant aux dispositions actuelles de la loi touchant la mise en oeuvre des ordonnances de probation. Nous sommes conscients du fait que certains des problèmes qui se posent à cet égard découlent peut-être de la façon dont ces ordonnances sont mises en oeuvre, mais nous voudrions vous faire des suggestions quant aux amendements à la loi qui pourraient, à notre avis, atténuer ces problèmes.
Notre association recommande d'abord au comité d'examiner les amendements récents apportés aux dispositions du Code criminel portant sur la violation des ordonnances de probation, amendements qui découlent du projet de loi C-41. Nous recommandons plus précisément qu'on envisage la possibilité de faire de la violation des conditions d'une ordonnance de probation ou des accusations portées aux termes de l'article 26 soit une infraction mixte, soit un acte criminel.
Permettez-moi d'insister sur le fait que lorsqu'il s'agit de jeunes âgés de 12 à 17 ans, la violation des conditions de l'ordonnance de probation peut constituer en soi une affaire très grave. Il se peut aussi que ce soit l'inverse. La peine imposée peut évidemment être fonction de la gravité du cas, mais je pense qu'on peut aussi en tenir compte en faisant de la violation des conditions d'une ordonnance de probation soit une infraction punissable par procédure sommaire, soit un acte criminel, selon l'âge du jeune contrevenant.
De la même façon, lorsqu'on s'occupe du cas d'un jeune de 17 ans, ou de quelqu'un qui est sur le point d'avoir 18 ans, il peut s'agir de jeunes contrevenants qui ont déjà enfreint deux ou trois fois les conditions de leur ordonnance de probation. Je crois qu'il conviendrait alors que la loi prévoie une gamme de sanctions.
On pourrait peut-être aussi modifier la loi pour qu'au lieu de lire «omet ou refuse volontairement de se conformer à une ordonnance» on lise «omet ou refuse sans raison valable de se conformer à une ordonnance».
Comme cela est prévu dans le projet de loi C-41, on pourrait peut-être aussi prévoir une audience tout simplement plutôt qu'un procès en bonne et due forme, surtout dans les cas de condamnation conditionnelle. Nous ne recommandons évidemment pas cependant de faire fi du processus prévu. Il arrive assez souvent que des jeunes échappent à une peine en alléguant qu'ils avaient oublié certaines conditions de l'ordonnance de probation, ou parce qu'on n'a pas pu établir leur identité.
Voilà donc le genre de mesures qui pourraient peut-être être prises pour corriger chez le public la fausse impression que la loi n'est pas suffisamment sévère à l'égard des jeunes contrevenants. Elles permettraient sans doute de redonner aux gens confiance dans la loi.
Ce qui suscite de la frustration chez les délégués à la jeunesse, c'est qu'il arrive assez souvent qu'un tribunal émette exactement la même ordonnance de probation à l'égard d'un jeune contrevenant qui a été accusé d'avoir enfreint sa première ordonnance.
Compte tenu des principes sur lesquels repose la loi, je crois qu'il faut reconnaître qu'un jeune contrevenant n'est accusé d'avoir enfreint les conditions de son ordonnance de probation que si tous les autres moyens d'intervention ont échoué. Comme il s'agit d'une mesure de dernier recours, nous voudrions que les juges imposent une peine qui, sans qu'elle soit nécessairement sévère, reflète le fait qu'il s'agit d'une infraction sérieuse. Il faudrait que la peine reflète le fait qu'on a épuisé tous les autres moyens d'intervention avant de ramener un jeune contrevenant devant les tribunaux. En effet, notre travail c'est de sortir les jeunes contrevenants du système pénal. C'est vraiment à contrecoeur que nous ramenons un jeune contrevenant devant les tribunaux.
Nous recommandons également que l'intervention ait lieu rapidement après que le jeune contrevenant a enfreint son ordonnance de probation. Nous savons tous ce qu'il en est au sujet des jeunes. Il faut leur faire comprendre très vite quelles sont les conséquences de leurs actes. Notre mémoire comporte des recommandations sur cette question.
Dans certaines régions de la province, la police refuse de porter des accusations contre les contrevenants qui ne respectent pas les conditions de leur détention. Nous nous préoccupons de cette situation. Notre association estime que cela mine également la confiance de la population à l'égard de la Loi sur les jeunes contrevenants, et voilà pourquoi nous recommandons que l'article 26 prévoie une sanction dans ce cas.
Voilà donc certaines de nos préoccupations au sujet de l'application de la loi.
Le moment est peut-être maintenant venu pour nous de répondre à vos questions ou à vos demandes de précisions.
La présidente: Je vous remercie. La parole est d'abord à M. Langlois.
[Français]
M. Langlois: Madame Curtis, vous parliez plus tôt de deux époques différentes chez les jeunes contrevenants. Vous avez fait une différence assez marquée entre les 12 à 16 ans et les 16 à 18 ans, qui sont traités de façons différentes.
En poussant cette réflexion, seriez-vous en faveur d'un système englobant les jeunes de 16 et17 ans dans le système judiciaire pour adultes que nous connaissons actuellement, laissant la Loi sur les jeunes contrevenants régir les personnes de moins de 16 ans? Est-ce que vous verriez un danger ou un avantage à une telle politique?
[Traduction]
Mme Curtis: Notre association n'a pas vraiment de réserve à exprimer quant au groupe d'âge visé. La loi s'applique à tous les jeunes qui ont moins de 18 ans. Le problème qui se pose, c'est que des jeunes de 16 et 17 ans commettent des crimes très graves. On peut alors se demander si la Loi sur les jeunes contrevenants convient dans leur cas.
Je crois qu'il conviendrait en effet de se demander s'ils ne devraient pas être jugés par un tribunal pour adultes. Je crois que la loi nous permet d'ailleurs de le faire, et c'est une mesure à laquelle la Couronne devrait recourir plus souvent. Les jeunes qui commettent des crimes graves seraient donc traités comme des adultes.
Je crois cependant qu'il convient que leur cas soit d'abord soumis à un tribunal pour les jeunes. En fonction de l'infraction commise et en fonction aussi du jeune contrevenant visé, on pourrait alors décider de soumettre le cas à un tribunal pour adultes. Les nouveaux amendements apportés en décembre dernier à la loi permettent d'ailleurs à la Couronne de procéder de cette façon. Je crois d'ailleurs que la Couronne le fera de plus en plus. J'estime cependant que la loi convient dans la plupart des cas pour ce qui est des jeunes contrevenants.
[Français]
M. Langlois: Lorsque le projet de loi C-37 a apporté des modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants, renversant le fardeau de la preuve dans le cas de certaines offenses pour le transfert aux tribunaux pour adultes de personnes âgées de 16 ou 17 ans, on craignait une disparité dans l'application de la loi au Canada, particulièrement parce que les ministères des procureurs généraux de certaines provinces ne tenaient pas à faire tomber ces personnes sous la juridiction des tribunaux pour adultes, tandis que d'autres y tenaient. Il y a une disparité interprovinciale ou intraprovinciale.
Dans le cadre de votre travail dans la province de l'Ontario, avez-vous constaté que d'un district judiciaire à l'autre, les procureurs appliquaient uniformément les dispositions de la loi? Le ministère du Procureur général a-t-il la volonté ferme de faire appliquer la loi partout de la même façon, que ce soit dans le nord de l'Ontario, dans le sud ou ailleurs?
[Traduction]
Mme Curtis: Je ne peux pas parler au nom du ministère du Procureur général, mais je suppose qu'on donne des directives aux procureurs de la Couronne au sujet des peines. Il doit exister des lignes directrices sur les cas qui peuvent faire l'objet d'un transfert vers un tribunal pour adultes.
Au cours des 10 dernières années, nous avons pu nous faire une idée des cas où il convient de recommander un transfert vers un tribunal pour adultes. Je crois que la compétence à cet égard...
[difficulté technique - la rédaction] ... et essaie de l'appliquer. Compte tenu des nouveaux amendements qui ont été adoptés en septembre dernier, il est difficile de savoir exactement quels seront leurs effets. Il est donc difficile de dire pour l'instant comment le système va évoluer dans la province.
[Français]
M. Langlois: Madame Kinnear, vous travaillez avec des personnes âgées de 16 ou 17 ans qui ont presque atteint l'âge de comparaître devant des tribunaux pour adultes. Avez-vous aussi à travailler avec des personnes qui ont été renvoyées à des tribunaux pour adultes?
[Traduction]
Mme Kinnear: Je n'ai pas moi-même connu de cas de jeunes contrevenants de 16 ou 17 ans qui ont été transférés vers un tribunal pour adultes. Cela n'arrive pas très fréquemment.
Je me permets de faire remarquer que je considère comme étant encore très jeunes les contrevenants âgés de 16 et 17 ans. À mon avis, ils devraient continuer d'être visés par la Loi sur les jeunes contrevenants. Il est possible, mais ce n'est pas toujours le cas, qu'un jeune contrevenant de 16 ou 17 ans ayant commis une infraction assez grave purge une peine plus longue qu'un adulte et qu'au cours de sa période de détention il puisse profiter de services correctionnels beaucoup plus poussés qu'un adulte qui serait emprisonné dans un centre de détention.
Je pense que les jeunes de 16 et 17 ans ont encore beaucoup de chemin à faire dans leur développement pour devenir des adultes. La Loi sur les jeunes contrevenants leur convient mieux, je pense, que le système conçu pour les adultes.
Pour répondre à votre première question, je ne me suis pas occupée de beaucoup de jeunes dont le cas a été renvoyé à un tribunal pour adultes.
La présidente: Madame Torsney.
Mme Torsney: C'est vous, madame Curtis, je pense, qui avez dit que dans le cas d'un jeune qui a une famille et profite donc d'un soutien émotif et autre, par exemple... Un jeune qui n'a jamais enfreint la loi auparavant, qui ne s'est même jamais battu, mais qui soudain participe à une bataille dans la cour de son école et doit maintenant se présenter régulièrement devant un agent de probation... Est-ce la bonne façon de s'occuper d'un jeune qui s'est battu une seule fois dans la cour de son école?
Mme Curtis: Lorsque nous parlions d'une personne à ce moment-là, il s'agissait du programme de mesures de rechange, et c'est donc probablement la bonne façon de s'occuper de ce jeune, c'est-à-dire d'appliquer le programme de mesures de rechange plutôt que de le placer en probation. Vu la façon dont les procureurs utilisent les critères de recours aux mesures de rechange, ils s'en servent dans tous les cas d'infractions de niveau un, et peut-être également dans le cas des infractions de niveau deux, ce qui pourrait comprendre les voies de fait simples. Les contrevenants en question pourraient donc profiter d'une mesure de rechange. Je dis qu'ils devraient probablement en profiter et ne pas passer par le système de probation. Mais cela pourrait ne pas arriver dans le cas dont nous parlons, étant donné que le jeune a été accusé de voies de fait. Il se retrouvera en probation pour voies de fait, c'est-à-dire voies de fait simples.
Nous pouvons probablement tous citer des cas de jeunes accusés de voies de fait pour avoir simplement poussé quelqu'un. Je ne minimise pas l'importance des voies de fait comme telles, mais ce n'est en effet probablement pas approprié dans le cas de ce jeune.
Mme Torsney: Je vous préviens seulement que beaucoup de personnes qui nous écoutent ne savent peut-être pas ce qu'est une mesure de rechange. Nous devons être très précis dans nos expressions. Vous venez de parler d'un jeune qui en a poussé un autre dans la cour de l'école, et je pense que nous avons tous survécu à notre enfance, bien que certains d'entre nous aient probablement été poussés, tandis que certains ont peut-être poussé quelqu'un d'autre dans la cour de l'école. La police aurait pu nous accuser de voies de fait.
Reprenez-moi si je fais erreur, mais c'est ce que vous disiez. Nous aurions pu nous retrouver devant un tribunal et être accusée de voies de fait pour avoir poussé un autre enfant. J'aurais pu me retrouver devant un juge, après avoir fait prendre mes empreintes digitales au poste de police, et j'aurais pu me retrouver ensuite dans un programme de mesures de rechange, c'est-à-dire que j'aurais pu avoir à faire du service communautaire ou à suivre un programme de contrôle de la colère... ou d'autres programmes.
Mme Curtis: Vous auriez pu vous retrouver en probation.
Mme Torsney: J'aurais pu me retrouver en probation.
Monsieur Eaton, vous avez un commentaire à faire.
M. Eaton: Nous essayons notamment de faire valoir que le programme de mesures de rechange est à l'heure actuelle uniquement fonction de l'infraction commise. Nous essayons de dire qu'il faut tenir compte du facteur criminogène. Le premier délit commis par un jeune n'est pas l'entrée par effraction. Nous disons qu'il faut voir la question en termes de risques; par exemple, dans le cas d'un enfant qui vole à l'étalage, lorsqu'on examine ses antécédents, on peut se rendre compte qu'il risque davantage de récidiver que le jeune qui en a bousculé un autre dans la cour de l'école. Nous disons qu'on peut ne pas reconnaître certains de ces cas et qu'ils peuvent revenir nous hanter s'ils ne sont pas bien évalués lors de leur première infraction.
Mme Torsney: Parce que les bousculades dans la cour de l'école constituent des voies de fait, que nous considérons comme un crime avec «violence», dans les statistiques, et que le vol à l'étalage est une infraction contre les biens.
M. Eaton: C'est exact.
Mme Torsney: La personne coupable d'une infraction contre les biens peut faire l'objet de mesures de rechange.
M. Eaton: En effet.
Mme Torsney: Même si l'on peut découvrir que le jeune qui a commis une infraction contre les biens a commis d'autres infractions plus graves...
M. Eaton: Il profitera probablement de mesures de rechange, et, dans la plupart des cas, c'est le ministère des Services sociaux et communautaires qui s'en occupera avant que nous voyions même le jeune en question.
Mme Torsney: Vous savez que les ressources sont limitées; vous l'avez mentionné. Si vous ne nous parliez pas à titre d'agents de probation, mais en tant que personnes qui ont des services, des personnes qui connaissent le système et qui ont peut-être des enfants à l'école, que nous conseilleriez-vous de faire d'autre, en dehors de la Loi sur les jeunes contrevenants, pour nous occuper de ces cas de voies de fait considérés comme des actes de «violence», qui sont en réalité dans bien des cas des bousculades dans la cour de l'école?
M. Eaton: C'est une question plus vaste. Vous parliez tantôt de ce qu'il y aurait lieu de faire à l'école. J'ai trois enfants d'âge scolaire actuellement. Il y a des enfants qui posent des problèmes dès la maternelle, la première année ou la deuxième année, et ils posent des problèmes de plus en plus grands. Quoi de surprenant à ce qu'ils se trouvent en difficulté à 12 ou 13 ans?
Les ressources doivent cibler les jeunes dans leur tendre enfance. Comme je l'ai dit tantôt, les jeunes ne se réveillent pas soudain un bon matin à 15 ans en disant qu'ils vont cambrioler une banque. C'est un phénomène habituellement progressif. Les ressources doivent être affectées à une intervention auprès des tout jeunes enfants.
Mme Torsney: Monsieur Eaton, en tant que parent et en tant que personne qui connaît la loi, pensez-vous que faire entrer un jeune de 10 ans dans le système judiciaire constitue une affectation appropriée des ressources?
M. Eaton: C'est une bonne question. Je pense qu'elle concerne surtout le type d'infraction. Cela peut friser le ridicule, mais je pense parfois que mon enfant de 2 ans profiterait bien d'une période de quelques années sous garde.
Des voix: Oh, oh!
M. Eaton: Mais cela dépend des circonstances. Cette solution pourrait être absurde. Si un enfant de 4 ans donne un coup de bâton dans l'oeil d'un autre enfant, le fait-on placer sous garde?
Je sais qu'on entend un tollé. Des infractions graves sont commises, et des gens en sont victimes, et l'on veut des résultats, un châtiment quelconque, une punition quelconque. C'est une question difficile.
Des enfants de 10 ans? Ma fille a 9 ans. Elle est plutôt mûre pour 9 ans. Si elle volait, par exemple, une tablette de chocolat, devrait-elle se retrouver devant un tribunal? Non.
Mme Torsney: Il faudrait d'autres moyens pour s'occuper d'un tel cas dans notre collectivité.
M. Eaton: Certainement. Nous disons dans notre mémoire, je pense, que des cas de cette nature devraient être renvoyés à un juge d'une cour provinciale spécialisé également dans le bien-être des enfants.
Mme Curtis: Nous disons à cet égard que les jeunes de 9, 10 ou 12 ans qui commettent des infractions graves - comme en ont fait état les journaux ces dernières semaines - sont des enfants qui devraient probablement passer par une procédure quasi judiciaire pour qu'on détermine s'il y a lieu de porter des accusations contre eux au criminel. Comprennent-ils la différence entre oui et non, distinguent-ils le bien du mal, ou souffrent-ils d'un problème de santé mentale ou autre? On considérerait alors que justice a été faite.
Mme Torsney: Madame Curtis, vous avez mentionné que toutes ces autres personnes s'occupent habituellement plus des enfants de moins de 16 ans que de ceux qui ont 16 et 17 ans, et c'est probablement une bonne chose. Voyez-vous des cas où un jeune de 14 ans commet une infraction un peu plus grave qu'une bousculade?
Disons qu'il s'est livré au vol à l'étalage et qu'en parlant avec lui vous vous rendez compte qu'il le fait depuis deux ou trois ans. Il y a peut-être des problèmes de surveillance à la maison, et vous essayez de remédier à cette situation avec les parents. Or, il a de jeunes frères et soeurs qui ont le même type de comportement, mais ils n'ont pas encore été aux prises avec la justice.
Comment traitez-vous ces cas? Je me demande s'il existe un mécanisme vous permettant de dire que le frère de Johnny a besoin d'aide, qu'il faut faire intervenir la Société d'aide à l'enfance, qu'il doit participer à un programme Earlscourt, qu'il faut faire quelque chose. Existe-t-il un mécanisme qui permet de le faire?
Mme Curtis: Notre position comme agents de probation est celle de chargés de cas. Cela signifie que lorsqu'on me confie un jeune en probation, j'en fais une évaluation assez complète. Je ne cherche pas seulement à connaître les besoins de ce jeune, mais aussi à voir comment il s'intègre dans son réseau familial.
En effet, si je vois que la famille du jeune a besoin d'aide pour améliorer ses compétences parentales ou peut-être que le jeune frère ou la jeune soeur se conduit très mal, j'essaierai de travailler avec les parents et de les diriger vers des organismes qui peuvent les aider à résoudre les problèmes que nous identifions au cours de l'évaluation. Évidemment, si nous pouvons nous occuper de ces problèmes, nous allons nous occuper de réduire le stress dans la famille et aider le jeune qui vient de commettre des infractions.
Nous nous occupons généralement de l'ensemble de la situation. Le travail peut être très intensif. L'une des choses qui me frustrent - et je pense que tout agent de probation dira la même chose - c'est que je voudrais bien pouvoir amener les parents à se présenter, et encore plus l'enfant.
Il y a les deux extrêmes. Il y a des parents très intéressés qui savent à quoi s'en tenir au sujet de leur enfant, qui savent ce qui se passe et qui veulent voir certains changements survenir chez leur enfant. Ce sont les cas où nous pouvons habituellement dire que l'enfant présente peu de risque.
À l'autre extrémité, il y a des parents qui ne coopèrent pas et qui ne viennent jamais nous voir. Nous ne pouvons pas obtenir qu'ils aillent voir un autre organisme. Nous n'arrivons pas à les faire participer à une thérapie familiale. Ils refusent. Et il n'y a rien que nous puissions faire pour les y forcer.
Mme Torsney: Vous arrive-t-il couramment d'identifier un problème chez le jeune frère ou la jeune soeur d'un jeune qui est en difficulté, et que cela vous préoccupe? Combien de fois faites-vous face à une situation où il n'existe pas de programme et aucun soutien pour ces familles? Nous avons entendu cela beaucoup hier.
Mme Curtis: Fréquemment.
Mme Torsney: Fréquemment? Cela signifie...?
Mme Curtis: Nous constatons qu'étant donné l'existence de ressources limitées, évidemment, les critères d'intervention des organismes sont très stricts. Par exemple, la Société d'aide à l'enfance s'occupe seulement des questions de protection. Lorsque j'ai commencé à travailler dans ce domaine, le mandat de cet organisme était plus large. Il s'occupait de problèmes de comportement et intervenait dans des familles où existaient de tels problèmes. Maintenant, par contre, leur mandat est très limité.
Mme Torsney: Il se limite à ceux qui ont déjà eu des difficultés avec la loi?
Mme Curtis: Non, la Société d'aide à l'enfance s'occupe des enfants qui ont besoin de protection. Il faut habituellement qu'il y ait une contusion, une preuve de mauvais traitements, avant que cet organisme intervienne.
Mme Torsney: Et en ce qui concerne les programmes destinés aux enfants qui ont besoin de maîtriser leur colère, les enfants qui ont besoin...?
Mme Curtis: Les organismes de santé mentale pour enfants dans la province sont débordés. Je travaille dans la région de Durham, où la liste d'attente pour faire évaluer un enfant par un organisme de santé mentale pour enfants est en moyenne de huit mois à un an.
Mme Torsney: Des parents nous ont dit en effet que tant que leurs enfants n'auront pas d'ennuis avec la justice, personne ne les aidera.
Mme Curtis: C'est exact.
Mme Torsney: Alors on a maintenant un jeune qui a un dossier, qui a pris quelqu'un pour victime dans notre collectivité, parce que même si tous les adultes savent que le jeune va prendre quelqu'un pour victime dans la collectivité, ils acceptent de trouver les ressources nécessaires seulement lorsque l'enfant a eu des ennuis avec la justice pénale, criminalisant...
Mme Curtis: En effet. Les travailleurs de la Société d'aide à l'enfance me disent fréquemment que c'est à moi, l'agent de probation, de lui obtenir l'aide de spécialistes. Et ma réaction est de dire: un instant, il s'agit d'un pupille de la Société d'aide à l'enfance. Ne vous incombe-t-il pas de trouver de l'aide pour ce jeune? Vous dites qu'il en a besoin.
Mme Torsney: Ce n'est pas par négligence que ces organismes ne le font pas; c'est seulement parce qu'ils n'ont pas les ressources financières nécessaires.
Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur Eaton?
M. Eaton: Comme nous l'avons dit tout à l'heure, nous ne pouvons tout faire pour tout le monde. Nous devons nous aussi limiter notre mandat, comme le font les autres organismes, et l'on nous a dit de ne pas tellement nous occuper des questions liées au bien-être de l'enfant et de faire une différence entre les problèmes liés à la santé mentale et ceux qui sont liés à la Loi sur les jeunes contrevenants.
Comme Judi l'a dit tout à l'heure, il n'était pas rare dans le passé de voir des organismes - et je ne dirai pas lesquels - dire aux parents de faire porter des accusations contre leur enfant, de sorte que le service de probation devra... C'est toujours à nous d'agir. Le jeune vient au tribunal, qui prend une ordonnance lui enjoignant d'habiter à l'endroit qu'un agent de probation lui indiquera, ou de voir le conseiller qu'il lui indiquera, ce qui est assorti de conditions - c'est-à-dire que c'est nous qui nous en occupons et qui devons payer. Mais maintenant que nos ressources diminuent, on nous dit: c'est fini.
Mme Curtis: On nous dit de nous occuper des enfants coupables de crime, d'y concentrer notre attention, notre énergie et nos ressources...
La présidente: Je vous remercie beaucoup du temps que vous nous avez consacré et du très bon travail que vous accomplissez. Bien souvent, ceux qui oeuvrent en première ligne n'ont pas la possibilité de participer à l'élaboration des orientations, pour toutes sortes de raisons. Votre exposé était excellent. J'ai toute une liste de députés qui veulent vous poser d'autres questions, mais nous avons un horaire à respecter; merci infiniment.
M. Eaton: Nous vous remercions au nom de l'association.
La présidente: Nous suspendrons la séance quelques minutes, pendant que s'installe le groupe de témoins suivant, représentant la Canadian Foundation for Children, Youth and the Law.
La présidente: Je vous présente Sheena Scott, directrice générale de la Canadian Foundation for Children, Youth and the Law.
Vous nous avez parlé l'autre jour, n'est-ce pas?
Mme Sheena Scott (directrice générale, Canadian Foundation for Children, Youth and the Law): Oui, en effet.
La présidente: Vous pourriez peut-être présenter vos collègues.
Mme Scott: Voici Ben Moss, qui est président de notre conseil d'administration. Il a aussi déjà témoigné devant vous.
La présidente: Je vous en prie, commencez.
Mme Scott: Nous sommes ici aujourd'hui pour manifester notre appui envers la Loi sur les jeunes contrevenants et le système judiciaire pour les jeunes. Nous estimons que la loi est bien équilibrée et trouve un juste milieu entre la responsabilité et les besoins des jeunes. Nous la jugeons différente de l'ancienne Loi sur les jeunes délinquants, et il y a une raison pour laquelle on l'a ainsi façonnée. La Loi sur les jeunes délinquants était beaucoup trop paternaliste et n'abordait pas la question de la responsabilité dans la mesure où la Loi sur les jeunes contrevenants le fait. Il est quelque peu surprenant d'entendre certaines des plaintes formulées au sujet de la loi, étant donné qu'elle vise à rendre les jeunes plus responsables qu'ils ne l'étaient dans le passé.
Je commencerai par vous renvoyer au sommaire de notre mémoire, c'est-à-dire un document d'environ quatre pages que nous avons préparé. Je ne pense pas que nous pourrons discuter de chacun des sujets que nous voulions aborder. Nous avons également envoyé au comité un long mémoire que vous devez avoir, mais dont vous n'avez pas vraiment besoin en ce moment. Nous avons aussi préparé un mémoire détaillé sur l'article 56 de la Loi sur les jeunes contrevenants que vous pourrez lire quand vous en aurez le temps.
Je voudrais commencer par parler un peu de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. C'est un document international très important, dont le Canada est l'un des signataires. On l'ignore souvent, mais de véritables pressions s'exercent pour qu'on utilise la convention, pour qu'on la rende pratique et pour qu'elle soit mise en oeuvre dans nos tribunaux et l'ensemble de notre système judiciaire. De fait, l'UNICEF est en train de préparer un cours de formation à l'intention des juges afin de les amener à utiliser la convention lorsqu'ils rendront des jugements, par exemple, aux termes de la Loi sur les jeunes contrevenants. Vous en entendrez donc parler encore souvent.
Comme je l'ai dit, le Canada est signataire de la convention, qui énonce les droits des enfants, notamment pour l'accès à l'éducation et aux services sociaux, l'aide à la famille, les services de protection de l'enfance et un niveau de vie suffisant.
Comme le Parti libéral l'a signalé dans son Livre rouge, il y a une corrélation entre une mauvaise conjoncture économique et une hausse de la criminalité. Chacun sait que c'est un facteur. Nous affirmons donc aujourd'hui que des fonds fédéraux doivent être consacrés à ces gens que la convention protège, afin d'aider à prévenir la pauvreté et donc à réduire le crime.
En matière de justice pour les jeunes, la convention aborde les sujets suivants: la promotion de la dignité et de l'estime de soi; la réinsertion sociale, c'est-à-dire la réadaptation; l'accès à l'information; les droits juridiques et la participation des parents; les mesures de rechange; toute une gamme de sentences; l'âge minimum; la garde comme dernier recours, et enfin la séparation entre les jeunes et les adultes pendant la garde.
Comme vous le savez, le Canada n'a pas adhéré à ce dernier point, car nous avons des dispositions permettant le transfert et aussi la détention des jeunes dans des installations pour adultes pendant de brefs périodes quand rien d'autre n'est disponible. Je tiens à signaler que cela peut être un grave problème. Si vous avez lu le Toronto Star, ou bien si vous avez vu les nouvelles télévisées hier soir, vous avez entendu parler du centre de détention Elgin-Middlesex, dans lequel des jeunes étaient détenus dans une île pour adultes, sous la surveillance de gardes pour adultes et placés dans des aires d'isolement pour adultes. Notre organisation a toujours estimé que le Canada n'aurait pas dû refuser d'adhérer à cette disposition de la convention.
Je vais également aborder d'autres articles de la loi, mais avant de laisser de côté les questions de prévention et de réadaptation, je voudrais seulement dire qu'avec l'abolition du RAPC et en l'absence d'instructions fédérales aux provinces quant à la façon dont celles-ci doivent dépenser leur argent, il y aura manque d'uniformité. Pour qu'il y ait des programmes efficaces, il faut des normes fédérales et il faut de l'argent fédéral. Les jeunes qui passent maintenant plus de temps dans des installations pour jeunes auraient peut-être à un moment donné été transférés au système pour adultes, lequel aurait été financé par le gouvernement fédéral.
Dans le livre rouge, le gouvernement fédéral a promis de mettre à la disposition des jeunes des services de réadaptation. Je n'insisterai jamais assez sur le besoin de programmes efficaces et bien adaptés pour les jeunes, peu importe combien de temps les jeunes passent dans ces installations.
Dans le Canada il y a d'excellentes installations pour les jeunes, mais il y en a d'autres qui le sont moins. En certains endroits, il n'y a pas suffisamment de thérapeutes et d'autres intervenants professionnels pour répondre au besoin de traitements. Il faut des normes fédérales et des fonds fédéraux pour ces programmes. On se fonderait pour cela sur la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.
Ben et moi-même traiterons des sujets suivants: le rôle des médias, l'âge minimum, la responsabilité des parents, la publication, les droits juridiques, et le transfert. J'ignore si nous parviendrons à aborder tous ces sujets, mais nous allons essayer. Je vais commencer par toucher un mot du rôle des médias et de certains politiciens.
Nous entendons tous certaines interventions au sujet de la Loi sur les jeunes contrevenants, à savoir que c'est une loi épouvantable, que tous les crimes commis par les jeunes sont attribuables au fait que les jeunes en savent trop ou savent qu'ils peuvent s'en tirer impunément. C'est tout simplement faux. Nous savons que c'est faux. Quiconque a passé une semaine dans un tribunal pour adolescents sait que les jeunes se voient souvent infliger des peines plus longues que les adultes. Et c'est souvent un système très sévère, compte tenu des sanctions qui sont infligées aux jeunes. Les jeunes ne le savent peut-être pas. Le problème tient peut-être d'ailleurs à cela, à savoir qu'ils sont mal informés.
Récemment, j'ai participé à un forum communautaire où il y avait à la fois des politiciens et des journalistes. Un politicien en particulier était vraiment mal informé sur ce qui pourrait arriver à une personne de moins de 12 ans qui commettrait certains crimes graves. Il frappait sur la table et blâmait la Loi sur les jeunes contrevenants, disant que ceci ou cela ne pourrait jamais arriver, alors qu'en fait c'est effectivement prévu dans la loi. Vous savez probablement de quelle affaire je parle.
Après cette réunion, les journalistes ont publié leurs articles. Ils ne sont même pas restés jusqu'à la fin, ils n'ont pas obtenu tous les renseignements, ils n'ont pas parlé aux bonnes personnes, et, encore une fois, ils étaient mal informés, et leurs reportages en témoignaient. Ils ont dit qu'un jeune ne pouvait être enfermé dans un établissement psychiatrique que pendant 30 jours, après quoi il devait donner son consentement pour recevoir de nouveaux traitements. C'est tout simplement faux. Nous y reviendrons un peu plus tard.
Dans notre mémoire, nous disons qu'il incombe à la collectivité et au gouvernement fédéral de donner aux journalistes des renseignements et des dossiers de presse bien faits et de veiller à ce que les représentants du gouvernement soient bien informés avant d'aller dans une assemblée publique. Je me rends compte que c'est difficile. J'ignore si Ben veut ajouter quelque chose là-dessus.
M. Ben Moss (président, conseil d'administration, Canadian Foundation for Children, Youth and the Law): On l'a dit souvent, mais je crois qu'il vaut la peine de le répéter: les médias contribuent à créer l'image négative de la Loi sur les jeunes contrevenants. Je pense que cela date de la mise en vigueur de la loi.
Comme on l'a dit tout à l'heure, la Loi sur les jeunes contrevenants est radicalement différente de la loi qui l'a précédée, nommément la Loi sur les jeunes délinquants. On sait que les provinces n'étaient pas toutes ravies de ce changement. On n'a pas assumé la responsabilité de veiller à bien informer le public sur les différences entre cette loi et la Loi sur les jeunes délinquants et sur les raisons de ce changement.
Il y a eu tout un tollé à propos de cette loi. Il n'y a pas eu de véritable débat public sur les principes qui sous-tendent un texte législatif comme la Loi sur les jeunes contrevenants. Au lieu de cela, on a argumenté sur différents aspects précis de la loi. On ne s'est jamais vraiment posé la question générale de savoir pourquoi nous avons décidé d'adopter la Loi sur les jeunes contrevenants, par opposition à un autre système quelconque, pourquoi nous, je veux dire la société, nous croyons que nous devons traiter les jeunes différemment. Je pense qu'il est nécessaire de le faire.
Les médias font leur travail, c'est-à-dire qu'ils font ce qu'on leur demande de faire. Essentiellement, ils veulent que les gens regardent les bulletins de nouvelles télévisées et veulent vendre leurs journaux. Or, rien ne fait vendre des journaux comme de grosses manchettes bien macabres.
Mais j'ai remarqué que l'on ne fait généralement pas un suivi très attentif. On entend parler des aspects les plus spectaculaires d'une affaire, mais on entend très rarement parler de l'aboutissement d'une affaire ou des peines qui sont prononcées ou de toutes les circonstances qui sont portées à la connaissance du juge au moment du prononcé de la sentence. Je me rends compte que c'est en partie dû aux limites qui sont imposées aux médias relativement à la publication, et je crois que c'est important pour diverses raisons dont on parlera probablement plus tard, mais je pense que c'est quand même un élément important. Il est bien plus facile de frapper les gens en publiant des manchettes de ce genre que de prendre le temps et la peine d'examiner de façon approfondie toutes les questions qui se posent dans le contexte d'une affaire et de la sentence qui est prononcée.
Mme Scott: Au sujet de l'âge minimum et maximum aux termes de la Loi sur les jeunes contrevenants, notre position est que ces âges devraient demeurer tels quels. À un moment donné, le solliciteur général a publié des documents dans lesquels on préconisait d'adopter l'âge minimum de 14 ans. Il faut évidemment fixer un âge arbitraire, et l'on a jugé que l'âge de 12 à 17 ans est celui auquel les jeunes peuvent être tenus responsables parce qu'ils acquièrent de la maturité. En fait, ils n'ont pas toujours beaucoup de maturité. Un jeune de 20 ans peut avoir autant de difficulté à comprendre le système qu'un jeune de 17 ou 18 ans, mais il fallait bien fixer un âge quelconque. Par ailleurs, dans la plupart des provinces, l'âge de la majorité est fixé à 18 ans, bien que ce soit 19 ans dans certaines.
Ce sont des âges arbitraires, mais ils sont fondés sur des bases solides sur le plan de la capacité, de la capacité de comprendre la responsabilité criminelle et, de façon générale, de l'adolescence comme période de la vie. Les lois provinciales relatives à la santé mentale et à la protection de l'enfance fournissent des outils plus que suffisants pour s'occuper d'une personne de moins de12 ans qui s'est rendue coupable d'une infraction grave.
On peut arrêter les jeunes, les confier aux soins de l'aide à l'enfance, les interner dans un hôpital psychiatrique ou leur faire suivre un traitement en milieu fermé. Le tout est assorti de conditions. Il y a des contrôles judiciaires. Des procédures sont prévues pour tout cela. Mais je vous demande de considérer que si quelqu'un de moins de 12 ans se rend coupable d'une infraction très grave, c'est que cette personne souffre d'un sérieux problème de santé mentale ou pose un problème de bien-être de l'enfance, et ce sont ces systèmes-là qui doivent alors entrer en jeu pour s'occuper de ces enfants. Car ce sont des enfants. Un enfant qui s'éloigne à ce point du droit chemin doit être pris en main par l'organisme pertinent et compétent.
Il y aura toujours des exceptions. Il peut se trouver un enfant qui commet un acte très grave alors qu'il est encore enfant, mais c'est une exception, et il y a dans la législation provinciale des dispositions amplement suffisantes pour s'occuper de son cas. S'il n'y en a pas, il devrait y en avoir, car c'est une question de santé mentale ou de bien-être de l'enfance. Je pourrais passer en revue les détails des différentes lois en cause, mais je ne le ferai pas. Elles existent, et les gens devraient les connaître avant de dire que l'on ne peut rien faire.
Ben a une certaine expérience dans le domaine de la santé mentale à titre de travailleur hospitalier et pourra vous en dire davantage à ce sujet.
M. Moss: Durant l'année pendant laquelle j'ai travaillé dans un hôpital où des adolescents étaient détenus sous garde, nous ne les gardions pas pendant longtemps; ils étaient là essentiellement pour une période d'évaluation. La plupart du temps, les enfants de moins de 12 ans nous étaient amenés parce qu'ils s'étaient livrés à un comportement qui n'était probablement pas aussi extrême que l'affaire qui fait les manchettes actuellement; nous avions des enfants qui avaient été accusés d'avoir allumé des incendies ou d'avoir eu un comportement agressif envers des dispensateurs de soins, leurs pairs ou des professionnels avec lesquels ils avaient été en contact.
Il devenait assez vite évident que ces enfants de 11 et 12 ans avaient quelque chose de spécial que l'on ne s'attend pas à trouver chez un enfant moyen de cet âge. Ce n'était pas des comportements motivés par une pensée rationnelle quelconque ou par l'appât du gain, sinon peut-être le désir d'attirer l'attention, mais c'était manifestement le reflet de très graves problèmes psychologiques sous-jacents.
D'après mon expérience du système correctionnel, ces problèmes ne sauraient être abordés adéquatement dans ce scénario. Il n'y a pas assez de travailleurs pour la clientèle visée, et le système correctionnel a son propre mandat, qui existe pour des raisons spécifiques. Si je crois de tout coeur que le traitement en fait partie intégrante, cela n'est pourtant pas et n'a jamais été l'élément essentiel du régime correctionnel.
Je suis donc d'accord avec ce que Sheena a dit, à savoir que lorsqu'un comportement est causé essentiellement par des problèmes de santé mentale et par des problèmes de bien-être de l'enfance, le meilleur moyen de s'en occuper, c'est de les traiter de façon proactive. Je pense qu'on aurait alors de bien meilleures chances de réduire la récurrence qu'en s'y attaquant après coup et à coup de punitions. À l'âge de 11 ou 12 ans, une jeune personne très impressionnable qui serait mise en contact avec un groupe important de gens doués de divers talents criminels pourrait s'intégrer à ce groupe très facilement sans que l'on ait pu aborder les besoins fondamentaux qui ont entraîné cet enfant à agir comme il l'a fait.
Comme on l'a dit, nous le faisons constamment. Toute limite d'âge fixée à propos de n'importe quoi est de nature binaire. C'est tout ou rien. Je conviens qu'il y a de bonnes raisons de fixer cet âge entre 12 et 17 ans. Nous avons maintenant étendu la portée de l'adolescence beaucoup plus que jamais auparavant et nous ne traitons pas les jeunes de moins de 18 ans le moindrement comme des adultes. Pourtant, dans ce seul domaine, nous voudrions les traiter comme des adultes et leur faire assumer les mêmes responsabilités sans pour autant qu'ils aient certains des autres avantages qui vont de pair avec l'âge adulte.
Nous avons entendu lundi des intervenants nous dire qu'il y aurait peut-être un moyen terme, à savoir un pouvoir discrétionnaire. Mais nous avons déjà vu dans d'autres domaines du Code criminel que le pouvoir discrétionnaire n'a pas toujours été appliqué uniformément au Canada. Je soutiens que si les procureurs disposaient de ce pouvoir discrétionnaire à l'égard des jeunes de moins de12 ans, il y aurait beaucoup plus d'accusations dans certaines provinces que dans d'autres, ce qui poserait un problème d'égalité, en ce sens que le lieu de résidence d'un jeune de moins de 12 ans aurait beaucoup plus d'importance que son infraction quand il s'agirait de déterminer s'il devrait être accusé ou non.
Mme Scott: Je voudrais passer à la question de la responsabilité parentale. Je suppose que nous soulevons cette question plutôt en réaction aux propos tenus par les représentants du gouvernement de l'Ontario. Aux termes de la Loi sur les jeunes délinquants, les parents pouvaient être tenus de payer des amendes, des dédommagements ou réparations. Rien n'indique que ces mesures ont été utiles ou couronnées de succès ou qu'elles ont servi de dissuasion d'une façon ou d'une autre.
Beaucoup de parents sont déjà impliqués de très près avec leurs enfants dans le système de justice pour les jeunes; ils paient les honoraires des avocats, transmettent les pénalités à leurs enfants et accompagnent ces derniers devant les tribunaux. Nous voyons beaucoup de parents qui sont très en colère et très inquiets et qui jouent un rôle très actif.
Nous voyons des parents qui reçoivent des lettres de mise en demeure de grandes chaînes de magasins où leur enfant a commis des vols à l'étalage, et ils sont obligés de rembourser la tablette de chocolat qui a été volée. Les parents se font dire que le magasin est prêt à régler pour 300$ ou 400$ de dédommagement. Nous avons des parents qui viennent littéralement pleurer dans nos bureaux, alors qu'à notre avis ces mesures sont légalement défendables. Ce sont des gens qui sont donc déjà fortement préoccupés.
S'il y a des parents qui s'en fichent, alors, à mes yeux, c'est un problème beaucoup plus systémique, auquel il faudrait s'attaquer par des mesures systémiques. Il faut faire davantage d'éducation, il faut davantage aider la famille, il faut plus de programmes comme le programme Earlscourt, dont vous avez entendu parler, il faut plus de programmes communautaires et plus de financement pour ces programmes.
J'ignore si vous vous souvenez de Mark Persaud, qui a comparu devant vous lundi; il s'agit de l'élève de l'école secondaire Emery Collegiate. Il a suivi un cours à l'école sur l'art d'être parent. Il a dit que c'était fort valable. Beaucoup d'écoles secondaires offrent maintenant ce cours. Voilà une façon fort constructive d'aborder les problèmes des parents. Nous devons envisager des solutions de ce genre-là au lieu d'être punitifs et de pénaliser les parents.
Nous ne voulons pas que les parents qui ont déjà des problèmes avec leurs enfants, dans le cadre de familles où il y a peut-être un problème de bien-être de l'enfance ou un problème de violence familiale, que ces parents, donc, soient en colère contre leur enfant et lui disent: écoute, je dois faire ceci ou cela à cause de toi, ce qui les amènera à s'en prendre encore davantage à leur enfant. Nous ne voulons pas contribuer à cela. Je pense que c'est l'un des dangers réels qu'il y a à vouloir imposer le genre de responsabilité parentale que certains ont suggérée.
M. Moss: Je voudrais ajouter un mot. Sheena a dit tout à l'heure qu'aux termes de la Loi sur les jeunes délinquants des parents pouvaient être tenus criminellement responsables. Je suis convaincu que le droit pénal devrait toujours être le dernier recours. Je crois fermement que le droit pénal fonctionne essentiellement non pas à cause de la crainte des sanctions, mais parce qu'il y a une forme de consensus, c'est-à-dire que la plupart des gens ne tuent pas leurs semblables, non pas parce qu'ils craignent d'aller en prison pendant 25 ans, mais parce qu'ils croient fondamentalement qu'il est mauvais de tuer des gens.
S'il y a un problème de responsabilité parentale et si les parents ne s'occupent pas suffisamment de leurs enfants et n'assument pas leurs responsabilités à l'égard de ces derniers, je ne crois pas que la solution à ce problème soit d'imposer des sanctions en légiférant. Je crois que le fait de tenir ces parents-là criminellement responsables des gestes de leurs enfants ne contribuera nullement à faire d'eux de meilleurs parents ou à les amener à s'impliquer davantage. C'est comme donner des contraventions pour stationnement interdit. Cela ne réduit pas vraiment le nombre de gens qui stationnent illégalement. Je ne pense pas qu'on puisse porter les amendes à un niveau tel que cela puisse avoir un effet dissuasif important.
Je reconnais avec Sheena que le bon moyen de s'y prendre, c'est d'encourager les parents à se rapprocher de leurs enfants et d'offrir le genre de soutien communautaire qui permet d'appuyer les familles et de faire naître le consensus que nous jugeons tous nécessaire. Les parents et les familles devraient être près de leurs enfants et s'intéresser de près à leurs activités, à ce qu'ils font, et ils devraient les encourager. On en arrive à ce genre de consensus par l'éducation et par des programmes communautaires qui permettent aux familles d'assurer cette cohésion.
Mme Scott: J'aimerais parler de la question de la publication et de la protection de l'identité des jeunes. Il y a une très bonne raison qui explique l'existence de ces dispositions dans la Loi sur les jeunes contrevenants. Je pense que dans l'arrêt Southam la Cour suprême du Canada en traite d'une façon qui nous liera à l'avenir, quels que soient les changements qui pourraient être apportés à la loi. Autrement dit, si quelqu'un déjouait la loi, on pourrait s'appuyer sur l'arrêt Southam pour contester la constitutionnalité du traitement subi.
Je me reporte ici au principe qui fait que la Loi sur les jeunes contrevenants est conçue pour tenir compte du fait que les jeunes n'ont vraiment pas la maturité des adultes, qu'ils peuvent commettre des erreurs, et qu'on veut leur accorder une deuxième chance. Il y a aussi l'aspect réadaptation, et c'est ce dont on parle dans l'arrêt Southam. Or, la protection de la vie privée contribue à la réadaptation. Elle contribue à garantir l'honnêteté, étant donné que les intéressés ne sont alors pas étiquetés comme des criminels.
Nous l'avons constaté dans la mesure où l'information nécessaire est fournie. Si quelqu'un présente un danger pour la société, la police peut demander qu'on divulgue son nom. Les récentes modifications accordent certainement beaucoup plus de marge de manoeuvre eu égard à ceux qui peuvent recevoir tel ou tel renseignement et quand, et les provinces ont obtenu par délégation une partie de ce pouvoir.
Or, ce n'est pas une mesure que nous approuvons. Nous estimons que la loi était déjà suffisante sans cette modification. Selon notre expérience, tous ceux qui devaient être informés étaient déjà informés. Pour ce qui est d'apporter de nouveaux changements, la loi est déjà plus que suffisante à cet égard.
M. Moss: Quant à la publication, à ma connaissance, la plupart de ceux qui sont pour soutiennent que les écoles et les enseignants doivent disposer de ce type de renseignements afin de se protéger et de protéger les autres élèves contre ces jeunes. D'après mon expérience, dans le cas de la plupart des jeunes que j'ai rencontrés, s'ils s'étaient mal conduits et avaient eu des démêlés avec le système de justice pénale, leurs écoles étaient déjà au courant, d'abord parce qu'elles avaient pu les observer pendant longtemps et que les enfants qui ont ce type de comportement, qui se conduisent mal et qui constituent une menace sont généralement connus comme tels par leurs enseignants, les directeurs d'écoles et les autorités scolaires. En outre, souvent, la plupart des camarades de ces enfants savent qu'ils ont eu des démêlés avec la justice, et ce genre de chose se sait très rapidement dans les écoles.
Quand je travaillais dans le secteur de la garde en milieu ouvert, il était très rare que les écoles fréquentées par ces jeunes ne fussent pas au courant de leur situation. Pas parce qu'on l'avait officiellement annoncé. On le savait tout simplement. En partie parce que le jeune devait s'absenter de la classe pour venir nous dire où il se trouvait. Des choses de ce genre. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de diffuser encore plus ce genre de renseignements pour garantir le respect de cette responsabilité et la sécurité des autres étudiants.
Mme Scott: On peut se retrouver un jour face à un avocat, un médecin, quelqu'un qui à une époque dans sa jeunesse a commis quelques erreurs. Nous ne voulons empêcher personne d'apporter un jour sa contribution à la société, quoiqu'on ne soit pas nécessairement d'accord pour vanter la contribution des avocats.
Passons à l'autre sujet dont nous voulions parler, la connaissance de ses droits dans le système judiciaire. J'ai remarqué qu'on en avait un peu parlé lundi. Notre expérience rejoint vraiment ce dont ont parlé Mme Wong et d'autres qui en ont discuté avec vous. Les jeunes peuvent paraître en savoir long, mais en réalité leurs connaissances sont très superficielles et leur compréhension très minimale. Ils savent essentiellement ce qu'ils ont entendu ou lu dans les médias, ce qu'ils ont entendu de leurs parents et d'autres adultes, qui ne savent pas nécessairement ce qui se passe dans le système de justice pour adolescents.
De plus, les jeunes peuvent paraître beaucoup trop sûrs d'eux. Parmi mes clients, il y en a un qui est un grand type, qui a l'air d'être bien dans sa peau. Il me donnait l'impression d'être plutôt sûr de lui jusqu'à ce qu'il me demande s'il allait être envoyé en prison. Il avait tenté d'éviter à un autre jeune d'être frappé dans un foyer de groupe et on l'avait accusé de voies de fait. Il avait passé une nuit sous garde, après quoi on l'avait arrêté. Il m'a dit n'avoir jamais eu aussi peur, il pleurait presque, et répétait qu'il ne voulait pas y retourner. Voilà le genre de jeunes à qui nous avons affaire.
Pour ce qui est du degré de compréhension, vous avez entendu ce qu'a dit Mme Peterson-Badali. Vous pouvez vous procurer son étude. Je pense que c'est une étude très bien faite. J'aimerais toutefois vous donner un exemple bien concret.
Un de nos avocats donne énormément de conférences dans les écoles secondaires. Un jeune homme lui a raconté l'anecdote suivante. Ce jeune homme était en état d'arrestation et se trouvait au poste de police. On lui a demandé s'il y avait des accusations en instance contre lui (outstanding charges). Le jeune a réfléchi et répondu que non. On est revenu le voir plus tard pour lui dire qu'il y avait une affaire de vol à son dossier. Il a répondu qu'il pensait que le mot «outstanding» (en instance) voulait dire excellent, ou vraiment grave. On aurait pu pour cela l'accuser d'entrave à la justice. C'était un jeune d'une quinzaine d'années. Il ne comprenait certainement pas ce qui se passait.
S'il y a des avocats dans le système, c'est pour mieux l'expliquer aux jeunes. Parfois, leur participation facilite vraiment le processus; autrement, il faudrait s'en remettre à des juges.
Pour ce qui est de l'article 56 de la loi, il n'est vraiment pas aussi fastidieux qu'on veut bien le prétendre. Le problème tient en partie au fait que bien des agents de police - et je l'ai entendu dire par des agents - n'ont pas régulièrement affaire à des jeunes et n'ont pas la formation voulue. Dans les écoles de police, il n'y a pas beaucoup de cours portant sur les dispositions de la loi. On peut régler la question très simplement par une formule bien rédigée. Je ne vois rien de mal à s'assurer que l'on comprend ce qui se passe avant de décider. C'est une simple question de bon sens.
La situation varie d'un jeune à l'autre. Si l'on commence à invoquer l'article 24 de la Charte, à recourir à des motions dans tous les cas, on va provoquer des coûts énormes pour le système en contestant des déclarations et en cherchant à faire établir si ces déclarations seront susceptibles ou non de déconsidérer l'administration de la justice. Il faudra pouvoir s'appuyer sur toutes sortes d'éléments de preuve pour établir les niveaux de compréhension. Pourquoi ne pas s'en tenir au processus existant, qui permet de garantir le respect des droits constitutionnels des jeunes? C'est le moyen d'arriver à faire en sorte que les droits constitutionnels de tous soient respectés, mais pour les jeunes nous devons mettre en place certaines mesures garantissant qu'on respecte leurs droits constitutionnels.
Nous avons rédigé un mémoire sur l'article 56. Il est de nature assez juridique. Notre principale observation, vraiment, c'est que l'article 56 ne va pas assez loin. Peut-être vaudrait-il mieux que la police passe tout simplement le téléphone aux jeunes, leur dise que c'est l'avocat, quitte la pièce pendant qu'ils s'entretiennent avec l'avocat et revienne quelques instants après. On pourrait vraiment ainsi surmonter toutes les difficultés si c'est ce qu'on exigeait du point de vue du droit au service d'un avocat.
En outre, pour ce qui est de la présence des parents, nous voulons encourager la responsabilité et la participation des parents, mais pas au poste de police. C'est un problème de mise en application. Ce n'est pas un problème dû à la Loi sur les jeunes contrevenants.
Je n'ai rien à ajouter sur ce point.
La dernière chose que nous voulions aborder maintenant, c'est la question du renvoi à un tribunal pour adultes. Les auteurs de délits graves retiennent beaucoup l'attention des médias et du public - et il y a une bonne raison à cela - , mais ils ne représentent qu'un faible pourcentage des délinquants. Nous avons des dispositions de renvoi qui au fond vont vraiment à l'encontre de tout ce que prévoit le reste du système pénal, notamment la présomption d'innocence, le fondement véritable de notre système juridique et qu'on retrouve aussi dans la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant.
Les pénitenciers fédéraux pour adultes n'ont pas grand-chose pour les jeunes. On les appelle souvent les écoles du crime. Vous le savez tous. Des jeunes qui aboutissent dans le système pour adultes finissent par suivre un cours par correspondance, peut-être, mais c'est à peu près tout. Ils se retrouvent avec de mauvais compagnons, et cela ne les aidera nullement. Je sais que des jeunes ayant été renvoyés à un tribunal pour adultes après avoir été reconnus coupables d'homicide involontaire ont été libérés plus tôt qu'ils ne l'auraient été s'ils avaient été jugés dans le système de justice pour adolescents. Je ne sais pas s'il y a là de quoi se réjouir.
Les jeunes ont une notion du temps qui diffère de celle des adultes, et pour eux une période de trois à cinq ans vécue au jour le jour paraît beaucoup plus long que pour un adulte.
Il faut mettre davantage l'accent sur la prévention et la réadaptation et chercher moins à monter ces cas en épingle. Tâchons de réaliser quelque chose avec ces jeunes.
Lundi, Brian Scully vous a donné l'exemple d'un jeune qui s'en était assez bien tiré. Même s'il avait été renvoyé à un autre tribunal, il a été intégré au système de justice pour les adolescents après avoir été reconnu coupable. Ce qui montre encore l'importance des programmes dans les installations pour jeunes, des normes applicables à ces installations et des fonds fédéraux pour soutenir l'exécution de ces programmes afin que l'on ait une véritable réadaptation, afin que nous prenions des mesures concrètes pour ces jeunes.
Il y aura toujours des psychopathes, et des gens qui auront de très graves problèmes de santé mentale. Le jour où ils sortent de prison, quand ils en sortent, qu'il s'agisse d'un pénitencier pour adultes ou d'un centre pour adolescents, nous avons un système de soins de santé mentale. Bien des gens l'oublient. Nous avons un système de soins de santé mentale qui peut s'occuper des pots cassés et qui devrait le faire, parce que ces gens sont atteints de maladie mentale. Ils peuvent être enfermés au moyen du système de santé mentale.
Il y a aussi les dispositions du Code criminel qui concernent les criminels dangereux. Ce sont ces dispositions et celles qui ont trait à la santé mentale qui devraient viser les jeunes gens et les jeunes adultes une fois qu'ils ont purgé leur peine en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants ou celle qui devrait être imposée dans le cadre du système de justice pour adultes. C'est une chose très importante dont il faut se rappeler. Bien des gens l'oublient, parce que notre système de justice pénale, au fond, fixe une sentence en fonction du délit commis. Il n'est pas là pour servir de système de services de santé mentale. Nous avons des systèmes distincts, et nous devrions les utiliser.
M. Moss: Pour ce qui est de la disposition concernant le transfert, il me semble qu'il y a quelque chose de profondément erroné dans le transfert par présomption. L'inversion du fardeau de la preuve, qui fait que c'est le jeune qui doit prouver qu'il sera mieux servi en tant que jeune, me paraît un peu étrange. Auparavant, nous avions des dispositions concernant le transfert, et les gens étaient transférés en vertu de ces dispositions. Elles me semblaient fonctionner plutôt bien.
La seule autre chose que je voulais dire, surtout en ce qui a trait au transfert par présomption, c'est qu'en ce moment dans notre province, on lance de hauts cris pour dénoncer le coût de l'aide juridique, pour dire que c'est beaucoup trop d'argent, pour demander comment on peut encore se permettre de financer ce genre de chose, et on essaie de réduire les services dont le financement est assuré. Ce qui est encore plus malaisé que d'essayer d'invoquer la disposition du transfert c'est de réunir le financement nécessaire. La responsabilité de tout le travail et de la présentation de la preuve établissant que cette personne devrait être considérée comme un adolescent va reposer sur l'adolescent et son avocat, qui vont devoir trouver les ressources nécessaires.
À mon avis, la Couronne et la police disposent déjà de ces ressources, et ont beaucoup plus d'expérience dans leur utilisation, pour réunir ces éléments de preuve s'il leur revient d'établir la preuve. Pour ce qui est des coûts et de l'utilisation efficace des ressources des tribunaux, les transferts par présomption... parce que vous allez maintenant les voir s'opposer dans presque tous les cas, plutôt que dans des cas extrêmes, et ce sera un cauchemar.
Mme Scott: Enfin, j'aimerais parler de la question de la déjudiciarisation et des mesures de rechange. Je pense qu'il faut mettre davantage l'accent sur ces mesures. Le gouvernement doit envisager peut-être de changer les dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants afin que les mesures de rechange deviennent obligatoires plutôt que facultatives. Il semble y avoir un certain malentendu, car certaines personnes pensaient bel et bien que c'était obligatoire et d'autres non. Si c'est obligatoire et qu'on établit un certain ensemble de mesures, on pourrait assister à une amélioration de la conformité et à un regain d'intérêt pour le recours à ces mesures. Je pense que la plupart des provinces sont en train de se rallier.
Comme je vous l'ai indiqué lundi, nous avons participé au lancement de projets de médiation par les pairs. Ce sont de merveilleux projets positifs où des jeunes assurent une médiation avec d'autres jeunes et en arrivent à des solutions. Ils contribuent vraiment à réduire la récidive, à mon avis, car au lieu de s'en prendre à un jeune la prochaine fois qu'on le rencontrera dans les couloirs, on aura appris à le connaître et peut-être qu'on respectera ainsi ses opinions. On réduira ainsi les comportements de ce type. Nous vous avons remis un document expliquant comment constituer un programme de médiation par les pairs.
Nous conclurons là-dessus et sommes prêts à répondre à vos questions.
La présidente: Merci.
Nous n'avons plus que très peu de temps. Monsieur Langlois, une question peut-être, s'il vous plaît.
[Français]
M. Langlois: Je me contenterai d'un commentaire. La position que vous avez défendue ressemble un peu à celle que je prônais lors d'une étude du projet de loi C-37. J'aurais cependant besoin de quelques précisions de votre part car j'ai quelques difficultés à vous suivre.
À la première page de votre résumé, vous dites:
[Traduction]
- Des fonds doivent être affectés à la détection précoce des comportements répréhensibles. Des
fonds fédéraux doivent être alloués dans le cadre du RAPC pour l'éducation, l'aide sociale et le
bien-être des enfants. Il faut indiquer aux provinces comment répartir ces fonds.
Vous demandez de l'argent au fédéral pour l'éducation, l'aide sociale et le bien-être des enfants, domaines qui sont essentiellement de juridiction provinciale. En vertu de quelles dispositions constitutionnelles le fédéral aurait-il à intervenir dans ces sphères carrément provinciales?
Vous semblez faire preuve d'une certaine méfiance, peut-être à raison, envers la capacité des gouvernements provinciaux de s'occuper de ces domaines. J'estime personnellement que c'est une responsabilité dont ils ne s'acquittent pas bien, et les électeurs et électrices sont là pour les sanctionner.
Il me semble y avoir une approche très paternaliste du gouvernement fédéral quand on lui demande d'intervenir, parce que les provinces ne jouent pas leur rôle comme nous le souhaiterions. J'aimerais donc avoir quelques précisions sur votre demande de fonds fédéraux dans des domaines qui m'apparaissent être de compétence provinciale.
[Traduction]
Mme Scott: Je pense pouvoir répondre à cela en disant deux ou trois choses. D'abord, nous estimons que ces domaines sont liés de très près au système de justice pour les adolescents. Les gens qui ont des troubles d'apprentissage, les gens qui ont des problèmes de bien-être des enfants, les gens qui n'ont pas un niveau de vie acceptable sont les gens qui se retrouvent devant les tribunaux pour adolescents. Il y a là une corrélation, qu'on le veuille ou non. Si nous voulons nous en prendre à la criminalité chez les jeunes, nous devons allouer des fonds à ces domaines.
L'autre référence que j'invoquerais est la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, dont le Canada est un signataire, et nous avons donc à ce titre une certaine responsabilité, quels que soient les détails administratifs, quant à la façon de répartir les fonds.
On dit aux provinces qu'on va les aider et qu'on va contribuer pour éliminer la pauvreté chez les enfants d'ici à l'an 2000, ou on énonce encore d'autres objectifs tout aussi louables. Il y a peut-être des conditions attachées à tout cela et les provinces peuvent être disposées à respecter ces conditions. C'est le type de proposition que nous examinons. Nous regretterions que cela soit écarté en raison du partage des pouvoirs. Je comprends que c'est une question difficile, mais je pense qu'on l'a déjà fait auparavant. Cela peut donner des résultats et il suffit d'examiner la convention.
La présidente: Merci.
Monsieur Gallaway, vous avez une brève question?
M. Gallaway: Je n'ai qu'une question, madame la présidente.
Merci pour votre exposé. Je n'ai pas eu l'occasion de le lire en entier, mais j'ai regardé votre mémoire concernant l'article 56 et j'ai entendu vos observations à ce sujet.
Il me semble que l'un des grands mythes qu'on véhicule serait que les adolescents ont beaucoup de droits et qu'en fait ils sont bien au courant de ces droits. Il est intéressant de voir les citations du juge Sopinka, qui souligne que la raison pour laquelle le Parlement a adopté entre autres l'article 56 c'était pour tenir compte du fait que de façon générale les adolescents ne sont pas bien au fait de leurs droits et sont moins susceptibles de revendiquer ces droits et de les exercer quand ils ont affaire à une personne en position d'autorité, comme un agent de police.
Ce matin, nous avons entendu des agents de police ainsi que la présidente du conseil scolaire de Scarborough, qui nous ont dit que les enfants connaissent leurs droits et en fait se rient de ces dispositions.
Je crois savoir que vous travaillez auprès d'une clinique d'aide juridique. Que pensez-vous de ces deux points de vue, qui se renvoient l'un à l'autre et qui sont pourtant diamétralement opposés. Qu'est-ce qui tient du mythe et quels sont les faits?
M. Moss: Je ne nierai pas qu'il existe peut-être un très petit pourcentage de jeunes qui soit ont suivi des cours de droit soit éprouvent un intérêt réel pour le système juridique et ont peut-être fait tout leur possible pour s'informer de ces choses et ils seraient donc bien renseignés, mais ce ne sont probablement pas ceux qu'on verra de toute façon avoir des démêlés avec la justice.
D'après mon expérience, il y a beaucoup de jeunes qui, en raison de ce qu'ils ont vu à la télévision ou ailleurs, croient dans une certaine mesure qu'ils connaissent leurs droits. Ils peuvent être en mesure de vous débiter qu'ils ont droit aux services d'un avocat, mais nous ne sommes pas entièrement convaincus. Nous ne croyons pas qu'ils sachent vraiment ce que cela signifie, parce quand on pousse un peu plus loin, on constate qu'ils ne savent pas que s'ils veulent exercer leur droit au service d'un avocat cela signifie qu'ils n'ont pu à répondre aux questions de la police, sinon pour ce qui est des questions qui ont trait à leur identité. Ils ne savent pas qu'ils ont le droit d'y tenir, qu'ils peuvent le demander, que la décision leur revient. Il semblerait que la plupart des jeunes pensent que c'est quelque chose que la police vous accorde et peut aussi vous retirer.
Nous croyons aussi, et mon expérience l'a confirmé, que les agents de police sont intimidants même pour des gens assez bien informés. Je peux me trouver en voiture avec ma mère et elle peut n'avoir rien fait de mal, mais si un agent de police lui fait signe de s'immobiliser et s'approche du véhicule pour demander son permis, elle se dit: Ah mon Dieu, qu'ai-je fait? Autant coopérer, sinon cela pourrait dégénérer.
Je pense que c'est un levier que la police peut utiliser face aux adolescents, même si ce n'est peut-être pas intentionnel. Ils sont tellement plus jeunes et ils sont tellement habitués à être subordonnés à des adultes, et puis il y a cet adulte qui est investi de beaucoup plus de pouvoir que les autres. Souvent, ce qu'ils craignent le plus, c'est peut-être que la police en informe leurs parents. Si l'agent dit quelque chose du genre: Si tu collabores avec nous, on pourra régler cette affaire bien vite, l'adolescent peut penser que c'est une bonne affaire et ne prévoir les conséquences à long terme d'une renonciation à son droit de consulter un avocat.
Nous ne pensons pas que l'article 56 reconnaisse de nouveaux droits aux adolescents. Tout ce qu'il fait, c'est garantir qu'ils puissent être en mesure de comprendre les droits que notre constitution garantit à chaque citoyen et résident du Canada. Comme on vous l'a dit lundi, ce n'est vraiment pas un changement majeur.
Je pense que si c'est un problème et si les procureurs de la Couronne et la police se plaignent parce que des chefs d'accusation sont retirés en raison de violation de cet article de la Loi sur les jeunes contrevenants, la solution alors sera d'accorder une formation sur le tas aux policiers. Si les forces policières doivent avoir des contacts avec les jeunes, elles devraient savoir comment s'y prendre. Nous n'aurions alors pas ces problèmes et toutes ces difficultés seraient évitées si l'on respectait l'article 56.
L'audace qu'on semble percevoir chez des adolescents peut n'être due qu'à leur méconnaissance de la situation. Comme nous l'avons dit, ils peuvent croire qu'ils vont s'en tirer facilement pour découvrir que ce n'est pas du tout le cas. Inversement, s'ils croient bel et bien qu'ils risquent d'être mis sous garde, on ne verrait probablement pas un jeune de 17 ans admettre devant ses camarades avec qui il pourrait devoir partager une cellule qu'il est intimidé ou effrayé par la police.
Je pense que cela joue aussi en grande partie; les jeunes, et surtout les jeunes hommes, qui constituent en fait le plus fort pourcentage des jeunes délinquants, n'aiment pas admettre qu'ils ont peur ou qu'ils ne sont pas des durs à cuire. Je pense que le problème tient en grande partie à cela. On s'y trompe quand on croit qu'ils sont vraiment sûrs d'eux alors que ce n'est que de la frime.
La présidente: Je tiens à vous remercier.
Nous devons aussi penser à notre personnel, et c'est pourquoi nous allons faire une pause de45 minutes pour revenir par après accueillir cinq témoins cet après-midi. Merci.
La séance est levée.