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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 24 octobre 1996

.0936

[Traduction]

La présidente: La séance est ouverte.

Monsieur Ramsay, nous avons votre motion. J'aimerais attendre pour en traiter jusqu'à la fin de la comparution de nos témoins, si vous le permettez.

Il y a également la requête de M. Strahl qui me demande de revoir ma position concernant la présentation de la motion par M. Thompson. J'aimerais vous indiquer mes motifs aujourd'hui. J'ai assuré à M. Strahl que je l'avertirais du moment où je le ferais. Je rendrai donc ma décision à ce sujet vers 15 h 30.

M. Ramsay (Crowfoot): En fait, au sujet de la motion que j'ai soumise au comité au nom deM. Thompson, j'aimerais autant qu'il soit présent lorsqu'elle sera mise en délibération.

La présidente: Pas de problème. Quand sera-t-il là?

M. Ramsay: Je ne suis pas sûr. Peut-être pourrions-nous l'inscrire à l'ordre du jour à notre retour de notre voyage dans l'Ouest, si cela vous convient.

La présidente: Je veux bien. Si tout le monde est d'accord, nous allons simplement réserver la motion de M. Thompson jusqu'à notre première séance ordinaire après le voyage dans l'Ouest.

Mais pour ce qui est de la décision, M. Strahl semblait penser qu'elle devrait être rendue sans délai. Je suis prête à le faire à 15 h 30.

M. Ramsay: Bien. Je lui dirai d'être là à 15 h 30.

[Français]

M. Langlois (Bellechasse): Je voudrais savoir si nous avons une motion, au Comité de la justice et des questions juridiques, pour accueillir des témoins quand le quorum est réduit. Est-ce qu'on peut procéder immédiatement?

[Traduction]

Y a-t-il une règle établissant un quorum réduit aux fins de l'audition des témoins?

La présidente: Oui.

M. Langlois: Nous pouvons donc y aller.

[Français]

Je voudrais porter à votre attention le fait que le document des témoins nous est présenté en version anglaise seulement, madame la présidente. Mme la greffière pourrait peut-être nous indiquer quand la version française sera disponible. Même si les témoins ont le droit de s'exprimer dans leur langue, ce que je ne conteste pas, je me trouve désavantagé par rapport aux autres membres du comité lorsque le document circule seulement en anglais. C'est pourquoi j'aimerais que vous en ordonniez la traduction conformément à l'usage, s'il vous plaît.

[Traduction]

La présidente: Très bien, nous allons vérifier quand elle sera disponible.

[Français]

M. Langlois: Je ne veux pas que les témoins soient blâmés de l'absence de traduction. Je veux qu'ils puissent procéder car nous aurons la traduction, mais...

[Traduction]

La présidente: Je suis d'accord avec vous. La greffière me dit que la traduction française est en route. Voudriez-vous que nous commencions ou bien préférez-vous attendre?

[Français]

M. Langlois: Par exception, madame la présidente, procédons si vous le voulez bien.

.0940

[Traduction]

La présidente: Nous entendons aujourd'hui des représentantes de REAL Women: Diane Watts, chargée de recherches; Sophie Joannon, ancienne membre du conseil; Jeannine Lebel, membre du conseil.

Vous avez la parole, madame Watts.

Mme Diane Watts (chargée de recherches, REAL Women of Canada): Je vous remercie de votre invitation. Nous sommes ravies de faire connaître nos vues sur la famille, que nous estimons être l'élément fondamental de la société, un élément très important. Nous vous avons fait parvenir par avance ce mémoire sur les modifications apportées à la Loi sur le divorce.

Le principal but du projet de loi C-41, dit-on, est d'instituer des lignes directrices concernant les pensions alimentaires pour enfants qui soient équitables, uniformes et prévisibles, d'un bout à l'autre du Canada, et d'en assurer la stricte application. Ces lignes directrices, croyons-nous savoir aussi, sont fondées sur les dépenses moyennes par enfant à divers niveaux de revenu, mais indépendamment de l'âge des enfants.

Ce projet de loi est peut-être pétri de bonnes intentions, mais il semble peu susceptible de remplir ces objectifs, en raison de certaines défectuosités majeures. Nous voulons ici passer en revue les dispositions qu'il y aurait lieu de modifier si l'on veut rendre le projet de loi plus efficace.

Premièrement, le barème est calculé uniquement en fonction du revenu du parent qui n'a pas la garde. Ainsi, la pension alimentaire octroyée est déterminée exclusivement par le revenu du parent payeur, habituellement le père. Cette formule suppose que le parent bénéficiaire contribuera à l'entretien de l'enfant selon ses moyens. Cela peut être satisfaisant si la mère a un revenu élevé et ce sera, en fait, à son avantage. Cependant, les mères à bas revenu, ou sans revenu du tout, par exemple les femmes au foyer à plein temps, seront sérieusement défavorisées par ces dispositions, puisqu'elles toucheront un revenu réduit en raison du fait qu'elles ne sont pas en mesure de contribuer financièrement au revenu familial.

Le père aisé, en revanche, n'est tenu que de contribuer le montant prévu par le barème, indépendamment des besoins réels de la famille, et pourra même, du fait de ces lignes directrices, s'en tirer avec des versements de soutien inférieurs à ceux précédemment convenus par les parties ou ordonnés par les tribunaux.

En outre, le projet de loi est injuste également dans les cas où l'enfant séjourne pendant une période de temps considérable avec le parent payeur. Par exemple, les frais de ce dernier, qui peuvent englober nourriture, logement, activités de loisir et autres frais courants - des frais directs considérables - ne sont pas pris en compte par ce projet de loi. Ainsi, avec les lignes directrices telles que prévues dans le projet de loi C-41, un parent n'ayant pas la garde qui a encouru des dépenses directes substantielles, paiera la même pension alimentaire qu'un autre qui n'a jamais l'enfant chez lui et ne connaît donc pas de tels frais.

Une injustice similaire pénalisera aussi bien la mère qui a la garde de l'enfant en permanence et absorbe tous les frais correspondants, car elle touchera le même montant qu'une autre mère dont l'enfant passe beaucoup de temps chez le père.

La seule dérogation aux lignes directrices prévue dans le projet de loi C-41 est la prise en compte de difficultés excessives pour l'un ou l'autre parent ou pour l'enfant. Cependant, le juge doit donner par écrit ses motifs pour accorder une dérogation, ce qui peut être un facteur dissuasif.

Pour bénéficier d'une telle dérogation, aux termes du projet de loi, la partie qui la demande, presque toujours le parent payeur, doit établir que son niveau de vie est inférieur à celui du parent qui a la garde, en raison, par exemple, de frais de voyage et d'hébergement considérables lorsqu'il vient rendre visite à l'enfant, ou peut-être des obligations de soutien à d'autres enfants et à un deuxième conjoint. Cet ajustement exigera des calculs complexes concernant la composition des revenus des deux ménages. Il obligera également à apporter des modifications répétées aux pensions alimentaires, longtemps après la rupture du mariage, par suite de changements dans les situations matrimoniales et les revenus des parties.

.0945

Ces calculs révisés et ces modifications d'ordonnances alimentaires seront sources de dépenses considérables qui viendront grever les ressources des deux parties. Ainsi, le projet de loi C- 41 comporte une rigidité législative qui non seulement compromet l'équité, mais qui va probablement entraîner un nombre accru de batailles pour la garde des enfants - autrement dit, on verra davantage de pères demander la garde. On assistera donc à une multiplication des procédures de divorce acrimonieuses et des cas de non-respect des ordonnances alimentaires pour enfant.

En outre, du fait que le barème est fonction du revenu du parent qui n'a pas la garde, les nouveaux conjoints - c'est-à-dire les nouveaux conjoints des parents payeurs - se trouvent implicitement englobés dans le calcul de la pension alimentaire et se trouvent ainsi tenus pour responsables du soutien des enfants issus d'un mariage précédent de leur conjoint. C'est injuste, car les paiements de soutien devraient être exclusivement l'affaire des deux parents. Cette situation ne fera que dissuader les remariages.

La deuxième partie du mémoire traite des frais supplémentaires encourus par le parent qui a la garde. Le projet de loi C-41 n'accorde qu'une possibilité réduite pour le parent qui a la garde d'obtenir une pension majorée. Les catégories de dépenses pouvant justifier un dépassement des limites fixées par les lignes directrices sont les dépenses liées à la santé, certaines dépenses de garde d'enfant, les dépenses éducatives dans les cycles d'enseignement primaire, secondaire et postsecondaire et les activités extra-scolaires, toutes ces dépenses devant toujours être raisonnables et nécessaires.

La difficulté que présente cette disposition est que ces frais peuvent très bien avoir déjà été englobés dans le barème et donc être comptés deux fois. En outre, ces ajouts sont vagues et incertains et ils ne contribuent en rien à la cohérence et à la prévisibilité des lignes directrices censément recherchées.

Chaque famille est différente et un traitement uniforme, comme le prévoit le projet de loi, est source de quantité de difficultés. En outre, les lignes directrices n'établiront pas un niveau de soutien plus équitable et plus cohérent, comme le prétendent les auteurs du projet de loi, car les montants prévus sont fixes quel que soit l'âge de l'enfant. Or, il va sans dire que les frais occasionnés par un enfant d'âge préscolaire diffèrent considérablement de ceux d'un adolescent, ce dont le barème ne tient pas compte.

Comparée à ce nouveau système de barème institué par le projet de loi C-41, la méthode antérieure, qui consistait en une détermination cas par cas des pensions alimentaires pour enfants, paraît beaucoup plus opportune. Dans ces conditions, c'est une excellente chose que l'article 12 du projet de loi C-41 exige que le ministre de la Justice procède à un examen complet des lignes directrices fédérales relatives aux pensions alimentaires pour enfants dans les cinq années après leur entrée en vigueur et dépose un rapport au Parlement. Cependant, nous estimons que cet examen devrait intervenir déjà au bout de deux ans.

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Troisièmement, il y a la question de l'accès, qui est inséparable des versements de soutien. Les lignes directrices sont censées rendre le système équitable. Mais cela est impossible tant que le projet de loi C-41 reste marqué par ce défaut criant qui fait que les pères ne sont considérés comme guère plus qu'un porte- monnaie ou un carnet de chèques, plutôt que comme parent de leur enfant. L'accès est partie intégrante du versement d'une pension alimentaire. En d'autres termes, l'accès n'est pas un sujet distinct de celui de la pension alimentaire pour enfants, les deux étant intimement liés.

Les pères possèdent certains droits à l'égard de leurs enfants, notamment un droit de visite à intervalles réguliers. En outre, rien ne garantit que la pension alimentaire soit effectivement consacrée à l'enfant. En effet, dans certains cas, ces versements peuvent être utilisés par la mère pour améliorer son train de vie. En bref, le problème du non-versement de la pension alimentaire peut tenir à des raisons beaucoup plus complexes que la simple négligence d'un père défaillant.

Lorsque l'accès aux enfants est refusé sans bonne raison, ou que les versements d'entretien ne sont pas consacrés à l'enfant, le projet de loi devrait pénaliser le parent qui a la garde de la même façon qu'il pénalise un père mauvais payeur. En d'autres termes, si le projet de loi va pénaliser le parent qui n'a pas la garde et qui omet d'effectuer les versements de pension alimentaire, une disposition similaire devrait sanctionner le parent qui a la garde et qui refuse déraisonnablement l'accès de l'enfant à l'autre conjoint ou qui omet de consacrer l'argent de la pension à l'enfant.

Quatrièmement, l'exécution des lignes directrices. Le projet de loi C-41 prévoit une série de mesures destinées à réduire la fréquence du non-versement des pensions alimentaires pour enfants ordonnées. Elles englobent la suspension de certaines licences fédérales, telles que la licence de contrôleur de la circulation aérienne, la licence de technicien d'entretien d'aéronef, la licence de pilote de ligne, la licence de pilote privé, la licence de pilote d'hélicoptère et le certificat de matelot qualifié, pour n'en nommer que quelques-unes, de même que la suspension du passeport du parent n'ayant pas la garde.

Le projet de loi prévoit également un meilleur repérage des mauvais payeurs par le biais des fichiers fiscaux du ministère du Revenu, d'une coordination avec les autorités provinciales compétentes, du détournement des pensions fédérales pour couvrir les arrérages et les versements courants, de même que la saisie des remboursements d'impôt sur le revenu, des prestations d'assurance- chômage et des salaires des employés fédéraux. Il est à noter, toutefois, que le projet de loi C-41 omet une autre méthode très efficace de garantir le versement des pensions alimentaires, à savoir la déduction automatique à la source. Un tel mécanisme existe déjà dans certaines provinces et semble donner de bons résultats.

Enfin, bien que notre organisation soit pleinement consciente de la nécessité de faire respecter les ordonnances alimentaires, nous pensons néanmoins que certaines des méthodes utilisées sont improductives, en particulier celle consistant à retirer une licence fédérale à un mauvais payeur. En effet, si un père doit détenir une des licences fédérales énumérées dans l'annexe du projet de loi pour exercer son métier, le retrait l'acculera au chômage et le mettra donc dans l'incapacité de gagner un revenu pour ses enfants.

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Ainsi, même si cette disposition est compréhensible, elle ne paraît pas particulièrement avisée. C'est un peu comme l'emprisonnement pour dettes à l'époque victorienne, aujourd'hui heureusement tombé en désuétude, où l'on jetait en prison quiconque ne payait pas ses dettes. Évidemment, derrière les barreaux, la personne ne pouvait rien faire pour satisfaire les créanciers.

De la même façon, on voit mal en quoi cela rendrait service à la mère en attente de paiement ou aux enfants que le père soit réduit au chômage par suite de la suspension d'une licence dont il a besoin pour travailler dans sa profession. Il vaudrait mieux éviter un tel cercle vicieux en déduisant les versements de pension alimentaire à la source, comme nous le préconisons.

Nous formulons quatre recommandations. Premièrement, la stricte application des lignes directrices établie par le projet de loi C-41 ne remplira pas l'objectif déclaré, celui d'introduire l'équité et la prévisibilité dans les ordonnances alimentaires. Ces lignes directrices devraient plutôt être un guide facultatif, laissant aux juges davantage de souplesse et de latitude pour fixer les pensions alimentaires pour enfants de manière plus équitable et réaliste, cas par cas.

Deuxièmement, l'accès à l'enfant de la part du parent qui n'a pas la garde est un élément indissociable de la pension alimentaire. De même, l'usage fait de la pension alimentaire est un aspect hautement pertinent. Le refus sans motif valable de l'accès à l'enfant par le parent qui n'a pas la garde et le détournement à d'autres fins des versements alimentaires par le parent qui a la garde devraient être sanctionnés selon des modalités similaires aux sanctions infligées au parent mauvais payeur.

Troisièmement, le ministre de la Justice devrait procéder à un examen exhaustif des lignes directrices dans les deux années après l'entrée en vigueur de la loi.

Quatrièmement, les mesures de mise en application devraient exclure la suspension de licences fédérales dont le parent payeur a besoin pour travailler, et prévoir plutôt la déduction à la source des versements, ainsi que cela se fait déjà dans certaines provinces.

[Français]

M. Bellehumeur (Berthier - Montcalm): J'aimerais vous remercier pour votre mémoire. J'avais quelques questions. Cependant, dans vos recommandations et commentaires de la fin, vous avez répondu à la plupart d'entre elles.

J'en avais une, entre autres, qui portait sur le manque de souplesse dont vous avez parlé dans votre exposé. Si je comprends bien, vous êtes d'accord pour que des lignes directrices soient définies. Est-ce bien cela?

Mme Watts: C'est laissé à la discrétion du juge.

M. Bellehumeur: D'accord. Et pour les rendre plus souples, il faudrait insister sur la discrétion qui serait laissée habituellement au juge. De toute façon, les juges ont toujours une marge de liberté dans l'application d'une loi. Cependant, il faudrait clairement établir qu'il existe des lignes directrices mais que, malgré ces lignes directrices, le juge conserve la liberté de jugement qui lui est habituellement accordée.

Mme Watts: Oui. Il ne faut pas se trouver trop lié par les lignes directrices, parce qu'elles peuvent devenir inflexibles et qu'on peut s'en servir pour de mauvaises intentions.

M. Bellehumeur: D'accord. À moins que j'aie mal compris, il y a un point dont vous n'avez pas parlé et que je trouve important. Il concerne l'application des lignes directrices telles qu'ébauchées par le ministère de la Justice, en juin dernier. On dit que si le payeur et celui qui touche la pension alimentaire ne résident pas dans la même province, c'est la table de la province où réside habituellement le payeur qui s'applique.

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Autrement dit, si une femme du Québec reçoit une pension d'un homme qui habite la Colombie-Britannique, ce sont les lignes directrices de cette province qui s'appliqueront et non celles du Québec. Selon vous, la disposition qui prévoit que s'applique la table de la province où réside le payeur est-elle bonne? Serait-il préférable d'appliquer la table de la province où habitent la bénéficiaire et, souvent, les enfants? Ainsi, si les enfants demeuraient au Québec et le payeur, en Colombie-Britannique, le tribunal devrait opter pour les lignes directrices du Québec, ou vice-versa si les enfants demeurent en Colombie-Britannique et le payeur, au Québec.

Mme Watts: C'est là la faiblesse des tables et des lignes directrices. Chaque province peut avoir ses propres règles, ainsi que le fédéral, ce qui ajoute à la confusion. C'est pourquoi cela devrait être laissé à la discrétion du juge et ne pas être obligatoire. Qu'on se fie au juge plutôt qu'aux chiffres établis par les gouvernements.

Autrement, il faut prendre en considération le lieu de résidence et les différents taux en ce qui a trait à l'alimentation et au logement, qui varient énormément d'une province à l'autre. Il faut tenir compte aussi des différences entre les régions rurales et les grandes villes, différences qui sont très grandes. C'est là le point faible de l'utilisation de tables et c'est pourquoi nous croyons que ce facteur doit être considéré comme secondaire.

M. Bellehumeur: D'accord.

[Traduction]

Mme Clancy (Halifax): Sur un rappel au Règlement, madame la présidente, sauf tout le respect que je dois à M. Bellehumeur, je le renvoie au paragraphe 1(3) du projet de loi; veuillez m'excuser, mais je me reporte à la version anglaise. L'article sur les définitions dit que, dans un cas comme celui qu'il a évoqué, les lignes directrices fédérales s'appliqueront. Il n'y aura pas de conflit entre les lignes directrices du Québec et celles de la Colombie-Britannique. Dans une situation comme celle-ci, il y a des lignes directrices fédérales qui représentent, je suppose, une sorte de moyenne.

[Français]

M. Bellehumeur: C'est une question à débattre, madame la présidente. C'est une question d'interprétation. On en débattra au moment des débats en Chambre. Pour le moment, j'ai ici les lignes directrices que je lis textuellement:

(4) La table applicable est:

a) si l'époux à l'égard duquel l'ordonnance alimentaire est demandée réside au Canada, la table de la province où il réside habituellement à la date à laquelle est engagée la procédure relative à l'ordonnance alimentaire, à la modification de celle-ci ou à la fixation du nouveau montant de l'ordonnance alimentaire...

Si cela n'est pas clair, des débats, on en mènera à la Chambre n'importe quand si vous le voulez. Pour l'instant, je considère que vous m'avez interrompu absolument pour rien.

[Traduction]

Mme Clancy: Rappel au Règlement, madame la présidente. Si M. Bellehumeur veut faire lecture des lignes directrices, c'est très bien. La plupart d'entre nous, de ce côté-ci de la table, préférons lire les lignes directrices en parallèle avec le projet de loi. Cela nous élève l'esprit.

La présidente: Poursuivez, monsieur Bellehumeur.

[Français]

M. Bellehumeur: J'ai beaucoup de patience, madame la présidente. Cependant, on peut utiliser en comité des procédés dans lesquels je peux aussi me faire valoir. Vous me connaissez, madame la présidente. Si on veut donner un certain ton à ce comité, je participerai très activement, ce qui ne sera peut-être pas à l'avantage des travaux du comité.

Cela étant dit...

[Traduction]

M. Ramsay: Madame la présidente, je demande que vous interveniez afin que le député du Bloc puisse continuer à poser ses questions au témoin sans être dérangé.

La présidente: Je ne l'ai pas empêché de le faire.

M. Ramsay: Je vous remercie.

[Français]

M. Bellehumeur: Cela étant dit, dois-je comprendre que la discrétion qui devrait être laissée au tribunal par la loi, comme vous le souhaiteriez, pourrait lui permettre d'écarter une table de lignes directrices et d'en choisir une autre?

Mme Watts: Je ne crois pas qu'on serait d'accord sur cela. Encore une fois, ce serait enfermer la décision du juge dans des limites. Il faut prendre les lignes directrices en considération. Cependant, il peut y en avoir beaucoup. Les sociologues, les associations de familles, les avocats impliqués dans les divorces, tous ces groupes auront leurs tables.

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Il faut donc prendre en considération toute l'information. Mettre toutes les tables de côté serait prendre un risque et ne serait pas tellement à l'avantage du couple qui vient de vivre une situation difficile. Nous suggérons que toute l'information soit considérée dans la décision qui est laissée à la discrétion du juge. Si le juge trouve qu'une table ne suffit pas, n'est pas exacte ou comporte beaucoup d'erreurs, il devrait avoir la liberté de ne pas en tenir compte. Si son expérience lui dit qu'une table ou une autre n'est pas à jour ou n'est pas exacte, il devrait avoir la liberté de ne pas la suivre.

M. Bellehumeur: Dans ce cas-là, les tables de lignes directrices serviraient uniquement à titre indicatif.

Mme Watts: En effet. Nous ne voulons pas que ce soit rigide, mais flexible.

M. Bellehumeur: En terminant, j'aimerais vous dire que je suis d'accord avec vous pour que ces tables et tout le système soient réexaminés dans deux ans et non pas dans cinq. Je pense qu'en deux ans, on verra suffisamment l'orientation que prennent les choses et les ajustements qui devraient être faits. Je pense que deux années sont nettement suffisantes.

[Traduction]

La présidente: Je vous remercie, monsieur Bellehumeur.

Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Langlois?

[Français]

M. Langlois: Oui, oui. J'aimerais poser mes questions tout de suite, si j'en ai. Me Bellehumeur a couvert les questions les plus importantes que j'aurais posées.

Actuellement, il existe de toute façon des tables directrices pour les avocats, pour les praticiens, pour quiconque veut s'en servir. On en a, et les juges peuvent très bien savoir ce que vont coûter deux enfants vivant dans la région d'Edmonton, s'il y en a un qui est au niveau secondaire et un autre qui est aux couches. Nous sommes capable de l'établir. On en fait la preuve actuellement et, dans bien des cas, les juges les mettent de côté.

Je me demande si ça ne prendra pas 10 ou 15 ans avant que les juges des cours provinciales ou supérieures établissent une jurisprudence qui variera d'une province à l'autre. Les cours d'appel se pencheront là-dessus et, à un moment donné, on dira qu'il se trouvera toujours une circonstance exceptionnelle pour déroger aux règles contenues dans les tables.

D'autre part, les procureurs vont généralement plaider que les tables sont faites pour tout le monde sauf pour leurs clients. Ils vont essayer de les faire mettre de côté dans le cas de leurs clients. Je ne suis pas convaincu qu'on va vraiment déjudiciariser le processus. Je ne suis pas contre l'établissement de tables; elles peuvent aider. Par contre, je ne pense pas qu'elles soient une panacée.

Je soutiens toujours qu'on doit mettre l'accent sur la prévention et sur la médiation avant que tout le processus soit judiciarisé. Cela nous avancerait beaucoup plus que d'établir des tables, bien que je reconnaisse que ce soit là un pas dans la bonne direction.

Je suis d'accord avec vous sur le retrait des permis fédéraux. C'est un peu comme l'application de l'article 215 du Code criminel sur le refus de pourvoir. On peut mettre quelqu'un en prison parce qu'il refuse de fournir des aliments aux personnes à qui il en doit, par exemple à ses enfants. Cependant, si vous mettez un père en prison parce qu'il ne donne pas de nourriture à ses enfants, qu'il est condamné à trois mois de prison, il ne gagnera pas beaucoup d'argent pour les nourrir pendant ce temps. Cette disposition est devenue à peu près obsolète dans notre droit. On ne s'en sert plus. Les procureurs de la Couronne ne veulent pas poursuivre, et à bon droit, en vertu de l'article 215.

Je me demande si le retrait des instruments pour gagner sa vie aurait tout simplement à mon avis l'effet pervers d'empêcher une saisie-arrêt. C'est mieux de laisser travailler quelqu'un et d'aller saisir à la source ce qu'il va gagner. D'ailleurs, je pense que c'est la mesure que vous avez indiquée dans votre recommandation, si j'ai bien compris, et à laquelle je souscris.

Mes commentaires étaient peut-être de nature éditoriale, mais si vous voulez ajouter quelque chose, je me ferai un plaisir de l'entendre.

Mme Watts: Il ne faut pas perdre de vue le fait que le divorce est une tragédie et que toutes les personnes touchées par le divorce en souffrent. La prévention est très importante. Une des suggestions que nous faisons depuis longtemps afin d'aider les Canadiennes et les Canadiens qui sont mariés, c'est de rendre obligatoire le cours de préparation au mariage dans les écoles et les églises.

Il faudrait créer un réseau d'aide aux mariages en difficulté comprenant des services de conseil abordables. Ces services seraient déductibles d'impôt ou financés par le gouvernement. Ce sont des suggestions que nous avons faites il y a dix ans.

.1010

Il faut souvent aller à la source du problème. Là, on souffre des conséquences de la tragédie du divorce. C'est compliqué. On sort avec nos tables et on ne peut pas toujours améliorer la situation. On devrait faire ce qu'on peut faire.

M. Langlois: Ce sera ma dernière intervention, madame la présidente. Je ne reviendrai pas au deuxième tour.

Je suis d'accord avec vous et je vous remercie de nous faire bénéficier de votre expertise. On donne dans nos écoles des cours d'éducation sexuelle. Souvent, ce sont des cours de manipulation génitale. On ne peut pas apprendre à des gens à s'aimer. À mon avis, la meilleure façon de montrer aux gens à s'aimer, c'est par les modèles familiaux de parents qui règlent leurs chicanes et leurs conflits quotidiennement, quand ils se présentent, non pas à coups de claques sur la gueule mais en négociant. C'est la meilleure façon de le transmettre.

Quels modèles la société a-t-elle à offrir à des jeunes qui n'ont pas le modèle parental idéal d'une famille unie où les parents vivent une situation harmonieuse? Quelles sont les références alternatives des jeunes qui sont placés en maison de garde ou pour fin d'adoption et qui passent de foyer en foyer? Quelle sécurité affective la société peut-elle leur donner pour qu'ils deviennent, lorsqu'ils auront atteint l'âge adulte, des personnes qui ne répéteront pas ces agissements qui mènent aux échecs matrimoniaux, génération après génération, et à des problèmes sociaux et des problèmes de comportement débouchant souvent sur la criminalité?

J'ai beaucoup d'inquiétudes de ce côté. Nous votons des lois pour contrer les effets des problèmes, mais nous ne nous attaquons pas véritablement aux causes.

Mme Watts: Il y a un genre de négligence législative envers la famille. Notre organisme le reconnaît. Tous les groupes sociaux doivent aider la famille, que ce soit les gouvernements, le secteur de l'éducation, les Églises, etc. Si les enfants n'ont pas d'exemples, on peut leur fournir de l'information intellectuelle. Mais il faut aider la famille de toutes les façons.

Les pressions que constituent les impôts et taxes excessifs n'aident pas la situation. Cela fait partie de nos recommandations et de nos positions.

[Traduction]

La présidente: Je vous remercie, monsieur Langlois.

Monsieur Ramsay, vous avez dix minutes.

M. Ramsay: Merci, madame la présidente. Je tiens à vous remercier, mesdames, d'être venues comparaître aujourd'hui. C'est un plaisir que de vous voir et de vous entendre.

À la page 2 de votre mémoire, vous évoquez l'injustice de la situation lorsqu'il y a garde conjointe. Cette faiblesse du projet de loi a été soulignée hier par le professeur Finnie, je pense, qui a présenté au comité un mémoire intitulé: «Bonne idée, mauvaise exécution: les mesures gouvernementales concernant les pensions alimentaires pour enfant». Je le mentionne car cela renforce la position que vous avez exprimée, en ce sens que le professeur a isolé la même déficience que vous.

Dans la mesure où ce projet de loi ne s'attaque pas au problème très réel de l'accès, pensez-vous que ce soit le bon moment d'aborder la question de l'accès et tout le problème qu'il pose?

Mme Watts: Lorsqu'un projet de loi, n'importe quel projet de loi, laisse de côté un sujet qui est au coeur de la problématique considérée, c'est là une très grave déficience. Nous avons soulevé la question car nous pensons qu'il importe de s'y attaquer. Il est injuste de la négliger, de ne même pas y réfléchir, comme si le problème n'existait pas. Or, il est démontré que c'est un problème très grave.

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On pourrait multiplier les exemples et je pense que vous en avez déjà entendu pas mal ici. Nous pensons que, pour être juste et équitable envers les deux parties, tant le parent qui a la garde que celui qui ne l'a pas, l'accès est un élément important et un facteur de poids dans le non-versement des pensions, et nous pensons qu'au moment de modifier la Loi sur le divorce, il faut prendre tous les facteurs en considération.

M. Ramsay: Avez-vous des renseignements que vous pourriez communiquer au comité sur le pourcentage ou le nombre de cas où le parent payeur ne remplit pas ses obligations simplement parce que le parent qui a la garde lui refuse l'accès aux enfants, en dépit d'une ordonnance judiciaire qui lui accorde cet accès? Avez-vous des données chiffrées?

Mme Watts: Je pourrais chercher si nous en avons. Je n'en vois pas pour le moment. C'est très difficile à déterminer. Tout le monde n'explique pas ses raisons pour ne pas faire quelque chose. La perte d'une femme et d'enfants et la perte de l'accès à un enfant entraînent de très fortes conséquences affectives. Cela peut déboucher sur des réactions illogiques et parfois des réactions logiques en apparence chez un parent. Encore une fois, c'est là la tragédie du divorce.

On ne peut identifier les sentiments de chacun. Mais il y a des cas où la tristesse est tellement grande qu'elle peut expliquer le non-paiement. Mais, encore une fois, pour ce qui est de chiffrer cela statistiquement, aucune statistique ne peut capturer les émotions engendrées par l'éclatement d'une famille. Le noyau familial est essentiel. Je pense qu'il est indispensable à l'équilibre psychique, même si un divorce peut être surmonté. Il est indispensable à une société forte et saine. Il est indispensable même au fonctionnement d'une société. Aussi, lorsque vous avez des ruptures tragiques dans la vie d'une personne, vous avez beau avoir des chiffres, mais que signifient-ils? Je veux dire par là que le problème est la conséquence de la facilité du divorce et je pense qu'il faut s'attaquer aux racines du mal. Si je trouve des chiffres, je vous les communiquerai.

M. Ramsay: Je déduis de ce que vous avez dit jusqu'à présent ici que si l'on parvenait à régler la question de l'accès, cela réduirait le nombre des cas de refus de paiement de la part du parent qui n'a pas la garde. Vous pensez que c'est un facteur motivant et une cause?

Mme Watts: Oui... dans certains cas, et je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'en chiffrer directement la fréquence. Le simple bon sens nous dit que cela réduirait les cas de non-paiement.

M. Ramsay: Il y a au moins deux volets à cela, en ce sens que les enfants retirent bénéfice du contact avec les deux parents, et si le manque d'accès justifie le refus de verser la pension alimentaire, cela doit être pris en compte également.

J'aimerais vous poser ma dernière question. Il s'agit de l'exécution. Vous parlez de façon très convaincante, à mes yeux, du cercle vicieux qui est créé. Si le parent qui n'a pas la garde ne s'acquitte pas de ses obligations en matière de pension alimentaire pour enfant, et qu'on le prive purement et simplement des moyens de conserver son emploi et de travailler, cela ne va aider personne.

D'aucuns ici ont préconisé de recourir à l'emprisonnement, à une peine de prison, et l'un de mes honorables collègues du côté gouvernemental a fait remarquer hier que, dans la mesure où la majorité de ces parents défaillants n'ont pas une intention criminelle, cette mesure viserait simplement à les amener à s'acquitter de leurs obligations envers leurs enfants. Si le parent risquait une peine de prison, si cette épée de Damoclès était suspendue sur sa tête, très peu aboutiraient en prison. Ils s'acquitteraient simplement de leurs obligations, car ils n'ont pas d'intention criminelle réelle en ne payant pas. Ils omettent de le faire pour diverses raisons - la haine qu'ils peuvent éprouver pour leur conjoint et qui les rend aveugles à l'amour qu'ils ont pour leurs enfants etc.

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Qu'en pensez-vous? Que penseriez-vous d'un amendement prévoyant une peine de prison? Le projet de loi comporte une sanction, mais qui se limite au retrait d'une licence. Que pensez- vous d'un amendement qui établirait une peine de prison pour quelqu'un qui volontairement et délibérément refuse de verser la pension alimentaire?

Mme Watts: Nous n'avons pas de position précise à ce sujet, mais il me semble qu'une société sensible et intelligente devrait trouver d'autres façons que d'emprisonner un parent.

M. Ramsay: Ce n'est pas tout à fait ma question. Ma question est celle-ci: à votre avis, et selon votre expérience, pensez-vous que la possibilité d'une peine de prison planant sur la tête d'un parent tenu par une ordonnance judiciaire d'effectuer des versements de soutien mensuels l'inciterait à s'exécuter? En effet, l'omission des parents à faire les versements est l'un des gros problèmes. Ne serait-ce pas une incitation efficace, à votre point de vue? Toute opinion que vous pourriez proposer au comité à cet égard serait la bienvenue.

Mme Watts: Tout d'abord, je pense qu'il s'agit là d'un très petit pourcentage des pères. Je pense que la majorité des défaillances est due à l'incapacité de payer, surtout dans la crise difficile que traverse notre société. Cela pourrait être utile dans les situations extrêmes, mais il faut se montrer prudent avant d'adopter des mesures adaptées aux situations extrêmes mais qui vont s'appliquer dans tous les cas.

M. Ramsay: D'accord. Je vous remercie, madame la présidente.

La présidente: Madame Clancy.

Mme Clancy: Il est téméraire de me donner la parole, madame la présidente. Merci infiniment.

Je tiens à féliciter REAL Women. Je dois dire que, dans mes huit années passées au Parlement, je n'ai encore jamais rencontré un groupe ayant des positions aussi constantes que le vôtre.

En ce qui concerne votre présentation, elle présente des erreurs d'interprétation juridique aveuglantes, mais je sais que ma collègue, Mme Torsney, va vous poser quelques questions les concernant. Peut-être s'agit-il de malentendus, mais vous semblez les partager avec une tierce partie. Mais, comme je l'ai dit, Mme Torsney les abordera.

J'aimerais répondre à vos accusations d'inflexibilité. Je ne sais pas si vous avez examiné l'article du projet de loi traitant des dépenses spéciales ou extraordinaires. Après dix années d'exercice devant les tribunaux de la famille dans des affaires comme celles-ci, lorsque je regarde les montants indiqués dans le barème pour la Nouvelle-Écosse, je peux vous dire que non seulement la vaste majorité de mes clientes, mais la quasi-totalité d'entre elles, auraient été tout à fait ravies d'obtenir de tels montants du parent payeur.

Je peux vous dire également que vos réserves au sujet de l'inflexibilité sont pleinement couvertes par le paragraphe 17(4.1) du projet de loi. Je vous rappelle qu'il y a une latitude judiciaire. Des lignes directrices ne sont que cela - des lignes directrices. Les juges ne sont pas là uniquement pour apposer un tampon. La raison d'être de ces lignes directrices est de fixer un cadre, mais nous tenons pour acquis - et, si Dieu le veut, il en sera ainsi - que les juges vont faire preuve de discernement dans le meilleur intérêt de l'enfant. C'est lui le souci primordial dans cette loi et dans les lois analogues. J'aimerais connaître votre position là-dessus.

.1025

Mais auparavant, permettez-moi d'aborder un certain nombre d'autres aspects.M. Bellehumeur est parti, et son erreur concernant la définition du paragraphe 1(3) n'est pas tant votre problème que le sien.

Je suis heureuse que vous ne vous soyez pas longuement attardée sur la possibilité de la médiation, en dépit des propos de M. Ramsay, car - et je suis sûre que vous êtes d'accord - la médiation forcée crée une situation très difficile, habituellement pour les femmes mais ce pourrait aussi être le cas des hommes, confrontées à un conjoint manipulateur ou violent avec lequel un contact étroit et prolongé est à la fois malsain et intenable pour l'autre partie et les enfants.

Vous avez dit quelque chose au sujet des nouveaux conjoints et le fait que le calcul englobe le salaire du nouveau conjoint. Ce n'est pas le cas. Il n'est pris en considération, si je comprends bien, que si le payeur invoque des difficultés excessives.

Je suis rassurée de voir les fonctionnaires du ministère de la Justice hocher de la tête.

En d'autres termes, si vous dites que vous ne pouvez payer pour telle ou telle raison, on va alors considérer le revenu de l'autre conjoint. Mais les revenus indiqués dans la grille ne sont pas ce que vous avez dit. Je suis sûre que vous voudrez rectifier cela dans votre mémoire.

L'autre élément intéresse la partie de votre mémoire intitulée «La question de l'accès est inséparable de celle des versements de soutien». Ma réponse à cela, après avoir livré les guerres en tribunal de la famille - et je sais que le ministre a dit la même chose l'autre jour, mais je ne m'attends pas nécessairement à ce que vous soyez d'accord avec le ministre - est que le fait de lier la garde et le droit de visite à la pension alimentaire revient, dans la pratique, à faire du trafic de chair humaine. Cela revient à prendre les enfants en otage. J'ai beaucoup de mal à croire que REAL Women veuille tomber dans ce piège.

Je cite ce que vous écrivez dans votre chapitre trois:

Honte à vous, mesdames. Honte. Pouvez-vous vraiment vous asseoir devant ce comité et dire que vous ne croyez pas que le niveau de vie des enfants est directement lié au niveau de vie du parent qui en a la garde, la mère dans la plupart des cas? Si vous le pensez, comment avez-vous pu oser écrire cela dans un mémoire adressé à ce comité?

Je vous remercie, madame la présidente.

Mme Watts: Pour ce qui est de l'intérêt de l'enfant, je ne pense pas qu'il faille perdre de vue le tableau d'ensemble. Le meilleur intérêt de l'enfant est une famille intacte.

Mme Clancy: Est-ce que cela englobe une famille où l'on se livre à des sévices?

Mme Watts: Mais, laissez-moi finir. Nous pourrons parler de cela si vous voulez.

Mme Clancy: Je le veux.

Mme Watts: Cela suppose un soutien par le biais d'une législation pro-famille, un soutien de la collectivité, un soutien des Églises, un soutien des écoles. De nombreux pans de la société sont en cause dans tout cela, qui contribuent aux ruptures de mariage. C'est un problème à considérer. Il ne faut pas perdre de vue le tableau d'ensemble.

Lorsque je vois toutes ces modalités par lesquelles on veut privilégier l'enfant dans les cas de séparation et de divorce, ce que je vois c'est que l'on a, d'une certaine façon, toujours une famille. Ils sont tous séparés, ils traversent tous une crise, mais d'une certaine façon c'est toujours une famille. Il faut y songer, et songer à toutes les parties.

C'est pourquoi nous pensons que l'accès devrait être un élément. Il me semble qu'il y a une injustice à se concentrer uniquement sur les défaillances du parent qui n'a pas la garde, en négligeant celles du parent qui l'a. Nous essayons donc de trouver un équilibre entre les deux, afin de ne pas être partiales.

Par ailleurs, nous n'apprécions pas des expressions du genre «lier la garde à l'accès» ou «faire du trafic de chair humaine».

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La présidente: C'était «lier la garde et l'accès à l'entretien», et non pas «lier la garde à l'accès».

Mme Clancy: Je vous remercie, madame la présidente.

Mme Watts: Ce que nous recherchons, c'est l'équité et l'égalité et l'ouverture d'esprit de la part de toutes les parties concernées. Nul ne vit isolément, ni après le mariage ni avant. Vous avez toujours là une famille en crise, même si, juridiquement, ses membres sont séparés. Dans de nombreux cas, la mère de l'enfant est toujours sa mère, le père de l'enfant est toujours son père, et ils restent toujours d'anciens époux.

C'est une situation tragique. Ce n'est pas une question de trafic, c'est une question de justice. J'imagine que, dans certains cas, on pourrait percevoir les choses ainsi, mais je pense qu'il faut essayer de surmonter ces attitudes et essayer d'être équitable envers toutes les parties.

Pour ce qui est du niveau de vie de l'enfant, encore une fois, on vous a déjà dit que tout le monde souffre financièrement dans un divorce et que nul n'y gagne. Donc, encore une fois, le meilleur niveau de vie pour l'enfant serait celui d'une famille intacte. Peut-être une aide indirecte pour garder la famille intacte préviendrait-elle tous ces problèmes, qui deviennent de plus en plus complexes plus le divorce devient facile. Le niveau de vie est lié à la situation du parent qui a la garde aussi bien qu'à celle du parent qui ne l'a pas. Établir des distinctions dans tout cela revient...

Ce que vous dites est vrai dans certaines situations, mais je pense qu'il faut considérer le tableau d'ensemble.

Mme Clancy: Madame Watts, il me semble entendre là un thème. Vous utilisez l'expression «plus le divorce est facile». Pour ce qui est du divorce lui-même, nous avons maintenant dans ce pays une méthode aussi facile que possible. Ce dont nous parlons ici sont des questions corollaires. Ce sont là les choses qui compliquent le divorce.

Je peux vous assurer qu'en tant qu'avocate spécialisée dans les divorces, rien ne me plaisait mieux que de voir un client ou une cliente arriver dans mon bureau et dire que le ménage n'avait pas d'enfant et un contrat prénuptial - pas de problème, dissolvons le mariage. C'était aussi facile que de descendre d'une voiture. Il y avait très peu de Sturm und Drang affectif. C'était facile.

Ce sont donc les questions corollaires qui posent problème. Le divorce est facile. Les questions corollaires sont difficiles.

Sauf tout le respect que je vous dois... Et je sais que je ne fais probablement pas partie de ceux que votre groupe considère acquis à sa cause; vous avez raison, mais je veux me montrer aussi équitable que possible. Est-ce que vous n'envisagez pas toute cette situation à travers des lunettes roses? Pensez-vous vraiment, vu l'évolution de la législation et de toute la société, que les gens vont s'arrêter de divorcer? Pensez-vous réellement que l'on peut guérir la plupart des mariages marqués par la violence? Pensez-vous réellement que ce ne sont là que des périodes de crise et que ces gens vont finir par se retrouver et, sinon s'aimer, se traiter l'un l'autre avec un peu de dignité et de respect? Car je dois vous dire, madame Watts, aux yeux de la plupart d'entre nous qui avons travaillé dans ce domaine, c'est se montrer naïf à tel point que c'en est presque criminel.

Mme Sophie Joannon (ancien membre du conseil, REAL Women of Canada): Tout d'abord, en tant qu'avocate spécialisée dans le divorce, vous êtes confrontée aux retombées du divorce. Vous ne voyez pas les familles saines. Votre point de vue, à vous aussi, en est forcément coloré.

Mme Clancy: Cette loi ne porte pas sur les familles bien portantes non plus. Cette loi porte sur les retombées.

Mme Joannon: Oui, mais notre idéal reste une société qui favorise la famille saine et intacte.

Je veux réagir à quelque chose d'autre que vous avez dit. Vous avez donné à entendre que ce sont habituellement les familles violentes, mais celles-ci ne forment pas la majorité des gens qui divorcent. Ils ne le font pas pour des raisons de sévices graves. Ils le font parce qu'ils s'ennuient dans le mariage. C'est prouvé. Je peux vous donner quelques statistiques montrant que la majorité des couples ne se séparent pas à cause de problèmes graves, mais parce que c'est facile. Oui, c'est facile.

Mme Clancy: Je vous remercie.

La présidente: Je vous remercie, madame Clancy.

Monsieur Langlois, vous avez cinq minutes.

[Français]

M. Langlois: Il est un fait, et je crois que vous l'avez mentionné tout à l'heure, que le divorce n'est pas une panacée. Ce peut être un palliatif, mais il faut généralement, quand ce n'est pas toujours, donner un nouveau sens à la famille éclatée, qui est encore, à mon avis, une famille.

.1035

Il y a toujours un père, une mère et des enfants. Il existe une famille différemment constituée. Je l'ai vu souvent en pratique. Lorsqu'on demande aux enfants quelle est leur situation familiale, ils disent que oui, ils ont une famille. Ils déclarent très volontiers qu'ils ont encore une famille. Même si leur père ne vit plus avec leur mère, pour eux, ils ont encore des parents. C'est plus difficile de faire comprendre aux conjoints que la famille existe toujours. Ce sont souvent les enfants qui servent de prétexte à un règlement de comptes et ce sont eux qui vont payer. C'est ce que le législateur doit éviter.

Mais il y a une chose qu'on ne peut pas éviter, à moins d'emprunter les politiques du crédit social et d'imprimer de l'argent. Généralement, il y a une baisse de revenu chez le couple puisque les économies d'échelle ne sont plus réalisables. Il ne coûte pas plus cher d'avoir une habitation pour deux personnes plutôt que pour une, même s'il faut utiliser un peu plus d'eau chaude pour les bains, mais cela coûte plus cher si chaque personne prend son bain séparément dans des lieux différents.

Il y a une baisse de revenu. Cela, les gens doivent l'accepter. Les gens voudraient le meilleur des deux mondes: ne plus vivre ensemble, parce qu'ils ne sont plus capables de se supporter, et aussi garder le même niveau de vie. Ce n'est pas possible. On ne peut avoir les deux. Pendant un certain temps, à moins d'accumuler des revenus... Personnellement, j'ai eu beaucoup de difficulté avec des clients à qui je disais: «Vous pensez que vous allez être beaucoup mieux après?»

Je ne parle pas des cas de violence conjugale où il faut séparer les gens le plus rapidement possible avant qu'il ne se produise un meurtre. Cependant, il y a des cas où, pour des banalités, pour des balivernes... On a un peu banalisé le divorce au Canada en le rendant trop facile parce qu'on ne prend pas de mesures de médiation avant.

Il y a plusieurs couples que, modestement, j'ai peut-être réussi à sauver en faisant de la médiation, en leur faisant comprendre que leur situation pécuniaire allait être pire. Je leur disais que peut-être, pendant un mois, deux mois, trois mois, ils se sentiraient terriblement libres, ils pourraient s'envoyer en l'air avec n'importe qui, ils auraient l'impression de retrouver une jeunesse éternelle, mais que viendrait un moment où ils retomberaient les pieds sur terre. Dans certains cas, ils ne m'ont pas écouté et ils sont revenus plus tard me dire que peut-être j'avais un peu raison.

Mais cet élément inéluctable d'une faillite du mariage, qui est souvent lié à une quasi-faillite pécuniaire à cause du manque de ressources, je ne vois pas comment on peut l'éviter. Je ne sais pas si vous voyez une façon d'éviter cette perte nette. On va protéger les enfants en bout de piste, mais on ne peut pas injecter d'argent neuf pour confirmer aux gens que leur mariage n'a pas fonctionné. Les mesures alternatives, les mesures prédivorce, on ne les retrouve nulle part. C'est ce qu'il manque dans le projet de loi C-41, à mon avis. On ne dit pas qu'on doit faire de la prévention et de l'éducation. Cela ne se retrouve pas dans la Loi sur le divorce.

Mme Watts: Oui. Comme vous le dites, on devrait dire aux gens qu'il y a toujours une perte encourue. On pourrait peut-être examiner les tables pour voir que, du point de vue financier, la dissolution d'un mariage est toujours difficile.

Il faut se souvenir qu'au Canada - nous avons ce chiffre dans notre documentation - , après la libéralisation de 1968, le nombre de divorces a augmenté de 500 p. 100. Après une augmentation de 500 p. 100, on peut toujours avoir espoir de voir redescendre ces chiffres. On peut regarder les chiffres. Le projet de loi C-41 fera-t-il monter ou descendre les chiffres? Il faudrait continuer d'évaluer la situation pour voir si les chiffres montent ou descendent. Il serait important d'examiner la situation, car on en parle aujourd'hui, mais demain tout sera complètement oublié.

Il faut répondre de nos décisions, de nos lois; il serait donc important d'avoir des statistique régulières après la mise en application de cette loi au pays, pour retracer ce qui ne fonctionne pas. Quand le taux de divorce monte de 500 p. 100, c'est tragique. Ce n'est pas qu'un chiffre; c'est une tragédie pour les parents, pour les enfants, sans oublier les grands-parents. On ne mentionne pas les grands-parents.

Mon expérience, c'est que dans les mariages, les parents ont des difficultés à vivre. Je trouve que les jeunes ont de plus en plus de difficulté à supporter avec patience les problèmes qui se présentent toujours dans un mariage. Souvent, c'est la génération la plus âgée, celle qui a connu la stabilité du mariage, qui va aider les petits-enfants. Je le vois moi-même. La génération intermédiaire semble incapable de garder la famille ensemble. Il semble, par ailleurs, que la génération précédente a de meilleures habitudes qui peuvent se transmettre aux petits-enfants.

.1040

[Traduction]

La présidente: Je vous remercie, monsieur Langlois. Madame Torsney, cinq minutes.

Mme Torsney (Burlington): Pour commencer par la page 2 de votre mémoire, je remarque que vous considérez que les choses vont devenir plus complexes avec ces lignes directrices. Je me demande si vous savez à quel point les choses sont complexes actuellement, du fait que les gens doivent retourner devant les tribunaux et les juges pour obtenir des ordonnances modificatives, alors que dorénavant ce sera une procédure administrative peu complexe lorsqu'il y a une augmentation de revenu. Si tout d'un coup votre salaire double, il sera plus facile de faire modifier les montants.

Au sujet de la page 4, j'aimerais savoir si vous avez des statistiques ou des montants à l'appui de votre affirmation concernant les différences de frais selon l'âge des enfants. Je suis récemment allée acheter un costume à neige avec quelqu'un. C'était pour un très jeune enfant et le costume ne semblait pas coûter moins cher que pour un enfant plus âgé.

À la page 6, je veux attirer votre attention sur le fait que la raison pour laquelle nous ne pouvons prévoir la déduction automatique à la source des versements de pension alimentaire pour tous les employés du Canada, ainsi que certaines provinces l'ont fait, est qu'il s'agit là d'une compétence provinciale. Ce que nous pouvons faire, c'est contrôler la déduction sur les salaires des employés fédéraux, et c'est pourquoi cela se trouve dans ce projet de loi, ainsi que des remboursements d'impôt, et cela figurera dans les dispositions prochaines sur l'assurance emploi.

Au niveau fédéral, nous ne pouvons décréter que nous ferons cela dans une province donnée. Nous pouvons collaborer avec les provinces et les encourager à le faire, et votre groupe peut le faire aussi, mais nous ne pouvons l'ordonner.

Plus loin, je suis un peu déroutée lorsque vous dites que si la profession du père exige qu'il détienne l'une des licences fédérales dont la liste figure dans le projet de loi, le retrait de cette licence le réduira au chômage et l'empêchera de verser un revenu à ses enfants. Il est bien dommage qu'il n'y ait pas pensé auparavant, car si les conséquences sont si graves - et c'est la raison pour laquelle cette mesure est inscrite ici - peut-être aurait-il dû réfléchir aux conséquences avant de négliger de verser la pension alimentaire. C'est pour cela que l'on agite ce bâton. Cela signifie que soit il paie soit il y aura des conséquences graves. Les enfants de ce pays ne peuvent attendre que soit épuisée toute la vieille litanie des excuses que l'on peut avancer pour leur refuser le soutien.

Enfin, je n'ai pas très bien compris lorsque vous avez dit en réponse à une question deM. Bellehumeur que les lignes directrices pourraient être utilisées pour de mauvaises raisons. Je ne vois vraiment pas ce que vous entendez par là. Pourriez-vous me l'expliquer?

Mme Watts: Les lignes directrices pourraient servir à réduire le montant des paiements. Le juge, dans certaines circonstances, pourrait dire que le parent qui a la garde devrait recevoir tel ou tel montant et le parent payeur rétorquer que la ligne directrice prévoit tel autre montant, et insister pour l'appliquer.

Mme Torsney: C'est le juge qui décide. Si le juge veut accorder un montant plus important, il peut le faire. C'est sa prérogative. Ceci est une ligne directrice...

Mme Watts: Lui ou son avocat pourrait invoquer les lignes directrices pour obtenir un montant moindre.

Mme Torsney: Néanmoins, si le juge veut octroyer un montant plus élevé, c'est lui qui décide.

Mme Watts: Oui.

Mme Torsney: Je ne vois donc pas en quoi elles pourraient être utilisées pour de mauvaises raisons.

Mme Watts: Pour faire baisser le montant de la pension versée au parent qui a la garde, ou tenter de le faire. La tentative peut aboutir ou non. C'est ce que nous voulons dire, elles pourraient être utilisées à mauvais escient.

Mme Torsney: Je ne suis pas sûre. C'est un faux argument, puisque rien ne dit que les juges doivent accorder ce montant précis et pas un sou de plus. Les gens peuvent bien invoquer tout ce qu'ils veulent, utiliser tout moyen de défense qu'ils veulent. Mais si le juge, dans la salle de tribunal, décide que le montant de la pension sera de tant, l'autre personne peut bien dire tout ce qu'elle veut, cela ne signifie pas que le juge va devoir être d'accord. C'est le juge qui contrôle. Ceci est une ligne directrice, un minimum.

Avez-vous une réponse à l'un ou l'autre des autres points que j'ai soulevés?

Mme Watts: Pour ce qui est des frais occasionnés par les enfants, trois adolescents coûtent plus cher à nourrir et à habiller que trois jeunes enfants.

Mme Torsney: Est-ce là votre expérience personnelle?

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Mme Watts: C'est mon expérience personnelle. Un adolescent a besoin de chaussures de taille adulte, qui coûtent plutôt cher, et il les use plus vite. Il est plus difficile de trouver des vêtements d'occasion pour des adolescents que pour des bébés et de jeunes enfants car les vêtements cessent très vite d'aller à ces derniers.

Mme Jeannine Lebel (membre du conseil, REAL Women of Canada): Avez-vous jamais vu manger un adolescent?

Mme Torsney: Oui, en fait, et je porte des chaussures de taille adulte depuis l'âge de sept ans, mais c'est là une autre question. Les anecdotes, c'est très bien, mais elles ne sont pas scientifiques. Si vous allez lancer ce genre de déclarations, je pense que vous devez les appuyer, car beaucoup de travaux ont été réalisés au cours des six dernières années pour chiffrer les divers niveaux. Vous pouvez dire, à titre anecdotique, que les chaussures de taille adulte coûtent plus cher. Allez donc voir combien coûte aujourd'hui une paire de Reeboks pour un jeune enfant, même de trois ans. Elles sont presque aussi chères, et elles ne durent qu'un instant parce que les gamins passent à la taille supérieure tellement ils grandissent vite.

Franchement, s'agissant de vêtements d'occasion, il y a des quantités d'endroits un peu partout où l'on trouve des vêtements usagés pour les enfants, et les adolescents peuvent porter des vêtements usagés d'adulte s'il le faut. Les parents peuvent leur donner les leurs, si c'est ce qu'ils veulent faire.

Je ne suis donc pas sûre que les anecdotes soient réellement pertinentes. Si je le voulais, je pourrais vous opposer une anecdote à chacune des vôtres. Vous devez appuyer ce que vous dites sur des faits. C'est la moindre des choses, si vous nous demandez d'apporter des changements en fonction de l'âge.

La présidente: Avez-vous des questions, monsieur Ramsay?

M. Ramsay: Je suis un peu dérouté. J'aimerais demander ceci aux témoins, ou à n'importe quel membre, afin que ce soit consigné au procès-verbal: dans quelle mesure le tribunal est-il tenu de s'en tenir aux lignes directrices? Le paragraphe 15.1(3) du projet de loi dit:

La présidente: Dans le texte des lignes directrices elles- mêmes, il est dit qu'elles n'ont qu'une valeur indicative.

M. Ramsay: Oui, mais comment contournez-vous l'impératif du paragraphe (3)?

La présidente: Peut-être faudrait-il poser la question à un juriste. Vous aurez l'occasion de le faire après ces témoins. L'un des meilleurs spécialistes canadiens du droit familial se trouve ici même dans la salle, à ronger son frein, une diplômée de l'Université de Windsor.

M. Ramsay: Je dois dire qu'ayant élevé moi-même quatre enfants, quiconque prétend que le coût d'un enfant de moins de dix ans est le même que celui d'un adolescent ne va pas me convaincre, car je sais ce que cela nous a coûté d'élever nos enfants et je peux vous dire qu'une fois qu'ils arrivent à l'adolescence et que leurs exigences augmentent et tout le reste... Je ne pense pas que nos dépenses soient différentes de celles de n'importe quelle autre famille, et ma femme fréquente les ventes de garage et tout, achète des vêtements d'occasion et des jouets d'occasion, etc. Il ne fait aucun doute que lorsque les enfants avancent en âge, leur ponction dans les finances familiales augmente.

Voilà donc mon avis, et je vous invite à y réagir. Quiconque prétend qu'il n'y a pas de différence entre le coût de la satisfaction des besoins d'un enfant de trois ans comparé à un adolescent de 15 ou 16 ans vit sur une autre planète.

Mme Joannon: Mme Torsney a dit que les Reeboks pour un enfant de trois ans coûtent la même chose que pour les adolescents. Je réponds que si vous êtes assez stupide pour acheter des Reeboks à un enfant si jeune, c'est pour impressionner vos amis, pas pour impressionner le gamin.

La présidente: Je vous remercie, REAL Women.

Nous allons suspendre la séance jusqu'à 11 heures pour faire une petite pause, avant l'audition de nos prochains témoins. Merci.

.1050

.1104

La présidente: Nous sommes de retour, et encore une fois nous recevons une diplômée de l'Université de Windsor.

Nous sommes ravis de vous voir, Carole.

M. Rideout (Moncton): Avez-vous choisi le témoin?

La présidente: Je n'ai rien eu à voir avec cela; ce n'est pas de mon fait, je le jure.

Je dois vous dire que Carole est également membre du conseil de la Law Society of Upper Canada, l'une des premières femmes à occuper cette fonction. Elle est une autre des diplômées de l'Université de Windsor ayant connu une réussite brillante. Elle est réputée pour son savoir dans le domaine du droit familial.

Je suis vraiment heureuse de vous voir ici, Carole, et je sais qu'il en est de même pour tout le monde.

Mme Carole Curtis (membre, Association nationale de la femme et du droit): Je suis ravie d'être ici. Votre présentation était très élogieuse. Je vous remercie.

Je représente ici l'ANFD, l'Association nationale de la femme et du droit. Nous avons fait distribuer notre mémoire. Je regrette de n'avoir pu vous le remettre plus tôt, mais je tenterai dans mon exposé de mettre en lumière les éléments saillants et de vous expliquer les aspects qui exigent une attention particulière.

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L'Association nationale de la femme et du droit a été fondée au début des années 70. C'est une organisation sans but lucratif ayant pour mission d'intervenir auprès des pouvoirs publics en faveur de la condition féminine. Je suis là également parce que je suis avocate spécialisée en droit familial. J'exerce depuis 18 ans, exclusivement dans le domaine du droit familial.

La présidente: Carole a fréquenté la faculté de droit bien longtemps avant moi.

Mme Clancy: Et uniquement parce que Shaughnessy essayait toujours de réussir sa 12e année.

Mme Curtis: Notre mémoire fait dix pages, mais je commencerai par passer en revue brièvement les quatre aspects les plus importants, avant de résumer le reste.

Lorsque cette initiative a commencé - et je dois dire que l'ANFD félicite le gouvernement fédéral de l'avoir entreprise - les comités fédéraux-provinciaux-territoriaux qui se sont penchés sur le droit familial ont établi le constat que les pensions alimentaires pour enfant sont trop faibles. Il est très important et significatif que le gouvernement fédéral ait réagi en prenant des mesures.

Ainsi donc, ces lignes directrices ont pour objet de répondre à ce constat. Si elles ne remplissent pas l'objectif de placer davantage d'argent aux mains des personnes qui ont la charge d'enfants, elles sont un échec. Ceci est l'une des plus vastes réformes du droit familial jamais entreprises. Il est donc très important de voir dans quelle mesure la réforme accomplit l'objectif qui la sous-tend. C'est là notre étalon.

La suivante des quatre préoccupations principales est le fait que les dépenses spéciales définies dans les lignes directrices, telles que les frais relatifs aux soins de santé et à l'éducation, couvrent en fait des besoins essentiels par opposition à des dépenses spéciales. Il faut les préserver.

Les montants de pension alimentaire apparaissant dans les barèmes pour les familles gagnant moins de 40 000$ par an, c'est- à-dire lorsque le payeur gagne moins de 40 000$ par an, sont faibles. De fait, ils sont inférieurs aux montants actuellement attribués par les tribunaux, pas seulement à Toronto où j'exerce, mais partout dans le pays. De ce fait, ces frais spéciaux revêtent une importance encore plus grande pour ces familles. À cet égard, je vous incite à ne pas permettre que ces frais soient supprimés lors du processus d'amendement ou lors de l'adoption du projet de loi à la Chambre.

Le troisième aspect important pour l'ANFD, est que la définition de revenu est trop étroite. Cette définition n'est pas adaptée au calcul de la pension alimentaire pour enfants et devrait être revue. Les considérations qui régissent le calcul du revenu aux fins de l'impôt et celles qui devraient être appliquées à l'obligation des parents de subvenir aux besoins de leurs enfants ne sont pas les mêmes. Non seulement ces considérations sont-elles différentes, mais cette définition du revenu représente un changement par rapport au droit actuel et à la formule de calcul actuelle des pensions alimentaires pour enfants.

Le dernier des quatre éléments est qu'il faut consacrer davantage de crédits à la mise en oeuvre des lignes directrices. Partout au Canada, l'aide juridique civile fait l'objet de coupures. De ce fait, le droit de saisir un tribunal pour faire modifier la pension alimentaire pour enfants - qui fait partie de ce processus car aussi bien les lignes directrices que les modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu sont réputées être un changement de situation justifiant une ordonnance modificative - est un droit creux pour la plupart des femmes car elles n'ont pas les moyens de payer un avocat.

Voilà les quatre principales préoccupations. Nous les analysons de façon plus détaillée dans le mémoire, ainsi qu'un certain nombre d'autres. Je vais passer en revue les plus importantes de ces dernières.

Une crainte réelle suscitée par les lignes directrices en général est qu'elles deviennent un maximum plutôt que d'être considérées comme un minimum. C'est l'expérience qui a été faite dans certains États américains. Je crois que 47 des 50 États ont des lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfant. L'existence de la catégorie des dépenses spéciales comme montant à ajouter à ceux des tables permettra certainement de prévenir ce problème. C'est une autre raison qui fait qu'il est essentiel de conserver cette catégorie.

Il y a quelque incertitude concernant toute la question des augmentations en fonction du coût de la vie. Est-ce qu'elles continueront à s'appliquer aux pensions alimentaires pour enfant? De telles clauses de coût de la vie sont très courantes dans les accords de séparation. Il existe des milliers d'accords de séparation comprenant de telles clauses. Est-ce que la divulgation annuelle des revenus est censée remplacer les ajustements en fonction du coût de la vie? Cela ne ressort pas clairement du projet de loi ou de l'annexe.

Les chiffres de l'annexe doivent être révisés à intervalles réguliers. Il est bon que le gouvernement fédéral veuille effectuer un examen dans quatre ans et déposer un rapport dans cinq ans, mais c'est un délai trop long pour les enfants du Canada. Les chiffres devraient être révisés annuellement ou, à tout le moins, tous les deux ans.

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J'ai été très heureuse d'entendre, lors de la comparution des témoins précédents, les propos sur le coût d'enfants d'âges différents. L'un des problèmes d'une grille comme celle-ci est qu'elle néglige le fait que l'éducation d'enfants d'âge différent comporte des coûts différents. Prenons un tout petit exemple. Deux pères qui gagnent chacun 40 000$ par an vont payer le même montant de pension, même si l'un entretient un enfant de trois ans et l'autre un adolescent de 14 ans.

L'ANFD est préoccupée par la façon dont le projet de loi traite la pension alimentaire de conjoint. Le soutien au conjoint reste un sujet très litigieux en droit familial, beaucoup plus litigieux que la pension alimentaire pour enfant. Nonobstant la jurisprudence récente de la Cour suprême du Canada, il reste de nombreux autres facteurs qui contribuent à des pensions de conjoint, ou même à l'absence de pension même dans les cas où elle serait appropriée et nécessaire.

La priorité donnée à la pension alimentaire pour enfants dans le projet de loi pose quelques problèmes en ce sens qu'il est déjà difficile d'obtenir le soutien du conjoint, et cette disposition pourrait rendre cela encore plus difficile ou même impossible. Nous formulons une recommandation précise - et les recommandations sont regroupées à la fin de notre mémoire - à savoir que le paragraphe 15(3) de la Loi sur le divorce, c'est-à-dire à l'article 2 du projet de loi, soit modifié de façon à préciser qu'en dépit de la priorité donnée à la pension alimentaire pour enfants, les tribunaux doivent tenir compte de la nécessité et du droit à une pension alimentaire de conjoint, selon les dispositions déjà existantes de la Loi sur le divorce.

L'ANFD se préoccupe également du délai de 15 mois avant l'entrée en vigueur de ces mesures. Le délai, de février 1996 à mai 1997, est très long. Cela devient un outil de négociation pour les avocats et fait qu'il est très difficile de parvenir à des règlements. Au stade actuel, soit environ six mois après le début du processus, tout ce que je puis dire c'est que vous devez agir vite et en finir, dans l'intérêt de quiconque cherche à parvenir à un règlement.

Ce projet de loi, les modifications et l'annexe vont entraîner quantité de modifications de pensions et de demandes d'ordonnances modificatives. Elles émaneront de trois catégories de clients: les femmes dont la pension est trop faible vont demander une augmentation; les hommes versant une pension qu'ils jugent trop élevée parce qu'elle n'est plus déductible de l'impôt sur le revenu vont demander une baisse; et la plus grosse catégorie de toutes, les gouvernements provinciaux et municipaux, qui ont dans leurs livres une énorme quantité d'ordonnances en faveur de bénéficiaires de l'aide sociale et des prestations familiales, saisiront également les tribunaux. Nombre de ces pensions sont extrêmement faibles, de l'ordre de 25$ ou 50$ par semaine et très inférieures aux lignes directrices.

De ce fait, il y aura un accroissement de la demande de décisions de justice pour modifier non seulement les ordonnances de divorce, mais également d'autres ordonnances de droit familial dans toute province qui adopte des lignes directrices, que ce soit les siennes propres ou celles du gouvernement fédéral.

Le droit de demander une ordonnance modificative et la possibilité de le faire sont deux choses différentes. Nous sommes actuellement dans une situation telle, à cause des coupures imposées à l'aide juridique civile partout dans le pays, que ce droit est devenu non existant à toutes fins pratiques. L'ANFD exhorte le gouvernement fédéral à prévoir des crédits appropriés pour la mise en oeuvre de ces lignes directrices. Pour que les choses soient bien claires, disons que 50 millions de dollars étalés sur cinq ans pour dix provinces et deux territoires ne suffisent pas pour accomplir cette tâche.

Les objectifs des lignes directrices telles qu'énoncés dans l'ébauche devraient être modifiés de deux façons. Le premier objectif déclaré devrait être d'assurer un niveau de soutien qui réponde aux besoins élémentaires des enfants. Cela paraît éminemment raisonnable, mais cela ne ressort pas clairement des objectifs. Cela est nécessaire pour donner un cadre aux juges et aux avocats, non seulement les avocats qui plaident ces affaires en tribunal, mais aussi ceux qui négocient. Il faut donner également un cadre aux couples qui sont assis autour de leur table de cuisine pour tenter de s'entendre. Quel est le but de toute cette réforme?

L'autre amendement que nous préconisons concerne le paragraphe 1 d) des objectifs, qui dit qu'il s'agit «d'assurer un traitement uniforme aux débiteurs alimentaires qui se trouvent dans des situations semblables». Franchement, cela ne devrait pas être l'objectif. L'objectif devrait être d'assurer un traitement uniforme aux enfants placés dans des situations semblables.

Je veux parler brièvement de la partie de l'ébauche de lignes directrices qui traite des dépenses spéciales. Nous craignons que l'expression «dépenses spéciales ou extraordinaires» pour décrire ces catégories de frais soit trompeuse et inexacte. Ce sont des catégories qui seront souvent invoquées et elles devraient être prises en compte obligatoirement ou à titre présomptif. Si vous regardez ces cinq catégories, bien rares sont les familles où aucune ne s'applique.

La disposition sur les dépenses spéciales est nécessaire pour assurer l'équité. À moins que ces dépenses ne soient reconnues, les parents ayant la garde supporteront injustement le fardeau de grosses dépenses ou bien devront se passer d'autres nécessités pour couvrir ces frais.

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Je pourrais peut-être parler un peu du contexte dans lequel s'inscrivent ces lignes directrices. Je ne vais pas entrer dans les détails, mais il règne l'idée fausse que ce barème est censé représenter le coût intégral ou moyen de l'éducation des enfants et que ces chiffres devraient par conséquent suffire par eux-mêmes.

Or, ces lignes directrices ne sont pas une estimation précise du coût moyen de l'éducation d'un enfant. Elles sont un outil d'usage limité, conçu pour permettre une comparaison grossière du bien-être relatif de ménages de composition différente et de revenu différent. Nous expliquons cela de façon beaucoup plus détaillée aux pages 3 et 4 de notre mémoire. C'est un peu technique et je ne vais pas m'y attarder ce matin. Mais c'est une très forte raison de préserver la catégorie des dépenses spéciales. Autrement, si vous êtes peu au courant du coût d'un enfant, il est très tentant de prendre les chiffres du barème et de se dire que c'est là le coût de l'éducation d'un enfant. Or, ce n'est pas du tout ce que ces chiffres représentent.

J'ai remarqué que la catégorie des difficultés excessives dans l'ébauche a également fait ce matin l'objet de discussions. Bien qu'il puisse être nécessaire de prévoir une certaine marge de manoeuvre au lieu de l'application automatique des lignes directrices, il n'est pas du tout approprié de privilégier les dettes par rapport aux enfants. Ce n'est pas approprié car il est beaucoup trop facile de s'insérer dans cette catégorie. Les dettes sont quelque chose que tous les couples - et tous les couples qui se séparent - possèdent. Les enfants devraient venir avant les dettes. Cela ne fait aucun doute.

Si cette catégorie est maintenue, elle devrait être structurée de façon à ce que le tribunal puisse user de sa latitude pour imposer un délai au remboursement de la dette et veiller à ce que, passée cette échéance, le montant approprié de soutien aux enfants reprenne effet.

Nous sommes également préoccupés par la prise en compte des niveaux de vie. Ce calcul devrait être obligatoire sauf dans des circonstances exceptionnelles. Nous craignons qu'une approche permissive n'entraîne des disparités.

En outre, il faut donner la priorité à la première famille du parent payeur. Il est toujours difficile de penser que l'on a à choisir entre des enfants. Les enfants sont innocents de la décision de leurs parents de se remarier et d'avoir d'autres enfants d'un deuxième ou d'un troisième lit. Mais il est clair, d'après différents indices, que les payeurs canadiens négligent trop souvent leurs responsabilités à l'égard des enfants de leur premier lit. Cela ressort du niveau actuel des arrérages de pensions dans le pays. En Ontario, les arrérages totalisent actuellement près de 900 millions de dollars, dont la moitié environ sont dus aux gouvernements municipaux et provinciaux pour les prestations d'aide sociale et familiale versées aux bénéficiaires. Et cela ressort clairement également du nombre d'enfants vivant dans la pauvreté.

Nous parlons simplement d'une sorte de conception morale fondamentale de la façon de mener sa vie: vous avez des responsabilités à l'égard de votre première famille que la fondation d'un deuxième ou d'un troisième foyer ne devrait pas diminuer. En d'autres termes, les enfants du premier lit ne devraient pas subventionner les décisions que prennent les adultes à l'égard d'une deuxième ou d'une troisième famille.

Pour ce qui est des éléments que les tribunaux devraient pouvoir prendre en compte pour déterminer l'existence de difficultés excessives, les obligations légales ou les ordonnances judiciaires que peut avoir le payeur ne représentent pas une mauvaise analyse. Mais beaucoup d'ordonnances de pension ne sont pas exécutées et il faudrait indiquer clairement que les tribunaux ne peuvent prendre en compte que les ordonnances préalables dans la mesure où elles sont dûment payées, et non pas dans les cas où la pension est impayée. Encore une fois, nous exposons cela plus en détail dans le mémoire.

Le critère des difficultés excessives et le seuil du niveau de vie représentent des choix importants de la part du gouvernement fédéral et nous en sommes partisans. Ces éléments permettent de s'écarter de la grille, mais en se fondant sur un tableau complet des ressources dont disposent les deux ménages, ce qui est un progrès considérable par rapport au droit actuel et un bien meilleur critère que celui utilisé dans maintes juridictions américaines.

Je veux parler brièvement de la définition du revenu. J'ai déjà indiqué que c'est l'un de nos plus gros sujets de préoccupation. Nous en traitons aux pages 6 et 7 du mémoire.

Pour ce qui est des frais professionnels déductibles de l'impôt sur le revenu, ils diffèrent très considérablement de ce qu'il faudrait autoriser aux fins du calcul du soutien d'un enfant. À l'heure actuelle, on peut déduire les repas d'affaires, les congrès et cours de formation tenus dans des lieux de villégiature luxueux. On voit mal pourquoi ces sommes ne devraient pas être considérées comme disponibles pour soutenir un enfant, c'est le moins que l'on puisse dire. C'est également un changement notable par rapport à la loi actuelle. C'est sans doute l'écart le plus important dans le projet de loi ou les lignes directrices par rapport à la loi actuelle.

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L'obligation de fournir des renseignements sur le revenu et les dispositions sur la divulgation obligatoire méritent d'être applaudies. La divulgation financière est absolument essentielle si l'on veut parvenir à des règlements et à des ordonnances équitables. La liste des remèdes énoncés est exhaustive et appropriée et nous l'approuvons, mais nous nous interrogeons sur l'obligation continue de fournir des renseignements financiers et la manière dont cela va être accompli.

L'Association vous exhorte à trouver une façon de modifier les lignes directrices, de manière à mettre en place un mécanisme administratif simple pour l'obtention et la transmission de ces renseignements par le biais d'une tierce partie, afin que les conjoints ne soient pas obligés d'avoir entre eux des contacts à long terme pour cela.

La philosophie du droit familial au Canada répond, en général, à la théorie de la «rupture complète», c'est-à-dire que l'on devrait pouvoir mener sa vie comme on l'entend à la fin du mariage, hormis les obligations financières envers les enfants. Ce genre de contact continu est à l'opposé de cette théorie. Il serait également très difficile pour les femmes agressées d'avoir ce contact continu avec leur mari. Dans maintes provinces, le programme d'application des ordonnances de soutien pourrait être une façon de le faire, ou bien les tribunaux pourraient s'en charger sur le plan administratif.

Encore une fois, nous disons à la page 7 que les enfants ne devraient pas avoir à attendre cinq ans que les barèmes soient réexaminés. Il ne s'agit pas seulement de revoir les chiffres et les lignes directrices; il faut comparer les pensions accordées sous le nouveau régime et sous l'ancien. En d'autres termes, il faut comparer les montants octroyés avant l'entrée en vigueur des lignes directrices et les montants censés couvrir le coût fondamental du soin des enfants, afin de vérifier que les lignes directrices remplissent bien l'objectif fixé par le groupe de travail fédéral-provincial-territorial lorsqu'il a commencé ses travaux.

Voilà donc un survol rapide du mémoire. Je vais demander à Judy Poulin de SCOPE de nous parler du contrôle d'application.

Mme Judy Poulin (Support for Children - an Organization for Public Education): Il est difficile de succéder à une intervention aussi éloquente, et je vous demande votre indulgence.

Je suis mère de trois enfants et cela fait 14 années que je me débats pour percevoir une pension alimentaire pour enfant. Il me reste malheureusement encore quelques années à faire.

SCOPE a été formé il y a six ans environ, avec pour point de départ la difficulté que j'avais personnellement à obtenir le paiement du soutien pour enfant en Ontario. Mon ex-époux travaille à son compte. J'ai donc subi toutes les avanies possibles et j'en suis arrivée à un tel point de frustration que quelqu'un m'a suggéré de fonder une organisation regroupant des femmes dans la même situation que moi.

C'est ainsi que nous avons constitué un groupe ici, à Ottawa. Nous avons suivi au fil des ans toute la gestation de ces lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfant. Nous avons pu constater que la clé est dans l'application, car sans une bonne application, les lignes directrices ne signifient rien.

J'ai suivi un certain nombre des témoignages précédents. La question a été posée de savoir pourquoi l'exécution pose un tel problème dans notre pays. C'est la grande question. À mon avis, la raison en est que nous avons permis que ce soit un problème. Nous avons laissé les parents payeurs s'en tirer sans qu'ils fassent leurs versements de soutien.

Je compare souvent cette situation au problème de la conduite en état d'ébriété. Que s'est-il passé dans ce cas-là? Tant que les gouvernements n'y ont pas mis un frein, lançant une grosse campagne de sensibilisation et commençant à pénaliser les conducteurs ivres, beaucoup de gens buvaient avant de conduire. Je pense qu'à cause des mesures prises, les gens ont commencé à y réfléchir à deux fois. Si le gouvernement se montrait ferme et commençait à sanctionner beaucoup plus durement les mauvais payeurs, on verrait un changement.

Les mesures proposées dans le projet de loi pour durcir le contrôle d'application sont bonnes, mais je pense qu'elles ne vont pas assez loin. Je crois que d'autres intervenants vous ont déjà dit qu'il fallait un régime plus sévère. Quelqu'un a suggéré d'en faire un délit criminel. SCOPE est en faveur de toute modification visant à renforcer l'exécution.

Je pense qu'un système national de mise à exécution est requis. Si chaque province avait le même régime, instauré peut-être sous l'impulsion du gouvernement fédéral, je pense que cela ferait une grosse différence pour nos enfants. Je pense que l'on verrait diminuer le taux des défauts de paiement.

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Voilà. Y a-t-il des questions?

La présidente: Je vous remercie.

Mme Curtis: Pour ce qui est de l'exécution, je n'ajouterai qu'une chose. Bien que l'exécution soit de compétence provinciale, le gouvernement fédéral pourrait facilement établir des normes d'exécution que les provinces devraient respecter.

À l'heure actuelle, en Colombie-Britannique, les enfants disposent de moyens moindres pour obtenir l'application d'une ordonnance de soutien qu'en Ontario ou en Nouvelle-Écosse, et c'est impossible à justifier.

La présidente: Savez-vous si la Conférence sur l'uniformisation des lois du Canada s'est jamais penchée là-dessus?

Mme Curtis: Je ne sais pas.

M. Ramsay: Je veux remercier les témoins de leur exposé. Je l'ai beaucoup apprécié. Il est empreint de bon sens.

J'ai des questions sur plusieurs domaines. Vous avez fait valoir que le coût de l'entretien est différent pour un enfant de trois ans et un enfant de 15 ans. Ayant eu moi-même des enfants de trois ans et de 15 ans, je saisis exactement ce que vous dites et je suis d'accord.

Vous dites dans votre mémoire que le but des lignes directrices est d'accroître le montant des pensions alimentaires pour enfant. Évidemment, nous voulons tous faire en sorte que les enfants soient adéquatement soutenus. Je me demande si vous réalisez - cela nous a été expliqué très clairement - que les tribunaux ne sont pas tenus d'adhérer aux lignes directrices.

Avez-vous le document intitulé «Ébauche - Lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants»? Les tribunaux ne sont pas liés par ces lignes directrices. En effet, le paragraphe 12(2) prévoit:

Le tribunal a donc la latitude de considérer les situations individuelles. Il peut imposer un paiement soit supérieur soit inférieur aux lignes directrices, ou bien exactement celui prévu dans le barème. Le saviez-vous?

Mme Curtis: Oui. Je suppose que cela ne me préoccupe pas autant que vous, car il se trouve que dans la pratique, les juges et les avocats se sont rués sur les lignes directrices dès leur première parution, alors même qu'elles étaient sous forme d'avant- projet, il y a presque deux ans.

Début 1995, une grille a été publiée - comprenant des montants très faibles, ajouterais-je - et même déjà là, les gens essayaient de faire valoir qu'elles étaient appropriées et qu'il fallait les utiliser.

Je pense que la question des pensions alimentaires pour enfant est un tel sujet de préoccupation générale que l'on va beaucoup se fier aux lignes directrices. C'est même cela qui nous inquiète. Elles vont devenir la norme. Elles seront la norme en matière de pension alimentaire pour enfants, tant au niveau provincial que fédéral. Donc, même si la loi n'en rend pas l'application obligatoire, elles auront certainement une valeur présomptive.

M. Ramsay: Je suis d'accord avec vous. Je pense qu'un juge qui entend de bons arguments de part et d'autre va recourir aux lignes directrices. Je pense que c'est une porte de sortie facile pour les juges.

Mme Curtis: Oui.

M. Ramsay: Je partage donc votre point de vue.

J'aimerais aborder un autre sujet avec vous. S'il se produit un accroissement du nombre des ordonnances alimentaires, pensez- vous que cela contribuera à une augmentation du nombre de parents payeurs défaillants?

Mme Curtis: Les chiffres abondent sur les parents mauvais payeurs. Ils proviennent de tous les pays de common law: Canada, États-Unis, Angleterre et Australie. Ils démontrent tous que la capacité de payer n'est pas un facteur du grand nombre de défaillances que l'on constate. Dans les cas où la capacité de payer est un facteur, le parent défaillant a l'option de demander au tribunal de réduire le montant. De telles ordonnances modificatives à la baisse sont rendues chaque jour lorsqu'il y a une véritable incapacité de payer.

Ce que nous disent les chiffres, malheureusement, est que les parents défaillants prennent fréquemment la décision consciente de privilégier d'autres obligations, quelles que soient leurs raisons. J'ai donc du mal à croire que l'accroissement du montant des pensions entraînera une augmentation des défauts de paiement.

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Le taux de défaillances actuel au Canada est une honte. Dans ma province, bien qu'il y ait un programme de mise à exécution depuis dix ans, qui coûte des millions de dollars, on n'a observé qu'une très légère amélioration du taux d'observation. En Ontario, 75 p. 100 des pensions sont impayées. C'est un scandale national.

M. Ramsay: Ma question suivante s'adresse à Judy, mais vous pouvez y répondre toutes deux. Il s'agit de la mise à exécution des ordonnances. Que pensez-vous de l'idée lancée par l'un des témoins précédents, à savoir de disposer de la possibilité d'incarcérer, au moins dans les cas extrêmes? Autrement dit, envoyons quelques-uns de ces types en prison, comme moyen de dissuasion.

Pourquoi pas, s'ils ont les moyens de payer? Comme M. Telegdi l'a mentionné F. Lee Bailey a été mis en prison. La seule chose qu'il avait à faire pour ouvrir la porte de la prison était de verser 15 millions de dollars au tribunal, ou un montant du genre. Je ne vais pas rester en prison si tout ce que j'ai à faire pour sortir est d'ouvrir mon portefeuille. Ne pensez-vous pas que cela permettrait de réduire ce taux de 75 p. 100 de défauts de paiement?

Mme Curtis: C'est une possibilité qui existe déjà, monsieur.

M. Ramsay: Oui, je sais.

Mme Curtis: Le gouvernement fédéral ne veut pas s'en servir.

M. Ramsay: Ce n'est pas utilisé.

Mme Curtis: Si, c'est utilisé. C'est même utilisé assez souvent, et avec beaucoup de succès. Je peux vous dire que lorsqu'un père défaillant est jeté en prison, par exemple, il paie et il paie vite, ce qui prouve la justesse de l'analyse sur la capacité de payer. Ce sont là des gens qui peuvent payer.

Par exemple, les cellules du tribunal provincial où j'exerce sont munies d'un téléphone. Lorsqu'un père défaillant est placé dans cette prison, on lui donne accès à un téléphone. Beaucoup donnent un coup de fil, rédigent un chèque et sortent l'après-midi même.

M. Ramsay: En dépit de cela, le taux de non-paiement en Ontario reste toujours à 75 p. 100.

Mme Curtis: Oui.

M. Ramsay: Ce ne serait donc pas si dissuasif.

Mme Curtis: Je pense que le problème est que cet outil n'est peut-être pas utilisé assez souvent.

M. Ramsay: Eh bien, je reviens donc à ma question: faudrait-il indiquer clairement dans cette loi, ou dans des lois apparentées, que cette sanction existe, qu'elle est facilement utilisable et qu'elle sera utilisée?

Mme Curtis: Ça marche pour moi. Je suis d'accord avec vous. Judy?

Mme Poulin: Je suis tout à fait d'accord. Je pense qu'il faut y recourir plus souvent. Nous avons ici le témoignage d'une avocate de droit familial qui nous dit que, lorsque cette arme est employée, cela marche. Utilisons-la donc. C'est un outil de dissuasion.

M. Ramsay: Ce n'est pas dans votre...

Mme Curtis: Non.

M. Ramsay: Seriez-vous en faveur d'inscrire cela?

Mme Curtis: Certainement. Tout ce qui pourra engendrer une plus grande responsabilité envers nos enfants ne peut qu'être approuvé par tout le monde dans cette salle.

M. Ramsay: Je suis désolé, mais je vais devoir partir. Je n'ai habituellement pas d'autres engagements pendant une séance de comité, mais je dois me rendre à une réunion extraordinaire.

Si ce que vous dites est vrai - et je l'admets parce que vous le dites - si 75 p. 100 des parents ne paient pas et si la majorité d'entre eux peuvent payer, alors peut-être faudrait-il songer à inscrire ici, clairement, une période d'incarcération. Si c'était dans le projet de loi, cela apparaîtrait comme une mesure nouvelle qui aurait un grand retentissement dans le pays.

Mme Curtis: Oui.

M. Ramsay: Cela secouerait un certain nombre de ces gens.

Mme Curtis: Oui.

M. Ramsay: Feriez-vous cette recommandation?

Mme Curtis: Certainement, comme amendement au projet de loi.

M. Ramsay: Bien. Merci infiniment.

La présidente: Je vous remercie, monsieur Ramsay. Mme Torsney veut faire amende honorable sur la question de...

Mme Torsney: C'est contre l'avis de certains de mes collègues.

M. Rideout: Ne reconnaissez jamais que vous avez tort.

La présidente: Elle veut simplement faire marche arrière sur une erreur qu'elle a commise, pensons-nous.

Mme Torsney: Je suis déçue, en fait, d'apprendre qu'il n'est pas administrativement aussi facile de modifier les ordonnances que je le pensais. Je me demande comment il se fait qu'il faille s'adresser à un tribunal pour obtenir une modification de pension dans le cas des employés qui ont manifestement obtenu une augmentation de salaire. Avez-vous fait pression pour que ce soit une révision administrative suite à la déclaration? Je ne sais pas si vous le mentionnez dans...

Mme Curtis: Parlez-vous des changements déclarés spontanément ou de la communication obligatoire de renseignements?

Mme Torsney: Un peu des deux.

Mme Curtis: Bien.

Mme Torsney: Si les renseignements sont divulgués, vous devriez obtenir la modification de pension sur la base du seul fait que la personne vient de voir son salaire doubler.

Mme Curtis: Oui. Malheureusement, nous avons un système de droit familial relativement compliqué, qui s'est constitué au fil des 25 dernières années autour de l'existence de l'aide juridique.

Mme Torsney: Oui.

Mme Curtis: Vous savez, l'aide juridique existait dans plusieurs provinces pour défrayer le coût des avocats, et le système s'est constitué autour de cela. Je commencerai donc par dire que notre système des tribunaux de la famille exige trop de paperasses.

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Si nous partons de la prémisse que nous pouvons obtenir la divulgation de ces renseignements, et si la bénéficiaire s'aperçoit qu'elle ne touche pas le montant prévu par les lignes directrices, ce serait une bonne chose que d'avoir un système plus simple, mais il ne serait plus simple que si le payeur acceptait de lui-même de payer le montant voulu. S'il n'accepte pas, c'est là qu'un tribunal doit intervenir. On peut essayer de simplifier la structure judiciaire qui, comme vous le savez, relève du gouvernement provincial, mais il y aura un procès dans ces cas-là.

Il y a aussi un autre élément. Que se passe-t-il si elle ne veut pas simplement le montant des lignes directrices, mais les trois catégories de dépenses supplémentaires? Il y aura alors certainement contestation. Ce n'est pas une chose sur laquelle les gens peuvent s'entendre facilement, d'autant que cette portion n'est pas à 100 p. 100 de la responsabilité du payeur. Cette portion doit être divisée proportionnellement au revenu des deux parties.

Je pense qu'il sera difficile de se mettre d'accord sur ces choses autour d'une table de cuisine, très franchement, lorsqu'il est question d'ordonnances modificatives ou de mettre à jour les ordonnances existantes.

Mme Torsney: L'autre problème apparent est que, comme vous le faites remarquer à la page 2 au sujet des différentes catégories d'enfants, tous les enfants de trois ans ne se ressemblent pas, ni tous les enfants de 14 ans, et c'est bien pourquoi les données anecdotiques ne servent pas à grand-chose. Les coûts pour chaque enfant peuvent différer. Il peut y avoir des frais de garde différents en bas âge et il peut y avoir des possibilités différentes pour les enfants plus âgés de gagner des revenus en gardant des enfants ou en faisant d'autres travaux. Les chiffres sont donc une espèce de moyenne. Mais le montant peut ne pas suffire. Il peut y avoir des différences entre deux enfants de trois ans et il peut y avoir des enfants de 14 ans qui coûtent moins qu'un enfant de trois ans dans certaines familles, mais j'imagine que l'on a eu recours à cette méthode parce que c'est administrativement plus facile.

Je me demande si les circonstances spéciales ne permettent pas de prendre en compte toutes ces choses en plus dont ont besoin certains adolescents - certains diraient tous les adolescents. Nourrir un garçon adolescent n'est pas toujours facile. Pensez-vous que la catégorie des dépenses spéciales pourrait faire la différence dans le cas de ces adolescents qui, de l'avis de beaucoup, coûtent plus cher?

Mme Curtis: Nous sommes convaincus qu'il est approprié et nécessaire de prévoir un complément au montant de la grille sur la base de ces catégories. Ce qui nous plaît moins, c'est le fait qu'à notre avis ces circonstances spéciales s'appliquent à pratiquement chaque famille.

Mme Torsney: Oui.

Mme Curtis: Ce n'est donc pas un événement extraordinaire ou spécial. Or, du point de vue d'un avocat, l'emploi du mot «extraordinaire» dans cette partie des lignes directrices est préoccupant. En droit, c'est une notion rigoureuse. Lorsqu'un juge est amené à interpréter le mot «extraordinaire», il détermine généralement une norme très élevée pour déclarer la condition remplie.

Dans le mémoire, nous parlons également de toute la notion des frais de garde d'enfant et du fait que, dans un certain pourcentage des familles, ces frais n'existent pas car un membre de la famille assure la garde. Ce peut être soit une mère au foyer soit un membre de la parentèle. Donc, dans une certaine mesure, les chiffres de base de la grille sont déformés, car cela n'a pas été pris en compte dans les calculs.

Je serais moins pointilleuse si le mot «extraordinaire» était supprimé, et je le serais aussi si les juges acceptaient d'interpréter cela au cas par cas, en considérant les besoins de la famille moyenne et de ce dont a besoin la famille qu'il a devant lui.

Dans le mémoire, nous parlons du coût des adolescents. Je suis heureuse que vous ayez parlé de la nourriture. Mes clients me disent également que les deux tiers de leurs frais d'électricité sont attribuables à leurs enfants, par opposition à eux-mêmes.

La présidente: Il y a les douches de 40 heures, les séchages de cheveux de 50 heures et les stéréos.

Mme Curtis: Il y a tous les appareils électroniques: le séchoir à cheveux, la stéréo, l'ordinateur et les jeux électroniques. En fait, c'est probablement bien plus des deux tiers de la facture d'électricité.

Nous parlons aussi des uniformes scolaires, des locations de casier, de l'inscription à une chorale ou un orchestre, des cours de conduite et de tous les frais occasionnés par les adolescents qui ne sont pas vraiment englobés dans la grille. Il est exclu qu'ils aient été pris en compte. Si vous regardez les chiffres de la grille, ils sont beaucoup trop bas pour couvrir tout ce qu'un jeune de 13 ou 15 ans va vouloir, à l'école secondaire. Et je ne parle pas là des voyages scolaires à Paris, mais de choses que toute le monde veut avoir.

Il est donc très important que ces catégories soient préservées. Le comité devrait regarder de près pour voir si les termes «extraordinaire» et «dépenses spéciales» sont appropriés pour désigner ces catégories.

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Mme Torsney: Si vous avez des propositions concernant ce libellé, ce serait excellent. Toute plaisanterie mise à part, à moins que cela ne soit couvert dans les frais médicaux, la nourriture fait partie des frais relatifs à la santé. Les garçons de 15 ans mangent énormément. Cela me surprend toujours.

Mme Clancy: Nous avons saisi, Paddy.

Mme Torsney: Est-ce que cela est couvert ici, ou bien les cinq catégories sont-elles trop restreintes ou trop précises?

Mme Curtis: L'emploi de catégories n'est pas en cause, à notre avis.

Le risque réside dans l'utilisation du mot «extraordinaire», tant dans le titre de l'article 4 que dans le texte des paragraphes b), c) et e), car cela suppose que ces frais soient très élevés.

À l'évidence, il ne s'agit pas là des frais quotidiens. Au paragraphe b), il ne s'agit pas des trois ou six infections par an que va avoir un enfant de six ans, ni de la pénicilline pour le soigner. Pour que les dépenses de santé soient qualifiées d'extraordinaire, il doit s'agir d'autre chose.

Mme Torsney: Comme des attelles.

Mme Curtis: Oui, c'est un bon exemple, ou les conséquences d'un bras cassé. Combien cela coûte-t-il?

Mme Torsney: Donc, ces gros mangeurs ne sont pas couverts?

Mme Curtis: Non. C'est censé être inclus dans la grille, et c'est là tout le problème. Il ne vous en coûte pas la même chose pour nourrir un enfant de trois ans et un adolescent de 15 ans.

L'un des problèmes réels du droit familial en général, c'est que nous pensons tous le connaître. Nous vivons tous en famille. La plupart d'entre nous sommes parents. Nous avons tous été enfants.

Mme Torsney: Certains d'entre nous le sont toujours.

Mme Curtis: Nous considérons donc tous le droit familial sous l'angle de notre propre expérience familiale. C'est impossible à éviter.

Cela a des conséquences, et pour les députés cela a des conséquences sur le plan de l'élaboration des politiques qui vont se répercuter sur tout le pays. Je vous exhorte donc à prendre soin de ne pas vous fier qu'à votre expérience propre en faisant ces analyses.

Mme Torsney: Ma mère me disait que l'uniforme scolaire lui faisait faire des économies de vêtements.

J'aimerais vous poser quelques questions, madame Poulin. Premièrement, lorsque j'ai interrogé le ministre, plus particulièrement sur le cas des personnes travaillant à leur propre compte car ce sont elles qui peuvent réellement cacher des revenus, il a dit que beaucoup d'ajustements peuvent être apportés, peuvent être considérés comme un revenu dans certaines circonstances. Je ne sais pas si vous avez entendu sa réponse ou bien si c'est quelque chose qui peut être réglé dans la loi de mise en oeuvre du budget qui va être déposée. Pensez-vous que cela peut fonctionner dans le meilleur des cas?

Mme Poulin: Ce que nous disons sur la détermination du revenu dans le mémoire explique notre position. Il faut aller plus loin. Les mesures proposées font qu'il est un peu plus difficile de cacher des revenus, mais je pense qu'il faut aller plus loin que cela.

J'aimerais répondre à votre question sur les modifications. C'est une question tellement importante car si les gens qui ont déjà une ordonnance ne peuvent la faire modifier... Le gouvernement a pris acte du fait que le système actuel ne marche pas. Les enfants n'obtiennent pas le soutien dont ils ont besoin. Nous avons donc tous ces enfants qui ont une ordonnance inadéquate. Si l'on ne prévoit pas un mécanisme pour la modification de ces ordonnances, on ne va pas améliorer le sort de ces enfants. Oui, cela ira mieux pour les enfants à l'avenir, mais il y a actuellement beaucoup d'enfants qui souffrent.

Il faut regarder de très près la question des modifications pour que les enfants faisant l'objet d'ordonnances existantes aient un mécanisme permettant de les modifier et qu'ils puissent bénéficier de ce changement.

Mme Torsney: J'ai été heureuse aussi de vous entendre parler d'une campagne de sensibilisation du public, en faisant référence particulièrement à la conduite en état d'ébriété. Si vous n'aviez pas cité cette campagne comme exemple, je l'aurais fait. C'est exactement ce dont nous avons besoin.

Ce ne sera pas seulement à l'avantage de ceux qui se sont déjà séparés ou sont sur le point de le faire. Quelqu'un a dit qu'il faudrait peut-être coller un exemple de ces ordonnances sur le réfrigérateur et que peut-être alors les gens en situation difficile ne voudraient plus divorcer.

Souvent, le blâme peut être attribué en partie aux administrations gouvernementales ou aux politiciens eux-mêmes qui ne font pas assez pour venir en aide à ces enfants. Ils réduisent l'aide juridique civile dans diverses provinces, sans réaliser ce que cela signifie pour les enfants du pays privés d'un soutien suffisant.

Bien entendu, des normes nationales et un organisme national d'exécution ne seront créés que sous l'impulsion de la base. Les provinces ne sont probablement guère portées à nous écouter en ce moment. Mais si nous pouvions sensibiliser davantage de gens au sort actuel des enfants, au fait que les enfants ont droit de préséance en matière de pension alimentaire - et la première famille a préséance - une telle campagne pourrait peut-être amener quelques changements de politique et de modalité administratives sur le plan de l'exécution d'un bout à l'autre du pays, un changement d'attitude de la part non seulement des particuliers mais aussi des gouvernements, des fonctionnaires et des politiciens.

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Mme Curtis: Je suis désolée que M. Ramsay n'ait pu rester pour me poser ses questions sur l'accès.

La présidente: Eh bien, faisons en sorte qu'elles figurent au procès-verbal.

Mme Curtis: Je regrette beaucoup, car...

Mme Clancy: Je pourrais faire semblant.

Mme Torsney: Pourriez-vous, je vous prie, répondre aux questions de M. Ramsay sur l'accès?

Mme Curtis: Je vous remercie. Très bien.

Les conflits sur l'accès ou le refus d'accès ne représentent qu'une toute partie du droit familial, une toute petite partie. Cet aspect est généralement réglé par les parties elles-mêmes ou par des négociations entre avocats. Les conflits sont généralement la séquelle d'une séparation récente, par opposition à une séparation ancienne. Ils surviennent lors des négociations entre conjoints pendant la première année ou les deux premières années après la séparation, avant qu'une sorte de routine nouvelle se crée. C'est loin d'être un problème aussi aigu que les pensions alimentaires, ni en tribunal, ni dans les cabinets d'avocat, ni du point de vue du volume des affaires qui atterrissent sur mon bureau chaque jour.

Il y a, toutefois, certaines familles hautement conflictuelles où le droit de visite ne fonctionnera jamais. Il y a une animosité intense. Il y a des familles qui sont gravement dysfonctionnelles. Elles représentent un très petit pourcentage des familles qui se séparent, disons 5 p. 100 ou moins. Mais elles savent manifestement se faire entendre, car elles ont su attirer l'attention de la presse et clairement d'un certain nombre de députés.

Il est regrettable qu'il y ait des familles pour lesquelles le droit de visite ne fonctionnera jamais, mais ce n'est pas une situation que le système judiciaire peut résoudre. Chez un certain pourcentage des familles, il n'y a sans doute pas de solution possible. Les avocats appellent ces couples les «enragés». C'est une façon de voir les choses peut-être un peu cavalière, mais elle est juste. On ne peut concevoir un système judiciaire en fonction d'une minorité ou de problèmes de second rang. Il faut le concevoir pour la majorité.

En outre, notre expérience et les données empiriques sur l'accès nous disent qu'en cas de difficulté, on pense tout de suite que la faute en est au parent qui a la garde, que la mère fait des difficultés ou oppose un refus. En réalité, ceux qui ont le droit de visite ne l'exercent pas toujours. Selon l'expérience des femmes, le principal problème en matière d'accès est que les hommes ne l'exercent pas toujours, ou bien de façon irrégulière et imprévisible. Cela ressort d'une étude du ministère de la Justice de 1988, menée par un certain Richardson, et également d'un rapport sur la garde et l'accès d'un comité fédéral-provincial-territorial sur le droit familial.

Mme Torsney: Est-ce que la médiation pourrait faciliter les choses dans une telle situation?

Mme Curtis: Dans une situation hautement conflictuelle?

Mme Torsney: Oui, si elle était obligatoire.

Mme Curtis: La «médiation obligatoire» est une impossibilité sémantique. Il ne peut y avoir de médiation obligatoire. Nous ne parlons pas ici d'un conflit syndical, où vous pouvez enfermerM. Hargrove et le président de GM dans un hôtel de luxe pendant huit ou dix jours d'affilée jusqu'à ce qu'ils trouvent une solution. Ces conjoints sont des gens qui avaient une relation très complexe, empreinte de déséquilibre de pouvoir. Les femmes ne sont pas les égales de leur partenaire - elles ne sont pas élevées pour être les égales de leur partenaire - ni pour savoir se défendre. En fait, les femmes sont de piètres avocates pour elles-mêmes. Elles sont socialisées de façon à faciliter les relations, et c'est ce qu'elles font.

Les familles à relations hautement conflictuelles sont les moins réceptives à la médiation, car ces époux ont un programme, et leur programme est de ne s'entendre sur rien. Leur programme est de poursuivre la guerre.

La médiation est un outil très utile pour une proportion limitée des familles - j'y ai recours dans mon cabinet avec des familles réceptives - mais on ne peut dire que c'est un outil qui amènera une solution satisfaisante, utilisable pour toutes les familles qui se séparent.

Mme Torsney: Pourrais-je vous poser encore une question, madame Curtis? J'ai retiré l'impression de l'un des exposés que si tout le processus était plus difficile, ou si le divorce était plus difficile, les gens s'abstiendraient en quelque sorte et que l'on aurait davantage de familles intactes... Je peux très franchement comprendre ce point de vue dans un certain nombre de cas, mais trouvez-vous fondée la théorie voulant que si on le rendait plus difficile...? L'Irlande, par exemple, n'autorise pas le divorce, mais c'est peut-être en train de changer. Mais cela existe encore. Le divorce est-il trop facile? Est-ce que les gens divorcent par ennui? Peut-on rendre le divorce plus difficile, pour éviter que les gens ne le choisissent à la légère?

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Mme Curtis: Je pense qu'il incombe à tout gouvernement de décider s'il veut contraindre les gens à rester mariés, même contre leur gré, et si c'est la politique que ce gouvernement veut suivre.

Si les couples n'étaient pas aussi nombreux à vouloir se séparer, je n'aurais pas de travail. Ce ne sont pas les avocats qui créent ces problèmes, ils cherchent à les résoudre. Nous, en tant que société, avons changé la famille, que cela nous plaise ou non. Beaucoup de ménages, en particulier les familles intactes, trouvent très menaçante cette évolution de la famille en tant qu'unité sociale. Ce n'est pas quelque chose qu'une personne ou un gouvernement peut arrêter. C'est la réalité, et nos lois doivent évoluer en fonction de cette réalité.

Il est déjà beaucoup trop facile de se marier et beaucoup trop difficile de divorcer. Si vous envisagez de rendre le divorce plus difficile, vous verrez que ceux qui en souffriront le plus sont les enfants et les femmes. Je pense que c'est une analyse dépassée, qui n'est plus adaptée à la situation d'aujourd'hui.

Mme Torsney: Comment pouvons-nous rendre le mariage plus difficile?

Une voix: C'est une compétence provinciale.

Mme Curtis: C'est provincial.

Mme Torsney: Ayant eu à m'occuper moi-même de la Loi sur les jeunes contrevenants, j'aimerais que les gens réalisent davantage que faire des enfants est une grosse responsabilité. Mais je ne vais pas faire ici mon sermon sur le rôle parental.

Une voix: J'espère que non.

Mme Curtis: Un phénomène intéressant est que nous avons maintenant une génération d'enfants et de jeunes adultes qui ont grandi dans des familles séparées et divorcées, contrairement à notre génération. Il serait très intéressant de voir quelles conséquences cela a sur les politiques et les lois que l'on élabore. Je sais, en tant qu'enseignante en droit qui enseigne un cours de préparation au barreau, que les étudiants en droit venant de familles séparées et divorcées ont une optique différente du droit familial.

La présidente: Cela ne me surprend pas.

Y a-t-il d'autres questions? Mary.

Mme Clancy: Je vous remercie. Vous pouvez m'appeler «Mary».

J'ai une très brève question sur votre échange avec M. Ramsay concernant l'incarcération. Mon expérience - et cela fait huit ans que j'ai quitté mon cabinet, avec soulagement - est qu'il arrivait souvent que le juge et moi-même convenions totalement qu'il y avait lieu de jeter Buddy en prison tout de suite, et dans presque chaque cas ma cliente me disait: «Non, non, il ne faut pas le mettre en prison; il ne faut pas le mettre en prison», non parce qu'elle craignait qu'il ne puisse pas payer - de toute façon il ne payait pas, ce n'était donc pas le problème... Cela nous ramène exactement à ce que vous disiez, le fait que les femmes tendent à faciliter les relations. Avez-vous fait la même expérience, face à l'idée de l'incarcération pour faire exécuter une ordonnance alimentaire?

Mme Curtis: Certainement. Je pense que c'est une situation réellement horrible que les choses aillent si mal dans une famille qu'il faille enfermer le père des enfants pour cette raison. Souvent, le père dira aux enfants: «Maman m'a mis en prison», ce qui est une situation pas mal scandaleuse, que beaucoup de mères ne voudront pas affronter.

C'est en fait une excellente raison d'enlever des mains de la mère la prise de décisions concernant l'exécution, de même que l'on a enlevé des mains des femmes agressées la prise de décisions concernant les inculpations pour viol, agressions sexuelles et voies de fait. Dans les provinces qui ont des programmes de mise à exécution, ces décisions sont prises par l'administration et la bénéficiaire est témoin à l'audience; l'initiative ne lui appartient pas.

Dans tous les cas, c'est manifestement un dernier recours et ce moyen n'est jamais utilisé à l'endroit des payeurs qui n'ont pas les moyens de payer - jamais. Ce n'est pas dans ce contexte que l'incarcération est utilisée.

Mme Clancy: Bravo! Je vous remercie.

La présidente: Monsieur Telegdi.

M. Telegdi (Waterloo): Je me demande, lorsque je regarde certaines de vos recommandations... Je me préoccupe de cela depuis la modification de la législation sur l'imposition de la pension. Prenons quelqu'un qui gagne 40 000$ par an, selon les lignes directrices. J'aimerais que l'on me dise - et vous pourrez peut- être nous donner quelques exemples - ce qui se passerait réellement dans le cas de quelqu'un qui gagne 40 000$ par an et a trois enfants, et qui doit payer une pension alimentaire aux enfants et à son ex-conjoint... Si une telle famille, qui s'en tire tout juste maintenant, se sépare, dans la plupart des cas chacun des parents touchera sans doute une aide sociale de complément, selon la province.

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J'y vois un réel problème - et vous en avez fait état aussi - car ceux qui gagnent moins de 40 000$ ne paient pas une pension suffisante. Il est très difficile de fixer des chiffres réalistes, si l'on considère ce que cette famille éclatée doit affronter de tous côtés. Je pense que cela amènera davantage de gens à dépendre de l'aide sociale, et vous avez les conjoints...

Pourriez-vous donner des chiffres, ou trouver des chiffres pour le comité, tirés de votre expérience particulière, puisque vous travaillez dans ce domaine?

Par ailleurs, vous avez dit qu'il fallait privilégier la première famille, par opposition, j'imagine, aux enfants d'un autre lit. J'ai de la difficulté avec cela, car un enfant est un enfant, et peu importe qui est fautif... Ce n'est réellement pas la faute de l'enfant, et peu importe qu'il soit d'un premier lit ou d'un deuxième lit ou d'un troisième, ce sont tous là des victimes de l'échec d'un mariage. J'ai de la difficulté avec cela.

On m'a parlé l'autre jour d'un cas horrible. J'ai du mal à comprendre comment on peut tolérer une telle chose au Canada. Quelqu'un qui gagne bien sa vie a réussi à se rendre totalement introuvable, laissant une famille dans la misère. C'est un cas totalement caricatural.

Mme Curtis: C'est très courant.

M. Telegdi: Il faut vraiment mettre la main sur ces gens-là. Mais lorsque vous avez une famille en difficulté... Dans bien des cas, ce peuvent être les problèmes d'argent qui causent la séparation. Mais si vous avez trois enfants et deux parents, cela fait cinq personnes. Ils vivent pour beaucoup moins cher que un et quatre... il faut prévoir les visites des enfants... ou il faut un plus grand logement. Il ne fait aucun doute, à mes yeux, que la famille à faible revenu perd beaucoup. Il n'est donc pas réaliste de penser qu'elle pourra maintenir son niveau de vie. Tout le monde y perd, des deux côtés.

Je pense qu'il faut y réfléchir. Parfois, malheureusement, les besoins élémentaires ne peuvent être satisfaits pour personne, ne peuvent être satisfaits lorsqu'il y a divorce.

Mme Curtis: Il est certain qu'il y a des familles, des millions d'entre elles au Canada, pour qui la séparation représente une crise financière horrible. Il y avait probablement déjà à peine assez d'argent pour que cette famille vive lorsqu'elle était unie, et la séparation et l'existence de deux ménages, avec un même niveau de revenu, est chose difficile.

Je pense que les gens de classe moyenne ont beaucoup de mal à imaginer comment cette famille fait pour vivre. Je peux vous dire que pendant mes 18 années d'exercice du droit familial, j'ai été constamment étonnée de voir comment mes clientes survivent, comment elles font pour élever leurs enfants. En sus de leur travail, elles participent aux Jeannettes ou aux associations de parents d'élèves et autre. En dépit de revenus très modestes et de très faibles pensions alimentaires pour enfant ou pas de pension du tout, elles s'en sortent.

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Il n'y a pas grand-chose que nous puissions faire pour les couples qui avaient déjà des revenus insuffisants. La famille dont vous parlez, où le mari gagnait 40 000$ par an, sans apport financier de la femme, n'a droit à aucun complément de revenu en Ontario. Elle n'y a pas droit dans la plupart des provinces. Cette famille s'en tire même plutôt bien dans la plupart des provinces, avec 40 000$ par an, mais elle aura beaucoup de difficultés à partager ces 40 000$ après la séparation, particulièrement si la femme n'a pas travaillé à l'extérieur pendant 20 ans et quelque. Si elle est dans la quarantaine, elle n'est pas très employable. Les emplois manquent, et il lui sera donc très difficile d'apporter un surcroît de revenu à cette famille.

Nous ne pouvons pas faire grand-chose dans les cas de ce genre. Mais les avocats de tout le pays ont dit que les chiffres prévus dans la grille pour les familles ayant un revenu inférieur à 40 000$ sont trop faibles. Ils sont plus faibles que les montants actuellement octroyés par les tribunaux, même en tenant compte des changements d'impôt sur le revenu.

Je partage votre préoccupation à ce sujet, mais je ne suis pas en mesure d'offrir une solution. La seule chose que je puisse vous dire, c'est que les familles survivent avec très peu d'argent. Elles s'adaptent, elles changent radicalement leur mode de vie. Presque aucune famille ne parvient à maintenir son niveau de vie en cas de séparation. Seules les très riches peuvent maintenir un niveau de vie proche de celui qu'ils avaient auparavant. Franchement, c'est cela qui poussait les gens à fonder un foyer au départ: accéder à un meilleur niveau de vie.

La problématique de la première famille et de la deuxième famille est également intéressante. Vous avez dit à peu près la même chose que moi: les enfants devraient être traités à égalité. Le problème est que ce n'est pas le cas à l'heure actuelle. Lorsqu'on prévoit des ressources de niveau similaire pour la première famille et la deuxième, cela revient à réduire l'argent disponible pour la première famille, c'est-à-dire que les enfants du premier lit subventionnent ceux des lits suivants. C'est une incitation, en quelque sorte... Il n'y a rien qui dissuade les gens, pas de sentiment de responsabilité personnelle au moment de décider si on a les moyens d'avoir trois autres enfants. On y va, on fait trois autres enfants. On se remarie ou on prend un autre partenaire, on a trois autres enfants et on ne s'inquiète pas parce qu'on sait que le tribunal réduira les obligations à l'égard des enfants du premier lit de façon à donner des ressources à la deuxième famille.

C'est un peu comme ce que disait Judy Poulin au sujet de l'évolution des comportements, de la nécessité d'un changement. C'est une question de morale personnelle dans laquelle il est très difficile pour les pouvoirs publics d'intervenir, mais ils y sont obligés sans cesse.

Ce n'est pas une solution parfaite. Le juge Wiseman, de la cour provinciale de l'Ontario, a rédigé un rapport là-dessus il y a une dizaine d'années. Il a commencé par le constat, tiré de son expérience de magistrat, que les pères acceptent de subvenir aux besoins des enfants avec lesquels ils vivent, qu'ils soient les leurs ou non. Ils y sont moins disposés lorsqu'ils ne vivent pas avec les enfants. J'ai trouvé cette analyse très intéressante et je pense qu'elle est probablement juste.

M. Telegdi: J'ai utilisé le chiffre de 40 000$ exactement pour la raison que vous avez indiquée: cette famille aura beaucoup de mal à joindre les deux bouts.

J'ai travaillé avec des familles dysfonctionnelles pendant pas mal d'années, et je me suis occupé de médiation communautaire. Nous avons lancé ce programme, et j'ai donc pas mal d'expérience pratique dans ce domaine. Sur le plan de la politique, je me demande... Lorsque vous dites qu'un besoin élémentaire est un besoin élémentaire, prenez une personne qui gagne 10 000$ et voyons les chiffres. Si c'est tout ce que gagne la personne, elle va se retrouver à l'assistance sociale.

Une voix: Pas dans ma ville.

M. Telegdi: Eh bien, vous n'en êtes pas loin.

Serait-ce une meilleure politique pour le gouvernement de faire en sorte que chacun émarge à l'aide sociale? Ou ne vaudrait- il pas mieux, du point de vue de la politique, que le parent qui a les enfants touche l'aide sociale et que l'autre parent se débrouille avec ce qu'il gagne? Il ne me paraît pas très rationnel de multiplier le nombre des prestataires de l'aide sociale car alors il vous faut davantage de personnel. Les travailleurs sociaux sont déjà en nombre insuffisant, sont surchargés de travail, et il y aura encore des compressions d'effectifs.

J'essaie de voir comment on peut régler ces situations très réelles que j'ai vu se produire. À ce niveau de revenu, bien entendu, le soutien de famille connaît souvent des périodes de chômage. Il est étonnant de voir comment certaines familles parviennent à survivre avec presque rien. Un divorce réduit à néant toute possibilité de vivre sans aide publique.

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Mme Curtis: Ce sont là de vastes problèmes politiques qui se posent aux gouvernements en général. Lorsque je songe à quelqu'un gagnant 10 000$ par an, je songe aussi aux artistes et écrivains. Dans notre pays, même les vedettes culturelles gagnent 10 000$ par an.

Le montant qui apparaît dans la grille pour l'Ontario, pour un enfant, est de 103$ par mois lorsque le payeur gagne 10 000$. Cela fait environ 1 200$ par an, soit un peu plus de 10 p. 100 du revenu. C'est un montant très modique.

Vous vous demandez s'il ne vaudrait pas mieux ne rien faire payer du tout. Je pense que l'ANFD exprimerait deux réserves à ce sujet. D'une part il y a la question de la responsabilité personnelle, de l'obligation envers les enfants. Par ailleurs, en cette période d'austérité gouvernementale, toutes les ressources disponibles pour le soutien des enfants doivent être mises à contribution. Donc, les gouvernements vont vouloir réduire de ces 103$ par mois le montant des prestations sociales versées à la famille. Je sais que le gouvernement dans ma province voudra le faire.

Il y a quantité de considérations politiques en jeu. Je suis heureuse qu'elles soient sur votre bureau, et non le mien.

La présidente: Y a-t-il d'autres questions?

Je vous remercie, madame Curtis et madame Poulin. Nous vous sommes reconnaissants de votre participation. Il est toujours bon de voir un autre visage de Windsor.

La séance est levée.

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