[Enregistrement électronique]
Le jeudi 6 juin 1996
[Traduction]
La présidente: Nous accueillons Dan Newman, membre de l'Assemblée législative pour Scarborough Centre.
Je tiens à dire que nous avons été incités à venir ici aujourd'hui par le député fédéral de la région. J'ai oublié de dire plus tôt que M. Wappel, qui n'est pas des nôtres parce qu'il est à l'extérieur du pays, est fort bien représenté par Peter qu'il a envoyé ici d'Ottawa pour nous surveiller. Nous souhaitons la bienvenue à Peter et invitons les gens qui veulent lui dire quelques mots à le faire.
Nous avons jusqu'à 13 h 45. En fait, je vais probablement vous arrêter un peu avant, parce que nous avons de simples citoyens qui veulent prendre la parole et nous considérons que c'est plus leur tribune que la vôtre, vous qui pouvez déjà vous exprimer à Queen's Park. Sans doute à cause de la nature du sujet, nous avons du mal à respecter notre horaire. Les gens ont beaucoup de choses à dire. Je vous cède donc la parole en vous enjoignant de laisser du temps pour les questions des députés.
M. Dan Newman (membre de l'Assemblée législative pour Scarborough Centre, Assemblée législative de l'Ontario): Merci, madame la présidente. Il y a certains de vos propos que je n'approuve pas mais j'y reviendrai plus tard.
La présidente: Nous sommes en démocratie, mais je puis vous dire que vous n'auriez pas figuré sur la liste s'il y avait eu une autre personne voulant témoigner à titre personnel.
M. Newman: C'est bon à savoir. Merci.
Bon après-midi. Merci de m'avoir invité à comparaître. Merci d'avoir collaboré avec le personnel de mon bureau pour organiser la visite du comité à Scarborough, Ontario.
Je vais m'en tenir aujourd'hui aux modifications précises à la Loi sur les jeunes contrevenants que mes commettants veulent voir le gouvernement fédéral apporter. Je tiens à faire savoir en leur nom que la Loi sur les jeunes contrevenants a été un échec qui a fait complètement perdre confiance au public, à la police et aux jeunes eux-mêmes.
Ayant habité toute ma vie à Scarborough Centre, j'ai eu l'occasion de constater par moi-même les changements draconiens survenus au cours des dernières années dans l'activité criminelle des jeunes. Au cours de cette période, j'ai été bouleversé et dégoûté par la fréquence et la brutalité des crimes commis par les jeunes dans la région métropolitaine de Toronto et le reste du pays.
Les crimes commis aujourd'hui par les jeunes sont des crimes sauvages, brutaux, horribles qui n'auraient pas été imaginables de leur part il y a seulement quelques années. Et la fréquence de ces crimes est à la hausse. Il y a définitivement une augmentation de la criminalité, en particulier une augmentation de crimes violents commis par les jeunes. Le gouvernement fédéral et les groupes d'intérêt spécial ont beau présenter toutes sortes de statistiques montrant le contraire, mais mes commettants, la police, les directeurs d'école connaissent la réalité.
C'est la raison pour laquelle je comparais devant vous. Je n'ai pas de statistiques que l'on peut interpréter comme on veut, mais j'ai les faits que ma collectivité et mes électeurs constatent. Un trop grand nombre d'entre eux me disent qu'ils craignent pour leur sécurité et la sécurité de leurs enfants.
Le crime, en particulier le crime chez les jeunes, est la question qui préoccupe le plus mes électeurs. Et je ne suis pas différent d'eux. Je suis père et je suis également inquiet.
J'ai passé beaucoup de temps cette année à parler aux excellents agents de police de Scarborough et à patrouiller avec eux. Je me fais un devoir aujourd'hui de parler en leur nom, parce qu'ils ne peuvent peut-être pas le faire eux-mêmes.
Ils trouvent scandaleux qu'on se pose même la question à savoir si la criminalité chez les jeunes a augmenté et est devenue plus violente. Les agents à qui j'ai parlé m'ont indiqué qu'ils n'ont absolument aucun doute à ce sujet: le crime violent chez les jeunes a augmenté de façon spectaculaire au cours des 10 dernières années. Les cas rapportés par les journaux ne sont que la pointe de l'iceberg. Les gens seraient encore plus outrés, disent les agents de police, s'ils voyaient ce qu'eux voient tous les jours.
Mes électeurs exigent des mesures de la part de tous les paliers de gouvernement. Ils exigent des mesures audacieuses, musclées et rapides qui fassent comprendre aux jeunes que s'ils commettent des crimes violents, ils devront payer un prix très élevé.
La criminalité chez les jeunes est un problème qu'il faut régler maintenant pour qu'il y ait moins de crimes plus tard et pour mettre fin au terrible gaspillage de potentiel humain. Cette année, en tant que membre de l'Assemblée législative pour Scarborough Centre, j'ai eu l'occasion de parler à un grand nombre de personnes au sujet du crime chez les jeunes et presque toutes - qu'il s'agisse de policiers, de citoyens, d'enseignants, de directeurs d'école ou même de jeunes - m'ont dit qu'ils en avaient assez de voir les politiciens et d'autres se borner à discuter du problème.
Presque tous mes interlocuteurs ont dit qu'il fallait cesser de discuter et d'analyser le problème et commencer à rechercher des solutions réelles et durables pour ce qui est de la façon de traiter les jeunes criminels et d'empêcher les jeunes de se lancer dans le crime à l'avenir.
Mes électeurs, comme beaucoup d'autres citoyens du pays, en ont assez des politiciens qui ne respectent pas les désirs de ceux qu'ils représentent, qui font à leur tête ou qui réagissent aux intérêts spéciaux qui savent attirer l'attention. Mes électeurs exigent des modifications réelles à la Loi sur les jeunes contrevenants, non pas seulement du rafistolage, comme dans le projet de loi C-37.
Même si certaines modifications apportées par le projet de loi C-37 pouvaient sembler positives et représenter un pas dans la bonne direction, elles constituaient au bout du compte du rafistolage plutôt qu'une tentative de vraiment régler le problème. Le rafistolage et les solutions improvisées du gouvernement n'améliorent pas vraiment la protection de la population et ne contribuent pas à réduire l'insatisfaction générale face au système judiciaire actuel pour la jeunesse, ne mettent pas fin, non plus, à la criante injustice qui consiste à faire valoir les droits des criminels aux dépens des droits des victimes ainsi que des droits et de la sécurité de la population.
Dans le système judiciaire pour la jeunesse, la balance de la justice penche en faveur des criminels. Seules des modifications de fond à la Loi sur les jeunes contrevenants peuvent avoir un impact sur la criminalité chez les jeunes. Comme la Loi sur les jeunes contrevenants est votre responsabilité en tant que politiciens fédéraux, c'est à vous de vous assurer que les modifications souhaitées par les contribuables sont apportées. Cessez d'écouter les intérêts spéciaux et leurs implorations et donnez suite aux revendications de la population.
Les modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants ont toujours pris beaucoup de temps parce que les politiciens à Ottawa insistent pour continuer à discuter du problème plutôt que de trouver des solutions. Chaque jour d'inaction de votre part donne lieu à de nombreux crimes commis par des jeunes qui se moquent de la loi.
Le gouvernement fédéral, le premier ministre Chrétien et le ministre Rock doivent s'engager à apporter des modifications efficaces à la loi. Dans une lettre qui m'est adressée en date du 16 mai de cette année, je lis ce qui suit:
- Les Canadiens souhaitent des mesures concrètes face au crime chez les jeunes, au crime violent
en particulier. La population doit sentir que le système judiciaire peut agir efficacement de
façon à empêcher une recrudescence de l'activité criminelle chez les jeunes. Nous devons
également veiller à ce que les victimes soient toujours traitées avec justice et respect.
Je suis tout à fait d'accord avec son auteur, le ministre de la Justice, Allan Rock. Je le mets au défi de respecter sa parole, de donner suite à ce qu'il indique dans sa lettre. Face au crime chez les jeunes, les Canadiens souhaitent des mesures qui rétabliront leur confiance et leur sentiment de sécurité. Monsieur le ministre Rock, mes électeurs s'attendent à ce que vous agissiez maintenant.
Comme je l'ai indiqué au début de mon exposé, je suis ici pour proposer les modifications précises à la Loi sur les jeunes contrevenants qu'exigent mes électeurs.
Ma première recommandation est qu'un jeune contrevenant soit défini comme une personne âgée de 14 ans ou moins et que les personnes âgées de 15, 16 et 17 ans soient considérées comme des adultes aux fins du système de justice pénale. Comme mes électeurs, j'estime que les jeunes de 15, 16 et 17 ans sont assez vieux pour assumer pleinement la responsabilité de leur crime. Dans tous les cas, ils devraient recevoir les mêmes peines que les adultes.
Un certain nombre d'universitaires et d'intervenants dans le domaine de la justice pour les jeunes réclament le maintien de l'âge maximum pour les jeunes contrevenants à 17 ans et rejettent d'autres modifications à la loi, mais ils ne peuvent pas nier que les infractions violentes contre la personne commises par des jeunes ont augmenté de façon spectaculaire depuis l'introduction de la Loi sur les jeunes contrevenants.
Les jeunes réclament constamment d'être traités comme des adultes. C'est exactement le sens de ma recommandation.
Ma deuxième recommandation est que l'âge minimum auquel un jeune peut être accusé d'un crime passe de 12 ans à l'heure actuelle à 10 ans et que pour les crimes violents il n'y ait pas d'âge minimum.
Les problèmes les plus évidents que présente la Loi sur les jeunes contrevenants tiennent au fait que celle-ci établit des âges arbitraires sans faire la distinction entre les divers types de crimes commis par les jeunes. Le crime violent n'a pas d'âge. Il ne doit pas y avoir de ligne arbitraire établie par le système judiciaire en-deçà de laquelle une personne cesse d'être responsable des crimes violents qu'elle commet. Ces crimes sont tellement odieux et font tellement de tort à la société qu'un enfant, quel que soit son âge, doit savoir qu'ils sont répréhensibles et intolérables.
Ma troisième recommandation est que les crimes cessent de relever de la Loi sur les jeunes contrevenants et que tous les jeunes accusés de crimes violents soient automatiquement jugés comme adultes. Le Canada n'a besoin que d'un ensemble de mesures visant les crimes violents, non pas de trois.
En tant que père d'une jeune fille, je ne veux pas avoir, si le système judiciaire actuel pour la jeunesse est maintenu, à enseigner à ma fille trois séries de règles concernant le crime violent. Tu peux commettre un meurtre, si tu veux, avant l'âge de 12 ans, parce que les lois ne s'appliquent pas à toi. Ne commets pas de meurtre entre 12 et 17 ans, sinon, tu auras des problèmes. Mais si tu en as, ce n'est pas grave, parce que personne ne le saura. Enfin, une fois que tu auras 18 ans, ne commets pas de meurtre, parce que les meurtriers adultes peuvent être condamnés à la prison à perpétuité.
Je veux pouvoir dire à ma fille: ne commets pas de meurtre, autrement, tu devras payer un prix très élevé. Lorsqu'on commet un crime violent, on ne devrait pas être à l'abri de la justice.
Ma recommandation suivante découle de ce que je disais plus tôt au sujet du fait que la balance de la justice dans le système pour la jeunesse penche en faveur des criminels. Je recommande que la loi soit modifiée de façon à permettre la publication des noms des jeunes contrevenants ainsi que des crimes dont ils sont coupables.
La Loi sur les jeunes contrevenants n'a pas été créée pour protéger les criminels contre la société; mais c'est ce qu'elle fait non seulement pour les jeunes criminels mais également pour leurs parents qui se voient dégagés de leurs responsabilités. Si les parents de ces jeunes voyous étaient connus publiquement, ils se montreraient peut-être plus disposés à assumer leurs responsabilités.
Ma cinquième recommandation découle de mes discussions avec les policiers locaux qui ont insisté sur le fait que l'un des problèmes les plus difficiles auxquels ils font face a trait aux jeunes contrevenants récidivistes. Ce sont des criminels endurcis, rompus au métier, qui savent utiliser le système à leurs propres fins.
Je vous recommande d'adopter une loi qui entérine la politique «trois prises et vous êtes retiré», faisant en sorte qu'à la troisième infraction un jeune soit automatiquement jugé comme un adulte.
Au début de mon exposé, j'ai dit que la Loi sur les jeunes contrevenants était un échec. Je n'aurais peut-être pas le même point de vue si la première infraction commise par les jeunes criminels était leur dernière. Malheureusement, beaucoup de mes électeurs qui travaillent auprès des jeunes criminels indiquent que ce n'est pas le cas. La réalité est que beaucoup de jeunes contrevenants sont des récidivistes.
Ma recommandation suivante est que la loi exige que les jeunes qui ont commis des infractions liées à la toxicomanie suivent des programmes de traitement de la toxicomanie. Nous savons tous que les drogues et l'alcool figurent aujourd'hui parmi les principales causes du crime chez les jeunes actuellement dans notre société. La population a tout intérêt à ce que les jeunes contrevenants redeviennent des membres productifs de la société.
Les jeunes contrevenants ne devraient pas avoir le choix de participer ou non aux programmes visant à leur permettre de régler leurs problèmes. Les jeunes contrevenants doivent comprendre que s'ils choisissent de faire fi des lois de la société, la population leur imposera les règles en vue de leur réinsertion sociale. Une de ces règles doit les enjoindre à se réhabiliter en premier lieu.
Ma dernière recommandation est que l'alinéa 11(4)b) de la Loi sur les jeunes contrevenants, prévoyant que l'Ontario accorde l'aide juridique à tous les jeunes, quelle que soit la situation financière de leur famille, soit supprimé et remplacé par la même disposition qui s'applique aux demandes d'aide juridique de la part des adultes. En assujettissant les jeunes contrevenants aux mêmes règles que les contrevenants adultes pour ce qui est de l'aide juridique, on fait reposer la responsabilité davantage sur la famille et les parents des jeunes contrevenants et moins sur la population. La société en a assez d'assumer les responsabilités pour tous les jeunes. La population tient à ce que la responsabilité des parents soit la pierre angulaire de tout régime mis en place pour contrer le crime chez les jeunes.
En terminant, je voudrais faire part aux membres du comité de ma déception face aux jeux politiques auxquels semblent donner lieu ces audiences. Le sujet de ces audiences est extrêmement sérieux et la rhétorique politique n'y a pas sa place. Les allégeances politiques ne doivent pas compter face à ce problème.
Je suis ici aujourd'hui en tant que parent et membre de l'Assemblée législative pour la circonscription de Scarborough Centre afin de vous faire part des préoccupations et des recommandations de ma collectivité et de chercher des solutions au crime chez les jeunes. Je n'ai pas de programme politique caché et j'espère que personne d'entre vous n'en a non plus.
Je remercie le comité d'avoir entendu les habitants de Scarborough Centre par mon intermédiaire. Je me ferai un plaisir de répondre aux questions.
La présidente: Merci.
Je souligne la présence de Jim Karygiannis à la table. Jim a également eu à voir avec la venue du comité ici.
Monsieur Langlois, pour 10 minutes.
[Français]
M. Langlois (Bellechasse): Merci de votre présentation, monsieur Newman. Vos demandes sont très claires et très précises. Je m'abstiendrai de tout commentaire; je me rappellerai vos propos pour mes cogitations lorsque viendra le temps de formuler des recommandations.
À mon avis, en matière de criminalité, il y a un lien nécessaire entre l'application des juridictions fédérales en matière de création d'actes criminels et de traitement des accusés, et l'application des juridictions provinciales, qui peuvent faire en sorte qu'on ait moins d'accusés et une réhabilitation plus facile.
En tant que législateur provincial, quelle est votre vision de l'application de lois provinciales en matière d'éducation, d'aide sociale, de traitement des enfants et de traitement de l'alcoolisme et autres toxicomanies? En votre qualité de législateur, que proposeriez-vous que l'Ontario et peut-être d'autres provinces fassent afin qu'en bout de piste, moins de personnes, qu'elles aient 10, 12 ou 14 ans, se retrouvent devant les tribunaux pour qu'on puisse les prendre en charge en plus bas âge et en faire le suivi? Quelles ressources devrait-on donner aux personnes qui sont en difficulté et aux mères célibataires prises avec certains problèmes?
En d'autres termes, dites-moi un peu ce qu'est un common sense revolution dans ce domaine-là.
[Traduction]
M. Newman: Merci.
Pour répondre à votre question, vous semblez évoquer la possibilité de réduire le nombre de cas passant par le système judiciaire. Je pense que les programmes de déjudiciarisation ont leur place. L'éducation également. La famille et le rôle des parents doivent sûrement entrer en jeu.
En ce qui concerne les ressources nécessaires, si l'argent était la solution, le système judiciaire n'éprouverait pas de problème actuellement.
Vous évoquez également la révolution du bon sens. Vous mentionnez l'aide sociale et l'aide à l'enfance. Ce qu'implique la révolution du bon sens, c'est l'espoir, la croissance et la possibilité de faire des choses. En Ontario, notre dette est de 100 milliards de dollars. Toutes les heures, nous dépensons 1 million de dollars de plus que ce que nous encaissons. Cette dette effarante a un impact énorme sur nos familles, nos citoyens, nos jeunes. Et il n'y a pas que la dette de l'Ontario; il y a également celle du gouvernement fédéral. Cette situation pèse lourdement sur l'économie, sur les possibilités d'emploi.
Nous voulons redonner espoir en l'avenir aux jeunes Canadiens.
[Français]
M. Langlois: Je comprends ce que vous me dites, mais je me sens un peu mal placé et je ne voudrais pas intervenir dans les affaires de l'Ontario. Vous devez faire vous-même vos propres choix budgétaires. Il me semble toutefois que lorsqu'on fait des choix politiques en tenant compte uniquement d'une variable, par exemple la réduction de la dette, et qu'on en fait son seul cheval de bataille, on va nécessairement abandonner le reste. Il y a peut-être moyen d'équilibrer les choses. On peut s'attaquer à cette dette qui ne nous donne pas de choix, mais tout en ménageant les autres valeurs.
Je comprends que votre point de vue puisse différer du mien. Vous avez d'ailleurs fait campagne sur un autre point. Nous en verrons les résultats en bout de piste, mais comme législateur fédéral, je ne suis pas prêt à suivre ce que vous prônez et à mettre tous mes oeufs dans le même panier. Il n'est pas facile de faire des choix économiques et sociaux, mais on doit ménager les deux en même temps.
Je vous remercie toutefois de la franchise de vos réponses, monsieur Newman.
C'était un commentaire, et non une question.
[Traduction]
M. Newman: Vous parlez des choix budgétaires que nous sommes appelés à faire et que vous êtes appelés à faire à Ottawa. Je n'ai pas souscrit seulement à un programme visant à réduire, j'ai souscrit également à une proposition visant à créer 725 000 emplois en Ontario. Je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous dites que nous nous soucions uniquement de réduire la dette. C'est vrai en partie, mais notre objectif réel est de créer des emplois. J'ai fait campagne pour des emplois en Ontario, des emplois pour les jeunes.
M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Monsieur Newman, les membres de ce comité prennent leur travail très au sérieux; je suis de mon côté déçu que vous pensiez que nous faisons de la politique. Vous venez devant nous et vous nous dites que le premier ministre et le ministre Rock devraient prendre cette loi au sérieux. Je puis vous assurer que c'est le cas, et je puis vous dire que vos observations et votre mémoire écrit sont de la politique au même titre que n'importe quoi d'autre - et je ne sais pas où il a pu y avoir des jeux politiques jusqu'ici. C'est simplement une observation.
Vous avez dit que la loi antérieure n'était que du rafistolage. Saviez-vous que l'Association canadienne des chefs de police a comparu devant ce comité et a fait l'éloge de cette loi? Vous estimez que c'est du rafistolage, mais d'autres, des experts, des chefs de police, ne sont pas du même avis.
M. Newman: Ce sont les chefs de police. Si vous parlez aux policiers qui interviennent dans la rue... Vous n'avez peut-être pas eu l'occasion - je suppose que oui - de parler aux policiers locaux afin de savoir à quoi ils sont confrontés... Je l'ai fait, chez moi, et les policiers qui patrouillent en auto, à pied ou à bicyclette, m'ont tenu un autre discours que celui du chef.
M. Gallaway: Vous nous dites donc que c'est vous qui avez les faits - que les policiers individuellement sont ceux qui connaissent la réalité. Nous sommes ici justement pour voir ce qu'elle est.
Vous nous dites que le crime violent est en recrudescence parce que c'est ce que vous entendez des gens de votre localité, des policiers locaux. Pour ce qui est des homicides commis par les jeunes contrevenants, cependant, les faits démontrent - ce sont des faits - qu'il y a diminution. Comment pouvez-vous l'expliquer?
M. Newman: Comme vous le savez très bien, monsieur Gallaway, vous pouvez citer des chiffres qui prouvent n'importe quoi et je peux faire de même de mon côté. Lorsque je parle à mes électeurs, cependant, lors d'événements ou, comme ce matin, lorsque je fais du porte à porte dans mon temps libre, je constate que ce n'est pas leur avis du tout. Ils estiment qu'il y a un réel problème. Je peux vous le dire...
M. Gallaway: Très bien. Les réalités sont différentes.
M. Newman: ... monsieur Gallaway, parce que j'ai vécu dans cette collectivité toute ma vie. Je suis né et j'ai été élevé à Scarborough, c'est ici que j'ai décidé d'élever ma famille. Je peux vous dire également - pour ce qui est des gangs, etc. - que le crime chez les jeunes et le crime de façon générale ne sont pas des questions partisanes.
M. Gallaway: Je suis bien d'accord avec vous.
M. Newman: Merci.
M. Gallaway: Parlons de l'arbitraire, parce que c'est la réalité qui nous intéresse. Vous nous présentez une certaine réalité, celle de votre circonscription. Nous sommes du gouvernement fédéral et nous devons adopter une perspective nationale.
Je veux vous demander si, à votre avis, le but de la Loi sur les jeunes contrevenants est de faire passer un message clair. Le seul objet de la Loi sur les jeunes contrevenants est-il la dissuasion?
M. Newman: Je vous rappelle que je n'ai pas réclamé l'abrogation de la Loi sur les jeunes contrevenants. Je pense qu'elle serait valable si le premier crime commis par les jeunes était leur dernier. Évidemment, si c'était le cas, nous ne serions pas à ces audiences aujourd'hui. Les gens de ma collectivité et de tout le Canada ne seraient pas aussi contrariés.
À mon avis, un contrevenant récidiviste est un contrevenant récidiviste de trop. Si le système fait en sorte que la première infraction d'un jeune est sa dernière, il est valable, il permet de réduire le nombre de cas devant la justice. Si seulement la Loi sur les jeunes contrevenants était rendue plus sévère - c'est tout ce que je dis, je ne réclame pas son abrogation - , elle permettrait, à mon avis, de réduire le nombre de contrevenants récidivistes. Le problème est là: nous parlons d'un taux de récidivisme de plus de 50 p. 100 chez les jeunes contrevenants.
M. Gallaway: Très bien.
M. Newman: Comme je l'ai dit, les enfants de ce pays ne peuvent pas être amenés à penser qu'il y a trois séries de loi. Une seule suffit.
M. Gallaway: Très bien. Ce que je voulais savoir, c'est si, à votre avis, l'objet de la loi était la dissuasion, le durcissement des positions. C'est ce que vous affirmez?
M. Newman: L'objet de la Loi sur les jeunes contrevenants est de faire en sorte que les jeunes qui commettent un crime n'en commettent plus par la suite.
M. Gallaway: Il y a donc une partie de dissuasion et une autre réinsertion sociale.
M. Newman: Certainement.
M. Gallaway: Très bien. La raison pour laquelle je pose la question est que M. Harnick etM. Runciman ont fait valoir devant le comité que le seul objet de la loi était la dissuasion. Vous dites quand même qu'il y a une partie réinsertion sociale.
M. Newman: Oui.
M. Gallaway: Est-ce que la prévention doit entrer dans la loi?
M. Newman: Comme je l'ai dit plus tôt, l'éducation a certainement un rôle à jouer.
M. Gallaway: À ce sujet, certaines personnes, il faut dire qu'il s'agissait d'experts, nous ont dit que le dépistage précoce était important. Nous avons visité deux endroits hier où c'est bel et bien ce qui se fait; nous avons appris que le financement de ce genre d'activité était réduit par la province de l'Ontario. Selon les éducateurs, il était crucial que des ressources nécessaires soient disponibles pour aider les enfants en bas âge.
Qu'entend faire le gouvernement provincial au chapitre de la prévention, au chapitre du dépistage et de l'intervention précoces, en vue d'aider les jeunes à haut risque?
M. Newman: Il est question d'identifier les jeunes à risque ou les jeunes criminels. Ils ne sont pas encore entrés dans le système judiciaire. S'il y a un problème avant l'âge de 12 ans, il est impossible de faire quoi que ce soit.
M. Gallaway: Le problème ne peut pas être réglé à l'école? C'est ce que vous dites?
M. Newman: L'école ne peut pas tout faire.
M. Gallaway: Très bien. Selon vous, donc, il faut qu'ils entrent dans le système de justice pénale pour recevoir l'attention qu'il leur faut.
M. Newman: Ce n'est pas ce que j'ai dit.
M. Gallaway: Je vous pose la question.
M. Newman: Ce que je dis, c'est que lorsqu'ils entrent dans le système de justice pénale à l'âge de 12 ans - quelqu'un de moins de 12 ans ne peut pas être poursuivi pour un crime, de sorte que son cas ne peut pas être traité à l'intérieur du système judiciaire.
M. Gallaway: J'essaie de démêler ce que vous dites. Selon vous, 12 ans est un âge arbitraire; il faudrait que l'âge soit réduit à 10 ans. Est-ce que ce n'est pas également arbitraire?
M. Newman: Est-ce que 10 ans n'est pas arbitraire?
M. Gallaway: C'est ce que je vous demande.
M. Newman: Je pense que la plupart des enfants de moins de 10 ans ont tendance à écouter leurs parents et à suivre leurs conseils, après, ils commencent à changer.
M. Gallaway: Quelles preuves en avez-vous? Est-ce seulement une conviction ou est-ce une opinion fondée sur quelque chose de précis? Est-ce votre conviction personnelle, est-ce ce que vous disent vos électeurs ou vous fondez-vous sur quelque chose?
M. Newman: C'est ce que me disent mes électeurs. Ce sont eux que je représente ici aujourd'hui.
M. Gallaway: C'est donc ce que pensent vos électeurs?
M. Newman: Il y a quelques mois, j'ai tenu une réunion avec les gens de la localité au sujet du crime chez les jeunes. Plus de 500 personnes y ont assisté. Ces 500 citoyens de Scarborough Centre intéressés à la question ont fait part de leur insatisfaction en ce qui concerne la Loi sur les jeunes contrevenants et le crime chez les jeunes.
M. Gallaway: J'ai une dernière question, dans ce cas. Vous nous recommandez, entre autres, d'envoyer un message aux jeunes. C'est une de vos propositions de base. Vous dites que nous devons nous montrer plus sévères envers eux, nous devons abaisser l'âge de façon à ce que nous puissions les faire entrer dans le système plus tôt. Vous dites également que le système fonctionne mal. J'essaie de concilier vos réalités. Si le système fonctionne mal et que nous y faisons entrer les jeunes plus tôt, qu'avons-nous à gagner? Ne risquons-nous pas de créer encore plus...? Selon vos statistiques,50 p. 100 d'entre eux sont des récidivistes. Quel avantage y a-t-il?
M. Newman: Le système dans sa forme actuelle ne fonctionne pas. S'il n'y a pas de changements réels, nous ne pouvons nous attendre à un résultat positif pour ce qui est du crime chez les jeunes.
M. Gallaway: Vous faites une recommandation précise en ce qui concerne les programmes de traitement de la toxicomanie et les jeunes contrevenants qui semblent souffrir de ce problème. Saviez-vous que le procureur général de la province de l'Ontario pourrait de fait demander à ces procureurs de la Couronne d'ordonner la participation à ces programmes dans le cadre de la peine? Allez-vous inciter le procureur général à le faire?
M. Newman: Monsieur, puis-je seulement...
M. Gallaway: Insisterez-vous auprès du procureur général pour qu'il fasse cela?
M. Newman: Je lui communiquerai mon observation.
M. Gallaway: Préconiseriez-vous également des programmes de dépistage précoce dans les écoles afin de pouvoir dépister les personnes à risque ou...
M. Newman: Ne dépiste-t-on pas déjà aujourd'hui les enfants à risque?
M. Gallaway: D'après les experts, non.
M. Newman: Je peux vous dire qu'à titre de membre de deux comités de l'Assemblée législative de l'Ontario, dont l'un est le développement social, qui a parcouru la province pour son étude de projets de loi sur l'éducation, j'ai constaté que les gens nous disaient que dès la prématernelle, on avait la possibilité de dépister les enfants à risque. Ce sont les professionnels qui parlaient. Ils disent que l'on dépiste les enfants à risque dès l'âge de quatre ans. Je crois donc pouvoir dire que le système scolaire le fait déjà.
M. Gallaway: Autre question. Vous voulez mettre tous les jeunes, quel que soit l'âge, dans le système adulte s'il s'agit d'un crime violent. Dans ce cas, que faites-vous d'un enfant de huit ans qui a été condamné pour crime violent? Le mettez-vous en prison?
M. Newman: Je suis heureux que vous ayez choisi l'exemple d'un enfant de huit ans parce qu'il est ridicule de mettre ces enfants avec les adultes. On peut leur appliquer une peine d'adulte sans les mettre dans une prison pour adultes.
M. Gallaway: Que faites-vous d'un jeune de 16 ans? Le mettez-vous avec ceux de 35 ans? C'est l'âge moyen de...
M. Newman: De quel crime parlez-vous?
M. Gallaway: Peu importe. Un crime qui...
M. Newman: Oui, je le mettrais avec les autres.
M. Gallaway: Ne pensez-vous pas que le résultat serait des criminels plus jeunes et plus endurcis?
M. Newman: Si quelqu'un a déjà commis un meurtre, quel crime plus odieux peut-il commettre?
M. Gallaway: Nous sommes allés dans un établissement, ici, dans la région de Toronto, où nous avons vu des enfants de 16 ans qui avaient commis un meurtre à 14 ans. Doit-on les bannir de la société à tout jamais?
M. Newman: Je leur ferais payer le prix de la peine qui est infligée à tous les autres.
M. Gallaway: Vous en feriez donc des adultes?
M. Newman: Je leur imposerais une peine d'adulte.
Le président: Merci, monsieur Gallaway. Madame Torsney maintenant.
Mme Torsney (Burlington): Je crois pouvoir dire d'après les réponses que vous avez données que nous ne sommes pas d'accord. Il me semble que vous soyez disposé à attendre que quelqu'un soit inculpé et, peu importe que le jeune ait dix ans ou même moins, vous voulez que les peines soient appliquées dès que l'individu a été inculpé de crime.
J'aimerais qu'il y ait moins de gens victimes de crimes. J'aimerais que les programmes comme Earlscourt soient en fait utilisés par les commissions scolaires et les services de police afin de donner aux parents les outils nécessaires pour traiter avec leurs enfants et aux enfants les outils nécessaires pour ne pas commettre de crime. Nous avons donc une perspective légèrement différente.
Vous parlez de la façon dont vos électeurs perçoivent certaines choses. Vous dites que vous avez eu 500 personnes à un forum sur la criminalité chez les jeunes et que ces gens-là voulaient que les enfants soient traités sévèrement. Je suppose qu'ils auraient aussi voulu qu'il n'y ait pas eu de crime. Comment donc trouver les ressources nécessaires?
M. Newman: J'aurais aimé que vous soyez à la réunion à laquelle Tracy Christie et Tom Ambas sont venus parler de membres de leur famille qui ont été tués.
Mme Torsney: Nous les entendrons plus tard.
M. Newman: C'est une bonne chose.
Mme Torsney: Ma question est très précise. Je ne vous demande pas quoi faire de l'enfant qui a peut-être tué quelqu'un mais ce que nous pouvons faire pour que les familles Ambas et Christie et toutes les familles qui ont perdu l'un des leurs n'aient pas à subir une telle perte parce que l'enfant de quelqu'un d'autre ne commettra pas ce crime. Que pouvons-nous faire pour prévenir le crime?
M. Newman: Mettre en oeuvre les recommandations que j'ai présentées au sujet de la Loi sur les jeunes contrevenants.
Mme Torsney: C'est tout? Nous ne devrions pas travailler avec les familles? Nous ne devrions pas les équiper de certains moyens? Nous ne devrions pas financer des programmes comme Earlscourt?
M. Newman: Quels outils en particulier voudriez-vous donner aux familles? Les outils dont ont besoin les familles sont des choses comme la responsabilité des parents. Il y a, je le disais, un outil tel que le système d'aide juridique qui permet à quelqu'un d'obtenir automatiquement de l'aide juridique, quel que soit le niveau de revenu des parents. Cela donne aux parents un outil à utiliser auprès de l'enfant. Je vous dis ceci, si je dois payer une facture d'avocat de 2 500$ pour ma fille, ce sera la dernière fois que je paierai une facture d'avocat.
Mme Torsney: Que feriez-vous de votre enfant?
M. Newman: Quand ça vient de votre propre poche, je dirais que c'est un peu différent. Je ne sais pas si vous êtes ou non parent, mais croyez-moi, si les parents devaient payer eux-mêmes les factures, je crois qu'ils prendraient les crimes un peu plus au sérieux.
Mme Torsney: Encore une fois, monsieur Newman...
M. Newman: Rendez donc les parents financièrement...
Mme Torsney: Monsieur Newman, je répète ce que je disais.
M. Newman: Si les parents peuvent financièrement...
La présidente: Un peu de silence, s'il vous plaît. Madame Torsney, pourriez-vous terminer votre question?
Mme Torsney: Monsieur Newman, vous parlez d'un outil qui interviendrait après que le crime a été commis, une fois que quelqu'un est devenu victime de ce crime, une fois qu'un enfant se retrouve avec un casier judiciaire. Ma question porte sur les outils que nous pouvons donner aux parents. Seriez-vous prêt à financer des outils qui aideraient les parents à traiter avec leurs enfants? Peut-être qu'ils n'ont pas les outils de gestion nécessaires. Ce n'est pas une question de ressources financières ni de les faire payer l'aide juridique. Il y a eu un crime, il y a une victime. Comment pouvons-nous aider ces parents?
Vous avez tout à fait raison de dire que dès la prématernelle, on voit des enfants qui ont déjà besoin d'aide. Mais le problème est que les parents doivent attendre cinq ou dix ans, attendre que leur enfant ait commis un crime, pour recevoir ces services. Ils courent partout mais personne ne veut les aider.
M. Newman: Je ne suis pas d'accord avec vous là-dessus.
Mme Torsney: Pourquoi?
M. Newman: Je ne sais pas comment vous pouvez financer des valeurs morales et des règles au foyer. Je suis heureux de vous entendre parler de la victime, parce que l'on parle toujours des criminels, des jeunes contrevenants. Je suis content de vous entendre au moins une fois parler de la victime.
La présidente: Merci. Nous allons nous arrêter deux minutes et nous passerons ensuite à notre témoin suivant.
La présidente: À l'ordre, s'il vous plaît.
Monsieur Ambas, bienvenue.
M. Tom Ambas (Kid Brother Campaign): Merci, madame la présidente.
Je vous prierais de m'excuser si je ne lis pas bien, mais je ne suis allé qu'à Danforth Tech et je ne suis pas très bon en lecture. Je ferai ce que je peux.
La présidente: Nous sommes tous ici pour représenter nos électeurs et nous ne remarquons même pas ce genre de chose. Ne vous inquiétez donc pas.
M. Ambas: Merci.
Je suis un simple Canadien qui a une famille et une petite entreprise. À vrai dire, je préférerais être n'importe où ailleurs aujourd'hui mais, malheureusement, le 10 mai 1995, des gens sont entrés dans mon magasin de Scarborough et ont tué mon frère de 35 ans, Louis Ambas.
Le terme meurtre n'est pas suffisamment fort pour décrire cet acte. Ils ont poignardé et donné des coups de couteau dans Louis plus de 54 fois, surtout alors qu'il était à genou au sol sans pouvoir se défendre.
Ces tueurs ont pris environ 700$. Ils laissaient la femme de Louis, Carol, sa fille de trois ans Megan, son fils de 12 ans Guy et nos parents - toute une famille qui l'aimait beaucoup.
Environ un mois plus tard, la police a inculpé un jeune de 17 ans pour meurtre. Quand Louis fut tué, ce jeune était encore en période de probation à la suite d'un autre cambriolage à main armée. Aux termes des dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants, nous ne pouvions même pas savoir son nom. Ma mère a trouvé cela très difficile à supporter. Elle allait très mal et voulait simplement savoir qui avait fait ça à son fils. Aux termes de la loi, c'était impossible.
Nous avons finalement découvert son nom lorsqu'une employée de la Cour, nous prenant en pitié, nous a passé un bout de papier. Elle nous a suppliés de ne rien révéler, craignant de finir elle-même en prison.
Ce n'était que la première d'une série de comparutions et en décembre dernier, après des journées passées au tribunal et après présentation de montagnes de preuves, l'accusé a finalement été envoyé devant un tribunal pour adultes. Rien n'était gagné d'avance, mais c'est finalement ce qui s'est passé. Au début, nous en avons été très satisfaits, mais nous avons rapidement découvert que cela ne signifiait pas grand-chose.
Même si ce garçon est condamné pour meurtre au premier degré et qu'il reçoit une peine d'emprisonnement dit à perpétuité, il sera vraisemblablement mis en liberté conditionnelle au bout de cinq ans. La fille de Louis aura huit ans et sa femme va se rendre aux audiences de libération conditionnelle pour essayer de le faire garder en prison, dans la crainte du jour où il sera libéré. Évidemment, personne n'a été condamné dans cette affaire, et il est toujours possible que la police n'ait pas arrêté le coupable. Nous le saurons un jour. Mais une chose est certaine, c'est que mon frère ne reviendra pas.
Grâce à toutes ces audiences, on a fini par savoir la vérité. Nous avons constaté que l'accusé avait un lourd casier judiciaire de jeune délinquant pour vols à main armée et pour agressions. Tout ce qu'il a appris de la LJC, c'est qu'il pouvait faire n'importe quoi en toute impunité jusqu'à l'âge de 18 ans. Nous avons également appris qu'il était immigrant illégal et qu'à cause de son âge, une procédure d'expulsion aurait été très difficile, si bien que personne n'a jamais essayé de le faire expulser.
Cette jeune personne - l'expression semble bien innocente - a déjà dit à des psychologues judiciaires qu'il aimait tuer. Malgré tout cela, aucun agent judiciaire n'a jamais hésité à remettre ce psychopathe en liberté. Grâce au secret de la LJC, nous n'avons pas pu nous renseigner davantage sur notre nouveau voisin.
Ce garçon de 17 ans a causé des torts extrêmement graves et tout à fait inimaginables. Mon frère George Ambas et moi-même nous sommes engagés à tout mettre en oeuvre pour faire modifier la Loi sur les jeunes contrevenants. Nous ne pouvons pas rester sans rien faire, au risque que le même drame frappe une autre famille.
Je ne pense pas que vous compreniez vraiment la gravité du crime de meurtre. Notre famille s'en est trouvée anéantie et continuera à en ressentir les effets pendant plusieurs générations. Il ne s'agissait pas d'une bataille de cour d'école. Il ne s'agissait pas de jouer un mauvais tour. Il ne s'agissait pas d'une erreur. C'est quelque chose qu'aucune punition ne peut réparer. Et surtout, c'est une chose qui n'aurait jamais dû se produire. Si le système de justice s'était occupé adéquatement de ce jeune homme lorsqu'il a commencé à commettre des crimes violents, mon frère Louis serait encore en vie aujourd'hui. Voilà la vérité, et c'est pour cela que je suis ici aujourd'hui.
Le problème avec la LJC, c'est qu'elle fait croire aux jeunes qu'ils sont intouchables. Je veux obtenir justice pour Louis. Peut-être même suis-je animé d'un esprit de vengeance. Mais surtout, je voudrais que ce drame ne se soit jamais produit. Nous avons été abandonnés par le système judiciaire de notre pays. C'est aussi simple que cela.
J'avais 10 ans lorsque je suis arrivé de Grèce au Canada en 1960. Nous nous sommes installés dans l'Est de Toronto. Je peux vous dire que c'était un quartier difficile; les bagarres étaient nombreuses, mais je n'ai jamais eu cette impression de violence telle qu'on peut la ressentir aujourd'hui à la lecture des journaux.
Je comprends la nécessité de la réadaptation. La plupart des détenus finissent par sortir de prison. Mais pour la plupart des Canadiens, il est évident que la punition est un bon moyen de motivation pour amener quelqu'un à s'amender. Je ne veux pas dire qu'il faudrait recourir à des châtiments corporels, mais je parie qu'actuellement, il ne doit pas y avoir beaucoup d'adolescents à Singapour qui se risquent à faire des graffitis sur les voitures.
Vous donnez l'impression de ne pas vivre dans la réalité. Il y a des gens qui font des erreurs - j'en ai fait moi-même et peut-être en avez vous fait aussi - et la plupart des gens méritent qu'on leur accorde une deuxième chance. Mais il en existe, même parmi les adolescents, qui sont des criminels violents et mal intentionnés, et qui ne changeront pas sous prétexte qu'on est gentil avec eux.
Je comprends également la nécessité de venir rapidement en aide aux jeunes lorsqu'ils ont des problèmes mentaux ou émotionnels. C'est très bien, mais ça ne règle pas le cas de l'adolescent de16 ans, grand et fort, qui tue, vole et viole. Ce n'est plus un enfant et pour lui, il est trop tard; vous feriez bien de vous en rendre compte.
Vous pouvez bien raconter ce qu'il vous plaît et faire dire ce que vous voulez aux chiffres, mais les Canadiens se rendent bien compte que quelque chose ne va pas. C'est pourquoi 500 000 d'entre eux ont signé notre pétition pour demander une modification de la LJC. Ce sont des gens de tous les milieux et de toutes les régions du Canada. Une bonne partie d'entre eux travaillent quotidiennement auprès des jeunes contrevenants.
Un officier de police m'a dit qu'il y aurait une révolte si les gens savaient vraiment comment on applique la Loi sur les jeunes contrevenants. Vous nous prenez peut-être pour des imbéciles et des ignorants, mais en définitive, vous feriez mieux d'écouter ce que les citoyens ordinaires ont à vous dire.
En plus de notre pétition, nous avons envoyé plus de 1 100 lettres à des députés, nous sommes intervenus dans des séances de conseil municipal de même qu'à la radio et à la télévision. Nous avons parlé à des milliers de Canadiens, et avant que je ne vois ce comité à l'oeuvre lundi dernier, je ne comprenais pas qui s'opposait à nous et pourquoi rien n'était fait. Maintenant, je le sais.
Le ministre de la Justice Allan Rock a finalement accepté de nous rencontrer, mon frère et moi, en novembre dernier. Nous lui avons donné une liste de dix mesures à prendre, et à une exception près, M. Rock nous a dit que toute personne raisonnable ne pouvait qu'approuver nos demandes. Je vous invite à vous en souvenir pendant que je vais donner lecture de cette liste.
Tout d'abord, nous voulons que les personnes accusées de meurtre soient jugées par un tribunal pour adultes, indépendamment de leur âge.
Deuxièmement, nous voulons que l'identité des personnes accusées de meurtre soit révélée, quel que soit leur âge.
Troisièmement, nous voulons que les personnes accusées de meurtre se voient infliger des peines pour adultes et soient soumises aux règles de libération conditionnelle applicables aux adultes, quel que soit leur âge.
Quatrièmement, nous voulons que le système judiciaire canadien protège les citoyens innocents contre ceux qui se montrent prêts à tuer, à mutiler, à violer et à voler. L'âge des criminels ne devrait pas être pris en compte lorsqu'il s'agit de protéger les innocents.
Cinquièmement, de nombreux jeunes semblent considérer que la LJC leur permet de faire n'importe quoi en toute impunité. Qu'ils aient raison ou tort, il convient d'éradiquer cette idée.
Sixièmement, si quelqu'un obtient une seconde chance en vertu de la LJC, ce devrait être la dernière. Il ne devrait pas y avoir de troisième, de quatrième, de cinquième ou de sixième chance.
Septièmement, il faudrait abaisser les limites de la catégorie d'âge des jeunes contrevenants à un minimum de 10 ans et à un maximum de 15 ans. Les jeunes de 16 et 17 ans devraient toujours être considérés comme des adultes. M. Rock est d'accord pour que l'âge maximal soit abaissé à 15 ans mais il nous a dit qu'il souhaitait que l'âge minimal reste de 12 ans.
Huitièmement, les organismes de police, d'immigration et autres devraient avoir pleinement accès au dossier de tous les jeunes contrevenants. La confidentialité ne devrait être maintenue que pour les infractions non violentes.
Neuvièmement, des peines très sévères devraient être imposées aux adultes qui profitent de la LJC pour attirer des jeunes vers la criminalité.
Dixièmement, il faudrait tenir des statistiques exactes sur la criminalité juvénile, en particulier dans le cas des jeunes contrevenants qui bénéficient de mesures de déjudiciarisation.
Voilà nos dix revendications. En nous regardant droit dans les yeux, M. Rock nous a dit que toute personne raisonnable devrait appuyer chacune de ces propositions, à une exception près, comme je l'ai indiqué. Il a même dit qu'il envisageait de mettre la LJC au rencard.
Il nous a tapés sur l'épaule, nous a dit que nous menions un combat important et nous a conseillés de venir vous raconter notre histoire. Il nous a même dit que ces changements seraient apportés d'ici huit mois, c'est-à-dire d'ici le mois de juillet. Malheureusement, aussitôt après notre départ, M. Rock a dit à des journalistes qu'il s'était seulement engagé à étudier nos propositions.
Voilà ce que je ne comprends pas. Si un esprit obtus comme le mien voit ce qu'il faut faire, si des millions de Canadiens approuvent nos propositions et si notre ministre de la Justice est d'accord, qu'est-ce qu'on attend? Je sais que pour certains d'entre vous, la LJC ne pose aucun problème, tout cela n'est qu'un jeu politique, c'est une farce, mais pas pour moi. M. Rock nous a dit que toute personne raisonnable devrait approuver nos revendications. Alors, trêve de palabres.
Merci.
La présidente: La personne qui vous accompagne veut-elle intervenir?
M. Ambas: Non.
La présidente: Monsieur Langlois.
[Français]
M. Langlois: Merci de votre présentation. Ma question sera d'ordre un peu général, monsieur Ambas, puisque vous nous avez fait part de recommandations précises que vous aviez déjà soumises au ministre Rock. Avant les événements tragiques qui ont coûté la vie à votre frère et la peine qui en a résulté pour vous et pour votre famille, quelle était votre perception du système de droit criminel relatif aux jeunes contrevenants? Était-ce une préoccupation pour vous à ce moment-là?
[Traduction]
M. Ambas: Je peux vous dire que j'ai quelques magasins à Toronto. Trois d'entre eux m'appartiennent. J'étais bien conscient de la Loi sur les jeunes contrevenants avant cet incident, mais je suis comme tous les autres...il faut payer ses factures, on travaille et on oublie bien des choses.
Mais effectivement, j'étais préoccupé. Je suis dans le commerce depuis 1969. J'ai eu affaire à des criminels toute ma vie. Les gens qui achètent mes bottes sont soit de braves gens, soit des criminels. C'est comme cela. Je vends des bottes de cow-boy.
Ce que je sais, c'est qu'au cours des deux dernières années, j'ai été 22 fois victime de vol à main armée. La plupart des gens qui travaillent pour moi ont moins de 25 ans, j'ai donc souvent affaire à des jeunes et je travaille avec eux; je participe à l'exposition nationale canadienne. Je fais travailler beaucoup de jeunes.
J'ai vu des jeunes entrer dans mon magasin, prendre une paire de bottes et un blouson, puis ils m'ont dit: «J'ai un pistolet. Reste assis, ou je vais te tuer». Ensuite ils sortent de mon magasin. J'ai des preuves sur chacun de ces cas. On peut toujours appeler la police. Nous l'avons appelée. Les policiers ont dit qu'ils ne pouvaient pas venir. On peut comprendre, ils sont très occupés. Bien souvent, ils ne viennent même pas voir. Parfois, ils font un rapport. Nous avons même eu des récidivistes...les mêmes sont revenus au bout de six mois. Ils entrent dans le magasin et prennent ce qu'ils veulent.
Évidemment, nous pouvons déclarer ces vols. Pour cela, je dois me rendre au poste de police et m'absenter pendant une journée. Je dois accorder un congé payé à l'employé qui s'absente ainsi.
Je connaissais la Loi sur les jeunes contrevenants et je connais des milliers de cas... Je ne parle pas d'un ou deux jeunes. J'ai vu des jeunes qui disaient: «Vous ne pouvez rien contre moi». Ils entrent dans le magasin, volent une ceinture et s'en vont.
Mon petit neveu a été victime, presque sous mes yeux, d'un vol perpétré par deux jeunes de 16 et 18 ans. Je les ai poursuivis et j'ai été accusé d'agression. En fait, je suis actuellement en libération conditionnelle. J'ai simplement tenté de protéger mon petit neveu. Il est arrivé dans mon magasin en état de choc, il voulait se cacher sous la table ou rentrer chez lui. Il ne voulait pas parler du vol à son père, parce que les jeunes lui avaient dit que s'il révélait quoi que ce soit à son père, ils le tueraient dès le lendemain. Vous imaginez comment il pouvait se sentir. Ensuite, voilà ce qui est arrivé à son père...
Mes fils ont été deux fois victimes de vol à main armée. Je vis dans le même quartier qu'eux. Je vis à cinq coins de rue de mon magasin. Mes fils ont été volés sous la menace de couteaux et une fois, sous la menace d'un pistolet. Peut-être que les criminels connaissent l'identité de mes fils et qu'ils s'en sont pris à eux à cause de cela. Je ne sais pas. En tout cas, ils ont été volés et ils ont déclaré les vols. Mais comme je vous l'ai dit, j'ai vu des jeunes entrer dans mon magasin et me dire: «Écoute, je suis un jeune contrevenant, tu ne peux rien contre moi». Eh bien, voici le message qu'il faut leur envoyer: «Nous pouvons quelque chose contre toi!»
Je comprends tout ce que vous dites concernant les enfants et leur bien-être. Je ne suis pas un expert, mais je sais tout cela. Je sais comment j'ai été élevé. Je craignais que mon père s'en prenne à moi, c'est pourquoi j'ai toujours évité de faire des bêtises. J'ai plusieurs amis qui sont morts pour des histoires de drogue et de criminalité. J'ai toujours habité le quartier est de Toronto. C'est un quartier difficile pour les jeunes. Mais heureusement, je craignais mon père. À la moindre incartade, il me rappelait à l'ordre, mais il ne m'a jamais frappé. Maintenant, je le respecte. Il a 70 ans, et ma mère en a 69. Leur seule perspective est d'aller au cimetière tous les jours...et de venir dans mon magasin, parce qu'un criminel...
Il y a dans cette salle des gens qui les appellent «enfants». Comment appeler un jeune de 16 ans qui pèse 220 livres et qui veut vous frapper avec un couteau...? On a cessé de compter au 54e coup. Quel être humain a pu faire cela à mon frère? Peu importe qu'il ait 16 ans ou 100 ans. Est-ce une consolation pour moi d'apprendre qu'il avait 16 ans et qu'il ne le savait pas?
Je veux simplement dire qu'il ne s'agit pas d'une question politique. J'ai voté libéral toute ma vie. Lorsque je votais, je me sentais libéral. Je me disais que le Canada était un pays extraordinaire, que j'allais me bâtir le plus beau patrimoine possible. Mais de voir ainsi mes parents en larmes, tous les jours, et de voir des politiciens qui m'appellent pour me demander si mon frère s'occupait de drogue - qu'est-ce que tout cela signifie? Écoutez, mon frère était un bel homme. C'est le seul d'entre nous qui a fait des études. C'était quelqu'un de bien, et c'est moi qui aurait dû être à sa place. Il a été tué dans mon magasin. Des criminels, qui vivent à deux pas de chez-moi, l'ont tué. Il était méconnaissable.
Je ne veux pas que les jeunes dont nous parlons... J'ai deux enfants moi-même. Je ne veux pas qu'un jeune de 12 ans, ou même de 16 ans, se retrouve en prison avec des hommes de 35 ans. Je peux répondre à ce genre de questions. On peut protéger Paul Bernardo. Si on met un jeune de 16 ans en prison, il faut le protéger. Il doit savoir qu'il va se retrouver avec des jeunes de son âge. C'est bien simple. Pourquoi pourrait-on le faire pour Bernardo, mais pas pour un jeune contrevenant?
Personnellement, je ne m'intéresse pas à la politique. Je ne veux pas faire de politique. Je sais que vous êtes des gens intelligents, mais si cela arrivait à votre fils... Lorsque j'en ai parlé à Allan Rock, il a pleuré, il savait ce que j'éprouve.
Je ne veux pas faire de politique, mais je suis prêt à parler avec n'importe qui. Mais s'il devait arriver quoi que ce soit à mon fils de 12 ans... S'il se faisait tuer à l'école, je mourais moi-même. Je ne pourrais plus revivre une telle expérience. C'est pourquoi je mène cette campagne.
La présidente: Merci, monsieur Ambas.
Je ne sais pas s'il y a d'autres questions.
M. Ambas: Non, c'est tout. Merci beaucoup, madame la présidente.
La présidente: Merci beaucoup d'être venu nous voir.
Nous allons lever la séance pendant cinq minutes.
La présidente: Nous voilà de retour, et nous accueillons «Mme Untel». Pourquoi ai-je tant de mal à y croire?
Nous vous souhaitons la bienvenue. Vous avez 45 minutes. Allez-y.
Mme Untel (témoignage à titre personnel): Je vous remercie de me donner la parole.
Je suis la mère d'un jeune homme qui purge actuellement une peine d'emprisonnement dans un pénitencier. Il a été jeune contrevenant à partir de l'âge de 14 ans. Sa carrière a commencé vers l'âge de six ans, mais il n'est entré officiellement dans le système qu'à l'âge de 14 ans. Il est toujours détenu, mais il a passé l'âge de la catégorie des jeunes contrevenants. Il devrait être libéré d'ici quelques mois.
Je vous ai résumé mon histoire dans un mémoire et je vous présente quelques recommandations qui découlent de l'expérience que j'ai eue auprès de mon fils pendant toute cette période. Il a eu de bonnes expériences avec quelques personnes du système pénitentiaire, mais il y a bien des choses qui me dérangent beaucoup et qui l'ont également dérangé.
Je dois vous donner le contexte de la situation. De façon générale, mon fils est très affectueux. Il a bon coeur et il est doté d'un merveilleux sens de l'humeur. Il a d'excellentes aptitudes sociales. Intellectuellement, il est intelligent, mais il n'est pas doué par les études. Il ne peut pas rester assis à un pupitre pendant longtemps. Il aime faire travailler ses mains et son esprit.
Pour un certain nombre de raisons personnelles qui ont beaucoup à voir avec l'absence de rapports avec son père... et j'espère ne pas entendre de commentaires comme «ah oui, voilà une autre mère amère qui va s'attaquer au père», parce que, depuis le temps, c'est une réaction que je connais bien. Le fait est que j'aurais sincèrement souhaité que mon fils soit plus proche de son père, mais il ne l'a jamais été, et ce n'est pas parce qu'il n'a pas essayé.
Son père lui faisait toujours des tas de promesses. Je serai là. Bien sûr, j'irai te chercher. Oui, nous ferons ceci, nous ferons cela ensemble; nous nous amuserons beaucoup. Mais la plupart du temps, il n'appelait pas, il ne se présentait pas. Chaque fois que cela se produisait - et cela se produisait pratiquement toutes les semaines - , je voyais mon fils serrer la mâchoire, relever le menton un peu plus haut. D'autres briques s'ajoutaient ainsi au mur qu'il érigeait autour de son coeur. C'était très difficile à accepter.
Pendant cette période très difficile, très tendue, il m'a blâmé pour tous ses problèmes. D'une certaine façon, je pense qu'il continue à me blâmer car il ne veut pas affronter tout ce traumatisme émotif. À ce stade-ci, c'est compréhensible.
Mais ce qui importe, c'est que j'ai demandé à bon nombre de spécialistes que nous avons consultés au fil des années pourquoi cet enfant me blâmait de façon aussi véhémente pour sa douleur, ses problèmes. Évidement, nous ne voulons pas reconnaître que c'est de cela qu'il s'agit. Nous ne voulons pas parler de douleur ou de quoi que ce soit du genre. Tous les psychologues, les travailleurs sociaux, les experts m'ont répondu ceci: «Vous, sa mère, êtes la seule personne stable dans sa vie. Vous êtes la seule personne qui l'ait appuyé. Vous êtes la seule personne sur laquelle il peut décharger sa colère sans craindre que vous l'abandonniez. Vous l'avez prouvé. Il sait qu'il peut compter là-dessus. Il doit s'exprimer d'une façon ou d'une autre. Il doit se libérer de sa douleur. Il ne sait pas comment réagir comme le ferait un adulte, en suivant une thérapie, par exemple. C'est un enfant. Il fait des bêtises».
Cela me semble logique. J'ai beaucoup lu à ce sujet, et je dirais que cette interprétation est juste.
Quoi qu'il en soit, lorsque son père était là, son mode de vie n'en faisait pas un très bon modèle. Il a donné de biens mauvais exemples à mon fils. Pour une raison quelconque, ce dernier a décidé de faire comme lui, d'émuler son père, de suivre ses traces, en pensant peut-être que ce dernier apprendrait à l'aimer s'il devenait davantage comme lui. Cela n'a jamais marché. Plus il s'enfonçait, plus son père prenait ses distances, jusqu'à il y a environ quatre ans, lorsqu'il m'a appelé pour me demander ce qui, Grand Dieu, n'allait pas chez notre fils.
Je ne suis pas une personne douce et effacée. Le Reader's Digest avait publié quelques années auparavant un article intitulé «Où sont passés tous les pères?» Malheureusement, je ne me rappelle pas qui en était l'auteur. C'était un article de deux pages qui a paru dans le Reader's Digest. Je l'ai découpé et je le lui ai envoyé par la poste. Il n'a jamais donné signe de vie depuis, mais d'après des conversations antérieures avec son père, je sais que j'ai probablement mis dans le mille car il a vécu à peu près la même expérience avec son père.
Si je suis venue comparaître aujourd'hui, c'est surtout pour vous inciter à apporter des changements au régime des jeunes contrevenants. Je suis fermement convaincue qu'il faut y apporter des changements en profondeur. Cette conviction, je l'ai acquise à la suite de conversations avec mon fils et d'amis à lui qu'il s'est faits dans le système. Pour reprendre leurs propos, pour eux, tout cela est une farce monumentale.
Qu'ils parlent des policiers qui sont à leur trousse chaque fois qu'ils font tout ce qui leur passe par la tête ou qu'ils parlent des tribunaux, la réaction est la même: «Nous allons nous en tirer. Ce n'est qu'un premier délit. Il n'y a rien là. Que vont-ils nous faire - nous réprimander?» C'était devenu extrêmement pathétique.
D'après mon expérience, les parents qui accompagnent un jeune contrevenant au tribunal sont plus à plaindre que l'enfant. Je crois savoir que dans le cas du tribunal pour adultes, les contrevenants sont convoqués à une heure précise. Pour les jeunes contrevenants, aucune heure de comparution n'est fixée. On se rend au tribunal tôt le matin et on y attend toute la journée, jusqu'à ce qu'on soit appelé. Il est impossible de savoir à quelle heure ce sera, personne ne le sait et personne ne vous le dit. Pour un parent, cela veut dire passer toute la journée sur place.
Je l'ai fait à deux ou trois reprises. J'ai eu un certain nombre de conversations très sérieuses avec mon fils. Il faisait des tas de bêtises, surtout voler des voitures et dévaliser des dépanneurs, sous prétexte qu'il en avait envie. C'était sa seule réponse: Il en avait envie.
Après avoir comparu à quelques reprises et pris congé de mon travail, je lui ai dit que s'il continuait à agir de cette façon, je n'allais plus être à ses côtés pour l'appuyer devant le tribunal, ce qui l'a mis en colère.
Tout cela a donc pris des proportions de plus en plus grandes et est devenu de plus en plus compliqué. À l'heure actuelle, mon fils est un jeune homme en colère bourré de problèmes qu'il ne sait comment régler.
Dans tous les établissements pour jeunes contrevenants qu'il a fréquentés - et il est allé dans au moins six d'entre eux et s'est même enfui de plusieurs - seuls les contrevenants qui devaient y passer beaucoup de temps avaient droit au counselling. Il n'y avait pas de counselling immédiat. Personne pour vous prendre sous son aile. Je sais que cela voudrait dire un ratio de un pour un, ce qui serait sans doute très difficile et très coûteux pour les contribuables.
Transformer tout le système exigerait un processus douloureux car tout le monde a une opinion au sujet des changements à apporter. Cela serait sans doute aussi un exercice très coûteux. Mais il faut vraiment faire des changements. Les jeunes doivent subir les conséquences de leurs actes, et ce n'est pas le cas. C'est toujours la faute d'autrui. Même en tant qu'adultes, si quelque chose va mal, instinctivement, notre première réaction est d'essayer de rejeter le blâme sur quelqu'un d'autre. Dans le système actuel, les jeunes contrevenants s'en tirent. Ils rejettent le blâme sur autrui et s'en tirent.
Je me souviens d'une réunion avec le personnel du premier établissement de garde en milieu fermé où il a été envoyé. Il y avait là le directeur de l'établissement, le travailleur de l'Aide à l'enfance et moi-même. Au bout de 15 minutes d'entretien, ils m'ont demandé pourquoi, à mon avis, mon fils était là. Pendant que je leur racontais son histoire, ils regardaient par la fenêtre, se curaient les ongles, consultaient des papiers. En un mot, ils étaient très grossiers. Comme ce n'était pas la première fois que j'étais en butte à une telle réaction, au bout du compte, je leur ai dit: «Vous savez quoi? Je vais partir maintenant. C'est vous qui devrez vivre avec lui pendant les trois prochains mois, et je vous souhaite bien du plaisir.»
Son travailleur social principal m'a appelé environ six semaines après pour s'excuser. Il m'a dit: «Je regrette la façon dont nous vous avons traité. Vous avez effectivement apporté des arguments valables. Pourrions-nous nous rencontrer de nouveau pour discuter de la situation car cela m'aiderait sans doute à traiter avec votre fils et à l'aider à s'en sortir, si c'est possible?» Je lui ai répondu que j'acceptais volontiers.
Il y a des gens compatissants dans le système, comme partout ailleurs, mais il y en a d'autres qui sont là uniquement parce que c'est un emploi. Peut-être ce travail leur tenait-il à coeur à un moment donné, mais ce fardeau quotidien les a rendus cyniques. Certains de ces jeunes contrevenants sont loin d'être des anges. Dans certains établissements, on a l'occasion de rencontrer d'autres jeunes, et je peux vous dire que cela fait peur. Certains de ces jeunes ne sont pas appuyés par leurs familles.
Dans le cas de l'un des établissements fréquentés par mon fils, je devais mettre pratiquement une heure de voiture pour m'y rendre chaque semaine. J'ai fini par assez bien connaître le personnel. Ils savaient ce que je prenais dans mon thé et il y en avait toujours une tasse chaude qui m'attendait. Lorsque les portes se refermaient lourdement derrière moi, les cheveux me dressaient sur la tête. Je ne pouvais pas m'imaginer privé de liberté. Les visites étaient censées durer une heure, mais le personnel me permettait de rester plus longtemps, puisque j'étais le seul parent sur place. Durant des semaines et des semaines, j'ai été le seul parent à rendre des visites. Certains de ces jeunes étaient plutôt mal en point et personne ne s'en inquiétait. Certains des parents habitaient plus proche que moi, mais ils ne prenaient la peine n'y d'appeler, n'y d'écrire, n'y de visiter.
Lorsque ces jeunes sont laissés en liberté, ils causent beaucoup de soucis à des citoyens innocents. Ils volent, ils agressent, ils volent des voitures pour le plaisir de l'escapade, ils détruisent des biens, des maisons et parfois ils blessent des personnes. Ma maison a déjà été cambriolée. Il s'agit d'une expérience plutôt terrible et extrêmement traumatisante. La société commence à en avoir ras le bol de ce genre de comportement.
Ce que je tiens surtout à dire, c'est que les jeunes qui continuent à agir de la sorte sont ceux qui vivent de vrais problèmes - des problèmes familiaux, des problèmes émotifs et ainsi de suite. Il leur faut de l'aide, et pas à peu près. Pour eux, le milieu carcéral est un milieu d'apprentissage: ils échangent des expériences et apprennent ainsi à améliorer leurs techniques ou à faire les choses de façon encore plus bizarre ou inusitée. Ils apprennent de nouveaux trucs, ni plus ni moins.
Assez étrangement, mon fils et moi avons toujours entretenu des rapports assez ouverts et affectueux. Nous avons été relativement proches l'un de l'autre. Les enseignants et certains des spécialistes que nous sommes allés voir l'ont souvent noté. Durant les brèves périodes où il ne vivait pas en établissement, mon garçon avait coutume de venir me voir à la maison et de me raconter certaines expériences que lui ou d'autres jeunes contrevenants avaient vécues.
Si j'ai tant de cheveux blancs aujourd'hui, c'est en partie à cause de la génétique mais aussi en partie, j'en suis convaincu, à cause de mon garçon et des histoires horripilantes et invraisemblables qu'il a pu me raconter. Voilà des jeunes qui devraient être à l'école. Ils devraient être accueillis par des familles qui les aiment. Pour la plupart d'entre eux cependant, cela n'est pas possible, pour une raison ou pour une autre.
J'ai une fille qui a huit ans de plus que mon fils. Elle est mariée. J'ai deux petits-enfants. J'aurais un bref enregistrement à vous faire écouter. Mon garçon a très certainement sa place dans la famille. Nous l'aimons tous beaucoup.
Il semble voué à l'autodestruction et je dois dire que nous ne savons trop quoi faire à ce sujet. Il a été confié à un système qui est une véritable farce. Il passe d'un établissement à un autre. Il arrive. Il part. Il arrive à nouveau. Et il repart. Il ne s'est rien passé de concret qui lui ait permis de croire que quelqu'un s'intéressait vraiment à lui ou que le système se souciait de son sort.
Le message que retient le jeune, c'est qu'il est là parce qu'il s'est fait prendre. Voilà encore un autre aspect sur lequel on doit s'interroger. Le jeune n'est pas là parce qu'il a mal agit ou parce qu'il a fait du tort à quelqu'un mais parce qu'il s'est fait prendre et qu'il s'est vu infliger une peine. Il doit purger sa peine, lui dit-on. Dans l'esprit du jeune - ils l'ont dit à maintes reprises - il s'est fait pincer et voilà pourquoi il est en dedans. S'il ne s'était pas fait pincer, il n'y serait pas. C'est donc le problème de la police ou de quelqu'un d'autre. Ce n'est pas son problème.
Pourtant, il faut que les jeunes se rendent compte que c'est effectivement leur problème. On doit leur faire valoir que c'est leur comportement qui a fait du tort à des personnes, qui a causé des dommages à la propriété et ainsi de suite. Ils doivent devenir responsables.
J'espère bien que le genre de processus auquel nous participons aujourd'hui permettra que cela se produise. J'espère également être en mesure de faire ma part. Les jeunes doivent devenir responsables de ce qu'ils font et ils doivent se sentir responsables, non pas simplement à l'égard des institutions mais surtout à l'égard des personnes.
Voici un enregistrement de mes deux petits-enfants, lesquels adorent leur oncle même s'ils ne le voient pas très souvent. L'enregistrement date de Noël. À ce moment-là, ma petite-fille avait six ans et mon petit-fils avait quatre ans et demi. L'enregistrement est très court, mais j'ai été grandement bouleversé en l'écoutant. Je ne sais pas comment vous allez réagir, mais permettez-moi de vous le laisser entendre.
[Présentation audio]
Mme Untel: Mon petit-fils de quatre ans et demi, qui adore son oncle, dit qu'il espère le voir sortir de prison bientôt. Chaque fois que je le vois, donc assez souvent, il me demande si l'oncle Chris est toujours en prison, quand il va sortir, ce qu'il a fait, pourquoi il est derrière les barreaux, pourquoi il est si méchant. Il me dit qu'il aime son oncle Chris et me demande quand il va revenir à la maison.
Ce jeune a donc une famille qui l'aime. Pour bien des jeunes, ce n'est pas le cas.
Je crois sincèrement que, en fin de compte, les jeunes qui sont en difficulté avec la loi, qui sont en établissement, sont très perturbés. Ils vivent une grande douleur et ils ont besoin de beaucoup d'aide.
Je considère que je suis une personne passablement réaliste et équilibrée et je tiens par ailleurs à dire que ces jeunes doivent être tenus responsables. Je ne le dirai jamais assez.
Voilà à peu près ce que j'avais à dire cet après-midi. Vous avez eu le reste en noir sur blanc, par écrit.
Le président: Merci. En effet, nous avons cela en noir sur blanc. Nous avons reçu votre mémoire à l'avance.
Monsieur Langlois, avez-vous des questions?
[Français]
M. Langlois: J'essayais, plutôt malhabilement, de vous écouter et à la fois de parcourir votre mémoire afin de vous poser quelques questions. J'ai un petit peu de difficulté à suivre dans votre mémoire les solutions que vous proposez.
Vous traitez à la proposition 13, à la page 4, des boot camps; j'aimerais que vous précisiez un peu votre pensée à ce sujet.
Vous semblez souhaiter que toute personne, peu importe son âge, soit assujettie à la loi. Vous vous opposez à ce que les parents soient tenus civilement responsables des délits commis par leurs enfants. J'aimerais que vous nous donniez des précisions sur vos diverses propositions concrètes en vue de modifier la Loi sur les jeunes contrevenants.
[Traduction]
Mme Untel: Certainement.
Tout d'abord, je tiens également à dire que les jeunes contrevenants constituent un groupe ou une catégorie de personnes, mais qu'il s'agit aussi d'individus, ce que nous ne devons jamais perdre de vue.
Dans mon cas, le père de mon fils a tout simplement pris la poudre d'escampette. Il n'arrivait pas à conserver un emploi et n'était pas parmi les plus idéalistes de la société. Il m'a versé une pension alimentaire durant six mois environ, au moment où mon garçon avait environ huit ans. Autrement, j'ai dû l'élever seule. J'ai trouvé cela difficile, à certains moments.
Tout cela remonte à un certain nombre d'années déjà. Lorsque j'ai tenté de déterminer comment je m'y prendrais pour faire en sorte que le père m'accorde une aide financière, on m'a dit que, puisqu'il n'avait pas vraiment d'emploi, j'aurais à embaucher un détective et un avocat, le faire suivre et ainsi de suite, pour obtenir de l'argent.
Entre-temps, j'ai fait de mon mieux pour assurer la garde de l'enfant, pour veiller à ce que mon fils soit surveillé durant les périodes de congé et les vacances d'été. Il a fréquenté des camps, il a visité des amis au chalet, et ainsi de suite. Il n'est jamais resté sans surveillance. Tout cela coûte cher et j'ai dû moi-même gagner le nécessaire pour le nourrir, l'habiller, le loger, disposer d'un véhicule pour pouvoir visiter la famille, les amis, et ainsi de suite.
Si tout cela arrivait aujourd'hui, ou peut-être dans un an ou deux, et que quelqu'un voulait me poursuivre ou me faire payer la note pour ses crimes - je sais bien que quelqu'un doit payer - j'en serais plutôt bouleversé. La question que je poserais serait la suivante: son père se la coule douce en Floride, sur le bord de la plage; pourquoi ne m'aide-t-on pas à le poursuivre pour qu'il accorde un soutien financier? Comment se fait-il qu'il est en mesure de venir ici bénéficier de notre régime de soins de santé et de toutes sortes d'autres avantages et d'agir plus ou moins en marge de la loi et qu'il s'en tire sans problème? Par contre, on s'attend à ce que je reste ici et à ce que je continue à mettre l'épaule à la roue et à ce que je paie les pots cassés! Je dois dire que j'ai du mal à accepter cela. Par contre, je sais que je ne représente qu'un cas parmi d'autres.
Je sais fort bien également que, lorsque les policiers ramenaient mon enfant à la maison - c'était habituellement tard dans la nuit - je les invitais toujours à entrer, nous discutions et nous nous entendions, et ainsi de suite. Je sais fort bien que ces mêmes policiers reconduisent d'autres jeunes à la maison, où ils ont affaire à des parents qui les engueulent, les somment de quitter les lieux et ainsi de suite, parce qu'ils sont incapables d'imaginer que leur petit garçon ou leur petite fille puisse avoir fait quelque chose de mal.
Où se situe la limite? Je n'en sais rien. Cependant, d'après mon expérience, je serais bouleversée d'être poursuivie ou d'être obligée de payer la note pour mon enfant.
Je crois que c'est lui qui devrait la payer d'une façon ou d'une autre. Les jeunes contrevenants sont bien capables... faire certaines choses. Quoi? Je ne sais pas au juste. Mais je suis tout à fait disposée à participer à un comité qui aurait pour tâche de régler certains de ces problèmes.
Pour ce qui est maintenant de l'âge minimum, on entend beaucoup parler dans la presse et ailleurs du fait que l'âge des jeunes contrevenants diminue sans cesse. À chaque fois que l'âge baisse, me semble-t-il, c'est le système qui en pâtit «J'ai seulement 11 ans; je suis intouchable», voilà ce que disent certains jeunes. On en a parlé récemment aux nouvelles. Et pourtant ces jeunes commettent des crimes plutôt horribles. Ainsi, si nous abaissons l'âge à 11 ans, alors se seront les jeunes de 10 ans qui vont agir de la sorte. Si nous l'abaissons à 10 ans, alors ce seront ceux de neuf ans qui s'y hasarderont.
Le problème, ou l'un des problèmes, c'est la mentalité du jeune contrevenant. Au lieu de s'appliquer à son éducation et à prendre la vie du bon côté, il s'emploie à scandaliser son entourage, à faire monter son taux d'adrénaline en volant et en cambriolant. Puis, les jeunes se font part de leurs expériences. Ils comparent leurs exploits, comme s'ils gravissaient les échelons pour faire partie d'un club.
À un moment donné, à London, c'était justement ce qui se passait. Pour devenir membre d'un certain gang, il fallait voler une voiture ou un certain nombre de voitures. Aujourd'hui, certains des jeunes qui agissent de la sorte sont de plus en plus jeunes.
Ma voisine s'est fait voler sa voiture il y a moins d'un mois. Je crois qu'il s'agissait d'un jeune contrevenant qui était intouchable parce qu'il n'avait pas atteint l'âge prévu par la loi pour les jeunes contrevenants. Il est plutôt apeurant de savoir qu'un jeune de 11 ans circule comme un bolide au volant d'une voiture dans les rues de la ville. J'en ai la chair de poule, je vous l'avoue.
On parle aussi dans la presse et ailleurs de camps de type militaire pour les jeunes contrevenants. D'après moi, dans la mesure où mon opinion vous intéresse, nous parlons d'enfants problèmes qui sont très perturbés sur le plan émotif. Il leur faut de l'aide et il ne suffit pas de les enrégimenter. Ils doivent savoir que quelqu'un s'intéresse vraiment à eux en tant que personne, qu'être humain. Il faut que quelqu'un les valorise. Il faut que quelqu'un soit disposé à les diriger et à les transformer, au besoin. Également, ces jeunes doivent savoir que les privilèges vont de pair avec les responsabilités. L'apprentissage des responsabilités passe par une forme quelconque de discipline. Mais je dois dire que je ne suis pas experte dans ce domaine.
Une femme adulte que je connais vient de participer au programme Outward Bound. Les participants vont en forêt avec canots, sacs à dos et ainsi de suite. Ils doivent apprendre à compter sur eux-mêmes en région isolée. Il n'y a ni voitures à voler, ni maisons à cambrioler, ni policiers qui les surveillent constamment. Ils vivent dans les bois avec un minimum de provisions. Ils font du canot, de l'alpinisme et participent à d'autres activités. Ils apprennent à compter les uns sur les autres et à faire confiance à autrui. C'est un programme très intensif.
Voilà peut-être le genre d'apprentissage dont ces jeunes contrevenants ont besoin. Ils n'ont confiance en personne. Ils ne se font même pas confiance entre eux, puisqu'ils sont tous des criminels. Ils ne vivent pas dans un climat de confiance.
Le président: Merci, monsieur Langlois. Madame Torsney.
Mme Torsney: Certains parents qui ont participé à un programme d'aide pour regagner le contrôle de leurs enfants nous ont dit - il peut s'agir de parents dont certains enfants ne posent aucun problème; c'est évidemment le cas de votre fille, dont vous étiez en mesure de vous occuper - avoir passé beaucoup de temps à chercher de l'aide pour leur enfant dès son jeune âge.
Je constate que votre fils volait à l'âge de six ans environ. Aurait-on dû communiquer avec vous à ce moment-là; l'a-t-on fait? Y aurait-il eu un autre moyen de vous doter des compétences qu'il vous fallait, et de celles qu'il fallait à votre fils, compte tenu du fait qu'il était incité à voler ou qu'il voulait le faire ou qu'il avait de la difficulté à différencier le bien du mal? Aviez-vous accès à des services du genre? Devrait-il y en avoir?
Mme Untel: Oui, de tels services devraient être disponibles. Nous avons eu accès à certains services par le biais du réseau scolaire, puisque c'est là que le problème a surgi à l'origine. La première fois qu'il a volé quelque chose, c'était la montre d'une petite compagne de classe, dont la mère était justement surveillante au poste scolaire. Il a volé la montre deux fois, non pas juste une fois, mais deux fois. Il a trouvé cela assez amusant.
L'école communiquait avec moi pour me dire que mon enfant posait problème et que je devrais résoudre le problème. Je répondais que j'avais besoin d'aide et je leur demandais ce qu'ils pouvaient me recommander. On me disait de lire tel ou tel livre. J'ai donc lu un grand nombre de livres.
Lorsqu'il a atteint la troisième et la quatrième année, les autorités ont finalement organisé un rendez-vous avec le psychologue de l'école. J'ai eu affaire avec un certain nombre de psychologues d'écoles, et aussi avec un psychologue communautaire. Mon enfant a été évalué pour déterminer s'il avait un déséquilibre chimique quelconque et ainsi de suite... En fin de compte, mon garçon a retenu de tout cela qu'il n'était probablement pas normal, ce qui n'a fait que le préoccuper davantage. Il a fini par avoir l'impression que tout ne tournait pas rond chez lui. Il posait problème. Il avait une déficience quelconque. On a beau tenter de les rassurer, c'est bien difficile, une fois qu'ils se sont mis à se sentir d'une certaine façon.
J'ai donc lu tous les livres. Un psychologue m'a déclaré que je devrais changer d'attitude et surmonter la colère que me causait l'éclatement de mon mariage. Je lui ai dit que l'éclatement du mariage ne me mettait pas en colère. Au contraire, j'en étais plutôt soulagée. Par contre, je souhaitais que le père de mon fils s'intéresse à lui et agisse comme un père à son égard. Il m'a dit de ne pas m'inquiéter, que tout s'arrangerait en fin de compte. C'est ce qu'on m'a dit: «Ça va finir par passer, ne vous inquiétez pas.» J'ai été traitée de haut plus souvent qu'à mon tour.
Puis, après avoir eu des problèmes durant tout le primaire, il est allé à l'école secondaire pour la première fois. À ce moment-là, j'ai demandé une rencontre avec le directeur adjoint. Je lui ai dit que si je venais le voir c'était tout simplement parce que mon fils allait bientôt fréquenter l'école secondaire.
Je n'ai jamais réussi à établir si ses dossiers de l'élémentaire allaient le suivre au secondaire ou s'il allait pouvoir avoir l'occasion de partir à neuf. Personne ne voulait me le dire. Je lui ai dit que je souhaitais tout simplement l'informer de certains problèmes de notre vie familiale. Je lui ai dit que mon fils cherchait querelle à tout le monde mais qu'il n'était pas méchant et je lui ai demandé s'il voulait collaborer avec moi. Après m'avoir appelée par mon petit nom, il m'a tapoté l'épaule et m'a demandé si je n'exagérais pas un tout petit peu. Il m'a dit de ne pas m'inquiéter, que tout irait bien.
J'ai dit que cela m'allait et je suis parti. C'était le 1er septembre. Au milieu de septembre, le même directeur adjoint m'a téléphoné pour me dire que mon fils avait été suspendu de l'école pour quelques jours et que je devais le garder à la maison.
Je ne savais vraiment plus que faire à ce moment-là. Je suis seule à m'occuper de mon fils. Je suis allé voir le concierge de notre immeuble à appartements et je lui ai demandé s'il avait besoin d'aide pendant quelques jours. Il a dit bien sûr et m'a demandé ce que je voulais. Je lui ai dit que j'avais un fils âgé de 14 ans, ou bien peut-être de 15 ans à ce moment-là, et qu'il n'irait pas à l'école pendant quelques jours. Je lui ai demandé s'il pouvait lui trouver du travail pour bien l'occuper pendant cette période. Il a accepté. Il lui a donc fait nettoyer et balayer les cages d'escaliers dans un immeuble de 16 étages. Il n'aimait pas cela, mais il l'a fait.
Il était surveillé et ne passait pas son temps à flâner dans sa chambre. J'ignore si c'était une bonne chose à faire ou non, mais je ne voulais surtout pas qu'il passe son temps à traîner dans le voisinage ou à regarder la télé.
J'ai parlé au même directeur adjoint deux ou trois autres fois. Environ une semaine avant Noël de cette année-là, j'ai reçu un autre coup de fil pour me dire que mon fils avait été expulsé de l'école. Le directeur adjoint m'a dit qu'il ne voulait plus le voir et il a raccroché. Il n'a même pas attendu que je réponde. Il a simplement raccroché.
Mme Torsney: Si nous vivions dans un monde parfait, et j'aimerais bien que ce soit le cas, pourrions-nous enseigner à tous les adolescents comment faire face...? Il y en a qui pensent que certains adolescents sont foncièrement de bonnes personnes et que d'autres ne le sont pas. Le directeur adjoint en question pensait manifestement de prime abord que votre fils tournerait bien. Devrions-nous enseigner aux enfants des écoles primaires comment assumer leurs responsabilités, maîtriser leur colère, régler leurs conflits, comment être de bons parents un peu plus tard et où s'adresser pour obtenir des services dans leur communauté? Est-ce que cela aurait aidé votre famille?
Mme Untel: Oui, je le pense. Pour revenir au directeur adjoint, il devrait peut-être aussi apprendre à mieux communiquer. Je me demande quel genre de message cela a donné à mon fils de me voir traitée de cette façon. Je lui parlais de la même façon que je vous parle. Je ne passe pas mon temps à crier ou à faire des crises d'hystérie. C'est pourtant comme cela qu'il m'a traitée.
Je sais que le comportement de ce directeur adjoint n'est pas nécessairement typique, mais il a certaines responsabilités envers les adolescents. Il ne devrait pas traiter d'autres adultes de cette façon parce que cela fait passer un message qui n'est pas particulièrement utile.
Je suis donc tout à fait convaincue que c'est très bien de montrer à lire, à écrire et à compter à nos enfants, mais que nous avons vraiment besoin d'apprendre à communiquer, surtout à notre époque. Il faudrait enseigner toutes ces choses que vous avez mentionnées, c'est-à-dire comment régler des conflits, maîtriser sa colère, et tout le reste.
Mme Torsney: Et s'attaqua de façon beaucoup plus intensive aux problèmes réels au lieu d'attendre qu'ils coûtent plus chers et fassent du tort aux membres de la communauté. C'est la chose la plus importante qu'on ne fait pas maintenant.
Mme Untel: L'une des choses que j'avais constatées, c'est que mon fils adorait certains de ses enseignants. Ils ne pouvaient rien faire de mal à ses yeux. La seule chose qui les distinguait des autres enseignants... Ils n'étaient pas plus compétents que les autres sur le plan de l'enseignement, mais ce qui les distinguait, c'est qu'ils n'écartaient pas mon fils simplement parce qu'il était un fauteur de troubles. Ils s'en rendaient compte et ils lui accordaient un peu plus d'attention, même si c'était simplement pour lui toucher l'épaule et lui dire: «Comment ça va, Chris? Qu'est-ce qui se passe?» Il adorait ces enseignants et c'était la seule chose qu'ils faisaient pour se distinguer des autres. Combien de temps cela peut-il prendre à un enseignant pendant une journée ou une semaine? S'ils font cela une ou deux fois par semaine pour tous les enfants et que cela leur prenne une minute par semaine par enfant pour 30 enfants, cela représente une demi-heure. Pourtant, cela peut faire toute la différence au monde pour aider l'enfant pendant son année scolaire.
La présidente: Merci, madame Torsney.
Monsieur Gallaway.
M. Gallaway: Merci, madame la présidente. Je n'ai qu'une très courte question à poser.
Je vous remercie d'être venue cet après-midi, madame Untel. Pendant une heure et demie cet après-midi, on nous a répété que nous ne devrions pas nous servir de statistiques parce qu'elles sont faussées et ensuite que nous devrions nous servir de statistiques «honnêtes». C'est donc très intéressant pour nous de vous entendre raconter une histoire de façon aussi directe et je vous en remercie.
L'une des recommandations formulées plus tôt par M. Newman, et j'ignore si vous étiez là à ce moment-là...
Mme Untel: Non.
M. Gallaway: Il a fait certaines recommandations, semble-t-il à la demande de ceux qu'il représente, en vue d'améliorer la loi. Ces recommandations portent sur les parents et leurs rapports avec le système. Selon lui, les parents devraient être obligés de payer.
D'abord, les parents devraient être obligés de payer, même s'ils n'en ont pas les moyens, pour les services d'aide juridique. Deuxièmement, M. Harnick et M. Runciman nous ont dit eux aussi lundi qu'on devrait obliger les parents à payer. Bien entendu, chaque province aura sans doute le pouvoir d'adopter une telle disposition à l'égard du versement de dommages-intérêts et de la responsabilité civile.
J'ai été très intéressé de vous entendre dire que, si vous aviez été obligée de payer, c'est vous et les autres membres de votre famille qui auraient été punis. Il est bien évident que vous avez eu des contacts avec le système. Avez-vous rencontré d'autres personnes qui sont dans le même cas que vous?
Mme Untel: Je n'ai pas eu tellement de contacts avec d'autres parents de jeunes contrevenants. Deux ou trois, c'est à peu près tout.
Dans mon propre cas, si j'avais dû payer... Je ne peux pas vous dire au juste combien de fois mon fils est passé devant le tribunal. Si j'avais dû payer les avocats chaque fois, si j'avais dû payer des dommages-intérêts pour chaque véhicule qu'il a volé et pour chaque vol à l'étalage, sans oublier la vieille dame dont il a essayé de voler le sac à main, je serais maintenant assistée sociale.
M. Gallaway: Très bien, j'ai une autre question. C'est peut-être un peu trop vague, mais il me semble que nous entendons parfois deux versions de la même histoire. Je suis donc heureux que vous soyez venue parce que ce que vous dites nous situe quelque part entre les deux extrêmes.
Certains nous ont dit que le système ne fonctionne pas et d'autres que le système fonctionne bien. D'après vous, quel est le pire aspect du système et quel est le meilleur?
Mme Untel: J'ai entendu dire que les repas sont très mauvais. C'est sans doute parce que certains sont bien nourris à la maison. D'autres adolescents trouvaient que c'était acceptable. Tout est relatif.
Je ne suis pas d'accord avec un système où on essaie... Quel est l'objectif du système pour les jeunes contrevenants? La dernière chose que j'ai à dire, c'est que ces adolescents doivent être punis et non pas gâtés. Je ne veux pas dire qu'on devrait les fouetter. Pas du tout, cela ne devrait jamais arriver. Par ailleurs, dans certains centres, les adolescents passent leur temps à regarder des films d'Arnold Schwarzenegger où il y a des bombes partout. Ils jouent au billard ou aux cartes. Est-ce vraiment approprié? Pourquoi ne font-ils pas quelque chose d'un peu plus constructif?
M. Gallaway: Croyez-vous qu'ils passent leur temps à ne rien faire parce qu'on manque de ressources ou parce que personne ne sait que faire d'eux?
Mme Untel: À mon avis, une partie du problème, c'est qu'il n'y a pas suffisamment de personnel pour le nombre de jeunes contrevenants. S'ils restent en groupe, on a besoin de moins de gens pour les surveiller.
Ils ne reçoivent pas vraiment d'attention personnelle. C'est ce que j'ai constaté et mon fils a passé du temps dans environ six centres différents. Les adolescents n'y reçoivent pas suffisamment d'attention personnelle.
Peut-être suis-je utopiste mais ici dans le jardin, nous pourrions planter un arbre, quelqu'un pourrait le faire avec un jeune contrevenant pour lui montrer et lui apprendre comment on plante un arbre afin qu'il comprenne que cela a une certaine valeur. Ce n'est qu'un exemple. Il faut lui expliquer que cet arbre va croître et qu'il va absorber les polluants de l'air. Il faut qu'il comprenne à quel point c'est étonnant. Certains de ces enfants n'ont jamais connu d'expérience comme celle-là. Personne ne leur a jamais dit: «Salut, tu es important pour moi et faisons quelque chose de spécial ensemble». Cela ne se produit pas et je soutiens que c'est le genre d'expérience dont ils ont besoin.
La présidente: Merci beaucoup de votre aide. Je sais que c'était difficile pour nous et nous vous remercions d'être venue.
Nous allons lever la séance quelques minutes pour donner au témoin suivant le temps de prendre place.
La présidente: Je souhaite la bienvenue à Mme Tracy Christie.
Tracy, je constate que vous êtes arrivée très tôt ce matin de sorte que vous avez eu le temps de voir comment nous fonctionnons. Nous avons reçu votre mémoire. Il n'est pas long et je pense que chacun a eu le temps de le lire. Je voudrais que vous vous sentiez à l'aise. Je sais que ce n'est pas vraiment possible mais je voudrais que vous vous sentiez aussi à l'aise que possible ici. Si vous préférez vous contenter de répondre aux questions, très bien, mais si vous avez quelque chose à nous dire, allez-y. Sentez-vous libre.
Mme Tracy Christie (à titre personnel): Je voudrais vous lire ceci et je répondrai ensuite à vos questions.
La présidente: Très bien. Merci.
Mme Christie: Tout comme Tom et sa belle-soeur, je préférerais ne pas être ici mais je dois à ma fille d'y être. Permettez-moi de vous lire ce que j'ai à vous dire et je vous remercie de m'avoir invitée.
Le 29 janvier 1996, il y a tout juste quatre mois, ma vie a été tragiquement bouleversée. J'ai laissé ma fille de 16 ans, Christie Rose Christie, avec son frère de huit mois, Austin que j'avais confié à sa garde et avec sa meilleure amie. Il était 18 h 30 et elles étaient en train de faire leurs devoirs. Ma fille avait un avenir et elle envisageait une carrière.
Dix minutes après avoir quitté la maison, où je croyais avoir laissé mes enfants en sécurité avec les portes verrouillées, chez eux... Eh bien! je me trompais. Dix minutes après avoir quitté la maison, j'ai reçu un coup de téléphone me disant que ma fille avait été blessée d'un coup de balle. J'ai ensuite vécu trois heures de prières et d'espoir à l'hôpital, espérant qu'elle survivrait, mais en vain. C'est à ce moment-là que moi-même, son frère, les membres de notre famille et tous ceux qui avaient connu Christie, ont commencé à purger une peine à perpétuité.
Quatre jeunes contrevenants, âgés de 12 à 17 ans, étaient impliqués. Les journaux ont dit qu'il s'agissait d'un vol avec violation de domicile mais disons la vérité. Il s'agissait d'un meurtre prémédité, commis de sang froid. Les jeunes contrevenants sont entrés dans la maison par effraction et ils ont tiré sur ma fille avec un fusil de chasse de calibre 12 à canon scié. Celui qui a tiré était à trois pouces de ma fille et il a dit crûment qu'il allait la tuer.
Rappelez-vous qu'étant donné les dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants, l'identité de cette personne est protégée. Je vous le demande: qui a veillé à la protection de ma fille?
Tous les jours de ma vie, je purge une peine à perpétuité. La souffrance est insupportable quand tous les jours je dois passer à l'endroit de la cuisine où ma fille a été trouvée baignant dans son sang.
Ces jeunes contrevenants sont si bien protégés par les dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants qu'ils savaient exactement ce qu'ils faisaient et ce que la punition allait être. Je suis convaincue que s'il n'y avait pas eu de loi sur les jeunes contrevenants, ma fille serait toujours vivante aujourd'hui.
Cessez de protéger leur identité. Cessez de les traiter avec des gants de velours. Ceux qui commettent des crimes d'adulte doivent être traités comme des adultes.
Je pense que les privilèges qu'on accorde aux jeunes contrevenants doivent être supprimés, des choses comme les visites, les appels personnels, les visites conjugales. Et il y en a d'autres. Je n'ai plus le privilège de voir ma fille. Par conséquent, pourquoi les parents de ces jeunes contrevenants auraient-ils le droit de leur rendre visite?
Les dernières paroles que ma fille a prononcées étaient le nom du meurtrier et de ses complices mais elle me recommandait aussi de prendre soin de son frère, qu'elle aimait profondément, et elle me disait qu'elle m'aimait.
Je vous en prie, aidez à modifier la Loi sur les jeunes contrevenants en rabaissant l'âge, et quand des peines à perpétuité sont imposées, qu'on oblige les coupables à les purger totalement. Faites mieux, abolissez la Loi sur les jeunes contrevenants.
Cette Loi sur les jeunes contrevenants est complètement débridée. Arrêtez les dégâts avant que cela ne vous atteigne vous personnellement car croyez-moi, je suis sûre que vous ne voudriez pas faire face à ce que je vis quotidiennement. Ma vie ne pourra jamais être la même sans cette fille merveilleuse, Christie Rose Christie, qui n'avait que 16 ans quand on me l'a prise tragiquement.
Personne n'a le droit de prendre la vie de quelqu'un et il n'y a aucune raison, aucune explication, au meurtre de ma fille.
La présidente: Merci.
Pouvez-vous répondre à des questions?
Monsieur Karygiannis.
M. Karygiannis (Scarborough - Agincourt): Je tiens à vous remercier d'être venue aujourd'hui.
J'ai aussi des filles adolescentes et quand il se produit quelque chose de tragique dans notre famille, moi aussi j'ai le réflexe de vouloir prendre les choses en main, y compris la loi.
La Loi sur les jeunes contrevenants a assurément besoin d'être modifiée. Je ne pense pas que qui que ce soit au Canada dise le contraire. Toutefois, ce qui me frappe, c'est que vous préconisez que l'on supprime les visites familiales, les coups de téléphone et d'autres privilèges. Il est vrai que certains crimes sont sordides et qu'une fois commis, je reconnais...
Moi le premier, je réclame depuis des années la modification de la Loi sur les jeunes contrevenants. Par exemple, si quelqu'un de 15 ou 16 ans commet un meurtre, je préconise le renvoi d'office à un tribunal pour adultes où doit se dérouler le procès, comme si c'était un adulte et la même chose pour tout le reste.
Ne convenez-vous pas toutefois que l'on devrait offrir un traitement à des contrevenants de12 ou 13 ans, voire les obliger à le suivre, quel que soit le crime? Les enfants qui ont des démêlés avec la justice viennent de milieux différents et ils ont parfois une éducation solide, une instruction solide, parfois pas. Certains de ces enfants peuvent vivre dans des provinces où la prématernelle a été supprimée et dans des provinces où les responsables politiques ont d'autres priorités. Le traitement ne devrait-il pas être obligatoire?
En vertu de notre Charte des droits et libertés, certains coupables peuvent refuser le traitement mais dans ces conditions, ils perdent aussi les avantages assortis au traitement - libération conditionnelle précoce, droit de regarder la télévision en prison. Il faut favoriser une atmosphère d'amour. Les parents doivent se manifester. Mme Untel de London avait l'impression qu'elle était la seule mère à se rendre au pénitencier.
Pensez-vous que ce contrevenant, qui a enlevé la vie à votre fille, incarcéré... Même si son procès est renvoyé d'office et que l'on lui imposera une peine de 25, 30, 15 années, il sortira tôt ou tard mais il ne pourra se raccrocher à rien. Il refera à quelqu'un d'autre ce qu'il a fait à votre fille. En tant que société, ne nous incombe-t-il pas de lui offrir un traitement avant que cela ne se produise? J'essaie de voir si vous n'envisageriez pas de revenir sur ce que vous avez dit à propos des coups de téléphone.
Mme Christie: Non. Pas du tout. Je peux comprendre qu'un jeune contrevenant doive recevoir des appels de son avocat, qu'il y ait des gens à qui il est important qu'il parle pour le procès. Mes privilèges de parent m'ont été retirés à moi.
Vous pourrez dire que c'est une sorte de vengeance. Pourquoi ces jeunes auraient-ils le droit de parler à leurs parents? Pourquoi pourraient-ils leur téléphoner? J'adorerais avoir ce privilège, que ma fille m'appelle, mais il m'a été supprimé. Il faudrait leur retirer ce privilège. Ils n'ont eu aucun respect pour la vie de ma fille.
M. Karygiannis: Nous ne devrions pas essayer de les traiter...
Mme Christie: Il y a la rééducation.
M. Karygiannis: Quel genre de rééducation suggéreriez-vous?
Mme Christie: Le jeune de 12 ans dans l'affaire de ma fille, le rééduquer...?
M. Karygiannis: Et celui qui a tiré? Que voudriez-vous qu'on lui fasse?
Mme Christie: J'aimerais qu'il purge sa peine à perpétuité jusqu'au bout...
M. Karygiannis: Et ensuite? Quand il l'aura purgée, il sortira. Aura-t-il appris quelque chose?
Mme Christie: ...mais qu'on continue à le surveiller une fois libéré.
M. Karygiannis: Pendant combien de temps?
Mme Christie: Pour le reste de ses jours. J'aimerais que son identité soit connue. J'aimerais que la personne qui le fréquentera sache qui il est. Chaque année une nouvelle photo devrait être prise. Il change d'allure en vieillissant chaque année. Pourquoi ne devrait-on pas savoir?
M. Karygiannis: Je vous concède qu'on devrait peut-être savoir qui ils sont mais devrions-nous pas aussi les aider, les traiter afin qu'à leur sortie ils puissent se réinsérer dans la société? Vous dites qu'à sa sortie il faudrait publier sa photo, etc. Je vous concède que ce n'est peut-être pas une mauvaise idée. Mais si la personne qui se trouve à côté de lui sait qui il est, après avoir purgé ses 25 ans il voudra trouver du travail, il voudra recommencer sa vie mais si tout le monde sait...
Est-ce que vous embaucheriez quelqu'un qui vient de faire 25 ans de prison?
Mme Christie: Non. En commettant ce crime il a perdu tous ses droits.
M. Karygiannis: Je suis d'accord. Il a été condamné à 25 ans et il a purgé sa peine. Notre système ne devrait-il pas prévoir quelque chose pour l'aider quand il sort pour ne pas recommencer?
Mme Christie: J'ai dit un programme de rééducation et une surveillance permanente après sa sortie. Soyons réalistes, il ne restera pas en prison toute sa vie. Il sortira de prison, il aura des enfants et une vie. Encore une fois, j'aurais souhaité pouvoir voir ma fille mariée, finir ses études comme elle l'avait prévu. Ces enfants - je parle d'enfants, je ne parle pas de jeunes délinquants, et pourtant j'aimerais souvent leur donner des noms bien pires - savaient ce qu'ils faisaient. Dans leur esprit, il n'y avait pas d'avenir. Ils n'avaient de projet de carrière comme ma fille. C'étaient des récidivistes.
M. Karygiannis: Je conviens avec vous qu'à plus de 12 ans ou de 14 ans, quelqu'un qui commet un meurtre sait ce qu'il fait. Mais ce que j'essaie de suggérer, et je ne suis pas certain que nous soyons d'accord, c'est un traitement obligatoire.
Ils sont placés. Ils ont reçu des peines d'adultes. Ils sont traités comme des adultes. Jusqu'à18 ans ils restent dans des établissements pour juvéniles. Ensuite ils sont transférés au pénitencier de Kingston - mais avec un traitement obligatoire.
Comme Mme Untel l'a déjà dit, non seulement nous ne prêtons pas suffisamment d'attention... Légiférons le traitement. Légiférons le type d'attention qu'ils doivent recevoir, que cela leur plaise ou non, et une fois qu'ils seront libérés, les parlements et la société peuvent dire qu'au moins ils ont fait de leur mieux pour réformer ces délinquants. Ensuite vient s'ajouter la liberté surveillée, parfois.
Ne voulez-vous pas que ceux qui ont tué votre fille, qui ont commis ce crime horrible soient traités, qu'on leur fasse comprendre l'horreur de ce qu'ils ont fait? Ne voulez-pas que ces programmes de traitement pour les aider à changer soient obligatoires? Et quand je parle de traitement, je parle de vrai traitement et obligatoire. Il n'est plus question de simplement refuser en invoquant la Charte des droits et libertés. Ils peuvent toujours refuser de suivre ces traitements mais à ce moment-là ils ne sortiront pas au bout de 10 ans mais au bout de 25 ans. S'ils veulent avoir une chance d'être libérés plus tôt sous condition, il faut qu'ils suivent ce traitement.
Mme Christie: Pour vous dire franchement, pour moi, 25 ans ce n'est même pas assez.
M. Karygiannis: Mais nous ne l'avons jamais traité, n'est-ce pas? Nous ne l'avons jamais aidé.
Mme Christie: Nous le saurons lorsqu'il sera libéré si oui ou non il a été rééduqué et traité, n'est-ce pas?
M. Karygiannis: Mais il n'est pas obligé d'accepter le traitement.
Mme Christie: Dans ce cas cela devrait être obligatoire; n'est-ce pas?
M. Karygiannis: C'est la question que je vous pose, est-ce que cela ne devrait pas être obligatoire?
Vous êtes une mère et vous avez perdu votre enfant. Je ne le souhaite à personne; j'ai aussi des enfants. Quand vous parlez de votre famille, c'est la vôtre. C'est votre famille. La première réaction c'est: il m'a fait ça, je veux qu'on lui fasse la même chose. C'est la première réaction de tout le monde, c'est l'instinct animal. Mais pendant 25 ans il reste en prison. Comme Mme Untel l'a dit, les autres lui apprennent quoi faire lorsqu'il sortira. Si nous légiférons ces traitements c'est dans l'espoir de les aider à mieux réussir à leur sortie, leur réinsertion.
Mme Christie: J'espère que vous avez raison.
La présidente: Merci, monsieur Karygiannis.
Madame Torsney.
Mme Torsney: Des témoins nous ont dit que l'avantage de la publication des noms de ces personnes est que les gens peuvent se protéger. Je ne connais pas tous les détails de l'horrible perte qu'a subie votre famille, mais est-ce que cela aurait été utile dans votre cas s'ils avaient été des voisins, par exemple, ou si votre fille les connaissait? Je ne sais pas.
Mme Christie: Ma fille connaissait chacun d'entre eux.
Mme Torsney: Ils avaient donc déjà un casier judiciaire?
Mme Christie: Oui.
Mme Torsney: Publier leurs noms dans le journal n'aurait servi à rien. Elle savait déjà qui ils étaient et cela ne l'a pas protégée.
Mme Christie: Elle savait qui ils étaient. Il y avait déjà eu des problèmes avec celui qui a tué ma fille. Je l'avais signalé à la police. On m'avait répondu que tant qu'il n'a rien fait, on ne peut rien faire.
Mme Torsney: Tant...?
Mme Christie: ... qu'il ne lui a pas fait de mal. Je voulais qu'il fasse l'objet d'une interdiction. Pour la police, les coups de téléphone et les menaces contre ma fille ne suffisaient pas.
Mme Torsney: Mais il avait déjà un casier?
Mme Christie: Oui.
Mme Torsney: Pour des accusations différentes?
Mme Christie: Oui. Mis à part le viol, il avait tout fait.
Mme Torsney: Pourquoi la police vous a-t-elle dit qu'elle ne pouvait rien faire à propos de quelqu'un qui avait un casier et qui menaçait votre fille? Elle peut faire quelque chose.
Mme Christie: Parce que ma fille le connaissait. C'est ce que les policiers m'ont dit. Je ne fais que répéter ce qu'ils m'ont dit. Ils m'ont dit que c'était parce que ma fille le connaissait et parce que, à une certaine époque, ils étaient des amis. Ce pouvait simplement être un problème d'adolescents qui ne s'entendaient pas. Loin de là. J'ai essayé de leur faire comprendre, mais personne ne m'a écoutée.
Mme Torsney: Il y a des femmes un peu partout dans ce pays dont les ex-conjoints font l'objet d'ordonnances de non-communication et la police est censée intervenir. Je ne sais pas pourquoi ils vous ont traitée ainsi. C'est une question qu'il nous faudra résoudre car aucune autre famille ne devrait être la victime d'une période de terreur suivie par la perte de leur enfant. Il faut qu'il y ait d'autres moyens d'intervenir, quels qu'ils soient, qu'il s'agisse de jeunes délinquants ou d'adultes. C'est absolument inacceptable. Les familles comme la vôtre doivent être protégées dès le début.
Mme Christie: J'aimerais vous expliquer pourquoi d'après moi il ne devrait pas avoir le droit de téléphoner. Après le meurtre de ma fille, j'ai reçu cinq coups de téléphone et ils émanaient tous d'un numéro privé. J'ai répondu et savez-vous ce qu'ils me demandaient? Est-ce que je peux parler à Christie, s'il vous plaît? Il téléphonait de la prison à leurs amis et leur demandait de me téléphoner et de demander à parler à ma fille, comme si je n'étais pas déjà suffisamment torturée. Ils l'ont fait cinq fois. Je continue à recevoir des coups de téléphone de malades. Au tribunal, j'ai subi les sarcasmes de leurs parents.
Qui protège mon fils, qui protège mon nouveau bébé? Personne.
Mme Torsney: J'ai la nette impression qu'il y a plusieurs problèmes à régler au-delà de la Loi sur les jeunes contrevenants.
Mme Christie: Surtout notre système judiciaire. Il y a beaucoup de travail à faire.
La présidente: Merci, madame Torsney.
Monsieur Maloney.
M. Maloney (Erie): J'ai une question à poser à Mme Christie. On parle beaucoup aussi des droits des victimes. Dans toute cette affaire, y a-t-il des moments où vous auriez aimé être impliquée plus directement? Quels droits devriez-vous avoir eus? Aimeriez-vous confronter face à face cet individu? Aimeriez-vous être consultée au moment du verdict? Pensez-vous qu'il aurait été utile pour vous de le confronter? Aurait-il été utile pour lui d'être confronté à vous?
Mme Christie: Vous savez, je n'y ai jamais vraiment pensé car je ne pourrais pas imaginer... Je vais au tribunal et le simple fait de le voir me rend malade. Je ne pense pas que je pourrais communiquer avec lui. Pour le moment je laisse la loi suivre son cours et je verrai bien jusqu'où elle va.
M. Maloney: D'accord.
Mme Christie: J'adorerais être consultée au moment de la détermination de la peine. Ça, oui. J'adorerais être consultée.
M. Maloney: À quel autre niveau aimeriez-vous être consultée?
Mme Christie: Comme je l'ai dit tout à l'heure, j'aimerais qu'on lui retire tous ses droits. Je pourrais vous donner beaucoup de réponse mais j'ai perdu la foi. Je reviens toujours à ces réunions et tout ce que j'entends c'est une répétition de ce qui m'est arrivé.
Oui, je sens que c'est moi la victime. Ils ont trois repas par jour, des visites, des appels téléphoniques et leurs petites amies viennent les voir. Et bientôt ils auront droit à des visites conjugales quand ils auront une famille.
M. Maloney: Merci de vos commentaires.
La présidente: J'aimerais vous poser une question sur les services offerts soit par la police soit par le bureau du procureur de la Couronne. Est-ce que le bureau du procureur de la Couronne chargé de votre affaire a un programme destiné aux victimes et aux témoins? Est-ce qu'il est en contact avec vous et vous informe? Est-ce que vous avez l'impression d'être tenue au courant ou d'être complètement oubliée? De toute évidence vous savez très bien vous exprimer et vous n'avez pas peur de dire ce que vous pensez mais est-ce que cela sert à quelque chose?
Mme Christie: Pour être honnête, si j'ai rencontré Tom, c'est malheureusement parce que nous avions tous deux perdu un membre de notre famille. Tom Ambas est mon seul soutien.
En ce qui concerne le programme destiné aux victimes et aux témoins, je n'ai été contactée qu'une fois. J'ai essayé de les recontacter plusieurs fois mais ils ne m'ont jamais rappelée.
La présidente: Donc il n'y a pas... J'ai été procureur donc je connais bien...
Mme Christie: Le procureur chargé de mon affaire est extraordinaire. Il fait de son mieux...
La présidente: C'est ce que j'essaie de déterminer. Il ne s'agit pas de critiquer mais de déterminer si le système offre ce genre de services.
Mme Christie: J'ai probablement un des meilleurs procureurs de la Couronne de Toronto.
La présidente: Oui mais qu'est-ce que vous pensez? De toute évidence, vous savez ce que vous voulez. Vous n'êtes pas timide. Pensez à vos amis qui peuvent être timides et qui ne sont pas capables de se défendre tout seuls. Si vous aviez une personnalité différente est-ce que vous trouveriez plus dur de vous retrouver dans ce système et...
Mme Christie: Croyez-moi, il y a quatre mois je n'étais pas la personne que je suis aujourd'hui. Le meurtre de ma fille m'a endurcie. Mon coeur est devenu froid. Il est resté chaud pour mon fils et ma famille. J'ai enseigné à ma fille qu'il fallait se battre et qu'il ne fallait jamais renoncer. Si j'ai pu lui enseigner, je pense que je dois l'avoir en moi. Et pour ma fille je me battrai et je me battrai jusqu'à ce que la Loi sur les jeunes contrevenants soit changée ou... D'autres solutions sont envisagées mais il est indispensable que les victimes bénéficient d'une plus grande aide qu'à l'heure actuelle.
La présidente: Merci.
M. Karygiannis: Quelles autres solutions, exactement?
Mme Christie: Si quelqu'un voulait proposer autre chose qu'un simple changement de la Loi sur les jeunes contrevenants, je serais disposée...
La présidente: D'autres options. Vous êtes à la recherche d'autres options et de toute évidence vous voulez continuer à participer au dialogue.
Mme Christie: Exactement.
La présidente: Merci beaucoup d'avoir eu la force de venir nous voir. Nous vous en sommes reconnaissants.
Mme Christie: Merci.
La présidente: Nous faisons une pause d'une minute pendant que notre témoin suivant s'installe.
La vice-présidente (Mme Torsney): La séance reprend.
Notre témoin représente le New Beginnings Program de Windsor. Il s'appelle Charles Spettigue.
M. Charles O. Spettigue (New Beginnings): Je me propose de commencer par vous donner quelques renseignements généraux sur New Beginnings. Ensuite je ferai quelques commentaires d'ordre général sur la Loi sur les jeunes contrevenants. Enfin j'aimerais vous dire quelques mots sur les propositions de New Beginnings pour remplacer certaines des dispositions actuelles de la Loi sur les jeunes contrevenants. J'essaierai d'être bref afin de vous laisser le temps de me poser des questions si cela vous intéresse.
Avant de commencer, annexés à notre document se trouvent une brochure et un énoncé général sur New Beginnings. Je n'ai pas l'intention de vous en parler mais je vous l'offre. Cette brochure énonce notre mission et parle entre autres choses de quelque chose qui existe, la reconnaissance morale. Vous pourrez le lire à loisir.
D'une manière générale, New Beginnings est l'entité du comté d'Essex qui exploite deux installations de liberté surveillée de dix lits. Il y a la résidence Butch Collins et la résidenceNeil Libby. Elles se trouvent toutes deux au centre-ville de Windsor en Ontario.
New Beginnings est en train de réfléchir à une autre solution pour les incarcérations en milieu ouvert. J'y reviendrai plus en détails dans un instant.
Le programme actuel de New Beginnings est un programme d'incarcération en milieu ouvert. Dans nos résidences se trouvent des jeunes de 16 ou 17 ans qui généralement ont été condamnés pour une deuxième ou une troisième fois mais pas forcément pour le même délit. C'est le caractère récidiviste de ces délinquants qui justifie l'incarcération. Le programme applique une structure et insiste sur l'autodiscipline des jeunes délinquants. Les résidents qui ne sont pas admissibles et qui n'ont pas d'emploi ou qui ne fréquentent pas un établissement scolaire suivent les cours de la résidence ou un programme d'apprentissage de la vie.
Le système d'éducation interne offre des cours d'apprentissage indépendants et nous faisons venir des conférenciers, nous organisons des visites et nous projetons des vidéos, entre autres choses. La partie du programme consacrée à l'apprentissage de la vie insiste sur l'alimentation, les finances et l'apprentissage d'un métier.
La thérapie de reconnaissance morale ou la TRM comme elle est familièrement appelée est un programme d'apprentissage cognitif des valeurs morales. Actuellement ce cours est donné deux fois par semaine et a pour objectif de défier les délinquants à changer leur manière de penser et pour l'essentiel à restructurer leurs croyances et leurs attitudes. Les jeunes délinquants, dans leur jargon, parlent de rajustement d'attitude.
À cette fin, New Beginnings fait appel aux ressources communautaires qui répondent aux besoins. Par exemple aux spécialistes de la toxicomanie, de la gestion des tempéraments colériques, du traitement du deuil, du counselling général. Un psychologue est à la disposition des délinquants s'ils le veulent.
Il y a plus de détails dans nos annexes et je vous invite à les consulter.
Pour ce qui est des changements qui pourraient être apportés à la Loi sur les jeunes contrevenants, New Beginnings croit à la nécessité de renforcer la Loi sur les jeunes contrevenants afin d'offrir aux tribunaux pour jeunes les moyens d'imposer des sanctions intelligentes.
Madame la présidente, l'utilité des dispositions actuelles est parfois limitée, parce que les ressources publiques servent à un travail d'encadrement dont l'efficacité est minime et le coût très élevé. Nous considérons que les contrevenants à faible risque, justement ceux qu'on nous envoie, à New Beginnings, devraient être soumis à une autre forme d'intervention communautaire. Le système d'encadrement actuel s'étend très souvent sur une courte période, allant de quelques jours à quelques semaines.
À New Beginnings, nous pensons qu'une période de détention courte et sévère, comme on l'appelle souvent, pourrait dissuader une minorité de jeunes contrevenants de récidiver, mais en même temps, nous pensons que la majorité d'entre eux ont besoin d'une forme d'intervention plus intensive, une intervention axée sur le traitement et la thérapie. Comme nous l'avons dit, le plus souvent, les formes d'intervention actuelles n'obligent pas ou ne poussent pas une jeune personne à participer à un programme de traitement.
Notre organisme estime que les tribunaux de la jeunesse devraient avoir une marge de manoeuvre suffisante pour placer les jeunes dans des programmes de traitement intensif. Il faut inscrire dans la législation des mécanismes praticables et logiques qui permettent, entre autres, de transférer au système de la santé mentale un jeune qui a des problèmes psychologiques ou psychiatriques.
À notre avis, le système actuel est mal conçu pour s'occuper du nombre croissant de jeunes contrevenants qui ont des problèmes psychologiques ou psychiatriques, pour ne pas parler de les rééduquer.
Notre organisme pense qu'il faut conserver l'âge minimum actuel de 12 ans. Je sais que le solliciteur général et le procureur général de l'Ontario ont tous deux suggéré ou mentionné la possibilité d'abaisser cette limite, mais nous pensons qu'elle doit rester au niveau actuel qui est de12 ans.
En plus de voir le mouvement qui préconise l'abaissement de la limite d'âge, New Beginnings s'inquiète de voir le public réclamer des sentences plus sévères. Cela est d'autant plus inquiétant que le public semble vouloir également limiter, sinon abolir complètement, le pouvoir discrétionnaire des magistrats en ce qui concerne les sentences.
Madame la présidente, dans l'affaire R. c. Morrisette, les tribunaux ont confirmé que les magistrats avaient le pouvoir et la volonté d'imposer des sentences adaptées aux circonstances d'un individu. Dans l'affaire Morrisette, on a établi que cela était possible, même lorsque plusieurs personnes étaient accusées d'un même crime.
Toutefois, notre organisme a l'impression que la tendance actuelle dans la société s'écarte de ces sentences individuelles pour rechercher des modes d'intervention automatique qui ignorent les besoins particuliers.
New Beginnings n'est pas d'accord pour qu'on limite ainsi le pouvoir discrétionnaire des magistrats. Si nous en jugeons par notre expérience, madame la présidente, ces sentences courtes et sévères de moins de 30 jours ne servent pas à grand-chose sinon souligner les aspects punitifs d'une sentence. Cela est particulièrement vrai quand on considère les libérations anticipées pour bonne conduite. Un jeune qui passe par ces étapes n'a pas vraiment reçu de traitement.
Le corollaire, c'est que les jeunes qui sont incarcérés pendant plus longtemps et qui suivent un traitement thérapeutique quelconque sont dérangés par le va-et-vient des autres détenus qui ont une plus courte sentence.
À l'inverse, New Beginnings considère que les périodes de probation assorties de certaines conditions - couvre-feu, service communautaire, etc. - n'offrent pas une structure suffisante à une jeune personne. À notre avis, une sentence qui impose une structure et une routine est plus importante, étant donné les attitudes actuelles de la société.
Soit dit en passant, on pourrait signaler le mouvement auquel on assiste actuellement au Michigan en faveur d'une réglementation légale de la responsabilité parentale. Si on compare un tel mouvement aux observations du procureur général Harnick et du solliciteur général Runciman qui ont l'intention d'étudier la possibilité d'instaurer une responsabilité civile parentale, les suggestions que nous vous faisons aujourd'hui ne sauraient se concrétiser d'une façon isolée. New Beginnings considère qu'une des lacunes du système actuel de garde en milieu ouvert, c'est que le système ne peut rien faire pour obliger les parents à participer, qu'il s'agisse de participer à l'application d'une sentence probatoire ou à une sentence de garde plus rigide.
New Beginnings est d'avis que toute modification du système actuel en ce qui concerne les jeunes contrevenants doit tenir compte des modifications apportées aux lois provinciales. Nous pensons aussi que les jeunes auraient intérêt à ce que les parents participent. Toutefois, nous savons que le chemin qui mène à une participation parentale obligatoire est semé de multiples embûches.
Madame la présidente, comme je l'ai dit, New Beginnings propose de remplacer le système actuel de sentences de garde par un système que nous appelons, du moins pour l'instant, un centre de fréquentation obligatoire. Certaines observations récentes du procureur général et du solliciteur général rendent la nécessité d'une nouvelle forme d'intervention encore plus évidente. En effet, si on décidait d'abaisser la limite d'âge, il y aurait évidemment un plus grand nombre de jeunes dans le système. Nous approuvons les observations du procureur général Harnick, du solliciteur général Runciman et du ministre de la Justice Allan Rock, dans la mesure où ils cherchent des solutions de remplacement aux sentences de garde.
Les centres de fréquentation obligatoire sont une solution de rechange viable aux sentences de garde pour les jeunes accusés de crimes non violents, en particulier lorsqu'il s'agit d'une première ou d'une seconde infraction. Cela est particulièrement vrai dans les cas où, actuellement, les jeunes auraient une sentence inférieure à 90 jours.
Cette théorie ou proposition en est encore au stade de la conception, mais nous pensions qu'un centre de fréquentation obligatoire offrirait une solution moins coûteuse que la garde en milieu ouvert et constituerait en même temps une forme d'intervention plus intensive et plus interactive que le système actuel de probation. New Beginnings pense qu'il faudrait envoyer les jeunes dans un tel centre pendant une période de quatre à six mois. En effet, il est impossible de faire de véritables progrès thérapeutiques pendant une période plus courte.
Nous pensons qu'on pourrait intégrer ce nouveau système au système actuel en recourant à une méthode d'intervention semblable à celle qui existe actuellement pour les mesures de rechange ou encore en obligeant les jeunes à participer au moyen des ordonnances de probation. On pourrait déterminer si un jeune est un bon candidat pour un centre de fréquentation obligatoire sur la base d'un examen des candidatures ou d'une analyse effectuée avant la sentence.
Si on décide qu'une personne est un bon candidat pour un tel centre, la sentence peut stipuler qu'elle doit se rendre au centre chaque jour, et cela, pour une période de quatre à six mois, et même plus, si on juge que c'est utile.
Le traitement se ferait sur la base d'une présence quotidienne, à temps plein, et d'exercices intensifs qui insisteraient sur des traitements et des thérapies axés sur une restructuration des éléments cognitifs et un développement du sens des responsabilités morales. Chaque programme serait adapté à l'individu. On insisterait sur la réhabilitation morale et la responsabilité personnelle. Nous considérons que cela est conforme aux objectifs actuels de la Loi sur les jeunes contrevenants qui figurent dans les paragraphes 3 et 4 de la loi.
D'après notre expérience, les jeunes qui entrent dans le système des jeunes contrevenants mènent une existence qui manque de structure et de discipline. En suivant un programme de fréquentation obligatoire, ils pourraient acquérir un sens de leurs responsabilités individuelles et suivre et maintenir une routine quotidienne. Leur participation serait récompensée ou encouragée par un système de points comparable à ce qui existe actuellement à New Beginnings.
Notre expérience nous a démontré que la majorité des jeunes contrevenants n'ont pas cette structure et cette discipline et par conséquent, le traitement devrait insister sur certains éléments comme l'organisation du temps. On pourrait également envisager d'inclure des aspects éducatifs semblables à ce qui existe actuellement dans les programmes de garde en milieu ouvert ou fermé.
Dans le cas des jeunes qui fréquentent assidûment l'école, le programme peut être adapté pour fonctionner après l'école et les week-ends. À noter également que l'interruption des heures de loisirs ou des activités après l'école apporterait un aspect punitif et ferait ressortir l'importance de la responsabilité personnelle des gestes que l'on pose. En d'autres termes, le jeune verrait que ces gestes ont des conséquences.
Pour inculquer et promouvoir un sens de responsabilité morale et de respect pour les biens de la communauté, le programme incorporerait également une forme quelconque de services en milieu communautaire. Cependant, au lieu de simplement condamner un jeune à balayer le plancher du centre sportif, les programmes de services communautaires seraient orientés vers l'amélioration du milieu. Nous participerions par exemple aux programmes communautaires qui apportent des changements tangibles dans la communauté. Nous pensons par exemple au nettoyage des terrains vagues, au débroussaillage des zones vertes et des parcs municipaux et des choses du genre.
À notre avis - et nous n'oublions pas les commentaires qu'a faits le solliciteur généralM. Runciman sur les coûts associés à la détention en milieu fermé des jeunes contrevenants, s'il existait un mécanisme de détermination de la peine efficace qui incluait un volet de traitement, les centres de fréquentation obligatoire représenteraient un programme moins coûteux et plus efficace qui mettrait l'accent sur la rééducation et la restructuration cognitive en bas âge.
New Beginnings est d'avis que les centres de fréquentation obligatoire offrent une forme d'intervention thérapeutique tôt dans la vie du jeune contrevenant de sorte qu'avec un programme de restructuration cognitive, un jeune pourrait changer ses paradigmes et élargir sa capacité morale afin de comprendre les conséquences des gestes qu'il pose. Là encore, le jeune pourrait plus facilement faire les choix importants dont le procureur général Harnick parlait lundi.
Merci madame la présidente.
La vice-présidente (Mme Torsney): Merci.
Il nous reste encore du temps pour les questions. Madame Cohen.
Mme Cohen (Windsor - St. Clair): Je m'en réjouis, car je n'ai pas souvent l'occasion de poser des questions ici.
J'aimerais tout d'abord souhaiter la bienvenue à M. Spettigue que je connais depuis déjà un bon moment. Il est avocat dans le comté d'Essex.
Pourriez-vous nous en dire plus long sur le rôle que vous jouez à New Beginnings?
M. Spettigue: J'ai le privilège et l'honneur d'être directeur du conseil d'administration.
Mme Cohen: M. Spettigue travaille également dans le domaine pénal, et lorsque j'étais procureur de la Couronne nous avons souvent été des vis-à-vis dans des dossiers de jeunes contrevenants; c'est donc une coïncidence que nous soyons ici tous les deux aujourd'hui - pas tout à fait parce que j'ai eu mon petit rôle à jouer. Nous sommes très heureux d'accueillir quelqu'un qui ait une expérience aussi variée que la vôtre.
Nous avons entendu MM. Harnick et Runciman lundi. Leur attitude en ce qui a trait à la Loi sur les jeunes contrevenants semble être que son rôle principal est la dissuasion. Je ne suis pas tout à fait d'accord. Si je peux citer ma collègue Mme Torsney, vice-présidente du comité, notre objectif devrait être d'empêcher que les gens soient victimisés un point c'est tout; je crois que nous devrions, dans le cadre de l'examen de ce projet de loi essayer d'encourager au sein des collectivités des pratiques de prévention du crime.
Cela dit, est-ce que les responsables de New Beginnings croient qu'il est possible de traiter les enfants pendant la brève période où ces derniers leur sont confiés? C'est ma première question.
Deuxièmement, pouvez-vous grâce au traitement que vous offrez aux programmes que vous organisez identifier les jeunes qui récidiveront? Est-il possible de prédire avec une certaine exactitude quels jeunes reprendront le droit chemin?
Enfin, est-ce que vous recevez un appui suffisant? Je sais que les temps sont difficiles. Nous le savons tous. Cela dit, y a-t-il d'autres soutiens sur lesquels vous pouvez compter au sein de la collectivité?
M. Spettigue: J'essaierai de répondre aux questions dans le même ordre que vous les avez posées, madame Cohen. Tout d'abord, nous craignons que les peines plus courtes...et vous devez comprendre que les peines s'intensifient. Très souvent, pour la première infraction, on a recours à des programmes de rechange, peut-être même la probation. Il faut que le jeune ait commis plusieurs délits avant qu'on décide de le garder en milieu ouvert. C'est pourquoi, lorsque les jeunes arrivent à nos établissements, ils ont déjà un dossier assez bien lourd, et toutes sortes de problèmes sociaux. Je le répète, la première fois qu'un jeune contrevenant arrive à New Beginnings, ce ne sera peut-être que pour une période de 10 ou 15 jours, selon la nature de l'infraction.
J'ai constaté qu'il faut plusieurs infractions avant qu'on envoie un jeune passer 15 ou 21 jours chez nous. Or, les responsables de New Beginnings estiment que cette période est beaucoup trop courte. Il est impossible d'assurer, pour utiliser le terme populaire, une modification d'attitude dans une si courte période. C'est pourquoi on propose la présence à un centre de fréquentation obligatoire pendant quatre à six mois.
Donc pour répondre à la première question, je dois dire non, nous ne pensons pas pouvoir accomplir beaucoup pendant cette brève période. Cependant, nous croyons qu'une intervention qui n'est pas fondée sur la détention peut être efficace. Nous croyons qu'un système de fréquentation obligatoire devrait être complètement distinct des activités d'un centre New Beginnings. Quelqu'un - je crois que c'était un critique - a dit que ce que nous faisons c'est offrir un service de garderie pour les jeunes de 13 ans. Je crois que c'est un commentaire un peu désinvolte, mais le fait est que le jeune n'a pas besoin de passer une nuit chez nous pendant un séjour d'un mois.
Est-ce que la collectivité appuie ce programme? Je crois qu'il est encore trop tôt pour se prononcer là-dessus.
Mme Cohen: Je pensais aux programmes qui existent déjà. Est-ce que la collectivité appuie ces programmes? Est-ce que le procureur de la Couronne appuie ces initiatives? Les avocats de la défense et les procureurs de la Couronne y ont-ils recours? Les services de police appuient-ils les objectifs que vise New Beginnings? Est-ce que les entreprises...?
M. Spettigue: Dans l'ensemble je crois que oui. Certains ont une attitude un peu blasée et disent ah, il est là pour dix jours, puis il reprend ses habitudes - faut pas s'en faire. Certains ont cette attitude. Mais je crois que dans l'ensemble les gens appuient cette initiative. Nous ne pouvons pas assurer tout le suivi que nous aimerions offrir, surtout si quelqu'un a reçu une peine de 90 à 120 jours, et cela pourrait avoir un impact sur la thérapie. Nous ne disposons pas des ressources financières nécessaires pour assurer ce type de suivi.
Cependant, dans l'ensemble, je crois que les gens appuient notre travail.
Mme Cohen: Je n'ai plus de questions. Merci.
La vice-présidente (Mme Torsney): Monsieur Maloney.
M. Maloney: Le centre de fréquentation obligatoire dont vous parlez existe-t-il déjà?
M. Spettigue: Non. Nous en sommes encore à l'étape de la conception. Nous ne croyons pas qu'il existe de centres du genre ailleurs.
M. Maloney: Les jeunes iraient au centre pendant la journée puis ils rentreraient chez eux.
M. Spettigue: C'est exact.
M. Maloney: Que faites-vous lorsque ces jeunes viennent de familles dysfonctionnelles, et lorsqu'ils se retrouveront avec ceux qu'ils ont toujours fréquentés? Impose-t-on des couvre-feu? Qui s'occupera d'eux après 16 heures?
M. Spettigue: C'est justement là une des questions sur lesquelles nous devons nous pencher, quand il s'agit d'enfants qui ont un parent maltraitant ou toxicomane, par exemple. C'est pourquoi nous disons que lorsque ces jeunes fréquentent l'établissement pendant trois, quatre, cinq ou six mois, et qu'ils retournent à la maison en soirée et qu'ils pourraient fréquenter à nouveau leurs camarades et seraient en danger de reprendre leurs mauvaises habitudes, c'est un problème. Si les jeunes reviennent à l'établissement le lendemain à 9 heures, on espère qu'il sera possible de les aider à démêler certaines des émotions et des situations de la veille.
Cependant, il serait possible qu'ils soient tentés de reprendre leurs vieilles habitudes et que l'on perde ainsi tous les progrès effectués. C'est un danger. Une des façons d'éviter le problème est d'avoir recours à la probation, pour imposer ainsi la fréquentation obligatoire du centre. On pourrait également avoir recours à des mesures comme les couvre-feu ou les interdictions. En fait les interdictions entrent plus ou moins en ligne de compte parce qu'aucun enfant de cet âge n'y a normalement rien à voir. Il serait possible d'intégrer d'autres mesures de protection, mais il sera absolument impossible de faire disparaître l'influence des camarades. De la même façon, s'ils retournent dans leur milieu habituel, il faut simplement espérer que lorsque vous les retrouvez le lendemain matin vous pourrez les aider à démêler les choses au jour le jour.
M. Maloney: Nous avons visité un centre cette semaine à Elora, le centre Portage. Vous le connaissez peut-être.
M. Spettigue: Oui je le connais.
M. Maloney: Ce centre suit le concept d'AA, et de temps à autre les clients s'entraident. Peut-être que j'ai eu une mauvaise journée, ou Mme Torsney pourra peut-être avoir des petits problèmes le lendemain ou en soirée. Là aussi, c'est du 24 heures sur 24. Les responsables semblaient tenir à cet aspect et croire que ce n'est pas tout le monde qui ne parvient pas à s'en sortir lorsqu'il y a des problèmes de toxicomanie ou que sais-je encore. Pensez-vous que cela représente un problème?
M. Spettigue: Chose certaine, on y perd du point de vue de l'intensité; si les jeunes retournent chez eux et sont plongés à nouveau dans cet élément, que ce soit leurs copains au coin de la rue ou un parent maltraitant, peu importe, l'intensité du traitement disparaît de 17 heures au lendemain matin. C'est vrai. Cependant, nous essayons de déterminer le type de situation qui doit exister avant qu'une personne se retrouve à un endroit comme Portage et d'offrir une solution de rechange pour que les jeunes n'aient pas à multiplier leurs activités criminelles pour finalement se retrouver dans un établissement de cette nature.
Je reconnais que nous nous inquiétons énormément de l'interruption de l'intensité du traitement.
M. Maloney: Songeriez-vous à offrir les services d'un conseiller, qui serait en disponibilité24 heures sur 24 si un des clients avait un problème? Peut-être ces enfants auraient-ils recours à ce service s'ils se sentaient exposés de nouveau à une mauvaise situation.
M. Spettigue: C'est pratiquement le système du copain.
M. Maloney: C'est cela, le système du copain.
M. Spettigue: Oui, nous appuyons ce genre de système.
M. Maloney: Offrez-vous aux institutions un système d'aide entre les pairs?
M. Spettigue: Oui, il y a une thérapie de groupe. Encore une fois, c'est pourquoi nous disons que si le jeune n'est là que pour une semaine, il n'a pas vraiment l'occasion de profiter des services offerts, et de plus cela dérange un peu ceux qui font partie de ces groupes pendant trois ou cinq semaines. Par exemple, vos paramètres de confiance changent sans cesse. Il faut peut-être cinq ou six jours à un jeune pour qu'il parvienne à s'exprimer lorsque le groupe se rencontre. Si la peine n'est que de 10 jours, et qu'il parte par la suite, c'est difficile.
M. Maloney: Songeriez-vous à offrir une période de transition? Par exemple ces jeunes pourraient fréquenter l'établissement actuel 24 heures sur 24 pendant 10, 15 ou 30 jours, peu importe la période nécessaire, puis s'éloigneraient progressivement en ne participant qu'aux services de garderie, comme vous les appelez.
M. Spettigue: Pour être honnête, nous n'avons pas envisagé cette possibilité. Ce semble être une bonne idée, monsieur, mais je dois avouer que nous ne l'avons pas envisagée.
M. Maloney: Combien ces services coûteraient-ils? On nous a dit qu'un enfant en établissement de détention coûte actuellement environ 100 000$ par année. Combien les services offerts chez vous coûtent-ils par enfant par année? Combien pensez-vous qu'il en coûtera au centre de fréquentation obligatoire que vous proposez?
M. Spettigue: Je ne suis pas le mieux placé pour vous dire quels sont les coûts de l'établissement. Je sais que c'est moins coûteux. Si j'ai bien compris, cette somme de 100 000$ correspond à ce qu'il en coûte par enfant pour la garde en milieu fermé, qui constitue une garde plus rigoureuse que ce que nous offrons. Nous avons moins de restrictions. Notre établissement est un peu comme un grand immeuble d'habitation. Je m'excuse; je n'ai simplement pas ces chiffres. Je ne crois pas qu'ils seraient aussi élevés que 100 000$, mais ils seront certainement plus élevés que les 5$ ou 6$ qu'on a mentionnés pour la probation. Je crois que nos coûts se situent entre ces deux extrêmes.
M. Maloney: Peut-être pourrions-nous maintenant passer aux problèmes et préoccupations en ce qui a trait à la Loi sur les jeunes contrevenants. J'aimerais connaître votre opinion. Que pensent les jeunes qui fréquentent votre établissement de la Loi sur les jeunes contrevenants? Se moquent-ils de tout ce qui est fait dans ce contexte?
M. Spettigue: D'après ce que je vois au jour le jour et à titre de directeur, la majorité des jeunes jugent que le système n'est pas très rigoureux.
M. Maloney: Le système devrait-il être modifié? Dans l'affirmative, comment le faire de façon constructive?
M. Spettigue: Je serais portée à dire en partant qu'il faut une intervention plus précoce. Encore une fois, cela fait ressortir tous les problèmes qu'on a mentionnés plus tôt. Si l'enfant retourne dans la communauté sans défense, si je peux m'exprimer ainsi, il se pourrait fort bien qu'il reprenne ses vieilles habitudes en raison de l'influence des camarades.
La vice-présidente (Mme Torsney): Vous dites que si on le renvoie dans la communauté sans défense...?
M. Spettigue: J'entends par là s'il ne peut pas compter sur des aptitudes à la vie quotidienne et des thérapies. Je m'excuse; je ne parle pas de moyens de défense matériels.
La majorité des problèmes auxquels nous sommes confrontés proviennent de problèmes sociaux plus généraux, que ce soient la pauvreté, le manque d'appui des parents ou d'autres choses. Si vous renvoyez l'enfant dans la communauté sans lui expliquer comment composer avec ces problèmes sociaux, vous ne faites qu'inviter une intensification du problème. Si vous pouvez lui inculquer des aptitudes à la vie quotidienne et des choses du genre lorsqu'il est encore jeune, les chances de réadaptation sont meilleures.
Quelle sorte d'impact de telles mesures pourraient-elles avoir? Cela revêt un aspect thérapeutique. L'incarcération, dire simplement «tu seras enfermé dans ta chambre pendant20 jours», n'assure aucune amélioration chez l'enfant. En réalité, cela suscite une certaine rancoeur et hostilité et il se dira «dès que je sortirai d'ici je vais recommencer à fumer» - ou à consommer ces choses ou que sais-je encore.
Comment régler le problème? J'aimerais bien avoir toutes les réponses. Je dirais qu'il faut privilégier les aspects thérapeutiques et cognitifs.
M. Maloney: Vous avez dit que vous voulez qu'on maintienne la limite d'âge à 12 ans. Vous avez également dit qu'il fallait intervenir plus tôt. D'autres témoins nous ont dit aujourd'hui et lors d'autres réunions que des jeunes de 10 ou 12 ans participent à des activités criminelles graves. Une dame de London nous a dit que son garçon avait commencé à voler des voitures quand il avait 11 ans.
Devrait-il y avoir des situations ou des circonstances particulières où il faudrait exposer l'enfant, avant l'âge de 12 ans, au processus pénal... par exemple s'adresser à un juge de la Cour provinciale au tribunal de la jeunesse?
M. Spettigue: Cela pourrait être efficace ne serait-ce que pour faire peur.
M. Maloney: Qui aurait peur?
M. Spettigue: Bien, si un jeune est exposé au processus pénal et qu'il comparait devant un juge, il pourrait y avoir un élément de crainte ou de peur. Je ne sais pas dans quelle mesure cela est efficace. Je crois que cela devrait être une solution à laquelle on aurait recours en dernier ressort.
Si un jeune est traduit devant les tribunaux, je crois encore une fois que la thérapie devrait être l'élément principal. Placez un jeune de 13 ans dans une situation où ses pairs ont 15 ou 16 ans et où il n'y a pas de solution thérapeutique, et que tout ce qu'on fait c'est de le placer dans une situation pendant une période déterminée, ce n'est pas vraiment différent d'une situation dans laquelle on l'enverrait en prison parce qu'après tout il acquerra de nouvelles aptitudes, celles qui proviennent des prisons. Il apprendra à être plus dur. Comme la dame l'a dit tout à l'heure, le jeune s'endurcira le coeur.
Nous craignons que ce désir d'abaisser l'âge minimal n'est en fait qu'une mesure de rétribution et de vengeance. On demande simplement d'enfermer les gens, et tout cela nous inquiète. Nous croyons qu'il doit y avoir une intervention assortie de counselling. Il est possible d'établir une structure du genre. Cela pourrait être offert par un établissement comme Portage ou dans le cadre d'un système de probation, mais il faut d'abord et avant tout inculquer des aptitudes qui permettront au jeune de se débrouiller dans la société.
Vous ne pouvez pas adopter de mesures législatives aujourd'hui qui empêcheront la pauvreté, les mauvais traitements ou d'autres situations qui pourraient se produire. La solution de rechange, à notre avis, est d'inculquer les aptitudes qui permettront à ces personnes de composer avec de telles situations sans passer à des actes qui sont clairement inacceptables au point de vue social.
M. Maloney: À titre d'avocat et de directeur d'un établissement, croyez-vous que la confidentialité, ne pas publier le nom du contrevenant, a un impact important, qu'il convient de le publier ou de ne pas le publier? Qu'en pensez-vous?
M. Spettigue: Comme avocat - et cela ne reflète pas nécessairement les principes de New Beginnings - je crois que la confidentialité est de mise.
La grande majorité des jeunes contrevenants, même s'ils en sont rendus au point où la solution appropriée serait la garde compte tenu de leurs casiers, n'ont fait que des choses comme l'introduction par effraction ou des larcins, comme des cigarettes et des vêtements. Fort heureusement l'exemple qu'a donné la dame tout à l'heure, celle qui a perdu sa fille, représente un phénomène relativement rare dans la société canadienne. Cela fait couler beaucoup d'encre, mais c'est quand même un cas assez rare au Canada.
Personnellement, je ne crois pas que nous devrions mettre sur des jeunes une étiquette «criminel» qui leur restera toute leur vie. J'ai lu un article anecdotique où un courtier en valeurs mobilières signale qu'il avait eu des problèmes lorsqu'il avait 18 ou 19 ans, il avait fumé de la marihuana ou fait des choses du genre. Il a dit, «Écoutez, ça ne devrait pas m'empêcher de proposer la vente d'actions aujourd'hui. Il y a Kim Campbell et Bill Clinton qui tout au moins ont reconnu savoir ce que c'est que la marihuana».
J'ai à peu près la même attitude. Si un jeune de 14, 15 ou 16 ans - quelqu'un de ce groupe d'âge - fait une erreur, il ne faut pas les catégoriser pour le reste de leur vie. Bref, j'appuie le principe de la confidentialité.
Je comprends certaines des frustrations. Certains pensent qu'il faudrait crier ces noms sur les toits. J'ai vu la position extrême, des collectivités qui affichent les photos de pédophiles sur les poteaux de téléphone et les clôtures, des choses du genre. Personnellement - et ce n'est pas nécessairement encore une fois la philosophie de New Beginnings - , je crois que lorsque vous adoptez ce genre d'attitude, vous régressez et faites comme au moyen-âge où l'on brûlait littéralement l'étiquette de voleur dans la peau. Je ne crois pas que ce système soit viable.
M. Maloney: Feriez-vous une distinction entre les infractions mineures que vous avez déjà mentionnées, comme la marihuana ou le vol à l'étalage, et les délits avec violence? Le public a-t-il le droit de savoir ce qui s'est passé?
M. Spettigue: Il faut clairement faire la part des choses entre le droit du public et le droit à la vie privée du contrevenant. Encore une fois, cela dépend de la nature de l'acte criminel.
M. Maloney: Bien, c'est justement ce que je dis. Faites-vous la distinction? Croyez-vous qu'il faudrait divulguer le nom de ceux qui se sont livrés à des actes criminels graves. J'entends par là un meurtre, un viol, des voies de fait qui causent des lésions corporelles, des choses du genre?
M. Spettigue: Personnellement, je ne crois pas qu'il faudrait divulguer le nom du contrevenant, un point c'est tout. Je sais que ce n'est pas une opinion populaire, mais c'est ce que je pense.
M. Maloney: Je n'ai plus de questions. Merci.
La vice-présidente (Mme Torsney): Merci.
J'aimerais vous poser quelques questions. Vous pouvez répondre à titre d'avocat ou de directeur de l'établissement.
Êtes-vous satisfait des services offerts dans votre collectivité pour répondre aux besoins des jeunes, qu'il s'agisse de jeunes qui ont déjà eu des démêlés avec la justice ou de jeunes qui pourraient un jour en avoir?
M. Spettigue: Vous voulez savoir si je suis satisfait? La réponse est non.
La vice-présidente (Mme Torsney): Quelles sont les lacunes?
M. Spettigue: Bien, si vous me le permettez... New Beginnings se trouve à Windsor. Je viens d'une plus petite collectivité qui s'appelle Leamington.
La vice-présidente (Mme Torsney): Les tomates.
M. Spettigue: C'est vrai, c'est la capitale mondiale des tomates.
Il y a très peu de programmes sociaux, quand cela existe, pour les jeunes. La communauté a un très beau centre sportif, une piscine et des choses du genre, mais il n'existe pratiquement pas d'organisation sociale, ou de filet de sécurité. Ainsi un jeune doit être traduit devant le système pénal avant qu'on songe à l'aider.
Il suffit de penser à l'exemple d'une jeune femme - elle avait 19 ans - qui a connu des moments personnels assez difficiles et qui se sentait seule et qui éprouvait des problèmes et traumatismes émotionnels. Elle n'avait pas d'amis ou de groupes de pairs ou autres choses du genre. La seule façon pour cette jeune femme de se faire des amis ou d'avoir des contacts était d'écrire une lettre à une autre jeune fille de son âge, d'employer un pseudonyme et de suggérer que cette jeune fille devienne son amie. Elle essayait d'attirer cette personne. Il a fallu des efforts. Encore une fois, on parle des déclarations de la victime sur les répercussions du crime. La jeune fille qui a reçu les lettres a écrit une déclaration de deux ou trois pages pour expliquer le traumatisme qu'elle avait vécu, à quel point elle avait peur de sortir le soir et des choses du genre.
Mais nous avions des preuves médicales tangibles. La jeune femme qui avait écrit les lettres aurait eu la vie plus facile si elle avait eu accès à des services de counselling et de thérapie. Dans une petite collectivité comme Leamington, la seule façon d'avoir accès à ces services était d'inscrire un plaidoyer de culpabilité et d'être mis en probation. Il n'y avait pas de mécanisme social dans le cadre duquel elle aurait pu obtenir un diagnostic ou dans le cadre duquel elle aurait pu s'adresser à quelqu'un pour lui dire qu'elle avait des problèmes et qu'elle avait besoin d'aide. Elle a dû être exposée au système pénal pour recevoir de l'aide.
Est-ce qu'il y a des services dans ma communauté? Non.
La vice-présidente (Mme Torsney): Et les parents? Y a-t-il suffisamment d'aide pour les parents qui essaient de se débrouiller avec leurs enfants? Je suis convaincue que tous les jours vous rencontrez des parents qui disent qu'ils ont besoin d'aide, qu'ils ont des problèmes et qu'ils ne peuvent pas composer avec le comportement de leur enfant. Les parents et l'école essaient de composer avec les problèmes, mais il se peut que les parents n'aient pas les aptitudes inhérentes ou que l'enfant représente un problème spécial. Est-ce qu'il existe des mécanismes pour les aider?
M. Spettigue: Je crois que oui, mais c'est très très limité. J'ai des services structurés où des parents ont participé à certaines des séances de counselling, mais il y a déjà cinq ans que je n'y ai pas eu recours. Je ne sais même plus d'ailleurs si ce programme existe toujours.
Encore une fois, absolument, et si vous voulez utiliser Leamington comme microcosme, ces services ne sont pas disponibles. S'ils étaient disponibles dans la région, il faudrait au moins 40 minutes de voiture pour se rendre à Windsor ou à Chatham. Puis il y a toutes sortes d'autres facteurs, comme les emplois des parents et les autres emplois dans la famille. Je ne sais pas si le programme auquel j'ai déjà eu recours existe toujours, mais je ne crois pas; de toute façon s'ils existent leurs ressources sont très limitées.
La vice-présidente (Mme Torsney): Et dans les deux exemples que vous nous avez donnés, celui des parents et de la jeune femme qui a dû inscrire un plaidoyer de culpabilité, il y avait déjà eu acte criminel avant qu'on reçoive de l'aide.
Qu'en est-il des jeunes de Leamington? Compte tenu de votre expérience, vous savez pertinemment que le jeune de six ans qui se comporte étrangement et qui fait certaines choses... Nous savons que Dr Leschied à London en Ontario a établi certaines variables permettant de déterminer le comportement. L'enfant de six ans que vous voyez à l'église parfois le dimanche et dont les parents essaient de faire du bon travail, sera peut-être un de vos clients plus tard... Mais il n'a pas encore enfreint la loi. Existe-t-il des services pour ces gens, pour les enfants comme pour les parents?
M. Spettigue: Pas à ma connaissance, madame la présidente. Je ne crois pas. J'ai été témoin de la situation contraire. Je crois que vous m'avez demandé plus tôt si les enfants se moquent de la loi: j'ai vécu deux exemples...
Je me souviens du cas de parents à très faible revenu qui étaient désemparés et qui demandaient au juge de mettre l'enfant en probation. Leur solution lorsqu'ils ont des problèmes avec l'enfant est, simplement d'appeler la police.
Dans l'autre situation, des parents découragés se sont présentés dans mon bureau en m'engueulant parce que six ou huit jeunes de 15 ans avaient vidé leur cabinet à boisson, les avaient injuriées et leur avaient dit de foutre le camp parce que j'allais m'arranger pour qu'ils ne soient accusés de rien.
Il existe très peu de mécanismes pour régler de tels problèmes.
La vice-présidente (Mme Torsney): Monsieur Maloney, avez-vous d'autres questions?
Ma seule autre question porte sur le suivi. À mes yeux, il s'agit d'un service qui est utile pour nombre de jeunes, qu'il s'agisse d'un programme de jour auquel les enfants participent de temps à autre s'ils ont des problèmes ou d'un système de copains obligatoire ou quelque chose qui permettrait... À Syl Apps nous avons rencontré un jeune qui participait au programme Seven Step. Il savait qu'il aurait besoin d'aide lorsqu'il retournerait dans la communauté. Même à Elora, à l'établissement Portage, nous avons rencontré des jeunes qui reconnaissent les symptômes et qui le savent lorsqu'ils ont besoin d'aide. Mais ils ne peuvent retourner passer une journée à Portage simplement parce que personne ne financera cette aide.
Croyez-vous qu'il serait utile, si vous vous adressez à un juge, s'il y avait des mesures qui stipulaient que ces services seront disponibles après le séjour de six mois ou d'un an à New Beginnings; serait-il utile qu'on fasse des efforts pour financer ce genre de service supplémentaire?
M. Spettigue: En supposant que le financement était disponible, oui, je crois que ce serait là une étape viable essentielle. Si nous devons enseigner les aptitudes, il faut quand même assurer un certain suivi. Ce n'est pas comme si vous pouviez leur donner un diplôme de 12e année, les mettre dehors et leur dire, et voilà, vous avez tout ce qu'il vous faut pour vous débrouiller dans la vie.
Oui, le suivi devrait être disponible.
La vice-présidente (Mme Torsney): Merci beaucoup d'être venu de Windsor nous rencontrer aujourd'hui; je regrette cependant que vous devez maintenant aller affronter les embouteillages sur la route 401. Il vaudrait sans aucun doute mieux passer une heure de plus dans la magnifique ville de Scarborough plutôt que de se rendre sur cette autoroute parce que ce ne sera pas chose facile.
J'aimerais signaler aux gens de Scarborough qui sont venus nous rencontrer aujourd'hui que nous avons été très heureux d'être des vôtres et d'entendre des témoignages et des idées quant aux façons d'améliorer la Loi sur les jeunes contrevenants. Vos députés, M. Cannis, M. Lee, M. Wappel et M. Karygiannis, ont tout fait pour que nous soyons des vôtres et nous sommes très heureux qu'ils aient insisté - quoique que Shaughnessy aurait peut-être voulu qu'on se rende à Windsor et moi j'aurais peut-être voulu que vous veniez à Burlington. Nous avons eu une très bonne journée et nous avons entendu des commentaires fort intéressants.
J'aimerais signaler à ceux qui sont encore dans la salle que le comité interrompra ses travaux sous peu. Nous entendrons des représentants de l'Ouest du Canada, du Nord du Canada et du Québec probablement à l'automne et nous devrions présenter nos recommandations au ministre avant Noël. Du moins je crois que c'est toujours au programme. Tous les Canadiens sont invités à faire parvenir des commentaires à leur député ou au comité; je vous suggère d'encourager vos amis à le faire, parce que si les Canadiens ne nous proposent pas de solutions, nous ne pourrons pas apporter des modifications qui conviendront à tous. Il faut que le message soit communiqué.
Merci beaucoup. La séance est levée.