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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 28 octobre 1996

.1204

[Traduction]

La présidente: Je déclare la séance ouverte, officiellement.

Il s'agit d'une séance du Comité permanent de la justice et des affaires juridiques de la Chambre des communes. Nous sommes très heureux d'être au Yukon.

.1205

Je tiens à dire - parce que je le vois assis au premier rang - que si nous sommes ici c'est notamment parce que peu après mon élection à la présidence du Comité de la justice, Jack Cable a commencé à me téléphoner quotidiennement. Nous sommes très heureux d'être ici.

Nous entendrons aujourd'hui Kathy Watson, mairesse de Whitehorse; Larry Bagnell, directeur général de l'Association des localités du Yukon; et Helen Hassard du Comité de la justice de Haines Junction.

À tous, je souhaite la bienvenue. Puisqu'il y a deux groupes, je pense que nous allons demander à Kathy de faire son exposé et ensuite nous entendrons Helen. Après cela, nous vous poserons de nombreuses questions.

Mme Kathy Watson (présidente, Association of Yukon Communities): Merci beaucoup. En plus d'être la présidente de notre association, je suis maire de la ville de Whitehorse. C'est donc à titre de titulaire de ces deux charges que je tiens à vous accueillir au Yukon. Je sais que vous disposez de ressources limitées pour effectuer vos recherches et je suis très heureuse que vous ayez décidé de prendre le temps de venir au Yukon et entendre le point de vue des habitants du Nord sur certaines des questions juridiques que vous examinez.

L'Association des localités du Yukon, au nom de laquelle je vous parle ce matin, représente près de 85 p. 100 de la population du Yukon. Toutes les municipalités du territoire en sont membres. C'est une chose très importante qu'il ne faudrait pas oublier en m'écoutant ce matin.

Nous avons adopté une résolution qui est maintenant réalisée par votre présence ici ce matin. Nous sommes certes très heureux que l'on évalue la Loi sur les jeunes contrevenants à la lumière des préoccupations auxquelles cette loi donne lieu. En me préparant pour ce matin, j'ai constaté que c'était la seule résolution que nous avions adoptée. En fait, nous avons déjà respecté cette résolution. Un taux de succès de 100 p. 100, ce n'est pas mal.

Toutefois, permettez-moi de vous faire part des propos et des préoccupations des municipalités qui ont en fait donné lieu à cette résolution. Je suppose que c'est parce que nous sommes plus sensibilisés à la criminalité chez les jeunes et à la plus grande gravité des crimes commis ici au Yukon, où les jeunes contrevenants sont passés des entrées par effraction, de la nuisance et des méfaits aux enlèvements, en passant par la guerre de rues avec bombe et certaines activités qui mettent la vie en danger et inquiètent considérablement de nombreuses localités du Yukon, y compris au premier titre la ville de Whitehorse où nous avons été témoins de certains de ces crimes dernièrement.

Il semble exister une grande frustration du désir des victimes d'obtenir restitution. Comme parent de jeunes, il me semble que la restitution est un élément très important non seulement du point de vue de la victime mais également du point de vue du responsable du crime. Il est important de réparer. Il est important de s'excuser, de faire quelque chose pour tenter de réparer le mal fait.

J'aimerais vous raconter une anecdote personnelle qui explique les frustrations de la communauté face à la criminalité chez les jeunes. Il y a plusieurs années, j'ai travaillé avec un groupe à la construction d'une église dans le cadre de l'expansion d'une nouvelle paroisse anglicane à Whitehorse. Pendant sa construction et au cours des trois premières années de son existence, cette église a été l'objet de 14 - je le répète 14 - entrées par effraction. C'est énorme. Des accusations ont été portées dans deux des 14 cas.

Nous avons dépensé plusieurs milliers de dollars en réparations aux fenêtres, à la peinture, aux cadres de portes et au revêtement extérieur. C'était dément. Rien n'était volé. Les responsables de ces méfaits n'y ont rien gagné.

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Ce qui est encore plus troublant que ces 14 incidents, c'est le fait que les choses ont changé radicalement. Quand j'étais jeune, il aurait été tout à fait impensable d'infliger le moindre dégât à une église ou d'y détruire quoi que ce soit. Je ne sais pas si cela est l'indice d'une évolution de la criminalité chez les jeunes, mais cela a certainement été un choc pour tous les intéressés. C'était très troublant.

Heureusement, nous avons pris des mesures pour réduire le nombre d'incidents et le quartier s'est construit autour de l'église. Il y a maintenant de nombreux yeux qui surveillent les lieux. Cela montre toutefois la frustration qui existe et pourquoi nous pensons qu'il faut qu'il y ait restitution.

De toutes localités qui font partie de l'association, la ville de Whitehorse est de loin la plus grande. De nombreuses localités ne comptent que quelques centaines d'habitants - en fait vous entendrez la représentante de Haines Junction très bientôt, l'une de ces localités où les habitants connaissent vraiment et très bien leurs voisins. Pourtant, là aussi on se préoccupe des crimes commis par les jeunes.

La résolution dont je vous ai parlé tout à l'heure et que les membres de l'association ont adoptée avait été présentée par la ville de Watson Lake qui assiste à une augmentation du nombre de crimes graves. La résolution est survenue au moment où on se préoccupait du cas d'un jeune contrevenant en libération conditionnelle qui avait poignardé à mort un autre jeune de Watson Lake. Un tel geste semble inutile quand on songe qu'une vie est perdue pendant que nous envisageons une plus grande clémence ou que nous pensons qu'il y a eu expiation du crime. Ce jeune a retrouvé sa liberté simplement pour continuer sur la voie du crime.

Je ne suis pas ici aujourd'hui pour vous présenter des solutions, mais des préoccupations, comme dirigeant, comme parent, comme personne qui aime vraiment les localités du Nord. Il nous faut faire quelque chose au sujet des jeunes contrevenants et du traitement qu'on leur réserve. Nous devons faire quelque chose pour notre jeunesse et il nous faut songer aux victimes de crimes commis par des jeunes.

Voilà, madame la présidente, qui conclut mes commentaires de ce matin.

La présidente: Merci. Madame Hassard.

Mme Helen Hassard (Haines Junction Justice Committee): Je représente une localité d'environ 1 000 habitants et une Première nation, Champagne Aishihik, de 1 000 autres personnes, ce qui donne donc au total 2 000 personnes.

Il semblerait que la criminalité chez nos jeunes résulte essentiellement de la consommation d'alcool et de drogues. Comme la plupart des localités, nous sommes victimes d'agressions et d'entrées par effraction. Le nombre d'agressions a considérablement augmenté. Nous voyons maintenant des agressions au couteau qui mettent en danger la vie de la victime. Ces choses-là n'existaient pas avant.

Le comité se compose de six membres, trois de chaque côté. Nous avons plusieurs préoccupations. D'abord, le caractère confidentiel des renseignements sur les jeunes contrevenants. Nous favorisons une justice administrée par la communauté, ce qui inclut les cercles de guérison de même que les cercles de discussion et de médiation. Le caractère confidentiel des renseignements nous empêche de donner un appui aux victimes, à leurs familles et aux contrevenants. À titre d'exemple, il y a eu une agression au couteau, mais nous ne pouvions pas réunir un cercle de guérison. Les deux jeunes étaient de grands amis et leurs familles vivaient côte à côte. L'une d'entre elles a maintenant quitté notre localité et n'a pas la moindre intention de revenir, mais avant son départ, il s'est produit un incident où l'accusé a presque été blessé.

Les choses s'enveniment avec le temps. Nos tribunaux ne se réunissent qu'à tous les deux ou quatre mois. Cela laisse beaucoup de temps à la colère pour grandir. Sans le moindre appui ou traitement, le problème s'aggrave.

Le caractère confidentiel donne aussi naissance à des rumeurs dans une petite localité. Ces rumeurs sont fondées sur le ouï-dire, mais les policiers et les agents de libération ne peuvent pas révéler la vérité. Les rumeurs prennent donc de l'ampleur, sont faussées et cela engendre une grande frustration.

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Troisièmement, le caractère secret de l'information exclut toute possibilité de dissuasion. Le contrevenant pense que personne n'est au courant de son crime et de son châtiment. Il n'y a donc aucun effet dissuasif. À l'école, les autres jeunes n'en voient pas non plus, car ils ne connaissent pas vraiment la situation. La plupart des gens croient que le jeune n'a pas été puni, ce qui très souvent n'est pas le cas. Si ces jeunes devaient faire face à la communauté, assumer leurs responsabilités, l'effet dissuasif serait beaucoup plus grand.

Nous n'avons que deux préoccupations. L'autre c'est la responsabilité à un plus jeune âge. Au fil des ans, nous avons eu quelques crimes, peu nombreux, qui ont été commis par des enfants de 10, 11 ans. Les victimes des cambriolages ont dû payer elles-mêmes complètement pour leurs biens perdus et brisés. Ce n'est pas juste, car on est ainsi victime deux fois. S'il y avait moyen de rendre la famille - je ne sais pas, il n'y a pas de solution - ou quelqu'un responsable, alors au moins les victimes ne le seraient qu'une fois et auraient droit à un peu de justice.

Voilà les deux préoccupations que notre comité voulait que je soulève.

La présidente: Merci, Helen.

Monsieur St-Laurent, avez-vous des questions,

[Français]

M. St-Laurent (Manicouagan): D'abord, j'aimerais interroger Mme Hassard sur son Comité de justice. Vous aviez des problèmes avec certaines données. Je n'ai pas compris la démarche de votre comité. Est-ce qu'il s'occupe plus des victimes ou des jeunes délinquants, ou s'il s'occupe des deux à la fois pour essayer de trouver le juste milieu, pour amener les gens à se parler entre eux, la police étant mêlée dans tout cela? Quelle place occupez-vous et quel genre d'intervention faites-vous sur le terrain pour justifier votre rôle?

[Traduction]

Mme Hassard: Je suis la coordonnatrice et il y a six membres nommés - trois du Village de Haines Junction et trois de la Première nation de Champagne Aishihik. Nous nous préoccupons des victimes, des contrevenants, de leurs familles et de l'ensemble de la collectivité.

Nous nous occupons de la prévention, des procédures judiciaires et des cercles de détermination de la peine et de guérison communautaires, de la dissuasion, de tout cela. Essentiellement, nous adoptons une méthode holistique afin que le contrevenant règle ses problèmes, surtout d'alcool, très souvent le principal problème. S'il cesse de boire et commence à vivre une vie plus productive, nous gagnons un citoyen qui contribue au lieu de nuire à la communauté.

[Français]

M. St-Laurent: C'est une donnée intéressante parce que les cercles holistiques et la détermination de la peine m'intéressent beaucoup. Selon l'expérience de votre comité, quel était le taux de résolution des crimes avant que vous ne mettiez en oeuvre cette approche holistique? Quel a été le résultat?

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Mme la mairesse disait tout à l'heure qu'il y avait maintenant plus de crimes et plus de violence dans les crimes. Ce n'est pas banal et c'est quand même une démarcation assez particulière. Depuis l'entrée en vigueur de votre système au comité, la situation s'est-elle améliorée ou si, comme le dit madame la mairesse, elle s'est détériorée? Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

Mme Hassard: Cela ne fait que quelques années que nous avons des cercles de guérison et le processus est très long. Il faut de deux à trois ans pour passer au travers de la procédure judiciaire car le contrevenant est en libération conditionnelle pendant deux ou trois ans. Il n'y a qu'environ 10 personnes qui ont travaillé avec le cercle et qui sont, maintenant pour la plupart, des citoyens productifs qui travaillent à plein temps. Ils ne boivent plus, ne prennent plus de drogues, ni rien du genre.

Nous avons encore un jeune qui attend. Nous tentons de trouver quelqu'un qui soit motivé. Il faut que la personne soit motivée pour changer sa vie. Avec beaucoup d'aide des tribunaux et des citoyens de notre localité, très souvent, ils changent de vie.

[Français]

M. St-Laurent: Qui est passé? Vous dites qu'il n'y a pas encore eu de jeunes contrevenants. Ce sont donc tous des adultes qui ont passé là?

[Traduction]

Mme Hassard: Oui.

[Français]

M. St-Laurent: Les crimes qu'on reproche à ces gens-là sont-ils surtout des crimes contre la personne ou contre la propriété? Jusqu'où votre organisation s'ingère-t-elle dans le processus judiciaire? Autrement dit, quand quelqu'un tue, j'imagine que le crime est trop grave pour que la situation soit prise en charge par votre cercle de détermination de la peine. Quelle place occupez-vous à ce moment-là?

[Traduction]

Mme Hassard: Dans le cas des jeunes contrevenants, en général, nous nous assurons qu'ils ont un avocat et qu'ils savent ce qui se passe. Ils sont donc représentés devant les tribunaux. Nous nous assurons que la victime est à son aise et sait exactement ce qui va se passer devant les tribunaux. Nous les aidons dans toute la mesure du possible.

En ce qui concerne les cercles de guérison, l'agression est le crime le plus grave que nous y avons traité. Cela a donné des résultats puisque les couples ont décidé de rester ensemble, d'apprendre à contrôler leur colère, à vivre sans se blesser l'un l'autre.

Nous n'avons pas encore traité de jeunes dans notre cercle, parce que la plupart d'entre eux ne savent pas encore qu'ils ont un problème d'alcoolisme. Ils ne savent pas qu'ils ont un problème de toxicomanie. Tant qu'ils ne l'ont pas compris, ils ne sont pas disposés à changer et à abandonner leurs mauvaises habitudes, c'est très difficile de les aider.

La plupart des crimes commis par nos jeunes sont des crimes contre la propriété.

[Français]

M. St-Laurent: Merci. Madame la mairesse, vous avez compris que, s'il y avait possibilité de changer la loi, on demanderait aux témoins quels changements ils souhaiteraient. D'après votre énoncé, il faudrait élaborer une espèce de paragraphe qui assurerait la protection et l'indemnisation des victimes. C'est un peu votre message au comité ce matin, n'est-ce pas?

[Traduction]

Mme Watson: Oui, je reconnais que j'ai parlé de la nécessité de réparer. Je pense néanmoins que l'on souhaite très fermement que soient publiés les noms des contrevenants dangereux ou des récidivistes afin que la communauté puisse mieux se préparer.

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Nous avons mis en place des systèmes pour prévenir la population du mauvais temps ou de conditions de routes dangereuses et d'autres obstacles physiques à leur sécurité. Je pense que nous avons l'obligation, le souhait, le besoin de nous pencher sur d'autres genres de sécurité. C'est certainement plus facile si nous savons d'où vient le danger.

Dans une localité où les parents connaissent les camarades de jeux de leurs enfants, je pense qu'il est important que nous soyons conscients des situations dangereuses dans lesquelles nous plaçons nos propres enfants. Si nous ne savons absolument pas qui sont les jeunes contrevenants, nous ne pouvons pas protéger nos enfants contre ces personnes dangereuses.

On ne songerait pas à faire la même chose avec des adultes. On ne permettrait pas à nos enfants de jouer avec des contrevenants adultes si nous savions qu'ils étaient dangereux. Pourtant, il n'y a rien en place pour protéger nos enfants contre les jeunes contrevenants.

[Français]

M. St-Laurent: À propos de la publication de ces fameux noms-là, nous avons rencontré des jeunes et des parents un peu partout dans nos recherches et dans nos déplacements. Chaque fois qu'on leur parlait de publier leurs noms, les jeunes répondaient unanimement que ça ne donnerait rien, sauf les valoriser dans un groupe. Pour les principaux acteurs, c'était un élément incitatif plutôt que dissuasif. Auriez-vous une solution de rechange possible ou si vous tenez mordicus à la publication des noms? Avez-vous fait des recherches qui prouvent que ce serait un élément dissuasif?

[Traduction]

Mme Watson: Je ne me suis peut-être pas exprimée clairement. Je me préoccupe moins de la dissuasion que de la sécurité des autres. L'idée lorsqu'on publie le nom des jeunes contrevenants c'est de protéger ceux qui vivent avec eux dans la société plutôt que d'y voir un élément dissuasif.

Je n'ai pas fait de recherche sur la dissuasion, monsieur St-Laurent, mais je pense qu'il y a un élément de responsabilité dont il faut également tenir compte. Je ne tiens pas particulièrement non plus à ce que l'on publie mes mauvaises actions dans les journaux, mais assumer la responsabilité de ses actes, c'est le devoir de tout citoyen responsable, qu'il soit jeune ou vieux.

[Français]

M. St-Laurent: Merci beaucoup.

[Traduction]

La présidente: Merci. Monsieur Ramsay.

M. Ramsay (Crowfoot): Merci, madame la présidente. Je tiens à remercier nos témoins de ce matin de s'être déplacés. Il est dommage que nous ne puissions pas leur consacrer plus de temps.

En ce qui concerne les questions que vous avez soulevées ce matin, vous semblez vous préoccuper essentiellement de la non-divulgation et de ce que nous faisons des jeunes contrevenants - en fait, de tout contrevenant, mais ce qui nous intéresse en ce moment ce sont les jeunes. Évidemment, je ne suis pas du tout d'accord pour qu'une fois expiré le mandat de détention en milieu fermé, le contrevenant qui n'est pas réadapté soit libéré s'il constitue une menace pour la société.

Si nous ne pouvons protéger la société contre ceux qui ont démontré par leurs gestes passés qu'ils représentent une menace, si les programmes de réadaptation n'ont pas été utilisés, si le jeune ne reconnaît pas son problème de drogue ou d'alcool ou quel qu'il soit, s'il ne souhaite pas participer, dans une attitude positive, aux programmes de réadaptation qui existent pour l'aider, alors il nous faut faire quelque chose. En fait, pourquoi libérons-nous ces personnes qui représentent un risque élevé de récidive?

J'ai de la sympathie pour ce qui a été dit ici ce matin. En fait, notre parti - je ne souhaite pas me montrer sectaire - prône justement cette opinion, dans le cas d'infractions graves, surtout violentes, d'infractions relatives au trafic des stupéfiants. Les parents doivent obtenir cette information afin de protéger leurs enfants.

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Il y a un autre aspect aussi. De nombreux adultes, s'ils savaient qu'un jeune a des difficultés, seraient disposés à l'aider. Si nous maintenons confidentielle cette information, alors cela devient impossible.

Nous tentons de démêler cela, et nous allons présenter un rapport et des recommandations. Peut-être allons-nous présenter un rapport minoritaire, si à notre avis, le parti ministériel n'a pas inclus certaines des recommandations que nous préconisons. C'est une des recommandations que nous formulerions. Cela ne nous intéresse pas que soit publiée une infraction mineure - un jeune enfant qui a volé une tablette de chocolat ou que sais-je. Mais nous devons assurer la sécurité de la société. Voilà le problème - il faut trouver un équilibre entre la sécurité de la société et la réadaptation du délinquant.

Si vous placez les infractions sous le sceau du secret, on prétend, très fortement, aider ainsi à réadapter le contrevenant. Toutefois, vous empiétez alors sur le droit de la société d'obtenir de l'information qui la protégera et lui permettra de prendre les mesures qui s'imposent et c'est d'ailleurs ce que vous nous avez dit au cours de votre témoignage ce matin - comme parents qui souhaitent éloigner leurs enfants de personnes dangereuses. C'est ce que nous faisons sur d'autres plans, nous éloignons nos enfants des endroits dangereux, des immeubles, des sites dangereux, etc. Je ne pense pas qu'un régime juridique fondé sur le secret ou sur le refus de diffuser la vérité soit justifié à long terme. Je partage votre opinion à ce sujet.

Une autre chose me préoccupe que j'aimerais aborder avec vous dans le peu de temps dont je dispose. En 1984, en remplaçant la Loi sur les jeunes délinquants par la Loi sur les jeunes contrevenants, le gouvernement fédéral a décriminalisé tout acte commis par une personne de moins de 12 ans. Qu'il s'agisse d'une agression, d'un meurtre, d'un viol, il n'est pas possible d'en faire une infraction criminelle. Cela me préoccupe vraiment.

Les provinces ne disposent en matière de bien-être des enfants que du pouvoir que leur confère la Constitution. La responsabilité du maintien de la paix, de l'ordre et du bon gouvernement figure dans la Constitution et autorise le gouvernement fédéral... Si nous nous soustrayons à nos devoirs et responsabilités qui remontent, comme je le disais, à 1984... Nous avons entendu un témoin ou deux nous dire qu'à leur avis, il fallait porter à 14 ans l'âge auquel un acte ne pouvait être considéré comme criminel.

Je pense que nous sommes en haut d'une pente glissante. Quel que soit le traitement réservé à un jeune de 10 ans dans le régime pénal, on devrait pouvoir l'assujettir à ce régime quel que soit son âge. On devrait avoir un choix: on traite certainement différemment un jeune de 10 ans d'un jeune de 17 ans ou d'un adulte. Toutefois, à mon avis, il faut restaurer ce pouvoir et c'est pourquoi nous appuyons la suggestion du professeur Bala de réduire l'âge de 12 à 10 ans. Certains demandent même de le réduire davantage. Nous pourrions examiner cela, mais c'est ce qui nous a été recommandé et c'est ce que nous appuyons.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez - cette idée de réduire l'âge et le fait que depuis 1984, si un jeune de 10 ou 11 ans vole une voiture, ce n'est pas une infraction criminelle; s'il commet un viol, ce n'est pas une infraction criminelle; même s'il commet un meurtre, ce n'est pas criminel. Les provinces ne disposent pas du pouvoir de considérer ces actes comme des infractions criminelles et doivent s'en tenir aux dispositions sur le bien-être des enfants. Avez-vous des commentaires ou des idées à ce sujet?

.1235

Mme Hassard: L'une de nos inquiétudes, c'est que nous ne savons pas si en incarcérant ces enfants, cela donnera quelque chose. Nous savons par contre que très souvent, les jeunes contrevenants demeurent de jeunes contrevenants et donc nous ne savons pas si cela donnera quelque chose.

Par contre, nous pensons que nous devons trouver le moyen d'outiller leurs parents, pour leur permettre de contrôler leurs jeunes enfants, parce que ça va vraiment mal, si vous ne pouvez pas contrôler votre jeune de 10 ans, à 13 ans, il ou elle vous quittera.

M. Ramsay: Très bien. Cela est lié à autre chose que nous avons entendu dans certaines régions du pays, surtout au cours de réunions publiques - à savoir qu'il faut tenir les parents responsables des actes criminels de leurs enfants.

En fait, un juge nous a dit qu'on devrait prévoir dans la Loi sur les jeunes contrevenants, un plus grand nombre de sanctions à l'intention des parents. Dans les Territoires du Nord-Ouest, on nous a dit que les parents ne se présentaient au tribunal avec leurs enfants que dans 5 p. 100 des cas. C'est justement pourquoi le juge préconisait des peines plus lourdes.

Évidemment, vous n'allez pas incarcérer un enfant de 10 ans. Il ne s'agit pas de cela, il s'agit d'avoir le pouvoir d'assurer à cet enfant les soins, l'aide et l'appui nécessaires. D'où viendrait le pouvoir? Vu de ce point de vue, allons-nous décriminaliser les actes criminels commis par des jeunes de 10 ou 11 ans?

Il y a aussi le fait que les jeunes plus âgés utilisent les plus jeunes. Voilà ce qui se produit. En fait, des adultes font participer des enfants à leurs crimes sachant fort bien que si les jeunes ont plus de 12 ans, la peine ne sera pas très longue et s'ils ont moins de 12 ans, il n'y aura pas de peine du tout.

Il y a eu le cas d'un jeune contrevenant de 10 ou 11 ans à Edmonton qui volait véhicule sur véhicule. On ne pouvait agir que dans le cadre de la protection de la jeunesse. Comme nous l'ont dit les représentants de l'Alberta, ils ont l'impression que dans certains cas, la protection de la jeunesse n'offre pas les pouvoirs nécessaires pour donner aux jeunes les soins et l'appui qu'il leur faut.

Mme Watson: Je ne peux pas répondre au nom des membres de l'association, mais je vais faire quelques commentaires personnels.

Ce qui me préoccupe, c'est que nous décidons que nous ne pouvons plus procéder de telle ou telle façon, mais nous ne fournissons pas les outils nécessaires pour améliorer le système. Nous nous en lavons simplement les mains, nous ne faisons rien pour régler le problème. On pourrait citer à titre d'exemple le châtiment corporel qui a cessé d'être approprié dans les écoles. Je ne le conteste pas. Toutefois, je me demande si les responsables de la discipline dans les écoles se sont vus offrir d'autres moyens pour faire face aux problèmes de comportement en milieu scolaire.

J'ai l'impression que c'est un peu la même chose avec la Loi sur les jeunes contrevenants. Au moment de la décriminalisation, nous n'avons pas prévu de mécanismes pour faire face à des situations graves comme le jeune de dix ans qui vole des véhicules régulièrement ou celui qui est accusé de meurtre, qui prend la vie d'un autre à dessein. Ce sont là des problèmes inimaginables.

Si nous éliminons les moyens habituels de faire face à ce genre de crime, il faut les remplacer par d'autres moyens efficaces.

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Je suis tout à fait d'accord avec la responsabilité des parents. Souvent, dans les débuts, si l'on fait appel aux parents pour qu'ils apportent une aide au titre du comportement des jeunes, s'ils savent quoi faire, alors il convient tout à fait de les rendre responsables - à condition qu'ils sachent comment être de bons parents. Toutefois, pour la plupart, c'est lorsque nous sommes enfants que nous apprenons comment être parents. Nous ne possédons pas tous les outils nécessaires pour bien faire le travail.

Il faut le comprendre. Nous ne pouvons pas dire, vous êtes responsables, car qu'arrivera-t-il si nous incarcérons tous les parents? Qu'arrivera-t-il aux enfants qui commettent des crimes aussi horribles? Il doit y avoir un mécanisme pour arranger ça plutôt que de simplement punir. Je pense que nous pourrions notamment mettre l'accent sur la réparation comme moyen de réhabilitation.

Pour les 14 effractions contre l'élise dont j'ai parlé, lorsque dans un cas deux contrevenants ont été accusés et reconnus coupables, ce sont néanmoins des bénévoles qui sont retournés à l'église réparer le verre brisé, le parterre et le ciment. Les jeunes contrevenants, les responsables n'ont jamais travaillé à améliorer les choses.

Chez moi, si mes enfants brisaient quelque chose ils le réparaient, surtout s'ils l'avaient brisé exprès. On offre ainsi la possibilité de s'excuser d'une façon efficace et productive. La victime a l'impression que des efforts sont faits pour réparer. Il y a une capacité de réhabilitation qui me semble évidente.

M. Ramsay: Merci, madame la présidente.

La présidente: Monsieur Maloney.

M. Maloney (Erie): Lorsque vous avez parlé de ce qui s'était passé à l'église, vous avez dit que vous aviez arrangé le problème. Après 14 incidents en trois ans, qu'avez-vous fait? Comment avez-vous arrangé le problème?

Mme Watson: Essentiellement, en surveillant de très près la propriété. Aussi, comme je l'ai mentionné, monsieur Maloney, il s'est créé un quartier autour de l'église, ce qui a engendré de l'activité, jour et nuit. Il y avait des familles qui vivaient là. Cela a aidé à surveiller l'église.

Nous avons aussi installé un meilleur éclairage. Les paroissiens surveillent aussi la propriété quand ils passent près de là. Nous avons aussi parlé à certains des voisins et nous leur avons demandé de nous le signaler s'ils constataient des activités douteuses sur la propriété. Nous avons pris plusieurs initiatives du même genre.

M. Maloney: Connaissez-vous l'âge des jeunes contrevenants?

Mme Watson: Je pense que l'un d'eux avait 17 ans. On a trouvé des barres d'armature dans la calandre de son camion après qu'il eut défoncé la clôture que nous avions érigée autour de notre nouvelle pelouse. Je pense qu'un autre avait 14 ans.

M. Maloney: Quelle était la valeur des dommages causés?

Mme Watson: Si je me rappelle bien, il y avait environ 18 fenêtres cassées. Nous avons dû les faire réparer et, si je ne m'abuse, cela avait coûté 250 $ la fenêtre. Bien sûr, ce sont des fenêtres de forme spéciale vu qu'elles sont dans une église. Cela a donc coûté plus cher.

Plus tard, nous avons fait poser un fini de protection de genre plexiglas sur les fenêtres. C'est très laid, mais cela empêche qu'elles soient brisées. Si je ne m'abuse, les dommages s'élevaient à plusieurs milliers de dollars. Au total, les 14 incidents ont causé plus de 3 000 $ de dommages.

M. Maloney: Vous dites que vous êtes d'accord avec le principe de la responsabilité parentale. Comment ce principe devrait-il être appliqué? Comment rendre les parents comptables? Vous reconnaissez, je pense, que cela ne donnerait peut-être pas grand-chose de mettre les parents en prison. Comment pouvons-nous faire pour qu'ils soient davantage comptables, si c'est possible, bien sûr?

Mme Watson: La restitution serait peut-être un premier pas, par exemple, si un jeune contrevenant brise les vitres de votre automobile. Cela m'est arrivé un soir lors d'une réunion. Les fenêtres de mon automobile ont été cassées.

Si je savais que mon adolescent avait participé à un tel incident, je me sentirais responsable de la réparation. Le programme de réadaptation des jeunes contrevenants devrait peut-être aussi inclure la participation des parents.

M. Maloney: Par ordonnance du tribunal?

Mme Watson: Par ordonnance du tribunal. Bien des parents veulent faire leur part. D'après les chiffres nationaux, je ne suis pas certaine que cela se fasse au tribunal pour adolescents. J'imagine que non - pas que ce ne soit pas un problème que les parents ne s'intéressent pas au comportement de leurs enfants s'ils passent devant les tribunaux, mais je pense que les chiffres sont sans doute quelque peu différents dans leur cas. Mon impression ne vient pas tellement des chiffres, mais d'avoir vécu l'expérience quelquefois et d'avoir assisté au procès.

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À titre de parent, je me sens souvent frustrée de voir le peu de ressources dont je dispose pour améliorer le comportement de mes enfants ou même de savoir si mon enfant est mêlé à certaines activités. Selon moi, il importe que les parents s'occupent de ce qui se passe. Ce serait certainement une excellente chose qu'ils participent au processus de restitution ou de réadaptation.

Je ne suis pas certaine que l'incarcération soit la solution, mais il semble exister plusieurs autres solutions pour les tribunaux.

M. Maloney: Vous avez mentionné plusieurs fois la restitution. Ce n'est pas que je ne suis pas d'accord avec vous, mais que pouvons-nous faire dans un cas où les dommages seraient de 30 000 $ plutôt que de 300 $ pour remplacer un pare-brise? Combien de familles ont les moyens de payer de tels montants et comment pourrions-nous résoudre le problème? La restitution serait facile dans un cas, mais pas dans l'autre.

Mme Watson: Les tribunaux ont maintenant la possibilité de choisir le service communautaire pour les contrevenants. À mon avis, c'est un outil approprié dans le cas de certains délits. Le service communautaire pourrait peut-être aider les victimes du délit. Si le contrevenant ne peut pas réparer ma fenêtre, il peut peut-être laver les autres. S'il ne peut pas remplacer le gazon qu'il a abîmé sur ma pelouse, il peut peut-être ratisser la pelouse. Selon moi, ce genre de travail communautaire établit un lien entre le contrevenant et la victime d'une façon qui profite à tout le monde.

Ce ne peut pas toujours être une restitution monétaire. Le problème des jeunes contrevenants est souvent leur situation sociale. Il y a cependant d'autres façons de restituer.

M. Maloney: Vous dites que l'un des problèmes dans votre localité, c'est que les tribunaux y vont seulement tous les deux ou quatre mois. Quand votre comité de la justice pour adolescents intervient-il? Devez-vous attendre l'arrivée du tribunal ou le comité peut-il collaborer avec la police au moment de l'incident?

Mme Hassard: De façon générale, nous intervenons dès que nous apprenons que quelque chose est arrivé. Nous parlons à la victime pour nous assurer de son état et pour lui expliquer ce qui se passe. Nous nous assurons aussi que le contrevenant n'est pas blessé et sait ce qui se passe. Nous le savons parce que, très souvent, les victimes et les contrevenants vivent très près les uns des autres. Ils sont voisins. Ce sont souvent des membres de la famille. Il y a très peu de familles des Premières nations qui habitent à Haines Junction et ce sont donc souvent des membres de la même famille. Nous faisons donc tout ce que nous pouvons le plus tôt possible.

Dans le cas d'un des incidents, les contrevenants, la victime et tous les membres des familles voulaient un cercle de guérison pour que les gens puissent s'asseoir, parler de leurs frustrations et trouver des solutions. Un problème s'est posé quand le contrevenant a plaidé non coupable. Il ne pouvait pas y avoir de cercle de guérison parce que cela aurait nui tellement à sa défense qu'il n'aurait pas pu la présenter. Il n'y a donc pas eu de cercle de guérison. Deux mois plus tard, comme nous attendions encore le procès, la victime a attaqué l'accusé. J'ignore si cela se serait produit de toute façon, mais il y aurait eu moins de chance que cela n'arrive si nous avions pu faire quelque chose au moment du premier crime. Maintenant, les deux contrevenants ont vraiment des problèmes. On ne pouvait rien faire à cause du temps qui s'écoulait. Les deux adolescents ont dit qu'ils n'allaient pas tolérer la situation plus longtemps.

M. Maloney: Vous avez donc maintenant deux victimes et deux accusés.

Pour ce qui est de l'âge, nous avons parlé de réduire l'âge, par exemple de 12 ans à 10 ans, d'après la proposition de M. Ramsay. Au lieu de réduire l'âge à 12 ans, pensez-vous qu'on pourrait avoir un mécanisme qui permette, peut-être sur présentation d'une demande à un juge, de s'occuper des enfants de moins de 12 ans qui commettent un crime grave ou qui récidivent? Selon vous, est-ce que ce serait préférable que de rabaisser l'âge à 10 ans, ou même à 8 ans? Qu'en pensez-vous?

Mme Hassard: Cela dépend très souvent de la maturité de l'enfant.

M. Maloney: C'est le problème si l'on fixe un âge particulier.

.1250

Mme Hassard: À mon avis, ce n'est pas en fixant un âge précis qu'on peut résoudre tous les problèmes. Il faudrait un mécanisme d'évaluation quelconque pour qu'on puise porter des accusations à l'endroit d'un enfant de 10 ans qui pense et qui agit comme un adolescent de 14 ans. Par ailleurs, si l'enfant de 10 ans agit comme un enfant de 10 ans et ne sait pas vraiment que ce qu'il a fait était mal, il y aurait peut-être un autre moyen de s'occuper de son cas que de le faire passer devant le tribunal.

M. Maloney: Merci, madame la présidente.

La présidente: Madame Torsney.

Mme Torsney (Burlington): L'une des choses que vous avez dites, madame Watson, c'est que si l'on publiait les noms des jeunes contrevenants, vous pourriez dire à vos enfants de ne pas les fréquenter. Cela vous donnerait une certaine protection.

Comme nous avons posé la question à des enfants qui ont eu des problèmes de ce genre, bon nombre d'entre eux se sont moqués de nous en disant: «Et vous pensez que mes parents peuvent me dire qui je peux fréquenter?» Les enfants trouvent toujours un moyen de fréquenter les copains qu'ils veulent, peu importe ce que leurs parents peuvent leur dire. Bon nombre des enfants savaient lesquels de leurs copains avaient eu des ennuis de ce genre sans que leur nom ait été publié. C'est comme le moulin à rumeurs dont vous avez parlé.

L'autre chose que les enfants eux-mêmes ont dite, surtout dans le cas de deux trafiquants de drogue... L'un d'eux a dit qu'il vendait de la drogue depuis trois ans et que votre enfant aurait pu le fréquenter tout ce temps-là parce que son nom n'avait pas été publié nulle part. Il n'avait pas été accusé de quoi que ce soit. Maintenant qu'il l'a été, il ne vend plus de drogue et ne le fera plus et cela n'aidera pas vraiment les choses si vous dites à votre enfant de ne pas le fréquenter.

L'autre enfant a reconnu qu'il était un trafiquant de drogue et que si son nom était publié dans le journal, s'il faisait le journal, comme il l'a dit, il aurait l'admiration de ses amis. À part cela, comme il est trafiquant de drogue, cela lui amènerait des clients.

Vous arrive-t-il de penser que les enfants savent mieux que nous que la publication n'aiderait pas vraiment? Pensez-vous qu'il y a sans doute de meilleurs moyens de s'occuper des enfants qui causent des problèmes et de les réintégrer dans la société au lieu de les inciter à former des petits groupes d'adolescents qui ont eu des ennuis avec la police parce que personne d'autre ne veut les fréquenter?

Mme Watson: J'imagine que ce sont des sentiments tout à fait raisonnables si ce n'est pas votre fille qui fréquente un trafiquant de drogue de 18 ans ou si ce n'est pas votre enfant de trois ans qui est confié à un violeur de 15 ans dont le nom n'a jamais été publié.

Il faut faire preuve de bon sens. Peu importe que vous ayez payé pour votre crime, si vous avez déjà violé, je ne pense pas qu'on devrait vous confier la garde d'enfants. Il y a beaucoup d'adolescents qui gardent des enfants. C'était toujours des adolescents qui gardaient mes enfants quand ils étaient petits.

J'imagine que ce qui compte le plus, ce n'est pas tellement qui sont vos amis et qui vous fréquentez, mais plutôt à qui vous êtes exposé avec la permission de vos parents.

Je conviens dans une certaine mesure que l'intégration peut être un moyen très efficace pour résoudre bon nombre des maux de la société. Nous pouvons causer beaucoup de problèmes en ostracisant et en isolant des gens pour quelque raison que ce soit. Doit-on cependant risquer le bien-être d'autres membres de la communauté qui pourraient devenir des victimes à cause d'un secret?

Nous essayons de montrer à nos enfants qu'il y a certaines choses qui ne doivent pas rester secrètes et qu'il importe de dialoguer, mais à cause d'une notion de justice et d'équité, nous décidons de garder certaines choses secrètes. Je ne suis pas certaine que ce soit la meilleure chose à faire. Il y a souvent un problème de communication entre les adolescents et leurs parents.

Je conviens que le fait d'avoir quelques bribes de renseignements peut être dangereux, mais plus les parents peuvent obtenir de renseignements qui leur permettent de préparer leurs enfants au monde réel... À mon avis, il importe d'en savoir le plus possible à ce moment-là.

Mme Torsney: Dans le Territoire du Yukon, en quelle année apprend-on aux enfants ce que contient la Loi sur les jeunes contrevenants?

Mme Watson: Je doute beaucoup que ce soit enseigné à l'école, mais je suis bien certaine qu'on l'apprend aux enfants derrière les écoles.

Mme Torsney: J'imagine que cela fait partie du problème.

.1255

L'une des choses qu'on nous dit souvent, même si nous ne l'avons pas entendue ce matin, c'est que les enfants violent la loi en toute connaissance de cause et qu'ils connaissent la loi sous toutes ses coutures. Une chose que les enfants qui ont eu des démêlés avec la justice nous disent souvent, c'est qu'ils n'avaient pas la moindre idée que la loi était tellement sévère. Ils n'en comprennent pas nécessairement toutes les nuances.

Bon nombre d'adolescents en Ontario, par exemple, apprennent ce que contient la Loi sur les jeunes contrevenants lorsqu'ils suivent un cours de droit de 12e année, mais ils ont bien sûr 17 ans à ce moment-là. C'est un peu tard. Si nous leur enseignions plus tôt, peut-être en 8e année, ce que prévoit la loi et comment elle s'applique à eux, peut-être que la loi serait mieux comprise et mieux respectée et que moins d'adolescents auraient accidentellement des démêlés avec la justice.

La présidente: Merci, madame Torsney. Je tiens à remercier tous les membres du groupe de leur aide ce matin. Cela nous a été très utile et c'est un bon début pour notre visite du Yukon. Merci.

Nous allons faire une pause de quelques minutes pendant que nos prochains témoins se préparent.

.1256

.1302

La présidente: Nous sommes de retour.

Je tiens à souhaiter la bienvenue à notre prochain groupe: Rose Wilson, Angie Wabisca, Shirley Adamson et Sandi Gleason qui représentent le Conseil des Premières nations du Yukon.

Nous vous souhaitons la bienvenue. Je sais que vous avez un mémoire et je vais donc vous demander de faire votre exposé et de nous laisser un peu de temps pour vous poser des questions. C'est sans doute le groupe des Premières nations vu qu'il est représenté entièrement par des femmes.

Le grand chef Shirley Adamson (Conseil des Premières nations du Yukon): Merci, madame la présidente.

Membres du comité permanent, merci de nous avoir invités à témoigner devant vous aujourd'hui.

Le Conseil des Premières nations du Yukon est le gouvernement central pour 11 des 14 Premières nations du Yukon. À titre de gouvernement central, le Conseil représente les intérêts de ses membres relativement aux questions territoriales, nationales et internationales.

Malheureusement, à cause de ses conséquences disproportionnées sur la vie des membres des Premières nations du Yukon, le système de justice est l'une des questions à l'égard desquelles le Conseil des Premières nations du Yukon doit défendre les intérêts et faire valoir les préoccupations de ses membres. Même si nos accords d'autonomie gouvernementale permettront aux Premières nations du Yukon d'établir bientôt une structure d'administration de la justice pour répondre aux besoins et aux préoccupations de nos peuples, nous continuons à promouvoir des changements utiles au système de justice canadien.

Depuis un an, le Conseil des Premières nations du Yukon a concentré ses efforts et ses ressources pour lancer un certain nombre de projets en matière de justice. Ceux-ci comprennent: a) une étude de la violence familiale, qui porte sur l'agression par les conjoints et les poursuites obligatoires au Yukon; b) des consultations dans tout le territoire qui ont abouti à la publication d'un document intitulé Keeping Kids Safe; c) le comité «Talk About Crime», qui a tenu des audiences publiques dans toutes les localités du Yukon et qui a formulé des recommandations sur la façon de rendre les localités du Yukon plus sûres; et d) la conférence de deux jours parrainée récemment par le Conseil des Premières nations du Yukon et intitulée «Pour créer une vision», à laquelle ont assisté des représentants des Premières nations du Yukon de toutes nos localités pour discuter des questions de justice communautaire qui touchent aussi bien les adultes que les adolescents.

.1305

La conférence «Pour créer une vision», tout particulièrement, nous a permis de recueillir des données utiles à partir des expériences, des préoccupations et des connaissances des peuples des Premières nations du Yukon et de leurs communautés. Je suis heureuse de pouvoir profiter de mon exposé au comité permanent pour transmettre ces renseignements au gouvernement.

Même si nos projets de justice ne portaient pas uniquement sur les questions reliées aux jeunes, certaines sont certainement ressorties régulièrement dans le cadre de ces projets. Ces thèmes sont ressortis régulièrement de nos discussions de questions portant sur la justice pour les jeunes, les adultes et la communauté.

Je peux résumer ces questions en quatre points principaux: 1) les questions familiales; 2), l'absence de ressources et de formation communautaires; 3), la nécessité d'augmenter les options communautaires; 4), le besoin de stratégies appropriées sur le plan traditionnel et culturel mises au point et appliquer par les Premières nations du Yukon. Je parlerai davantage de ces quatre points pendant mon exposé et je vous fournirai des renseignements statistiques portant sur les adolescents des Premières nations du Yukon pour mieux expliquer nos préoccupations.

D'abord, les questions familiales sont un sujet qui revient constamment dans les nombreux rapports sur la justice et les chiffres relatifs aux Premières nations du Yukon. Malheureusement, dans bien des cas, le système de justice n'a ni les moyens ni la vision nécessaires pour s'occuper avec succès de questions familiales très fondamentales.

Les Premières nations du Yukon ont noté à maintes reprises que le système de justice ne s'occupe que de questions superficielles. Il ne s'est pas vraiment attaqué, et ne peut peut-être pas le faire, aux causes fondamentales de la dysfonction familiale et de l'activité criminelle. Nous soutenons que la dysfonction familiale et l'activité criminelle sont souvent des manifestations de ces problèmes fondamentaux.

Quand je parle de problèmes fondamentaux, je veux parler de l'abus d'alcool, de la violence physique, psychologique ou sexuelle, de même que d'autres problèmes comme la pauvreté. Nous commençons à comprendre que ces problèmes fondamentaux sont souvent ce qui pousse nos adolescents vers des activités qui les mettent aux prises avec le système de justice pénale et mènent très souvent à leur incarcération.

Nous constatons que ces problèmes fondamentaux sont intergénérationnels. Autrement dit, ils sont souvent transmis de parents à enfants et forment un cercle vicieux d'une génération à l'autre. C'est inacceptable. Il est donc essentiel de s'attaquer de façon holistique aux problèmes fondamentaux des jeunes. Par exemple, on ne peut pas s'attaquer uniquement aux problèmes d'alcoolisme ou de toxicomanie parce que la sobriété pourrait simplement permettre de constater d'autres problèmes comme de la violence physique, psychologique ou sexuelle, sur lesquels il faudrait ensuite se pencher.

À l'heure actuelle, dans la plupart des localités du Yukon, il est difficile de recevoir des conseils professionnels ou une aide quelconque pour faire face à de tels problèmes. Au contraire, la personne ou la famille doit le plus souvent quitter sa communauté pour obtenir un traitement efficace ou de l'aide. Sinon, les gens doivent compter uniquement sur leurs propres familles et, dans bien des cas, cela ne fait qu'exacerber les tensions dans l'unité familiale.

Une autre préoccupation très souvent exprimée a trait au fait que la famille et la communauté ont perdu leur droit d'élever leurs enfants. Bon nombre des membres des Premières nations du Yukon croient que, lorsqu'un enfant a des démêlés avec le système de justice pénale, ils ne peuvent rien faire pour participer. Nous soutenons que le système de justice doit permettre à la famille de participer, et cela comprend la famille élargie. La famille immédiate d'un adolescent qui a des démêlés avec le système de justice peut se trouver elle-même en situation de crise et avoir aussi besoin d'aide.

.1310

Dans bien des cas, il semble que le système de justice pénale ait assumé les responsabilités des parents. On peut établir un parallèle entre ce que bon nombre de membres des Premières nations du Yukon ont connu pendant leur enfance dans les pensionnats et la façon dont de nombreux enfants des Premières nations du Yukon sont maintenant élevés en institution dans le cadre du système de justice. Il semble que, même si le cadre a changé, les conséquences pour les Premières nations du Yukon sont les mêmes.

Deuxièmement, il y a l'absence de ressources et de formation à l'échelle communautaire. Les Premières nations du Yukon sont convaincues qu'il faut suffisamment de ressources à l'échelle communautaire pour s'attaquer de façon appropriée et efficace aux problèmes fondamentaux qui existent dans d'autres communautés. Malheureusement, la plus grande partie des ressources disponibles au Yukon, notamment les services pour la jeunesse et les programmes de lutte contre la violence familiale, sont centralisées à Whitehorse.

Il existe un besoin pressant de programmes de soutien permanents et de suivi pour les communautés des Premières nations du Yukon. Par exemple, il doit y avoir des mécanismes permanents de formation communautaire qui permettent de développer les compétences au lieu d'avoir quelques rares ateliers annuels. Tant les adolescents que leurs familles ont besoin de ces programmes de soutien et de suivi pendant le processus de guérison qui vise à s'attaquer à leur problème fondamental. Ce processus de guérison holistique ne peut pas être limité à une période d'un an ou deux, mais doit dans bien des cas durer toute la vie.

En outre, nos communautés exigent de participer véritablement à la mise au point des programmes de formation. Ces programmes doivent répondre à nos besoins et non pas aux besoins ou aux critères du gouvernement. Les initiatives fragmentées que prend le gouvernement sans demander l'avis de la communauté échouent la plupart du temps dans nos localités. Par exemple, les programmes de formation doivent avoir des critères de financement plus souples. Cela ne sert pas à grand-chose si nos communautés doivent adapter leurs besoins aux critères fixés par le gouvernement. Dans bien des cas, ces critères ne correspondent pas à nos besoins traditionnels ou culturels et ne s'attaquent pas aux problèmes fondamentaux de nos communautés.

Troisièmement, il faut davantage d'options communautaires. Chaque Première nation du Yukon a exprimé le besoin d'un plus grand nombre d'options dans le système de justice. Par exemple, les Premières nations du Yukon soutiennent que les solutions de rechange comme les camps de pleine nature pour les adolescents qui doivent passer une certaine période sous garde seraient plus utiles et sans doute moins coûteuses que leur transfert à Whitehorse.

L'établissement de garde en milieu fermé pour jeunes contrevenants au Yukon est situé à Whitehorse. Lorsqu'un adolescent est renvoyé ou condamné à la garde en milieu fermé, il doit donc souvent quitter sa famille et les services de soutien communautaires. Les Premières nations du Yukon considèrent aussi qu'il faudrait davantage de solutions de rechange à l'échelle communautaire et que l'on ne devrait pas affecter la plus grande partie des ressources et du financement aux initiatives et aux institutions centrales telles que le centre pour jeunes contrevenants.

Même si les frais d'exploitation d'institutions centrales montent en flèche, le gouvernement continue de leur affecter plus d'argent. Cependant, lorsqu'une communauté détermine qu'il faudrait autre chose et propose une initiative de rechange, par exemple un camp de pleine nature, le gouvernement répond souvent qu'il ne peut pas financer de telles initiatives à cause des compressions budgétaires.

Je répète que les membres des Premières nations du Yukon veulent faire partie de la vie des adolescents en conflit avec le système de justice. Nous espérons que les mesures de rechange à l'échelle communautaire permettront la participation de la communauté à partir du moment où l'adolescent entre en conflit avec le système de justice jusqu'à l'imposition de la peine, et qu'il y aura par la suite des services d'orientation ou de suivi.

Même si le mécanisme d'imposition de la peine par le cercle de vie a permis à la communauté de participer dans une mesure restreinte à l'imposition de la peine, les Premières nations du Yukon soutiennent que les solutions communautaires doivent être plus importantes et plus significatives.

Je voudrais vous donner un exemple concret des frustrations que ressentent les communautés des Premières nations du Yukon quand elles n'ont pas les ressources nécessaires. Sans ressources suffisantes, les solutions de rechange communautaires ne peuvent pas être efficaces. Cela veut dire que la communauté ne peut pas aider les adolescents en conflit avec le système de justice et, dans la plupart des cas, ceux-ci seront donc envoyés en milieu fermé à Whitehorse.

.1315

Il faut aussi des solutions de rechange communautaires pour le suivi après que l'adolescent a purgé sa peine. Cette période est cruciale. La communauté doit pouvoir maintenir l'élan imprimé par tout résultat positif que peut avoir eu la peine.

Lorsqu'un adolescent revient à la communauté après une période en milieu fermé, il est aussi essentiel qu'il ait l'appui de la communauté pour faciliter sa réintégration dans sa famille et dans sa communauté. À cet égard aussi, les ressources sont centralisées à Whitehorse.

Le quatrième point est la nécessité de disposer, sur le plan traditionnel et culturel, de stratégies appropriées qui soient mises au point et appliquées par les Premières nations du Yukon. Nos aînés ont insisté à maintes reprises sur l'importance de nos lois culturelles et traditionnelles. Lors de notre conférence sur la justice «Pour créer une vision», l'aîné Roddy Blackjack a parlé de l'importance de la culture des Premières nations du Yukon en ces termes:

Je ne pense pas qu'on puisse résumer la situation de façon plus éloquente. Le gouvernement doit comprendre que les mécanismes, les stratégies et les initiatives en matière de justice doivent refléter la participation et les besoins des Premières nations du Yukon. Sinon, ces programmes, stratégies et initiatives resteront inefficaces à cause de critères établis par des gens qui n'habitent pas dans nos communautés et qui n'ont aucun rapport avec elles.

Je voudrais encore une fois vous donner un exemple qui montre l'importance des critères pour assurer le succès de programmes, stratégies et initiatives en matière de justice. Il existe un programme de déjudiciarisation à Whitehorse depuis trois ans. Le nombre d'adolescents qui participent à ce programme a augmenté constamment pendant ces trois ans, mais à cause des critères, seulement 30 p. 100 des adolescents qui en profitent sont membres des Premières nations. Seulement 30 p. 100.

Il n'y a maintenant aucun programme de déjudiciarisation dans les localités des Premières nations du Yukon représentées par le Conseil. Aucun. Je note que le gouvernement du Yukon est en train d'établir un protocole pour la déjudiciarisation des adolescents du Yukon sans avoir consulté les Premières nations du Yukon et sans leur participation.

Comment forcer le gouvernement à comprendre que les Premières nations du Yukon doivent participer à l'établissement et à l'élaboration des programmes, stratégies et initiatives en matière de justice afin que toutes ces mesures soient efficaces pour notre jeunesse? Il ne faut pas seulement nous consulter sur un produit fini.

Pour que vous compreniez bien les conséquences que le système judiciaire a pour nos jeunes, je vais vous donner quelques statistiques que nous avons obtenues du gouvernement du Yukon par l'entremise de leurs services à la jeunesse. Soixante-dix pour cent des jeunes en détention à Whitehorse sont des membres des Premières nations. Les Premières nations représentent un peu plus de 20 p. 100 de la population totale du territoire. C'est au Yukon que le taux de détention provisoire des jeunes est le plus élevé au Canada. Le Yukon est la région du pays où l'on a le plus recours à la détention. Quarante pour cent des jeunes reconnus coupables sont placés sous garde. Le nombre de jours-lits au centre pour les jeunes contrevenants a augmenté de 50 p. 100. La durée moyenne de la détention est de 58 jours et elle augmente régulièrement pour les jeunes qui sont reconnus coupables et ceux qui sont en détention provisoire. La plupart des infractions sont reliées à la consommation d'alcool.

.1320

Ces statistiques sont très éloquentes. Une très forte proportion de nos jeunes ont maille à partir avec la justice. Souvent, on ne leur offre pas de possibilités de déjudiciarisation ou de peines autres que la détention. On les place au centre pour jeunes contrevenants et ils rentrent dans leurs communautés sans qu'on ait facilité leur réinsertion.

Je sais que, dans la plupart des cas, les jeunes ne sont pas condamnés à la détention à leur première ou deuxième infraction, mais la question fondamentale qui se pose est de savoir pourquoi notre jeunesse continue d'être en conflit avec la loi.

Malheureusement, mes recommandations ne sont pas nouvelles. De nombreuses personnes des Premières nations les ont déjà formulées. J'espère toutefois qu'un jour, quelqu'un, peut-être vous, en tiendra compte, si nous continuons à faire ces recommandations et à faire valoir ces idées.

1) Les réactions punitives et instinctives aux problèmes sociaux fondamentaux de nos communautés ne donneront pas de résultats. Nous ne sommes pas en faveur de lois qui ne feront qu'incarcérer nos jeunes plus souvent ou plus longtemps. Nous avons besoin de ressources et de solutions communautaires pour aider nos collectivités à élever leurs jeunes en fonction de nos valeurs culturelles.

2) Les Premières nations du Yukon ont besoin de ressources pour établir des procédures judiciaires qui refléteront nos traditions et notre culture afin de résoudre efficacement les problèmes de notre jeunesse.

3) Les critères de tous programmes, stratégies et initiatives en matière de justice doivent être établis par nos communautés afin de tenir compte des besoins de notre peuple.

4) L'incarcération d'un jeune dans un centre de garde en milieu fermé devrait être une solution de dernier recours.

5) Il faudrait inviter la famille et la collectivité à suivre le jeune à toutes les étapes de son expérience dans l'appareil judiciaire. Cette participation pourrait faciliter la réinsertion du jeune.

Pour conclure, je ne saurais trop insister sur l'importance de construire et de maintenir des assises solides dans les communautés des Premières nations du Yukon. Ces assises ne peuvent être bâties par les Premières nations du Yukon que si elles répondent à nos besoins traditionnels et culturels. Le projet de loi ne s'attaque pas aux problèmes fondamentaux que connaissent nos jeunes et nos communautés. Il n'aura pour effet que d'augmenter le nombre de jeunes qui ont maille à partir avec la justice.

Grâce au règlement de nos revendications territoriales, nous avons commencé à assumer la gestion de nos terres et de nos ressources. Il nous faut également la haute main sur notre ressource la plus précieuse, nos jeunes. Ils doivent être élevés non pas par l'appareil judiciaire, mais par nos familles et par nos communautés, conformément à nos valeurs traditionnelles et culturelles.

Je tiens à vous remercier de votre aimable attention. Je suis accompagnée de plusieurs personnes qui répondront à vos questions. Permettez-moi maintenant de vous présenter la directrice du programme de justice du Conseil des Premières nations du Yukon, Mme Sandi Gleason, et deux de nos aides judiciaires, Mme Angie Wabisca et Mme Rose Wilson. Nous nous efforcerons de répondre aux questions que vous voudrez nous poser sur notre exposé d'aujourd'hui.

.1325

La vice-présidente (Mme Torsney): Merci, madame Adamson.

Je voudrais un éclaircissement. En haut de la page 9, vous mentionnez le projet de loi et je me demande de quel projet de loi vous parlez.

Le grand chef Adamson: Je regrette, c'est une erreur typographique. Ce devrait être «les changements proposés à la loi».

La vice-présidente (Mme Torsney): Les changements dont vous entendez parler dans les médias et ailleurs?

Le grand chef Adamson: Oui.

La vice-présidente (Mme Torsney): Merci.

[Français]

Monsieur St-Laurent, je vous accorde deux minutes.

M. St-Laurent: Je vous remercie pour votre énoncé qui était assez éloquent. Je note tout de suite un élément important. Vous proposez entre autres que des ressources communautaires soient offertes après une sentence. C'est un élément peu banal qui vient appuyer le travail des ressources communautaires et faire la différence entre l'échec et la réussite. C'est une approche que j'aime bien.

Vous dites que le système judiciaire actuel ne s'occupe pas assez des familles et qu'il se distance même d'elles. Quelles grandes orientations pourriez-vous nous suggérer afin que la loi puisse prévoir l'implication de la famille dans le système judiciaire afin qu'elle ne soit pas tenue à l'écart, comme vous l'avez si bien expliqué au début? Je ne reprendrai pas votre explication puisqu'elle était assez claire.

[Traduction]

Le grand chef Adamson: Merci beaucoup de vos commentaires quant à l'approche que nous préconisons pour défendre les intérêts des Premières nations.

Comme les dames qui m'accompagnent travaillent en première ligne, je vais les laisser répondre à vos questions quant à une plus grande participation des familles.

Mme Sandi Gleason (directrice, Programme d'assistance parajudiciaire aux Autochtones, Conseil des Premières nations du Yukon): Pour ce qui est des moyens d'inciter les familles à participer davantage, on est en train d'établir, au Yukon, un protocole de déjudiciarisation, mais cela ne répond pas aux besoins des Premières nations. Si nous voulons amener les familles à participer davantage, ne serait-il pas préférable d'avoir des programmes de déjudiciarisation tenant compte des valeurs culturelles et traditionnelles de nos communautés? Le Conseil des Premières nations du Yukon regroupe 11 Premières nations différentes et le même programme de déjudiciarisation ne répondra pas aux besoins de chacune d'entre elles.

Pour amener les communautés à participer, il faut mettre en place des programmes de déjudiciarisation ou de peines autres que l'incarcération qui permettront aux diverses communautés d'avoir davantage leur mot à dire. Les familles pourront suggérer les mesures à prendre à l'égard des jeunes et elles disposeront également de ressources pour les aider lorsque ces suggestions seront suivies.

On nous suggère toutes sortes de solutions communautaires dans les cercles de détermination de la peine mais, la plupart du temps, les ressources voulues manquent. Nous devons donc concentrer davantage nos efforts dans d'autres domaines, pour essayer de régler les autres problèmes.

Une suggestion que je pourrais faire est de mettre en place davantage de programmes de déjudiciarisation tenant compte des valeurs culturelles et traditionnelles auxquelles les familles auront le sentiment de pouvoir participer.

.1330

[Français]

M. St-Laurent: Vous travaillez plus près des gens. Comme madame vient de le dire, vous travaillez sur la ligne de front. Quels sont les principaux gestes que les jeunes contrevenants posent pour se valoir le mérite d'être qualifiés de jeunes contrevenants?

Selon vous, y a-t-il une augmentation de la criminalité, de la gravité des crimes ou des deux?

[Traduction]

Mme Gleason: Nous venons de passer en revue les statistiques des services à la jeunesse pour la majeure partie du Yukon et des territoires. Les crimes graves sont en diminution, mais il y a une augmentation des infractions reliées à la consommation d'alcool chez les jeunes et des infractions mineures telles que les vols par effraction ou les vols à l'étalage de moins de 5 000 $. Ces infractions mineures sont en augmentation. Un grand nombre de ces jeunes commettent ces délits pour se procurer de l'alcool ou de la drogue.

Angie pourrait vous parler des cas d'infraction aux lois territoriales qui vont devant le tribunal de la jeunesse.

Quand nous avons commencé à nous occuper de ces questions dans les territoires, pratiquement aucun jeune n'allait devant le tribunal pour ce genre d'infraction. Maintenant, il y en a toujours un certain nombre. Des jeunes sont incarcérés au centre pour jeunes contrevenants ou placés en milieu ouvert parce qu'ils ont été pris, à plusieurs reprises, en état d'ivresse.

Mme Angie Wabisca (représentante, Programme d'assistance parajudiciaire aux Autochtones, Conseil des Premières nations du Yukon): Nous avons constaté que la plupart des jeunes qui se retrouvent devant le tribunal sont là non pas pour des infractions aux lois fédérales, mais pour infractions aux lois provinciales, notamment en ce qui concerne la consommation d'alcool. De plus en plus souvent, s'ils récidivent, la couronne territoriale recommande qu'ils soient incarcérés. On n'a pas d'autres solutions.

Quand nous parlons des valeurs familiales, aucune loi n'oblige les parents à se présenter au tribunal quand leurs enfants sont accusés d'infraction à la Loi sur les boissons alcoolisées. Nous nous demandons s'ils savent même que leurs enfants boivent. Lorsqu'il s'agit d'une infraction aux lois fédérales, les parents doivent en être avisés.

Travaillant nous-mêmes sur la ligne de front, nous sommes à même de constater que beaucoup de nos enfants commencent par des infractions à la Loi sur les boissons alcoolisées et qu'ils finissent ensuite par être impliqués dans des activités criminelles.

[Français]

M. St-Laurent: Vous mentionniez plus tôt que parmi les solutions de rechange au système actuel se trouvaient entre autres les camps nature qui, selon vous, étaient plus rentables. Est-ce que vous vous tournez vers cette solution de rechange pour des raisons financières? Avez-vous une analyse de l'efficacité du camp nature ou si vous basez votre appréciation uniquement sur l'aspect financier du dossier?

[Traduction]

Le grand chef Adamson: Je ferai quelques observations avant de donner la parole à mes collègues pour qu'elles répondent à votre question sur le plan technique.

Nos enfants sont notre ressource la plus précieuse. Nos enfants nous sont enlevés. Nous ne pouvons pas quantifier en dollars le tort que cela cause aux familles et à la collectivité quand les enfants leur sont retirés pour des infractions relativement mineures au départ.

Je crois que mes collègues pourront vous donner des détails statistiques plus précis et vous expliquer qu'il en coûte plus pour incarcérer nos enfants qu'il n'en coûterait pour les instruire.

.1335

Mme Gleason: S'agissant du coût des camps nature, un certain nombre de ces camps ont été établis dans le territoire. Il y en a un à Old Crow. C'est en quelque sorte un camp de traitement qui accueille les jeunes, et il y en a un autre...

Nous parlons de mesures de rechange et certaines collectivités manifestent de l'intérêt pour ces mesures. Nous ne prétendons pas qu'elles sont déjà en place, mais nous disons qu'il faudrait les mettre en place dans nos collectivités. Nous avons besoin de mesures de rechange à la détention dans un établissement pour jeunes contrevenants afin que les jeunes qui sont condamnés à la détention sous garde ne soient pas condamnés à la détention dans un établissement central.

Ils pourraient être condamnés à une période de garde dans la collectivité de façon qu'ils ne soient pas séparés de leur famille. Dans le cas d'Old Crow, par exemple, les jeunes doivent être amenés là par avion. Il n'y a pas de routes, et le transport coûte très cher.

Bien souvent, quand les jeunes reviennent d'Old Crow, ils se retrouvent dans l'établissement pour jeunes contrevenants que nous avons ici. Les contacts avec la famille sont parfois très limités. Certains parents n'ont pas les moyens de venir voir leur enfant. Par ailleurs, quand le jeune revient dans la collectivité, il n'y a pas de processus pour le réintégrer.

Les gens des collectivités demandent donc à pouvoir mettre en oeuvre des mesures de rechange. Ils veulent qu'on leur donne cette chance. Ils ont proposé d'établir des camps nature. Mais ce n'est là qu'une proposition parmi d'autres. Il y en a bien d'autres. Nous avons beaucoup de suggestions à faire quant à ce qui pourrait être mis en place au niveau local et élaboré par les gens de la place.

[Français]

M. St-Laurent: D'accord. Avez-vous remarqué si les jeunes qui ont été incarcérés dans le système de justice ordinaire actuel, que l'on connaît depuis 100 ans, et qui sont retournés dans vos communautés sont revenus dans un meilleur état? En sont-ils sortis réhabilités au point de vue social ou si, au contraire, leur incarcération ne les a pas plutôt aidés à devenir de meilleurs criminels? J'aimerais entendre vos propos à cet égard.

[Traduction]

Le grand chef Adamson: Encore une fois, avant de donner la parole à mes collègues pour qu'ils répondent à la question par des détails techniques, je tiens à préciser que les jeunes des Premières nations devraient d'abord et avant tout être de bons citoyens des Premières nations. Ce n'est pas là ce qu'ils apprennent dans les installations de détention en milieu fermé de Whitehorse. Nous devons avoir la possibilité de jouer notre rôle de parent auprès de ces jeunes et de leur permettre de faire partie de la collectivité afin qu'ils apprennent à devenir de bons citoyens des Premières nations du Yukon.

Mme Rose Wilson (représentante, Programme d'assistance parajudiciaire aux Autochtones, Conseil des Premières nations du Yukon): Nous avons un camp de traitement à Kwanlin Dun. Kwanlin Dun est une banlieue de Whitehorse. Quand nous voulons envoyer un jeune dans ce camp comme mesure de rechange à la détention dans un établissement, un des problèmes qui se posent invariablement, c'est celui du financement. En raison de la pénurie de fonds, nous ne pouvons utiliser le camp que comme camp de traitement. Des programmes à court terme y sont offerts peut-être deux semaines sur quatre chaque mois. Si nous voulions y envoyer un jeune pour qu'il y soit détenu sous garde pendant 30 jours, par exemple, nous n'aurions pas les fonds nécessaires pour le surveiller ou pour s'occuper de lui pendant deux des quatre semaines qu'il devrait passer au camp. Ce n'est donc pas une possibilité. Bien souvent, la possibilité n'existe pas en raison du manque de fonds.

Beaucoup de jeunes de ma collectivité sont amenés par avion au camp jeunesse qui se trouve à Old Crow. Ils en reviennent transformés. Dans les premiers temps suivant leur retour, il est évident qu'ils ont des objectifs ou qu'ils veulent retourner aux études. Ils ont vraiment à coeur de faire quelque chose. Malheureusement, leur détermination ne dure pas, encore là parce qu'ils ont été retirés de leur collectivité, qu'ils ont peut-être été amenés dans une autre collectivité des Premières nations où ils avaient commencé à connaître les gens et à se sentir en sécurité avec eux. Dès qu'ils reviennent dans leur collectivité, ils sont ramenés à la réalité. Ils se retrouvent de nouveau dans leur famille, qui se trouve le plus souvent en état de crise, et ils ne peuvent compter sur aucune aide. Ils recommencent à boire et à fréquenter leurs anciens amis qui n'ont pas eu la possibilité d'obtenir le genre d'aide qu'ils ont eux-mêmes reçue. On les retrouve donc dans le système, généralement après un mois ou deux. Ils se sont simplement remis à boire.

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J'ai aussi eu à m'occuper du cas d'enfants assez jeunes, de 10 ou 11 ans peut-être, et qui avaient commis des actes de délinquance mais qui, à cause de leur âge, n'avaient pas pu faire l'objet d'accusations. Lorsque cela se produit, les parents viennent nous voir pour nous demander si leur enfant pourrait être envoyé au camp d'Old Crow ou à un camp nature quelconque. Je le répète, cela nous coûte très cher d'amener un jeune à Old Crow. Je crois qu'un aller simple s'élève à 600 $ ou 700 $.

Ce n'est donc pas une option de les envoyer là même quand les parents tentent d'obtenir de l'aide avant que le jeune ne puisse être accusé d'une infraction, sachant très bien que, dès qu'il atteindra un certain âge, il aura immanquablement des démêlés avec la justice. Nous n'avons toutefois aucun moyen de les aider. Nos collectivités n'ont pas les fonds voulus pour s'occuper de ces jeunes. Pour obtenir de l'aide, il faudra d'abord qu'il soit accusé d'une infraction criminelle.

Mme Gleason: Vous demandiez si on les réhabilitait ou s'ils ne devenaient pas de meilleurs criminels. Tout dépend du jeune en question. Certains en ressortent transformés comme l'a dit Rose. Ils ont fait des changements positifs, en fonction des activités auxquelles ils ont participé pendant leur séjour là-bas.

Par contre, dès qu'ils reviennent dans leur collectivité, comme l'a dit Rose, ils reprennent leurs vieilles habitudes. Ils retournent à leurs anciennes fréquentations. Il n'y a pas de soins ni de programmes de suivi positifs destinés à prolonger l'effet de leur séjour dans l'établissement pour jeunes contrevenants.

Nous avons effectivement des jeunes qui sont de meilleurs criminels quand ils reviennent chez nous du simple fait qu'ils laissent libre cours à leurs sentiments. Ils sont tellement furieux et frustrés qu'il arrive parfois que leur séjour dans l'établissement pour jeunes contrevenants leur donne le temps d'aiguiser leur sentiment de révolte de sorte que leur colère se trouve à fleur de peau. Il arrive que la collectivité craigne leur retour. Ils sont tellement en colère et tellement frustrés que la collectivité a parfois du mal à les réintégrer.

C'est pourquoi nous insistons sur l'importance d'une approche fondée sur la réinsertion de même que sur les soins et les programmes de suivi. Les collectivités doivent pouvoir compter sur ces ressources afin qu'elles aient le choix entre plusieurs possibilités tant avant que le jeune ne soit placé dans un établissement qu'après son retour.

La présidente: Merci beaucoup. Monsieur Ramsay.

M. Ramsay: Merci, madame la présidente.

Je tiens à remercier les témoins pour l'exposé qu'elles nous ont présenté ce matin. Nous l'avons entendu dire à maintes reprises dans les différentes localités où nous nous sommes rendus - le message est clair - , tant que la collectivité n'aura pas le pouvoir d'élaborer des programmes pour s'attaquer à ses problèmes, rien ne sera réglé.

Autrement dit, ce que nous faisons à des milliers de milles de vos localités importe peu. Si nous ne donnons pas aux collectivités le pouvoir d'analyser les problèmes qui se posent chez elles et d'élaborer des programmes pour s'y attaquer de manière efficace, rien ne marchera. C'est d'ailleurs pour cette raison que rien ne marche. Les lois ne reflètent pas les besoins des collectivités.

Vous avez parlé de consultation. Vous avez dit qu'un protocole est en voie d'être élaboré sans que les collectivités des Premières nations aient été consultées. Ça ne marchera pas. Comment cela peut-il marcher quand on ne sait pas ce qui est dans votre intérêt, quand on n'est pas en mesure de voir ce qui se passe chez vous et de comprendre les problèmes qui se posent? Pour ma part, en tout cas, je trouve que c'est bien clair.

Nous avons certainement entendu assez de témoignages à ce sujet. Si nous avons vraiment à coeur de venir en aide aux familles dysfonctionnelles, si nous avons vraiment à coeur d'aider les enfants qui ont besoin d'aide et d'éviter qu'ils soient aux prises avec le système judiciaire... Ce n'est pas tant un problème judiciaire qu'un problème social. Tant que nous ne permettrons pas aux collectivités, en leur donnant les pouvoirs voulus, d'évaluer leurs problèmes et de déterminer ce dont elles ont besoin sur le plan de la sécurité, de la réinsertion et peut-être de la punition de ceux qui mettent en péril la vie et les biens d'autres personnes, je crois que nous continuerons à faire du surplace. Voilà par où il faut commencer.

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Je suppose que ces audiences sont ce qui s'en approchent le plus: le fait que nous venions ici et que nous discutions avec vous pendant une heure pour que vous puissiez à tout le moins nous communiquer une part de la masse d'informations que vous avez. Nous dirons ensuite que nous avons été en contact avec les gens et que ce que nous proposons reflète bien ce qu'ils veulent. Je ne crois pas que ce sera le cas. Nous pouvons établir des lignes directrices générales pour l'application du droit pénal qui vous donneront les outils dont vous avez besoin pour traiter ceux qui deviennent tellement violents qu'ils menacent les membres de vos collectivités. Vous devez absolument disposer de ces outils, mais je crois que nous devons nous en remettre à vous pour les détails quant à la façon de répondre au cri de détresse de la population. Je ne sais pas combien de fois il nous faut l'entendre.

Vous avez dit des choses que j'ai trouvées très intéressantes. Comment viendriez-vous en aide aux familles dysfonctionnelles? Comment interviendriez-vous dans le cas des familles qui maltraitent leurs enfants, qui les ont peut-être négligés ou agressés sexuellement? Comment interviendriez-vous auprès de ces familles? Comment interviendriez-vous auprès du milieu? Comme vous l'avez indiqué, ils reviennent du centre et se mettent à fréquenter le même groupe. Qu'en est-il du groupe? Pouvez-vous l'éliminer de façon que, quand le jeune revient, il ne soit pas exposé à ces influences négatives qui ne feront que le conduire à la réincarcération?

Avez-vous des idées dont vous voudriez nous faire part quant à la façon dont vous interviendriez auprès des familles dysfonctionnelles et auprès de ces jeunes qui sont toujours au bord du gouffre de façon que, quand les jeunes reviennent après avoir été rééduqués, les programmes qui les ont aidés ne fondent pas simplement comme neige au soleil? Avez-vous des idées ou des réflexions dont vous voudriez nous faire part à ce sujet?

Le grand chef Adamson: Il convient de préciser dès le départ que ce qui arrive aux gens de nos collectivités est le résultat de toutes ces années où nous n'avons pas eu de pouvoir ni d'autorité. Le processus de guérison que nous avons mis en place est un processus à long terme.

Nos collectivités souffrent des conséquences du tort qui nous a été causé par une société bien plus malade. En tant que chefs et en tant que membres de nos collectivités, nous devons recommencer à croire en notre valeur, à nous persuader que nous sommes des êtres comme les autres.

Nous devons commencer à croire que le simple fait d'être Autochtone ne nous rend pas inférieurs. Nous ne prétendons pas pouvoir venir devant votre comité ou devant quelque autre comité et dire que nous avons un plan d'action en cinq points, pour guérir nos collectivités. Nous nous heurtons à une multitude de problèmes et il nous faudra bien du temps pour les régler.

Depuis 20 ans, nous nous employons à négocier, à mettre au point les outils qui permettront à nos chefs dans nos collectivités d'élaborer des programmes et de recommencer à exercer leur autorité et leurs responsabilités à l'égard de nos citoyens. Ce n'est là qu'un volet du processus dans lequel nous sommes engagés. L'autre volet consiste à amener les autorités et les gouvernements à renoncer à cette autorité en notre faveur. Nous devons discuter de cela, de la manière de s'y prendre, de la meilleure façon de le faire et de l'échéancier à suivre. Nous devons établir des partenariats afin que l'autorité puisse être redonnée à nos chefs à nous. Voilà l'objet du processus.

Mais de manière certaine et sans aucun doute, je crois en la capacité des Premières nations du Yukon à se guérir elles-mêmes et à redevenir les premières responsables de leurs enfants, à condition toutefois que toutes les autres parties nous en laissent le loisir. Nous sommes prêtes à nous engager et à continuer dans cette voie aussi longtemps qu'il le faudra.

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M. Ramsay: Je vous remercie beaucoup pour ces observations.

À la page 6 de votre mémoire, vous citez l'aîné Roddy Blackjack. Il dit: «La loi de nos arrière-grands-pères a été supplantée par le gouvernement». C'est très clair à mon avis. Je comprends ce qu'il dit.

Ce n'est pas uniquement la loi des arrière-grands-parents de vos collectivités qui a été usurpée par le gouvernement. D'ailleurs, vous n'êtes pas les seuls, vous les Autochtones, à vous en plaindre. Lorsque nous suggérons de rendre les parents plus responsables des actions de leurs enfants, ils se disent prêts à l'accepter; toutefois, ils demandent également au gouvernement de leur redonner le pouvoir d'exercer la discipline dans leurs propres foyers, pour enseigner à nouveau à leurs enfants leurs valeurs, et pour que ces valeurs soient renforcées dans les écoles et dans les autres programmes gouvernementaux. Or, cette autorité leur a été enlevée. Comme l'a signalé Roddy Blackjack, un aîné, le gouvernement a empiété sur l'autorité de toutes les familles et empiété aussi sur...

Je n'ai que quelques minutes... Un témoin autochtone nous a raconté une histoire, lorsque nous étions au Manitoba. Mme Torsney lui a ensuite demandé comment on devait enseigner aux parents à être de meilleurs parents; je crois plutôt que c'est elle qui a soulevé la question, et j'ai demandé à ce témoin comment cela se faisait traditionnellement dans sa collectivité. Il nous a expliqué clairement que les Autochtones avaient toujours agi en se servant du bon sens. Il a dessiné un cercle, qu'il a découpé en quatre, et il a expliqué que la véritable sagesse s'acquiert dans le quadrant des grands-parents, grâce aux longues années de vie de ces derniers. Autrement dit, ce sont les grands-parents qui enseignent la vie à leurs petits-enfants, puisque le père est sorti travailler pour subvenir aux besoins de la famille et que la mère est trop occupée au foyer. Les grands-parents enseignent donc aux enfants comment devenir de bons parents; ils leurs enseignent les valeurs et les traditions.

Je vous comprends très bien lorsque vous dites que le gouvernement, par ses programmes, vous refuse la possibilité de vous exprimer selon votre propre modèle et vous refuse d'avoir voix au chapitre. Nous sommes prêts à vous donner voix au chapitre, mais je ne sais pas ce que vous feriez dans le cas d'un criminel dangereux et dans le cas de quelqu'un qui est l'auteur d'une agression, d'un viol ou d'un meurtre. Nous devons vous fournir les outils nécessaires pour que vous puissiez prendre en main vos jeunes, mais vous fournir aussi le système judiciaire approprié.

La justice a bien essayé de s'occuper des familles dysfonctionnelles, mais je crois au contraire que la sensibilisation doit se faire au sein même de la collectivité, au sein de sa structure sociale. Le système judiciaire devrait être le dernier recours.

J'aimerais savoir si vous avez des commentaires ou quoi que ce soit à ajouter, car il ne me reste plus de temps. J'aurais bien aimé vous poser plus de questions. Qu'avez-vous à dire en réaction à mes questions? Je serais heureux de le savoir.

Le grand chef Adamson: Nous ne nous attendons absolument pas à ce que le système de justice pénale libère les criminels dangereux. Mais nous savons bien que nos enfants finissent par avoir maille à partir avec la justice alors que nous pourrions contrôler les infractions. C'est ce que nos gens nous disent et c'est ce que nous vous expliquons aujourd'hui. Il faut au départ empêcher nos enfants de tomber entre les mains du système judiciaire de la mauvaise façon, comme c'est le cas aujourd'hui.

Il faut regarder quelles sont les situations dans lesquelles ils se trouvent souvent; lors des conseils de détermination de la peine, la seule façon de pouvoir exercer un certain contrôle sur la détermination de la peine, c'est de faire admettre d'abord à nos jeunes qu'ils sont coupables. Ce n'est pas une bonne façon de garder nos enfants ni qui que ce soit à l'extérieur d'un système. Nous, ce que nous disons, c'est que nous devons intervenir au départ. Or, pour cela, il faudra de longues discussions entre nous-mêmes et le gouvernement pour que les gouvernements comprennent mieux et qu'ils facilitent la vie à nos collectivités.

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La présidente: Je crois que Sandi Gleason voudrait réagir.

Mme Gleason: Je voudrais revenir à ce qu'a dit un de nos aînés. Il a dit qu'il fallait toute une collectivité pour élever un enfant, et non pas un système de justice pénale. C'est justement ce pourquoi nos collectivités veulent avoir voix au chapitre, veulent pouvoir exercer de multiples choix et avoir recours à des solutions de rechange. C'est souvent la collectivité qui doit s'occuper de l'enfant, car bien souvent, la famille immédiate traverse une crise et a besoin d'aide. En fait, on ne peut généraliser la réponse, car nous représentons onze Premières nations, et chacune d'entre elles a peut-être sa propre façon de faire.

M. Ramsay: Merci.

La présidente: Monsieur Maloney, voulez-vous...?

M. Maloney: Vous avez mentionné les programmes de déjudiciarisation dans votre exposé. Or, les critères sont tels que seuls 30 p. 100 des jeunes qui y adhèrent sont des jeunes des Premières nations. Quels sont les critères dont vous parliez qui empêcheraient les jeunes des Premières nations d'y adhérer?

Mme Gleason: Les critères du programme de déjudiciarisation, ce sont notamment une famille aidante, une structure permanente solidaire... En fait, je ne peux pas tous vous les nommer, car je ne les ai vus que ce matin, au moment où nous avons examiné certains des critères. Ceux-ci ont été élaborés par le gouvernement, et c'est le gouvernement qui décide selon ce qu'il perçoit être nécessaire.

Or, l'imposition de ces critères limite souvent sévèrement l'adhésion des jeunes autochtones. Ils sont donc tenus à l'écart de ces programmes. Mais nous disons ceci: étant donné que tant de jeunes autochtones ont des démêlés avec la justice pénale dès qu'ils commettent une première infraction, pourquoi n'utilise-t-on pas les critères qui sont proposés par les collectivités autochtones et pourquoi ne nous laisse-t-on pas les choisir? Il est flagrant que les critères des programmes de déjudiciarisation n'ont pas eu beaucoup de succès auprès des collectivités autochtones.

M. Maloney: On dit que les problèmes chez les Autochtones sont surtout sociaux plutôt que juridiques, mais on voudrait néanmoins que la collectivité... Vous dites qu'il vaudrait mieux que ce soit la collectivité qui les prenne en charge. Comment est-ce possible, si la famille est dysfonctionnelle et que les parents sont à l'origine des problèmes chez les jeunes? Le reste de la collectivité est-elle solidaire et offrira-t-elle son appui? Avez-vous toutes les ressources voulues, surtout les ressources humaines? Y a-t-il des gens chez vous qui soient prêts à intervenir?

On a entendu un des témoins précédents expliquer qu'elle allait devenir juge de paix à Haines Junction pour pouvoir être utile au comité de la justice pour les jeunes. Y a-t-il des gens chez vous qui soient prêts à s'engager et à aider?

Mme Gleason: Regardez ce qui se passe à Kwanlin Dun: bon nombre des services sont offerts sur une base volontaire. Dans chaque localité, il se trouve une sorte de comité de la justice qui fonctionne sur une base volontaire: vous voyez bien que nous avons les gens prêts à intervenir et les ressources. Mais il arrive souvent qu'au bout d'un certain temps, on ne trouve plus de volontaires, car bien souvent, les intéressés ne sont pas scolarisés et n'ont pas suivi de formation.

Lorsque le gouvernement nous cède les rênes, il ne nous donne pas nécessairement de ressources. On peut bien trouver des intéressés, mais le gouvernement ne les forme pas et ne leur permet pas d'acquérir les compétences nécessaires pour faciliter les démarches et nous permettre ainsi de mener à bien un programme de ce genre. Vous voyez bien que nous avons les gens pour le faire, mais nous demandons aussi au gouvernement de les former et de nous donner suffisamment de ressources pour nous aider à démarrer, plutôt que de nous laisser intervenir de façon symbolique.

M. Maloney: Bien.

Le grand chef Adamson: J'ajoute que même si le Conseil des Premières nations du Yukon représente officiellement onze Premières nations, il en existe quatorze à qui nous offrons des programmes, et même dix-sept si vous incluez les Premières nations du nord de la Colombie-Britannique.

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Or, la structure de base de chacune de ces Premières nations présente des fondations très solides. Si ce n'était pas le cas, nous n'aurions jamais pu survivre et traverser toutes les difficultés que nous avons connues, comme nos problèmes avec le système judiciaire et le système éducatif, et le refus de nous laisser voter. Tous ces obstacles visaient à détruire les peuples autochtones, mais ils ont survécu. Vous voyez que les fondements de toutes nos collectivités sont solides. Nos aînés sont très forts, et nous avons des leaders qui ont confiance en eux. Mais il faut tout de même nous donner la chance d'agir, pour que nous fassions nos preuves.

Nous voulons gérer cette démarche pour que nos gens puissent agir. Nous intervenons par le truchement des accords, et aussi en exposant nos doléances à des comités permanents tels que le vôtre. Mais nous ne prétendons pas vouloir remplacer le gouvernement dans tout ce qu'il fait. Nous voulons que les Premières nations et leurs gouvernements communautaires aient une méthode directe et prouvent leur propre façon de s'occuper de leurs enfants qui ont des démêlés avec la justice. Je suis convaincue que les Premières nations du Yukon sont capables de relever le défi et de s'occuper de leurs propres jeunes.

La présidente: Merci.

Madame Torsney, il vous reste à peu près cinq minutes.

Mme Torsney: M. Ramsay m'a attribué des questions qui ont été posées à Winnipeg. J'aurais bien aimé les poser en effet, mais j'étais malheureusement absente à Winnipeg.

Au sujet de la façon d'empêcher les jeunes d'avoir des démêlés avec la justice, j'ai deux questions à vous poser. Certains témoins nous ont dit vouloir que le système de justice pénale s'occupe des enfants de moins de 12 ans. Je sais que le Yukon a sa propre loi sur la santé mentale. Cette loi vous fait-elle intervenir auprès des enfants qui ont besoin d'aide ou intervenir auprès des familles qui ont des problèmes avec des jeunes de moins de 12 ans?

En second lieu, j'aimerais savoir si vous avez mis sur pied des programmes de compétence parentale ou d'autres programmes s'adressant à tous les enfants, et pas seulement ceux qui sont à problème, pour permettre aux collectivités de se prendre elles-mêmes en main et de s'occuper de tous leurs enfants, particulièrement avant qu'ils atteignent l'âge de 12 ans.

Expliquez-vous à vos jeunes ce qu'est la loi? Il me semble curieux que dans la plupart des localités, y compris la mienne, les jeunes n'entendent parler de la loi et de la Loi sur les jeunes contrevenants qu'à l'âge de 17 ans, environ. Cela me semble un peu tard, parce qu'à cet âge-là, ils en ont une idée biaisée qui leur vient de ce qu'ils ont vu dans la rue. À 17 ans, les jeunes contrevenants enfreignent-ils délibérément la loi ou est-ce simplement parce qu'ils ne la connaissent pas? Pouvez-vous répondre?

Je vous ai posé trois questions, plutôt que deux.

Le grand chef Adamson: D'entrée de jeu, je précise que les Premières nations ont une vision différente de la loi, parce que la loi les a traités différemment, comme nous vous l'avons déjà expliqué.

Ce qu'il faut - et cela ne se fera certainement pas du jour au lendemain - c'est aider nos peuples à croire en eux-mêmes à nouveau. Nous devons aider nos enfants à comprendre qu'il n'est pas nécessaire qu'ils aient des démêlés avec la justice; mais cela n'est possible que si nous prenons les mesures voulues pour que nos peuples aident leurs enfants à rester loin des problèmes qui pourraient les mener à enfreindre la loi. Cela signifie donner aux parents et aux chefs de la collectivité - toutes les collectivités ont des leaders naturels qui ne sont pas nécessairement ceux qui sont élus à des charges publiques - les moyens de faire comprendre aux enfants qu'il y a d'autres façons de vivre. C'est cela à quoi nous nous attaquons actuellement.

Il est encore trop tôt pour savoir si les ententes que nous avons négociées donneront des résultats et si ceux-ci seront tangibles immédiatement ou pas. Il faut que vous nous laissiez le loisir de mettre en vigueur certains des accords que nous avons négociés. Il faut que vous nous laissiez le loisir de concrétiser certaines de nos idées. Mais je répète que nous devons former des partenariats avec vos autorités à vous pour qu'elles puissent se délester d'une partie de leurs pouvoirs sur nos autorités à nous, et pour que nous puissions mettre de l'avant nos idées et nos aspirations.

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Or, cela reste encore à voir. Voilà pourquoi nous avons apporté ces chiffres: si la majorité des jeunes et des individus incarcérés au Yukon sont actuellement des Autochtones des Premières nations, ne devez-vous pas vous demander pourquoi c'est le cas? Est-ce parce que votre gouvernement a la mauvaise façon de faire? Pourquoi est-ce si facile d'incarcérer nos gens à un coût prohibitif, alors que vous n'êtes même pas capable d'injecter un minimum de dollars pour nous permettre d'intervenir? Pourquoi accepter que les contribuables canadiens paient des sommes faramineuses pour garder nos gens en prison, alors qu'ils pourraient les envoyer à l'école et les aider à devenir des membres productifs de la société, qu'il s'agisse de la société des Premières nations ou de la société canadienne?

Voilà des questions que les législateurs - vous-mêmes - doivent se poser, puisque nous, nous nous les sommes posées en tant que leaders autochtones, Canadiens et Premières nations. Ni vous ni le gouvernement du Canada ne nous ont convaincus que nous devrions abandonner notre lutte pour sauver nos enfants, sauver notre peuple, et les empêcher d'aboutir en prison.

On nous a demandé de commenter les mesures législatives proposées qui nous rendraient la tâche plus difficile, c'est-à-dire qui rendraient l'incarcération et la mise sous surveillance de nos enfants plus facile. On nous a demandé de dire ce que nous en pensions.

La Loi sur les jeunes contrevenants n'est pas faite de façon à nous aider à garder nos enfants loin du système judiciaire. Au contraire, elle est conçue pour qu'ils y aient affaire encore plus tôt. Nous le refusons. Aucun parent n'est prêt à l'accepter.

Mme Torsney: Grand chef Adamson, c'est pourquoi j'essaie de comprendre comment fonctionnent les programmes, et j'essaie de savoir si vous intervenez dès maintenant auprès des enfants de trois ou de sept ans pour vous assurer qu'ils n'auront pas des démêlés avec la justice et qu'ils deviendront des individus adultes sains.

Je ne veux pas que l'on incarcère plus d'enfants, mais je veux que les collectivités soient plus sûres et que les jeunes aient tous la chance de s'épanouir. Au sein de ce comité-ci, mon objectif est d'examiner la Loi sur les jeunes contrevenants pour voir quelles ont été ses réussites et voir lesquelles de ses dispositions pourraient servir à intervenir non pas seulement dans les localités autochtones mais peut-être aussi chez-moi pour éloigner un plus grand nombre d'enfants d'un système judiciaire qui ne semble pas aider beaucoup de gens.

Nous cherchons donc des exemples de réussite, pour pouvoir les appliquer ailleurs ou pour décider quels efforts de plus il faut déployer auprès des jeunes de 12 ans et moins; peut-être qu'il faut s'occuper différemment de ceux-ci. Ainsi, certaines écoles proposent des programmes de résolution de conflits dans lesquels on enseigne aux enfants comment agir comme médiateurs auprès de leurs pairs; on leur enseigne aussi des compétences parentales pour qu'ils puissent intervenir différemment auprès des enfants plus petits avec qui ils font affaire et pour pouvoir mieux réagir auprès de leurs propres parents et mieux réagir lorsqu'ils deviendront eux-mêmes parents. Nous essayons de voir si ces programmes existent et s'ils donnent de bons résultats.

J'ai été sidérée d'apprendre qu'en Alberta si peu d'enfants, même ceux qui sont incarcérés, suivent des cours de compétence parentale. C'est honteux, alors que ces enfants-là n'ont sans doute pas eu les meilleurs exemples sous les yeux. Il n'y a pas qu'une façon unique de faire lorsque l'on parle de compétence parentale, comme tous les parents qui sont ici le savent bien; mais il faut au moins offrir à ces enfants d'autres options, surtout s'ils n'ont pas eu sous les yeux le meilleur exemple qui soit.

Avez-vous vous-mêmes, dans votre propre collectivité, ou dans votre processus de guérison ou de prévention, certaines suggestions à nous faire pour que moins de jeunes... Vous avez raison de nous signaler le grand nombre d'enfants qui possèdent un casier judiciaire. Que pouvons-nous faire dès aujourd'hui pour que cela ne se reproduise pas chez les enfants plus petits encore?

Je crois qu'il faut leur donner d'autres outils et leur faire mieux connaître le système pour qu'ils comprennent comment éviter de s'y retrouver. Même si la justice pénale n'est pas parfaite, elle existe néanmoins, et il faudrait peut-être la modifier pour que de moins en moins d'enfants de votre collectivité et d'enfants canadiens en général soient incarcérés.

Le grand chef Adamson: Il y a plusieurs programmes qui existent dans chacune de nos collectivités. Notre processus de consultation vise justement à aller directement aux collectivités pour parler aux gens et parler aux leaders naturels.

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Il y a des comités spéciaux qui organisent diverses réunions et cercles d'enseignement, d'échanges et de guérison. Il y a des efforts, qui ne sont pas concertés de notre part, pour s'attaquer à ces problèmes à la suite de crises. Il y a des groupes qui organisent des programmes sur l'art d'être parent, où l'on traite du rôle traditionnel des hommes et des femmes auprès des enfants, mais nous dépendons d'organismes comme le Skookum Jim Friendship Centre et de la bonne volonté de personnes engagées dans la collectivité pour être en mesure d'offrir ce genre de service. Ce sont là les germes d'une stratégie qui nous permettra de donner aux leaders communautaires la possibilité d'appliquer une approche globale.

Nous voulons pouvoir dire franchement à nos enfants qu'ils risquent de perdre le contrôle de la situation car c'est ainsi que se sentent les enfants, complètement dépassés par la situation. S'il s'agit d'un problème d'alcoolisme, il est clair que l'enfant a complètement perdu le contrôle de la situation. Mais nous devrions être en mesure de dire à nos enfants qu'il existe une autre voie, qu'ils ne doivent pas prendre panique et demeurer dans une situation désespérée. Il y a d'autres voies.

Nous devrions pouvoir dire aux parents de ces enfants: «Il existe des solutions de rechange. Il n'est pas inévitable que le problème fasse éclater votre famille. Vous pouvez prendre contrôle de la situation. Nous aimerions vous aider.» Voilà ce que nous devons faire en tant que communauté. Nous devons être en mesure de formuler des plans globaux pour nos familles et nos villages. Seules les collectivités pourront vous dire cela.

Il m'est difficile de vous décrire à quel point c'est un crève-coeur pour moi que de m'asseoir en face des chefs de ces collectivités et de les regarder pleurer lorsqu'ils décrivent les tentatives de suicide et les suicides dans leur village, d'entendre leurs voix se briser lorsqu'ils parlent des enfants qui inhalent les vapeurs de colle ou d'essence. Il m'est difficile de vous exprimer la douleur, l'impuissance et le désespoir que ressentent ces leaders devant leur incapacité d'intervenir. Il m'est difficile de vous expliquer tout cela car vous n'avez jamais vécu cette expérience. Il faut avoir connu cela et s'être confronté à ces défis pour comprendre pourquoi, en dépit de tout, nous demeurons déterminés à ne pas abandonner nos enfants, nos familles et nos collectivités.

La présidente: Merci beaucoup de votre exposé et de votre aide.

Nous allons faire une pause de quelques minutes en attendant que nos témoins suivants prennent leur place.

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.1422

La présidente: La séance reprend.

Nous accueillons Linda Biensch, membre honoraire à vie du Programme Parents-Secours du Canada, également bénévole au sein d'associations de prévention du crime dans les écoles. Elle nous revient pour une deuxième prestation, en fait une contribution supplémentaire accompagnée de Sandi Gleason, qui siège au Comité de justice pour la jeunesse du Conseil national de la prévention du crime et au Conseil des Premières nations du Yukon et qui dirige également le Programme d'assistance parajudiciaire aux Autochtones.

Merci. Nous avons reçu votre mémoire, mais vous voudrez sans doute en souligner les faits saillants et ensuite, nous permettre de poser des questions.

Mme Linda Biensch (membre honoraire à vie, Programme Parents-Secours du Canada, Inc.): Merci.

Charles Stuart est aussi membre de notre comité et il espère se joindre à nous plus tard. Il est retenu par des cours pour le moment, mais il pourrait venir tout à l'heure. J'espère qu'il sera ici pour les questions car il a beaucoup d'expérience.

Nous vous remercions de nous donner l'occasion de comparaître ce matin. Nous sommes trois membres d'un comité consultatif de quatre personnes constitué par le ministère de la Justice au printemps de 1995. Notre mandat était de rencontrer les habitants du Yukon pour recueillir leur opinion sur la prévention du crime, le système judiciaire et la police. Nous avons tenu plus de 25 réunions dans 12 collectivités du Yukon et parlé à plus de 600 habitants du Yukon, y compris environ 300 élèves d'écoles secondaires de premier et de deuxième cycle.

En tant que membres de la communauté nous-mêmes, nous avons pu écouter ce que les gens avaient à dire sans avoir à défendre des programmes, des budgets ou des positions. D'après ce que j'ai entendu plus tôt ce matin, mes propos viendront confirmer et appuyer ce que vous avez déjà entendu, non seulement localement mais dans le reste du pays.

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Nous avons constaté que personne ne faisait confiance au système prévu pour les jeunes contrevenants, que les Yukonnais s'inquiétaient beaucoup de crimes spécifiques, comme les crimes contre la propriété. À leur avis, soit que les jeunes contrevenants étaient traités avec beaucoup trop de laxisme soit que les peines étaient tout à fait à côté de la plaque. Une personne nous a dit que notre système judiciaire était en mal d'un peu plus de justice et d'un peu moins de loi. Pourtant, une autre personne nous a dit avec beaucoup d'amertume: «Ces jeunes sont à peine réprimandés, et gonflés à bloc, ils se permettent un bras d'honneur à l'endroit du juge».

Ces sentiments ne nous ont pas étonnés. Cependant, nous avons été surpris d'entendre un grand nombre de personnes parler avec éloquence de la nécessité de meilleures chances d'éducation et des valeurs familiales et spirituelles, et du fait que lorsque le délinquant réintègre la collectivité, il est toujours aux prises avec son problème de consommation abusive de drogue et d'alcool.

Une mère nous a dit: «On a dit aux jeunes qu'avant d'avoir droit à de l'aide pour régler leur problème de toxicomanie, ils devaient avoir d'abord commis une infraction. Personne ne veut assumer la responsabilité d'un jeune qui souhaite obtenir de l'aide. En tant que parent, j'ai dû me battre comme une tigresse pour obtenir de l'aide pour mon fils, même après qu'il eut commis de multiples délits. Personne ne voulait intervenir avant cela.»

Les propos que nous avons entendus portaient sur trois grands thèmes: l'incapacité du système de contrer la propagation du crime, la différence entre la loi et la justice et l'impossibilité de s'attaquer aux causes profondes de la criminalité. On nous a dit que la grande majorité des crimes commis par des jeunes au Yukon étaient le fait de récidivistes dont le passé était caractérisé par des cycles de négligence, de mauvais traitements, de pauvreté et de peur. D'ailleurs, il semble que l'on retrouve souvent ces caractéristiques parmi les jeunes délinquants.

Un certain cynisme veut qu'on ne puisse pas faire grand-chose pour ces délinquants, sauf offrir des programmes qui pourront accompagner une décision personnelle de s'en sortir. Nos interlocuteurs nous ont dit qu'il ne servirait pas à grand-chose de remanier le système judiciaire et qu'à moins qu'on mette l'accent sur une intervention précoce, il n'y aura pas de changement à long terme sur le plan de la criminalité.

Dans une communauté après l'autre, on s'est plaint à maintes reprises de l'interprétation illogique de la disposition de la Loi sur les jeunes contrevenants concernant la protection de l'identité d'un jeune contrevenant. Les enseignants, en particulier, sont plus que préoccupés, ils sont furieux de ne pas être informés de la présence dans leurs classes de délinquants qui risquent d'être violents. Ils nous ont dit que si ces renseignements étaient communiqués à divers professionnels, ces derniers pourraient aider le jeune en question et réduire les risques de victimisation des autres étudiants. Ce partage de l'information semble se faire dans certaines collectivités: tout dépend des personnes qui y assument les postes clés.

Nous sommes convaincus qu'il y a lieu d'éduquer les personnes travaillant auprès des jeunes délinquants au sujet des dispositions de la loi pour que le partage de l'information et la création de partenariats permettent d'offrir d'efficaces programmes de réadaptation aux contrevenants et d'appui aux victimes.

On nous a aussi dit qu'il importait de mettre les enfants au courant de la teneur de la loi, et cela figure parmi nos recommandations.

Pour pouvoir faire une différence à long terme, on nous a répété qu'il fallait créer des partenariats pour s'attaquer aux causes profondes de la criminalité. Il faut en finir avec les querelles de clocher. Les ministères gouvernementaux doivent collaborer. Les associations de bénévoles doivent savoir ce que font leurs homologues. Cela se fait déjà, mais pas de façon concertée. Comme un intervenant nous l'a dit, nous sifflons le même air dans des endroits différents.

Dans les écoles, on offre des programmes de résolution de conflits, des programmes d'encadrement par les pairs et des programmes fort bien conçus d'estime de soi. En fait, nous comptons lancer la semaine prochaine une cassette dans le cadre d'un projet d'estime de soi qui, nous l'espérons, aura une portée nationale. Des artistes locaux en écrivent la musique et on s'en servira pour appuyer le programme dans les écoles.

Il existe des programmes de nutrition, des centres parents-adolescents qui font des efforts pour rompre le cycle de la criminalité. Une organisation appelée Emprise des jeunes et succès oeuvre auprès des enfants à risque et les appuie dans leurs entreprises. Mais s'il n'y a pas de collaboration et si nous ignorons ce que font les autres intervenants, tout cela se solde par le double emploi, l'inefficacité et le gaspillage de ressources humaines et financières.

Au sujet de la criminalité chez les jeunes et de la Loi sur les jeunes contrevenants, les Yukonnais ont parlé de la nécessité de tenir les jeunes responsables de leurs actes dans des délais raisonnables, ce qui suppose l'intervention de la collectivité et du système judiciaire, et d'accorder davantage d'importance à la victime. On nous a dit qu'en l'absence d'une sanction qui soit transparente, pertinente et immédiate dans le cas d'un crime perpétré par un jeune contrevenant, ce dernier risque de ne pas y voir une conséquence de ses actes. En l'occurrence, les délinquants n'ont pas l'impression d'être tenus responsables de leurs actes, les victimes ont le sentiment que ce qu'elles ont vécu n'est pas pris en compte et la communauté n'a pas l'impression que justice a été rendue. Si la loi donnait son aval à des mesures de rechange faisant intervenir la collectivité, on pourrait régler certains de ces problèmes.

Le conseil de détermination de la peine, les conférences avec la famille élargie et les comités de justice communautaires sont des solutions de rechange. L'important, c'est que ces solutions doivent être appliquées en temps opportun.

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On nous a aussi dit qu'au cours du processus judiciaire, la victime est souvent négligée, voire victimisée davantage. Ne pourrait-on pas accorder plus d'importance aux droits des victimes dans la Loi sur les jeunes contrevenants, en faire peut-être un principe sous-jacent?

Un grand nombre de personnes auxquelles nous avons parlé estiment qu'il convient de publier les noms de jeunes contrevenants violents ou récidivistes. À leurs yeux, cette interdiction de publication fait que l'on met tous les jeunes dans le même panier et qu'on les considère tous comme des contrevenants. Comme un adolescent l'a dit: «On entend surtout parler de crimes commis par des jeunes, mais seul un petit pourcentage des jeunes commettent ces crimes. Cela complique les choses pour le reste d'entre nous qui ne commettent pas de crime. Les adultes et les propriétaires de certains magasins ne nous font pas confiance. Nous sommes là sans intention malveillante, mais on nous demande quand même de sortir.» Les gens nous ont dit clairement que tout le monde devait bénéficier d'une chance, mais qu'à la moindre récidive, le nom du contrevenant devrait être publié.

Les jeunes sont aussi contre l'idée de faire payer les parents pour les crimes de leurs enfants. Selon eux, il est fort probable que ces jeunes commettraient des crimes uniquement pour s'en prendre à leurs parents. Ils proposent que la première fois qu'un jeune a des démêlés avec la justice, les tribunaux devraient, outre la peine, imposer des séances de counselling familial et des cours sur l'art d'être parent.

Évidemment, il faut reconnaître que ce ne sont pas tous les jeunes contrevenants qui ont des parents ou des modèles parentaux dans leur vie. Les adultes qui nous ont parlé étaient fortement en faveur de la responsabilisation des parents. Ils souhaitent vivement que l'on aide les parents et qu'on leur permette d'assumer la responsabilité d'éduquer leurs enfants, avec l'obligation de rendre des comptes que cela suppose. Ils estiment aussi que les parents devraient être tenus financièrement responsables des crimes commis par leurs enfants, et ils ont dénoncé l'anonymat accordé aux jeunes contrevenants récidivistes et aux prédateurs violents.

Lorsque nous les avons interrogés au sujet des enfants de moins de 12 ans qui commettent des crimes, les Yukonnais, tant les adultes que les adolescents, ont dit à l'unanimité que les parents devaient être tenus responsables et qu'ils devraient être obligés de suivre des cours sur l'art d'être parent et d'autres cours de soutien. Personne ne semblait vouloir leur faire porter le blâme. Les commentaires étaient très positifs et reconnaissaient qu'un grand nombre de parents n'avaient pas eu la chance d'acquérir des compétences parentales.

Dans de nombreuses collectivités, on a soulevé des inquiétudes au sujet du nombre d'enfants de 8 à 12 ans affligés du SAF-EAF. On s'est demandé si le système était capable de faire face à ce problème. La Loi sur les jeunes contrevenants doit relever le défi d'être efficace à l'endroit des jeunes qui commettent des crimes et qui, malgré le fait qu'ils soient incapables de comprendre les conséquences de leurs actes, posent néanmoins une menace pour la collectivité.

À la suite de nos consultations, nous estimons que tout projet de modification ou d'évaluation de la Loi sur les jeunes contrevenants doit reposer sur les six principes suivants:

1. Il faut attacher une plus grande importance à la sécurité et à la sûreté de la population.

2. Les jeunes, comme tous les membres de la société, doivent être tenus responsables de leurs actes et assumer cette responsabilité.

3. Il faut établir des partenariats entre les pouvoirs publics, les ministères, les ONG et les citoyens pour s'attaquer aux causes profondes de la criminalité.

4. Il faut confirmer la responsabilité des parents et les soutenir dans leur exercice de cette responsabilité.

5. Il faut établir un équilibre entre les droits et les responsabilités de tous les intéressés: les jeunes, les parents et la famille, les victimes et la population en général.

6. La loi doit viser l'ensemble du problème et pouvoir s'adapter aux besoins et aux atouts de la collectivité.

Nous savons qu'il est difficile de rédiger une loi applicable à un problème aussi complexe que celui de la criminalité chez les jeunes. Si la sécurité de la société est le principe premier, si l'aide aux victimes et à la famille du contrevenant en fait partie intégrante et si l'on tient compte des besoins divers et particuliers des jeunes qui ont des démêlés avec la justice, la loi aura donné des résultats. Comme on nous l'a souvent dit, il est temps de faire preuve de bon sens. Le bon sens doit primer avant tout.

Nous espérons que dans les recommandations que vous ferez au ministre Rock, vous pourrez faire des suggestions concrètes inspirées des avis que vous avez entendus. Nous espérons que vous ne serez pas en butte au cynisme que nous avons rencontré si souvent: «Pourquoi avons-nous besoin d'un autre comité? Votre rapport et vos recommandations ne changeront rien. La justice ne fait que réagir aux actes criminels, elle ne s'intéresse pas à les prévenir. Pourquoi encore tout ce cirque? C'est de la foutaise.»

Nous vous remercions à nouveau d'être venus à Whitehorse par un des mois d'octobre les plus froids que nous ayons connus et de nous avoir donné l'occasion de nous adresser à vous.

La présidente: Merci.

Vouliez-vous ajouter quelque chose, madame Gleason?

Mme Gleason: Non.

La présidente: Monsieur St-Laurent, vous avez dix minutes.

.1435

[Français]

M. St-Laurent: Vous avez parlé de collaboration des ressources en faisant une caricature assez éloquente: tout le monde chantait la même chanson, mais chacun dans son coin. C'est une image très évocatrice.

Pourquoi avez-vous besoin d'une aide gouvernementale? Pourquoi avez-vous besoin qu'on le mentionne dans une loi alors qu'il me semble qu'on pourrait le faire tout simplement par le biais d'une grosse organisation locale qui verrait, elle, à coordonner tous les efforts de coopération en matière de jeunes contrevenants. Ce serait une espèce de gros comité qui chapeauterait tout ça.

Est-ce que ça vous est impossible à l'heure actuelle? Avez-vous besoin qu'on insère dans la loi quelque chose qui faciliterait votre travail dans ce milieu? Quel est votre problème au niveau de la conception même d'un comité visant à régler ce problème?

[Traduction]

Mme Biensch: La coordination locale, c'est certainement un défi pour la communauté. Pour ce qui est de la Loi sur les jeunes contrevenants et le travail local, c'est ici qu'interviennent les mesures de rechange et c'est ce qui met à contribution les ressources de la localité. Beaucoup de collectivités dans le Territoire, y compris Whitehorse, comptent un très petit nombre de bénévoles ou de gens capables de s'occuper de mesures de rechange ou de travail communautaire. Ça exige plus des gens.

Donc, quand on parle de coordination, il faut que les ministères qui s'occupent du système de justice à l'intention des jeunes ainsi que les associations de bénévoles collaborent et sachent ce que chacun fait pour pouvoir s'entraider.

Mme Gleason: Sauf que souvent les programmes font la même chose que ce que font d'autres comités ou organismes. Souvent, ils s'adressent au gouvernement pour financer diverses choses et ils se font parfois dire non parce que quelqu'un d'autre s'en charge déjà.

Une des choses que nous recommandons, c'est que les gouvernements eux-mêmes s'alignent et coordonnent leurs actions lorsqu'ils reçoivent des propositions destinées à régler les problèmes que connaissent les gens. Ils ont déjà créé le comité de coordination. Ils ont suivi cette recommandation.

Sauf que cela ne s'est fait qu'à un seul palier de gouvernement. Il y en a plusieurs autres. Il y a beaucoup de bureaucratie, de ministères avec qui traiter. Ce que l'on veut ici, c'est beaucoup plus de coordination. Si l'on veut faire quelque chose, on veut savoir à qui s'adresser plutôt que de se faire renvoyer d'un endroit à l'autre.

[Français]

M. St-Laurent: J'émets une hypothèse parce que vous avez parlé d'essayer de trouver des solutions, de réunir des organisations pour mettre sur pied des programmes pour occuper les jeunes. Pensez-vous que les jeunes sont plus oisifs aujourd'hui qu'ils ne l'étaient il y a 20 ans?

Considérez-vous que l'oisiveté est l'une des causes du problème que nous avons avec les jeunes contrevenants? Selon certaines données, les crimes augmentent en quantité, mais diminuent en gravité. Il y a quand même une augmentation quelque part.

.1440

[Traduction]

Mme Biensch: Je ne suis pas sûre qu'on puisse dire que les jeunes sont plus oisifs. La société est si différente aujourd'hui. La plupart d'entre nous ont été élevés avec deux parents et aujourd'hui les deux travaillent. Il y a beaucoup d'enfants qui rentrent dans une maison vide, et c'est un phénomène répandu au pays. Cela les rend plus vulnérables.

Aux États-Unis, il y a plus de 20 millions d'enfants de moins de 12 ans qui se retrouvent seuls à la maison. Cela a des conséquences dans toute la société. Nous n'avons pas... la télévision et la violence et la mentalité qui veut que d'autres se chargent de faire bouger les choses. Dans un certain sens, je pense que les enfants ont perdu la capacité de jouer spontanément. Notre société ne leur donne pas d'endroits où jouer.

Je me souviens d'une assemblée où des jeunes de la huitième et de la neuvième année ont dit: «Vous ne pourriez pas nous trouver un champ où on pourrait juste jouer au ballon?» Il y a peu d'endroits en ville où ils peuvent s'amuser spontanément.

Les parents et les grands-parents ont structuré la vie de leurs enfants à tel point qu'ils sentent le besoin d'être encadrés toute leur vie. Je ne pense pas qu'ils soient plus oisifs; si ça se trouve, ils sont trop encadrés.

Mme Gleason: J'irai plus loin. Dans nos déplacements, il nous est arrivé de rencontrer des élèves de la douzième année. Beaucoup d'entre eux avaient des propositions, comme un centre pour les jeunes, avec leurs règles, une structure tout à fait différente. Ils ont présenté leurs propositions mais ils ont rencontré l'opposition des adultes. Ils avaient besoin d'aide pour réaliser leurs projets. Il y a eu beaucoup de choses comme ça. Je suis certaine qu'ils ont réglé le problème, mais ce n'est qu'un exemple de plus qui montre que les jeunes pensent qu'il n'y a rien pour eux.

Quand vous irez à Carcross demain, regardez autour de vous et cherchez ce qu'un jeune peut faire à Carcross. Est-ce qu'il y a un centre pour les jeunes? Un endroit où les jeunes peuvent se réunir?

Dans notre voyage au Yukon, on nous a aussi dit qu'il y a beaucoup d'installations pour les adultes, comme des bars ou des discothèques, beaucoup d'activités coordonnées par les adultes, mais souvent les jeunes doivent attendre que les adultes aient terminé leurs activités. Ils font les cent pas autour des bars. C'est le cas pour beaucoup d'activités.

Ce n'est donc pas tant qu'ils sont oisifs; ils cherchent à faire des mauvais coups pour s'amuser plutôt que de se rendre à des lieux de rencontre pour jeunes. C'est ressorti très clairement dans un endroit où nous sommes allés.

[Français]

M. St-Laurent: Comment voyez-vous le rôle des policiers? Je pense qu'il y a eu des approches qui ont été précisées à un moment donné. On disait que les corps policiers devraient peut-être avoir une approche un peu plus positive, plus sociale par rapport aux jeunes criminels qui commettent de petits crimes, de petits larcins.

Seriez-vous d'avis que le rôle des policiers devrait être plus social - on va utiliser ce terme car je n'en trouve pas d'autres - afin de ramener l'enfant vers la famille plutôt que vers le tribunal, dans un premier temps? Je ne parle pas de toujours faire cela. Je ne parle pas non plus de le faire pour tous les crimes énoncés dans le Code criminel. Je parle de larcins mineurs, de crimes contre la propriété jugés mineurs.

.1445

[Traduction]

Mme Biensch: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Ça se fait partout au Yukon, je crois. Les policiers de service dans ces petits endroits sont aussi les entraîneurs de l'équipe de hockey. Ce sont eux qui organisent des fêtes d'Halloween. À un endroit, c'est le policier qui organise la fête depuis dix ou douze ans. Ils jouent un rôle social très actif dans leurs localités.

Il y en a aussi qui font des interventions du type non judiciaire dont vous parliez, au lieu d'une inculpation. Je le sais d'expérience. Mon garçon s'est fait donner une volée dans la cour de l'école, et un policier est allé voir l'autre enfant et ses parents pour lui faire comprendre qu'à 12 ans il doit être conscient des conséquences. Ils font donc de l'excellent travail social dans leur rôle de policier.

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Le détachement de Whitehorse travaille déjà en ce sens. Le policier assume plus de responsabilités quand il s'occupe d'un cas. Dans les petites localités rurales, ce sont les policiers souvent qui s'occupent de l'animation sportive, qu'il s'agisse du karaté ou d'un autre sport.

[Français]

M. St-Laurent: Je vous remercie beaucoup. Ce sera tout pour le moment.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Ramsay, vous avez dix minutes.

M. Ramsay: Merci, madame la présidente.

Je vous remercie de votre exposé.

J'aimerais passer à la deuxième page de votre texte. En tout cas ma copie à moi n'est pas paginée, mais au bas de la page vous dites qu'il faut cesser de protéger ses plates-bandes.

En Alberta, nous avons entendu un témoin qui a décrit un programme de déjudiciarisation qui marchait très bien dans le nord de l'Alberta. Le procureur de la Couronne l'a supprimé. Cette défense jalouse de ses attributions me préoccupe beaucoup. Pour apporter les changements qui me semblent nécessaires... Par exemple, si l'on pouvait faire comprendre... Si l'on pouvait réduire la criminalité en général de 50 p. 100, y compris celle des jeunes et des adultes, combien d'emplois seraient supprimés dans le secteur de la justice? Il y a beaucoup de gens - et certains ont comparu ici - qui tiennent à protéger leurs acquis et qui vont s'opposer aux programmes de déjudiciarisation qui marchent bien et qui évitent la prison aux jeunes et aux adultes.

Je veux vous donner rapidement un exemple. Nous étions à une mine à l'extérieur de Sydney en Nouvelle-Écosse. Il y avait là un programme éducatif excellent pour des enfants qui avaient eu des ennuis - je parle d'adolescents. On avait élaboré un cours en fonction de leurs niveaux d'instruction. On leur donnait des leçons de rattrapage. Le témoignage de certains de ces enfants était très encourageant. À la fin de la visite, j'ai dit au coordonnateur qu'il devait s'attendre à rencontrer de la résistance s'il voulait que son programme soit étendu au reste du pays. Il m'a dit qu'il y en avait déjà.

Dans le système de la justice, nous avons créé des institutions qui sont aujourd'hui, à mon avis, indépendantes de notre volonté. Au lieu de nous servir, elles se servent elles-mêmes.

J'ai passé quatorze ans dans la GRC. Je me souviens du jour où l'on nous a demandé de se servir des citoyens pour créer des statistiques qui justifieraient qu'on nous donne plus d'effectifs et plus de matériel pour que l'on puisse avoir au moins une journée de congé à l'époque. Pour le Conseil du Trésor, il fallait des statistiques.

.1455

Ce qui fait qu'au lieu de vous arrêter si vous avez passé tout droit à un coin de rue, pour voir si vous avez bu ou si quelque chose cloche, et de vous dire de faire un peu plus attention aux panneaux de signalisation et d'en rester là, au lieu de vous rendre service à vous et à votre ville, je me sers de vous pour vous dresser une contravention. Peu importe quelle est la cause. Qui se soucie de savoir si l'incident mérite de vous faire passer devant le tribunal? Il nous faut des statistiques pour le plaisir du Conseil du Trésor. C'est ce qu'on fait depuis... on compile des statistiques. Le système de la justice vit de...

Je me souviens d'avoir vu un programme de déjudiciarisation à Québec il y a quinze ans. Un Autochtone s'est levé lors de la dernière rencontre, à la plénière, et il a dit que les Autochtones étaient une source renouvelable de matériaux pour le système de la justice pénale.

Vous n'en parlez que très brièvement lorsque vous dites qu'il faut cesser de protéger ses plates-bandes. Si l'on veut créer des programmes communautaires qui éviteront la prison aux jeunes, ne pensez-vous pas que les policiers refuseront de coopérer? Avez-vous constaté de la résistance? Avez-vous rencontré de la résistance au programme de déjudiciarisation, aux conseils de détermination de la peine, etc.? Autrement dit, avez-vous vu de la résistance aux programmes qui empêcheraient les jeunes d'avoir trop d'ennuis?

Mme Biensch: Du point de vue de la communauté, non, parce que le fait que le coût de la criminalité est beaucoup trop élevé a été si bien illustré au cours des deux ou trois ou quatre dernières années. L'expérience de Sandi en matière de prévention du crime le montre. Trop de gens qui travaillent dans le système de la justice et dans celui de la santé et des services sociaux disent que nous n'avons plus les moyens nécessaires. Ils voient le coût humain. Ils le voient. Malheureusement, on est rendu au point où il n'y a que le coût qui compte.

Pendant longtemps, les esprits progressistes ont reconnu qu'il y avait un coût humain, mais aujourd'hui nous en sommes rendus au point où nous reconnaissons que c'est quelque chose qu'on ne peut plus se permettre.

Oui, il va y avoir de la résistance à ces changements. Dans le Territoire, nous avons beaucoup de chance, parce que c'est petit, nous nous connaissons tous. Nous connaissons bien la situation et nous ne pouvons pas nous renvoyer la balle comme cela se fait peut-être ailleurs. Il peut y avoir de la résistance, mais je pense aussi que nous pouvons agir plus progressivement dans les domaines où une province où un territoire rencontrerait des difficultés.

Ce qui nous a renversés, c'est le nombre de Yukonnais qui le reconnaissent. Ils en ont ras le bol de voir un programme présenté par un ministère qui est imité par un autre quelque temps après. C'est un problème qu'on a bien relevé.

Dans le contexte global, peut-être que Sandi a quelque chose à ajouter.

Mme Gleason: Pour ce qui est de la résistance, je crois que tout le monde a peur du changement. À qui est-ce qu'on va déléguer la responsabilité?

Je sais que dans quelques communautés autochtones ici il y a de la résistance au changement parce que les communautés veulent davantage de responsabilités et d'influence pour déterminer leur propre sort. Nous avons constaté à maintes reprises qu'on ne leur offre pas si facilement cette possibilité, ce qui explique leur attitude.

Il y a aussi des personnes qui veulent établir des directives et des limites régissant nos interventions. On veut imposer certains contrôles à nos initiatives au niveau communautaire. Dans certains domaines, les gens ne sont pas encore prêts à confier certaines de leurs responsabilités à la collectivité. Ils essaient de les garder d'une façon ou d'une autre, ce qui explique parfois leurs efforts pour contrôler des initiatives comme le conseil de détermination de la peine ou bien les mesures de rechange communautaires. Tout cela peut provoquer effectivement de la résistance.

Comme l'a expliqué Linda, il faut maintenir le dialogue avec ces personnes et continuer à chercher un terrain d'entente. Je sais que les communautés autochtones ont dû faire face à cette attitude.

M. Ramsay: Merci.

.1500

Pour passer maintenant à un autre sujet, pensez-vous que c'est la responsabilité de l'appareil judiciaire de renforcer la famille sur le plan économique, social ou spirituel ou bien les programmes de ce genre devraient-ils relever d'un autre ministère?

Je constate qu'on a changé le rôle traditionnel de l'appareil judiciaire qui normalement avait pour but de protéger la sécurité de la société. C'était le dernier recours si tous les autres programmes du gouvernement échouaient.

Au cours des années l'appareil judiciaire est devenu un système à double volet avec d'une part la responsabilité en matière de justice et d'autre part une vocation sociale, aucun de ces rôles n'étant bien rempli. Alors pensez-vous que l'appareil judiciaire devrait être responsable du renforcement des familles et des problèmes que créent les familles dysfonctionnelles? Ou faudrait-il un autre programme du gouvernement, qui pourrait peut-être travailler de concert avec l'appareil judiciaire? Qu'en pensez-vous?

Mme Biensch: Je crois que vous avez raison de faire cette distinction. Je ne pense pas que l'État soit en mesure de bien s'acquitter de responsabilités touchant aux besoins particuliers d'une famille ou d'un enfant. Je ne parle pas au nom du comité, c'est mon opinion personnelle que j'exprime. L'appareil judiciaire et le réseau de services sociaux et de soins de santé se mêlent de ces questions depuis si longtemps qu'ils ont fini par assumer certaines de ces responsabilités.

Je pense que parfois on cherche à protéger ses plates-bandes. La justice doit reconnaître où se trouvent ses limites et reconnaître que telle ou telle question ne relève pas d'elle mais doit être réglée ailleurs.

Nos propos concernant la responsabilité financière visaient surtout la possibilité pour une victime d'intenter une action au civil. La réparation représente aussi une autre possibilité. En fin de compte, il s'agit de responsabiliser les gens et ce n'est pas nécessairement par l'emprisonnement qu'on peut y parvenir. Travailler comme bûcheron pour quelqu'un pendant six mois, ça représente quelque chose.

Sandi, avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Gleason: À mon avis, nous n'avons jamais défini de façon claire le rôle de la justice pénale. Mais on finit par l'encombrer de plus en plus, comme Linda l'a fait remarquer. Je ne pense pas qu'il soit possible de bien définir le rôle de la justice pénale avant de déterminer quels rôles peuvent jouer nos collectivités.

Que peuvent faire les collectivités? Que pouvons-nous faire au niveau communautaire pour effectuer des changements dans le régime de justice pénale? Comment s'attaquer aux problèmes de nos familles? En examinant cette question, nous devrons à un moment ou un autre définir le rôle de la justice pénale car je sais, d'après mon expérience de travail dans les prisons, que certaines personnes ont un comportement qu'on ne peut pas changer. Mais il faut savoir comment elles en sont arrivées là. La majorité des hommes avec qui j'ai travaillé ont été élevés dans des familles d'accueil, ils sont passés ensuite à un centre d'accueil pour jeunes contrevenants et ensuite à la prison de Whitehorse, le Centre correctionnel de Whitehorse. Une fois qu'on est pris dans cet engrenage, on dirait qu'on ne peut plus en sortir.

Dans notre société traditionnelle, la justice ne constituait pas une entité à part, c'était un rôle joué par la société. Tous les membres de notre communauté savaient quelle était la punition qui les attendait et qu'il faudrait répondre à la collectivité de ce qu'on avait fait. Ce n'est plus la même chose. Maintenant il faut répondre aux juges et aux avocats et aux médecins et il s'agit de savoir qui va gagner et qui va perdre, c'est une bataille.

Je pense à un cas en particulier où une mère autochtone voulait poursuivre son enfant et celui-ci ne voulait pas qu'elle soit admise au tribunal accompagnée de son avocat. Elle était très perturbée parce qu'elle estimait qu'on voulait lui nier son rôle de mère et son effort de faire assumer à son enfant la responsabilité du crime qu'il avait commis. Il a fini par demander un procès et plaider non coupable. Il a été acquitté sur un argument de droit. La mère voulait que l'enfant plaide coupable pour qu'il réponde de ce qu'il avait fait mais la justice pénale n'a pas permis ce résultat.

Je pense que lorsque nous examinons ce rôle de la justice, il faut tenir compte des désirs des parents. Il faudrait leur donner voix au chapitre parce que c'est eux qui essaient d'élever les enfants. La justice pénale devrait aider ces parents plutôt que de les entraver.

.1505

M. Ramsay: Merci.

La présidente: Monsieur Maloney.

M. Maloney: Dans votre déclaration liminaire vous avez dit que les gens que vous avez interrogés voulaient que les activités criminelles soient punies de façon plus sévère, qu'on ne se contente plus de taper sur les doigts des délinquants qui répondent aux juges en leur faisant un bras d'honneur. Nous avons appris ce matin que le Yukon a proportionnellement le plus grand nombre de personnes incarcérées au Canada. Comment concilier les deux points de vue, la perception du public et la réalité? Vous préconisez des mesures de rechange. J'y suis également favorable mais même si ces mesures peuvent se révéler efficaces, on pense souvent qu'elles sont peu sévères.

Mme Biensch: Oui, c'est souvent le cas. Je crois que les gens étaient insatisfaits, mais ce n'était pas à cause de ceux qui commettent un premier délit ni de la peine qui leur est imposée - bien entendu, ce sont là les dossiers où l'on recourt le plus souvent à la déjudiciarisation. Ce n'est pas ceux qui font un premier délit mais les récidivistes. Les gens en ont ras le bol de se faire voler leur camion deux fois au cours d'une semaine et de savoir que le jeune qui est responsable est libéré dans les 24 heures. Ils sont très mécontents du peu de cas que l'on fait de la responsabilité.

Je crois qu'on peut diviser les dossiers en deux groupes: ceux qui sont coupables d'un premier délit et qui font l'objet de différentes mesures de rechange, et les récidivistes. J'ai l'impression que les gens étaient prêts à donner une chance au premier groupe. Mais quand il s'agit de récidivistes, il est important de montrer que justice a été rendue. Il faut donc tenir compte de ce fait, les gens pensaient aux récidivistes, comme ceux évoqués par Sandi, qui sont pris dans l'engrenage. L'homme de la rue ne sait pas comment il faut y faire face alors il dit qu'il faut sévir.

M. Maloney: Dans votre exposé vous avez parlé d'un manque de communication, de double emploi et de chevauchement des ressources, etc. Pensez-vous qu'il faudrait envisager la possibilité de combiner notre régime de justice pour les jeunes avec l'assistance sociale, les régimes de santé et d'éducation? J'en parle parce qu'à Yellowknife, le ministre de la Justice est également le ministre des Services sociaux. Est-ce que cela vous paraît une bonne idée?

Mme Biensch: C'est certainement une chose à examiner... Nous avons effectivement recommandé que l'on envisage la fusion de certains ministères, que ce soit la justice ou la justice pour jeunes, mais il faut surtout éviter le chevauchement de services. Je n'ai pas entendu parler de combiner la santé, les services sociaux et la jeunesse. De toute façon, c'est déjà un seul ministère ici. À l'heure actuelle, le ministre de l'Éducation est également responsable de la santé et des services sociaux. Il y aura peut-être une certaine collaboration parce que c'est au niveau de l'école qu'on repère souvent les enfants qui ont besoin d'aide particulière. Si nous pouvons intervenir à l'âge scolaire, nous pouvons améliorer les choses. Il existe déjà une structure, alors c'est peut-être par là qu'il faut commencer.

Mme Gleason: Je désire faire un commentaire également. J'aimerais rappeler que l'éducation est un élément fondamental. Je ne crois pas que le grand public soit conscient de ce qui se passe vraiment dans le système de justice pénale. Il ne sait pas que seul un petit pourcentage de ceux qui commettent des infractions sont des récidivistes. Très souvent lorsque les gens examinent toute la question, ils réclament des peines toujours plus longues, mais le fait est qu'on punit toujours les mêmes personnes. On leur donne simplement des peines plus longues. Ainsi nous consacrons un montant disproportionné de ressources à un faible pourcentage de gens alors que l'ensemble de la population, où il y aurait beaucoup à faire pour prévenir le crime, ne reçoit pas de telles ressources. Nous constatons que nous devons éduquer les gens quant à ce qui se passe dans le système de justice pénale et quant à la façon d'apporter les meilleurs changements.

Dans le système de justice pénale, la meilleure chose à faire serait de prévenir la criminalité chez les jeunes. Si nous le faisons, si nous commençons à éduquer les jeunes, si nous encourageons les communautés à s'intéresser à ce dossier, nous verrons une différence. Il y aura moins de gens qui seront traduits devant les tribunaux, et il se pourrait fort bien que le système de justice pénale un jour ne soit nécessaire que pour ceux qui ont commis des infractions graves.

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Nous devons changer notre façon d'aborder les choses, il nous faut nous tourner vers l'éducation et la prévention. Lorsque nous étudions ces facteurs, il faut également envisager des solutions de rechange. Certains disent que ce n'est que leur taper sur les doigts, mais ce n'est pas vrai. Si vous pensez à des solutions de rechange comme à Kwanlin Dun, celui qui reçoit sa peine à cet endroit pour une première infraction pour conduite en état d'ébriété devra faire ce qui est prévu dans le Code criminel, mais il devra faire également autre chose. Il doit respecter un plan qui a été créé pour lui, et il doit donc faire plus que ne le prévoit le système de justice pénale. Ce qu'il fait de plus c'est pour sa communauté.

Je crois que c'est une question de perception, et il faut commencer à éduquer les gens sur ces aspects, sinon, nous arriverons à rien. Que ferez-vous lorsque tous les pénitenciers seront pleins et que nous dépenserons des centaines de milliers de dollars pour garder les gens derrière les barreaux? Nous pourrions financer quatre années d'université pour ces jeunes pour ce qu'il nous en coûte pour les garder dans un établissement pour jeunes contrevenants pendant un an. Cent mille dollars pourraient permettre de faire suivre un cours universitaire à ces jeunes plutôt que de les garder dans un établissement pendant un an.

M. Maloney: Y a-t-il des situations où il ne serait pas approprié de se servir de ces solutions de rechange?

Mme Gleason: Je crois que ça dépend de la collectivité. Ça dépend des circonstances. Le système doit être souple, car si on choisit arbitrairement qui peut avoir accès à ces solutions et qui ne le peut pas, très souvent ce sont ceux que nous écartons qui ont les plus grands besoins, ceux qui ont besoin d'aide. Si nous ne communiquons pas avec ceux qui ont besoin d'aide pour leur offrir l'aide leur permettant de reprendre le droit chemin, nous aurons simplement raté le coche. Très souvent, ceux qui participent au programme ne sont pas ceux qui ont vraiment besoin d'aide. Ce ne sont pas eux qui ont besoin de counselling ou d'intervention.

La plupart du temps lorsque nous étudions la question, nous constatons que si nous n'arrivons pas à rejoindre ceux qui ont besoin de nous, les jeunes auront toujours des démêlés avec la justice. Le problème ne disparaîtra pas. Alors quand vient le temps de décider qui peut participer au programme, il faudrait tenir compte des besoins de la communauté. Il faut les laisser choisir.

M. Maloney: Je crois que lors de votre dernier exposé, vous avez parlé de camping sauvage et vous avez dit qu'il existait toute une liste de solutions de rechange. Pouvez-vous me donner des exemples?

Mme Gleason: On a parlé de la déjudiciarisation dans le contexte autochtone, mais ce n'est là qu'un exemple parce que la déjudiciarisation s'applique à tous. Les communautés pourraient mettre sur pied des campings sauvages où ils enverraient leurs jeunes. Ces derniers seraient surveillés de près et ils pourraient avoir une certaine formation. Puis il y a des mesures de rechange comme la formation et de bonnes ressources au sein de la communauté.

Si l'on emploie des solutions de rechange, on donne ainsi à la communauté les ressources nécessaires pour qu'elle puisse composer avec ses propres problèmes. Cela veut dire qu'il faut avoir des conseillers compétents qui puissent aider les victimes d'agression sexuelle, ou s'occuper de la formation et du traitement des gens. En fait, ce que l'on veut, c'est faire de la communauté un centre de traitement qui a un plan ou une stratégie pour composer avec les problèmes qu'elle connaît.

M. Maloney: J'aimerais vous remercier de la recommandation que vous avez formulée dans votre rapport.

La présidente: Merci. J'aimerais signaler que nous avons reçu copie de votre rapport. Nous vous en remercions. Il sera distribué aux membres du comité.

Madame Torsney, il reste deux minutes. Je ne vous donnerai pas une seconde de plus parce que je n'ai pas été assez stricte et nous accusons déjà un bon retard. C'est moi qui suis responsable de cette situation.

Mme Torsney: J'aimerais tout d'abord vous féliciter des efforts que vous avez faits. Je souscris à pratiquement tout ce que vous avez dit, surtout lorsqu'il a été question au haut de la page 3 des divers programmes que vous avez mis sur pied: le travail avec les enfants pour les aider à s'épanouir, pour créer en eux une plus grande estime de soi, la médiation par les pairs et l'acquisition de compétences parentales. Toutes ces choses sont très importantes pour les enfants, tout particulièrement les enfants qui éprouvent des problèmes.

J'aimerais revenir à quelque chose que vous avez dit au bas de la page 1, où vous avez parlé de la prévention et la façon dont la Loi sur l'hygiène mentale s'appliquait aux jeunes de moins de 12 ans. Vous avez signalé que personne n'aidera, surtout si les parents avouent que leur enfant a besoin d'aide. Comment faire en sorte que l'enfant reçoive l'aide nécessaire avant qu'un membre de la communauté ne devienne victime? À mon avis, ce sont les cas les plus déchirants, pourtant ça se produit dans toutes les régions du pays. Pouvez-vous vous servir de certains des autres mécanismes dont dispose le gouvernement, grâce à la Loi sur l'hygiène mentale? Y a-t-il d'autres lois sur la protection des enfants qui vous permettraient d'intervenir ou d'exiger une intervention pour les enfants de moins de 12 ans?

Mme Gleason: D'après ce que les représentants du ministère de la Santé et des Services sociaux m'ont dit, il existe de très bons programmes, offerts surtout dans le cadre de la loi de protection des enfants.

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Il est vrai qu'en raison de compressions budgétaires, il a fallu resserrer les critères d'admissibilité. Ils ne peuvent pas laisser tous les gens qui le voudraient participer à ces programmes. Je ne pense pas que les responsables de ces programmes ou les fonctionnaires veulent imposer des restrictions, c'est simplement en raison de problèmes budgétaires.

Mais je veux bien sûr que l'on aille plus loin. Je veux qu'il y ait plus de conseillers qui travaillent avec les enfants dans les écoles. Je veux des travailleurs sociaux dans les écoles pour qu'ils puissent travailler avec les enfants et repérer dès le départ ceux qui auront des problèmes, avant qu'ils aient besoin de participer à des programmes intensifs.

Grâce à la participation du public, à un engagement de sa part, qui a coïncidé avec la publication de notre rapport, et grâce à la réaction du gouvernement, on a beaucoup discuté de la question et les divers ministères ont partagé beaucoup de renseignements. Je n'ai rien entendu de concret là-dessus, mais je sais qu'il existe une volonté certaine. Cependant je ne sais pas si on est allé plus loin que le premier pas.

Mme Torsney: Il faut que les gens comprennent que nous avons le choix entre payer maintenant ou plus tard. Par ces temps de déficits et tout ce qui s'ensuit, avec tout un chacun qui veut payer moins d'impôts, il faut que les gens comprennent qu'il est peut-être moins onéreux d'intervenir en finançant maintenant certains programmes plutôt que d'attendre jusqu'à ce qu'il y ait des victimes et des criminels. Il faut qu'ils comprennent que les programmes de traitement dans le centre de justice pour les jeunes coûtent beaucoup plus cher et ont beaucoup moins de chance de réussir.

Bonne chance.

La présidente: Merci, madame Torsney.

Merci beaucoup de votre participation. Nous vous en sommes reconnaissants.

Nous allons suspendre nos travaux une ou deux minutes afin de nous organiser pour le témoin suivant...

Je m'excuse, on m'informe que notre prochain témoin comparaîtra à huis clos. J'aimerais également que vous sachiez que nous nous rendrons dans la communauté de Kwanlin Dun cet après-midi et que nous partirons d'ici à 13 h 30. J'ajouterai - il intéressera peut-être aussi les personnes présentes dans la salle de le savoir - que nous avons pris certaines dispositions pour rencontrer des représentants du gouvernement pendant notre passage au centre cet après-midi.

Nous faisons donc une petite pause pour nous organiser. Cette déposition se fera à huis clos, ce qui signifie que les personnes présentes dans la salle devront sortir.

Merci.

[La séance se poursuit à huis clos]

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