[Enregistrement électronique]
Le mardi 5 novembre 1996
[Traduction]
La présidente: Nous devons examiner aujourd'hui trois mesures législatives: le projet de loi C-17, le projet de loi C-27 et le projet de loi C-235, qui est le projet de loi d'initiative parlementaire de Mme Gagnon.
Nous accueillons des représentants de l'Association du Barreau canadien: Tamra Thomson, directrice de la législation et de la réforme du droit et M. Sheldon Pinx, président de la Section nationale de droit pénal.
M. Ramsay (Crowfoot): Madame la présidente, j'invoque le Règlement. Quand allons-nous examiner la motion?
La présidente: J'ai pensé que nous pourrions le faire une fois nos invités partis, si cela vous convient.
M. Ramsay: Très bien.
La présidente: Devez-vous partir tôt?
M. Ramsay: Non, ça va.
La présidente: D'accord.
Madame Thomson.
[Français]
Mme Tamra Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien): Merci, madame la présidente. L'Association du Barreau canadien est une association nationale regroupant plus de 34 000 juristes à travers le Canada. Notre présentation a été préparée par la Section nationale de droit pénal. La Section nationale représente les avocats et avocates exerçant en droit pénal dans l'ensemble du Canada. La section se compose d'avocats et d'avocates de la Couronne et de la défense.
[Traduction]
L'un des principaux objectifs de l'Association du Barreau canadien est de contribuer à l'amélioration des lois et de l'administration de la justice. C'est dans ce contexte que nous sommes heureux de vous présenter aujourd'hui nos exposés au sujet des projets de loi C-17 et C-27.
Je vais maintenant céder la parole à mon collègue, M. Pinx, qui est le président de la Section nationale de droit pénal.
La présidente: Je constate que vous avez deux mémoires. Par conséquent, nous examinerons peut-être le projet de loi C-17 après la période de questions. Cet arrangement vous convient-il?
Mme Thomson: Notre déclaration préliminaire porte sur les deux projets de loi, et nous sommes disposés à répondre aux questions sur les deux mesures.
La présidente: D'accord, merci.
M. Sheldon Pinx (président, Section nationale de droit pénal, Association du Barreau canadien): Je vous remercie beaucoup de nous accueillir aujourd'hui. J'espère que nos vues sur certaines de ces questions vous seront utiles dans vos délibérations sur ces deux mesures législatives.
Je parlerai d'abord du projet de loi C-27. La section nationale de droit pénal appuie un certain nombre d'améliorations importantes à la législation traitant de la prostitution chez les enfants, du tourisme sexuel impliquant des enfants, du harcèlement criminel et de la mutilation des organes génitaux féminins. Cela dit, nous avons deux sujets de préoccupation concernant l'imposition de peines minimales obligatoires.
Depuis toujours, l'Association du Barreau s'oppose à l'imposition de peines minimales obligatoires. Nous avons toujours estimé que, dans le contexte de l'évaluation des questions relatives à l'imposition des peines dans notre système judiciaire, il était préférable de laisser aux juges une grande latitude pour traiter de chaque cas à la lumière des circonstances et des faits pertinents.
Cela dit, il importe aussi de reconnaître que la discrétion judiciaire existe pour une très bonne raison. Elle permet aux juges non seulement de déterminer la peine et de s'assurer qu'elle correspond au crime, mais aussi qu'elle est bien adaptée au contrevenant. Voilà pourquoi nous avons toujours préconisé un régime législatif qui reconnaîtrait cet élément particulier.
Je voudrais parler précisément du premier amendement. D'ailleurs, cela porte sur ce que j'appelle l'élargissement de l'infraction pour l'étendre à ceux qui vivent des produits de la prostitution impliquant des jeunes de moins de 18 ans. En tant que section, nous favorisons un libellé d'une plus grande portée qui s'appliquerait non seulement au fait de vivre des produits de la prostitution, mais aussi au fait d'aider et d'encourager, aux fins de profits, ce type de conduite en particulier, ainsi que d'user de violence, d'intimidation ou de contrainte ou de tenter ou de menacer de le faire pour obtenir un avantage indu, qui, en l'occurrence, est un profit monétaire.
Nous convenons que cela est important et nécessaire et représente un progrès à bien des égards dans ce domaine. Cela dit, nous ne sommes pas en faveur de l'amendement qui suggère une peine d'emprisonnement minimale de cinq ans pour les personnes reconnues coupables de cette infraction. Comme je l'ai dit dans mon préambule, nous ne pensons pas qu'une telle peine soit nécessaire. Il est évident qu'aux yeux du Parlement, il s'agit là d'une infraction très grave. En effet, elle est assortie d'une peine maximale de 14 ans, ce qui ne manquera pas de faire comprendre à tout juge chargé d'imposer la peine qu'il s'agit d'un crime très grave. Nous estimons qu'au bout du compte on devrait être confiant que les juges, avec l'aide des procureurs assignés à ces causes, prononceront une peine parfaitement adaptée aux circonstances.
Parallèlement, il peut y avoir des cas exceptionnels, des circonstances particulières, un cas unique où, pour le contrevenant en question, une peine de cinq ans d'emprisonnement serait excessive. Pour toutes ces raisons, nous ne sommes pas en faveur de cet aspect particulier de la mesure.
Je voudrais maintenant aborder les dispositions concernant le harcèlement criminel. Nous appuyons le fait que le tribunal traitera le harcèlement criminel commis par une personne faisant l'objet d'une ordonnance de ne pas faire ou d'un engagement à ne pas troubler la paix publique comme une circonstance aggravante lors de la détermination de la peine, car cela nous apparaît conforme aux principes pertinents de détermination de la peine. Il s'agit manifestement d'une circonstance aggravante, et le fait que le Parlement souhaite le reconnaître s'inscrit dans la pratique déjà acceptée par les tribunaux.
Cependant, nous craignons que cette infraction en particulier - c'est-à-dire le harcèlement criminel suivi d'un meurtre - soit assimilée à un meurtre au premier degré, indépendamment du fait que ce meurtre ait pu être prémédité.
Cela soulève à nos yeux certaines préoccupations pour les raisons suivantes. Premièrement, dans la plupart des cas, on constatera des incidents répétitifs de harcèlement criminel, de sorte qu'on pourra démontrer des éléments de planification et de préméditation. Dans la plupart des cas, ces éléments seront présents et, pour cette raison, nous ne pensons pas qu'il soit nécessaire d'adopter un régime qui assimilerait chaque meurtre au second degré à un meurtre au premier degré du simple fait d'antécédents de harcèlement criminel.
Deuxièmement, bon nombre des infractions qui entrent maintenant dans la catégorie des meurtres au second degré sont des cas où le prévenu a commis des actes irréfléchis à la suite d'une impulsion ou d'une perte soudaine de contrôle, ce qui demeure conforme à la définition de meurtre au second degré, mais qui n'a rien à voir avec la notion de planification, de préméditation ou de réflexion préalable au sujet de l'acte criminel qui est survenu ou de ses conséquences. Ce que nous craignons, c'est que des cas où on souhaitait de propos délibéré commettre un meurtre, sans plus, seront maintenant considérés comme des meurtres au premier degré assortis d'une peine minimale de 25 ans avant qu'il soit possible d'obtenir une libération conditionnelle, par opposition à une peine minimale de dix ans.
En outre, dans le contexte des poursuites liées à ce genre d'acte criminel - évidemment, si le Parlement adopte cette mesure - , la Couronne pourra, pratiquement d'office, faire valoir toute l'histoire des relations entre l'accusé et la victime. À l'heure actuelle, la présentation de ce genre de preuve serait interdite aux termes d'un voir-dire pour déterminer si sa valeur est suffisamment probante pour être admise à un procès pour meurtre au second degré. Est-ce pertinent? Est-ce probant? Si c'est le cas, sa valeur préjudiciable excède-t-elle sa valeur probante? Ce serait au premier juge de répondre à toutes ces questions.
Rien de tout cela ne se produirait en vertu du système proposé car une preuve qui pourrait manifestement être préjudiciable au droit de l'accusé à un juste procès serait automatiquement admissible aux yeux de la Couronne parce que nécessaire pour prouver qu'il y a eu harcèlement criminel. Et pour en faire la démonstration, il faudra présenter ce genre de preuve.
Ce que nous craignons, entre autres, c'est que l'on présente comme meurtres des cas qui autrement auraient pu être présentés comme des homicides en raison du caractère préjudiciable potentiel de la preuve présentée au procès. Cela pourrait influencer un jury, sans que ce soit l'intention des procureurs. Cependant, en dépit de toute intention en ce sens de leur part, cela risque d'être l'effet fortuit de la présentation de ce genre de preuve. En théorie, il se pourrait qu'un homicide involontaire se transforme en meurtre et qu'un meurtre se transforme en meurtre au premier degré, et non au second degré.
À cet égard, cette disposition en particulier couvre toutes sortes d'agissements assimilés au harcèlement criminel. Un contrevenant peut se livrer à des agissements mineurs qui constituent un harcèlement criminel. D'autres agissements, beaucoup plus graves, relèvent également du harcèlement criminel. Il pourrait arriver que des agissements répréhensibles mineurs qui, en soi, seraient passibles d'une amende s'ils faisaient l'objet de poursuites distinctes, deviennent le fondement d'une accusation de meurtre au premier degré.
Enfin, nous estimons que la gamme des peines de 10 à 25 ans que peut imposer un juge de première instance dans les cas de meurtre au second degré lui permet, face à des circonstances aggravantes comme des agissements répétés de harcèlement criminel dont la Couronne aurait fait la preuve, d'interdire la libération conditionnelle après 10 ans d'incarcération et de reporter plutôt cette dernière à 25 ans environ.
Pour toutes ces raisons, nous estimons qu'il n'est pas nécessaire de créer ce nouveau crime de meurtre au premier degré. À notre avis, la législation existante est suffisante. Chose certaine, il est possible que des injustices soient commises à la suite du changement proposé à la loi.
Je voudrais maintenant aborder trois domaines du projet de loi C-17. Nous avons choisi ces trois domaines car nous espérons qu'ils nous permettront de présenter certaines réserves importantes que nous avons à l'égard de certaines dispositions de la mesure.
Je parlerai tout d'abord de l'article 15, qui porte sur l'occupant(e) d'un véhicule volé. Pour ceux d'entre vous qui ont notre mémoire, c'est à la page 6.
Nous avons deux réserves principales à l'égard de cette disposition. Nous croyons savoir qu'elle a été rédigée, entre autres, à cause des nombreux problèmes que causent les jeunes qui volent des voitures. Ils agissent en groupe, ils quittent le lieu du crime et il est difficile de savoir qui étaient précisément le conducteur et l'occupant. C'est apparemment à cause de ce problème qu'on a formulé cette disposition.
Comme je l'ai dit, nous avons une double préoccupation. À notre avis, cet amendement ne semble pas remédier aux problèmes liés aux notions d'intention coupable et d'acte coupable.
Le fait d'occuper un véhicule n'implique pas automatiquement la prise de possession dudit véhicule. Nous croyons que la loi devrait exiger une preuve de participation au lieu de criminaliser une acceptation passive. En effet, cette disposition en particulier permettrait que l'on trouve coupable d'une infraction aux termes du Code criminel le passager d'une voiture volée qui n'a absolument pas participé à son vol, mais qui se trouve tout simplement à son bord.
Une exception est permise en ce sens que le contrevenant peut invoquer pour sa défense qu'il a pris des mesures raisonnables pour quitter le véhicule. Si ces motifs sont jugés raisonnables, évidemment sa défense sera acceptée. Cependant, je pense qu'on perd de vue une question très importante, soit qu'à l'occasion, les adolescents ne pensent pas de la même manière que nous, les adultes. Sans vouloir leur manquer de respect, les adolescents n'afficheront pas la même maturité qu'un adulte dans certaines circonstances.
Les jeunes, précisément à cause de ce manque de maturité, ne songeront pas à quitter le véhicule comme le projet de loi l'exige. Cependant, on ne devrait pas pour autant criminaliser des erreurs de jeunesse. Voilà ce qui motive nos réserves à l'égard de cette disposition en particulier.
J'aimerais maintenant parler des perquisitions urgentes. Il en est question à la page 14 de notre mémoire sur le projet de loi C-17. Nos préoccupations à l'égard de cette disposition en particulier sont motivées par les raisons suivantes. Au Canada, la législation actuelle, sans oublier les cas entendus par la Cour suprême dans ce domaine, à commencer par Hunter v. Southam et bien d'autres, exige l'obtention d'un mandat en bonne et due forme avant toute perquisition. C'est la loi. Selon l'interprétation actuelle de la loi, c'est uniquement dans des cas rares et exceptionnels que les forces policières devraient être autorisées à mener des perquisitions dans ce que nous appelons des situations urgentes.
En l'occurrence, c'est l'utilisation de l'expression «difficilement réalisable» qui fait problème. Tout d'abord, on ne donne pas de définition de ce qui constitue des situations urgentes. Autrement dit, le projet de loi ne précise pas ce qu'englobe ce terme. À mon avis - et c'est aussi l'avis des membres de ma section - , on ne transmet pas aux autorités policières le message que cette disposition doit s'appliquer de façon restrictive. Elle doit être interprétée très étroitement afin de ne pas leur permettre d'y voir un autre moyen d'obtenir un mandat de perquisition. Cette disposition devrait plutôt s'appliquer uniquement aux cas très exceptionnels où il ne leur est pas possible d'obtenir un mandat.
Outre le fait qu'on ne définit pas les situations urgentes, on n'envisage pas la possibilité qu'on puisse avoir recours à une stratégie policière qui encouragera la police à ne pas obtenir de mandat. La stratégie employée par la police pour mener une enquête en particulier peut avoir pour résultat, par exemple, qu'ils n'auront pas suffisamment de temps pour obtenir un mandat. Nous estimons qu'on ne saurait invoquer des stratégies policières, qui peuvent être formulées avant une enquête, pour justifier l'impossibilité d'obtenir un mandat. Si les autorités policières sont forcées d'invoquer l'argument de l'urgence parce qu'elles ont choisi une technique d'enquête en particulier, nous estimons alors qu'elles ne devraient pas être autorisées à invoquer cet argument.
J'aborderai maintenant un dernier point - d'ailleurs, je crois que j'arrive au bout de mes commentaires - , soit les pouvoirs de saisie élargis, dont il est question à la page 16 de notre mémoire. Il s'agit de l'article 48 du projet de loi. À première vue, cette disposition peut sembler raisonnable, en ce sens qu'on souhaite autoriser les policiers qui ont déjà pénétré dans une habitation au moyen d'un mandat à saisir d'autres objets dont ils ont lieu de croire qu'ils ont été ou qu'ils seront utilisés pour la perpétration d'un acte criminel.
Nous craignons que les policiers se servent de cette disposition pour mener des fouilles à l'aveuglette, qu'ils pénétreront dans des habitations sur la foi d'un mandat de perquisition et qu'ils l'élargiront au point où ils ne saisiront pas uniquement des objets bien en vue. Nous craignons que les policiers en profitent pour faire l'inventaire de toute la maison, vérifier le magnétoscope, la télévision, commencer à communiquer par téléphone des numéros de série, examiner les étiquettes des vêtements, transmettre des rapports à la station de police pour demander qu'on vérifie le dossier pour voir si on n'aurait pas signalé la perte d'autres manteaux et objets de ce genre. À notre avis, le problème tient au fait qu'on aura un mandat délivré dans un but précis que les policiers pourront ensuite élargir et utiliser à des fins beaucoup plus vastes.
Nous pensons que l'objet de cette disposition est de permettre la saisie d'autres objets bien en vue. La police fait une perquisition à la recherche d'objets volés et voit sur une table un sac de marijuana. Pas de problème, ils devraient être en mesure de saisir la marijuana en question puisqu'elle est bien en vue. Donc, nous pensons que la mesure devrait être libellée de façon à restreindre les pouvoirs de saisie élargis aux objets bien en vue. Selon nous, il serait souhaitable que les policiers soient tenus d'obtenir un nouveau mandat pour justifier la saisie de tout objet qui ne serait pas bien en vue.
Voilà nos commentaires au sujet des deux projets de loi. J'espère que je pourrai vous être utile en répondant à vos questions.
La présidente: Merci.
[Français]
M. Bellehumeur (Berthier - Montcalm): J'aimerais tout d'abord vous remercier pour la présentation de vos deux mémoires. Je sais que l'Association du Barreau canadien présente habituellement des mémoires bien structurés et il est dommage que nous n'ayons pas eu le temps de les lire en détail afin de vous poser des questions plus pertinentes.
Je vais tout de même vous poser deux petites questions particulièrement sur le projet de loi C-27, parce que votre mémoire sur le projet de loi C-17 est plus clair pour moi et que sa lecture répondra à mes questions.
En ce qui concerne le projet de loi C-27, vous avez dit deux choses sur lesquelles j'aimerais que vous vous expliquiez. La première question concerne la peine minimale de cinq ans. Je comprends que le Barreau soit contre le principe d'une peine minimale. Ne croyez-vous pas, cependant, que cette peine minimale obligatoire de cinq ans serait un message envoyé aux gens qui vivent de la prostitution d'une autre personne âgée de moins de 18 ans et qui sauraient ainsi que leur crime est considéré comme étant très grave?
Est-ce que vous ne pensez pas, également, que le législateur a voulu dans ce cas-ci imposer une peine minimale de cinq ans pour indiquer la gravité de l'infraction?
[Traduction]
M. Pinx: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il se peut que dans certains cas une peine de cinq ans, ou encore une peine d'emprisonnement plus longue soit nécessaire. De même, il peut y avoir de nombreux cas où une peine inférieure à cinq ans serait juste et appropriée compte tenu non seulement des circonstances de l'infraction, mais aussi du cas particulier du contrevenant. Permettez-moi de vous donner un exemple de cela.
Il y a bien des années, le Parlement a adopté une mesure imposant une peine minimale d'emprisonnement de sept ans pour l'importation de stupéfiants. Autrement dit, toute personne important des stupéfiants était passible d'une peine de sept ans de prison. Cette loi a finalement été abrogée par la Cour suprême du Canada, qui a invoqué qu'elle représentait une peine cruelle et inhabituelle. Le tribunal a fait valoir qu'en théorie, quelqu'un pourrait importer une seule cigarette de marijuana et être passible de sept ans d'emprisonnement.
Je n'essaie aucunement de minimiser ce genre d'infraction, et je ne voudrais pas qu'on interprète mes propos en ce sens. Il s'agit d'une infraction très grave. Cependant, il peut arriver qu'un très jeune contrevenant commette ce genre de crime avec une jeune victime. Dans le contexte du nouveau régime de détermination des peines prévu par le projet de loi C-41, le Parlement a demandé aux juges non seulement de tenir compte des circonstances aggravantes, mais aussi d'envisager d'autres solutions que l'emprisonnement, au besoin, et au cas où celles-ci seraient souhaitables.
Nous estimons donc que le fait de laisser aux juges toute latitude en pareil cas répondra à vos préoccupations. Les pires cas méritent un châtiment sévère. Cependant, dans les cas où le contrevenant ne mérite peut-être pas un châtiment aussi rigoureux, on devrait laisser aux juges la possibilité de rendre une décision adaptée à ce cas également.
[Français]
M. Bellehumeur: Vous avez fait allusion à une infraction qui consiste à importer et posséder de la marijuana, pour laquelle on imposait une peine minimale de sept ans que les juges ont jugé trop longue. Cette peine n'a d'ailleurs pas été entérinée par la Charte. Est-ce que vous croyez que ce projet de loi, tel qu'il est rédigé présentement, pourrait être repoussé par les tribunaux supérieurs, qui jugeraient que cette peine de cinq ans est trop lourde pour ce genre d'infraction?
[Traduction]
M. Pinx: Il y a deux semaines, un juge de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse a annulé la peine minimale de quatre ans prévue pour usage d'une arme à feu dans la perpétration d'un acte criminel. Si vous me demandez si cette possibilité existe, elle existe certainement. Quant à savoir si c'est ce que ces tribunaux feront, je n'en sais rien.
Essentiellement, le tribunal doit, d'une part, tenir compte du message que le Parlement souhaite transmettre, qui est, ne faites pas cela... On espère que l'imposition de peines plus longues va dissuader les gens de se livrer à de telles activités. D'autre part, l'imposition de longues peines minimales risque de créer des injustices dans certaines circonstances. Voilà pourquoi nous préconisons de laisser aux juges toute latitude pour imposer les peines.
[Français]
M. Bellehumeur: On devrait donc rédiger l'article en donnant une peine maximale de 14 ans. Quiconque serait coupable d'un acte criminel serait donc passible d'un emprisonnement de 14 ans au maximum. Il y aurait donc un maximum et pas de minimum.
[Traduction]
M. Pinx: La peine maximale... À mon avis, ce qu'on pourrait faire, c'est dire aux juges qu'en présence de circonstances aggravantes, ils devraient être plus sévères. Comme vous le savez, le projet de loi C-41 renferme une liste de circonstances aggravantes. Je pense que ce serait un principe valable: l'exploitation des enfants dans un but criminel, quel qu'il soit, devrait être considérée comme une circonstance très aggravante qui devrait figurer sur cette liste au moyen d'un amendement au projet de loi C-41 qui a maintenant force de loi.
La présidente: Merci. Il vous reste environ trois minutes et demie.
[Français]
M. Bellehumeur: Au sujet de ce même projet de loi, j'ai une autre question concernant la la mutilation des organes génitaux féminins, dont vous parlez au point IV de votre mémoire. Vous indiquez dans votre mémoire que la mutilation des organes génitaux féminins est prohibée et constitue une offense grave.
Je vais donc vous poser la même question que j'ai déjà posée à M. Roy, un haut fonctionnaire du ministère de la Justice, lorsqu'il est venu témoigner. À votre avis, une personne peut-elle accepter de subir ces pratiques criminelles?
[Traduction]
M. Pinx: Non, dans la cause R. c. Jobidon, la Cour suprême du Canada a dit clairement qu'on ne pouvait consentir à l'imposition de lésions corporelles sur sa propre personne, mais cela concerne uniquement les lésions corporelles. Évidemment, les voies de fait graves sont un cran plus haut que les lésions corporelles, de sorte qu'à mon avis, la législation actuelle interdit manifestement ce genre de défense. Le consentement aux lésions corporelles ne saurait être invoqué comme défense.
[Français]
M. Bellehumeur: Donc, à l'heure actuelle, nous sommes d'accord sur la loi. L'excision est, dans la loi actuelle, considérée comme une voie de fait grave. C'est donc interdit et une personne, qu'elle ait 16 ans ou 19 ans, ne peut donner son consentement à une telle pratique. Est-ce que j'ai bien interprété la disposition?
M. Pinx: Yes.
M. Bellehumeur: Oui? Mais je trouve étrange que le projet de loi prévoie maintenant qu'une femme de 18 ans puisse donner son consentement pour se faire exciser, et ce, avec la bénédiction du ministère de la Justice. D'après le projet de loi C-27, elle pourrait donc, à partir de l'âge de 18 ans, donner son consentement à de telles pratiques criminelles.
[Traduction]
M. Pinx: Ce n'est pas ainsi que je l'interprète. À mon sens, il est clair que les enfants... Il n'est dit nulle part dans le projet de loi qu'une personne de plus de 18 ans peut donner son consentement. Évidemment, il y a le cas de l'exception médicale, mais c'est tout à fait différent. Une exception médicale très restreinte est prévue, mais ce n'est pas la même chose que de dire qu'on peut supposer implicitement que les femmes de plus de 18 ans peuvent consentir à des voies de faits graves ou à des lésions corporelles.
Je n'interprète pas cette disposition de cette façon. Je crois qu'en l'occurrence, la mesure transmet un message très clair. D'après ce que je sais de l'histoire de cette activité en particulier, il s'agissait de parents qui encourageaient leurs enfants. Le message est clair. On dit aux parents d'oublier le consentement des enfants. On le dit d'entrée de jeu. Passons maintenant à l'autre question, soit que la loi actuelle, d'après les rédacteurs du projet de loi, s'applique aux adultes. Il n'est pas nécessaire de le préciser dans le projet de loi, car ils sont déjà protégés par la common law. Voilà comment j'interprète le projet de loi.
[Français]
M. Bellehumeur: Je dépasse peut-être mon temps de parole, mais je voudrais dire qu'à l'article 5 du projet de loi, on fait allusion à l'excision des enfants. Est-ce que vous avez le projet de loi devant vous? Vous pouvez voir, à la page 6, le paragraphe 286(4) proposé concernant le consentement. On y dit clairement, et je cite:
(4) Pour l'application du présent article et de l'article 265, ne constitue pas un consentement valable à l'excision, à l'infibulation ou à la mutilation totale ou partielle des grandes lèvres, des petites lèvres ou du clitoris celui que donne une personne âgée de moins de 18 ans ou qu'une autre personne donne pour elle.
A contrario, peut-on donner son consentement si on a 18 ans?
[Traduction]
M. Pinx: Je suis désolé, je ne comprends pas votre question. Parlez-vous du passage «que donne une personne âgée de moins de 18 ans ou qu'une autre personne donne pour elle»? Le paragraphe 4 aborde le consentement d'une jeune personne pour préciser qu'elle ne peut le donner. Un parent ne peut donner un consentement au nom d'une jeune fille.
[Français]
M. Bellehumeur: Oui, mais à 18 ans, on peut donner son consentement.
[Traduction]
M. Pinx: Il peut y avoir consentement, mais ce n'est pas une défense. Le consentement de la personne à l'application de lésions corporelles n'est pas une défense pour vous, si c'est vous qui en êtes l'auteur.
Si vous vous livrez à une telle activité à l'endroit d'une personne de plus de 18 ans, cette personne ne peut consentir, et le consentement n'est pas une défense que vous pouvez invoquer. Voilà toute la question. Si vous voulez savoir si le consentement est une défense, ce n'en est pas une. La Cour suprême du Canada affirme qu'une victime adulte ne saurait consentir à des lésions corporelles.
La présidente: Voulez-vous réfléchir à cela quelques instants pendant que je permets d'autres questions?
[Français]
M. Bellehumeur: Je dis cela parce que votre interprétation de cet article n'est pas la même que celle de Me Roy.
Me Roy disait clairement qu'une femme de 18 ans pouvait donner son consentement pour se faire exciser et que la personne qui pratiquait cette opération, médecin ou charlatan, ne pourrait être poursuivie. Certains ne sont pas d'accord et Me Roy a même dit qu'il proposerait un amendement pour que tout cela soit plus clair.
[Traduction]
La présidente: Je vais vous laisser répondre, monsieur Pinx, mais je pense qu'il y a un malentendu. Répondez, et ensuite nous essayerons de régler cela avec le secrétaire parlementaire, si vous ne voyez pas d'objection.
M. Pinx: Je crois que nous nous sommes mal compris. Je parle d'un consentement qui serait donné non pas à un médecin, mais à une tierce personne qui n'est pas un médecin et qui souhaiterait pratiquer cette intervention. Vous avez raison, il y a une exception dans le cas d'un médecin. Il est possible de donner son consentement à un médecin qui juge cette intervention nécessaire pour la santé physique de son patient, mais uniquement dans ce cas très exceptionnel.
La présidente: Rien dans le projet de loi ne modifie le common law...
M. Pinx: Précisément.
La présidente: ...telle qu'elle s'applique à une personne de plus de 18 ans ou de moins de 18 ans, sauf que... Je pense que l'interprétation correcte serait que le projet de loi établit que quelqu'un d'autre ne peut donner son consentement à la place d'une personne qui a) a moins de 18 ans et b) ne peut donner son consentement.
Nous pouvons obtenir le compte rendu où figure le témoignage en question, et je pense que le secrétaire parlementaire voudra dire quelques mots à ce sujet à la fin.
M. Pinx: Je voulais simplement ajouter que M. Roy et moi-même sommes rarement en désaccord.
La présidente: Merci. Voilà qui est typique d'un criminaliste.
Monsieur Ramsay.
M. Ramsay: Merci, madame la présidente.
Je tiens à remercier nos invités de leur témoignage.
J'aimerais aborder l'article 23 du projet de loi C-27 et votre objection à l'imposition de peines minimales de cinq ans. Cette peine minimale de cinq ans ne serait pas là si le gouvernement ne voulait pas livrer aux tribunaux, à vous-mêmes et à nous tous Canadiens le message qu'il souhaite protéger les enfants de ce genre de comportement et que quiconque envisage de se livrer à ce genre d'activité devrait savoir dans quoi il s'embarque.
J'appuie résolument cette partie du projet de loi. En fait, cette disposition en particulier devrait s'appliquer non seulement aux personnes qui ont recours à la violence, à l'intimidation ou à la coercition pour forcer des jeunes à se prostituer, mais aussi à ceux qui se serviraient de bonbons pour amener des fillettes ou de jeunes garçons vers la prostitution.
Il est intéressant de constater que dans le projet de loi C-17, le gouvernement réduit les peines maximales pour certaines infractions du Code criminel. Pourquoi? Les fonctionnaires du ministère nous ont expliqué que ces dispositions, dont certaines prévoient des peines maximales de 14 ans, n'ont jamais été utilisées. Pour accélérer le processus judiciaire et réduire les coûts, ils souhaitent recourir à la déclaration sommaire de culpabilité.
D'une part, le gouvernement réduit les peines maximales, notamment par le biais d'une double procédure et, d'autre part, tout en signalant qu'il est disposé à abaisser la peine maximale dans ce domaine, dans ce cas particulier, alors que nos enfants sont en jeu, le ministre de la Justice et le gouvernement du Canada tiennent à faire savoir à tous, et en particulier aux proxénètes, que s'ils touchent à nos enfants, ils devront subir toute la rigueur de la loi.
Je suis tout à fait en faveur de cela, et je comprends les explications que vous avez données au comité à l'appui de votre recommandation de ne pas imposer de peine minimale pour cette infraction en particulier, mais que devraient faire les législateurs pour protéger nos enfants? L'incident récent survenu à Kirkland Lake montre que nous devons avoir les outils pour contrer ce phénomène. Nous devons donner aux forces policières les outils voulus et aux tribunaux les directives qui s'imposent pour protéger nos enfants.
Je comprends que le fait d'imposer des peines minimales restreint la latitude des tribunaux. Je le comprends, mais je pense que cela se justifie dans certains cas. Et en ce qui a trait à votre recommandation, j'estime que dans ce cas particulier, lorsqu'il y va de nos enfants, cela est justifié.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, j'irai même plus loin. Je pense que tous ceux qui incitent des enfants à se prostituer, que ce soit en recourant à l'intimidation, à la force ou à la coercition, devraient recevoir la même peine. Peu m'importe comment ils s'y sont pris pour les amener à se livrer à cette odieuse activité, les responsables devraient être passibles de sanctions extrêmement rigoureuses.
Avez-vous des observations? Je voudrais vous donner l'occasion de commenter mes propos.
M. Pinx: Vous avez entendu mon opinion et vous avez pu lire cette opinion, qui est partagée par les membres de notre section. Manifestement, vous et moi avons un différend philosophique.
Au bout du compte, nous visons le même objectif, mais nous différons sur les moyens à prendre pour l'atteindre. Nous n'avons pas de désaccord quant à la nature de l'infraction. Personnellement je trouve aussi que c'est un crime odieux.
Je suis moi-même parent, et, en tant que parent, je comprends comment un parent réagirait devant cette exploitation de leurs enfants par des tiers. Même si je suis un avocat de la défense, en tant que citoyen d'une collectivité et d'un pays comme le Canada, je suis tout à fait à même de comprendre l'horreur liée à l'exploitation des enfants. Je ne suis pas en désaccord avec vous là-dessus. D'ailleurs, j'adhère complètement à ce que vous avez dit au sujet de la nature de cette infraction, mais à notre avis, il n'est pas nécessaire d'imposer une peine minimale pour réprimer ce genre de crime.
Permettez-moi de vous donner un exemple. On pourrait faire valoir qu'un homicide involontaire, qui implique la mort d'un être humain, est tout aussi grave, sinon plus grave, dans l'esprit de nombreux citoyens canadiens. Je vous invite à lire le Code criminel. Prévoit-on une peine minimale pour homicide involontaire? Non, et la raison en est que nous reconnaissons tous que même lorsque quelqu'un a été tué, des circonstances exceptionnelles peuvent, dans certains cas, faire en sorte qu'il ne soit pas nécessaire d'emprisonner le contrevenant.
Nous avons pu le voir dans des cas de violence conjugale. La femme victime de mauvais traitements, se trouve condamnée pour homicide involontaire ou quelque chose du genre, et à l'étape de l'atténuation de la peine, l'avocat fait valoir qu'elle a été victime de sévices horribles pendant des années, qu'il s'agissait d'un crime non prémédité - c'était un homicide involontaire - et que compte tenu de ces circonstances uniques, elle ne devrait pas être emprisonnée.
Il ne vous viendrait pas à l'idée qu'un juge ne puisse user de pouvoirs discrétionnaires dans un cas comme celui-là. Tout ce que nous disons, c'est qu'il est possible que dans un ou plusieurs cas, un contrevenant de 18 ans, sans casier judiciaire, s'écarte du droit chemin et incite une jeune fille de 17 ans à se prostituer.
Qu'on ne s'y méprenne pas, je ne dis pas que c'est bien. C'est un crime répréhensible, mais certains d'entre nous pourraient, à la réflexion, se demander si une peine d'emprisonnement de cinq ans pour un crime de ce genre ne serait pas trop longue pour un contrevenant de 18 ans dont c'est la première infraction. Tout ce que nous disons, c'est que face à un crime dont personne ne nie la gravité, on devrait quand même tenir compte du cas particulier du contrevenant, lequel, dans certaines circonstances, justifierait une peine beaucoup moins longue que celle qui est proposée.
En ce qui concerne l'autre point que vous avez soulevé, et j'estime que vous critiquez les infractions hybrides que le Parlement propose dans une autre partie du projet de loi C-17, je ne suis pas d'accord avec vous. À mon avis, le Parlement ne devient pas plus indulgent à l'égard de la criminalité. Il dit simplement que l'on peut faire une mise en accusation et obtenir quand même la peine maximale, ou demander la peine maximale dans une affaire sérieuse; on peut procéder autrement et obtenir, toujours par mise en accusation, une peine plus élevée, mais inférieure à la peine maximale demandée au départ; on peut aussi recourir à une procédure sommaire.
Le Parlement donne tout simplement à la Couronne - c'est-à-dire nos représentants - un pouvoir discrétionnaire. Il ne crée pas une peine inférieure. Il permet à la Couronne d'exercer un pouvoir discrétionnaire de procéder d'une certaine façon, ce qui, le cas échéant, pourrait entraîner une peine inférieure. Pourquoi? Parce que les représentants que vous et moi payons pour comparaître en notre nom au tribunal, ont choisi, en vertu de leur pouvoir discrétionnaire, que ce serait une façon juste et équitable de procéder dans un cas donné.
Je suis sûr que nos procureurs de la Couronne font leur travail. J'espère que vous aussi. Par conséquent, je ne pense pas que le Parlement soit en train de dire à nous-mêmes et à la collectivité qu'il fait preuve de mollesse face à la criminalité. À mon avis, le Parlement adopte une démarche très intelligente en ce qui concerne les problèmes pratiques et réels de la lutte contre la criminalité dans ce pays, et il donne tout simplement à la Couronne un peu plus de latitude, ce qu'il aurait dû faire depuis longtemps.
M. Ramsay: Je comprends.
Si le Parlement du Canada, le ministre de la Justice et le ministère de la Justice étaient convaincus que le système judiciaire, y compris les procureurs de la Couronne et les tribunaux, réussit à réprimer efficacement la prostitution chez les enfants, pourquoi imposeraient-ils cette peine minimale? Il est évident que le ministère de la Justice, le ministre de la Justice et le gouvernement du Canada, si ce projet de loi est adopté, sont en train de dire qu'ils ne sont pas convaincus que les juges et les tribunaux s'attaquent assez sérieusement à ce problème; c'est un message destiné à ces derniers.
Pour nous législateurs, la seule façon de donner des instructions aux tribunaux est d'adopter des lois, et c'est exactement ainsi que j'interprète ce que nous sommes en train de faire. Cela signifie clairement que, jusqu'ici, quelqu'un dans le système judiciaire, au ministère de la Justice et au gouvernement du Canada estime que le message ne passe pas. Il faut dire aux personnes âgées de 18 ans que si elles participent à de telles activités odieuses, elles s'exposent à une peine de cinq ans. Il faut qu'elles le sachent. Si elles choisissent de le faire, elles doivent assumer les conséquences de leurs actes. Qu'y a-t-il de mal à cela, compte tenu du fait que nous devons protéger nos enfants? Pour moi, tel est l'objet de ce projet de loi; nous voulons protéger la société et assurer la sécurité de nos enfants.
Merci, madame la présidente.
La présidente: Merci.
Vouliez-vous intervenir?
M. Pinx: Non, merci.
La présidente: Très bien.
Madame Torsney. M. Telegdi a aussi une question à poser.
Mme Torsney (Burlington): Je pourrais insister longuement là-dessus, mais je ne le ferai pas; je vais cependant vous poser la question suivante.
Comme vous le dites, si une personne de 17 ou de 18 ans se retrouve dans une situation semblable, pourrait-on l'accuser d'autre chose, procéder autrement ou la condamner différemment pour la tirer d'affaire?
M. Pinx: La question que vous posez relève du pouvoir discrétionnaire de la Couronne.
Mme Torsney: D'accord.
M. Pinx: L'exemple que j'ai donné se rapporte à la situation où la Couronne choisit de procéder de cette manière...
Mme Torsney: Dès le départ.
M. Pinx: ... dès le départ. Je peux vous assurer que cela serait probablement possible si l'accusé se livrait effectivement à ce genre d'activité. La Couronne aurait du mal à justifier l'exception qu'elle accorde à une personne de 18 ans, si cette dernière commet le même crime qu'une personne de 21 ans, 25 ans ou 27 ans.
Pour répondre à votre question, les avocats de la Couronne peuvent évidemment faire preuve de créativité. Tel est en partie l'objet de la négociation de plaidoyer: essayer de trouver des solutions originales dans des affaires criminelles. Cependant, comme je l'ai dit, nos préoccupations sont réelles. Elles ne sont pas inventées par les avocats de la défense ou de la Couronne, car comme vous le savez bien, lorsque nous présentons un mémoire au nom de notre section de droit pénal, nous représentons aussi bien les avocats de la défense que ceux de la poursuite.
Notre crainte est qu'une peine de cinq ans soit excessivement cruelle et inhabituelle pour certains contrevenants. Elle pourrait être appropriée pour bien des contrevenants. Les peines exemplaires peuvent certainement être justifiées pour des infractions criminelles graves, mais il pourrait y avoir d'autres cas où la sanction est largement démesurée.
Mme Torsney: Il est intéressant de noter que, au cours de la préparation de ce projet de loi - et d'aucuns se demandaient s'il ne coûterait pas trop cher, croyez-le ou non - , certains ont estimé qu'il y avait tellement de gens qui seraient visés par cette disposition après avoir été reconnus coupables que nos prisons seraient pleines, d'où la nécessité de ne les emprisonner qu'en cas de récidive. Beaucoup d'entre nous étaient inquiets de penser à la valeur de la vie d'un enfant qui a participé à cette activité.
Après avoir parlé aux enfants des rues de Toronto, je sais que les souteneurs qui travaillent généralement avec les enfants de 11 à 13 ans... Les filles de 17 ans sont souvent autonomes et gagnent plus d'argent. Par conséquent, la disposition vise vraiment les personnes qui traitent avec des enfants beaucoup plus jeunes. Je suis moins inquiète, mais je comprends votre préoccupation.
Je voulais également vous poser une question sur le projet de loi C-27. Vous n'avez pas beaucoup parlé de l'article 5, à la page 5, où il est question du tourisme sexuel visant les enfants. Une famille de Winnipeg nous a proposé de modifier cette disposition en supprimant la notion «exploitation sexuelle commerciale» pour la remplacer par «exploitation sexuelle» des enfants. Je crois que vous présentez un argument semblable, dans la mesure où il pourrait y avoir des problèmes d'allocation de ressources, mais il y a eu des cas où des Canadiens ont commis des infractions dans un autre pays. Nous avons beaucoup de pain sur la planche, mais il reste à déterminer comment nous pouvons rédiger notre loi dans ce domaine.
Seriez-vous en faveur de ce nous appelons l'amendement Prober?
M. Pinx: Honnêtement, je n'en ai pas entendu parler jusqu'à ce que vous le mentionniez, même si je connais bien la famille dont vous parlez. Avant de me prononcer là-dessus, j'aimerais vraiment y réfléchir davantage. Je me concentre évidemment sur ce projet de loi et sur la notion de l'exploitation commerciale. Je conçois certainement que l'extension au domaine non commercial pourrait être problématique, mais j'aimerais y réfléchir davantage avant de me prononcer.
Mme Torsney: Je vous saurai gré de nous communiquer vos impressions. Je pense que le problème réside dans le fait que, dans bien des cas, il est difficile de prouver qu'il y a eu rétribution ou que l'on en a tiré un profit commercial.
Pendant que vous parliez avec mes collègues, je parcourais la première partie de votre mémoire sur le projet de loi C-17, qui comporte des changements positifs. Je voudrais simplement comprendre ce que vous avez écrit en haut de la page 2. Pourriez-vous me parler de ces situations dans un langage non juridique?
M. Pinx: Excusez-moi. De quoi parlez-vous précisément?
Mme Torsney: C'est en haut de la page 2. Je pense que les gens sont...
M. Pinx: Vous parlez de...
Mme Torsney: Cela concerne les billets de banque.
M. Pinx: L'amendement proposé découle d'une proposition que l'Association du Barreau a faite à la conférence sur l'uniformisation du droit. Je vais vous expliquer en trente secondes pourquoi on en est arrivé là.
Actuellement, il existe une disposition permettant à la police canadienne de fouiller votre maison si elle détient ce qu'on appelle un mandat de perquisition spécial dans le cadre d'une enquête sur une infraction relative aux stupéfiants ou au crime organisé. Supposons que la police découvre 100 000 $ que vous avez réussi à économiser et qu'elle saisisse des bateaux, des voitures, vos merveilleux bijoux et tout le reste, ce qui représente quelques centaines de milliers de dollars. À ce moment-là, on vous enferme parce que vous êtes considéré, disons, comme un grand caïd de la pègre. Vous n'avez pas de ressources pour payer votre avocat.
En vertu des dispositions spéciales relatives aux frais de subsistance, une fois que nous vous faisons libérer sous caution, il existe une disposition spéciale dans la loi sur les produits de la criminalité qui permet de présenter une demande à un juge de la Cour suprême. L'audience se fait ex parte, devant ce juge, et votre avocat demande que l'on vous remette l'argent, même si l'on pourrait estimer que cet argent provient de la criminalité, afin que vous puissiez subsister et payer votre avocat. Telle est la loi au Canada.
Nous avons constaté que les services de police du Canada ne demandaient pas de mandats spéciaux. Ils demandaient ce que nous appelons les mandats de perquisition classiques, les exécutaient et finissaient par vous accuser d'infractions liées au crime organisé, aux stupéfiants ou aux produits de la criminalité. La police faisait les mêmes saisies, mais étant donné qu'elles étaient assujetties à un régime de mandat différent, les prévenus ne pouvaient pas demander qu'on leur accorde de l'argent pour payer leurs avocats ou pour subsister.
Nous avons consulté des avocats un peu partout au pays. Nous avons constaté que c'est un problème assez courant à bien des endroits. Le barreau a proposé - et nous sommes très heureux de constater que la proposition a été retenue dans le projet de loi - que toutes saisies effectuées en vertu de la Loi sur les aliments et drogues, de la Loi sur les stupéfiants ou du Code criminel et entraînant le genre d'accusations dont nous parlons, donnent lieu à l'exonération que je viens de mentionner, même s'il ne s'agit pas d'un régime de mandat spécial.
Notre préoccupation réside dans le fait que cela est limité, comme vous le voyez dans le projet de loi, aux billets de banque. On mentionne ce genre de biens: de l'argent ou des billets de banque. À notre avis, le libellé des autres dispositions du Code criminel relatives aux mandats spéciaux doit tout simplement être transposé et utilisé dans ces dispositions. Il ne faudrait pas s'en tenir uniquement à l'argent en espèces ou aux billets de banque.
Vous pourriez n'avoir ni argent comptant, ni billets de banque, mais une voiture, des véhicules ou un bateau. Ce sont des biens dont vous pouvez demander la libération afin de les liquider pour atteindre les mêmes objectifs. C'est notre seule préoccupation. Nous sommes tout à fait en faveur de ce principe, mais nous pensons qu'il ne faut pas se limiter uniquement aux liquidités et aux billets de banque.
Mme Torsney: Personnellement, je n'ai jamais été impliquée dans ce genre de situation, Dieu merci; ainsi donc, en ce qui concerne les biens, faut-il les confier à un fiduciaire pour qu'il en tire un bon montant, ou pouvez-vous les vendre à rabais à votre frère, par exemple?
M. Pinx: Vous voulez parler de la procédure même?
Mme Torsney: Oui.
M. Pinx: Je crois que c'est le juge qui ordonne la libération. Le bien serait libéré - si je me trompe, mon éminent collègue du ministère de la Justice, qui est assis derrière moi, pourrait me corriger - afin que vous puissiez les vendre. C'est du moins ce que je pense.
Mme Torsney: Très bien. Eh bien, j'aurais des préoccupations et je pense que nous devrions resserrer cette disposition si nous devions y apporter une modification en ce sens.
Je vous remercie. Quelqu'un d'autre peut utiliser le reste de mon temps.
La présidente: Merci. Monsieur Telegdi.
M. Telegdi (Waterloo): Je pense que le député de Crowfoot a posé la question de savoir ce que les législateurs canadiens doivent faire pour protéger nos enfants.
Mme Torsney: Adopter la Loi sur le contrôle des armes à feu?
M. Telegdi: Eh bien, ce serait une bonne mesure. Faudrait-il l'adopter? Oui.
Je pense que nous pourrions essayer de remédier au manque de ressources dans les services sociaux afin de combattre la pauvreté chez les enfants, par exemple. J'espère que le député de Crowfoot militera en faveur de cette mesure.
Quand je lis cet article, j'ai toujours du mal à comprendre le principe des peines minimales. Quand on parle d'une peine minimale de cinq ans, cela reflète une vision très manichéiste. Il ne fait aucun doute que dans le crime organisé, il y a essentiellement des adultes, comme les motards; par conséquent, une telle peine serait appropriée. Cependant, dans bien des cas, nous avons affaire à des enfants de la rue qui ont un mode de vie pathologique. Ils ont des problèmes affectifs et psychiatriques. Ils sont toxicomanes et alcooliques.
Par conséquent, la situation devient très floue. Il pourrait y avoir des situations où l'on a eu recours à la violence. Deux personnes pourraient être impliquées. L'une pourrait avoir 16 ou 17 ans, et l'autre 18 ans. Ce sont des enfants de la rue qui entretiennent une relation quelconque. Peu importe même s'il s'agit d'un garçon ou d'une fille, car c'est pareil dans les deux cas.
Tout à coup, ces enfants ayant des problèmes incroyables sont coincés dans ce gâchis. Une peine minimale de cinq ans serait tout à fait inappropriée. Il est probable qu'ils aient un casier judiciaire, vu leur mode de vie. C'est pour cette raison que je suis beaucoup plus favorable à l'idée d'accorder un pouvoir discrétionnaire aux magistrats.
Il y a un autre problème. Je sais que certains s'opposent à ce que l'on accorde ce pouvoir discrétionnaire aux juges. Leur position est fondée davantage sur la perception que sur la réalité. La perception est que le taux de criminalité diminue. Les médias s'intéressent davantage à la criminalité que par le passé, ce qui donne l'impression que le taux de criminalité augmente. Il n'en est rien.
Je voudrais également parler des études visant à déterminer si les tribunaux font bien leur travail. Le ministre en a parlé l'autre jour à la Chambre, citant l'enquête de M. Anthony Doob sur la perception du public face à la détermination de la peine. D'après cette enquête, lorsque les gens obtiennent leurs informations des médias, ils ont tendance à penser que les tribunaux ne fonctionnent pas et que les juges n'imposent pas des peines appropriées. Par contre, les personnes qui s'informent en lisant les transcriptions des audiences judiciaires, en entendant les arguments des uns et des autres et en prenant connaissance des situations sous-jacentes ont tendance à croire que le juge est trop dur ou tout simplement juste dans la grande majorité des cas.
Ainsi donc, d'une part, nous avons des perceptions, et d'autre part, nous avons la réalité. Celle-ci est généralement grise.
Je partage votre préoccupation. J'aimerais que vous me donniez quelques exemples - j'en ai déjà parlé - d'après votre expérience auprès des tribunaux.
M. Pinx: Il est difficile de donner des exemples, car je peux vous en donner un qui penche d'un côté. Et je suis sûr que mon collègue ici présent peut vous donner un exemple qui penche de l'autre côté. La difficulté avec les exemples réside dans le fait que, à mon avis, il ne vous donne que l'application d'un principe dans un cas particulier.
Ce que nous disons au nom de notre section est une question de principe. Le principe auquel nous nous efforçons d'adhérer ne consiste pas vraiment à se fier tout simplement aux juges pour prendre la bonne décision, mais à les investir de la capacité d'infliger une peine correspondant à une situation particulière et à un contrevenant précis.
Nous reconnaissons tous, comme vous l'avez souligné - et c'est très important - que parfois, la perception et la réalité sont bien différentes. Les personnes assises autour de cette table peuvent dire ne pas pouvoir concevoir d'un cas de prostitution d'enfants auquel aurait participé un jeune de moins de 18 ans qui ne mérite pas cinq années d'incarcération. Toutefois, je peux vous dire que je pourrais vous donner des scénarios inventés et réels qui pourraient nous amener à une conclusion différente.
Je pense que ce qu'il faut vraiment décider - c'est l'objet de notre mémoire - c'est si comme comité, vous acceptez ou non, sur le plan philosophique, l'idée qu'il nous faut lier les mains du juge de façon à lui enlever toute latitude au moment de déterminer la peine. Il ne s'agit pas uniquement de ce cas-ci, car c'est le premier pas sur une pente raide: nous allons le faire ici et ensuite où le ferons-nous? Quels autres domaines sont également graves ou plus graves et nous poussent ainsi à mettre en place un régime de peine conçu en fonction de peines minimales? Un tel régime serait le contraire de celui qui permet aux juges de faire ce qui, dans la plupart des cas, je pense, est ce qu'il convient de faire.
La présidente: Merci. Monsieur Bellehumeur.
[Français]
M. Bellehumeur: J'ai les notes du mardi 1er octobre 1996, lorsque Me Yvan Roy, avocat général principal, est venu témoigner. Je veux juste qu'on se comprenne bien. À votre avis - je vous ferai part ensuite de l'opinion de Me Roy - , est-ce qu'une femme majeure pourra donner, après l'adoption du projet de loi C-27 dans sa forme actuelle, son consentement valable à l'excision?
[Traduction]
M. Pinx: Avec un médecin?
[Français]
M. Bellehumeur: Oui.
[Traduction]
M. Pinx: Avec un médecin, aux termes du paragraphe 268(3) de l'article 5 proposé...
[Français]
M. Bellehumeur: Avec un médecin ou toute autre personne.
[Traduction]
M. Pinx: Je ne vois personne d'autre; je ne vois qu'un médecin. C'est la seule exception médicale prévue.
[Français]
M. Bellehumeur: Avec un médecin, mais pas pour les motifs du paragraphe (3). Vous semblez dire que le paragraphe (4) ne sert à rien, finalement.
[Traduction]
M. Pinx: Elle ne peut consentir sans médecin. Elle ne peut consentir que si l'opération est pratiquée par un médecin «pour la santé physique de la personne ou pour lui permettre d'avoir des fonctions reproductives normales». Même le consentement ne peut être donné que dans de tels cas. Donc à mon avis, on ne peut donner son consentement qu'à un médecin et là encore, uniquement pour des raisons médicales très limitées et très précises.
[Français]
M. Bellehumeur: Le paragraphe (3) proposé dit bien que l'excision constitue une blessure et une mutilation. Il dit que l'excision est une infraction sauf dans le cas d'une opération, qui constitue une exception.
Le paragraphe (4) proposé, qui suit, concerne l'application du présent article et de l'article 265 qui nous réfère au Code criminel pour les blessures et voies de fait graves:
- ...ne constitue pas un consentement valable à l'excision, à l'infibulation ou la mutilation totale
ou partielle des grandes lèvres, des petites lèvres ou du clitoris celui que donne une personne
âgée de moins de 18 ans ou qu'une autre personne donne pour elle.
[Traduction]
M. Pinx: Je pense que la difficulté pour nous - je parle de vous et moi - c'est que nous interprétons le silence du Parlement, dans le cas d'un adulte, comme étant une autorisation implicite reconnaissant le consentement par un adulte. Or, je me permets de vous faire remarquer, monsieur, que ce n'est pas ainsi que la loi doit s'interpréter.
Le silence du Parlement dans le cas d'un adulte ouvre la voie à l'application de la common law, c'est-à-dire aux principes de l'affaire Jobidon devant la Cour suprême du Canada.
Je ne pense donc pas que vous puissiez interpréter l'absence d'instructions du Parlement comme signifiant qu'un adulte peut consentir. Ce n'est pas, en fait, ce que dit le Parlement.
[Français]
M. Bellehumeur: Je vous invite à lire le compte rendu des échanges que j'ai eus avec Me Roy le 1er octobre 1996. Je vais vous en parler un peu.
[Traduction]
M. Pinx: M. Roy était-il représenté par un conseiller juridique ou parlait-il...
Je blague. Si j'avais été là, je sais ce que je lui aurais dit.
[Français]
M. Bellehumeur: Je voudrais que vous compreniez que si vous interprétez cet article d'une façon et Me Roy d'une autre, c'est qu'il y a un problème qu'il faut éclaircir. Je lui disais que si la jeune femme ne peut pas, aujourd'hui, donner son consentement valable à des voies de fait graves en vertu de l'article 268 et qu'on considère l'excision comme étant une voie de fait grave, on pourrait aujourd'hui poursuivre la personne qui l'a commise.
J'ai dit aussi, si j'ai bien compris les amendements proposés, qu'on définit l'excision de façon très précise. De plus, le paragraphe (4) permet un consentement auquel, selon mon humble interprétation de l'arrêt Jobidon, nous ne pouvons pas avoir recours.
À cela, Me Roy a répondu que je posais la vraie question. Si on ne modifie pas l'article 268 tel que le propose le projet de loi C-27, quelle sera la situation? Le procureur de la Couronne pourrait porter une accusation en vertu de l'article 268, mais il serait confronté à la question de savoir si l'enfant ou la femme adulte a pu donner son consentement valide. Pour lui, en vertu du projet de loi C-27 tel que rédigé, la femme pourrait donner un consentement valide à l'excision. C'est un peu différent de votre interprétation.
[Traduction]
M. Pinx: M. Roy et moi-même ne partageons peut-être pas le même avis sur tout, mais je peux dire qu'à mon avis, le principe Jobidon s'applique de la même façon à un adulte et à une enfant. Tout ce que nous faisons dans cette disposition, c'est préciser très clairement qu'une enfant ne peut consentir et que personne ne peut consentir en son nom. À mon avis, c'est tout ce que veut dire le Parlement.
La présidente: La différence fondamentale dans le principe Jobidon n'est-elle pas - je parle des adultes et des enfants - qu'une personne de moins de 18 ans ne peut consentir, par exemple, à cette pratique charmante de perçage cosmétique du corps, mais qu'un adulte pourrait y consentir, car il faudrait que le tribunal définisse lésions corporelles? N'est-ce pas? Une femme adulte pourrait faire percer ses organes génitaux ou les faire tatouer, alors que dans aucune circonstance une enfant ne pourrait le faire. Je pensais que c'est à cela que vous vouliez en venir, monsieur Bellehumeur, mais je n'ai pas les bleus devant moi.
M. DeVillers (Simcoe-Nord): J'avais une question sur la peine minimale; je voulais savoir si vous considériez que cinq ans c'était trop long ou si vous vous opposiez au principe. Depuis m'être inscrit sur la liste, j'ai compris que vous vous opposez, par principe, aux peines minimales.
M. Pinx: Oui.
M. DeVillers: Il semblerait que cette question est très controversée.
Devant un comité précédent qui examinait la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, des témoins nous ont dit que la magistrature n'accordait pas la même importance aux infractions contre l'environnement. Les juges ne considèrent pas ces infractions aussi graves que celles du Code criminel qu'ils ont l'habitude de l'aborder.
J'essayais de lancer l'idée d'une peine minimale afin que la magistrature s'arrête à la gravité de l'infraction. Mais même dans ce contexte, je n'y suis pas parvenu. Les fonctionnaires d'Environnement Canada, etc., qui font le travail réel sur place, étaient tous d'accord pour dire que ce n'était pas une bonne idée. Je partage donc, je pense, les mêmes préoccupations que vous.
La présidente: Merci, monsieur DeVillers. Monsieur Ramsay, vous vouliez intervenir brièvement?
M. Ramsay: Pour revenir à votre recommandation, élimineriez-vous toute peine minimale? Vous recommandez qu'il n'y ait aucune peine minimale?
M. Pinx: Nous recommandons qu'il n'y ait aucune peine minimale.
M. Ramsay: Avez-vous constaté qu'au paragraphe 231(6) de l'article 6 du projet de loi C-27, il ressort une nouvelle définition du meurtre au premier degré?
M. Pinx: Oui. C'est une reclassification du meurtre. On crée une nouvelle infraction de meurtre au premier degré pour le meurtre commis pendant le harcèlement criminel de la victime.
M. Ramsay: Avez-vous des préoccupations à ce sujet?
M. Pinx: Oui.
M. Ramsay: Oui, je partage vos préoccupations. Nous nous en préoccupons au caucus aussi.
Merci, madame la présidente.
La présidente: Monsieur Ramsay, nous avons votre motion. Voulez-vous la proposer maintenant.
M. Ramsay: Oui, merci. La motion a déjà été consignée au procès-verbal, madame la présidente.
La présidente: Oui.
M. Ramsay: Dans ce cas, je vous ferai grâce de sa lecture. Évidemment, il s'agit de la motion de M. Thomson. Je lui ai demandé de m'expliquer son raisonnement.
J'aimerais qu'il soit noté que nous craignons que le projet de loi C-41 offre des options telles que les mesures de rechange, la libération conditionnelle et la détermination de la peine qui permettent d'aborder ce genre d'infractions avec beaucoup d'indulgence. Cela nous préoccupe beaucoup. Nous voulons faire savoir au ministre de la Justice qu'il faudrait peut-être tenir compte dans cette question des enfants et de la protection des enfants, des aspects dont le ministère de la Justice n'avait peut-être pas pris connaissance au moment de l'adoption du projet de loi C-41.
La présidente: Très bien. C'est tout?
M. Ramsay: C'est tout.
La présidente: Merci, monsieur Ramsay. Y a-t-il des commentaires? M. Gallaway suivi deM. DeVillers.
M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Je ne suis pas vraiment au courant du problème soulevé par M. Ramsay, mais pour les fins de la discussion, supposons que la loi pose problème.
Je pense que c'est à la Chambre et non pas au comité qu'on doit proposer une motion ou aborder cette préoccupation. Nous sommes ici pour examiner des questions de politique, non pas pour rédiger des politiques ni pour porter directement nos préoccupations au ministre sur une question de politique générale. En modifiant la loi, le comité peut en fait dire au ministre ou au ministère qu'il s'oppose à tel ou tel point. Si nous ne sommes pas d'accord, nous allons modifier le projet de loi.
Il ne convient pas que nous fassions parvenir un message au ministre pour l'exhorter, d'une façon générale, à présenter un projet de loi qui impose des peines plus lourdes au pédophiles reconnus coupables. Il y a plusieurs façons de soulever cette question à la Chambre, soit en invoquant le Règlement ou en faisant des déclarations.
Je signalerai également à M. Ramsay que l'alinéa 68.(4)b) du Règlement permet à un député de proposer une motion à la Chambre et de faire débattre de cette motion. Si la Chambre reconnaît que les peines ne sont pas suffisamment sévères à l'endroit des pédophiles, par exemple, elle peut ordonner à notre comité de préparer un projet de loi renforçant les peines que prévoit le Code criminel à l'égard de ce genre de délit.
Je ne veux pas me lancer dans une discussion quant à savoir si la loi est suffisamment sévère ou si elle pose un problème, je ne crois pas que le comité soit le bon endroit pour cela.
La présidente: Monsieur DeVillers.
M. DeVillers: Je suis d'accord avec mon collègue quant à l'endroit qui convient pour soulever des questions ou des motions de cette nature, mais je trouve également que la motion est extrêmement vaste, générale et vague, et qu'elle présente donc peu de valeur.
Pour ce qui est de certains aspects du renforcement des peines, il faut souscrire à une certaine philosophie politique et considérer que le renforcement des peines va contribuer à réduire la criminalité, etc. Dans cette mesure, la motion me paraît motivée par une idéologie politique, mais le gouvernement a déjà pris des mesures telles que la loi visant les contrevenants à haut risque, etc. La motion me paraît donc inutile, car des mesures ont déjà été prises. Je m'oppose donc à cette motion.
La présidente: Monsieur Bellehumeur.
[Français]
M. Bellehumeur: Je pense que cette motion-là n'est pas présentée devant le bon forum.
Si le Parti réformiste veut avoir une loi plus serrée ou imposer des peines plus sévères à certaines catégories de criminels, il a la possibilité de déposer une motion devant la Chambre ou de déposer des projets de loi privés, peut-être devant le Comité de la justice. D'autre part, je pense que le gouvernement a déjà déposé des textes législatifs qui ont pour but de renforcer certains articles du Code criminel.
Je pense aussi que les tribunaux ont suffisamment d'éléments entre les mains pour s'occuper des pédophiles et protéger les jeunes Canadiens contre ces crimes haineux. Pour l'instant, je ne vois pas la nécessité de présenter un projet de loi ou de demander au ministre d'agir et de prendre des décisions de toute urgence.
[Traduction]
La présidente: Voulez-vous le dernier mot, monsieur Ramsay?
M. Ramsay: Oui, très brièvement, madame la présidente.
Au cours des mois à venir, nous verrons si le projet de loi C-41 a d'autres conséquences. Lorsque nous l'avons examiné, article par article, nous avons demandé que ses dispositions s'appliquent uniquement aux infractions non violentes. Je crains que les tribunaux aient maintenant une plus grande latitude et prononcent pour ces délits très graves des peines que le ministère de la Justice, le ministre et le gouvernement canadien n'ont peut-être jamais envisagées et n'approuveraient pas.
La présidente: Merci, monsieur Ramsay. Voulez-vous un vote par appel nominal?
M. Ramsay: Certainement, nous tiendrons un vote par appel nominal.
La motion est rejetée par 6 voix contre 1
La présidente: Merci, monsieur Ramsay. Je regrette de vous avoir pris par surprise ce matin, mais j'essayais seulement de m'y retrouver dans tout cela.
Nous avons ensuite le 7e rapport du comité directeur qui s'est réuni ce matin. Si nous sommes d'accord, pourrions-nous adopter une motion pour passer à l'étude article par article du projet de loi C-17, le jeudi 7 novembre 1996? Je peux vous dire qu'une des raisons à cela est que les gouvernements provinciaux le réclament à cor et à cri. M. Bellehumeur a parlé, je crois, à un ou deux procureurs généraux et je sais que c'est une chose qu'on me réclame. Les procureurs généraux attendent impatiemment cette mesure afin de pouvoir rationaliser certaines de leurs procédures.
Quelqu'un pourrait-il proposer une motion à cet effet?
M. DeVillers: Je propose la motion.
La motion est adoptée
La présidente: Pour ce qui est du projet de loi C-27, vous constaterez que nous avons une liste de témoins. Je tiens seulement à féliciter notre personnel d'avoir dressé ce qui me semble être une liste très complète. Je crois que nous aurons une bonne discussion sur ce projet de loi. J'espère que... Je peux vous dire que nous avons ajouté d'autres noms à la liste, ce matin, pour essayer de faire le tour complet de la question. Quelqu'un pourrait-il proposer une motion pour que nous acceptions cette liste des témoins pour le projet de loi C-27?
Mme Torsney: Puis-je avoir un éclaircissement? Nous avons ajouté deux noms, n'est-ce pas?
La présidente: Ils sont là.
Mme Torsney: Goa Action Watch est là, mais où se trouve Sherri Kingsley?
La présidente: C'est Go Action Watch ou Goa?
Mme Torsney: C'est GAW pour Goa Action Watch.
La présidente: Ah, GAW. D'accord.
Mme Torsney: Et la ville est Goa.
Sherri comparaîtrait probablement avec Wayne Holland.
La présidente: D'accord, inscrivez-là avec Wayne Holland.
Mme Torsney: Je vais proposer cette liste maintenant.
La présidente: Avec les ajouts, la liste comprendra Sherri Kingsley et GAW.
Mme Torsney: Pour ceux que cela intéresse, l'acronyme est GAW et le nom complet et Goa Action Watch, pour la ville de Goa.
La présidente: Très bien. Est-il nécessaire d'en discuter davantage? Tout le monde est d'accord?
La motion est adoptée
La présidente: Nous avons ensuite l'étude détaillée de la Loi sur les jeunes contrevenants, phase III. C'est à la page quatre, et en même temps... Il faut que je ralentisse un peu, car je sais que nous allons en discuter. Je vais soumettre la question et nous verrons ensuite...
Monsieur Bellehumeur, vouliez-vous faire un commentaire? Non? Je crois que M. Ramsay veut en faire un, mais je vais d'abord soumettre la question.
[Français]
M. Bellehumeur: J'ai fait des commentaires que je vais répéter pour les besoins de l'enregistrement. Compte tenu des coûts de ce forum et du travail qui a déjà été effectué concernant ce dossier, je pense vraiment qu'il est inutile de recourir à ce forum du 22 novembre 1996. Je ne dépenserai pas 60 000 $ juste pour une petit show télévisé. Même si on veut faire de la publicité autour de cette question, je ne pense pas que ce soit une façon adéquate de procéder.
[Traduction]
La présidente: Merci.
Monsieur Ramsay, avez-vous des observations?
M. Ramsay: Je vois également des objections à l'égard du coût; je vois là un problème.
La présidente: Merci, monsieur Ramsay.
Quelqu'un peut-il proposer une motion?
Mme Torsney: Je propose que nous tenions ce forum et qu'il fasse partie des recherches et de l'examen que nous avons faits au printemps.
La présidente: Madame Torsney, comprend-elle l'adoption du budget?
Mme Torsney: Oui.
La présidente: Il est précisé?
Mme Torsney: Le budget me paraît d'autant plus défendable compte tenu de ce que cela coûte pour faire voyager, ne serait-ce que la moitié du comité. D'autre part, cela nous permettra de rejoindre de très nombreux Canadiens, partout où les gens auront CPAC et un magnétoscope, étant donné que vous pouvez regarder les enregistrements. Ce sera un excellent outil pour de nombreux jeunes des quatre coins du pays.
La présidente: Voulez-vous un vote par appel nominal, monsieur Ramsay?
M. Ramsay: Peu importe.
La motion est adoptée avec dissidence
La présidente: En dernier lieu, vient notre budget, tant pour le forum national que pour nos activités. Nous avons un budget de fonctionnement de 106 500 $, qui comprend le forum national, plus la comparution de tous les témoins pour l'autre projet de loi dont nous sommes saisis ainsi que les frais divers. Quelqu'un veut-il proposer ce budget?
Mme Torsney: Je propose la motion.
La motion est adoptée avec dissidence
La présidente: Merci de votre coopération.
La séance est levée.