[Enregistrement électronique]
Le mardi 22 octobre 1996
[Traduction]
La présidente: Nous sommes de retour. Si c'est mardi, nous étudions sans doute le projet de loi C-41.
Souhaitons la bienvenue à Elisabeth Beattie. C'est à ma demande qu'Elisabeth comparaît. Elle a toute une histoire à nous raconter. Elle en sait sans doute plus que quiconque au sujet de l'exécution des ordonnances.
Elisabeth, je sais que vous avez un exposé à faire. Merci beaucoup pour votre mémoire, qui a été remis aux membres du comité. Prenez votre temps pour nous présenter votre exposé. Suivez l'ordre que vous voudrez; soyez bien à l'aise. Nous vous poserons ensuite de nombreuses questions.
Mme Elisabeth Beattie (témoignage à titre personnel): Merci beaucoup.
Tout d'abord, je remercie le comité de m'avoir invitée à comparaître à ses audiences sur le projet de loi C-41. Au plan personnel, cette comparution représente l'aboutissement d'une lutte très longue, très pénible et souvent très solitaire, tout d'abord pour faire tout mon possible pour faire exécuter les ordonnances alimentaires au profit des enfants, puis pour me servir de cette expérience dans mes démarches auprès du gouvernement fédéral pour qu'il prenne les mesures nécessaires pour veiller à l'exécution de ces ordonnances.
En 15 ans, mes enfants et moi-même avons vécu le pire des scénarios, décrits par l'un des nombreux juges qui ont présidé nos procès comme étant la saga continuelle d'une ex-épouse cherchant désespérément à exercer des recours contre un ex-mari récalcitrant qui s'est défilé et qui a manqué sans un remords à ses obligations. En cherchant à obtenir justice pour mes trois enfants, j'en suis venue à prendre la défense de tous les enfants qui se retrouvent dans des circonstances semblables. C'est pourquoi mes enfants et moi-même nous intéressons très personnellement à l'aspect de l'exécution du projet de loi C-41; c'est de cela que je veux vous parler.
Dès le départ, trois choses doivent être bien claires. Pour commencer, mes propositions découlent nécessairement de notre expérience, mais notre situation n'est pas unique en son genre, et elle n'était pas inévitable. Elle a résulté de lacunes systémiques qui ont encouragé l'issue finale. Plus le comportement était arrogant, plus le système montrait ses faiblesses.
Les statistiques parlent d'elles-mêmes - je vous assure que ce sont les seuls chiffres que je vous assénerai aujourd'hui: 15 ans d'efforts, 40 ordonnances de paiement de pensions alimentaires pour enfants, 14 citations pour outrage au tribunal en suspens, dont 10 se rapportant à des questions non financières, comme le défaut de se présenter en cour, un mandat d'arrêt et des frais criminels non réglés, un passeport suspendu, mais encore utilisé du fait de la résidence à l'étranger du débiteur, des arriérés de plus de 400 000 $ répartis pour moitié entre les pensions alimentaires et les frais juridiques établis en fonction de l'échelle avocat-client.
Deuxièmement, les enfants et moi-même n'avons rien à gagner financièrement de mes propositions. Ce n'est pas une question d'argent, mais de principe; il faut impérativement changer de beaucoup les politiques, afin d'éviter à d'autres enfants ce que les miens ont souffert.
Troisièmement, comprenez bien que ma comparution est très pénible pour moi. Nous ne cherchons ni ne souhaitons de publicité pour nos propres difficultés. J'espère que vous respecterez cela. Nous sommes une preuve vivante de ce qui peut arriver lorsqu'on ne réagit pas sévèrement, immédiatement et de manière claire à un défaut de payer; les personnes impliquées et l'histoire elle-même ne sont pas importantes. Ce qui compte, c'est l'aspect plus vaste des politiques.
Dans le domaine des pensions alimentaires, la question la plus importante pour les chefs de familles monoparentales, c'est l'exécution. Lorsque le ministre des Finances a présenté son budget en mars dernier, il semblait que le gouvernement avait reconnu la nécessité d'agir clairement. Nous avons tous entendu ces paroles: «À notre avis, les enfants doivent passer en premier. Le soutien des enfants est la première obligation des parents (...) (Les enfants en profiteront uniquement si) les pensions sont versées intégralement et à temps.» Ce discours nous apportait l'espoir que le ministre de la Justice avait pris au sérieux un jugement rendu dans mon propre dossier, qui disait, notamment:
- Les dépendants canadiens de celui qui se dérobe à ses obligations financières devraient avoir
plus facilement et plus complètement accès aux sommes dont dispose le gouvernement et
auxquelles pourrait avoir droit le délinquant. Étant donné le cadre législatif complexe actuel,
c'est toutefois une question que devra régler le Parlement.
Pour les chefs de familles monoparentales, il faut une révolution des stratégies d'application. Malheureusement, ce qui attire l'attention dans cette législation sur les pensions alimentaires, c'est la question très controversée, et, à mon avis, discutable, des changements aux lignes directrices et aux règles d'imposition.
Les mesures d'application prévues dans le projet de loi C-41 sont surtout d'ordre bureaucratique. Il y a toutefois deux mesures actives qui nous intéressent particulièrement: les modifications qui permettent la distraction de pensions fédérales dans un plus grand nombre de cas et celles qui prévoient la suspension des passeports. Ni l'une ni l'autre n'est suffisante ni largement applicable, et je vous explique mes préoccupations à ce sujet dans mon mémoire. Dans mon exposé, je préfère vous parler de la plus grande lacune de cette loi, soit le fait que le gouvernement national ne reconnaît pas de quel problème il s'agit vraiment et ne fait pas preuve de leadership en mettant en pratique sa rhétorique, en usant au maximum de ses pouvoirs considérables.
Lorsque M. Rock a parlé pour la première fois de la possibilité de révoquer les autorisations fédérales, le chef de la section du droit de la famille de l'Association du Barreau canadien s'est étonné qu'un ministre fédéral se mêle d'appliquer la loi. Il semble y avoir une croyance répandue selon laquelle l'application des lois, une responsabilité provinciale, ne puisse se faire aussi au niveau national. Je ne suis pas d'accord. Les mauvais payeurs savent tout naturellement se défiler. Dès qu'ils traversent une frontière, provinciale ou nationale, il y a non seulement un problème pratique d'application de la loi, mais aussi un risque de conflit de compétences et de lois.
En juin 1995, on pouvait trouver dans le Globe and Mail la déclaration suivante tirée d'un rapport sur l'évolution de la stratégie fédérale en matière de soutien alimentaire des enfants:
- Il faudrait s'entendre sur un système national d'application, afin que les mauvais payeurs ne
puissent filer vers des provinces plus clémentes.
- Ce qu'il faut au Canada, c'est une stratégie nationale, une norme pour tout le pays.
- Il faut attirer l'attention; nous n'en faisons pas assez. C'est vraiment une question de
responsabilité, et le manque de responsabilité au Canada est inacceptable. L'éducation du
public et la subtilité ne suffisent plus. Il faut qu'il soit socialement inacceptable de contrevenir
aux ordonnances de soutien alimentaire; il doit y avoir des conséquences à cela, et, jusqu'ici, on
n'en voit pas.
Le projet de loi C-41 n'offre que des mesures bureaucratiques et du rafistolage pour régler des problèmes particuliers. Ce n'est pas suffisant. Il ne faut rien de moins qu'un changement d'attitude et des mesures concrètes.
Je suis convaincue que la mesure la plus efficace que puisse prendre le gouvernement fédéral, c'est de faire du défaut délibéré de payer un soutien alimentaire au profit d'un enfant une infraction en vertu du Code criminel du Canada.
L'article proposé s'appliquerait lorsqu'un mauvais payeur traverse ou a traversé une frontière provinciale ou nationale et a été en défaut de façon répétée, comme le définit le projet de loi C-41 au sujet de la suspension des autorisations fédérales. Les procédures criminelles afférentes auraient lieu dans la province de résidence de l'enfant. Un ensemble de mesures uniformes seraient prises pour chaque condamnation.
L'article proposé s'appliquerait aussi quand un mauvais payeur vit dans la même province que l'enfant, mais que les mesures d'application n'ont pas porté fruits. Voilà une nouvelle approche qui cadre tout à fait avec la compétence du gouvernement fédéral. En effet, le gouvernement fédéral a compétence en matière de droit criminel et pour ce qui est des questions de nature interprovinciale et internationale; il a aussi pour mandat d'agir pour faire respecter l'ordre public. Or, le soutien alimentaire destiné aux enfants est une question d'ordre public.
Plus important encore, une modification au Code criminel ferait la preuve du leadership de la part du gouvernement, ce qu'on n'a malheureusement pas suffisamment vu, et apporterait un changement immédiat considérable, sans coût supplémentaire.
Plus précisément, le soutien alimentaire des enfants deviendrait une obligation morale, juridique et économique importante. Cela créerait la norme nationale tant souhaitée et un équivalent canadien à la loi américaine de 1992, la Child Support Recovery Act, sans pour autant gêner ou réduire les efforts des provinces pour mettre de l'ordre dans leurs tribunaux civils. La responsabilité des enfants reviendrait aux parents, comme il se doit. Le défaut délibéré se retrouverait aussi là où il doit être, au même degré de gravité que la négligence et l'abandon. De fait, cela revient au même. Le message serait clair: l'État est prêt à agir pour que justice soit faite lorsque le bien-être des enfants est en jeu. On encouragerait les tribunaux civils à émettre des mandats d'arrêt pour défaut de payer une pension alimentaire pour des enfants, ce qu'ils hésitent actuellement souvent à faire. On aurait une autre possibilité d'agir dans les cas où les bureaucraties d'application provinciales sont inefficaces, par exemple pour les mauvais payeurs qui sont travailleurs autonomes. On validerait les ordonnances alimentaires au profit des enfants et on rétablirait l'équilibre dans le système en faisant pression sur ceux qui ne se conforment pas aux ordonnances, comme il se doit, plutôt que sur ceux qui font l'objet des ordonnances, comme on le fait actuellement. Cette sévérité ne serait que justice, étant donné qu'on se propose de rendre plus sévère la Loi sur les jeunes contrevenants. En effet, pour être juste, si l'on devient plus sévère envers les enfants, il faut l'être aussi pour les parents irresponsables dont les enfants grossissent les rangs des meurtris.
Du côté pratique, on obtiendrait trois choses essentielles, actuellement manquantes. Tout d'abord, un terrible effet dissuasif. Deuxièmement, une forte incitation à payer les pensions en souffrance. Troisièmement, on aurait une sanction ultime et un mécanisme d'application uniforme dans tout le Canada dont découleraient d'autres instruments, y compris la révocation des passeports conformément aux dispositions du Décret sur les passeports canadiens, des sanctions criminelles pour les tiers qui facilitent la dissimulation ou l'aliénation des biens, l'enregistrement des accusations par les systèmes informatiques des services policiers et une reconnaissance internationale qui n'est pas accordée aux procédures civiles.
Une modification au Code criminel n'alourdirait pas le fardeau des tribunaux et des prisons. Aux États-Unis, il n'y aurait que 77 noms sur la liste du FBI dans le cadre de l'application de la Child Support Recovery Act.
Les procédures au criminel ne peuvent être traitées à la légère par le mauvais payeur; en outre, elles donnent le moyen d'imposer des solutions efficaces, comme l'incarcération jusqu'à ce qu'on s'entende sur un calendrier de versements, la saisie du passeport, la nomination d'un fiduciaire pour s'occuper des aspects financiers, une ordonnance de se présenter chaque mois devant le juge, le maintien des citations pour outrage jusqu'à ce que soit supprimé l'arriéré, avec des peines d'emprisonnement et un dossier criminel pour toute récidive.
Un éditorial d'août 1995 du Globe and Mail donnait un appui ferme, mais implicite, à la création d'une infraction criminelle pour le défaut délibéré de paiement d'une pension alimentaire à des enfants:
- Dans toute société humaine civilisée, le défaut de tenir ces engagements doit être stigmatisé,
méprisé et condamné.
- L'omission délibérée de faire ces paiements doit être considérée comme si l'on manquait à
fournir à un enfant le strict nécessaire: cela doit être inacceptable socialement, en plus d'être
punissable.
On voit aussi un manque de responsabilité à tous les niveaux. J'ai une citation récente du père Emmett Johns, qui travaille avec des enfants de la rue à Montréal. Il parlait de la formation des jeunes, mais ses sentiments pourraient également se rapporter à l'application de la loi dans le domaine du soutien alimentaire.
- Nous devrions tous travailler ensemble, et non pas nous renvoyer la balle en disant que c'est une
responsabilité provinciale. Tous les niveaux de la collectivité doivent faire preuve de
leadership.
Le gouvernement fédéral est-il prêt à prendre le taureau par les cornes et à pencher du côté des enfants en disant clairement et officiellement que les choses vont changer? Les provinces, ultimement responsables de l'application du Code criminel, sont-elles prêtes à lui emboîter le pas?
À travers nos luttes, mes trois enfants ont appris qu'ils avaient des droits, mais pas de recours, et que parfois le système et des personnes qui en font partie sont profondément hésitants, sinon opposés, à l'idée que les enfants passent en premier. Ils ont appris que la loi peut être appliquée de manière inégale et injuste, sans sanction judiciaire. Ils ont appris que les représentants de l'État n'agiront pas pour les aider, ou même qu'ils agiront contre eux s'ils ont des desseins plus importants à leurs yeux.
À travers notre lutte, mes trois enfants ont un peu perdu confiance en l'avenir. Ils ont également beaucoup perdu de leur foi dans l'engagement du gouvernement et des tribunaux. On ne peut pas mettre un prix là-dessus. Cela représente l'échec d'une société qui est bien plus profond, à certains points de vue, que les échecs d'une personne imparfaite.
En mai 1996, le Dr Louis Morrissette, un psychiatre de Montréal qui travaille avec certains des jeunes contrevenants les plus dangereux du pays, a formulé cette observation:
- [La jeunesse aujourd'hui] n'a pas de sentiment pour autrui parce qu'elle a l'impression que les
autres n'ont pas de sentiment pour elle. Je ne l'excuse pas, mais en tant que société il nous faut
réfléchir à la façon dont nous élevons nos enfants.
Dans un document publié en 1995, le Dr Paul Steinhauer, de Voices for Children, disait:
- ...au bas mot, un enfant sur quatre de nos jours présente des signes de problèmes de
développement comme des troubles psychiatriques, des échecs scolaires, le décrochage
prématuré, un manque de contrôle de son agressivité, des manifestations répétées d'agressivité
ou des comportements anti-sociaux et violents.
- Il est probable que bon nombre de ces enfants vivent dans des familles monoparentales, avec le
stress supplémentaire qui découle du non-paiement des pensions alimentaires.
Lorsque son ex-mari a été arrêté pour défaut délibéré de paiement, en vertu de la Child Support Recovery Act des États-Unis, Marilyn Kane a fait l'observation suivante:
- Mes enfants portent depuis des années la honte de M. Nichols. Je pense qu'il est grand temps de
rendre sa honte à M. Nichols.
J'aide mes enfants à faire justement cela en comparaissant ici aujourd'hui. Mais il y a encore beaucoup d'autres enfants qui vous demandent de le faire pour eux.
Merci beaucoup de m'avoir écoutée. Comment puis-je vous aider?
La présidente: Merci.
Dans le mémoire que vous avez reçu, vous remarquerez qu'il y a des documents annexés à l'exposé de Mme Beattie. Je tenais à le signaler.
Qui posera d'abord les questions pour le Bloc? Madame Gagnon, vous avez dix minutes.
[Français]
Mme Gagnon (Québec): Madame Beattie, je vous remercie pour votre témoignage. Vous avez apporté un témoignage sur une réalité que, trop souvent, les femmes vivent après une séparation ou un divorce.
J'aimerais vous poser quelques questions sur les lignes directrices que le gouvernement fédéral voudrait mettre en place. Une des lignes directrices présume que les deux parents sont égaux, même si ce n'est pas le cas dans la réalité, lorsqu'ils ont un salaire presque équivalent. Consentez-vous à cette ligne directrice? Trouvez-vous juste de dire qu'en ce qui a trait à la part financière des hommes et des femmes, l'écart est très minime? C'est ce qu'on m'a dit hier. Quant à moi, je n'ai pas les mêmes statistiques. J'aimerais savoir si c'est la constatation que vous faites.
[Traduction]
Mme Beattie: Ce n'est pas la question qui m'intéresse principalement, mais j'ai tout de même une opinion à ce sujet. Au sujet des lignes directrices, l'une des choses qu'on n'a pas prises en compte, c'est que les deux parents doivent contribuer en fonction de leur capacité de payer. Ma principale objection au sujet des lignes directrices, toutefois, c'est leur manque de souplesse qui nuit à leur utilité. D'après ma propre expérience en la matière, un système trop rigide crée plus de problèmes qu'il n'en règle. Ainsi, pour ce qui est des finances familiales, il est absolument impossible de généraliser: chacun est différent, chaque bilan financier est unique.
[Français]
Mme Gagnon: Je vous posais cette question parce que les provinces sont à élaborer une grille de lignes directrices. Pour ce qui est du gouvernement du Québec, ce serait plutôt basé sur la capacité de payer des deux parents, ce que le gouvernement fédéral ne prévoit pas dans ses lignes directrices. Donc, les lignes directrices du gouvernement du Québec seraient en contradiction avec les lignes directrices du fédéral.
Pourquoi entend-on des témoins? C'est peut-être pour amener le gouvernement fédéral à respecter les lignes directrices des provinces, ce qui serait plus efficace pour le bien de l'enfant.
[Traduction]
Mme Beattie: J'ai presque répondu à cette question, tantôt, en disant qu'on a des problèmes lorsqu'on a un système trop rigide. Quand chacun a son propre système rigide, on se retrouve avec des conflits de compétences.
Je vais jouer l'avocat du diable: je vais vous présenter un problème et, étant donné les lignes directrices, voir qui trouvera une réponse. Quelles lignes directrices utiliserez-vous s'il y a des procédures différentes au Québec et que la mère et les enfants résident en Colombie-Britannique et le père à l'étranger? Ce n'est pas un cas hypothétique. Le Québec utilisera-t-il les lignes directrices de la Colombie-Britannique? Je ne sais pas.
La présidente: Allez-y, monsieur Bellehumeur.
[Français]
M. Bellehumeur (Berthier - Montcalm): Nous avons posé des questions au ministre et il nous a donné une réponse.
Vous avez vécu une situation semblable, une situation qui n'est pas rose. Si j'ai bien compris vos remarques de ce matin, vous dites que le projet de loi C-41 ne va pas assez loin pour pénaliser les mauvais payeurs. C'est ce que j'ai compris de votre message.
Cependant, avec le projet de loi C-41, il pourrait y avoir une différence entre les lignes directrices du Québec et celles de la Colombie-Britannique.
Dans un cas comme celui que vous venez de soulever, devrait-on appliquer les lignes directrices qui s'appliqueraient au lieu de résidence du payeur ou celles qui s'appliqueraient au lieu de résidence des enfants?
[Traduction]
Mme Beattie: Je pense que si l'on tient à des lignes directrices, je préfère laisser un certain pouvoir discrétionnaire au juge qui connaît tout le dossier d'une famille. On peut créer des lignes directrices informelles, mais si vous insistez pour avoir des lignes directrices absolument rigides et enchâssées dans la Loi sur le divorce, je pense que pour la plupart des questions se rapportant aux enfants il faut tenir compte du lieu de résidence de l'enfant.
[Français]
M. Bellehumeur: Vous dites que le projet de loi C-41 est peut-être un bon pas dans la bonne direction, mais qu'il vient un peu trop tard pour la situation que vous avez vécue et qu'il ne va peut-être pas aussi loin que vous le désireriez. Ai-je bien compris votre message?
[Traduction]
Mme Beattie: Oui. En gros, je suis en faveur du projet de loi C-41, mais je ne parle que de la partie exécution de cette loi; c'est ce que je connais le mieux. Pour les lignes directrices, je ne voudrais pas...
À part les quelques critiques que j'ai formulées au sujet de l'exécution des ordonnances, c'est certainement un pas dans la bonne direction. Je ne pense pas que de nombreux amendements soient applicables de manière assez large et je ne pense pas qu'ils vont assez loin. Mais déjà là, c'est un progrès.
[Français]
M. Bellehumeur: Je n'ai plus de questions. Madame Beattie, je voudrais vous féliciter pour votre courage et votre détermination dans ce dossier. En terminant, j'aimerais vous dire que vos enfants peuvent se promener la tête haute car ils peuvent être fiers de leur mère. C'est un cas qui n'est pas facile à défendre, et vous avez eu le courage de nous en expliquer la problématique. L'Opposition officielle l'apprécie beaucoup.
[Traduction]
La présidente: Merci, monsieur Bellehumeur.
Du Parti réformiste, Mme Jennings, pour dix minutes.
Mme Jennings (Mission - Coquitlam): Merci. Je vais partager mon temps avec M. Ramsay.
Pour commencer, je vous souhaite la bienvenue, madame Beattie. J'ai trouvé vos propos très intéressants.
D'une certaine façon, il faut examiner les pensions alimentaires avec plus de sérieux qu'on ne l'a fait jusqu'ici. C'est une obligation. C'est une responsabilité. C'est une dette, et, en tant que telle, elle doit être payée. Je pense que c'est là la chose la plus importante à retenir; c'est clair.
Malgré cela, je pense qu'il ne faut pas examiner tous les cas de la même manière. Vous l'avez dit vous-même dans votre exposé: il y a toutes sortes de scénarios. Le vôtre doit être traité avec beaucoup de sérieux et nécessite une intervention du gouvernement, si l'on veut, pour s'assurer que d'autres ne se retrouveront pas dans la même situation que vous.
J'aimerais aussi dire qu'au Canada, de nos jours - et je sais que beaucoup d'entre nous reçoivent le même genre d'appels que moi de leurs électeurs - on entend parler de l'autre côté de la médaille. C'est-à-dire qu'il y a beaucoup de parents qui n'ont pas la garde des enfants, des pères qui sont frustrés d'avoir à payer, qui voient des injustices, qui n'ont pas accès à leurs enfants et qui sont mécontents.
J'ai deux questions à vous poser. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Premièrement, je crois que notre pays doit penser à la prévention; ce que je veux dire, vous l'avez dit vous-même... Dans deux cas vous avez cité le père Emmett Johns et aussi le Dr Paul Steinhauer, qui reconnaissent que nous avons de graves problèmes avec nos jeunes, nos enfants. Cela découle parfois du fait que dans les familles monoparentales il est difficile pour le parent de s'en sortir. Par conséquent, lorsque nous faisons les règlements... Le règlement est une entente, d'abord, entre les deux parents qui divorcent.
J'aimerais connaître votre opinion. Il serait plus facile de vivre avec ces règlements, et de verser les paiements plus régulièrement, si c'est une entente mutuelle, bien que dans certains cas on dit une chose, puis on s'en va, ou on exprime un désaccord, et on s'en va.
Pour ces raisons, l'Alberta, ayant découvert la même chose que le Dr Paul Steinhauer et le père Emmett Johns, a adopté une loi. En effet, il est capital de faire quelque chose pour minimiser l'incidence du divorce sur les enfants, afin d'éviter des problèmes dans l'avenir. On se dit que si les enfants souffrent psychologiquement et affectivement, ils courent le risque d'avoir plus tard des démêlés avec la justice pénale. Voilà pourquoi je parle de prévention.
Contrairement à ce qui figure dans le projet de loi, serait-il possible d'envisager tout d'abord une entente entre les parents qui pourrait permettre à l'enfant, une fois le divorce prononcé, d'avoir pour le reste de ses jours, avec le parent qui n'obtient pas la garde, un véritable contact, et non pas seulement un contact financier? Qu'en pensez-vous?
Voici ma deuxième question. Si en fait cela se révèle nécessaire et possible, pourrait-on revoir le projet de loi à la lumière...?
Hier, j'ai parlé au ministre de la Justice, M. Rock. Il en a conclu que si les parties ne pouvaient pas s'entendre, c'est alors que le barème serait imposé. J'aime à croire qu'il est d'accord avec moi là-dessus.
L'article 2 du projet de loi modifie l'article 15 de la Loi sur le divorce. Cet article dispose qu'un juge dans le cas d'une ordonnance pour un époux ou pour les enfants peut tenir compte des ententes conclues entre les parties, de la capacité de payer et d'éléments qui seraient à l'avantage des enfants. Toutefois, l'article dispose que le juge doit tenir compte tout d'abord des lignes directrices et du barème.
Je pense qu'on devrait procéder à l'inverse. Le juge devrait d'abord voir s'il y a une entente entre les deux parents et s'assurer qu'ils pensent qu'elle est réalisable. Ensuite il fera intervenir le barème.
Qu'en pensez-vous?
Mme Beattie: Je vais répondre à votre deuxième question pour commencer, parce que je pense avoir déjà exprimé ma préférence. Au lieu d'un barème rigide, je préférerais qu'on s'en tienne à l'appréciation du juge. À ce moment-là, en présence de tous les éléments, on peut jeter un regard sur le tableau d'ensemble. Les barèmes ne sont pas ma marotte.
Pour ce qui est des ententes de ce genre, je dois vous dire que dans notre cas le divorce a été prononcé après une médiation qui a abouti au compte rendu d'un règlement. À la réflexion, il semble que la médiation soit souvent utilisée encore comme mécanisme par des gens qui savent manipuler des gens moins puissants, ces derniers acceptant des règlements qui les lèsent tout simplement parce qu'ils ne savent pas naviguer dans les rouages du système.
Même si notre entente de départ comportait un montant inférieur à ce que j'aurais dû accepter, nonobstant la signature, il y a eu des paiements en souffrance. Je ne pense pas que l'on puisse légiférer sur des ententes, et on ne peut pas toujours compter sur la bonne volonté des gens. On ne peut pas croire naïvement que parce que les gens ont apposé leur signature sur un document il n'y aura pas de défaut, et on ne peut pas supposer que cela suffira à améliorer les choses. Parmi ceux qui ont recours à la médiation, il y en a beaucoup qui sont des experts en manipulation et qui parviennent à obtenir le maximum, renonçant au minimum, surtout quand il s'agit de gens qui travaillent dans l'administration publique et qui sont formés à ces tactiques-là. Le résultat n'est pas toujours idéal.
Mme Jennings: Il existe des cas où les gens sont très sincères; ce sont des gens de parole. Dans ces cas-là, il serait bon d'avoir d'abord recours à la médiation, n'est-ce pas?
Mme Beattie: Oui. Je ne pense pas qu'il y ait de disposition dans ce projet de loi qui empêche les gens d'avoir recours à la médiation, de conclure des ententes.
Mme Jennings: Je constate que la loi dispose que l'on fasse intervenir d'abord le barème et ensuite la médiation. Si le processus de médiation est bien engagé, je ne vois pas pourquoi on ne commencerait pas par là, pour ensuite faire intervenir le barème.
Merci. Je pense que M. Ramsay voulait poser une question.
La présidente: Monsieur Ramsay, vous disposez de quatre minutes.
M. Ramsay (Crowfoot): Merci, madame la présidente.
Votre exposé m'a impressionné. La forme à elle seule m'a impressionné. Vous avez mis beaucoup de temps et d'efforts pour formuler votre point de vue et vos inquiétudes et vous l'avez fait de façon remarquable. Nous vous en remercions. Merci encore d'être venue.
Au gouvernement, et peut-être même en ce comité, il y a des gens qui ne croient pas que les sanctions et la punition changent le comportement. Pourtant, c'est ce que vous préconisez. Vous nous demandez de modifier le Code criminel pour permettre aux tribunaux du pays d'emprisonner les conjoints qui ne se conforment pas aux ordonnances des tribunaux. Je n'en disconviens pas, mais je pense que vous aurez beaucoup de mal à faire accepter cette idée.
Ma première question est donc la suivante. Vous dites que ce genre de loi existe aux États-Unis. J'aimerais savoir si vous avez des statistiques indiquant que cette loi a effectivement changé le comportement de certains pères ou de certaines mères qui n'ont pas assumé leurs responsabilités découlant des ordonnances judiciaires, des ententes, etc.
Deuxièmement, avez-vous eu l'occasion de présenter vos recommandations au ministre de la Justice avant l'élaboration du projet de loi C-41 afin que l'on en tienne compte dans la rédaction du document final que nous avons devant nous aujourd'hui?
Mme Beattie: Tout d'abord, je n'ai aucune statistique relative à l'efficacité de la loi en question. Par contre, j'ai la publicité diffusée récemment dans l'affaire Nichols, concernant un homme qui est en fuite depuis six ans et qui a séjourné brièvement au Canada. Le FBI l'a arrêté. Son avocat a déclaré après son arrestation qu'il avait hâte de régler la question. Le prévenu devait 580 000 $.
C'est essentiellement ce genre de cas qui m'intéresse. Je ne parle pas des personnes qui sont en chômage ou qui ont de bonnes raisons de ne pas payer. Je m'intéresse vraiment aux pires cas. À mon avis, si l'on ne peut pas régler les cas les plus graves, il y a une échappatoire. Les gens auront tendance à contourner les règles. Et c'est ce qui se passe. Il y a de plus en plus de cas graves, car en fin de compte le tribunal annule les arrérages au bout d'un certain temps. Je crois qu'en Saskatchewan, c'est au bout d'un an. Par conséquent, si l'on peut se cacher, s'enfuir pendant un an, la loi de prescription annule carrément vos arrérages.
Pour les enfants, cela signifie que nous considérons cet état de choses comme étant normal. En fait, le Code criminel n'est pas simplement un système qui impose des sanctions négatives; c'est aussi un système de valeurs. Dans les cas de fraudes inférieures à 1 000 $, pourquoi ne pas prévoir le défaut volontaire - et j'insiste sur le mot «volontaire» - , la capacité de payer, etc. dans le Code criminel? Mes enfants comprendraient. Dans un contrat commercial, si quelqu'un me soutire 1 000 $, je serais en mesure de le faire poursuivre par la Couronne. La Couronne extrade pour des cas de fraudes dépassant 100 000 $, mais elle ne le fera pas dans mon cas, même si les arrérages dépassent 400 000 $. C'est un message que mes enfants comprennent.
Le Code criminel ne se contente pas d'imposer des sanctions. Il énonce d'abord ce que nous considérons comme étant bon ou mauvais. Ensuite, il y a le facteur dissuasif, dont nous espérons vraiment qu'il soit efficace. Je sais que, si les textes prévoyaient des dispositions applicables à mon cas, mon vis-à-vis n'aurait pas été aussi loin, car des gens comme ça sont souvent des brutes. Ils sont prêts à tout. Ils peuvent manipuler les systèmes. Ils exploitent la faiblesse et l'indulgence dont on fait toujours preuve à leur égard. C'est ainsi que l'on en arrive à des cas échappant à tout contrôle. Au bout du compte, on n'emprisonne les gens que lorsqu'on n'a plus le choix. Dans mon cas, il n'y a plus rien d'autre à faire, littéralement. Nous avons fait tout ce qui pouvait être fait dans les tribunaux civils.
Je pense que j'ai répondu à votre préoccupation concernant le remplissage des prisons, car aux États-Unis, et compte tenu des recommandations que je formule ici, la prison n'est pas l'objectif visé. La prison sert à attirer leur attention. On les y enferme jusqu'à ce qu'ils acceptent de payer. Et ce sont des gens qui ont des biens, qui sont encore... Une fois de plus, il s'agit des cas les plus graves...
Une fois qu'ils acceptent de payer, ils sont libres, mais ils doivent remplir un certain nombre de conditions jusqu'à ce qu'ils finissent de payer les arrérages. On confisque leur passeport. Il ne s'agit pas simplement de le suspendre, mais de le confisquer. On nomme un syndic, car dans les faits ils sont en faillite. Ils disent qu'ils n'ont pas les moyens de payer. On les fait comparaître devant le juge tous les mois. Par conséquent, ils travaillent, mais c'est comme s'ils étaient incarcérés, parce qu'ils sont soumis à beaucoup de contraintes.
Voilà donc ce que j'essaye d'expliquer. Il faut prendre des mesures pour attirer leur attention. Vous avez la possibilité de leur imposer ce genre de remèdes pour obtenir la restitution, qui, évidemment, est le but ultime. L'emprisonnement n'est pas une fin en soi, mais je puis dire qu'il permet de bien concentrer l'esprit. Dans mon cas, l'emprisonnement a certainement été un facteur. Il a permis au malfaiteur de bien réfléchir.
M. Ramsay: Qu'en est-il de ma deuxième question?
Mme Beattie: Excusez-moi. Quelle était la deuxième question?
M. Ramsay: Avez-vous présenté ces recommandations au ministre de la Justice ou à son ministère avant que le projet de loi...
Mme Beattie: Très brièvement. C'était une ou deux semaines seulement avant le dépôt du budget.
M. Ramsay: Je vous remercie.
La présidente: Merci, monsieur Ramsay.
Monsieur Telegdi, aviez-vous des questions?
M. Telegdi (Waterloo): Madame Beattie, merci beaucoup. Vous êtes assurément un témoin irrésistible.
Je travaille dans le domaine des jeunes contrevenants. Je partage votre avis sur bien des points, notamment sur le sentiment d'aliénation chez les enfants.
Sans aucun doute, l'application de la loi doit faire l'objet d'une norme nationale. Je ne sais pas très bien si elle doit être régie par le Code criminel... Parfois, nous utilisons le Code criminel... je n'essaye pas de sous-estimer la question, mais je vais vous donner un exemple d'utilisation ridicule du Code criminel.
Pour une raison que j'ignore, une personne a refusé de payer les droits d'immatriculation de son chien. On l'a emprisonnée pour trois jours. Les droits d'immatriculation étaient de 5 $. Par conséquent, l'État a dépensé des centaines de dollars, et peut-être 1 000 $ ou plus, pour faire valoir sa cause.
Je me demande donc si nous n'aurions pas beaucoup mieux fait en poursuivant cette personne au civil et si nous n'aurions pas économisé sur ce qu'il en a coûté au tribunal pour régler l'affaire. Ainsi, nous aurions probablement mieux communiqué le message.
Toutefois, si nous devions utiliser le Code criminel, voici mes inquiétudes. Vous avez dit que nous traitons différemment les résidents et les non-résidents de la province. J'en suis à la page 8 de votre mémoire, là où il y a les recommandations.
Si nous devions utiliser la loi fédérale dans le cas d'une infraction au Code criminel, pourquoi ne pas appliquer la même loi dans tout le pays au lieu de faire la différence entre les résidents et les non-résidents d'une province? L'infraction est la même. Le recours ne devrait-il pas être le même?
Mme Beattie: Je recommande justement que le recours soit le même. Les mesures applicables seraient identiques. La raison pour laquelle je différencie... J'ai proposé des critères relatifs à l'infraction, mais vous pouvez lever la barre si vous craignez de ne cibler que les cas les plus graves.
Si j'établis une différence entre les résidents et les non-résidents d'une province, c'est parce que la province est une juridiction civile. Je pense qu'il faut donner une chance aux tribunaux civils.
Nous essayons de viser les non-résidents. Quand les gens traversent les frontières, ils sont mobiles. Les cas vraiment difficiles sont ceux des personnes mobiles, qui peuvent aller dans une province et de là dans un autre pays, ou les travailleurs indépendants, qui sont notoirement difficiles à traduire devant les instances civiles.
Je fais la distinction parce que, dès que quelqu'un traverse une frontière, il faut être aux aguets. Ainsi donc, la barre est plus basse dès qu'on traverse la frontière. Dans la province, il faut donner une chance aux organismes d'application de la loi avant d'invoquer le Code criminel. À mon avis, après un an, si ces derniers n'ont pas la situation en main, on peut alors passer au niveau supérieur.
Dans la vie d'un enfant, une année, c'est extrêmement long. Mes enfants et moi-même attendons depuis 15 ans, et voilà ce que les tribunaux civils nous ont fait. Ils ont eu tout le temps du monde. Combien de temps faut-il leur donner?
Vous pouvez porter le délai à deux ans si vous le voulez, mais à un moment donné il faut mettre un point final. Si la démarche douce des tribunaux civils ne fonctionne pas, il faut recourir à des moyens un peu plus rigoureux. Le véritable problème, c'est que, si les tribunaux civils ne contrôlent pas la situation, tout peut déraper très rapidement.
M. Telegdi: Il me semble que, dans bon nombre de cas, les riches et les pauvres n'ont pas les mêmes chances. Et si l'État prenait les choses en main et en arrivait même à saisir des biens en cas d'arriéré? Tant que l'application de la loi serait efficace, peu importerait si la question relevait du Code criminel ou non, n'est-ce pas?
Mme Beattie: Eh bien, j'espère que vous n'en arriverez jamais là. Mais le simple fait que j'y pense vous indique que les tribunaux civils n'ont pas encore la situation en main.
Mes enfants ont hâte que les provinces décident du système qu'elles vont mettre en place. L'organisme ontarien d'application de la loi a gardé mon dossier pendant trois ans. Il n'a fait qu'aggraver nos difficultés.
Il faut établir plusieurs niveaux d'application. Les mécanismes existant dans les provinces permettent peut-être de régler les cas plus faciles, mais les cas les plus difficiles dépassent vraiment la capacité des organismes d'application de la loi, qui sont essentiellement bureaucratiques. En Ontario, ils ont actuellement des numéros 1-800. Ils ne pourraient pas faire face à un cas comme le mien, où une personne particulièrement vicieuse refuse carrément de payer la pension alimentaire. Il préfère payer un avocat.
Nous préconisons plusieurs degrés de sanction, car les infractions n'ont pas la même gravité. Je ne suis pas seule dans ma situation. Nous sommes assez nombreuses, d'où la nécessité d'une sanction exemplaire. Sinon, il y aura une échappatoire que tout le monde aura tendance à utiliser. C'est là que vous avez besoin du Code criminel, car il est appliqué dans tout le pays.
M. Telegdi: Merci beaucoup.
La présidente: Merci, monsieur Telegdi.
Monsieur Maloney, il reste à peu près trois minutes.
M. Maloney (Erie): Merci, madame la présidente.
Dans votre exposé, vous avez dit qu'il y a seulement 77 noms actuellement sur la liste du FBI. J'imagine que le nombre de cas d'arriérés est important, compte tenu de la population des États-Unis. Pourquoi n'y a-t-il que 77 noms sur la liste? Les Américains hésitent-ils à utiliser cette disposition? Hésitent-ils à déclarer la culpabilité? Pourriez-vous nous renseigner à ce sujet?
Mme Beattie: On a rapporté ce chiffre au moment où l'on parlait de l'affaire Nichols. J'ai pensé qu'il n'y en avait que 77 parce que cette disposition est utilisée en dernier recours. Même maintenant, le Code criminel prévoit des infractions comme la fraude inférieure à 1 000 $. Je ne pense pas que la Couronne dispose du pouvoir discrétionnaire d'engager des poursuites.
Aux États-Unis, il faut que vous ayez dépassé une limite, et il y a certaines autres choses qu'il faut prouver. Les Américains utilisent cette arme uniquement dans les cas flagrants et lorsque les arrérages sont énormes. À ce moment-là, l'intervention du FBI est nécessaire. Je ne pense pas que le FBI poursuivrait des cas moins graves s'il estimait qu'il y a une autre façon de procéder.
M. Maloney: Dans l'affaire Nichols, les arrérages s'élevaient à 500 000 $ environ. Dans votre cas, ils sont d'à peu près 400 000 $.
Vous dites que vous essayez de viser les cas les plus graves, mais dans le passage que M. Telegdi a souligné vous avez proposé un montant de 3 000 $ à l'extérieur de la province et de 10 000 $ dans la province, ou le fait de manquer trois paiements à l'extérieur de la province et 12 dans la province. Comment concilier l'importance des montants que vous avez indiqués, à savoir 400 000 $ et 500 000 $, et le fait que vous proposez un montant considérablement inférieur? Comment équilibrer cela?
Mme Beattie: C'est parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, à partir du moment où quelqu'un traverse la frontière, vous devez être aux aguets. Il faut faire particulièrement attention à la personne qui est mobile.
On est moins exigeant à l'égard des personnes qui se déplacent parce qu'on sait qu'à partir du moment où ils sont à l'extérieur du pays, ils sont intouchables. Ils affichent un comportement qu'il faut surveiller, et c'est pour cela que je préconise des conditions moins strictes pour les personnes qui se déplacent.
Les personnes résidant encore dans la juridiction civile seront faciles à atteindre. Elles n'ont pas traversé la frontière; par conséquent, les tribunaux civils ontariens peuvent s'en occuper. Par exemple, dès qu'un débiteur traverse la rivière entre l'Ontario et le Québec, la situation est très difficile parce qu'il y a deux juridictions civiles.
Quant au Code criminel, il est le même dans tout le pays. Chaque province a son propre droit civil. Dans certains cas, il y a même divergence entre ces droits. C'est pour cela que j'ai fait la distinction.
[Français]
Mme Gagnon: Si j'ai bien compris vos propos, vous êtes plus ou moins en faveur des lignes directrices. Vous préféreriez que ce soit laissé à la discrétion du juge.
Nous avons à analyser le projet de loi et j'espère qu'on pourra le bonifier. Mais il faut travailler avec ce que l'on a, et les lignes directrices sont là pour rester. J'espère qu'on pourra les améliorer.
Le gouvernement propose certains critères. Cependant, ces critères sont précédés par un «notamment», ce qui ouvrirait certaines portes. Nous craignons que cela ouvre la porte à l'ajout d'autres critères. Avez-vous également cette crainte que le gouvernement décide d'alléger les critères ou de ne pas considérer certains efforts faits par les provinces? Ce «notamment» vous fatigue-t-il?
[Traduction]
Mme Beattie: Je ne suis vraiment pas bien placée pour parler davantage des lignes directrices, sauf en ce qui concerne les deux difficultés que j'ai eues. Je n'ai pas étudié cette question de façon approfondie et je ne me sens pas vraiment à l'aise pour en dire plus.
La présidente: Monsieur Kirkby, vous avez cinq minutes.
M. Kirkby (Prince Albert - Churchill River): Vous avez indiqué que les lignes directrices que vous avez observées étaient inflexibles, même si tel n'était pas l'objet premier de votre intervention. Votre opinion serait-elle différente en raison du fait qu'il y a des cas ou des situations prévus dans la loi qui permettraient un changement d'ordre ascendant ou descendant dans certains cas? Par exemple, on mentionne certaines difficultés qui pourraient justifier le rajustement à la baisse. Il existe des situations spéciales, notamment des dépenses médicales non assurées ou des enfants ayant des besoins spéciaux, qui permettraient un rajustement à la hausse. Cela ne répondrait-il pas à certaines de vos préoccupations relatives à la flexibilité?
Deuxièmement, ne pensez-vous pas que ce soit un objectif valable de faire ce qu'on peut pour limiter autant que possible - compte tenu de la diversité des situations - les litiges ou le nombre de questions ou de situations pouvant faire l'objet de litiges afin de conclure les négociations ou les litiges de façon plus rapide et plus satisfaisante?
Mme Beattie: Si je pensais que les lignes directrices limiteraient les litiges, je serais pratiquement heureuse. Toutefois, si les juges estiment que ces lignes directrices sont injustes, ils invoqueront la clause du préjudice abusif. Ils le feront pour rétablir exactement la situation actuelle, qui consiste à utiliser toutes les preuves présentées par les deux parties. Actuellement, ils ont des ordinateurs qui leur permettent d'être à la page et de maximiser la pension alimentaire de cette façon.
Il existe une injustice inhérente aux lignes directrices, en ce sens que le payeur est la seule personne qui intéresse tout le monde. Je pense qu'il faut être un peu plus équitable. Il est un peu naïf de présumer que tout l'argent dont dispose le parent ayant la garde des enfants sera dépensé automatiquement et proportionnellement pour les enfants. On ne peut pas le présumer dans tous les cas. C'est une bonne idée.
Je pense qu'il existe des situations où les juges utiliseront la clause du préjudice abusif, et je serais étonnée si cela réduisait les litiges.
En ce qui concerne toutes les choses spéciales dont ils peuvent tenir compte, je suis d'accord. Actuellement, ils tiennent compte notamment des frais de scolarité, des dépenses médicales, etc. L'injustice fondamentale réside dans les chiffres du tableau même, car vous tirez des conclusions applicables à toutes les familles ayant un certain revenu, conclusions qui pourraient être vraies ou fausses.
Je ne pense pas que l'on puisse généraliser, surtout en ce qui concerne les finances familiales, au point d'inscrire un chiffre dans un tableau en estimant qu'il est absolument exact.
M. Kirkby: Mais les études n'indiquent-elles pas que les familles contribuent généralement des montants similaires à l'éducation des enfants? C'est sur cette base que l'on a formulé les lignes directrices. De plus, dans le cadre du système, vous avez indiqué que l'on tient uniquement compte de la contribution du payeur. En outre, on suppose que le parent ayant la garde contribuera également, selon son revenu, à l'éducation des enfants.
Mme Beattie: J'ai beaucoup de mal à accepter cette hypothèse. Je ne pense pas que l'on puisse généraliser de telles hypothèses. À mon avis, il faut tenir compte davantage de la situation des deux parents en élaborant les lignes directrices. Je ne comprends vraiment pas pourquoi on cible uniquement le payeur.
Comme je l'ai déjà dit, je préférerais des lignes directrices plus informelles, car il faut bien commencer quelque part. Au moins, cela nous donnerait une certaine cohérence. Mes enfants ont déjà été calomniés par les juges. Si je devais choisir entre un juge et un bureaucrate pour leur confier la protection de mes enfants, je sais bien qui je choisirais. Si un juge fait une erreur, vous pouvez toujours retourner devant lui. Si un bureaucrate fait une erreur, vous êtes coincé.
La présidente: Monsieur Ramsay.
M. Ramsay: Merci, madame la présidente.
En ce qui concerne les divorces, ainsi que les droits et les intérêts des parties concernées, les enfants sont évidemment prioritaires, mais il y a d'autres préoccupations. Il y a la préoccupation dont nous avons parlé ici, et qui est au coeur même du projet de loi C-41: s'assurer que le parent n'ayant pas la garde effectue les paiements qui ont été fixés dans une décision judiciaire, une entente, etc.
J'ai reçu à mon bureau des lettres et des visites de parents n'ayant pas la garde - et Mme Jennings en a parlé très brièvement - qui prétendent simplement que le parent ayant la garde viole la décision du tribunal relative à l'accès.
J'ai interrogé le ministre de la Justice à ce sujet hier, car les parents n'ayant pas la garde n'ont aucun recours. Dans sa réponse, il a fait le lien entre la pension alimentaire et un certain pouvoir coercitif de la part du parent ayant la garde, ce qui n'était pas l'objet de ma question.
J'aimerais vous demander votre avis aux fins du procès-verbal. Ce projet de loi vise à instaurer des sanctions plus graves en cas de défaut de paiement par le parent n'ayant pas la garde. À votre avis, faut-il prévoir dans le projet de loi, d'une façon ou d'une autre, une sanction plus grave, si je puis m'exprimer ainsi, à l'encontre du parent ayant la garde qui viole la décision du tribunal relative à l'accès?
Mme Beattie: Le paragraphe 127(1) du Code criminel.
M. Ramsay: Que prévoit-il?
Mme Beattie: L'outrage criminel au tribunal.
M. Ramsay: On ne l'utilise pas. Pourquoi ne l'utilise-t-on pas?
Mme Beattie: Ce problème ne découle pas du Code criminel.
M. Ramsay: Autrement dit, il existe actuellement des pouvoirs suffisants pour protéger le parent n'ayant pas la garde en cas de violation d'une décision du tribunal par un parent ayant la garde? Pensez-vous qu'il existe des pouvoirs suffisants pour remédier à cette situation?
Mme Beattie: Je ne sais pas si je suis compétente pour le dire. Je sais simplement que c'est cette disposition que j'utiliserais.
La présidente: Si cela peut vous aider, j'ai poursuivi deux personnes en vertu de l'article 127 et j'en ai défendu près de six avant d'être élue; c'est donc une disposition couramment utilisée. Tout dépend de la juridiction. Cependant, si cela vous préoccupe, vous pourriez peut-être en parler au procureur général de votre province.
M. Ramsay: A-t-on jamais emprisonné les mères? Ont-elles jamais été emprisonnées pour avoir violé la décision du tribunal?
La présidente: A-t-on jamais condamné un parent ayant la garde, ou voulez-vous simplement parler des femmes?
M. Ramsay: Je veux effectivement parler d'un parent ayant la garde.
La présidente: Je ne sais pas. Je sais que j'ai gagné dans les deux cas où j'ai poursuivi, mais je ne connais pas les chiffres. Je vous dis simplement que la disposition est utilisée, qu'elle existe, et qu'elle était assez controversée quand on l'a adoptée parce que beaucoup de gens voulaient l'étendre à la pension alimentaire. C'était un débat très intéressant à l'époque.
Mme Beattie: [Inaudible - Éditeur]... où le parent ayant la garde a été emprisonné.
La présidente: En effet, il existe aussi des lois provinciales relevant du droit familial qui permette de recourir à l'emprisonnement pour appliquer la loi.
Monsieur Rideout.
M. Rideout (Moncton): Je voudrais avoir des éclaircissements pour mieux comprendre l'objet de votre amendement.
Si j'ai bien compris, le défaut est «volontaire» dans deux circonstances: premièrement, lorsque la personne quitte la juridiction et manque trois paiements mensuels; deuxièmement, si la personne est dans la juridiction et manque 12 paiements mensuels. Est-ce dans ces circonstances que le manquement est volontaire et qu'il faut imposer des sanctions criminelles? J'aimerais en avoir une idée pour savoir où nous en sommes.
Ensuite, pourriez-vous nous dire combien de personnes pourraient tomber sous le coup de cette disposition en un an par exemple? Si nous tenons compte de ce qui se passe aux États-Unis, où le même genre de loi permet d'attraper 77 personnes, il me semble que le groupe visé est très réduit. Avez-vous donc l'intention de viser ce très petit groupe, ou le processus - et c'est pour cela que j'ai posé la question concernant l'aspect «volontaire» - sera-t-il automatique? Si je représente une personne qui, en vertu d'une décision judiciaire, doit recevoir un certain montant chaque mois, puis-je aller voir un procureur de la Couronne pour porter une accusation au bout de 12 mois? Est-ce là l'objectif visé, ou y a-t-il un seuil plus élevé? J'essaye simplement de comprendre.
Mme Beattie: L'utilisation de l'adjectif «volontaire» a pour but de différencier les personnes qui perdent leur emploi ou qui sont incapables de payer pour une certaine raison. Les défaillants volontaires sont ceux qui ont beaucoup d'argent et qui sont tout simplement intransigeants. Je veux cibler ces personnes...
M. Rideout: Comment le savoir?
Mme Beattie: Le tribunal doit le déterminer à la lumière des états financiers, etc. Le plus souvent, on sait qui a de l'argent et qui n'en a pas.
Mon objectif est toujours de cibler les pires contrevenants. Je pourrais fixer la limite à 100 000 $ d'arrérages pour m'assurer que vous viseriez uniquement les cas où c'est vraiment nécessaire, mais, en tout état de cause, vous devez vous rappeler que la Couronne dispose d'un pouvoir discrétionnaire.
M. Rideout: Je comprends. Cependant...
Mme Beattie: Les obstacles sont nombreux, et le projet de loi C-41 stipule très clairement que les deux mesures qu'il met en place sont des mécanismes de dernier recours. Les 3 000 $ ou les trois paiements sont des critères de suspension des passeports. Par mesure de cohérence, j'ai estimé...
M. Rideout: Dans certains cas, au moment où le dossier arrive au tribunal - si l'on fait abstraction du côté criminel de l'affaire - il y a souvent trois, quatre ou cinq mois d'arrérages. Je me demande si cela déclencherait automatiquement une poursuite criminelle parce que le tribunal saurait qu'il y a une personne qui, pour une raison donnée, des difficultés par exemple... Cela va-t-il causer...? Je comprends ce que vous essayez de faire, mais je ne sais pas...
Mme Beattie: D'après mes échanges avec la Couronne à Ottawa... Même si c'était prévu dans le Code criminel, il serait toujours très difficile...
M. Rideout: Parce que les policiers ne porteraient pas d'accusation.
Mme Beattie: En effet. Je n'ai toujours pas réussi à les persuader de lancer une procédure d'extradition, même si les arrérages s'élèvent à 400 000 $. Ce n'est pas facile.
M. Rideout: Ainsi donc, la mesure vise vraiment les personnes disposant d'une grande fortune et accusant un retard considérable, et non pas le citoyen ordinaire.
Mme Beattie: Oui, c'est absolument une mesure de dernier recours; si elle n'existe pas, il y a une échappatoire.
La présidente: Merci, monsieur Rideout.
Madame Beattie, je vous remercie beaucoup de votre témoignage vraiment intéressant. C'était très utile, et vous nous avez donné beaucoup de matière à réflexion pour l'étude de ce projet de loi. Je sais que vous avez renseigné beaucoup d'entre nous, et nous vous en sommes très reconnaissants. C'était excellent.
La séance est suspendue jusqu'à 11 heures.
La présidente: Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants de Revenu Canada, M. Denis Lefebvre, sous-ministre adjoint, Direction des politiques et de la législation; et du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, M. Jocelyn Francoeur, directeur, Direction de la sécurité et des opérations à l'étranger, Bureau des passeports, M. Neville Wells, gestionnaire de la Division de la sécurité et de l'application de la loi au Bureau des passeports, et M. Evans Girard, conseiller juridique.
Je crois que chaque groupe a un bref exposé à présenter, et je pense que nous allons commencer par Revenu Canada, suivi du ministère des Affaires étrangères, après quoi nous leur poserons des questions.
Allez-y, monsieur Lefebvre.
[Français]
M. Denis Lefebvre (sous-ministre adjoint, Direction des politiques et de la législation, ministère du Revenu national): Merci, madame la présidente. Il me fait plaisir d'être ici au nom de Revenu Canada pour discuter du projet de loi C-41.
J'aimerais tout d'abord profiter de cette occasion pour informer le comité du rôle que joue actuellement le ministère du Revenu national relativement à l'exécution des ordonnances de versement de pensions alimentaires pour enfants.
En 1988 était promulguée la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales. Depuis ce temps, on a saisi les remboursements d'impôt des personnes qui ne respectent pas leurs obligations en matière de versement de pensions alimentaires pour enfants.
Lorsqu'une ordonnance de saisie-arrêt est rendue, on demande à Revenu Canada de retenir la somme des impôts qui aurait dû être remboursée à une personne qui, selon le ministère de la Justice, n'aurait pas versé une pension alimentaire comme elle devait le faire. Revenu Canada retient alors le remboursement établi et informe le ministère de la Justice de la somme susceptible d'être saisie.
Revenu Canada précise par ailleurs dans l'avis de cotisation qu'il envoie au contribuable les raisons pour lesquelles les fonds sont retenus. Dans cet avis figure le numéro de téléphone d'une personne ressource au ministère de la Justice avec qui le contribuable pourra communiquer.
Le ministère de la Justice fait savoir à Revenu Canada le montant exact requis pour satisfaire à l'ordonnance de la cour. Revenu Canada envoie par la suite au contribuable l'excédent.
Le montant du remboursement est acheminé au ministère de la Justice, qui le fera parvenir à l'organisme provincial d'exécution. Le ministère de la Justice agit à titre de ministère directeur dans ce programme. Le remboursement d'impôt, qui englobe le crédit pour la TPS, ne représente qu'une des dix sources de fonds que peut saisir le gouvernement fédéral. Pour sa part, Revenu Canada constitue la plus importante source de fonds de ce programme.
Au cours de l'année 1995, quelque 31 millions de dollars ont été réacheminés au ministère de la Justice en vertu de ces dispositions. Plus de 81 000 contribuables ont été assujettis à une telle ordonnance d'un tribunal et, compte tenu de la tendance actuelle, on peut s'attendre à ce qu'il y ait réacheminement d'un montant encore plus élevé durant l'année d'imposition de 1996.
J'aimerais maintenant commenter les propositions énoncées dans le projet de loi C-41 qui touchent Revenu Canada. Comme vous le savez, l'article 19 de ce projet de loi prévoit que Revenu Canada soit ajouté à la liste des ministères fédéraux dont les banques de données sont susceptibles d'être consultées. Cette consultation est permise si un organisme d'exécution d'une province en fait la demande en vue de dépister des personnes qui n'ont pas versé la pension alimentaire comme elles en ont l'obligation.
[Traduction]
Nous nous rendons bien compte que le non-paiement des pensions alimentaires pour enfants est un problème grave qui justifie l'intervention concertée du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux. Nous sommes donc d'accord pour que cette information soit fournie.
Revenu Canada transmettra au ministère de la Justice des renseignements tels que l'adresse du débiteur défaillant ainsi que le nom et l'adresse de son employeur. On veillera à protéger le caractère confidentiel de ces renseignements de telle manière qu'ils servent uniquement à trouver les contrevenants et à obtenir le paiement de la pension alimentaire.
Nous nous attendons à ce que certains contribuables éprouvent de l'animosité envers le ministère s'il donne cette information. Cette façon d'agir peut paraître à leurs yeux une violation de l'obligation qui nous est faite de considérer comme confidentiels les renseignements figurant dans leurs déclarations de revenus. Aussi est-ce pour le ministère une question qu'il devra gérer avec circonspection.
Même si cela n'a pas un lien direct avec la réforme touchant les pensions alimentaires pour enfants, j'aimerais mentionner que Revenu Canada est chargé d'administrer un certain nombre de programmes jouant un rôle déterminant dans la redistribution du revenu. Ces programmes peuvent présenter pour le conjoint qui a la garde des enfants un intérêt particulier, notamment le programme de la prestation fiscale pour enfants, celui des allocations spéciales pour enfants ou encore celui du crédit pour la taxe sur les produits et services.
En 1993, Revenu Canada a commencé à administrer le programme de la prestation fiscale pour enfants. C'est depuis ce moment-là qu'on a regroupé en un seul versement, exonéré d'impôt, les sommes provenant des trois anciens programmes fédéraux. La prestation, destinée aux familles à revenu faible ou moyen, est calculée en fonction de leurs besoins. Elle a pour objet de compenser les frais engagés pour l'éducation des enfants âgés de moins de 18 ans. La prestation, établie à partir des renseignements figurant dans les déclarations des deux parents, est fonction du revenu familial ainsi que du nombre d'enfants et de leur âge respectif. À l'heure actuelle, plus de trois millions de familles la reçoivent.
En outre, l'État verse un supplément du revenu gagné qui tient compte des besoins des familles avec enfants dont les parents travaillent. La prestation maximale s'élève actuellement à 500 $. Comme vous le savez, il est prévu que la modification des règles fiscales en ce qui regarde les pensions alimentaires se traduira pour le gouvernement fédéral par une augmentation des recettes, augmentation qui servira à relever à 1 000 $ d'ici à juillet 1998 le niveau maximal du supplément du revenu gagné.
Instauré en décembre 1990, le crédit pour la TPS a pour objet de permettre aux familles canadiennes à faible ou à moyen revenu de recevoir une compensation pour le paiement de la nouvelle taxe. Ce crédit, non imposable, est versé tous les trois mois à plus de huit millions de particuliers. Le calcul de ce crédit se fonde sur les renseignements que le demandeur a donnés dans sa déclaration de revenus et, s'il y a lieu, sur les renseignements figurant dans la déclaration de son conjoint. Le montant du crédit est fonction du revenu familial et du nombre de personnes à charge admissibles.
En plus d'administrer ces programmes, Revenu Canada, en sa qualité de mandataire de nombreux ministères fédéraux et provinciaux, joue un rôle important en ce qui concerne un certain nombre d'autres programmes de redistribution du revenu. Par exemple, il fournit au gouvernement du Québec les renseignements nécessaires au calcul des allocations familiales que verse cette province.
J'aimerais, en terminant, rappeler encore une fois le perpétuel engagement de Revenu Canada d'aider le gouvernement du Canada et les gouvernements des provinces à résoudre le difficile problème de la mise à exécution des ordonnances de versement de pensions alimentaires et à les aider dans le dépistage des débiteurs défaillants. Grâce à nos programmes actuels et grâce aussi au renforcement de notre rôle prévu par le projet de loi C-41, nous continuerons à soutenir de façon notable l'engagement que le gouvernement a pris de mettre fin à la pauvreté chez les enfants.
Je répondrai maintenant volontiers aux questions.
Merci.
La présidente: Merci, monsieur Lefebvre.
Nous accueillons, du Bureau des passeports, M. Francoeur.
[Français]
M. Jocelyn Francoeur (directeur, Direction de la sécurité et des opérations à l'étranger, Bureau des passeports, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci, madame la présidente.
[Traduction]
Je vais aborder brièvement deux points qui intéressent le comité.
[Français]
Je vous ferai part de la perspective du Bureau des passeports
[Traduction]
et j'expliquerai la portée et l'intention de cette mesure législative en me fondant sur ce qui nous a été expliqué.
Dans le contexte du projet de loi C-41, comme tout le monde le sait, nous appliquons un cadre réglementaire nous permettant de refuser ou d'interrompre des services. En cas d'absence de motif, c'est-à-dire lorsque nous n'avons pas de motif d'ordre réglementaire ou législatif pour refuser de délivrer un passeport ou le révoquer, nous avons un problème.
J'avoue que nous avons fait preuve de créativité dans un cas en particulier qui a été porté à notre attention. Mais nous sommes convaincus que c'est au législateur qu'il appartient de déterminer ce qui constitue un problème de société auquel il faut remédier en supprimant l'accès à des services comme la délivrance d'un passeport. Par conséquent, nous sommes très heureux de cette initiative qu'est le projet de loi C-41, car il donne maintenant à notre bureau des motifs législatifs pour retirer nos services. Cela comblera le vide juridique qui semble exister à l'heure actuelle. Je voulais que cela soit clair pour le comité.
Au sujet de notre organisme, il faut aussi préciser que nous sommes un organisme de service spécial, qui n'est d'ailleurs pas très imposant. Le Bureau des passeports est financé à même un fonds de roulement, et nous avons toujours compris que le ministre de la Justice assumerait les dépenses liées à l'application de cette nouvelle mesure législative. Pour le moment, nous ne pensons pas que cela donnera lieu à des coûts importants, étant donné que nous disposons déjà d'un mécanisme pour assurer l'administration des listes de contrôle, etc. Cependant, si cette initiative devait se traduire par une avalanche de cas, il va de soi que cela se traduirait par des coûts. Cela dit, le ministre de la Justice s'est engagé à nous rembourser.
J'aimerais maintenant aborder la portée et l'intention visées par la loi ainsi qu'elle nous a été expliquée. Comme vous l'avez constaté, ce sont les autorités provinciales qui prendront l'initiative. Autrement dit, ce n'est pas au ministère des Affaires étrangères qu'il appartiendra de déterminer qui est un mauvais payeur à qui nous devrons refuser nos services.
Comme je l'ai déjà dit, cela nous convient parfaitement. Le législateur est maintenant prêt à confier aux autorités provinciales la responsabilité de déterminer quelles seront les personnes assujetties à la loi.
Nous croyons savoir également que les provinces peuvent compter sur de nombreuses ententes d'exécution conclues avec leurs homologues, voire avec d'autres pays, de sorte qu'elles nous renverront les cas ressortissant à leur compétence. Nous ne pensons pas que l'application de ces ententes fera problème, étant donné que les conséquences de leur non-respect sont bien connues.
En ce qui a trait au mécanisme de suspension envisagé par le ministre de la Justice, la réglementation habilitante actuelle qui est la nôtre ne prévoit pas un tel mécanisme. Le Bureau des passeports aura ce pouvoir une fois la loi adoptée. À l'heure actuelle, nous pouvons refuser nos services à un candidat, c'est-à-dire refuser de délivrer le passeport ou le révoquer, mais la suspension d'un passeport n'existe pas.
La création d'une infraction criminelle, à l'article 76 du projet de loi C-41, est importante. Jusqu'à maintenant, tout ce que nous pouvions faire, c'était refuser carrément un passeport ou le révoquer. Mais suspendre un passeport signifie que le demandeur pourra le ravoir une fois qu'il aura payé sa dette.
Il s'ensuit qu'il faut absolument que les provinces, qui sont les instigatrices, nous avertissent le plus rapidement possible que la dette a été payée pour que nous puissions soustraire cette personne au mécanisme d'interdiction de délivrance du passeport et lui renvoyer son document.
Je vais m'en tenir là, madame la présidente.
La présidente: Merci. Le Bloc veut-il poser des questions aux représentants de Revenu Canada ou du Bureau des passeports?
[Français]
M. Bellehumeur: Dans l'ensemble, nous sommes d'accord sur les deux niveaux que présente le projet de loi C-41. J'aimerais obtenir des précisions de la part du représentant du ministère du Revenu, M. Lefebvre.
Dans votre présentation vous dites, et à juste titre,
- On veillera à protéger le caractère confidentiel de ces renseignements de telle manière qu'ils
serviront uniquement à trouver les contrevenants.
M. Lefebvre: Nous pourrons, par exemple, donner au ministère de la Justice l'adresse d'un contribuable qui est en défaut. Dès le départ, nous devons préciser qu'afin de protéger la confidentialité, personne à l'extérieur du ministère n'aura accès à nos banques de données.
Après avoir reçu une demande d'une agence d'exécution provinciale, le ministère de la Justice nous informera qu'un contribuable est en défaut de paiements. Nous transmettrons alors au ministère de la Justice l'adresse de ce contribuable, et possiblement le nom et l'adresse de son employeur. L'adresse du contribuable ne sera pas divulguée à la personne qui réclame les montants. Elle sera gardée uniquement au ministère de la Justice.
Une entente sera établie avec les agences d'exécution provinciales, précisant que ces dernières n'utiliseront ces renseignements que pour mettre en vigueur une ordonnance de la cour.
M. Bellehumeur: Les modifications que propose le projet de loi C-41 ne vont-elles pas générer plus d'argent pour les coffres du gouvernement fédéral? Je me reporte à la page 6 de votre exposé, où vous dites que les prestations maximales pour les familles s'élèvent présentement à 500 $. Si je comprends bien, si les amendements proposés étaient adoptés, le gouvernement pourrait les augmenter jusqu'à 1 000 $. Le projet de loi C-41 se traduirait donc par des revenus accrus. À votre avis, si on haussait les prestations à 1 000 $, utiliserait-on complètement le surplus que le projet de loi C-41 apporterait dans les coffres de l'État?
M. Lefebvre: Des calculs ont été faits. Après avoir soustrait les montants qui seront versés aux provinces pour les aider à mettre en vigueur le nouveau régime, on réalisera probablement des économies. À ma connaissance, on prévoit utiliser les revenus supplémentaires restants pour augmenter les prestations aux familles.
M. Bellehumeur: Les montants perçus à la suite de l'application du projet de loi C-41 seront donc redistribués aux personnes qui en ont le plus besoin?
M. Lefebvre: C'est exact.
M. Bellehumeur: Je n'ai pas d'autres questions. Quant à la question des passeports, je n'ai pas de problème.
[Traduction]
La présidente: Merci.
Madame Jennings, vous avez dix minutes.
Mme Jennings: Merci, madame la présidente.
Premièrement, j'aimerais m'adresser à M. Lefebvre.
Mes commentaires font suite à celui de mon collègue du Bloc. Comment le ministère assurera-t-il la confidentialité? Nous sommes tous au fait de nombreux cas où, dès qu'il y a atteinte à la confidentialité de quelque façon que ce soit, il est probable que d'autres personnes prennent connaissance de renseignements de nature privée. Je voudrais qu'on me rassure et qu'on me dise que cela ne se produira pas et que c'est un problème dont nous n'avons pas à nous soucier.
Vous avez dit que le ministère fédéral ouvrirait ses banques de données uniquement à la demande d'un gouvernement provincial. Est-ce définitif? Accepterez-vous uniquement les demandes des autorités provinciales? Est-il possible que d'autres sources exigent ces renseignements - un cabinet d'avocats indépendant, par exemple? La demande en question devra-t-elle émaner uniquement du gouvernement provincial? Voilà ma première question.
M. Lefebvre: Je peux vous assurer que nous accordons la plus haute importance à la confidentialité. Même le fait de communiquer une adresse dans ce contexte doit être justifié par un intérêt public supérieur, si vous voulez. Mais ce qui nous préoccupe également, c'est que le fait de communiquer les adresses de contribuables risque d'influencer leur comportement au moment de remplir leur déclaration de revenus. Ils pourraient avoir tendance à minimiser leurs revenus ou à ne pas faire de déclaration du tout, ou encore à trouver des moyens de participer à l'économie souterraine. C'est donc un sujet de préoccupation pour nous. Néanmoins, reconnaissant un intérêt supérieur, si vous voulez, nous avons accepté l'idée de communiquer les adresses.
Je répète que nous n'allons pas permettre à n'importe qui d'avoir accès aux banques de données. Nous allons recevoir du ministère de la Justice, qui coordonnera au nom du gouvernement fédéral les demandes reçues des organismes provinciaux, le nom du payeur défaillant et des renseignements pertinents. C'est uniquement pour les demandes qu'il aura reçues des organismes d'exécution provinciaux que le ministère de la Justice fournira l'adresse de la personne défaillante et, le cas échéant, le nom et l'adresse de son employeur. Ces renseignements seront strictement réservés à l'organisme d'exécution, et cela sera bien précisé. Encore une fois, nous ne voulons pas que les personnes ayant droit au paiement aient l'adresse de la personne tenue d'effectuer le paiement.
Mme Jennings: J'ai une ou deux autres questions à poser, mais je ne sais pas si je devrais m'adresser à vous ou à M. Francoeur. L'une d'elles relève du droit international.
Qu'arriverait-il à une personne travaillant dans les gisements pétroliers en Iran dont le passeport serait saisi ou suspendu? À quel moment le droit international s'appliquerait-il? De quelle instance cette personne relèverait-elle et dans quelle situation se retrouverait-elle? Serait-elle en danger en pareille situation?
Mon autre question porte sur le cas des personnes travaillant dans la marine marchande. Dans la loi, on mentionne uniquement la rémunération des marins ou des apprentis. La disposition pertinente s'appliquerait-elle dans le cas d'une pension? Si une personne travaille tout en touchant une pension, pourriez-vous saisir ces deux types de revenus? Je sais que c'est également possible aux termes du mécanisme de saisie-arrêt des pensions.
La présidente: Madame Jennings, au sujet de votre deuxième question, ce ne sont pas les témoins qui peuvent y répondre.
Mme Jennings: Merci, madame la présidente.
La présidente: Quant à votre première question, je pense que M. Francoeur pourrait y répondre, mais je peux vous dire tout de go que ce marin aurait eu intérêt à payer sa pension alimentaire pour enfants avant de partir.
Quoi qu'il en soit, allez-y.
Mme Jennings: Je pense que nous devrions laisser le témoin répondre. Après tout, c'est pour cela qu'il est ici.
La présidente: C'est à moi qu'il appartient de décider quand les témoins peuvent répondre.
Allez-y, monsieur Francoeur.
M. Francoeur: Manifestement, l'application de la loi à ces personnes, les justiciables, ceux qui sont régis par la loi, ne relève pas de notre organisation. Si c'était vraiment là l'objet de votre question, je peux vous dire que nous nous préoccupons surtout des conséquences pour une personne qui se retrouverait à l'étranger sans passeport valide.
Pour vous donner une réponse claire, simple et précise, tout dépend du pays. Certains pays considéreront que le citoyen canadien se trouve chez eux sans titre de voyage valide et ordonneront son expulsion. Dans d'autres pays, cela pourrait être considéré comme un problème moins aigu. Les autorités étrangères pourraient accepter sur leur sol un citoyen canadien qui ne serait pas muni du titre de voyage valide. Il suffit simplement de respecter les conventions ou exigences habituelles qui s'appliquent aux citoyens canadiens.
Mme Jennings: Je vais préciser ma question. Doit-on faire en sorte d'être extrêmement prudent avant de retirer de tels documents? S'il devait y avoir une erreur, êtes-vous disposés à collaborer avec le pays en question pour que le citoyen canadien ne se retrouve pas dans le pétrin?
M. Francoeur: Je suis désolé, j'avais mal compris la question.
Si notre organisme saisit le passeport d'un citoyen canadien vivant à étranger ou le lui retire, il va de soi que nous sommes tenus de lui fournir un document de voyage lui permettant de rentrer au pays. La mesure législative à l'étude se borne à ordonner à notre ministre de suspendre la validité du passeport. Le projet de loi C-41 n'interdit pas à notre ministre de délivrer un document de voyage d'urgence valide uniquement pour le rapatriement du citoyen canadien. En ce sens - je suis désolé, votre question était vraiment très pointue - nous n'allons certainement pas laisser de citoyens canadiens à l'étranger sans les documents de voyage nécessaires pour rentrer au pays. Si nous sommes en possession du passeport, il s'ensuit que nous devons prendre les moyens pour que la personne en question puisse rentrer au Canada munie d'un titre de voyage valide dans un sens seulement, c'est-à-dire vers le Canada.
Mme Jennings: Merci, madame la présidente.
La présidente: Madame Torsney.
Mme Torsney (Burlington): Merci.
Au sujet des passeports, si je suis en France et que je reçoive tout à coup de votre bureau une note m'avisant que mon passeport n'est plus valide, je peux sans doute me trouver quand même une chambre d'hôtel, et même prendre un avion. En fait, il suffit généralement de le montrer rapidement, et on vous laisse passer. À moins évidemment qu'il ne comporte des marques indiquant qu'il a expiré ou qu'il a été retiré. Je pourrais en fait rentrer au pays à partir d'un grand nombre d'endroits, comme l'Europe, sans problème aucun. Là où je veux en venir, c'est que les personnes visées pourraient voyager.
Supposons que j'ai en main un passeport et que par la suite je me heurte à des difficultés dues au fait que je n'ai pas versé la pension alimentaire pour mon enfant. À moins de rentrer au Canada, ou à moins que quelqu'un ne fasse une vérification informatique - et je ne suis pas sûre que cela se fasse régulièrement - je pourrais voyager pendant cinq ans avec ce passeport sans que cela nuise en aucune façon à mes déplacements. Souvent, on n'a qu'à montrer la couverture d'un passeport canadien, et on nous fait signe de passer. Cela m'est arrivé souvent.
M. Francoeur: Étant donné la réputation de notre document dans le monde entier, cela arrive souvent. Voilà l'une des conséquences associées au fait de posséder un titre de voyage renommé, réputé. Si nous avions - excusez l'expression - un document merdique, tout le monde l'examinerait de très près. Mais ce n'est pas le cas.
Mme Torsney: Exactement.
M. Francoeur: Je ne suis toutefois pas tout à fait d'accord avec votre affirmation selon laquelle la personne pourra tout faire à moins qu'elle ne revienne au Canada. Il se pourrait qu'elle ait besoin de services consulaires à un moment donné. Elle se présenterait alors à nos bureaux à l'étranger, qui seraient au courant de l'existence de l'ordonnance. Ils pourraient alors saisir le passeport, parce qu'ils ne pourraient pas donner de services à la personne sans avoir d'abord examiné son passeport. Bien entendu, ils ne le lui rendraient pas si le passeport avait été suspendu.
Par ailleurs, nous pourrions émettre... et nous voulons donner à cette loi tout son sens. Nous enverrions un avis au pays étranger concerné. Si nous savons que M. AB vit en France, mettons, nous pourrions envoyer une note diplomatique au gouvernement français pour lui dire que, à notre connaissance, M. AB vit en France et est titulaire d'un passeport qui n'est plus valide.
Ce que feraient alors les autorités étrangères est une question de conjecture. Dans certains pays, on n'hésiterait pas à conclure que le voyageur n'a pas les papiers voulus, mais il n'en serait pas ainsi dans tous les pays du monde. Certains états policiers agiraient sans doute avec plus de rapidité que d'autres dans des cas comme cela. C'est un problème.
Mme Torsney: L'autre problème que je constate, c'est qu'un certain nombre de Canadiens ont le droit de posséder un deuxième passeport d'un autre pays. J'ai moi-même droit à un passeport irlandais. D'autres ont droit à un passeport français. Quel genre de coordination y aurait-il avec les pays qui accordent ainsi des passeports à nos ressortissants?
M. Francoeur: Sur le plan juridique, je vous dirai, sans toutefois avoir vérifié, que le fait d'avoir une double citoyenneté n'a rien à voir avec le Canada. Si un gouvernement étranger veut accorder la citoyenneté à un de nos ressortissants, nous ne pouvons rien faire en droit.
Mme Torsney: N'y aurait-il pas moyen cependant d'assurer une certaine coordination aux réunions que vous avez avec les représentants d'autres pays sur des questions comme celle-ci pour que, si je demande un passeport irlandais, on vérifie et on constate que j'ai toujours vécu au Canada, on vérifie aussi pour voir si j'ai un casier judiciaire ou s'il y a d'autres informations à mon sujet, et qu'on puisse ainsi être alerté: «Soit dit en passant, elle doit beaucoup d'argent en pension alimentaire; c'est quelque chose d'important pour nos enfants canadiens»?
M. Francoeur: Ce n'est pas là le genre d'information que donnerait le Bureau des passeports. Cela ne relève pas de notre compétence.
Mme Torsney: Oh!
M. Francoeur: C'est un fait. Le Bureau des passeports ne vérifie pas les casiers judiciaires. Nous ne sommes pas un organisme chargé d'appliquer la loi. Pour ce qui est de savoir ce que font les autres pays quand ils reçoivent une demande de citoyenneté, je n'en sais rien. Ils ne communiquent pas avec nous.
Mme Torsney: Nous devrons peut-être aborder la question avec quelqu'un qui peut en parler à quelqu'un.
M. Francoeur: À la citoyenneté ou à qui de droit.
Mme Torsney: J'ai une autre question pour M. Lefebvre. Certaines personnes ont droit à un remboursement de la part du gouvernement si elles remettent leur déclaration de revenus. C'est formidable, car si elles font une déclaration de revenus, vous pouvez saisir le montant en question. D'autres décident toutefois de ne pas faire de déclaration de revenus pour prendre leur revanche sur leur ex-conjoint. Quel est le mécanisme qui permettrait de déterminer si la personne a fait une déclaration et de s'assurer que l'argent va aux enfants à qui il est dû?
M. Lefebvre: Nous consacrons une bonne partie de notre temps à repérer les personnes qui auraient dû faire une déclaration, mais qui n'en ont pas fait. Nous avons beaucoup de programmes pour repérer les personnes qui ont un revenu et qui auraient dû le déclarer, mais qui ne l'ont pas fait, et nous y consacrons beaucoup de ressources. Nous avons aussi un certain nombre de pouvoirs qui nous sont conférés par la loi et qui nous permettent d'obtenir de l'information de ces personnes. Si, au bout du compte, elles refusent catégoriquement de faire une déclaration, elles sont passibles de certaines pénalités, mais nous pouvons aussi émettre un avis de cotisation à partir des informations que nous possédons. Puis nous pouvons obtenir une ordonnance et donner suite aux avis de cotisation que nous aurions émis nous-mêmes. La loi nous autorise à exiger que la personne fasse une déclaration de revenus. Je puis vous assurer que si dans le cadre de ce programme nous recevons de l'information qui nous porte à croire qu'une personne a un revenu et qu'elle n'a pas fait de déclaration, nous exigerons qu'elle en fasse une.
Mme Torsney: N'est-il pas vrai, monsieur Lefebvre, que vous ne faites cela que lorsqu'il y a des impôts impayés? Vous ne le feriez peut-être pas si c'était la personne qui avait droit à un remboursement. Naturellement, votre premier objectif est de percevoir les impôts qui sont dus, mais n'est-ce pas aussi un objectif important que de remettre aux enfants l'argent qui leur est dû?
M. Lefebvre: Je puis vous assurer que la plupart de ceux qui ont droit à un remboursement font volontairement une déclaration, de sorte que ce n'est pas vraiment un sujet d'inquiétude. Vous avez raison de dire que nous n'avons pas de programme visant à mettre la main sur ceux à qui nous devons de l'argent. Nous avons toutefois le pouvoir d'exiger une déclaration même lorsque nous savons que c'est nous qui devons de l'argent à la personne. Nous n'avons eu aucune raison de le faire jusqu'à maintenant, ou peut-être jusqu'à il y a peu de temps... Nous n'avons pas de programme visant à obtenir une déclaration de ces gens-là de manière à pouvoir détourner le remboursement qui leur est dû. Nous examinerons la chose à la lumière de ce qui est prévu dans ce projet de loi.
Mme Torsney: Le fait que la personne vit à l'étranger fait-il une différence?
M. Lefebvre: Oui. L'application de la loi peut entraîner des difficultés particulières.
Mme Torsney: Si, par exemple, j'étais en cause dans un divorce chaudement contesté ou si la pension alimentaire faisait l'objet d'une bataille en règle, je pourrais peut-être demander à un syndic ou à quelqu'un d'autre de faire une déclaration de revenus au nom de mon ex-conjoint afin d'obtenir cet argent-là pour mes enfants.
M. Lefebvre: Oui. Vous pouvez désigner un comptable qui serait chargé de faire une déclaration pour vous.
Mme Torsney: Je voudrais en savoir un peu plus sur la façon dont ce programme est appliqué, car je...
La présidente: Je crois qu'il y a quelqu'un d'autre dans la salle qui voudrait en savoir un peu plus à ce sujet.
Je voulais simplement vous dire, monsieur Lefebvre, qu'il y a quelqu'un dans cette salle qui a fait cela. Votre ministère a refusé de se conformer à l'ordonnance du tribunal qui permettait à un syndic de faire la déclaration, et vous avez refusé de saisir l'argent pour le lui remettre. Vous voudrez peut-être vous entretenir avec la personne avant de partir et la conseiller sur la façon dont elle pourrait percevoir les quelque 500 000 $ qui lui sont dus.
M. Lefebvre: Je ne peux pas parler des affaires personnelles des contribuables, mais depuis 1988, dès que nous avons un remboursement qui est dû à une personne qui est en défaut de paiement et que nous avons été informés en bonne et due forme du défaut de paiement, nous détournons le remboursement vers le ministère de la Justice pour qu'il puisse, de concert avec l'organisme provincial, faire en sorte de remettre l'argent au parent qui a la garde.
Mme Torsney: Cela suppose que la personne a fait une déclaration de revenus.
M. Lefebvre: Nous n'aurions pas envoyé de remboursement au contribuable - depuis 1988 - si nous avions reçu du ministère de la Justice un avis selon lequel cet argent était dû au parent qui avait la garde. Nous ne l'aurions pas fait.
Mme Torsney: À condition que la personne ait fait une déclaration de revenus.
M. Lefebvre: Oui.
Mme Torsney: Comprenez-vous? Si la personne n'a pas fait de déclaration, vous n'envoyez pas d'argent, en partant du principe que... Vous savez d'après les documents ce qui a été retenu au titre de l'impôt, où que la personne ait travaillé. Même si elle n'a pas fait de déclaration... Vous n'enverriez pas cet argent au ministère de la Justice pour qu'il puisse le remettre à qui de droit, à moins que la personne n'ait fait une déclaration de revenus.
M. Lefebvre: Si la personne n'a pas fait de déclaration de revenus, nous n'aurons sans doute pas assez d'information pour savoir qu'elle a droit à un remboursement. Nous obtenons l'information de la déclaration. Il est difficile de savoir si la personne a droit à un remboursement si elle n'a pas fait de déclaration. Encore là, à moins que nous ne puissions obtenir l'information d'une autre source... Il est parfois possible de connaître le revenu de la personne par d'autres sources. Le plus souvent, il s'agit toutefois d'un avis de cotisation à l'endroit de ceux qui nous doivent de l'argent, et non pas l'inverse.
Mme Torsney: Je suppose que les formulaires T4 émis par le gouvernement sont généralement fiables.
La présidente: Merci, madame Torsney.
Madame Jennings, cinq minutes.
Mme Jennings: Moi aussi, je suis préoccupée par ce que disait Mme Torsney. D'après ce que j'en sais, on n'a encore rien fait pour examiner le problème de la double citoyenneté. Si cela n'a pas été fait, je crois qu'il faudrait le faire, car dans le cas que je vous ai soumis, la personne travaille dans une région périlleuse, et il est très peu probable qu'elle aurait la double citoyenneté quand elle travaille quelque part en Iran dans les champs de pétrole ou quelque chose du genre, même si ce n'est pas impossible. Mme Torsney a toutefois laissé entendre que dans un pays comme la France, il serait peut-être bien plus facile de se tirer d'affaire avec un passeport canadien. Il serait possible d'avoir la double citoyenneté.
Pourriez-vous voir ce qu'il en est dans ce cas-là? Je suis préoccupée par le fait que la personne qui aurait la double citoyenneté et qui demanderait automatiquement un passeport au moment où le sien serait saisi par notre gouvernement pourrait en fait obtenir un deuxième passeport et rester dans le pays en question.
La présidente: Madame Jennings, je crois que le problème tient au fait que ces fonctionnaires sont du bureau des passeports et que la question est simplement de savoir s'ils peuvent délivrer des passeports. Ils n'ont aucune autorité sur les États-Unis ni sur quelque autre pays souverain et les passeports qu'ils délivrent. Vous voudrez peut-être faire une recommandation directement au ministère des Affaires étrangères ou à un autre organisme, mais je ne voudrais pas que nous les mettions dans l'embarras par nos déclarations et qu'ils se demandent «comment répondre» parce qu'ils ne peuvent pas répondre à la question.
Mme Jennings: Je comprends cela, mais je le répète, je suis préoccupée par le fait qu'il s'agit peut-être d'un cas qui vous a pris au dépourvu, et c'est quelque chose qui est très important peu importe où la personne travaille. Si vous vous occupez de passeports dans cette région, vous devriez être au courant de cela. De toute évidence, quelqu'un vous en parlera puisque cela relève de vous. C'est à nous de soulever ces questions.
Je suis préoccupée parce que Mme Torsney a soulevé la question et que c'est une possibilité très réelle. Cela se produira. Je voulais simplement vous dire que j'espère que vous en tiendrez compte. En tout cas, je suivrai le conseil de madame la présidente et j'en parlerai aux personnes concernées.
La présidente: Monsieur Discepola.
[Français]
M. Discepola (Vaudreuil): Bien que cette question ait déjà été soulevée, il me semble qu'un contribuable devrait avoir l'obligation juridique de produire un rapport d'impôt. À ma connaissance, ce n'est pas le cas à l'heure actuelle. Je ne suis donc pas, comme contribuable, dans l'obligation de remplir un rapport d'impôt.
Il me semble que si je voulais éviter ma conjointe, je pourrais facilement calculer grosso modo le montant d'impôt dû et peut-être arriver à égalité. Dans le cas présent, vous n'avez pas vraiment de mécanisme pour retracer la personne qui agit ainsi.
Je crois comprendre qu'un employeur a l'obligation de vous produire sous forme écrite les T-4 à chaque année. Si on avait recours à l'électronique pour produire les T-4, vous pourriez peut-être repérer le contribuable qui n'a pas rempli son formulaire d'impôt. Est-il nécessaire d'apporter des modifications à la loi pour pouvoir retracer un plus grand nombre de contribuables qui évitent la procédure?
M. Lefebvre: Même dans le cas de personnes qui n'ont pas d'impôt à payer, la loi autorise le ministre à demander qu'une déclaration d'impôt soit produite. La loi le permet déjà.
M. Discepola: Mais ce n'est que rarement utilisé.
M. Lefebvre: C'est rarement utilisé parce qu'on dépense notre énergie à obtenir des déclarations d'impôt des gens qui, à notre connaissance, ont suffisamment de revenus pour payer de l'impôt. Comme je le disais plus tôt, nous nous pencherons sur cette question. Après avoir été avisés par le ministère de la Justice que quelqu'un est en défaut de payer une pension alimentaire, nous tenterons de savoir si cette personne n'a pas soumis de rapport d'impôt parce qu'elle n'a pas suffisamment de revenus pour payer de l'impôt ou bien parce qu'elle veut éviter que son remboursement soit envoyé à la personne qui prend soin des enfants.
Nous allons examiner la politique que nous avons à cet égard et voir s'il ne serait pas possible d'avoir une politique pour demander à de telles personnes de soumettre un rapport d'impôt.
M. Discepola: Est-ce qu'on devrait obliger un divorcé à produire son rapport d'impôt dans le cadre du projet de loi C-41? Est-ce que vous iriez jusque-là?
M. Lefebvre: La question que vous soulevez est large. Il y a beaucoup de gens qui n'ont tout simplement pas de revenu, qui n'ont pas à produire de rapport d'impôt et qui n'ont peut-être pas de pension alimentaire à payer.
M. Discepola: Je ne parle que des cas...
M. Lefebvre: Vous parlez uniquement des gens qui ont des pensions alimentaires à payer?
M. Discepola: Oui.
M. Lefebvre: Je pense que les pouvoirs nécessaires existent déjà dans la loi actuelle. Exceptionnellement, et les cas dont on parle sont assez exceptionnels, nous pouvons le faire en ayant recours à nos pouvoirs administratifs et aux pouvoirs que le ministre détient en vertu de la loi actuelle.
M. Discepola: Donc, vous ne croyez pas qu'il y aura à l'avenir un abus général qui...
[Traduction]
La présidente: Monsieur DeVillers.
M. DeVillers (Simcoe-Nord): Merci, madame la présidente.
M. Lefebvre a parlé dans son exposé de l'article 19 du projet de loi C-41, qui permettrait aux organismes provinciaux chargés d'exécuter les ordonnances, d'avoir recours à la base de données de Revenu Canada. Il s'inquiétait de ce que certains contribuables pourraient réagir de façon négative à la divulgation de cette information.
Dans le texte de l'exposé, vous dites: «aussi est-ce pour le ministère une question qu'il devra gérer avec circonspection». Je me demandais simplement si vous pourriez nous en dire un peu plus sur ce que vous entendez par «gérer avec circonspection». Il me semble assez clair que l'article dispose que l'information sera communiquée. Comment allez-vous gérer cela à la lumière des dispositions du projet de loi?
M. Lefebvre: Il s'agira de travailler avec nos gens sur le terrain. Il s'agira de décider de la façon de communiquer avec le public. Nous sommes d'avis que les contribuables estiment que Revenu Canada protège l'information fournie.
Dans ce cas-ci, il s'agit d'une légère déviation dans des cas particuliers, de telle sorte que nous devrons être proactifs dans nos communications avec le public afin de lui faire comprendre que ce n'est que dans des cas bien particuliers, quand un intérêt public supérieur est en cause, que nous communiquerons des informations et que, même dans ces cas-là, nous veillerons à appliquer les mesures de sauvegarde voulues. Nous n'allons pas par exemple nous mettre à donner l'adresse de la personne à tout un chacun. Nous travaillerons avec le ministère de la Justice et les organismes provinciaux. Ce sera donc utile, mais uniquement dans la mesure où l'exige le programme.
M. DeVillers: Voulez-vous dire par là un programme de communication, pour que les gens comprennent la quantité limitée d'information qui sera diffusée?
M. Lefebvre: Oui.
La présidente: Monsieur Maloney.
M. Maloney: Avez-vous une idée du nombre de demandes que vous recevrez? Je m'inquiète du temps qu'il faudra pour transmettre l'information et que celle-ci suive les voies de communication dans le système. Allez-vous demander à une de vos sections de le faire ou aurez-vous besoin de ressources supplémentaires?
M. Lefebvre: Le projet de loi C-41 prévoit certains coûts relatifs à la transition, pour ce qui est des enquêtes, de la mise sur pied de systèmes, notamment. Mais nous renvoyons déjà sur une base permanente les remboursements qui nous parviennent au ministère de la Justice, lorsqu'il nous le demande. Vous voyez que cela ne nous coûtera pas beaucoup plus cher de donner, sur demande, les adresses des payeurs délinquants de même que les noms et adresses de leurs employeurs.
M. Maloney: Combien de temps cela prendra-t-il, d'après vous?
M. Lefebvre: Nous pouvons répondre assez rapidement. L'essentiel, c'est que l'information reçue soit bonne. Nous voudrons d'abord nous assurer que nous transmettrons la bonne information au sujet de la bonne personne.
M. Maloney: Si je travaille pour deux employés ou plus au cours d'une même année, allez-vous transmettre les noms de tous mes employeurs? En regardant mon formulaire T4, vous ne pouvez pas nécessairement connaître le nom de mon dernier employeur, n'est-ce pas?
M. Lefebvre: Nous ne pouvons transmettre que l'information que nous avons.
M. Maloney: Mais vous transmettez toute l'information que vous avez.
M. Lefebvre: Nous donnerions le nom et l'adresse de l'employeur, mais notre information n'est pas toujours à jour. Les déclarations ne nous parviennent qu'une fois par an, et nous pouvons toujours donner l'adresse du contribuable qui a rempli la déclaration de l'année précédente. Tout dépend du moment auquel nous parvient la demande, et selon qu'il s'agit ou non de la saison de l'impôt, nous aurons peut-être quelques rajustements à faire.
M. Maloney: Que faites-vous si je vous donne comme adresse un casier postal dans une succursale postale? Avez-vous des moyens de faire plus?
M. Lefebvre: Nous ne pouvons transmettre que ce que nous avons. Nous n'avons aucun programme qui nous permette de jouer au détective. Le projet de loi nous oblige à utiliser nos banques de données pour faciliter l'application du programme. Mais nous n'avons pas à faire d'enquêtes spéciales qui iraient au-delà de l'information qui nous parvient pour remplir nos obligations en vertu de la loi.
M. Maloney: Merci.
Monsieur Francoeur, j'ai toujours cru que je ne pourrais pas obtenir de passeport canadien si j'avais un casier judiciaire. Vous avez dit que vous ne faisiez aucune vérification auprès du CIPC ni...
M. Francoeur: Non.
M. Maloney: Ai-je été dans l'erreur pendant toutes ces années?
M. Francoeur: Si vous avez un casier judiciaire, cela ne viendra pas vous hanter jusqu'à la fin de vos jours. En vertu des règlements régissant l'octroi des passeports, nous ne pouvons refuser de délivrer un passeport si vous avez un casier judiciaire. Sans quoi, la règle de la double incrimination s'appliquerait et vous seriez doublement pénalisé. Mais nous pouvons toujours refuser de vous délivrer un passer, comme, par exemple, si vous êtes accusé d'avoir commis un acte criminel. Il est sûr que nous ne voulons pas émettre un passeport à quiconque pourrait essayer de s'enfuir du Canada.
M. Maloney: Mais comment savez-vous si quelqu'un a été mis en accusation?
M. Francoeur: Nous faisons des vérifications. J'avais uniquement mentionné le cas de double citoyenneté. Lorsque vient le temps d'étudier les demandes de citoyenneté dans les autres pays, je ne sais pas quels sont les critères que l'on applique au moment d'accorder la citoyenneté. Mais je peux vous assurer que les autres pays ne vérifient pas auprès de mon bureau pour savoir si un Canadien a un casier judiciaire ou pas, car je ne suis ni la GRC ni un organe d'application de la loi. Je ne représente que le bureau des passeports. Les vérifications se font auprès d'autres agences, et pas de nous.
La présidente: Merci. Y a-t-il d'autres questions?
Mme Jennings: Je m'intéresse au tiers saisi, puisque l'intention de procéder à une saisie-arrêt ne sera plus considérée comme un facteur, ce qui est sans doute une bonne chose dans le cas de ceux qui sont vraiment en défaut.
Le projet de loi prévoit actuellement que le tiers saisi a droit à 30 jours pour réagir et faire ce qu'il faut pour rembourser ses dettes. Si ce délai ne suffisait pas - pour fausse déclaration sous serment ou pour une autre raison - y a-t-il quelque chose de prévu qui permette de prolonger ce délai à 50 jours, par exemple? Y a-t-il quelque chose de prévu en cas d'urgence, comme si vous étiez à l'étranger, par exemple?
M. Francoeur: Je n'ai pas compris votre question. Pourriez-vous la répéter? Vous parlez de quelqu'un qui serait à l'étranger...
Mme Jennings: Si vous travaillez à l'étranger du pays et que l'on vous menace de révoquer votre passeport, ou que les démarches ont été entreprises et que vous êtes passible d'une saisie-arrêt sur votre traitement, vous avez un préavis de 30 jours. Il vous faudra donc vous présenter devant une tribune quelconque pour interjeter appel de cette décision ou pour la faire annuler si vous la jugez injuste. Existe-t-il une procédure quelconque qui permette de prolonger ce délai de 30 jours? Rappelez-vous qu'en l'occurrence, il n'est plus question de procéder à une saisie-arrêt.
La présidente: Madame Jennings, je ne crois pas que les représentants du Bureau des passeports ni ceux du ministère de Revenu puissent vous répondre là-dessus. Si le salaire a été saisi...
Mme Jennings: Mais nous avons parlé du tiers saisi, et j'espérais que l'on puisse répondre à ma question.
La présidente: Je vous rappelle que le ministère du Revenu n'applique une ordonnance de saisie-arrêt qu'au moment où il s'apprête à verser de l'argent. Revenu Canada n'est au courant de rien d'autre. Monsieur Lefebvre est peut-être un spécialiste des relations entre débiteurs et créanciers, mais j'en doute.
Mme Jennings: Vous ne savez donc rien d'une éventuelle prolongation?
La présidente: Vous devriez poser la question aux représentants du ministère de la Justice.
Messieurs, merci beaucoup de votre aide.
Nous levons la séance jusqu'à 15 h 30, et nous accueillerons alors, dans cette même salle, les représentants de la «Advocates Society».