[Enregistrement électronique]
Le mardi 22 octobre 1996
[Traduction]
La présidente: La séance est ouverte. Nous reprenons l'examen du projet de loi C-41, la Loi modifiant la Loi sur le divorce, la loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales et d'autres lois fédérales.
Nous allons entendre ce soir trois témoins qui représentent trois groupes différents. Du Canadian Council for Co-Parenting, nous avons Patrick Mullin, président. De Kids Need Both Parents, nous avons Kirk Cavanagh, qui vit dans la circonscription de Tony Valeri, paraît-il. Nous avons également Glenn Cheriton et L.J. Bouchard, qui représentent la National Association for the Advancement of Non-Custodial Parents.
Soyez les bienvenus. Je crois que chacun d'entre vous veut faire un bref exposé.
Monsieur Mullin, vous avez un vidéo à présenter, n'est-ce pas?
M. Patrick Mullin (président, Canadian Council for Co-Parenting): C'est exact.
La présidente: Nous allons donc visionner le vidéo, et nous passerons ensuite aux autres exposés.
M. Mullin: Votre vidéo contient beaucoup de statistiques et de témoignages. Nous avons pensé que le vidéo confirmerait notre raison d'être - à savoir, que nous considérons que le projet de loi C-41 manque d'équilibre et qu'une foule de choses le confirment.
Ne nous prenez pas au mot. Nous vous demandons simplement de bien vouloir suivre le vidéo avec beaucoup d'attention. Sa préparation représente un gros travail de notre part.
[Présentation du vidéo]
M. Mullin: Je me sens tout à fait à l'aise ici puisque deux personnes de Windsor, en Ontario, sont présentes.
Je voudrais faire trois remarques essentielles à propos de ce film. À notre avis, le projet de loi C-41 ne répond pas aux problèmes qui se posent dans ces domaines. Il n'a certainement pas été conçu dans l'intérêt des enfants. Si vous n'intervenez pas immédiatement cela revient probablement à dire à un parent... Cela revient à dire qu'il faut qu'il paie la pension alimentaire mais il n'est pas question qu'il vienne vous importuner si on l'empêche de voir ses enfants.
J'ai vécu cela. J'ai versé une pension alimentaire. J'en touche une maintenant. Ma fille vit avec moi. J'ai donc connu les deux aspects de la situation. C'est une façon cruelle, inhumaine, de traiter... et nous ne voyons pas pourquoi on ne pourrait pas faire autrement. Le film est éloquent à ce sujet.
Dans ses remarques, la psychiatre faisait allusion à une étude du U.S. Bureau of Statistics qui a été rendue publique l'an dernier. Elle parlait de la pension alimentaire. Le principal objectif de la loi est manifestement d'obliger les gens à verser une pension alimentaire. Il ne viendrait certainement à l'esprit de personne à cette table de dire que les parents devraient disparaître sans plus se soucier de leurs responsabilités à l'égard de leurs enfants ou de leur famille.
Nous savons qu'aucune étude n'a été faite au Canada sur les parents qui n'ont pas la garde de leurs enfants - sauf erreur de ma part - la seule que j'ai trouvée date de 1981.
Cette étude, dont je vais vous lire le texte car je ne veux pas commettre d'erreur, indique
- Un pourcentage plus élevé de pères ayant la garde conjointe de leurs enfants versaient une
pension alimentaire (85 %) que de pères qui avaient un droit de visite (62 %), ou de pères qui ne
jouissaient ni du droit de garde conjointe ni du droit de visite (56 %).
- Ce que je veux montrer c'est que, l'objectif du gouvernement a toujours été que la pension
alimentaire soit payée.
Deuxièmement, je voudrais vous parler de l'État de Floride à cause du lien entre la pension alimentaire et la garde des enfants. Nous en avons beaucoup entendu parler. L'État de Floride l'a bien compris et a refusé d'établir un lien entre les deux responsabilités. Ce que nous vous demandons est que vous traitiez les deux choses dans un esprit d'équité. Si vous ostracisez un parent en l'empêchant de voir ses enfants... Vous avez des enfants, j'en suis certain. Songez-y.
Je vais également vous lire verbatim ce document de l'État de Floride:
- [TRADUCTION] 4(a) Lorsqu'un parent n'ayant pas la garde de ses enfants fait l'objet d'une
ordonnance alimentaire au profit d'un enfant ou d'un époux, le parent ayant la garde des enfants
ne peut pas refuser de respecter les droits de visite de l'autre parent.
- 4(b) Lorsqu'un parent ayant la garde d'un enfant refuse de respecter les droits de visite de
l'autre parent, celui-ci devra cependant continuer à observer l'ordonnance alimentaire au profit
de l'enfant ou de l'époux.
- Il est donc possible de le faire. Ce n'était pas très long. J'espère pouvoir répondre.
À propos du partage des responsabilités parentales, de cette question d'accès et de garde, pouvez-vous honnêtement dire que si vous vous en occupez dès maintenant... ne pouvez-vous pas aussi aider les grands-parents? C'est une question que je veux poser à tout le monde. Les lois de la Floride prévoient tout cela. Je vous pose donc la question.
Si vous régliez la question de l'accès et de la garde, vous augmenteriez d'au moins un tiers l'observation de l'ordonnance alimentaire, et vous aideriez du même coup un grand nombre de parents qui n'ont pas la garde de leurs enfants mais qui les aiment. Je vais laisser le soin à Liliane de vous parler du troisième point. Pendant les deux années où j'ai travaillé sur la colline parlementaire, la question des grands-parents était à l'ordre du jour, et tout le monde disait qu'il était impossible de faire quoi que ce soit.
Dites-moi donc pourquoi. La Loi sur le divorce est aujourd'hui à l'étude. Si l'on ne fait rien, quand sera-t-elle soumise à un nouvel examen? Je vous en prie, répondez-moi franchement.
Mme Liliane George (présidente, Grandparents Requesting Access and Dignity Society): En tant que grands-parents, nous sommes témoins des problèmes que crée un divorce. Nous voyons combien nos fils et nos filles souffrent lorsqu'ils n'ont pas accès à leurs enfants. Nous voyons combien souffrent nos petits-enfants. C'est une catastrophe pour les familles. Pas seulement pour les grands-parents mais aussi pour les tantes, les oncles et les cousins. C'est un désastre. Cela suscite tant de peines et de souffrances, et ce sont les enfants qui souffrent le plus.
Nous vous demandons instamment de modifier la Loi sur le divorce de manière à ce que la garde conjointe soit toujours accordée. Cela résoudrait tant de problèmes. Offrons donc la justice et la paix à nos familles.
La présidente: Merci.
Le témoin suivant est M. Cavanagh, de Kids Need Both Parents.
M. Kirk Cavanagh (président, Kids Need Both Parents): Merci. Je suis venu de Hamilton, en Ontario, pour vous parler au nom de notre organisation, Kids Need Both Parents. C'est une association de bienfaisance constituée en société. Nous avons pour mandat d'aider les parents en voie de séparation et de divorce à s'adapter à leurs nouveaux rôles, afin d'atténuer, dans toute la mesure du possible, les conséquences négatives de la séparation et du divorce sur les enfants. Nous sommes tous des bénévoles, nous nous finançons nous-mêmes et nous recevons plus de 5 000 demandes d'aide, mais nous sommes totalement incapables de répondre à certaines de ces demandes.
Nous connaissons parfaitement bien tous les problèmes liés à la séparation et au divorce, et en particulier aux difficultés financières que cela crée. Mais il y a bien d'autres problèmes, dont certains très graves.
J'ai parlé tout à l'heure à mon député, Tony Valeri. Au cours de l'année écoulée, M. Valeri a perdu huit de ses mandants. Ils sont morts. Ils sont tous morts dans les trois mois qui ont suivi leur séparation: Steve Matesic, son ex-femme; Eugene Banks et ses deux enfants; Fran Piccolo et ses deux enfants, il y a trois semaines.
Ce sont des morts qui n'auraient pas pu être empêchées par ce projet de loi qui est bien loin d'offrir des solutions aux problèmes, aux graves problèmes liés au droit de la famille.
Nous ne connaissions aucune de ces personnes à Kids Need Both Parents, mais la perte de ces voisins, qui étaient des parents aimants et des citoyens productifs est aussi une perte pour nous tous. Notre organisation considère que l'établissement de lignes directrices concernant les pensions alimentaires est nécessaire et inévitable. Nous estimons aussi cependant que votre projet de loi est bien loin de reconnaître les besoins réels des enfants après une séparation ou un divorce.
À notre avis, c'est mettre la charrue avant les boeufs que de postuler un stéréotype social vieux de 40 ans au sujet du mariage et de sa dissolution, et cela n'a aucun rapport avec les réalités des années 90. Au cours de la séance de l'après- midi, nous avons entendu un témoin expliquer qu'à son avis, dans près de 25 p. 100 des ententes, la garde est déterminée selon un rapport de 40 p. 100, 60 p. 100. Ce projet de loi n'en tient absolument pas compte. Il postule l'absence d'un parent, ce qui n'a rien à voir avec la réalité actuelle. Nous refusons donc d'appuyer le projet de loi C-41 sur les dix points suivants:
Premièrement, il est inutile. La Cour suprême du Canada a, dans l'arrêt Thibaudeau, statué que les dispositions législatives actuelles sont tout à fait suffisantes.
Deuxièmement, l'hypothèse qui sous-tend la proposition est fallacieuse. Je participe à cette initiative depuis 1991, année où le document de travail original a été publié. Un livre de Lenore Weitzman est cité à la page 1 de ce document - or, il vient d'être prouvé que les recherches comportent de graves erreurs. Il s'agit d'un rapport de 1985 sur 63 couples du comté de Los Angeles qui ont divorcé en 1978. Je dois ici m'inscrire en faux contre M. Mullin car je ne pense pas qu'il soit bon d'adopter une loi qui serait fondée sur des recherches faites dans un pays étranger il y a 15 ou 20 ans.
Troisièmement, les parents sont privés des moyens de subvenir aux besoins de leurs enfants. Cette loi transférera le fardeau fiscal... de la personne qui gagne normalement le moins à celle qui gagne le plus et à un taux d'imposition marginal plus élevé. D'après les calculs de M. Martin, cela permettra de prendre 240 millions de dollars par an aux parents quelle que soit la manière dont cette somme sera répartie et de la verser dans les coffres du gouvernement fédéral. Je ne vois pas comment mes enfants, ou n'importe quels autres enfants, bénéficieront du fait que cet argent sera enlevé à leurs parents et récupéré par le gouvernement.
Quatrièmement, on refusera aux familles intactes les avantages offerts aux familles dans lesquelles les parents sont divorcés. Lorsque nous sommes mariés, nous utilisons nos revenus après impôt pour pourvoir aux besoins de nos enfants, tandis que les parents divorcés qui ont la garde de leurs enfants, bénéficient déjà d'avantages fiscaux qui équivalent à ceux des parents mariés, ce qui les favorise. Ils jouiront en plus maintenant d'un revenu non imposable, ce qui contrevient, à notre avis, aux dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés concernant l'égalité en créant une discrimination fondée sur l'état civil. Dans de nombreux cas, ils jouiront aussi d'un autre avantage fiscal puisqu'un parent divorcé ayant la garde de ses enfants peut payer, par exemple, des services de garde qui sont exonérés d'impôt et bénéficier d'un avantage fiscal pour son revenu libre d'impôt.
Cinquièmement, selon les avocats auxquels j'ai parlé, les dispositions législatives peuvent être contournées (et le seront). Mais lorsque que les parents qui divorcent ou se séparent coopèrent - on me dit que près de 95 p. 100 des ordonnances alimentaires sont le fruit d'un accord mutuel - ce sont les parents qui s'entendent - le juge ne fixe pas de montant. Les parents peuvent alors moduler leur entente en ce qui concerne la pension alimentaire au conjoint, de manière à circonvenir ces dispositions législatives. Ils peuvent s'entendre sur les mêmes conditions que celles qui vaudraient pour une ordonnance de pension alimentaire et éviter ainsi les conséquences fiscales.
Sixièmement, les coûts de l'aide sociale augmenteront. Il y a déjà beaucoup de gens qui décident que le genre de vie n'est pas fait pour eux et qui abandonnent la population active pour se rabattre sur l'aide sociale. Autrement dit, ils cessent d'être des contribuables pour devenir un fardeau fiscal. Les lignes directrices proposées auront pour effet d'augmenter de 32 p. 100 l'ordonnance de pension alimentaire moyenne. Cela ne fera qu'encourager de plus en plus de personnes à abandonner la population active pour devenir des assistés sociaux.
Septièmement, les enfants seront privés de leurs parents. Les lignes directrices ne proposent aucune modulation pour les parents tendres et aimants qui, même s'ils n'ont pas la garde de leurs enfants, demeurent présents dans la vie de ceux-ci. Les parents seront contraints d'assurer le soutien total de leurs enfants lorsqu'ils les auront avec eux, tout en assumant la part du lion des coûts au foyer du parent à qui la garde a été confiée. Ils seront incapables de le faire. L'augmentation de 32 p. 100, lorsqu'elle interviendra, les fera fuir. On a montré à maintes reprises que l'absence d'un parent dans la vie d'un enfant est le principal facteur de prédiction de la toxicomanie, de la précocité sexuelle, de l'activité criminelle et du suicide qui, tous, entraînent des coûts sociaux. Notre société ne peut pas se permettre de traiter ainsi nos enfants.
Huitièmement, le coût des mesures d'exécution augmentera. Les membres du personnel de M. Rock ont déjà reconnu que 90 p. 100 des problèmes d'arriéré sont insolubles. Les responsables n'ont pas les moyens de payer. Dix pour cent seulement de ces arriérés s'expliquent par l'intransigeance des payeurs. Cette situation se présente lorsque les payeurs quittent la population active ou en sont chassés. Ils se retrouvent alors dans une situation inextricable. Ils n'ont pas les moyens d'honorer leurs ordonnances de pension alimentaire ni de s'assurer les services d'un avocat afin d'obtenir la révision d'une ordonnance désuète.
Neuvièmement, les coûts de l'administration judiciaire augmenteront. M. Martin est parti du principe que ces lignes directrices permettront d'éviter de nombreux litiges. Je suis d'accord, mais je pense également qu'on assistera à une augmentation des litiges ayant trait à la garde lorsque les gens se rendront compte de la gravité des pénalités associées à la perte de la garde.
Enfin, les dispositions législatives s'attaquent à un faux problème. Toutes les mesures d'application adoptées par le gouvernement de l'Ontario se sont soldées par un échec. Au cours des quatre dernières années, depuis le début de la saisie automatique qui était censée résoudre le problème, les arriérés sont passés de 470 millions de dollars à près du double, soit 900 millions de dollars.
Le vrai problème - il y était fait allusion dans le film de Patrick - tient au fait que moins de dix pour cent de parents se placent volontairement en défaut. Je tiens ce chiffre du bureau de M. Rock, le ministre de la Justice. En fait, une étude faite à Calgary en 1992, et non pas dans un pays étranger, a montré que de 38 p. 100 à 55 p. 100 des parents ayant la garde de leurs enfants refusent de manière répétée le droit de visite à l'autre parent. Ce qui est surprenant c'est que moins de dix pour cent des payeurs refusent d'honorer leurs obligations alors que près de la moitié des parents qui ont la garde ne se considèrent pas liés par les dispositions de la même ordonnance concernant l'accès.
Nous ne croyons pas que ce projet de loi permettra de répondre aux besoins des enfants. Nous estimons que la question de la pension alimentaire au profit des enfants ne peut pas être réglée isolément étant donné tous les autres problèmes qui se greffent sur toute séparation ou divorce, problèmes dont il n'est pas tenu compte ici.
Nous pensons que le coût ultime de ces dispositions législatives ne se mesurera pas seulement par une augmentation des coûts de services sociaux et par la perte de recettes fiscales mais par des cas tels que ceux des Matesic, des Banks et des Piccolo, qui serviront, au moyen de l'examen quadriennal, d'épitaphes tragiques à la politique à courte vue qui inspire le projet de loi. Sous sa forme actuelle, celui-ci ne peut que nuire à nos enfants. Nous refusons donc de l'appuyer.
Nous pressons le comité de renvoyer ce projet de loi devant le comité fédéral- provincial du droit de la famille, de lui enjoindre de remplir son mandat et d'élaborer une proposition intégrée répondant aux besoins des enfants et de chercher une solution aux problèmes inhérents à la garde, au droit de visite et à la pension alimentaire.
Je vous remercie.
La présidente: Merci, monsieur Cavanagh.
Nous allons maintenant entendre M. Cheriton, de la National Alliance for the Advancement of Non-Custodial Parents. Monsieur Cheriton, vous avez la parole.
M. Glenn Cheriton (chercheur, National Alliance for the Advancement of Non-Custodial Parents): Merci, Madame la présidente. Notre organisation a été crie en 1984 afin de pouvoir intervenir dans l'affaire Thibaudeau devant la Cour suprême. En fin de compote, nous avons échoué et une seule partie a été entendue.
Je souhaiterais que le comité accepte que notre mémoire intégral soit joint au compte rendu. Nous disposons de peu de temps, et nous serons probablement obligés de glisser sur certaines parties de notre mémoire.
La présidente: Nous l'avons déjà; il fera automatiquement partie du compte rendu.
M. Cheriton: Merci.
Je voudrais tout d'abord vous expliquer comment notre exposé est organisé. Lorsque j'ai entrepris l'examen du projet de loi C-41, j'ai découvert qu'en 1995, le gouvernement avait pour politique d'exiger que toutes les nouvelles initiatives législatives soient soumises à une analyse fondée sur le sexe. Lorsque j'ai pris contact avec le ministère de la Justice et celui des Finances, j'ai appris qu'aucune de ces analyses n'était disponible. Nous avons donc examiné les groupes qui seraient touchés par le projet de loi C-41 et nous avons effectué notre propre analyse fondée sur le sexe afin d'essayer d'obliger le gouvernement à se conformer à sa propre politique.
Notre première section examine l'impact du projet de loi C-41 sur les hommes chefs de famille monoparentale. Il y avait 170 000 hommes chefs de famille monoparentale en 1991 - ces chiffres nous ont été fournis par l'Institut Vanier de la famille - ce qui représentait 22 p. 100 des familles monoparentales. Selon Revenu Canada, le nombre de pères chefs de famille monoparentale touchant une pension alimentaire était de 6 760 en 1992, soit environ quatre pour cent. Donc, le non- paiement de pensions alimentaires par les mères pourrait atteindre 96 p. 100. Il faut de toute urgence effectuer une étude sur les pères chefs de famille monoparentale et sur les raisons du non-versement des pensions alimentaires.
Deuxièmement, le pourcentage des pères chefs de famille monoparentale bénéficiant d'une ordonnance alimentaire prise par un tribunal est de 30 p. 100. Ces données sont fournies par le rapport Ross Finnie de janvier 1995 à Justice Canada. Elles sont tirées des dossiers de Statistique Canada relatifs à toutes les décisions des tribunaux depuis 1991. Il semble donc que les juges sont susceptibles de refuser trois fois plus souvent une pension alimentaire aux hommes chefs de famille monoparentale.
Le montant des pensions alimentaires versées par des femmes à des pères de famille monoparentale était de 22 millions de dollars, en 1991. Il était de 18 millions de dollars en 1992. La réduction en pourcentage du montant de ces pensions alimentaires est donc de 17,2 p. 100. Sur plus de six ans, la baisse est massive.
Cette importante diminution peut être due aux effets négatifs de la partialité et de l'inefficacité de l'engagement gouvernemental à l'échelon provincial. Selon le Newsweek et d'autres sources, les familles monoparentales dont le chef est un homme constituent, en pourcentage, le type de famille dont le nombre croît le plus rapidement en Amérique du Nord.
Le total des pensions alimentaires versées par des femmes à des hommes chefs de famille monoparentale, comme je viens de l'indiquer, lorsqu'on considère que le montant moyen touché par ces derniers, est d'environ 100 $ par an. Cela représente environ 6 à 7 $ par mois et par enfant.
Le projet de loi C-41 ne prévoit aucun mécanisme garantissant aux hommes chefs de famille monoparentale une part égale des pensions alimentaires, des montants alloués par les tribunaux, des recouvrements ou des paiements.
Le nombre de pères chefs de famille monoparentale admissibles à ce qui équivaut à une déduction fiscale d'homme marié était de 78 000 en 1995, selon le DRHC. Les hommes chefs de famille monoparentale ne peuvent pas prétendre à des exemptions fiscales probablement parce qu'ils versent des pensions alimentaires au profit d'un enfant ou d'une épouse. Ainsi, au moins 92 000 pères chefs de famille monoparentale paient une pension alimentaire en plus d'être le principal responsable de la garde des enfants.
Ces familles et leurs enfants seraient encore davantage appauvries par les impôts plus élevés sur les pensions alimentaires que propose le projet de loi C-41 dont l'impact sur les pères chefs de famille monoparentale et leurs enfants n'a fait l'objet d'aucune étude.
Actuellement, les provinces ne fournissent aucune ventilation selon le sexe des ordonnances alimentaires et des pensions effectivement versées. Le projet de loi C-41 ne prévoit pas de fonds visant à garantir que les provinces effectuent une telle ventilation, ou encore moins qu'elles surveillent les manifestations actuelles de parti pris lié au sexe en ce qui a trait aux ordonnances alimentaires et à la perception des pensions.
Les pères chefs de famille monoparentale signalent que certains tribunaux de divorce ne sont pas disposés à exiger des mères qu'elles versent les pensions actuelles, encore moins les sommes considérables exigées en vertu du projet de loi C-41. Il se peut donc que ces pères éprouvent plus de difficultés à obtenir une décision équitable en ce qui concerne la garde des enfants.
À cause des pensions alimentaires élevées et des obligations fiscales rigoureuses prévues par le projet de loi C-41, il est probable qu'on recourra à des tactiques désespérées de confrontation pour obtenir la garde des enfants. Le résultat: des honoraires d'avocat élevés et d'énormes frais judiciaires, la pauvreté pour les enfants, l'amertume chez le parent qui obtient la garde comme chez celui qui ne l'obtient pas.
Déjà, la majorité des affaires portées devant les tribunaux de la famille en Ontario sont intentées par des parents qui cherchent à avoir un droit de visite. Le renseignement a été fourni par Marilyn Bongard de Justice Canada. La Cour supérieure du Québec consacre 86 p. 100 de son temps à des questions de divorce, de droit de visite, de garde des enfants et de pensions alimentaires. Ce renseignement a été par Ricardo Di Done, chef de l'Organisation pour la sauvegarde des droits des enfants à Montréal.
Les sommes que les trois ordres de gouvernement consacrent aux mères chefs de famille monoparentale - c'est un renseignement qui m'a été fourni par le Caledon Institute of Social Policy - est de 6,1 milliards de dollars. Les montants correspondants pour les pères chefs de famille ne semblent pas être disponibles, mais si vous combinez cela avec les données contenues dans les rapports de DRHC sur les congés parentaux, on constate qu'environ 1,5 p. 100 de cette somme est payée aux pères. En ce qui concerne les crédits fiscaux et autres montants, vous constaterez que le crédit fiscal moyen pour TPS versé aux mères chefs de famille monoparentale est d'environ 40 p. 100 plus élevé que pour les familles intactes, alors que le montant moyen versé aux pères chefs de famille monoparentale, est en moyenne inférieur. Nous croyons que le projet de loi C-41 ne fera qu'aggraver ce déséquilibre.
Jason, à vous.
M. Jason Bouchard (coordonnateur, National Alliance for the Advancement of Non-Custodial Parents): Ce que nous voulons à tout prix éviter c'est de donner l'impression qu'il ne s'agit que d'une tentative de plus pour salir les autres, ce qui arrive souvent dans ce genre de discussions. Il reste en fait énormément de recherches à faire pour déterminer la cause de ces écarts entre les sexes en ce qui concerne la pension alimentaire versée et reçue. C'est cela qui est important.
Le gouvernement a dit qu'il veut, et qu'il a absolument besoin, d'effectuer une analyse fondée sur le sexe pour toute nouvelle disposition législative. Il est bien évident qu'il n'a absolument rien fait dans ce domaine. Avant que ne se produisent ces changements considérables en ce qui a trait aux mères qui n'ont pas la garde de leurs enfants, qui pourraient en théorie représenter 20 p. 100 de ce qu'elles paient actuellement, il faut voir ce qui se passe.
Je ne dis pas qu'il n'y a pas d'explications valables à la situation actuelle, mais si nous décidons d'autorité qu'une femme sur six qui n'a pas la garde de ses enfants subira une augmentation 20 fois supérieure à ce qu'elle est pour la plupart des pères n'ayant pas la garde de leurs enfants, il serait bon d'examiner la question et de la régler avant d'aller plus loin. Cela me paraît cependant peu probable.
Comme les femmes divorcées ont en général un revenu plus bas, elles se retrouveront au bas de l'échelle lorsqu'elles devront verser une pension alimentaire. Si vous avez jamais consulté les barèmes des pensions alimentaires, vous avez vu que le pourcentage est beaucoup plus élevé au bas de l'échelle. Donc, la pension alimentaire représente un pourcentage plus élevé du revenu des pauvres, groupe auquel les mères qui n'ont pas la garde de leurs enfants ont plus de chances d'appartenir.
Toutes ces questions n'ont pas encore été examinées, en dépit du fait que le gouvernement a pour politique de le faire.
Il y a bien des raisons pour lesquelles l'argent n'est pas disponible. Par exemple, les coûts élevés de visite et, encore une fois, le revenu plus bas. Il y a toutes sortes de raisons possibles, mais il faut les connaître avant de se lancer à l'aveuglette en faisant quelque chose qui ne tient pas compte de ces éléments.
La femme qui représentait le groupe d'intervenants, cet après-midi, a mentionné l'emploi du terme «contrainte excessive» et la manière dont un juge interpréterait ce terme. Certains considèrent que de demander à une personne qui a un revenu de 10 000 $ ou moins de payer une pension alimentaire alors que l'autre personne a un revenu nettement supérieur, constitue une contrainte excessive.
Mais je le répète, nous allons nous retrouver dans une situation où chaque juge donnera sa propre interprétation. Les énormes écarts actuels pourraient fort bien réapparaître. Nous n'en savons rien. Étudions donc ces écarts avant d'en créer une nouvelle série. C'est cela qu'il faut faire.
Les mères qui n'ont pas la garde de leurs enfants constituent indiscutablement un groupe très marginalisé. Si vous croyez que les mauvais payeurs parmi les pères qui n'ont pas la garde de leurs enfants nous valent beaucoup de mauvaise presse, vous pouvez vous imaginer ce qui se passe pour les femmes lorsqu'on leur dit qu'elles ont abandonné leurs enfants à des hommes. Elles sont donc effectivement un groupe très marginalisé. Il n'y a aucune action sociale en leur faveur. Aucun effort n'a été fait pour étudier l'impact d'une telle situation sur elles. Nous semblons nous désintéresser totalement de toute analyse fondée sur le sexe dans ce domaine, qui influe particulièrement sur les groupes fondés sur le sexe très identifiables.
Il en va de même de l'impact sur les grands-parents et sur la famille étendue. Nous n'avons pas fait d'études dans ce domaine. Nous avons entendu Liliane parler de cas où les grands-parents étaient totalement exclus.
Comme nous le savons, dans les familles intactes, le soutien physique et émotionnel et les autres formes de soutien sont offerts par l'ensemble de la famille et pas seulement par les deux personnes dont la tâche principale est d'être parents; pourtant, lorsque nous en parlons ou que nous parlons de la situation générale, il ne s'agit plus tout d'un coup que de gros sous: Par qui va-t-on commencer pour obtenir de l'argent? Il ne s'agit pas de demander si cela va créer de l'hostilité ou de l'animosité, cela semble une injustice. Tout cela a sur les enfants des effets qui sont aussi durables, sinon plus, que les conséquences des montants impayés de la pension alimentaire; pourtant, nous continuons à travailler dans le vide.
Je crois qu'il faut absolument se pencher sur toutes ces questions avant de continuer à se préoccuper que d'un aspect du problème. Comme quelqu'un l'a dit, on étudie cela depuis 1991. C'est le second rapport que j'ai vu qui propose des lignes directrices, bien que le précédent tenait compte des revenus des deux parents. Nous pensons que c'est une approche beaucoup plus équilibrée et franchement, je crois que c'est ce que reflètent les mesures qui vont être prises au Québec, ce dont nous nous réjouissons. Il semble cependant bizarre qu'après tant de temps, les deux autres tiers du problème n'aient pas été abordés.
M. Cheriton: Je voudrais maintenant vous parler des effets sur les familles intactes, qui n'ont pas été non plus étudiés. Il est assez évident que tout impôt non acquitté par des familles séparées devra l'être par les familles intactes. Comme Kirk l'a fait remarquer, les familles séparées qui se mettent d'accord sur ce point pourront bénéficier d'un fractionnement du revenu, ce qui est interdit aux familles intactes.
Comme les familles séparées voient leur avantage fiscal augmenter, je crois que nous pouvons nous attendre à une augmentation du taux de divorce. Les gens n'y croient pas, mais je faisais partie du conseil d'administration d'une garderie d'enfants et j'ai vu des couples se séparer pour pouvoir conserver leur subvention au titre des services de garde. Cela arrive.
La réunification des familles après un divorce deviendra plus difficile à réaliser sur le plan financier en raison de responsabilités antérieures relatives aux arriérés ou aux paiements d'aide sociale. Un reportage de Radio-Canada du dimanche 29 septembre montrait comment la province de l'Alberta poussait en fait une famille intacte - remariée - à l'indigence parce qu'il tenait à recouvrer d'anciennes prestations d'aide sociale.
La pauvreté chez les enfants n'est pas une simple question de prestations d'aide sociale. C'est aussi une question de recouvrements d'argent qui ont pour effet de replonger les enfants dans la pauvreté.
À mon avis, le mariage établit une relation entre un homme et une femme, relation qui est une sorte de programme de promotion sociale permettant d'éliminer un grand nombre de handicaps sociaux dont souffrent les hommes et un grand nombre de handicaps économiques dont souffrent les femmes. Si nous portons atteinte à cette relation, je crois que le tissu social de notre société va se désagréger.
Un des problèmes que pose du projet de loi C-41, c'est sa nature conflictuelle. Le caractère conflictuel de la pension alimentaire, les attentes financières élevées cries chez les femmes et la difficulté croissante pour les hommes de répondre à ces attentes empoisonneront les relations entre les sexes et créeront une véritable guerre des sexes.
Les femmes ne feront plus confiance aux hommes et vice versa. Pour les familles intactes, cela se traduira par une augmentation des taux de divorce ainsi que par une hostilité accrue entre les sexes.
J'ai ici un exemple de seconds mariages dont je ne parlerai pas parce que c'est un peu compliqué.
Il y a aussi les effets des crédits d'impôt sur les familles intactes. Selon l'article de Ross Finnie dans le Canadian Public Policy, si les familles séparées ont un revenu non imposable, ce dont ne bénéficient pas les familles intactes, il est inutile d'accorder des crédits d'impôt aux familles séparées puisque leur revenu est déjà non imposé. Il est donc inévitable que les crédits d'impôt accordés aux familles intactes et aux familles séparées soient soumis à une pression croissante par les gouvernements qui finiront par éliminer tous les crédits d'impôt accordés aux familles.
M. Bouchard: Il y a beaucoup de recherches à faire dans ce domaine. Cela dit en passant, nos enquêtes auprès du ministère de la Justice ne nous ont pas rapporté grand-chose. Pour des raisons qui nous échappent, les données n'étaient pas là ou n'étaient pas tout à fait disponibles. On nous avait promis certains documents mais nous les attendons toujours. Il semble qu'il y ait un grand vide dans ce domaine. Ce que nous craignons c'est que nous changions complètement la manière dont nous traitons le divorce, la plupart des données que nous devrions avoir avant même de démarrer.
La presse a annoncé que les mères ayant la garde des enfants devraient bénéficier d'une augmentation de 30 à 60 p. 100 de la pension alimentaire, mais dans une lettre que nous a adressée, Paul Martin, celui-ci déclarait que les montants pourraient en fait être réduits pour des raisons fiscales. Nous avons des sources au gouvernement et nous avons des copies de la lettre...
M. Cheriton: Nous avons des copies d'une lettre de Paul Martin qui concorde avec notre analyse.
M. Bouchard: Étudiez-la et démolissez notre logique, si vous le voulez, après l'avoir lue. Il est clair qu'au gouvernement, en tout cas aux ministères de la Justice et des Finances, on n'est pas toujours d'accord sur les conséquences de ces mesures. Il semble étrange que nous nous lancions dans une entreprise sur laquelle personne ne semble être d'accord au gouvernement.
L'autre chose que ce genre d'affaire... Cela abaisse la garde des enfants au niveau d'une simple affaire d'argent. Comme un psychologue le disait fort bien, les enfants deviennent un moyen de gagner de l'argent, ils deviennent une sorte de culture de rapport. En effet, les mères qui ont la garde des enfants - les tribunaux ont en général tendance à penser que c'est la mère qui devrait garder les enfants - et qui ne semblent pas capables d'assumer leurs responsabilités, ou qui voudraient en tout cas les partager, seraient exposées à de graves conséquences financières si elles n'insistaient pas malgré tout pour garder les enfants.
Que se passe-t-il lorsque le rôle parental crée un stress chez certaines personnes? Nous savons que les cas de mauvais traitement des enfants augmentent alors. Nous savons que c'est alors qu'augmentent les cas de négligence. Nous savons qu'augmentent aussi les cas de maladie mentale chez les personnes qui essaient de faire un travail normalement assumé par les deux parents. Dans tout cela, il n'y a rien de bon pour les enfants.
Bien sûr, on dira que l'enfant est nourri et qu'il a des vêtements sur le dos, mais si cela fait de lui un futur candidat à la prison et un être instable, qu'aurons- nous accompli? Les enfants de parents divorcés font partie d'un de groupes au Canada où lesquels les taux de suicide sont les plus élevés. Le Canada se classe au troisième rang au monde par le taux de suicides chez les jeunes. Certains vous diront qu'il y a probablement là un lien, mais nous n'en savons rien parce que ce sont des questions sur lesquelles nous préférons fermer les yeux.
Donc, on a beau continuer à dire aux femmes qu'elles vont toucher beaucoup d'argent, je crois qu'elles sont de plus en plus nombreuses à dire que la réalité est tout autre.
Cela a pour effet de dissuader ceux qui voudraient la garde de courte durée, ce qui risque de se traduire par la renonciation à ses responsabilités. Les gens peuvent continuer à avoir une vie personnelle, ils peuvent réaffirmer leur identité en dehors de la famille, ce qui est très important lorsque les enfants grandissent. Le père ne vient plus car s'il voit l'enfant plus de 38 p. 100 du temps, il n'y a plus qu'à dire adieu à la pension alimentaire. Cela devient donc une histoire d'argent.
Est-ce ainsi que nous voulons apprendre aux gens à s'occuper de leurs enfants? S'agit-il des priorités que nous voulons leur donner? À mon avis, c'est de la folie. Cela les dissuade les gens de se remarier, parce qu'il y a alors un changement de situation et encore une fois, plus d'argent. Donc...
La présidente: Monsieur Bouchard, il y a environ 20 minutes que votre collègue et vous-même parlez. Il ne nous reste qu'une demi-heure à peu près et je suis certain que les membres ont des questions à poser. Vous serait-il possible de conclure pour qu'ils puissent le faire?
M. Bouchard: D'accord, je vais conclure.
Peut-être pourriez-vous faire observer...
La présidente: N'oubliez pas que nous avons aussi votre mémoire.
M. Cheriton: Je voulais faire deux remarques au sujet des répercussions fiscales du projet de loi C-41. Il est bien évident que le régime fiscal sera beaucoup plus complexe à cause du traitement distinct exigé pour les ententes avant 1997 et après, tant pour les pensions alimentaires au profit d'un enfant comme pour celles au profit d'un époux, et les déductions en fonction du revenu. Nos recherches ont montré que les chiffres de Revenu Canada à partir de 1989-1992...
La présidente: Permettez-moi de vous interrompre pour bien préciser quelque chose. Nous n'avons pas à nous occuper des changements au régime fiscal car ils ne figurent pas dans le projet de loi C-41. C'est au comité des finances qu'il appartiendra de s'en occuper lorsqu'il examinera un projet de loi d'exécution du budget. Vous comprenez?
M. Cheriton: Bien sûr.
La présidente: Pour le moment, nous pourrions peut-être nous en tenir au contenu de ce projet de loi. Le temps va nous manquer.
M. Bouchard: La dernière remarque qui mérite d'être faite est liée à ce que vous avez vu au tout début.
On a dit qu'il fallait interdire à certains hommes de voir leurs enfants sous prétexte qu'ils avaient abandonné leur épouse pour une femme plus jeune. Selon une idée bizarre assez répandue, ces êtres ignobles qui quittent leurs épouses pour de jeunes femmes devraient être punis, et le revenu des femmes baisse toujours. La plupart du temps, ce n'est qu'un mythe.
L'Institut Vanier a montré que le revenu des hommes diminue après le divorce, exactement comme celui des femmes. C'est logique, parce que vous êtes alors obligé de pourvoir aux besoins de deux ménages avec le même revenu. N'essayons donc pas de faire des lignes directrices un moyen de punition. Cherchons quelque chose qui fonctionne. Il est physiquement impossible de maintenir le même niveau de vie qu'avant votre séparation. Tant que les lignes directrices en feront un principe de base - ce qui est le cas, je crois - elles ne donneront aucun résultat. Elles feront des enfants qui vivent dans la pauvreté parce que c'est le parent appauvri qui est obligé de payer alors que c'est parfois celui qui consacre le plus de temps à leur garde.
La présidente: Merci. Je rappelle aux témoins que nous allons maintenant avoir une série de questions.
Je voudrais également dire tout de suite à M. Forseth que nous n'avons encore reçu aucun document de son whip. Sans la signature de ces documents, vous ne pouvez pas normalement poser vous-même de questions à moins d'accord unanime du reste du comité. Voulez-vous que nous le demandions aux membres?
M. Forseth (New Westminster - Burnaby): Mais certainement. Je suis membre associé du comité.
La présidente: Je ne le conteste pas.
M. Forseth: Bien; je ne sais d'ailleurs pas pourquoi les documents ne sont pas encore arrivés.
La présidente: Bien, avez-vous une objection à ce que M. Forseth participe, mes chers collègues? Non?
M. Forseth: Merci beaucoup.
La présidente: Voilà une bonne chose de faite. Maintenant, les membres du comité vont poser des questions qui s'adresseront à des témoins précis. C'est ainsi que l'on procède lorsque plusieurs groupes sont présents. Tenez donc compte - comme devront également le faire les membres - du temps qu'il nous reste.
Monsieur Langlois, vous avez dix minutes.
[Translation]
M. Langlois (Bellechasse): Je vous remercie pour vos présentations. Vous avez été très éloquents. Vous me permettrez de prendre connaissance un peu plus tard de tous les chiffres que vous avez mentionnés.
Dans ce que vous avez dit, il y a des choses que je partage entièrement et d'autres sur lesquelles je ne suis peut-être pas tout à fait d'accord. Comme je l'ai dit cet après-midi, le projet de loi C-41 est loin d'être parfait, mais puisqu'il permet, entre autres, de retrouver les mauvais débiteurs et les mauvais payeurs, il me semble que nous allons dans la bonne direction.
À mon avis, on pourrait reprocher au projet de loi C-41 de ne pas parler de certaines choses, notamment la garde partagée que vous avez mentionnée entre autres.
Je me permettrai de vous signaler qu'au Québec, ce sont des femmes, comme Mme la juge Christine Tourigny, qui ont prononcé les premiers jugements de la Cour supérieure du Québec ordonnant la garde partagée lorsque les deux parents n'étaient pas d'accord. Je pense que les femmes juges ont été les premières à se rendre compte que les enfants avaient besoin de leurs deux parents.
Je suis cependant tout à fait d'accord avec vous lorsque vous dites que les jugements de divorce n'ont pas pour but de punir l'un ou l'autre époux. Un époux adultère peut très bien être un bon parent. Un époux ayant tendance à consommer trop d'alcool peut être par ailleurs un bon parent. Il n'y a pas de relation de cause à effet dans ces cas-là.
En général, l'élément de base devrait être que les enfants ont toujours besoin de leurs deux parents, même après une rupture. Il faudra, bien sûr, considérer différemment les cas pathologiques qui, malheureusement, existent.
Pendant plus de 20 ans de pratique, j'ai exercé le droit matrimonial, entre autres. Après un divorce, quand on demande à des enfants s'il y a encore une famille, ils répondent positivement et disent qu'ils ont toujours un père et une mère, mais que ceux-ci ne vivent plus ensemble. Par contre, les parents vont probablement répondre négativement et dire que la famille s'est éclatée, que le conjoint est parti.
Pour l'enfant, il n'y a pas de divorce. Il a toujours son père et sa mère. Il a aussi ses grands-parents s'il a en la chance. C'est à l'enfant qu'il faut penser d'abord, et ce n'est pas en punissant les parents qu'on va rendre service aux enfants.
Pour les enfants, on doit maintenir une sécurité affective dans laquelle ils vont pouvoir grandir et acquérir une maturité et un jugement qui leur seront utile dans notre société contemporaine. Je voudrais vous faire remarquer que le projet de loi C-41 ne parle pas de tout cela.
On peut constater que de nombreux juges ne sont pas toujours clairvoyants quand ils doivent accorder la garde des enfants. En effet, certains juges qui travaillent 18 ou 20 heures par jour n'ont pas souvent été présents au foyer et ne savent certainement pas comment s'occuper d'un enfant. J'ai souvent vu des pères totalement désemparés me téléphoner pour me demander conseil. Je leur disais d'emmener leur enfant à l'hôpital.
Il ne faut cependant pas toujours blâmer le père. Certains pères font beaucoup d'efforts et emmènent leurs enfants au cours de natation ou chez le médecin, mais on voit là évidemment un père pour neuf mères. Il y a sûrement une question sociale qui transcende toutes les autres.
J'ai longtemps dit que les juges n'étaient peut-être pas les mieux placés pour ce genre de choses. Les juges sont des gens qui ont un revenu d'environ 155 000 $ par an, ce qui n'est pas le revenu du Canadien moyen. Je me suis donc demandé si, en matière de garde, partagée ou non, et en matière d'attribution de pension alimentaire, il ne serait pas préférable d'avoir un jury de six personnes composé de citoyens ordinaires, trois hommes et trois femmes par exemple, qui seraient bien sûr guidés en droit par un juge, mais qui sauraient ce que cela coûte d'élever un enfant.
Dans les procès en divorce, on voit souvent les demandes de pensions alimentaires gonflées artificiellement pour les besoins de procédure et devenir très souvent exorbitantes. Je me demande donc si le jury, qui a fait ses preuves en matière criminelle et même, dans certaines provinces, en matière civile, ne pourrait pas être intégré dans ce processus.
Je n'ai cependant pas de recette magique. C'est tout simplement une question que je me pose et que je vous repose cet après-midi. Dans notre loi, il n'y a pas d'obligation de prévention. Les avocats sont seulement obligés d'avertir leurs clients qu'il y a des services de médiation disponibles. Mais si l'avocat réussit à convaincre son client d'avoir recours à ces services, il va perdre son client. Il est donc en conflit d'intérêts.
Je sais que les barreaux ont, en général, des services d'avocats médiateurs. C'est une très bonne chose, mais on ne s'en sert pas suffisamment. Personnellement, je pense que la loi devrait imposer des étapes de médiation pour essayer de sauver les couples. Est-ce qu'on peut améliorer les conditions du divorce et, dans bien des cas, peut-on l'empêcher? Lorsqu'on s'y prend assez tôt, je pense que la réponse est oui.
Il est certain qu'une fois arrivés au palais de justice dans une procédure où les documents sont d'une épaisseur effrayante, les gens ne ressortiront pas bras dessus-bras dessous, quel que soit le verdict du juge, que le divorce soit prononcé ou non.
Il faudrait donc imposer très tôt dans le processus des rencontres de médiation, avant que les amis ou la famille n'excitent chaque conjoint l'un contre l'autre par des menaces de toutes sortes.
Il m'est déjà arrivé de participer à ce genre de négociations et je sais comment la température peut monter. Il y a une carence dans notre loi à ce sujet et on n'en parle pas. Certains États américains comme la Californie et le Michigan en parlent et imposent deux rencontres de médiation avant que le couple ne se rencontre devant les tribunaux.
C'étaient les observations générales que je voulais partager avec vous. Vous vous êtes penchés sur les aspects techniques, mais vous avez aussi soulevé des questions de principe.
Ce que je mentionnais ne requiert peut-être pas de commentaires de votre part, mais j'aimerais vous demander de m'indiquer si mes réflexions s'orientent dans une bonne direction. Encore une fois, je n'ai pas de recette magique, et je pense que C-41 peut apporter une amélioration, mais je trouve qu'on ne va pas assez loin. On aurait probablement besoin d'une révision du projet de loi C-41, comme on le fait actuellement dans le cas de la Loi sur les jeunes contrevenants, c'est-à-dire une révision par tout le pays, de l'Atlantique au Pacifique, et même dans les territoires bientôt. Je pense qu'il faut aller voir sur le terrain ce que les citoyens et les citoyennes désirent, ce que les parents et les grands-parents veulent, puisqu'on a voulu impliquer aussi les grands-parents avec la motion de Mme Jennings.
[Traduction]
M. Bouchard: Une des obligations en Georgie, et dans plusieurs autres États aussi, je crois, est qu'en cas de rupture du mariage, dès que des enfants sont en cause, les parents doivent suivre des cours. Ils sont obligés d'y assister - pas ensemble, bien entendu. Ils y apprennent ce que sont les impacts d'un conflit, les différentes méthodes de médiation, et bien d'autres choses.
Un avocat ne se contente pas de vous remettre une brochure et tente ensuite de vous convaincre de payer plus. L'État précise bien que dès que vous parlez à un avocat, vous êtes pris dans l'engrenage. Il exige donc des personnes en cours de séparation qu'elles suivent un programme très complet... L'aliénation parentale est une des situations actuelles les plus répandues dans le mariage. Lorsqu'un des deux parents refuse à l'autre le droit de visite une fois sur deux, l'aliénation parentale s'installe.
Ce cours, qui est obligatoire, montre au parent que se servir de l'enfant pour se venger de l'autre parent a tel ou tel effet. Il a au moins le mérite de mieux préparer les deux époux à passer au processus de médiation, à éviter les avocats qui poussent à l'affrontement - et il y en a, croyez-moi.
La présidente: Monsieur Mullin.
M. Mullin: Je suis heureux que vous ayez soulevé ce point. À Ottawa, le partage du rôle parental comporte aussi bien sûr le counselling. Des médiateurs du Centre for Counselling and Mediation d'Ottawa nous ont dit exactement la même chose; ils nous ont dit qu'après tous ces bouleversements, cette consternation, ce dégoût, cette colère, alors que vous avez tous les deux envie de vous tuer, si on laisse faire un peu le temps, dans plus de 80 p. 100 des cas, on parvient à un accord qui respecte l'intérêt primordial des enfants.
Je suis donc très heureux que vous ayez soulevé la question. Aucun d'entre nous n'en a parlé, mais il n'y a rien à ce sujet dans le projet de loi C-41.
La présidente: Merci.
Madame Jennings.
Mme Jennings (Mission - Coquitlam): Merci, madame la présidente. Je voudrais consacrer un moment à M. Forseth.
Tout d'abord, messieurs, soyez les bienvenus. Je vous remercie de vos exposés. Je tiens tout de suite à préciser que le projet de loi comporte des dispositions relatives au paiement des pensions alimentaires. Regrettablement, les arriérés de paiement sont fréquents. C'est une question qui doit être réglée. Il y a des situations qui exigent des mesures plus fortes.
Le paiement de la pension alimentaire, je suis certaine que vous serez tous d'accord avec moi, constitue une dette. C'est une responsabilité qui doit être reconnue comme telle et dont on doit s'acquitter. Un point c'est tout.
Mon parti et moi-même estimons qu'il faudrait tenir compte, quelle part, des besoins de l'enfant et de la capacité de payer. Le projet de loi C-41 n'en fait pas une priorité. En fait, l'article 2, le paragraphe 15.1(3) proposé disposent que:
- (3) Un tribunal rendant une ordonnance en vertu du paragraphe (1) ou une ordonnance
provisoire en vertu du paragraphe (2) doit le faire conformément aux lignes directrices
applicables.
Je crois que c'est aussi par prudence que nous voudrions être certains que le projet de loi traite d'abord des circonstances, de la capacité des parents de payer et des besoins de l'enfant. J'en parlerai tout à l'heure.
Ce qui m'inquiète aussi et ce dont je voudrais que vous parliez c'est que le projet de loi ne fait aucune place au traitement juste et équitable des parties concernées. Je crois qu'il faudrait que nous étudions ce point. Le projet de loi ne dit rien sur la protection des individus et des enfants. Il ne dit rien non plus sur les droits de visite et d'accès.
Je ne crois pas que nous puissions prétendre que ces questions ne se posent pas. Dans le monde actuel, il faut se montrer réaliste.
J'ai beaucoup apprécié votre exposé. J'ai beaucoup voyagé dans notre pays, ces trois dernières années, et j'ai rendu visite à bien des familles. J'ai été personnellement témoin d'un grand nombre de situations décrites par vous. Je ne voudrais pas traiter à la légère la question des arriérés de paiement de pension alimentaire car c'est très important. Je crois cependant qu'il faut que nous tenions compte de tous les éléments.
Ce qui compte avant tout, ce sont les enfants. Comme tout le monde le sait, je le répète depuis deux ans lorsque je parle de la situation des grands-parents. Tant que nous n'accepterons pas l'idée qu'il faut tenir compte de tous les éléments du problème, toute disposition législative, quelle qu'elle soit, risque de nous jouer de sales tours.
Comme l'a dit M. Langlois, il faut que nous examinions la question de la prévention. L'Alberta l'a bien compris. Certains d'entre vous connaissent déjà probablement le programme établi par cette province, qui est obligatoire depuis février de cette année. Il est obligatoire parce qu'on craint là-bas que le divorce ne soit en partie responsable des activités criminelles de certains enfants. Cela ne veut pas dire que chaque fois qu'il y a divorce, les enfants vont tout à coup devenir des criminels. Bien sûr que non; ce serait stupide. Mais c'est une des raisons.
Nous ne saurions trop traiter la médiation à la légère. À mon avis, elle doit être imposée. Je sais qu'elle est prévue dans les livres mais on ne l'utilise pas. J'en ai la preuve car j'ai passé bien des heures à parler à des praticiens du droit familial.
Ce à quoi je veux en venir c'est que j'ai pour la première fois entendu parler ce soir de garde partagée. Bien sûr, ce n'était que dans un vidéo mais je ne vois pas pourquoi cela ne marcherait pas. Nous vivons dans une société qui est différente, et il faut bien que nous l'acceptions. Tant que nous ne le ferons pas, nous continuerons à avoir des problèmes.
J'ai enseigné pendant 30 ans, j'ai donc passé 30 ans en classe avec des enfants de tous âges. Permettez-moi de vous dire que c'est une expérience qui donne à réfléchir.
Lorsqu'il y a un divorce, une rupture de la famille, ou une catastrophe quelconque, les enfants en sont affectés. Cela se répercute sur leur travail, sur tous les aspects de leur vie. Il est très important d'en tenir compte, car les enfants sont les citoyens de demain. Il faut nous assurer qu'ils se sentent en sécurité et qu'ils se sentent aimés. Le fait que leurs parents divorcent ne signifie pas en effet qu'ils perdent leurs deux parents. Ils ont toujours un père et une mère, et c'est un point qui me paraît très important. Les Nations Unies l'ont reconnu dans leur Convention relative aux droits de l'enfant de 1989, qui donne à l'enfant le droit d'accès à sa famille. Le Canada l'a également reconnu en 1991, sans cependant adopter de dispositions législatives à ce sujet. Nous ne saurions donc trop insister là-dessus.
La dernière question qui me préoccupe est celle des lignes directrices. Elles ne sont pas suffisamment souples. Elles ne tiennent pas compte de la diversité des niveaux de vie dans notre pays.
Je ne voudrais pas abuser de votre temps et j'aimerais que M. Forseth puisse dire quelque chose. Je laisse donc la parole à monsieur Mullin.
M. Mullin: Je voudrais simplement commenter brièvement vos remarques.
J'ai ici un document de travail intitulé La garde d'enfant et le droit d'accès, publié par le ministère de la Justice en 1993, c'est-à-dire il y a trois ans. Qu'en est-il advenu? Je voudrais vous lire ce passage consacré aux droits de la famille au Canada:
- Élaborer de nouvelles dispositions législatives au Canada devrait viser à élaborer des objectifs
et des principes fondamentaux... Il faut éviter le plus possible que les enfants ne deviennent de
simples pions que les parents utilisent dans leur lutte pour s'assurer le contrôle de la situation. Il
faut inciter les parents à cesser d'utiliser les enfants comme objets de gage dans la lutte qui les
oppose.
- Je suis donc d'accord avec vous pour l'essentiel.
Tout ce que je veux dire c'est que cela fait mal, et si votre comité dit qu'il ne peut pas s'en occuper dès maintenant, il n'y aura toujours rien de fait dans cinq ans, six ans ou sept ans. Autrement dit, essayez de vous imaginer ce que cela représente de perdre cinq, six, sept ou dix ans de la vie de votre propre enfant.
Il est possible de faire quelque chose; nous le savons. Je vous en prie, allez plus doucement et voyons les choses de plus près.
Je suis heureux que vous ayez fait ces remarques, elles sont profondément vraies.
La présidente: Merci.
Monsieur Forseth, il reste environ quatre minutes.
M. Forseth: Je crois que j'ai droit à plus que cela, le Bloc a parlé pendant au moins 15 minutes.
La présidente: Monsieur Forseth, aux dernières nouvelles, c'était moi la présidente. J'ai peut-être commis une erreur, mais vous avez quatre minutes; consacrez-les à la question.
M. Forseth: Je voudrais avoir des réponses brèves et précises à ma question. Si ma boule de cristal ne me ment pas, il ne sera tenu absolument aucun compte de vos exposés. On va vous dire que vous étiez hors du sujet, que votre projet de loi n'a rien à voir avec les points que vous avez soulevés. Je voudrais donc que vous me répondiez de votre mieux et le plus vite possible, pour que vos remarques soient inscrites au compte rendu.
Qu'allez-vous répondre à ceux qui vous disent que la garde des enfants et l'application du droit d'accès partagé ne sont pas pour demain? Le principe est que les parents ne devraient pas être obligés de payer pour pouvoir voir leurs enfants. Les besoins des enfants devraient être assurés, c'est un droit qui doit être respecté, que les parents jouissent du droit de visite ou non. Le droit de visite fait intervenir certaines considérations sociales, alors que la pension alimentaire est une question purement financière. Il n'y a aucun lien entre les deux. C'est l'argument et le prémisse du projet de loi que nous avons devant nous. Manifestement, les questions d'accès, entre autres, sont totalement ignorées dans ce projet de loi. Je voudrais savoir ce que vous pensez de ce que je vois déjà dans ma boule de cristal.
M. Cheriton: Nous ne nous faisons aucune illusion sur ce qui va se passer ici. Nous vous fournissons des informations sur les effets du projet de loi.
Les chiffres concernant les Canadiens à faible revenu montrent que 140 p. 100 de chaque dollar après impôt gagné par eux est consacré à la pension alimentaire. Voilà le genre de graphique fiscal que vous semblez prêts à tracer.
Nous avons aussi des chiffres qui montrent que si le montant que le gouvernement de l'Ontario recouvre augmente de 23 p. 100, 33 p. 100 ou 34 p. 100 - encore plus d'argent pris aux pères - l'augmentation dont bénéficient les femmes, selon Revenu Canada, n'est d'environ que quatre pour cent. Cet argent ne va donc pas aux femmes et aux enfants, il disparaît dans les coffres du gouvernement provincial.
Vous allez continuer, votre petit bonhomme de chemin et vous ne tiendrez pas compte de tout cela. Mais dans cinq ans, il y aura des gens qui vous diront, on vous avait bien dit ce qu'était le problème.
Nous vous avons dit ce qu'était le problème. Il ne consiste pas à arracher plus d'argent aux parents pour alimenter les coffres du gouvernement provincial; le problème est celui que pose l'éradication de la pauvreté chez les enfants. Ce que je viens de vous dire c'est que cette pauvreté disparaît dans les familles monoparentales ayant un homme à leur tête, en dépit de la diminution de la pension alimentaire. Il y a moins d'enfants et d'hommes chefs de famille monoparentale qui se trouvent dans la pauvreté. Il y a moins d'enfants et de familles dans lesquelles le rôle parental est partagé qui se trouvent dans la pauvreté.
Lorsque le montant de la pension alimentaire et de l'aide sociale augmente, la pauvreté augmente chez les enfants. Vous n'avez aucune idée de ce qui se passe. Au lieu de résoudre les problèmes, vous aggravez la situation. Voilà ce que nous vous avons dit et voilà ce que tous les autres vous ont dit aussi. Nous vous avons présenté cette information pour qu'elle soit rendue publique afin que - excusez ma franchise un peu brutale - lorsque vous aurez fait un beau gâchis de tout cela, c'est l'histoire qui jugera.
La présidente: Monsieur Forseth, d'autres personnes voulaient peut-être répondre. Monsieur Cavanagh a signalé qu'il voulait dire quelque chose.
M. Cavanagh: Oui, je suis pleinement d'accord avec ce que monsieur Forseth vient de dire. J'ai longuement parlé avec Tony Valeri, Sheila Copps, Paddy Torsney et John Bryden, ils m'ont tous donné le même conseil: n'allez pas là pour tout démolir; faites une critique article par article, dites ce qui peut marcher.
Dieu sait que j'ai essayé. Il n'y a rien de valable là-dedans. Comme Glenn l'a dit, je suis ici pour qu'on prenne note de mes prédictions - il y en avait des dizaines dans mon mémoire - sur ce qui va se passer. Lorsque l'examen promis aura lieu, si cela se fait jamais, je voudrais pouvoir revenir et vous dire, allez-vous maintenant m'écouter?
La présidente: Monsieur Mullin, avez-vous une remarque à faire?
M. Mullin: Oui, très brève. Comme le disait le président Bush, nous sommes censés être une société qui manifeste plus de bonté et de compassion.
Je n'en ferai pas un secret. J'ai travaillé pour la campagne de M. Whalen et celle de Susan Whalen, celle de Mme Gaffney et je suis membre du Parti libéral depuis 20 ans. Je serai franc avec les représentants du gouvernement qui sont ici. Je ne sais pas si notre sens de la justice sociale s'est étiolé, mais c'est la raison pour laquelle je suis venu.
Je touche une pension alimentaire. Ce projet de loi sera probablement excellent pour moi. Je pourrai réclamer ses états financiers à mon ex-femme, apparemment n'importe quand, comme le fait Revenu Canada. Je n'ai vraiment rien à gagner ici - rien. Ma fille vit avec moi, mais je vous en prie, écoutez-moi; il faut que le gouvernement examine ces questions. Vous ne vous rendez pas compte de la somme de peines et de souffrances que tout cela représente.
Après la réunion d'aujourd'hui, j'ai l'intention de demander à M. Rock de venir parler au Canadian Council for Co-Parenting.
Je suis arbitre de soccer: le système est simple, un carton jaune, un carton rouge, et la partie est finie pour vous. Personne ne veut être avantagé, mais moi qui suis au Parti libéral depuis 20 ans, je croyais que la justice sociale était quelque chose d'important pour notre parti. Je suis dgu.
La présidente: Merci monsieur Mullin.
Monsieur Bouchard.
M. Bouchard: Si un juge décidait de faire passer la pension alimentaire avant le droit de visite, vous demanderiez-vous s'il avait toute sa tête à lui? Certainement pas, mais c'est pourtant exactement ce que nous faisons. Nous faisons les choses complètement à l'envers. Malheureusement, il sera ainsi dix fois plus difficile d'essayer de faire demi-tour et de nous engager plus tard sur la bonne voie.
La présidente: Merci, monsieur Bouchard.
C'est terminé, monsieur Forseth. Je signale, aux fins du compte rendu, que vous avez légèrement dépassé 12 minutes.
Monsieur Maloney, aviez-vous des questions à poser?
M. Maloney (Erie): Je voudrais poser une question à monsieur Cavanagh.
Vous dites dans votre mémoire que les lignes directrices concernant la pension alimentaire sont nécessaires et inévitables. Voulez-vous dire par là que les lignes directrices contenues dans le projet de loi ne sont pas adéquates? Les niveaux proposés sont-ils trop élevés? Trop bas? Je ne suis pas certain de bien comprendre votre position.
M. Cavanagh: Je suis partisan du principe des lignes directrices. J'ai fait une analyse en profondeur d'un rapport de 1992 concernant quatre études commandées par le ministère de la Justice. Les lignes directrices proposées représentent des sommes à peu près triples de celles que, selon des économistes respectés de notre pays, des couples vraiment soucieux du bien-être de leurs enfants consacrent jusqu'à présent à ceux-ci au sein de familles intactes. C'est scandaleux.
M. Maloney: Merci.
La présidente: Monsieur DeVillers.
M. DeVillers (Simcoe North): Ma question s'adresse à monsieur Cheriton. Vous avez dit que l'argent versé par les parents qui ont la garde des enfants ne parvient pas à ceux-ci. Vous avez dit que cet argent se retrouve dans les coffres provinciaux. Comment cela se fait-il? Est-ce à cause du régime fiscal ou autre chose?
M. Cheriton: Je ne sais pas exactement comment cela se fait. Ce que je sais, c'est que les gouvernements provinciaux recouvrent de plus en plus d'argent. J'ai ici les chiffres de l'Alberta et de l'Ontario qui indiquent une augmentation considérable. Au cours des trois dernières années, la moyenne a été d'environ 33 p. 100 par an en Ontario, pourtant, l'argent touché par les femmes est loin d'augmenter à ce rythme. Je trouve cela surprenant. Si vous voulez adopter un projet de loi tel que celui-ci, il me semble évident que vous devriez faire les recherches nécessaires pour déterminer où va l'argent.
M. DeVillers: Vous avez dit qu'il va alimenter les coffres provinciaux. Comment le savez-vous?
M. Cheriton: Je vais vous donner un exemple, celui de l'affaire rapportée par Radio-Canada que je vais vous expliquer en détail. Le père, qui gagnait 50 000 $ par an, avait perdu son emploi et avait divorcé. La pension alimentaire avait été calculée en fonction de ce salaire mais quand le père s'était retrouvé pratiquement sans emploi, il avait accumulé des arriérés importants. Il avait repris la vie commune, mais entre-temps l'un et l'autre avaient accumulé un montant considérable de prestations sociales, argent qui était dû à la province. Lorsqu'ils s'étaient remariés, un prélèvement avait été fait sur leurs deux salaires pour rembourser le montant de ces prestations. Mais comme il s'agissait de bien-être social, le père était obligé d'utiliser ses dollars après impôt pour ce remboursement, et il avait donc perdu le bénéfice d'une exonération fiscale. En fait, cela revenait à une augmentation automatique du montant qu'il payait.
Voilà donc comment se font parfois les choses. Je ne sais pas comment cela peut arriver, mais il est assez clair que les montants qui rentrent ne sont pas les montants qui ressortent. On ne sait pas où va tout cet argent ni comment il disparaît. Je ne réussis pas à obtenir de renseignements de la province. Ces chiffres ne tiennent pas debout.
M. Bouchard: Il est déjà assez difficile d'obtenir des renseignements des ministères des Finances et de la Justice.
M. Cheriton: J'ai soumis une demande d'accès à l'information au ministère de la Justice pour savoir combien de cas de divorce il y avait et quel était le montant moyen adjugé par le tribunal. J'ai demandé le montant total de pensions alimentaires versées, le montant non payé, le montant payé par les hommes et le montant payé par les femmes. Le ministère ne disposait d'absolument aucune information sur ces points. Il m'a renvoyé à Revenu Canada où la seule information que j'ai obtenue était une ventilation des montants sur une période de quatre ans. Revenu Canada savait où trouver l'information. Il avait passé quatre ans et demi à la rechercher.
Il faudrait que vous examiniez les recherches sur lesquelles le projet de loi C- 41 a été fondé afin de voir si elles justifient une refonte complète du système. En effet, l'information dont je dispose et que je vous ai soumise, contredit les déclarations faites par le ministère de la Justice, notamment, en ce qui concerne le nombre de parents qui ne paient pas la pension alimentaire. Je l'ai calculé d'après le nombre total de familles monoparentales dirigées par des femmes. Soustrayez le nombre de veuves. Examinez le nombre de femmes qui n'ont jamais été marié et celui des femmes séparées ou divorcées. Prenez le nombre d'hommes admissibles et soustrayez-en le nombre d'hommes qui paient. Faites quelques calculs de plus pour obtenir le nombre d'hommes qui se situent au-dessous du niveau fixé par le projet de loi C-41 et cela vous donne le chiffre d'environ 7 p. 100 d'hommes qui ne respectent pas leurs engagements. Ce que je veux montrer par là est que le manque de recherches...
M. DeVillers: Je n'avais pas besoin de tant d'information.
M. Cheriton: Il vaut mieux en avoir trop que pas assez.
La présidente: Monsieur Discepola.
M. Discepola (Vaudreuil): Je ne sais pas qui va répondre à ma question.
En écoutant vos exposés, j'ai essayé de déterminer ce que vous considériez comme les intérêts primordiaux des enfants, car à mon avis, cela devrait être l'objectif de ce projet de loi.
J'ai vraiment du mal à m'y retrouver. Je suis peut-être le seul à être dans ce cas, je n'en sais rien. Il y a une certaine ambiguïté dans ce que vous dites et je voudrais donc apporter deux corrections.
Je pars du principe suivant. Si vous avez élevé un enfant, vous en êtes responsable, que vous soyez marié à la mère ou père de cet enfant. Donc, lorsque vous me dites que vous reliez les chiffres et les statistiques en ce qui concerne les droits d'accès des visites aux versements de la pension alimentaire, j'ai du mal à comprendre. Il me semble que...
M. Bouchard: C'est l'inverse qui se produit.
M. Discepola: Non. Que vous ayez le droit d'accès à votre enfant ou non, vous êtes responsable de son bien-être pour le reste de ses jours. Vous êtes le père ou la mère de cet enfant; vous ne devriez donc pas considérer que vos responsabilités ne tiennent que dans la mesure où vous avez droit d'accès à vos enfants.
Deuxièmement, je me demande si, dans la pratique, le partage du rôle parental ou de la garde des enfants fonctionne. Vos interventions me donnent l'impression que vous voudriez en fait que nous recommandions que cela soit la norme et qu'on invoque ensuite les raisons pour lesquelles il ne devrait pas y avoir de garde partagée. Je me demande cependant comment cela fonctionnerait dans la pratique sur le plan de la discipline. J'ai quatre enfants et j'ai bien du mal à les discipliner. Ils essaient toujours de dresser les parents l'un contre l'autre. La responsabilité...
M. Bouchard: Ils le font toujours de toute façon.
M. Discepola: Mais la responsabilité en ce qui concerne le bien-être des enfants devrait pourtant - si vous partagez la garde, qui assumerait cette responsabilité, légalement ou autrement?
Et la mobilité? C'est bien joli de projeter un film dans lequel il suffit à un enfant de sauter sur sa bicyclette pour aller voir papa ou maman quand l'envie lui prend. Mais que se passe-t-il lorsqu'ils ne vivent pas dans la même province? Que se passe-t-il s'ils vivent à des heures de distance? Cela fonctionnera-t-il dans la pratique?
Il me semble que si je suis divorcé, la première chose que je veux faire c'est de rompre tout lien avec mon ex-épouse. Cela n'a pas marché. Je dois reconnaître mon erreur, mais cela ne m'empêche pas de vouloir continuer à demeurer responsable de mes enfants, de m'assurer de leur bien-être.
Qu'avez-vous à répondre sur ces deux points?
M. Bouchard: La question n'est pas de pouvoir voir son enfant pour l'un, et pour l'autre, de toucher son argent. Ce qui compte, c'est que l'enfant a besoin des deux. Lorsqu'on permet aux gens d'être des parents à part entière, ils assument volontiers cette responsabilité. Et lorsque vous traitez quelqu'un comme une simple vache à lait, cela a des répercussions. C'est évident.
Bien sûr, il faut continuer à verser la pension alimentaire même si la personne qui a la garde principale de l'enfant est irresponsable et ne respecte pas le droit de visite. Ce qui est important, c'est que l'enfant a besoin des deux.
Quand vous rompez avec votre conjointe et que vous voulez le quitter, je regrette - n'oubliez pas que vous avez eu des enfants avec cette personne. Ce n'est pas si facile. Il ne s'agit pas d'un film style Hollywood. Si vous voulez assumer vos responsabilités à l'égard des enfants, vous n'allez pas aussitôt vous installer dans une autre ville. Vous faites ce qui s'impose et vous allez vivre suffisamment loin pour vous sentir à l'aise, mais pas si loin que les enfants ne puissent pas aussi vous voir.
M. Discepola: Je n'ai pas toujours le choix. Mon employeur peut très bien me muter ailleurs.
M. Bouchard: Et, bien entendu, il vous conduira tout enchaîné à l'avion.
Nous faisons tous des sacrifices pour nos enfants. Il est évident que c'est un des problèmes qui se posent dans le cas des juges qui voient les choses différemment, comme vous le faites manifestement, car vous avez probablement été obligé de voyager dans tout le pays et de rester éloigné de votre famille. Mais c'est là une décision que nous autres prenons tous les jours. Non, je n'accepterai pas d'emploi mieux rémunéré, parce que c'est ici que sont mes enfants. Si ce n'était qu'une question d'argent, pensez-vous que les gens que je connais et qui ont dépensé un demi-million de dollars pour pouvoir rendre visite à leurs enfants, feraient encore cela?
Oui, vous faites des sacrifices pour vos enfants, parce que c'est eux qui ont la priorité.
La présidente: Monsieur Cavanagh, vous vouliez dire quelque chose.
M. Cavanagh: Oui, je voudrais reprendre ce qu'a dit Jason. Je crois que dans la pratique, si votre amour pour vos enfants ne prévaut pas sur votre aversion ou votre méfiance à l'égard de votre ancien conjoint, vous abdiquerez certainement. Mais si vous aimez vraiment vos enfants, vous mettrez de côté tous les problèmes existant entre vous et de coopérer, faire le maximum pour ces enfants.
M. Mullin: Je peux vous parler de mon expérience personnelle de la garde partagée. Lorsque je suis arrivé ici comme assistant de M. Jackson en 1993, j'ai laissé mes enfants à Owen Sound, en Ontario, à 540 kilomètres. C'était dur, mais je l'ai fait. Je les ai laissés à la garde de leur mère et j'ai versé une pension alimentaire, précisément pour les raisons invoquées par Kirk. Qu'y faire? Les enlever à l'autre personne? Certainement pas.
Il y a aussi des cas où les gens ne réussissent pas à s'entendre, où l'un des parents, comme dans cette situation décrite par le ministère de la Justice, décide de se venger de l'autre, et d'utiliser les enfants comme gages. Dans l'autre cas, nous nous sommes mis d'accord sur le partage de la garde des enfants après médiation. Cela marche car nous aimons nos enfants. Je ne les ai vus que... Vous pouvez imaginez combien de fois. Owen Sound est bien loin et, il n'y a pas d'autoroute 401 pour s'y rendre.
Deuxièmement, je ne sais pas si vous avez interprété comme moi ce qu'on a dit au sujet des lois de la Floride. C'est là-dessus que je voulais attirer l'attention du comité. Ce sont des dispositions législatives qui fonctionnent dans la pratique. Il n'y a pas de lien, ne dites pas qu'il y en a. Il n'y en a pas. Contentez-vous d'inclure les deux obligations dans les textes législatifs et contentez-vous de réagir de manière juste et équitable à ces deux questions. Il est possible de le faire. Si j'entends encore une fois prononcer le mot «lien», je vais hurler. Ne reliez donc pas ces deux obligations, mais traitez-les dans le même esprit d'équité à l'égard de la mère et du père.
Si vous voulez, je vais vous donner une copie de ce document.
La présidente: Merci, monsieur Mullin. Pouvons-nous conserver le vidéo?
M. Mullin: J'en aurais besoin demain, mais je pourrais certainement vous en remettre une copie.
Rocco, pouvez-vous en faire des copies?
Rocco est resté travailler très tard, samedi, à CJOH, pour produire ce vidéo.
La présidente: Nous obtiendrons la référence nécessaire et nous nous en procurerons une copie nous-mêmes. Cela nous faciliterait aussi la tâche si vous vouliez bien laisser des exemplaires des textes législatifs de la Floride à la greffière. Nous vous en remercions.
Merci beaucoup, tous. La séance est levée.