[Enregistrement électronique]
Le mardi 5 novembre 1996
[Traduction]
La présidente: Je tiens tout d'abord à m'excuser de mon retard.
Nous allons d'abord nous pencher sur le projet de loi C-53. Nous avons avec nous deux représentants du ministère du Solliciteur général, Richard Zubrycki qui est directeur général des Politiques correctionnelles et Normand Payette qui est analyste principal des politiques correctionnelles. Je vous souhaite la bienvenue.
Avez-vous une déclaration préliminaire?
M. Richard Zubrycki (directeur général des Politiques correctionnelles, ministère du Solliciteur général): J'ai une brève déclaration.
La présidente: Très bien. Cela nous sera utile. Nous passerons ensuite aux questions.
M. Zubrycki: Merci beaucoup, madame la présidente.
Le projet de loi vise à actualiser les dispositions législatives qui régissent les programmes provinciaux de permission de sortir et d'assurer une plus grande uniformisation à l'échelle nationale tout en laissant à chaque province et territoire suffisamment de latitude pour qu'ils décident de la meilleure façon d'administrer leur propre population carcérale en fonction de leurs besoins.
Ce projet de loi fait d'abord suite aux demandes des provinces et des territoires qui voulaient moderniser cette partie de la Loi sur les prisons et les maisons de correction. Les dispositions de ce projet de loi ont été élaborées par un groupe de travail fédéral, provincial et territorial de hauts fonctionnaires et appuyées par les ministres responsables de la justice fédéral, provinciaux et territoriaux, à l'occasion d'une réunion qui s'est tenue en mai 1996.
Les dispositions du projet de loi reflètent donc une volonté unanime de changement de la part des provinces et des territoires. Comme vous le savez, ces changements, même s'ils touchent des programmes provinciaux, sont inscrits dans une loi fédérale puisqu'en vertu de la Constitution, le droit pénal relève de la compétence du Canada. Cette compétence s'étend aux lois qui portent sur l'administration des peines résultant de condamnations prononcées en vertu de lois criminelles fédérales.
En 1992, le cadre législatif fédéral des permissions de sortir a été actualisé grâce à l'adoption de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Les changements proposés maintenant à la Loi sur les prisons et les maisons de correction sont semblables à ceux apportés à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
Je décrirai brièvement les principales dispositions du projet de loi C-53. Tout d'abord, il ajoute un énoncé de l'objet et des principes à l'égard des programmes de permission de sortir et bien qu'il s'agisse d'un élément nouveau en ce qui concerne les programmes provinciaux de permission de sortir, cet objet et ces principes sont semblables à ceux prévus en 1992 dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté, qui s'appliquaient aux programmes fédéraux de permission de sortir.
Cet énoncé de l'objet et des principes guide l'interprétation de la loi. Nous avons jugé qu'un tel énoncé serait utile, au niveau fédéral, pour faciliter l'interprétation de la loi par rapport aux programmes fédéraux.
Deuxièmement, le projet de loi porte de 15 à 60 jours la période maximale d'une permission de sortir et confère un pouvoir explicite de renouvellement des permissions de sortir après évaluation du cas. Ce changement vise à tenir compte des réalités modernes qui obligent aujourd'hui les provinces à renouveler fréquemment les permissions de sortir mais sans qu'un réexamen du dossier soit prévu entre chaque renouvellement. Par conséquent, la prolongation de cette période offrirait une plus grande souplesse mais permettrait également d'assurer le réexamen du dossier avant le renouvellement d'une permission.
Troisièmement, le projet de loi habilite les administrations à créer de nouveaux types de permission de sortir qui viendront s'ajouter aux sorties autorisées pour des raisons médicales ou humanitaires ou pour permettre la réadaptation du contrevenant. La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition prévoyait un plus grand nombre de types de permissions de sortir mais comme les administrations provinciales et territoriales ont des exigences et des besoins différents, on a voulu qu'elles puissent créer leurs propres types de permission de sortir, tant qu'elles sont conformes à l'objet et aux principes de la loi.
Quatrièmement, de nouvelles dispositions prévoient la suspension, l'annulation et la révocation des permissions de sortir et le pouvoir d'arrêter et d'incarcérer les contrevenants fautifs. À l'heure actuelle, la loi est muette sur cette question. Cette disposition accordera le pouvoir d'émettre des mandats partout au Canada et de les transmettre par moyen électronique. Les agents de la paix pourront arrêter, sans mandat, le contrevenant en permission de sortir s'ils ont des motifs raisonnables de croire qu'un mandat a été délivré contre lui et ils pourront mettre le contrevenant sous garde pendant 48 heures en attendant que le mandat soit délivré.
Cinquièmement, chaque administration sera également habilitée à restreindre l'admissibilité simultanée à certaines formes de permission de sortir et à la libération conditionnelle. À l'heure actuelle, les contrevenants ont la possibilité de jouer sur les deux tableaux en présentant simultanément une demande de permission de sortir et une demande de libération conditionnelle. C'est évidemment une source de gaspillage, sans compter qu'on ne s'y retrouve plus. Les administrations pourront établir une ligne de démarcation entre ces deux programmes comme le fait à l'heure actuelle le Québec, par exemple, qui a établi cette ligne de démarcation à six mois.
Je crois qu'il est important de souligner que le renforcement du cadre législatif régissant les permissions de sortir ne diminue aucunement l'importance de la libération conditionnelle. L'ensemble des provinces et des territoires ont recours à la libération conditionnelle et aux permissions de sortir. Ce sont pour eux des outils importants.
La libération conditionnelle est habituellement un processus lourd qui prend du temps puisqu'il est conçu pour des peines plus longues et pour des infractions plus graves. Il faut habituellement jusqu'à six mois pour mener à bien ce processus. Or, comme plus de 85 p. 100 des détenus sous responsabilité provinciale purgent des peines de moins de six mois, dans bien des cas, le processus de la libération conditionnelle ne convient pas. Les provinces et les territoires ont plus souvent recours aux permissions de sortir dans certains cas mais ont reconnu avoir besoin d'un cadre plus solide et uniforme pour le faire.
En résumé, je dirais simplement que le projet de loi vise à moderniser la loi. C'est une initiative destinée à assurer un cadre et un système plus cohérents pour les programmes provinciaux et territoriaux de permission de sortir et à améliorer la protection du public en prévoyant des paramètres plus clairs et plus sévères, comme entre autres exiger le réexamen du dossier avant le renouvellement d'une permission de sortir et permettre d'arrêter les personnes en permission de sortir qui n'observent pas les conditions de leur permission.
Dans l'ensemble, les programmes de permission de sortir donnent d'excellents résultats. Toutes les administrations indiquent que ces programmes sont efficaces dans 95 p. 100 des cas ou plus. La situation est la même dans le système fédéral où ces programmes sont efficaces souvent dans 98 p. 100 des cas et plus.
Ce projet de loi n'engage aucun coût. Il donne suite aux demandes exprimées par les administrations fédérale, provinciales et territoriales et reflète un vaste consensus de leur part ainsi que l'esprit de coopération qui les animées.
Je m'arrêterai ici, madame la présidente, et je me ferai un plaisir de répondre aux questions des membres du comité.
La présidente: Je vous remercie. Monsieur Bellehumeur, vous avez dix minutes.
[Français]
M. Bellehumeur (Berthier - Montcalm): Pour une rare fois, je ne prendrai pas les 10 minutes qui me sont accordées, madame la présidente.
[Traduction]
La présidente: Libre à vous.
[Français]
M. Bellehumeur: À la lecture du projet de loi, nous y sommes favorables. Je voulais simplement m'assurer, comme vous en avez parlé en tout dernier lieu, du consensus des provinces et des territoires. Selon mes informations, cette question a fait l'objet de discussions lors de rencontres entre les provinces et les territoires.
Je voudrais juste que vous me donniez l'assurance que les provinces ont vu le projet de loi, qu'elles ont signifié leur accord et qu'elles en sont venues à un consensus, et même pratiquement à l'unanimité, parce qu'elles seront les plus touchées par ce projet de loi. Je souhaiterais que vous me rassuriez encore davantage sur la consultation.
Puisque je suis un député du Bloc québécois, j'aimerais naturellement vous entendre parler de la consultation faite auprès de l'Assemblée nationale et de la position qu'elle a adoptée par l'intermédiaire de son ministre de la Justice. Je crois me rappeler qu'il était question de ce projet de loi en avril, mai ou juin 1996.
M. Normand Payette (analyste principal des politiques, Direction des affaires correctionnelles, ministère du Solliciteur général): L'ébauche initiale du projet de loi a été présentée aux ministres responsables de la justice en mai dernier et ils l'ont approuvée.
À la suite du dépôt du projet de loi, nous avons pris la peine de communiquer avec toutes les juridictions et leur avons demandé si elles étaient d'accord sur toutes ses dispositions. Nous sommes en mesure de vous assurer que toutes les juridictions ont donné leur accord au projet de loi tel que déposé.
M. Bellehumeur: Je n'ai pas d'autres questions.
[Traduction]
La présidente: Nous rattrapons le temps que je vous ai fait perdre.
Monsieur Hanger, vous avez dix minutes.
M. Hanger (Calgary-Nord-Est): Je vous remercie, madame la présidente.
Dans le communiqué sur le projet de loi C-53, diffusé par le bureau du solliciteur général,M. Grey a déclaré que ces changements permettront d'aligner les dispositions législatives sur ce qui se fait déjà dans la pratique.
J'aimerais savoir en quoi consiste au juste cette pratique et ce qui se faisait auparavant, à l'époque de la loi précédente. À première vue, cela peut sembler peu important. Les méthodes changent et les circonstances aussi. J'aimerais aborder rapidement un autre projet de loi qui vient d'être adopté par la Chambre - le projet de loi C-41 - et que les procureurs généraux des différentes provinces ont commencé à appliquer en ordonnant par exemple aux services policiers et aux tribunaux d'utiliser des mesures de rechange.
Dans la réalité, cela veut dire que désormais ces mesures de rechange offriront au contrevenant deux possibilités au lieu d'une. La loi ne prévoit pas qu'il devrait s'en voir offrir deux.
J'ai donc l'impression qu'on est en train de devenir de plus en plus laxistes au lieu d'insister sur l'application rigoureuse des dispositions en vigueur. Pourtant, le solliciteur général soutient que l'ancienne loi ne marche plus, si je peux m'exprimer ainsi, et qu'il faut maintenant l'étoffer pour s'adapter à ce qui se fait dans la pratique.
M. Zubrycki: La pratique actuelle ne diffère pas tellement de ce qui est prévu par le projet de loi. À l'heure actuelle, les administrations peuvent accorder des permissions de sortir à des fins de réadaptation jusqu'à concurrence de 15 jours. Elles peuvent les renouveler consécutivement et elles peuvent accorder une série de permissions de sortir pour pratiquement n'importe quelle période de temps.
Dans la pratique, elles n'ont pas l'habitude d'accorder des périodes très longues et je crois que dans 88 p. 100 des cas, les permissions de sortir sont accordées pour moins de 15 jours. Mais le fait est qu'elles peuvent être renouvelées, consécutivement. À une époque, on croyait que c'était contraire à la loi, mais des décisions rendues par des tribunaux de première instance ont maintenu la pratique. À l'échelle fédérale, nous n'avons jamais, sinon très rarement, renouvelé consécutivement des permissions de sortir.
Il existe donc une incertitude. Ce n'est pas que le système ne marche plus, mais il y a une incertitude. Les administrations provinciales et territoriales reconnaissent elles-mêmes qu'il faut mieux structurer les dispositions qui régissent le programme.
M. Hanger: Est-ce que les permissions de sortir continueront d'être renouvelées consécutivement?
M. Zubrycki: Oui, et c'est d'ailleurs prévu par la loi.
M. Hanger: Donc on pourrait accorder deux permissions de sortir de 60 jours, l'une après l'autre.
M. Zubrycki: La disposition qui a été ajoutée prévoit qu'il faudra évaluer le cas avant le renouvellement. Ce genre de disposition n'existe pas pour l'instant.
M. Hanger: Il existe une certaine disposition, bien entendu, dans cette loi qui habilite les provinces à créer différentes formes de permissions de sortir et à l'exception de celles qui ont été décrites au début - je crois que vous avez parlé de permission pour raisons médicales et autres - quelles seraient selon vous certaines des nouvelles raisons pour lesquelles on accorderait des permissions de sortir?
M. Payette: Ici encore, on veut offrir aux provinces toute la latitude nécessaire pour créer de nouvelles formes de permissions de sortir qui viendront s'ajouter aux sorties autorisées, comme l'a indiqué M. Zubrycki, pour des raisons médicales, humanitaires ou pour favoriser la réadaptation du détenu.
Par exemple, dans la liste fédérale que nous avons ici, des permissions de sortir pourraient être accordées pour favoriser le perfectionnement personnel, pour des raisons de compassion, c'est- à-dire pour permettre à un détenu d'être avec ses enfants afin de maintenir les contacts familiaux.
Nous autorisons également à l'échelle fédérale des programmes de permission de sortir ayant un caractère thérapeutique général et particulier. Par exemple, certains programmes, comme les programmes spirituels, s'adressent expressément aux Autochtones. Nous avons également des programmes de permission de sortir axés sur le service communautaire. Ce sont les types d'objectifs visés pour permettre aux provinces, comme je l'ai dit, de créer ces types de permission de sortir, à condition qu'ils soient conformes à l'objet et aux principes de la loi.
M. Hanger: Qui en assurera la surveillance? Il s'agit des dispositions fédérales qui autorisent les autorités provinciales à exercer leur pouvoir dans cette région. Mais, qui décidera de ce qui marche et de ce qui ne marche pas?
M. Payette: Au bout du compte, cela relèvera des administrations provinciales et territoriales elles-mêmes puisqu'elles doivent manifestement respecter la loi, tout comme le gouvernement fédéral, et deuxièmement, cela relèvera bien sûr des tribunaux. Si une politique ou une mesure provinciale est contestée, cette contestation sera portée devant les tribunaux. Il est difficile d'imaginer qui au juste prendrait l'initiative d'une telle contestation, mais c'est comme pour tout autre texte de loi.
M. Hanger: Vous soulignez dans votre aperçu que 85 p. 100 des contrevenants qui purgent une peine dans un établissement provincial purgent une peine de six mois ou moins. D'une certaine façon, une peine de six mois ne peut pas vraiment avoir un effet de dissuasion. Pour certains crimes, je considère que ce n'est pas une peine très sévère.
Or en plus, ces contrevenants seront désormais admissibles à une permission de sortir de60 jours ou deux mois, qui pourrait même être renouvelée, ce qui porterait la période de la permission jusqu'à quatre mois pour une peine de six mois. Est-ce possible?
M. Zubrycki: Oui.
M. Hanger: Est-ce qu'on ne fait pas fausse route?
M. Zubrycki: Ce n'est pas la question. Le projet de loi vise à permettre aux provinces de prendre leurs propres décisions et d'administrer les programmes comme elles l'entendent. Toutefois, il est vrai que les provinces peuvent, présentement, accorder des permissions de sortir additionnelles et en fixer la durée. En fait, seulement 2 p. 100 des permissions sont accordées pour des périodes de 60 jours. Donc, bien qu'elles possèdent déjà cette flexibilité, quoique de façon informelle, elles n'y ont recours que très rarement.
Mais je dois ajouter que cela dépend beaucoup du cas. Ce sont les circonstances propres à chaque cas qui vont permettre de déterminer s'il est souhaitable ou non de renouveler une permission. Les provinces devront prendre des décisions éclairées.
M. Hanger: Est-ce que cela va leur permettra de réaliser des économies?
M. Zubrycki: Peut-être, mais ce n'est pas l'objectif du projet de loi. Évidemment, il est plus économique d'accorder une permission de sortir à un détenu, suivant les programmes qui sont offerts dans la communauté, que de le garder en prison. Bien entendu, si la personne obtient une permission de sortir en vue de recevoir des soins de psychiatrie ou de suivre un traitement pour toxicomanes, cela peut coûter plus cher. Certains de ces programmes sont très coûteux. Il faut voir comment les autorités les administrent.
M. Hanger: Est-ce que cela faisait partie des discussions? Je présume que le ministère a rencontré les procureurs généraux des différentes provinces et les responsables des services correctionnels. Est-ce qu'il a été question de la rentabilité du programme au cours des discussions?
M. Zubrycki: C'est un des principaux facteurs dont il faut tenir compte en cette époque où les budgets sont de plus en plus limités. Toutes les compétences cherchent à utiliser leurs ressources de la manière la plus efficace qui soit. Elles peuvent, par exemple, offrir des programmes moins coûteux, mais tout aussi efficaces et sûrs, aux délinquants à faible risque, et ainsi consacrer leurs ressources à ceux qui en ont besoin. En ce qui concerne les délinquants qui sont incarcérés pendant plus longtemps et qui ont besoin de programmes mieux ciblés, lesquels sont très coûteux, le projet de loi permettra aux provinces non pas de réduire les coûts généraux des programmes, mais d'utiliser les fonds de manière plus efficace.
M. Hanger: Vous avez également dit dans votre exposé que les programmes de permissions de sortir sont efficaces dans 95 p. 100 des cas. Comment évaluez-vous l'efficacité des programmes? D'où proviennent ces statistiques?
M. Zubrycki: Je dois admettre que les statistiques sur les permissions de sortir ne sont pas très précises. Nous n'effectuons pas de compilation de données à ce sujet à l'échelle nationale, mais ces chiffres proviennent d'une enquête éclair qui a été menée auprès de toutes les autorités en 1992-1993. L'Ontario n'est pas comprise dans ces statistiques. Les données de la province n'étaient pas, pour une raison ou une autre, disponibles. Mais je travaille dans ce domaine depuis 30 ans, et ces statistiques cadrent avec celles que l'on trouve dans tous les rapports qui font état de l'efficacité des programmes de permissions de sortir du gouvernement fédéral ou des autres compétences; ces programmes affichent un taux de réussite fort élevé.
Le chiffre que j'ai cité est tiré de l'enquête qui a été menée en 1992-1993. En fait, une autre enquête est en cours, mais nous n'avons pas encore les résultats.
Pour ce qui est de la question de savoir comment nous évaluons l'efficacité des programmes, habituellement, nous tenons compte du fait que le délinquant réintègre l'établissement carcéral comme prévu, sans avoir commis de nouvelles infractions.
La présidente: Monsieur Hanger, vos 10 minutes sont écoulées.
Monsieur Telegdi.
M. Telegdi (Waterloo): Merci, madame la présidente.
Il est important de comprendre qu'il est essentiellement question ici de délinquants sous responsabilité provinciale qui purgent une peine de deux ans moins un jour. De plus, lorsque vous prolongez de 15 à 60 jours la durée des permissions de sortir, vous ne faites sans doute que tenir compte de ce qui se passe devant les tribunaux: les juges vont peut-être imposer une peine de15 jours - c'est toujours le chiffre magique - , et recommander que le délinquant bénéficie d'une permission de sortir. L'établissement rend ensuite une décision, qui concorde habituellement avec celle du juge.
Le juge pourra ainsi recommander qu'on accorde une permission de sortir au délinquant qui est condamné à une peine de 60 jours. Cela veut dire qu'au lieu de passer 15 jours sous la surveillance du service correctionnel de la province, il va en passer 60. Ce qui devrait faire très plaisir à M. Hanger, parce que vous vous trouvez en fait à prolonger de 15 à 60 jours le contrôle exercé par le système judiciaire et le service correctionnel. Dans de nombreux cas, les juges vont accorder des permissions de 15 jours au lieu de 60, parce qu'ils veulent que le délinquant bénéficie d'une permission de sortir pour une raison ou une autre. Toutefois, ils tiennent à ce qu'on sache qu'une peine a été imposée. Donc, d'un point de vue de la sécurité du public, cette mesure semble efficace.
Avez-vous des commentaires à faire là-dessus?
M. Zubrycki: De façon générale, nous souhaitons que le système pénal offre aux juges et aux tribunaux toute une gamme d'options qui peuvent être adaptées aux circonstances individuelles d'un délinquant. Si un tribunal juge souhaitable d'incarcérer une personne pendant le plus longtemps possible, il devrait avoir la possibilité de le faire. Certains délinquants ont manifestement besoin de ce genre de traitement.
La grande majorité des personnes qui se présentent devant les tribunaux posent beaucoup moins de risques, et leurs circonstances varient considérablement. Donc, il est important que les juges aient diverses options à leur disposition. Pour ce qui est des peines de courte durée, si un tribunal estime qu'il est préférable que le délinquant bénéficie, au sein de la communauté, d'une liberté surveillée assortie de sanctions sévères en cas de violation des conditions, il pourrait, par exemple, lui imposer une peine et recommander qu'on lui accorde une permission de sortir une fois que les autorités correctionnelles auront mis sur pied un programme. Cette proposition cadre en tous points avec l'approche proposée. Dans certains cas, un juge peut imposer une peine plus longue afin de prolonger la période de surveillance.
M. Telegdi: Il est important de préciser qu'il n'est pas question ici de délinquants dangereux. Cette précision est importante.
La présidente: Merci, monsieur Telegdi.
Y a-t-il d'autres questions du côté ministériel?
Mme Torsney (Burlington): Je veux clarifier un point. Il est question, dans le deuxième article, de la révocation des permissions de sortir. Ce pouvoir ne figurait-il pas dans l'ancien projet de loi?
M. Zubrycki: Il n'était pas inscrit dans la loi. Il est implicitement reconnu, sur le plan juridique, que l'autorité compétente peut révoquer la permission de sortir, même si cela n'est pas exprimé en termes clairs. Il est vrai que cela suscitait de la confusion. Or, il n'est pas simplement question ici du pouvoir de révoquer une permission, mais également du pouvoir d'autoriser la réincarcération du délinquant.
Mme Torsney: Je vois.
M. Zubrycki: La plupart des provinces et territoires collaborent étroitement avec les corps policiers. S'ils informent les policiers qu'un délinquant bénéficiant d'une permission de sortir a violé une des conditions de sa permission et qu'elles veulent qu'il soit réincarcéré, les policiers vont se conformer à leur demande.
Toutefois, ils pourraient répondre, en vertu de quel pouvoir pouvons-nous intervenir? Nous n'avons pas de mandat. Nous pourrions être accusés de voies de fait ou d'une autre infraction si nous arrêtons cette personne sans autorisation quelconque.
Donc, nous avons défini plus clairement les motifs qui peuvent être invoqués pour révoquer une permission. Nous avons aussi indiqué que l'autorité compétente peut délivrer des mandats et les transmettre, et que les policiers peuvent procéder à des arrestations sans mandat. Nous avons renforcé considérablement ces pouvoirs.
Mme Torsney: Au bas de la première page, il y a deux paragraphes que je trouve intéressants. Le deuxième se lit comme suit: «elle doit tenir compte de toute l'information pertinente disponible». Est-ce que les déclarations des victimes sont incluses dans cette information?
De plus, est-ce que la protection de la société constituait l'objectif principal de l'ancien projet de loi? Ou est-ce que ce projet de loi-ci constitue une amélioration par rapport à l'autre, du fait qu'il a pour objet la protection de la société, de même que la réadaptation et la réinsertion sociale des prisonniers au sein de la communauté? S'agit-il ici d'une amélioration?
M. Zubrycki: La Loi sur les prisons et les maisons de correction ne contient aucun énoncé d'objet et de principes, de sorte que cette nouvelle disposition constitue une amélioration. Cet énoncé vise à montrer que la protection de la société est non seulement très importante, mais qu'elle va de pair avec la réadaptation des prisonniers, parce que toutes les compétences estiment que ces éléments sont indissociables. Surtout que dans le cas des peines de courte durée, on ne protège pas tellement la société lorsqu'on remet en liberté un délinquant qui présente autant de risques qu'avant. La réadaptation d'un délinquant constitue la meilleure forme de protection à long terme que l'on puisse donner à la communauté.
Ces éléments sont indissociables, et c'est pourquoi ils sont regroupés dans un même énoncé.
Mme Torsney: Merci.
La présidente: Y a-t-il d'autres questions du côté ministériel? M. Bellehumeur n'a pas d'autres questions.
Monsieur Hanger, nous en sommes au dernier tour. Vous avez cinq minutes.
M. Hanger: J'aimerais avoir des précisions au sujet des principes qui doivent servir de guide aux autorités. Est-ce la protection de la société qui constitue le facteur le plus important? Il n'en est même pas question ici.
M. Zubrycki: Oui, dans le premier principe qui est proposé à l'alinéa 7.1 a).
M. Hanger: L'article se lit comme suit:
- ... le règlement de chaque cas doit, compte tenu de la protection de la société et de la
réadaptation et de la réinsertion sociale du prisonnier, être le moins restrictif possible;
- Il est difficile de faire la part des choses. Aujourd'hui, on semble avoir tendance à accorder plus
d'importance aux droits des prisonniers qu'à la protection de la société dans de nombreuses
décisions qui sont prises. Qui va décider que la protection de la société constitue la priorité
numéro un?
- Les programmes de permissions de sortir visent à contribuer au maintien d'une société juste,
paisible et sûre...
Donc, le principe de la protection de la société est reflété dans toutes les dispositions du projet de loi C-53.
M. Hanger: Oui, mais ce n'est pas un principe qui est repris dans le projet de loi C-53, même si on en fait mention dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
D'après votre bref exposé et les questions posées par les membres du comité, il semble y avoir un autre facteur qui sous-tend cette idée de prolonger la durée des permissions, et c'est celui de la rentabilité. Qu'est-ce qui coûte moins cher, l'incarcération du prisonnier ou sa remise en liberté?
Les Américains ont réalisé une étude, il y a quelque temps déjà, qui montre clairement que, dans le cas d'une personne qui commet un crime contre les biens - et il n'est pas question ici d'un délinquant violent - , il est plus économique d'incarcérer cette personne que de la remettre en liberté afin qu'elle puisse récidiver. Le rapport est de deux contre un.
Mme Torsney: En quoi cela nous concerne-t-il?
M. Hanger: Cela nous concerne beaucoup.
Mme Torsney: Nous sommes au Canada.
M. Hanger: La situation est la même au Canada...
La présidente: Monsieur Hanger, veuillez s'il vous plaît poser votre question.
M. Hanger: Si on nous demande encore une fois d'adopter des dispositions qui visent à permettre aux délinquants d'obtenir une libération anticipée, est-ce qu'on peut voir l'étude réalisée au Canada qui montre qu'un tel changement s'impose?
Mme Torsney: J'invoque le Règlement. Est-ce que M. Hanger pourrait nous montrer les résultats de l'étude qu'il a lui-même effectuée? Il veut que les témoins fassent une comparaison, mais est-ce que nous pouvons voir ces résultats?
M. Hanger: J'ai demandé au témoin si une étude avait été réalisée au Canada concernant...
Mme Torsney: Voyons l'étude qui a été faite aux États-Unis.
M. Hanger: Madame la présidente, j'essaye...
La présidente: Monsieur Hanger, elle demande l'étude que vous...
M. Hanger: Je ne l'ai pas apportée, mais je peux certainement donner une référence...
La présidente: Pourriez-vous nous la donner pour que nous puissions l'examiner?
M. Hanger: Certainement.
La présidente: Merci.
Merci, madame Torsney.
M. Hanger: Je demande à ces messieurs si on a fait, au Canada, une telle étude sur le coût de la criminalité et sur l'impact, sur la société, de la libération anticipée par opposition à l'incarcération.
M. Zubrycki: Madame la présidente, beaucoup d'études intéressantes ont été faites ici et ailleurs. Bon nombre d'entre elles sont contradictoires. La plupart de ces travaux de recherche sont mis en doute par d'autres chercheurs. Il est très difficile de dire s'il existe des travaux qui font autorité dans ce domaine.
Il est évident que la criminalité coûte de l'argent aux contribuables. Je ne crois pas que l'on puisse le contester. La criminalité cause du tort qui, probablement, dépasse les aspects financiers de la question. C'est un souci pour tous les Canadiens et non pas seulement pour le gouvernement. C'est donc évident, à mon avis.
M. Hanger parle toutefois de rentabilité. Rentabilité ne signifie pas nécessairement coût peu élevé. Dans les discussions que nous avons eues - je ne peux véritablement parler que des consultations que nous avons menées et des discussions que nous avons eues - à aucun moment a-t-il été question de trouver la façon la moins coûteuse de fournir de bons programmes correctionnels.
Nous avons toutefois eu beaucoup de discussions sur la rentabilité. On s'attend, je crois, à ce que les fonctionnaires essaient d'être le plus efficace possible en ce qui concerne les ressources que les contribuables leur confient. Tel est le problème. Il s'agit de savoir ce qui est le plus rentable pour chaque contrevenant, que ce soit le plus dangereux ou le moins dangereux. Par définition je crois, nous sommes en train de parler des contrevenants les moins dangereux.
La présidente: Y a-t-il des questions du gouvernement?
C'est entendu, nous allons donc passer à l'examen article par article.
Les articles 1 et 2 sont adoptés à la majorité
La présidente: Le titre est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Des voix: À la majorité.
La présidente: Le projet de loi est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Des voix: À la majorité.
La présidente: Dois-je faire rapport du projet de loi à la Chambre à titre de quatrième rapport du comité?
Des voix: Adopté.
Des voix: À la majorité.
La présidente: Merci, messieurs, de votre aide.
Le comité est saisi de deux motions, l'une de M. Gallaway, et l'autre de M. Ramsay.
Monsieur Hanger, allez-vous parler de la motion de M. Ramsay?
M. Hanger: Oui, je peux le faire.
La présidente: M. Ramsay sait-il que vous allez le faire? Je ne veux pas avoir à tout recommencer.
M. Hanger: Il vaudrait mieux contacter M. Ramsay. Nous allons le faire tout de suite.
La présidente: Nous avons apparemment contacté le bureau de M. Ramsay. Je l'ai vu plus tôt ce matin, mais je ne pensais pas...
M. Hanger: Est-ce qu'il arrive?
La présidente: Je ne le sais pas.
Nous allons passer aux motions de M. Gallaway, si vous permettez.
Monsieur Gallaway, vous avez deux motions. Voulez-vous parler de la première?
M. Gallaway (Sarnia - Lambton): J'ai deux motions, madame la présidente, mais je vais retirer la seconde et ne traiter que de la motion numéro un.
La présidente: Vous ne voulez traiter que de la motion numéro un?
M. Gallaway: Oui, c'est exact.
La présidente: Voulez-vous déposer la motion numéro deux?
M. Gallaway: Oui, je veux la déposer, mais je ne veux pas en traiter pour l'instant.
La présidente: D'accord. Commençons donc par la motion numéro un.
M. Gallaway: Cette motion s'applique simplement aux personnes qui sont membres de ce comité et aussi du Sous-comité sur la sécurité nationale. J'ai déjà été membre du sous-comité.
Plusieurs d'entre nous qui siégeons au sein des deux comités ont constamment le même problème. Le président du sous-comité prévoit des séances au même moment que les séances du comité permanent. Cela cause non seulement des difficultés pour chaque membre, mais aussi de temps en temps, pour le bureau du whip, selon le parti dont vous êtes membre. Par ailleurs, je n'aime pas que le président d'un comité me demande de trouver un substitut.
Si je comprends bien, le règlement et les conventions de la Chambre n'autorisent pas un sous-comité à siéger en même temps qu'un comité permanent. Bien qu'il s'agisse de l'une des conventions de la Chambre, elle n'est pas toujours respectée.
Étant donné que le sous-comité relève du comité permanent, je demande que cette motion soit adoptée de manière que je puisse, ainsi que d'autres qui sont membres à la fois du comité permanent et du sous-comité, ne soient pas embarrassés pour trouver des substituts. Je tiens à être un bon membre d'un comité comme de l'autre et donc à savoir ce qui se passe d'une journée à l'autre. Lorsqu'une telle situation perdure, on ne sait plus ce qui se passe au sein d'un comité ou de l'autre. Je pense qu'il s'agit simplement d'une indication qu'il faudrait donner au sous-comité, lequel relève directement de ce comité.
La présidente: À titre d'information, j'aimerais dire que sur les six membres du Sous-comité sur la sécurité nationale, cinq sont également membres de ce comité.
Je sais, monsieur Langlois, que cela pose un problème pour vous demain, n'est-ce pas? Trois séances de comité sont prévues demain à la même heure. Je pense que le même problème se pose pour M. Rideout.
Votre motion a été portée à mon attention jeudi ou vendredi, tandis que le problème du calendrier de demain a été porté à mon attention hier, par notre whip, qui semblait exaspéré à cet égard.
Le Bloc a-t-il quelque chose à dire?
[Français]
M. Langlois (Bellechasse): Merci, madame la présidente. J'ai pris connaissance de la motion de mon collègue de Sarnia - Lambton et je souscris aux propos qu'il tient.
À moins de circonstances tout à fait extraordinaires et d'un consensus de tout le monde, le sous-comité ne doit pas se réunir en même temps que le comité principal. Premièrement, il y a là une question de courtoisie et je crois que vous l'avez soulignée, monsieur Gallaway. Mais il y a aussi le fait qu'on doit se préparer pour le Comité de la justice et des questions juridiques et pour l'autre comité en même temps. On est forcés de faire un choix alors que le sous-comité est une émanation du Comité permanent. On ne devrait pas être forcés de faire un choix. Que le comité se trouve donc un autre créneau, ce qui a été possible pour cette semaine. Afin de bien régler le problème, je suggère que la question soit mise aux voix lorsque les interventions seront terminées. Je voterai en faveur.
Quant à la deuxième motion que vous aviez présentée, je sais qu'elle est retirée, mais le fait d'adopter la première va, je pense, régler la deuxième. Il ne faut pas qu'un sous-comité soit pris par surprise et se retrouve avec des membres qui ne reflètent pas la composition réelle des forces politiques du pays.
Le Bloc - les réformistes parleront pour eux - n'a jamais eu l'intention de prendre un comité par surprise, mais il peut arriver qu'un seul député libéral ait pu se libérer et qu'un député bloquiste et un réformiste soient là, et que nous votions différemment de ce que la majorité normale aurait décidé. Les règles du parlementarisme, nous les jouons comme le dit le livre, même si ce livre n'a jamais été écrit.
Donc, je souscris à la motion de mon collègue de Sarnia - Lambton.
[Traduction]
La présidente: Y a-t-il des observations sur la motion numéro un?
M. Hanger: Je suis fondamentalement d'accord avec la motion de M. Gallaway. Dans la mesure du possible, il serait bon de ne pas prévoir les séances à la même heure.
La motion est adoptée par 9 voix contre aucune
La présidente: La première motion de M. Gallaway est donc adoptée.
Monsieur Gallaway, vous avez donné avis de la motion numéro deux, mais, si je comprends bien, vous voulez la déposer, pour l'instant.
M. Gallaway: Oui.
La présidente: Nous passons maintenant à une motion présentée par M. Ramsay. Elle vise la décision qui, de l'avis du Parti réformiste, est controversée. C'était la motion de M. Thompson. D'après ce que je comprends, notre greffier a contacté M. Thompson, lequel a dit que peu lui importait d'être présent ou non pour traiter de cette motion. Est-ce bien cela?
M. Ramsay (Crowfoot): J'avais compris que cette motion devait être examinée à 15 heures.
La présidente: Oh, je l'ai sous les yeux maintenant. Voulez-vous que l'on s'en occupe plus tard? Cela m'importe peu.
M. Ramsay: J'allais le faire plus tard.
La présidente: Certainement, cela ne me pose aucun problème. Cela pose-t-il un problème aux autres?
Mme Torsney: Y a-t-il une raison pour laquelle on ne pourrait pas s'en occuper dès que possible?
La présidente: Eh bien, si le motionnaire ne le veut pas, je crois que nous pouvons...
M. Ramsay: Je me serais préparé ce matin, mais cela n'était pas inscrit à l'ordre du jour.
La présidente: Pas de problème. Vous pouvez vous en occuper cet après-midi.
M. Ramsay: C'est entendu. Merci, madame la présidente.
La présidente: L'ordre du jour de cette séance est maintenant épuisé, mais nous avons une séance du comité de direction. Si mes collègues sont disponibles, nous pourrions nous réunir maintenant de manière à ce que tout le monde puisse être libéré un peu plus tôt ce matin. Nous allons juste lever la séance une minute et nous rassembler de nouveau pour le comité de direction.
Une voix: Notre document n'est pas prêt.
La présidente: Je suis désolée. Il semble donc que nous ne puissions pas nous réunir, puisque le document n'est pas prêt. Il faudra se réunir à 11 heures. Le document n'étant pas prêt, le comité de direction se réunira à 11 heures.
La séance est levée.