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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 21 novembre 1996

.0939

[Traduction]

La présidente: Bonjour.

Nous sommes très heureux d'accueillir aujourd'hui trois personnes du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la justice applicable aux jeunes qui vont nous résumer en20 minutes un rapport de 600 pages.

Glenn Rivard, du ministère de la Justice, est le coprésident fédéral du groupe de travail.Alan Markwart, que nous avons déjà rencontré, vient de la Colombie-Britannique et il est le coprésident provincial-territorial. Sharon Moyer est expert-conseil et auteur d'une étude intitulée A Profile of the Juvenile Justice System in Canada, que nous sommes impatients de lire.

.0940

Nous sommes ravis de vous avoir parmi nous. Monsieur Rivard, allez-vous commencer?

M. Glenn Rivard (coprésident, Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la justice applicable aux jeunes): Oui.

La présidente: Comme nous avons des tas de questions, allez-y.

M. Rivard: Bonjour, madame la présidente et membres du comité.

À titre de coprésidents du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la justice applicable aux jeunes, nous sommes très heureux, Alan Markwart et moi-même, d'avoir l'occasion de vous présenter aujourd'hui les principales conclusions du rapport.

Nous sommes également heureux d'avoir avec nous Mme Sharon Moyer, l'auteur du rapport sur les profils, qui donne un aperçu statistique de la criminalité chez les jeunes et de leur traitement dans le système de justice applicable aux jeunes. Mme Moyer est une consultante dont nous avons retenu les services afin qu'elle prépare ces données, et elle répondra aux questions au sujet du rapport sur les profils.

Le groupe de travail a été établi par les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la justice applicable aux jeunes et il regroupe environ 40 hauts fonctionnaires responsables de la justice applicable aux jeunes. Le Québec n'a pas participé aux travaux du groupe de travail en raison de l'examen global de son propre système de justice applicable aux jeunes par le comité Jasmin, y compris une étude approfondie de tous les éléments du régime.

En juin 1994, au moment du dépôt devant la Chambre des communes des plus récentes modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants, le ministre de la Justice a annoncé le début prochain de la phase deux de l'examen global des questions intéressant la justice applicable aux jeunes. L'établissement du groupe de travail faisait partie de ce processus, et les travaux du groupe de travail devaient aider les ministres responsables de la justice applicable aux jeunes, et le présent comité, dans le cadre de son examen des questions intéressant la justice applicable aux jeunes.

Le groupe a commencé ses travaux en novembre 1994, et plusieurs rencontres ont eu lieu au cours de l'année et demie du mandat. Les membres du groupe de travail se sont divisés en six groupes d'étude chargés d'examiner différentes questions en matière de justice applicable aux jeunes s'inscrivant sous six rubriques: les relations et la coordination avec les autres organismes offrant des services aux jeunes, la déjudiciarisation et les mesures de rechange, les contrevenants dangereux, les questions liées à l'application régulière de la loi, le partage des coûts et la publication et les dossiers. Par la suite, les travaux de ces divers comités ont été regroupés dans un rapport final.

Le rapport du groupe de travail est un document de travail élaboré par des représentants officiels en vue de fournir des analyses, des options et des propositions à l'intention des gouvernements et du Comité permanent de la justice et des questions juridiques de la Chambre des communes. Ses recommandations n'ont pas été adoptées par les gouvernements et ne constituent pas une politique du gouvernement.

De plus, dans le cadre de l'examen de plusieurs questions difficiles et controversées, notamment la compétence fondée sur l'âge, la publication d'identité, la responsabilité des parents et le renvoi devant le tribunal pour adultes, le groupe de travail n'a pas toujours été en mesure de parvenir à un consensus. Par conséquent, certaines recommandations reflètent les opinions de la majorité.

Étant donné la pénurie d'information concernant des programmes efficaces pour les jeunes contrevenantes, le groupe de travail n'a formulé aucune recommandation visant les besoins spécifiques de ce groupe.

Le rapport lui-même intitulé Examen de la Loi sur les jeunes contrevenants et du système de justice applicable aux jeunes au Canada compte environ 650 pages et il traite des questions soulevées à chaque étape du processus de la justice applicable aux jeunes. Nous avons pensé qu'il serait utile de vous donner un aperçu des principaux thèmes du rapport avant d'aborder les recommandations spécifiques.

Afin de vous aider à retrouver les recommandations spécifiques, le texte du présent exposé renvoie, à la suite de la description de chacune des recommandations, aux pages appropriées. Nous espérons sincèrement que le rapport du groupe de travail saura vous renseigner au sujet de plusieurs questions importantes.

Le rapport reconnaît l'importance de la prévention du crime, mais ce thème n'est pas abordé de façon approfondie en raison des travaux réalisés dans le cadre d'autres projets notamment le Conseil national de la prévention du crime, la Table ronde du Québec sur la prévention du crime et la Coalition de la Colombie-Britannique pour des communautés plus sûres. Le thème de la prévention du crime souligne l'importance d'envisager les facteurs sous-jacents à la criminalité, notamment les mauvais traitements infligés aux enfants, la violence familiale et la consommation abusive d'alcool et de drogues.

Je sais que d'autres témoins ont beaucoup parlé de l'importance de la prévention du crime axée sur le développement social. Cette approche fait appel à des programmes spécifiques à long terme qui visent un ensemble de problèmes sociaux susceptibles d'accroître le risque des incidences de comportement criminel. On a constaté que les interventions précoces auprès des jeunes à risque étaient efficaces, plus particulièrement si les interventions étaient axées sur des services d'aide aux familles et d'aide en vue d'obtenir rapidement des succès scolaires.

Sous un deuxième thème, le rapport examine la question de l'intervention du système formel de justice applicable aux jeunes et le fait qu'il ne soit pas toujours nécessaire d'y avoir recours pour régler les situations où le conflit peut être résolu grâce à la participation du jeune et des personnes qui l'entourent dans la communauté, par exemple, l'école et d'autres intervenants.

Un autre thème important abordé dans le rapport concerne la reconnaissance du fait que le système de justice applicable aux jeunes ne peut régler, en vase clos, le problème de la criminalité chez les jeunes. Étant donné que bon nombre de jeunes contrevenants ont des besoins multiples, il est nécessaire de prévoir des réponses multiples, notamment les programmes axés sur les problèmes d'apprentissage, la consommation excessive d'alcool et de drogues, la santé mentale, les besoins psychologiques, etc.

.0945

Le quatrième thème concerne la nécessité de trouver des solutions de rechange aux ordonnances de placement sous garde dans les cas de commission d'actes criminels sans violence. Un nombre important de jeunes sont placés sous garde alors qu'ils ont commis une infraction sans violence. Selon le groupe de travail, des façons plus efficaces de traiter le jeune ayant commis ce type d'infraction pourraient englober, par exemple, des sanctions ayant un aspect de réparation ou une surveillance étroite dans la communauté et des programmes de réadaptation. Il semblerait plus efficace et plus rentable d'utiliser les ressources limitées de manière à cibler les programmes de placement sous garde vers le plus petit pourcentage de contrevenants reconnus coupables d'une infraction grave avec violence, ou vers les récidivistes.

Le groupe de travail a cerné plusieurs défis importants auxquels le système de justice applicable aux jeunes doit faire face, notamment le manque de confiance du public à l'égard du système et les différences entre les administrations en ce qui a trait aux politiques concernant les accusations portées par la police, la comparution des jeunes devant la cour et le pourcentage des jeunes placés sous garde. Ces défis, et plusieurs autres, et la nécessité de prendre des mesures concernant les conditions sociales qui contribuent à la criminalité des jeunes, ont guidé le groupe de travail dans l'élaboration de ses recommandations.

Je désire maintenant aborder les recommandations du rapport qui visent une meilleure utilisation des mesures de première ligne et les décisions qui ne comportent pas de placement sous garde. Alan discutera des recommandations concernant les contrevenants qui commettent des infractions graves, de certains aspects de l'application régulière de la loi et du point de vue provincial et territorial au sujet du partage des coûts.

[Français]

Contexte du fonctionnement du système de justice applicable aux jeunes: Les recommandations figurant dans cette partie du rapport reconnaissent qu'il est possible de diminuer les incidents de récidive s'il existe un réponse coordonnée entre les divers organismes offrant des services aux enfants et aux jeunes en ce qui a trait à la criminalité chez les jeunes et la participation des familles des victimes et de la communauté au processus de justice applicable aux jeunes. Ces réponses devraient viser une approche à la justice applicable aux jeunes, axée sur la réadaptation et la réparation.

La planification des cas dans une optique multidisciplinaire constitue l'un des moyens à utiliser pour atteindre cet objectif. D'autres mécanismes susceptibles d'être utilisés peuvent englober les programmes de mesures de rechange, les conférences du groupe familial, les cercles de détermination de la peine et les comités de justice applicable aux jeunes. Ces mesures constituent des moyens grâce auxquels les familles des victimes et les communautés peuvent intervenir de façon positive afin d'aider le jeune à répondre de ses actes, à satisfaire aux intérêts des victimes et à élaborer des réponses applicables à la communauté.

À l'origine, les conférences du groupe familial ont été élaborées en Nouvelle-Zélande et elles insistent sur la responsabilité du contrevenant, la réparation à la victime et la réconciliation du contrevenant et de la communauté.

Les victimes, les contrevenants et leurs familles et leurs réseaux d'appui respectifs ont l'occasion de se rencontrer en présence d'un coordonnateur ou d'un modérateur. Cette rencontre a pour but de discuter de l'infraction et de décider d'une issue qui vise à réparer les dommages et à minimiser le préjudice susceptible de découler de l'infraction.

Les conférences du groupe familial peuvent être organisées à différentes étapes du système de justice applicable aux jeunes; par exemple, cette mesure peut remplacer le processus judiciaire formel, conseiller le tribunal pour adolescents au sujet de la peine ou appuyer et surveiller un jeune contrevenant lors de sa libération.

Le Groupe de travail recommande de modifier la loi afin de faciliter le recours à ces mesures. On propose également que les provinces prennent des mesures visant le recours à ces solutions dans les cas opportuns.

Partage du coût: Les gouvernements fédéral et provinciaux ont partagé et continuent de partager le coût des services en matière de justice applicable aux jeunes. Les membres du Groupe de travail reconnaissent qu'il est nécessaire d'élaborer et d'appuyer des mesures de rechange au système judiciaire formel et à la garde, ainsi que des programmes de réadaptation visant les contrevenants ayant commis des infractions graves et qui sont placés sous garde.

.0950

Les représentants des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ne sont pas unanimes quant à la meilleure façon d'atteindre ces buts. Les représentants fédéraux veulent réaménager le financement fédéral limité en vue d'appuyer ces buts. Les représentants provinciaux sont d'avis qu'il faut investir des sommes additionnelles, un aspect dont Alan traitera plus en profondeur plus tard.

Il n'est pas possible d'investir des sommes additionnelles. Les membres du Groupe de travail reconnaissent que les nouvelles ententes financières doivent au moins assurer la stabilité du financement fédéral et que les mesures de rechange doivent être adoptées graduellement afin qu'il n'y ait pas d'interruption de la prestation des services.

Ces ententes devraient également être suffisamment flexibles pour permettre aux administrations d'élaborer des programmes adaptés à leurs propres besoins et priorités dans le cadre des objectifs communs ou politiques.

Compétence fondée sur l'âge: Le public s'inquiète de ce que la loi ne vise pas les contrevenants ayant commis des crimes graves alors qu'ils n'avaient pas atteint l'âge de 12 ans. Le Groupe de travail est conscient de cette préoccupation et ses membres se sont efforcés de trouver la meilleure façon d'aborder cette situation. On a envisagé d'adopter une résolution qui permettrait d'intenter des poursuites dans certains cas exceptionnels contre des enfants âgés de moins de 12 ans.

En dernière analyse, cette option a été rejetée même si certains membres du Groupe de travail l'appuyaient. La majorité des membres du Groupe de travail étaient d'avis qu'il convenait plutôt d'examiner les mesures législatives et les services en matière de protection de l'enfance et de santé mentale afin d'évaluer le caractère suffisant de ces mesures et services pour répondre aux besoins de ce petit groupe de contrevenants n'ayant pas atteint l'âge de la responsabilité pénale.

En ce qui a trait à l'âge maximal, presque toutes les administrations conviennent qu'il n'y a pas lieu d'abaisser l'âge maximal. En effet, la plupart des jeunes de 16 et 17 ans peuvent bénéficier du système de justice applicable aux jeunes et la procédure de renvoi peut être utilisée à l'égard des jeunes dont la conduite n'est pas appropriée pour qu'ils soient jugés dans le système applicable aux jeunes.

Déjudiciarisation: La déjudiciarisation comprend la mise en garde par les policiers ou l'exercice de leurs pouvoirs discrétionnaires de ne pas porter d'accusation ainsi que les mesures de rechange. Cette solution repose sur la prémisse selon laquelle le processus judiciaire formel n'est peut-être pas nécessaire pour traiter de façon adéquate les crimes commis par plusieurs jeunes.

Une plus grande utilisation des solutions faisant appel à la déjudiciarisation permettrait au système de justice applicable aux jeunes de mieux axer ses efforts et ses ressources sur les contrevenants ayant commis des crimes graves. La mise en garde par les policiers est une procédure utilisée par les policiers en Angleterre, au pays de Galles, en Nouvelle-Zélande et dans plusieurs États d'Australie. La mise en garde est un avertissement formel qui vise à faire prendre conscience aux jeunes de la gravité de leur conduite. Il s'agit d'une étape intermédiaire entre un avertissement informel par la police et le renvoi devant les tribunaux.

Le Groupe de travail recommande de modifier la loi afin d'encourager les policiers à servir des mises en garde en guise de réponse à la perpétration d'une infraction, dans les cas appropriés. Les administrations devraient élaborer, en collaboration avec les services de police, des lignes directrices visant à encourager et à guider les policiers dans l'exercice de leur pouvoir discrétionnaire de traiter certaines situations de façon informelle.

.0955

Le Groupe de travail recommande de plus aux administrations d'établir et de réviser leurs objectifs de déjudiciarisation et de mesures de rechange et, par ailleurs, d'insister sur la réparation des torts causés à la victime, sur la plus grande participation des victimes et de la communauté au processus de décision et de suivi et d'encourager les familles et la communauté à participer davantage à la prévention du crime et à mieux répondre à la criminalité chez les jeunes.

Détention avant procès: Les données montrent qu'il existe d'importantes variations entre les administrations en ce qui a trait à la détention avant le procès et qu'à l'échelle nationale, certaines populations, notamment les jeunes autochtones, font l'objet d'une détention avant procès dans une proportion beaucoup plus importante que les autres contrevenants. Le Groupe de travail recommande d'accorder la priorité à l'élaboration de mesures de rechange à la détention avant procès axées sur la communauté. Il y a lieu d'encourager la participation active de la famille, de la communauté et des autres organismes offrant des services aux jeunes au processus de mise en liberté avant procès.

Décisions à caractère communautaire: Lorsqu'on fait référence à ces types de décisions, il est important de faire une distinction entre les sanctions qui n'entraînent jamais une ordonnance de placement sous garde et celles qui constituent de véritables solutions de rechange au placement sous garde, notamment la surveillance intensive. Compte tenu du nombre de jeunes visés par une ordonnance de placement sous garde pour des infractions sans violence, il y a des raisons de croire qu'il est nécessaire d'élaborer des mesures de rechange en matière de détermination de la peine.

Par exemple, le Groupe de travail recommande de prévoir dans la loi la possibilité de prononcer une décision avec sursis sous réserve de l'évaluation des répercussions des condamnations avec sursis prononcées dans le système applicable aux adultes. Les administrations devraient également accorder la priorité à l'élaboration de programmes à multiples facettes, notamment la surveillance intensive, la participation de jour et les autres programmes axés sur la communauté qui constituent de véritables solutions de rechange au placement sous garde.

[Traduction]

Alan parlera maintenant des recommandations concernant les contrevenants ayant commis des crimes graves, de la mise en commun de l'information, de la responsabilité des parents, des questions liées à l'application régulière de la loi et du partage des coûts.

M. Alan Markwart (coprésident, Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la justice applicable aux jeunes): Merci, Glenn. La question des contrevenants ayant commis des crimes graves a été l'une des plus controversées et des plus difficiles à régler. Les recommandations du groupe de travail au sujet de ces contrevenants insistent sur deux aspects principaux: le choix du moment de la décision d'ordonner le renvoi et les critères du renvoi. En ce qui a trait au choix du moment de la décision d'ordonner le renvoi, presque tous les membres du groupe de travail ont convenu que l'audition au sujet du renvoi devrait être tenue à l'issue d'une déclaration de culpabilité et dans le cadre de la détermination de la peine. Cette façon de procéder serait avantageuse parce que les faits sur lesquels repose la décision de la cour au sujet de la demande de renvoi ont été prouvés au-delà de tout doute raisonnable. On éviterait également les délais et le dédoublement du processus et de la préparation des rapports médicaux, psychologiques et autres rapports pertinents. Il s'ensuivrait un processus plus efficace et plus rapide.

Comme prélude aux décisions concernant les critères appropriés pour ordonner le renvoi, le groupe de travail a envisagé plusieurs options. Dans le cadre de cet exercice, les membres du groupe de travail étaient conscients du lien qui existe entre les critères de renvoi, les dispositions concernant le placement sous garde et les peines maximales susceptibles d'être imposées par un tribunal pour adolescents.

Premièrement, les objectifs concernant la protection du public et la réadaptation du contrevenant ont été examinés dans le contexte du statu quo. Deuxièmement, on a également envisagé l'option visant à modifier les critères applicables au renvoi en vue de préciser leur application. Troisièmement, on a également envisagé un statu quo modifié, c'est-à-dire maintenir les dispositions sur le renvoi, mais augmenter à cinq ans moins un jour la peine maximale dont est passible un contrevenant reconnu coupable d'une infraction grave avec violence autre que le meurtre. Quatrièmement, le groupe de travail a également envisagé la possibilité de conférer aux tribunaux pour adolescents le pouvoir de prononcer des peines plus sévères, dans le cadre d'un régime de «peines exceptionnelles» comme mesure de rechange au renvoi. La dernière option envisagée concernait la modification des critères de renvoi en vue d'obtenir le renvoi d'un plus grand nombre de jeunes, particulièrement à l'égard d'infractions graves comme le meurtre.

.1000

Après avoir examiné toutes les options, la grande majorité des représentants des administrations provinciales et territoriales ont convenu de renforcer les dispositions concernant le renvoi devant les tribunaux de droit commun afin de mieux répondre aux situations où les contrevenants ont commis des infractions graves avec violence. On recommande de modifier les dispositions sur le renvoi afin de veiller à ce que l'on ordonne le renvoi de la grande majorité des jeunes âgés de plus de 14 ans qui sont reconnus coupables de meurtre, et que l'on puisse faire davantage appel aux dispositions concernant le renvoi à l'égard d'autres infractions graves avec violence. Certains représentants auraient voulu aller encore plus loin. Les représentants fédéraux n'ont pas pris position sur les options cernées, préférant attendre les résultats de l'examen de la loi par le présent comité.

Les recommandations concernant le placement sous garde des jeunes qui ont fait l'objet d'un renvoi et des autres, dans les établissements qui leur sont réservés, ont pour thème principal l'objectif de conférer un plus grand pouvoir discrétionnaire aux directeurs provinciaux quant au placement des jeunes plus âgés condamnés à purger des peines plus longues dans des établissements pour adultes ou pour jeunes. Cette recommandation reflète la préoccupation générale concernant le placement des adolescents plus âgés et criminellement plus raffinés (de fait, il s'agit de jeunes adultes) dans les établissements réservés aux jeunes parce que ceux-ci peuvent, par exemple, avoir une influence néfaste à l'égard des plus jeunes adolescents sous garde.

On s'inquiète surtout de la gestion des peines de sept ans et de dix ans prévues dans le cadre du projet de loi C-37 dans les cas de meurtre, compte tenu plus particulièrement du fait que la plupart des établissements provinciaux sont aménagés afin de répondre aux besoins des détenus condamnés à purger de courtes peines, c'est-à-dire entre 30 et 60 jours.

Les représentants fédéraux partagent cette préoccupation avec leurs collègues provinciaux et territoriaux au sujet du placement sous garde des adolescents plus âgés et plus jeunes dans des établissements réservés aux jeunes. Toutefois, on constate des différences d'opinions au sujet de la manière spécifique d'aborder ce problème et du résultat final. Par exemple, la majorité des membres du groupe de travail recommandent de modifier l'article 16.2 de la loi afin d'établir une présomption concernant le placement sous garde dans un établissement réservé aux jeunes d'un adolescent âgé de moins de 18 ans et, dans le cas d'un jeune de plus de 18 ans, dans un établissement provincial ou fédéral pour adultes selon que le reliquat de la peine à purger est de deux ans ou plus. La présomption de placement causait des problèmes aux représentants fédéraux qui étaient d'avis que les décisions en matière de placement sous garde devaient être prises conformément à des critères spécifiques.

En vue de faciliter l'établissement de programmes adaptés aux adolescents âgés entre 16 et 19 ans, le rapport recommande de modifier la loi afin de prévoir le placement sous garde de ces adolescents dans des établissements spéciaux adaptés à la situation de ces jeunes contrevenants, peu importe que l'ordonnance de placement ait été rendue aux termes de la loi ou qu'ils aient été condamnés à purger une peine par un tribunal de droit commun. On recommande également de réaliser des études afin de déterminer la faisabilité d'établir des programmes coopératifs de traitement sous garde à l'égard des contrevenants du même groupe d'âge ayant commis des infractions graves avec violence, sans égard au fait que ces adolescents plus âgés aient été placés sous garde aux termes de la loi, renvoyés devant un tribunal pour adultes ou condamnés par un tribunal de droit commun.

Passons maintenant à la mise en commun de l'information et des dossiers. Selon le groupe de travail, il n'y a aucune raison de croire que la levée totale ou partielle de l'interdiction de publier l'identité des jeunes contrevenants améliorerait la sécurité du public. La majorité des membres du groupe de travail ne sont pas en faveur d'une levée partielle de l'interdiction en vue d'autoriser, par exemple, la publication de l'identité des contrevenants dans les cas d'infractions graves. Toutefois, le rapport recommande d'apporter certaines améliorations aux dispositions concernant les avis publics adoptées dans le cadre du projet de loi C-37. Par exemple, le groupe de travail recommande de conférer au tribunal pour adolescents le pouvoir d'autoriser la publication de l'identité d'un adolescent, à l'issue d'une audition ex parte, dans les cas exceptionnels et urgents où le contrevenant a été reconnu coupable d'une infraction ayant causé des lésions corporelles graves, s'il risque de causer un tort grave à autrui et qu'un avis de cette nature est nécessaire pour diminuer ce risque.

On pourrait également préciser les dispositions du projet de loi C-37 en permettant, dans les cas exceptionnels, la publication dans les médias de l'identité d'un adolescent dangereux qui respecte les conditions énoncées au paragraphe 38(1.5) de la loi, lorsque la communication des renseignements à certaines personnes ne serait pas suffisante pour diminuer ou écarter le risque de préjudice grave à autrui.

.1005

Comme le disait Glenn, il est nécessaire de promouvoir des réponses multidisciplinaires à la criminalité chez les jeunes et une plus grande participation de la communauté. À cette fin, la loi devrait prévoir clairement le but de la mise en commun d'information, et il y aurait lieu d'étendre la liste des personnes pouvant recevoir cette information.

Quant à la participation et responsabilité des parents, en vue d'encourager une plus grande participation des parents au processus judiciaire formel, le groupe de travail recommande de modifier la loi et le Code criminel afin d'élargir les circonstances où les parents peuvent faire des représentations à la cour, notamment lors des auditions concernant la mise en liberté sur cautionnement et la fixation des modalités de l'ordonnance de supervision avec sursis, si les parents sont présents à cette occasion.

Le groupe de travail reconnaît également la nécessité de rédiger de la documentation en langage courant, destinée aux parents, concernant leurs droits et leurs responsabilités dans le processus de justice applicable aux jeunes et de prendre des mesures administratives en vue d'encourager et de faciliter une plus grande participation des parents. Le groupe de travail recommande d'envisager la possibilité de modifier l'article 718.2 du Code criminel (tel que prévu dans le projet de loi C-41) pour créer une présomption de circonstance aggravante aux fins de la détermination de la peine lorsqu'un parent ou un autre adulte en position de confiance ou d'autorité, ou dans une relation de dépendance avec l'enfant ou le jeune, commet une infraction avec l'adolescent ou est partie à une infraction commise par ce dernier.

La très grande majorité des membres du groupe de travail conviennent de ne pas recommander la création d'une infraction concernant le fait de contribuer à la délinquance juvénile ou d'une infraction fondée sur la négligence. Il conviendrait d'étudier plus attentivement la façon de renforcer la législation provinciale et territoriale en matière civile permettant de recouvrer le montant des dommages-intérêts ou les pertes découlant des actes criminels de leurs enfants auprès des parents négligents. Il faut ajouter que le raisonnement à l'appui de cette recommandation ne repose pas sur la croyance selon laquelle la responsabilité civile des parents aurait pour effet de promouvoir de meilleures méthodes parentales ou de diminuer le taux de criminalité chez les jeunes, mais, plutôt, qu'il convient de trouver des moyens de profiter au maximum des occasions de dédommager les victimes, y compris dans les rares cas où les parents ont pu être négligents.

Pour ce qui est des questions liées à l'application régulière de la loi, la très grande majorité des membres du groupe de travail recommandent de ne pas porter atteinte au droit à l'avocat d'un adolescent. Toutefois, la réalité financière devrait être reflétée dans une modification à la LJC qui permettrait aux provinces et aux territoires de recouvrer les frais de représentation auprès des parents ou des jeunes ayant la capacité de payer.

En ce qui a trait aux déclarations des jeunes, les membres du groupe de travail souscrivent au principe général prévoyant qu'il convient de conférer une plus grande discrétion judiciaire en ce qui a trait à l'admissibilité des déclarations. Dès lors, il serait possible d'admettre une déclaration volontaire et conforme à la charte même si l'on n'a pas respecté intégralement les dispositions des paragraphes 56(2) ou (4). Toutefois, les membres ne s'entendent pas sur la question de savoir si le pouvoir discrétionnaire des juges devrait être exercé uniquement à l'égard des violations techniques aux exigences par opposition aux violations portant sur le fond.

La majorité des membres du groupe de travail, y compris tous les représentants provinciaux et territoriaux, recommandent également de modifier l'article 56 et de prévoir la possibilité de renoncer à ses droits autrement que par écrit ou par vidéo. Le groupe de travail recommande de préparer une formule type de renonciation écrite qui aurait force de loi.

Enfin, Glenn a parlé de l'intention du ministère fédéral de la Justice de réaménager le financement fédéral en vue d'appuyer les mesures de rechange au placement sous garde et au processus judiciaire formel, et les programmes de traitement visant les contrevenants ayant commis des infractions graves et condamnés à une peine de placement sous garde. Personne ne met en doute le principe général selon lequel il vaut mieux réaménager les ressources du système de justice applicable aux jeunes, ni le bien-fondé de ces types de programmes. Il s'agit plutôt de savoir comment y arriver.

Le plafonnement du financement fédéral, et les réductions subséquentes imposées en 1996 ont sérieusement entravé la capacité des gouvernements provinciaux et territoriaux de continuer à élaborer ces programmes. Le plafonnement a été imposé à une époque ou on a assisté à une augmentation du coût des services applicables aux jeunes contrevenants en raison de l'inflation, de la croissance importante de la population des jeunes dans plusieurs administrations, de certaines modifications législatives, notamment les décisions infligeant une peine de sept ans ou de dix ans pour meurtre et le placement des jeunes ayant fait l'objet d'un renvoi dans un centre de garde pour adolescents.

La restructuration des ententes sur le partage du coût dans le contexte des contributions fédérales fixes (et peut-être moindres) fait retomber sur les gouvernements provinciaux et territoriaux l'ensemble du fardeau de l'élaboration des nouveaux programmes et ce, à une époque où ils doivent eux aussi diminuer les dépenses; plusieurs administrations vivront également une croissance importante de la population des adolescents. De plus, les responsables provinciaux et territoriaux doutent que le transfert de fonds proposé permette d'obtenir les résultats escomptés.

.1010

Cette situation est compliquée encore davantage par le fait que les ententes financières au sujet des services applicables aux jeunes contrevenants ne peuvent être séparées des diminutions fédérales des paiements de transfert effectuées pour les autres programmes sociaux et de santé. Ces diminutions ont eu, et continueront d'avoir un effet à l'égard de la capacité des gouvernements provinciaux et territoriaux de maintenir tous les programmes sociaux et de santé applicables aux enfants et aux jeunes, y compris les services aux jeunes contrevenants.

Selon les représentants provinciaux et territoriaux, la seule façon raisonnable et équitable pour le gouvernement fédéral d'assurer le succès du réaménagement des ententes financières serait de partager le risque en fournissant un financement additionnel durant la période de transition.

De plus, la surreprésentation des jeunes autochtones dans le système de justice applicable aux jeunes est une question d'intérêt national, et elle doit être mieux abordée. À cette fin, le groupe de travail recommande au ministre fédéral de la Justice de prendre des mesures afin d'obtenir des sommes additionnelles en vue d'élaborer de nouveaux programmes destinés à cette population, en vue de diminuer leur surreprésentation devant les tribunaux pour adolescents et plus particulièrement dans les centres de garde pour adolescents.

Je vous remercie de votre attention et de votre invitation aujourd'hui. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

La présidente: Merci. Je dois avouer que nous avons reçu le rapport à la fin de la semaine dernière et que je n'ai pas consulté les députés pour voir où ils en étaient rendus dans leur lecture. J'y ai moi-même sacrifié quelques heures de sommeil car je voulais me préparer pour la séance d'aujourd'hui ainsi que pour l'émoi médiatique que le rapport a suscité lorsqu'il a été rendu public.

Je vais donc commencer comme d'habitude, par des périodes de questions de dix minutes. Comme nous avons suffisamment de temps, nous commencerons de cette façon et nous verrons comment les choses se dérouleront. Normalement, nous accordons dix minutes à chaque parti, puis nous donnons la parole aux députés à tour de rôle, mais nous verrons selon le cas. S'il nous faut davantage de temps, nous essayerons d'en trouver.

Monsieur Langlois.

[Français]

M. Langlois (Bellechasse): Merci de votre présentation très éclairante. Cela me repose un peu de la Loi électorale sur laquelle je travaille depuis quelque temps.

Une approche globale aux problèmes causés par la jeunesse en détresse, au sens général, serait à mon avis le dépistage précoce de ces problèmes, que cette approche soit incarnée dans les lois provinciales ou dans la loi fédérale. Il y a dans notre société des groupes à risque. Dans cette ère nucléaire, les enfants font souvent les frais de l'éclatement de la cellule familiale. Quant à l'école, qui est un facteur ou un élément de la socialisation, elle peut agir comme révélateur des individus qui constitueront un risque pour la société.

Il me semble que plusieurs feux jaunes devraient s'allumer avant les feux rouges que sont l'application stricte de la Loi sur les jeunes contrevenants et le renvoi aux tribunaux pour adultes.

Je voudrais savoir si, d'après l'expertise que vous avez et selon vos opinions personnelles, on a discuté de la possibilité d'un partage plus grand de toutes les ressources, tant provinciales et fédérales que territoriales, afin que le fil conducteur, le fil d'Ariane grâce auquel on suit le comportement d'un jeune, ne commence pas à être utilisé à l'âge de sa judiciarisation criminelle, mais à partir de la détection précoce des problèmes et par les mêmes personnes responsables de la jeunesse en général. Cela pourrait éviter d'avoir à judiciariser et à prendre des mesures qui, à un moment donné, sont purement des mesures de protection de la société.

Je ne nie pas qu'à un moment donné, quand toutes les chances ont été accordées... Parfois, toutes les chances peuvent se limiter à une, surtout dans le cas d'un meurtre, la société ayant ultimement le droit de se protéger en incarcérant ces personnes.

.1015

Dans certains milieux, cette approche globale, face aux problèmes des jeunes, me semble absente. C'est sur cet aspect que j'aimerais avoir votre avis.

J'aurai sans doute, au deuxième tour, des questions axées beaucoup plus spécifiquement sur votre présentation, entre autres sur la garde formelle ou sur l'avis formel qu'on peut donner à un jeune, et sur leurs effets juridiques. Cependant, j'aimerais d'abord connaître votre opinion sur le point dont je viens de parler.

M. Rivard: Je vous remercie. Je crois que vous avez parlé très clairement d'un des aspects de l'approche du Groupe de travail, à savoir que le système de justice applicable aux jeunes ne fonctionne pas sans référence à l'ensemble de la société. Il faut que la société mette davantage l'accent sur le développement des enfants. Le rapport comporte un développement de ce point. Nous sommes d'accord, très certainement, sur cette conception.

M. Langlois: J'attendais une réponse un peu plus longue.

Revenons à certains points précis, comme celui de l'âge. Vous jugez que 12 ans est un âge qui n'a pas besoin d'être abaissé. Je reconnais avec vous que la détermination d'un âge comporte toujours une part d'arbitraire. Si on l'abaisse à 10 ans, il se trouvera un jour un enfant de 9 ans et 11 mois qui commettra un acte de la même gravité. On discutera alors de l'opportunité d'abaisser l'âge à 9 ans. Pourtant, il vient un moment où il faut tirer la ligne.

C'est un peu la même chose en ce qui concerne l'âge du droit de vote. En 1785, on avait décidé que ce serait 25 ans, et un peu plus tard, 21 ans. Aujourd'hui, il est fixé à 18 ans. Dans certains milieux, on parle de l'abaisser encore. Il n'en demeure pas moins que, la veille du jour des élections, certaines personnes mériteraient de voter alors que la capacité de certaines autres semblerait devoir être mise en doute. Il y a donc une part d'arbitraire lorsqu'on fixe un âge, et je comprends votre réticence à aborder cette question. C'est une question à débattre, qui a été soulevée en Chambre par au moins un des partis reconnus.

J'aimerais que vous élaboriez sur ce que vous appelez l'avertissement formel. Quel serait le statut de la personne qui aurait reçu un avertissement formel? Est-ce que ce serait une condition un peu entre les limbes et le ciel ou les limbes et l'enfer? Est-ce que ce serait une préjudiciarisation? Est-ce que la personne serait considérée différemment si elle devait comparaître par la suite devant un tribunal pénal pour répondre de ses actes? Est-ce que l'avertissement formel pourrait être dispensé uniquement au niveau de la sentence ou pourrait être dispensé à d'autres stades des procédures? J'aimerais que vous m'explicitiez davantage ce que sera cette nouvelle formule qui ne m'est pas familière.

[Traduction]

M. Markwart: Il y a différents types et différents degrés d'avertissement. Dans les services policiers, il y en a deux types. Tout d'abord, il y a ce que font généralement les policiers. Les policiers peuvent, à leur discrétion, décider s'il convient ou non de porter des accusations.

Il s'agit là d'un pouvoir discrétionnaire informel. En fait, souvent, lorsqu'un agent de police arrête un jeune pour vol à l'étalage, par exemple, il peut décider de ramener le jeune chez lui et on considère qu'il s'agit d'un avertissement informel. On peut estimer qu'il s'agit d'une mise en garde informelle. Certains ont laissé entendre que depuis l'application de la loi - Mme Moyer pourrait peut-être nous en dire plus à ce sujet - les policiers utilisent moins leur pouvoir discrétionnaire et, par conséquent, portent davantage d'accusations.

Pour régler ce problème, on peut entre autres encourager les policiers à exercer plus fréquemment, dans les limites de la loi, leur pouvoir discrétionnaire en matière d'avertissement formel.

.1020

Il existe une deuxième forme de mise en garde, adressée en bonne et due forme par les policiers; des systèmes de ce genre ont été mis au point en Angleterre, en Nouvelle-Zélande et en Australie. Par rapport à l'exercice, par les policiers, de leur pouvoir discrétionnaire de ne pas porter d'accusations, ce système représente un pas en avant: le jeune est amené, en compagnie de ses parents, devant un commissaire au poste de police, le délit commis et ses conséquences éventuelles sont discutés dans une procédure qui tient à la fois de la conversation et de l'interrogatoire. Le policier met en garde le jeune, l'avertissant, en fait, que s'il y a récidive il sera traité différemment.

Vous avez raison, en effet, de vous demander si, dans le cas d'une mise en garde non formelle, un dossier devrait être ouvert, qu'il serait possible d'utiliser par la suite, et quelle serait exactement la nature juridique de cette pièce.

Il existe également une autre forme de mise en garde, déjà appliquée dans plusieurs provinces, entre autres la Colombie-Britannique et le Manitoba: l'avocat de la Couronne, chargé d'examiner un rapport de police, au lieu d'engager des poursuites, se contentera d'adresser au jeune une lettre d'avertissement en décidant, en fait, de ne pas pousser les choses plus loin.

En Angleterre, en Australie et en Nouvelle-Zélande, ce système de mise en garde a amené une réduction considérable de la charge de travail pour les tribunaux pour adolescents, et le traitement formel de délits mineurs, ou de moindre gravité, sans qu'on ne constate d'augmentation du taux de crimes commis par les jeunes. Ce système nous permettrait donc d'écarter un plus grand nombre de ces cas mineurs.

Je ne sais pas si Glenn a quelque chose à ajouter.

[Français]

La vice-présidente (Mme Torsney): Monsieur Ramsay, Vous avez dix minutes.

[Traduction]

M. Ramsay (Crowfoot): Je vous remercie, madame la présidente.

Je voudrais vous remercier du travail que vous avez fait et du mémoire que vous nous avez présenté. Il y a plus d'un an que vous travaillez sur cette question, et il y avait 40 fonctionnaires représentant toutes les provinces et territoires, à l'exception du Québec.

Vous avez abordé un grand nombre de questions qui me préoccupent, à propos de ce projet de loi, et vous avez fait des recommandations qui me paraissent parfois un peu confuses. En effet, vous faites une recommandation et parlez ensuite de consensus de la majorité, ou d'une majorité, mais d'une forte minorité en désaccord avec la recommandation. Il me faudra donc vous lire un peu plus attentivement pour comprendre vraiment quelles sont les conclusions définitives que nous pouvons tirer de votre document et de votre étude.

Au cours de votre examen de la Loi sur les jeunes contrevenants, avez-vous eu accès à l'information concernant des programmes tels que le Programme Sparwood en Colombie-Britannique? Êtes-vous au courant du contenu de ce programme?

M. Markwart: Oui, le programme Sparwood se fonde sur un système de consultations familiales, qui a été largement adopté en Nouvelle-Zélande et qui a été étudié de près.

Dans certains États d'Australie, on a également mis en place un système de consultations familiales mais avec intervention de la police, là encore cette méthode a été étudiée, et nous avons examiné ces études.

Quant au programme Sparwood, il a été décrit, mais on n'a pas procédé à des recherches sur son efficacité, mais là encore, nous avons examiné les informations disponibles.

.1025

M. Ramsay: Dans le mémoire que vous avez présenté - j'ai dans mon bureau le texte complet - indiquez-vous les textes que vous avez étudiés, les programmes auxquels vous avez eu accès, l'information que vous avez recueillie au cours de votre examen des questions touchant la Loi sur les jeunes contrevenants?

M. Markwart: Oui, dans l'ensemble. Il y a des notes en bas de page et des références à la fin de chaque chapitre.

M. Ramsay: Quand vous avez procédé à cette étude, avez-vous consulté l'ouvrage du professeur Nicholas Bala à propos de la question de savoir si l'âge devrait être abaissé de 12 à 10 ans?

M. Markwart: Oui, nous avons consulté ce document.

M. Ramsay: L'avez-vous indiqué comme référence dans votre mémoire?

M. Markwart: Oui, nous l'avons fait.

La vice-présidente (Mme Torsney): Permettez-moi de vous signaler que dans le gros document, dans les références au chapitre 3, qui porte sur la question d'âge, deux études du professeur Bala sont indiquées comme référence.

M. Ramsay: Je vous remercie, madame la présidente.

En parcourant vos recommandations, j'ai vu que vous vous posiez des questions sur la faculté, pour un jeune de 12 ans, d'instruire son avocat. C'est une question qui m'a toujours troublé. Pourriez-vous nous rappeler comment vous êtes arrivés à vos recommandations à cet égard? Quelles conclusions a tirées le groupe d'étude sur cette question, et comment est-il arrivé à ces conclusions?

M. Rivard: Le groupe d'étude a vu là un problème qui méritait qu'on y consacre plus d'attention. Il y a toute une série de recommandations qui s'adressent, en réalité, aux avocats chargés de la défense et au Barreau. On préconise, entre autres, un programme de formation à l'intention des avocats chargés de défendre de très jeunes délinquants.

Il est spécifiquement question d'un programme mis au point par le Barreau américain, programme visant à permettre une meilleure compréhension de la mentalité de ces jeunes clients, de la façon de travailler avec eux et d'une meilleure compréhension de cette réalité.

Le groupe de travail a conclu que l'âge était cependant approprié pour appliquer la Loi sur les jeunes contrevenants et qu'il n'était nullement nécessaire de fixer un âge plus avancé, 14 ans par exemple, mais qu'une attention particulière devait être donnée à la relation entre les avocats et leurs très jeunes clients.

M. Ramsay: Mais pensez-vous qu'un enfant de 12 ans peut instruire son avocat? C'est là ma question.

M. Rivard: Cela est inhérent dans la compétence de la loi. En décidant de fixer l'âge à 12 ans, vous concluez, par là même, qu'un jeune de 12 ans peut commettre des actes criminels, peut comprendre la nature du système de justice pénale, son rôle dans celui-ci et son rôle par rapport à ses avocats.

Nous n'en concluons toutefois pas que ces jeunes sont aussi capables qu'un adulte d'instruire un avocat. Nous reconnaissons qu'il faut tenir compte de la mentalité propre à cet âge, de 12 à 14 ans, et la prendre en compte dans le processus.

Nous avons recommandé, je le répète, des programmes de formation à l'intention des avocats participants ainsi que l'élaboration, par le barreau, de lignes directrices destinées à aider les avocats à tenir compte de cette réalité.

.1030

M. Ramsay: Voudriez-vous voir laissée dans la Loi sur les jeunes contrevenants cette référence au droit des jeunes de disposer des services d'un avocat, mais non de l'instruire? Recommandez-vous au comité de laisser cet article tel quel, à la suite de votre examen de cette question?

M. Rivard: Oui, le rapport du groupe de travail soutient qu'un jeune a, en dernier ressort, le droit à un avocat et le droit au privilège de la relation avocat-client. Je devrais peut-être ajouter qu'il y a un certain nombre de recommandations visant à encourager la participation continue des parents, entre autres pour aider le jeune à collaborer avec son avocat.

Le groupe de travail conclut toutefois que s'il y a conflit d'intérêts entre les parents et le jeune, ce dernier reste le client de l'avocat chargé de le défendre, et que ce dernier doit, en dernier ressort, tenir ses instructions de son jeune client.

M. Ramsay: Pensez-vous qu'un jeune de 12 ans, arrêté pour délit criminel et peut-être détenu, est en mesure d'instruire son avocat?

M. Markwart: Je comprends votre insistance, mais c'est une question qui a été examinée par le groupe de travail. Je reconnais qu'un jeune de 12 ans, arrêté pour la première fois, a du mal à comprendre comment fonctionne le système judiciaire pour les jeunes délinquants, la procédure juridique et tout ce qui l'entoure.

C'est précisément pourquoi le rapport recommande des programmes de formation pour les avocats et des règles de conduite à ce sujet. Nous ne pouvons pas présumer simplement... au départ, un enfant de 12 ans peut ne pas comprendre qu'il ne comprend pas. C'est une chose que l'avocat peut expliquer dans une certaine mesure à son client. Il peut expliquer clairement à un enfant de 12 ans en termes simples ce que signifient les diverses procédures et décisions du tribunal.

C'est un rôle d'éducateur que l'avocat peut et doit jouer. Les parents devraient aussi jouer un certain rôle tout en respectant la confidentialité des rapports entre l'avocat et son client.

M. Ramsay: Merci.

La vice-présidente (Mme Torsney): Nous vous reviendrons, monsieur Ramsay. La parole est à Mme Cohen.

Mme Cohen (Windsor - Sainte-Claire): Pour poursuivre dans la même veine, sous les gouvernements antérieurs en Ontario... j'ignore ce qui existe maintenant, mais je peux me l'imaginer. Tenons-nous-en donc au passé.

Il y avait donc un programme du Bureau de l'avocat des enfants de l'Ontario selon lequel on retenait un avocat au nom des enfants que l'on avait retirés de leur foyer ou dont la vie familiale avait été interrompue par la Société d'aide à l'enfance. C'était un programme intéressant et bon nombre d'avocats y ont participé à compter de 1980, environ, en Ontario.

À cause de cela, il s'était constitué toute une jurisprudence au sujet du rôle de l'avocat représentant un enfant dans une affaire de protection de l'enfance. Cette jurisprudence portait sur la façon pour un avocat d'être instruit, de donner des conseils et de traiter avec un enfant qui, dans bien des cas, ne pouvait pas l'instruire parce qu'il s'agissait d'un nourrisson ou d'un enfant en bas âge.

.1035

Je suis certaine qu'il existe aussi une jurisprudence à ce sujet ailleurs. Je voulais donc savoir si vous aviez eu l'occasion d'y jeter un coup d'oeil.

Soit dit en passant, je ne veux pas dire que je ne suis pas d'accord avec votre position. J'essaie simplement d'obtenir des éclaircissements sur une question plutôt épineuse vu qu'elle concerne les instructions données par des enfants.

M. Rivard: Le groupe de travail est au courant de la situation et des différences qui existent entre le système de justice applicable aux jeunes, qui est un système de droit pénal, et un système de protection de l'enfance. Nous considérons que les deux vont de pair. Si l'on veut accuser quelqu'un d'un acte criminel et le tenir criminellement responsable de ses actes, il a le droit d'être représenté par un avocat comme dans n'importe quelle affaire au criminel.

Les lois sur la protection de l'enfance sont très différentes; c'est un système très différent qui a des buts très différents. Il s'agit d'une intervention pour protéger les intérêts de l'enfant et cela peut même s'appliquer à des nourrissons. Les facteurs qui déterminent le rapport entre l'avocat et l'enfant dans un tel cas sont donc bien différents. On donne beaucoup plus de latitude à l'avocat pour lui permettre de protéger le mieux possible les intérêts de l'enfant au lieu de lui demander simplement de suivre les instructions de l'enfant.

Mme Cohen: Je vais vous interrompre, monsieur Rivard, parce que j'ai l'impression que vous n'avez peut-être pas bien saisi ce que je disais. Il existe une jurisprudence à ce sujet. Le Barreau du Haut-Canada s'est penché sur la question; le Bureau de l'avocat des enfants de l'Ontario, qui s'occupe de retenir les services d'avocats pour les enfants, l'a fait lui aussi. Même si, dans les procédures qui portent sur le bien-être de l'enfance, le tribunal veut avant tout protéger les intérêts de l'enfant, l'avocat reçoit les instructions de l'enfant, non pas de l'avocat des enfants ou de qui que ce soit d'autre.

J'essayais simplement d'instruire M. Ramsay. Il semble laisser entendre dans ses questions que, à cause de son âge, un enfant de 12 ans n'est peut-être pas aussi capable qu'un adulte de 40 ans d'instruire un avocat et que cela devrait le placer dans un système différent ou nous inciter à songer à un autre mécanisme.

Si certains des membres du comité veulent se pencher sur cette question, et je pense que c'est ce que vous dites dans votre rapport, nous pourrions conclure que ce n'est pas la loi fédérale ou la Loi sur les jeunes contrevenants qui devrait déterminer si on peut nier à un enfant le droit de retenir un avocat ou comment un enfant doit instruire son avocat. Ce n'est pas à nous d'en décider. Les associations d'avocats et autres organismes du genre sont beaucoup mieux en mesure que nous de s'en occuper parce qu'ils ont davantage de souplesse.

M. Markwart: C'est essentiellement ce que nous avons répondu dans le rapport. De toute évidence, la loi part du principe que l'enfant âgé d'à peine 12 ans est capable d'avoir une intention criminelle et est par conséquent responsable de ses actes. C'est pourquoi nous disons que si cet enfant a cette capacité et est responsable, il devrait aussi avoir la capacité de donner des instructions à son avocat. Rappelez-vous que la compréhension de la procédure judiciaire exige un niveau de compréhension beaucoup plus élevé. En dernière analyse, c'est l'enfant qui doit commander ici, pour ainsi dire, parce que c'est l'enfant ou la jeune personne qui subira les conséquences. C'est l'enfant qui ira en prison.

Mme Cohen: Cela ne veut pas dire que le fait pour l'avocat d'être réceptif aux conseils qu'on lui donne dans le cours de sa propre évolution professionnelle lui interdit de faire intervenir les parents ou d'autres professionnels.

Parlons maintenant des transferts fédéraux aux provinces. Au vu des statistiques qui ont été réunies - et nous n'avons pu que lire en diagonale le profil qu'on nous a remis ce matin - , ne croyez-vous pas qu'il en coûte beaucoup plus par personne en Ontario, au Manitoba, en Alberta et dans une certaine mesure au Yukon, même s'il s'agit de contextes culturels très différents...? Si l'enfant est détenu, ça va vous coûter plus cher.

.1040

Est-ce équitable si ce sont les provinces qui fixent leurs propres priorités, si elles ordonnent de réclamer des mesures de détention préventive, si elles permettent à leurs policiers et aux procureurs de la Couronne de porter accusation pour des bagarres innocentes dans la cour de récréation, pour des voies de fait au premier degré, au lieu de remédier à la situation en prenant d'autres moyens? Ne croyez-vous pas que le gouvernement fédéral a le droit - et je me fais l'avocat du diable ici - de dire qu'il ne vous fera plus de chèque en blanc pour 50 p. 100 de vos transferts, les gars; vous ne contrôlez plus vos propres priorités et vos propres programmes, alors nous vous disons qu'à l'avenir, nous allons renégocier tout ça et vous obliger à réordonnancer vos priorités et à dépenser plus sagement?

Je me fais l'avocat du diable ici, et c'est la coprésidente provinciale qui parle et non la coprésidente fédérale.

De même, il me semble, après avoir jeté un coup d'oeil sur le rapport et sur l'analyse statistique, et compte tenu de ce que le comité a appris dans ses voyages, qu'une détention plus longue ne réduit pas nécessairement la récidive. Une détention prolongée ne se traduit pas nécessairement en un meilleur système, mais on sait que ça coûte plus cher.

M. Markwart: Si je vous comprends bien, essentiellement, vous dites que si l'on a une formule de partage des coûts qui est fonction des services, vous allez en réalité récompenser les provinces et les territoires qui ont des taux de détention plus élevés; et ce n'est pas une très bonne politique sociale. Je pense que les gens seront d'accord avec ça, et que cela reflète en rétrospective le fait qu'on s'est trompé à l'origine lorsqu'on a conclu l'accord sur le partage des coûts.

Mais nous ne disons pas que cette politique doit demeurer. Essentiellement, ce que vous dites au sujet de l'écart dans les dépenses entre les provinces et les territoires, écart qui est intimement lié au taux de détention, pourrait être réglé si on... Au lieu d'avoir une formule de partage des coûts qui soit fonction des services, particulièrement pour ce qui concerne la détention, la distribution pourrait être mieux faite par habitant.

Pour ce qui est du profil qu'on veut réaménager, la vraie difficulté réside dans sa mise en oeuvre, particulièrement si les contributions fédérales sont à un niveau fixe et sont appelées à être réduites en 1998-1999. Par exemple, si l'on oblige une province, disons, à prendre 5 millions de dollars dans son budget pour la détention et à canaliser ces fonds, disons, vers des solutions de rechange à la détention... Tout le monde est d'accord avec les solutions de rechange à la détention. Le problème pour chaque province, dans de telles circonstances, c'est qu'il faut beaucoup de temps pour planifier, concevoir et mettre en oeuvre ces solutions de rechange à la détention, si on veut que ces solutions soient crédibles et qu'elles aient un effet visible sur le taux de détention. Entre temps, vous avez perdu 5 millions de dollars pour la détention, mais vos coûts demeurent les mêmes, ce qui vous oblige à réaménager votre budget et, au même moment, à investir 5 millions de dollars de plus - en fait, ce serait beaucoup plus élevé si vous faites tous les calculs - pour mettre au point ces nouveaux programmes.

Toutes ces dépenses doivent être absorbées par la province sans que le gouvernement fédéral investisse un sou de plus. Je pense que les provinces seront d'accord pour dire qu'il faut trouver de nouvelles solutions de rechange à la détention, mais qu'il faut collaborer pour y arriver.

Mme Cohen: Merci.

La vice-présidente (Mme Torsney): Monsieur Langlois.

.1045

[Français]

M. Langlois: À la page 5 de votre volumineux document, au point 1.2, vous parlez du rôle du Québec qui a décidé de fonctionner plutôt en parallèle. Vos commentaires sont assez succincts. Au dernier alinéa, vous dites qu'«il n'est pas possible de transposer ailleurs l'approche adoptée par le Québec en matière de justice pour les jeunes».

J'aimerais que vous nous expliquiez comment vous en arrivez à cette conclusion et, si vous les connaissez personnellement, que vous nous fassiez part des conclusions du rapport Jasmin et que vous nous disiez si elles vont dans le même sens que les vôtres.

[Traduction]

M. Markwart: C'est peut-être exagéré dans la mesure où l'on dit qu'on ne peut pas transplanter le système qui existe au Québec dans les autres provinces et territoires. Mais ce propos démontre bien qu'il y a des divergences d'opinions considérables entre les diverses provinces et les divers territoires sur l'organisation des systèmes, et que ces divergences de vues, qu'on les aime ou non, doivent être respectées. Il y a aussi des différences considérables dans les approches à la protection de l'enfance et dans l'aide à l'enfance au Québec par rapport aux autres provinces et territoires.

Je ne veux pas trop insister là-dessus, mais on peut dire sans risque de se tromper que l'approche québécoise est plus interventionniste. On n'a pas la même vision des choses ni la même approche dans plusieurs autres provinces. Je ne dis pas qu'on a raison ici et qu'on a tort là-bas, mais c'est simplement la réalité des choses.

Vous avez également posé une question sur le rapport Jasmin. Chose certaine, on s'est penché sur les recommandations du rapport Jasmin, si je comprends bien. D'ailleurs, on mentionne expressément dans ce rapport les recommandations concernant la participation des parents. Le rapport Jasmin, si je comprends bien, était un rapport sur l'administration de la justice pour les jeunes et ce n'était pas un examen rigoureux de la substance de la Loi sur les jeunes contrevenants. Il y a donc des différences.

[Français]

M. Langlois: Je fais un peu un coq-à-l'âne et je mêle un peu les ingrédients de notre discussion. Notre Code criminel comporte encore aujourd'hui une disposition qui est là depuis fort longtemps. C'est maintenant l'article 215, qui est très rarement utilisé et qui concerne le refus de pourvoir. Le refus de pourvoir s'applique à quiconque, en sa qualité de père ou mère, de parent nourricier, de tuteur ou de chef de famille, refuse de fournir les biens nécessaires à l'existence à un enfant de moins de 16 ans. Cette disposition a été interprétée par nos tribunaux comme s'appliquant aux biens tout à fait matériels.

La question suivante nous est posée de temps à autre: est-ce que le refus de pourvoir ne devrait pas être étendu au refus de remplir le devoir parental fondamental, qui est de donner un minimum d'éducation à ses enfants dans la vie? Est-ce que, dans certains cas, les parents ne devraient pas être tenus criminellement responsables d'une infraction d'abdication totale ou presque de leur autorité parentale vis-à-vis des enfants qu'ils ont mis au monde?

[Traduction]

M. Markwart: Oui, on s'est penché sur cette question dans le rapport. On s'interroge surtout sur la possibilité de créer une infraction qui tiendrait compte de la négligence criminelle des parents. On prévoit une possibilité particulière à cet égard.

.1050

Comme vous le savez, pour prouver qu'il y a eu négligence, il y a divers critères à respecter. Il est très difficile d'établir un lien pour ce qui est de la responsabilité criminelle. La responsabilité criminelle est une responsabilité individuelle. Essentiellement, lorsqu'on se penche sur les rapports entre le parent et l'enfant, on entre dans des questions de responsabilité par procuration qui posent toutes sortes de problèmes.

Néanmoins, on s'est penché sérieusement sur cette option et on l'a rejetée. Quelques-uns étaient favorables à la création d'une infraction faisant intervenir la négligence criminelle des parents, mais ce n'était qu'une minorité de gens. On l'a écartée essentiellement parce que de tels cas seraient rares. On craignait aussi beaucoup de criminaliser les mauvais parents. On a pensé qu'il valait mieux privilégier des approches plus constructives vis-à-vis des parents négligents.

Je ne suis pas sûr d'avoir bien répondu à votre question.

[Français]

M. Langlois: Je ne ferai que donner suite à la remarque contenue dans le rapport, qui permettrait peut-être de vider la question. Vous mentionnez, dans votre présentation, les rares cas où l'on peut obtenir réparation civile des parents. Je comprends qu'on puisse s'interroger sur l'opportunité d'incorporer dans le processus la réparation criminelle ou de la mettre en vigueur. La difficulté d'obtenir réparation civile des parents est-elle due à leur manque de solvabilité ou à nos règles concernant la preuve, ou encore à l'impossibilité de déterminer, tout simplement, la responsabilité des parents dans un acte criminel, parce qu'il n'y a pas de relation entre les parents et l'acte criminel qui a causé un dommage à un tiers?

Je ne comprends pas la raison qui vous amène à parler de rares cas où la responsabilité civile des parents est mise en cause.

[Traduction]

M. Markwart: On a parlé plus tôt de la responsabilité criminelle potentielle par opposition à la responsabilité civile. Dans un contexte civil, la règle de preuve est différente. Il ne s'agit pas d'une preuve au-delà de tout doute raisonnable; il s'agit de l'équilibre des probabilités.

Au sujet des responsabilités civiles des parents, le rapport ne prend pas de position définitive. Essentiellement, ce qu'on dit, c'est qu'il s'agit avant tout d'une question d'indemnisation pour les victimes. S'il s'agit d'une situation où la victime a subi des pertes ou des dommages et exige d'être indemnisée, et si la jeune personne ne peut pas payer et que les parents peuvent payer, et si les parents ont en effet été négligents au moment où l'infraction a été commise, il faut alors peser et équilibrer les divers intérêts sociaux qui sont en jeu. Il serait peut-être bon de mettre au point des recours civils qui faciliteraient l'indemnisation des victimes.

Ce que nous recommandons, c'est d'étudier plus avant la jurisprudence pertinente ainsi que les lois provinciales afin de voir s'il n'y a pas moyen de faire indemniser les victimes par les parents négligents.

Malgré tout, je ne pense pas que nous devions demander plus parce que nous parlons toujours de cas de négligence réelle. Ce sont des cas sans doute assez rares et difficiles à prouver.

La vice-présidente (Mme Torsney): Merci.

Monsieur Maloney.

.1055

M. Maloney (Erie): Pour ce qui est de l'âge et de l'abaissement de la limite d'âge, le comité recommande de ne pas abaisser cette limite en deçà de 12 ans. La raison en est qu'il faudrait le faire par le biais de la législation sur la protection de l'enfance. Nous l'avons constaté au cours de nos déplacements, surtout dans le cas du Québec, où l'on ne préconise certainement pas l'abaissement de l'âge.

Est-ce que dans d'autres provinces on estimait que la législation sur la protection de l'enfance n'était pas appropriée à cet égard? A-t-on manifesté le désir de la renforcer ou de l'améliorer? Dans la négative, que faisons-nous dans ce cas?

M. Rivard: Je pense qu'il y a un peu de tout. Dans certaines provinces, on estime avoir résolu le problème et le seul fait qu'un jeune ait commis un acte criminel grave suffirait pour que l'Agence de protection de l'enfance intervienne.

Quant à la nature exacte de cette intervention, tout dépend des circonstances particulières à chaque cas. Tout dépend de la famille, des besoins de l'enfant, de facteurs de ce genre.

D'autres provinces ont indiqué qu'elles devraient revoir leur législation pour s'assurer qu'elle permet de faire face à ce type de scénario.

Tout ce que je peux dire, c'est que cette recommandation a recueilli un vaste appui de la part des membres du groupe de travail, notamment des représentants provinciaux qui étaient à la table.

M. Maloney: Vous sembliez aussi avoir une position de repli dans votre rapport. Si vous acceptiez d'abaisser l'âge limite, vous établiriez alors différents critères pour le faire. Quelle en était la raison, alors?

M. Markwart: Je pense qu'on reconnaissait simplement qu'il s'agissait d'une question très controversée et qu'il était possible que des changements soient apportés. Essentiellement, c'est pour cette raison. Si des changements étaient effectués, différents critères devraient être fournis dans toute disposition législative qui viserait à en limiter l'application et il faudrait qu'elle soit aussi raisonnable que possible.

M. Rivard: Si on descend en deçà de l'âge de 12 ans, on a alors à se poser diverses questions au sujet de la capacité que peut avoir un jeune de comprendre la nature de son comportement ainsi que le processus pénal. Essentiellement, ce que nous disions, c'est que bien que nous ne le recommandions pas, s'il est décidé d'abaisser l'âge dans des cas exceptionnels, il faudrait dans chaque cas individuel tenir compte de la capacité du jeune à ces deux égards.

M. Maloney: Savez-vous dans combien de cas cela se produit effectivement? Si ces dossiers sont rares, vaut-il la peine même d'en parler? Ces cas sont-ils suffisamment nombreux pour que nous ayons à nous en préoccuper?

M. Markwart: Le rapport présente des données statistiques à la page 103. Je ne vais pas entrer dans ces détails, mais par exemple, on dit que 1,1 p. 100 de toutes les personnes appréhendées - on inclut ici les adultes, les jeunes contrevenants et les enfants de moins de 12 ans - étaient des enfants de moins de 12 ans.

Pour les années 1992 et 1993, il y avait 5 823 enfants. Mais ce chiffre ne correspond qu'aux aires de juridiction de la GRC qui soumettait des rapports et cela ne représentait que le tiers de la population canadienne. Les nombres sont donc assez élevés. Il est ici question de milliers de personnes. Cependant, il faut se rappeler que la grande majorité de ces délits sont tout à fait mineurs, vol à l'étalage, vandalisme, etc. En fait, 87 p. 100 étaient des enfants de moins de 12 ans qui avaient été appréhendés pour des délits sans violence, principalement pour des vols de moins de 1 000$.

M. Maloney: J'aimerais parler de la détention. Les auteurs du rapport recommandent qu'on isole les très jeunes délinquants de leurs aînés. On s'est demandé si on mettrait ces derniers avec les contrevenants adultes ou si l'on prévoirait une installation de détention distincte pour les jeunes contrevenants âgés de 16, de 17 et de 18 ans.

.1100

Est-ce que les provinces ont les ressources nécessaires, et seront-elles prêtes à les utiliser à cette fin? C'est probablement une bonne idée, mais on peut se demander si elles seront prêtes à traduire leurs paroles en actions.

M. Markwart: Évidemment, chaque province devra considérer les ressources dont elle dispose et prendre la décision sur cette base.

J'aimerais apporter un éclaircissement; ce qu'on recommande ici, c'est de placer ensemble les jeunes de 16 à 19 ans, y compris les 18 à 19 ans qui ont été condamnés par le système des adultes et qui, légalement, sont des adultes. Il ne s'agit donc pas, dans ces établissements ou unités, de les mettre avec d'autres adultes, par exemple de mettre ensemble des 16 à 19 ans avec des gens de 25 et de 35 ans.

C'est probablement plus facile dans les gros établissements où la population carcérale est élevée, et moins facile dans les petits établissements.

M. Maloney: Si madame la présidente le permet, j'ai une dernière question à poser.

Au sujet de la possibilité d'obliger les parents à payer les factures d'aide juridique de leurs enfants, que devons-nous faire lorsque les parents ont les ressources nécessaires? Supposons que les parents ne savent plus à quel saint se vouer, qu'ils aient tout essayé avec leur enfant, et que dorénavant ils soient tenus responsables. Il y a des situations où les parents eux-mêmes sont victimes des actes de leurs enfants. Est-ce qu'on a pensé à cela?

M. Markwart: Je comprends votre observation, mais on pourrait probablement dire que les parents sont les victimes de leurs enfants à de nombreux égards. Les parents d'un enfant qui ne brosse pas ses dents régulièrement, deviennent victimes lorsqu'ils doivent payer les factures de dentiste. D'une façon générale, on suppose que les parents assument la responsabilité des frais encourus pour élever leurs enfants.

La présidente: Merci beaucoup.

Je vais donner la parole à M. Ramsay, après quoi nous reviendrons à vous.

M. Ramsay: Au sujet de l'âge de 12 ans, c'est peut-être la dernière question que j'aurai à ce sujet, dans son rapport au ministre de la Justice, le professeur Bala a recommandé de réduire cet âge, et il donne ses raisons. Est-ce que le groupe de travail a pris sa décision sur la base d'études qui s'opposaient à cette recommandation?

M. Markwart: Est-ce que nous avons vu des études comparables? Il est certain que nous avons étudié très attentivement le rapport exhaustif du professeur Bala. Nous avons également étudié attentivement beaucoup d'autres informations, des rapports de recherches et des statistiques. C'est sur la base de toutes ces informations que nous avons pris notre décision, une décision qui a été loin d'être unanime. Un groupe minoritaire était en faveur de la position de M. Bala.

Toutefois, nous étions unanimes sur un point: la question n'est pas de savoir si une intervention sociale s'impose en cas de délit grave ou de récidive, mais plutôt de déterminer la forme de cette intervention sociale.

La plupart des gens étaient en faveur de l'intervention non criminelle. Comme Glenn l'a dit, cette position est motivée par diverses raisons, la question de capacité, de responsabilité, les répercussions négatives possibles.

Imaginez ce qui se produirait si on mettait un enfant de 10 ou 11 ans dans un centre de garde avec des enfants de 15, 16 ou 17 ans beaucoup plus avancés. En fin de compte, cela aurait de bonnes chances d'aggraver son attitude.

.1105

M. Ramsay: D'après ce que j'ai vu dans le rapport du professeur Bala, ce n'est pas vraiment ce qu'il préconise. Il dit qu'il existe de nombreuses options de traitement. Il dit que les dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants devraient être étendues aux crimes graves commis par des enfants de 10 et 11 ans, et il explique pour quelles raisons. Est-ce que les services d'aide à l'enfance sont la réaction sociale adéquate lorsqu'un enfant de 11 ans commet un meurtre?

Le professeur a fait une déclaration devant le comité, et au sujet de son étude, il a déclaré:

Je vous ai donc demandé si vous aviez des études comparables qui réfutent cette conclusion et les raisons que le professeur Bala donne dans son rapport.

M. Markwart: Non. Je ne pense pas que des études comparables soient nécessaires. Le rapport du professeur Bala est particulièrement exhaustif, il envisage tous les aspects positifs et négatifs de la question. Sur cette base, il tire une conclusion. Nous avons considéré les mêmes aspects positifs et négatifs, et nous y avons ajouté des informations plus récentes avant de parvenir à une conclusion différente. Nous n'avons pas eu besoin d'un rapport distinct, produit par un autre expert qui serait parvenu à une conclusion différente.

M. Ramsay: Merci pour cette réponse.

J'aimerais profiter du temps qu'il me reste pour vous dire qu'à mon avis, tout changement à la loi doit être largement approuvé par la société. Pensez-vous que les parents d'une façon générale seront d'accord pour être séparés de leur enfant de 12 ans quand il s'agit de donner des instructions à l'avocat, alors que très souvent les adultes ont déjà du mal à faire eux-mêmes? Les parents sont responsables de leurs enfants dans tous les domaines. Pensez-vous qu'ils accepteront d'être séparés de leur enfant, de le laisser se débrouiller seul dans un domaine aussi crucial? Indépendamment de la position des tribunaux, est-ce que la population canadienne jugera cela acceptable?

M. Markwart: C'est la situation actuelle. Il n'est pas question de ce qui se passera, mais bien de ce qui est. Dès l'âge de 12 ou 13 ans, les enfants ont le droit de donner eux-mêmes des instructions à leur avocat. Il est certain que beaucoup de parents protestent contre cela. C'est sur cette base que les barreaux ont recommandé l'adoption de règles destinées à impliquer les parents le plus possible dans le processus de consultation et de décision au sujet de leurs enfants. Ces règles serviraient à combler cet écart, à faire participer les parents le plus possible, sans oublier les limites imposées par la confidentialité des relations entre avocat et client.

M. Ramsay: Merci.

La présidente: Merci. Monsieur Kirkby.

M. Kirkby (Prince-Albert - Churchill River): Le Parti réformiste a fait valoir que des enfants de 12 ans n'ont pas une compréhension suffisante pour donner des instructions à leur avocat. Le même parti pense que nous devrions réduire l'âge limite pour faire l'objet de sanctions criminelles aux termes de la Loi sur les jeunes contrevenants. Ne pensez-vous pas que ces deux propositions vont dans un sens diamétralement opposé? Si vous pensez qu'à 12 ans les enfants n'ont pas ces capacités, ne faudrait-il pas relever l'âge au lieu de le réduire?

Deuxièmement, qu'il s'agisse de 12 ans ou de 10 ans, quel que soit l'âge limite choisi, il y aura toujours des exceptions. Si vous ramenez l'âge à 10 ans, il y aura un enfant de neuf ans qui va commettre un crime affreux. À ce moment-là, vous voudrez qu'on le réduise à huit ans, à sept ans, ou même à six ans, et ça n'a pas de fin. Ce n'est pas de cette façon-là qu'il faut s'attaquer au problème.

.1110

Au lieu de fixer un âge donné, que penseriez-vous d'un système de droit criminel sans limite précise qui serait administré par le gouvernement fédéral et qui ferait appel à la fois à la société et aux services sociaux provinciaux pour faire face aux diverses situations? Avec un tel système, qu'un problème tombe d'un côté ou de l'autre de la limite, on fera des efforts d'intervention sincères pour changer le cours de la vie de l'enfant.

M. Rivard: Je crois que vous avez parfaitement raison. Tout cela nous ramène aux arguments qui ont servi de base aux travaux du groupe de travail.

Toute limite d'âge sera forcément arbitraire. D'autre part, il y aura toujours des cas exceptionnels qui tomberont en-dessous de cette limite. Cela dit, plus vous abaissez l'âge limite, plus vous risquez de vous heurter à des difficultés en ce qui concerne la capacité des enfants à comprendre la nature de leur crime ou encore à comprendre les rouages du système juridique et à travailler avec leur avocat.

Vous avez parlé d'un système sans limite précise; je crois que les travaux du groupe de travail reposaient justement sur cette notion. Au lieu de fixer une autre limite d'âge arbitraire, ce qui comporterait de nouveaux problèmes, nous nous sommes demandé dans quelle mesure les services de protection de l'enfance et, dans les cas extrêmes, les services de la santé mentale, pouvaient intervenir d'une façon efficace. Nous avons recommandé un examen de ces services pour confirmer leur capacité de réaction.

Je crois que cela cerne très bien le problème.

La présidente: Monsieur Rideout, vous avez des questions?

Mme Torsney (Burlington): J'ai une question à vous poser au sujet d'une chose que vous avez mentionnée à la fin. Je ne voudrais pas insister lourdement, mais je vais tout de même essayer d'insister légèrement.

Si j'ai bien compris, dans quelques provinces, comme l'Ontario, le Manitoba et l'Alberta, on a tendance à placer trop d'enfants sous garde. Vous reconnaissez que le système doit changer, et que ces changements vont exiger une aide financière.

Est-ce que vous ne trouvez pas ironique que les provinces qui font du bon travail, comme le Québec ou la Colombie-Britannique, et obtiennent de bien meilleurs résultats, auront moins besoin d'aide? Elles nous ont coûté moins d'argent, elles auront moins besoin d'aide. D'un autre côté, il y a les provinces qui nous ont coûté plus cher parce qu'elles emprisonnent trop d'enfants. Nous en payons une partie. Ces provinces-là vont encore avoir besoin d'aide pour passer à un autre système. Ce sont les mêmes provinces qui parfois envoient des remboursements d'impôt à leurs citoyens. D'une part, elles nous disent qu'elles n'ont pas les moyens de changer le système, mais d'autre part, elles ont les moyens d'envoyer des remboursements d'impôt parce qu'elles ont tellement d'argent en trop. Et ce sont justement ces provinces-là à qui nous allons donner plus d'argent qu'aux autres.

La présidente: Est-ce que certains d'entre vous, fonctionnaires, veulent répondre à cette question très politique?

M. Markwart: [Inaudible]... soit mon client.

Mme Torsney: Vous n'habitez pas l'Ontario.

M. Markwart: Mais je voulais seulement dire que...

La présidente: Il y a des gens qui se mordent la langue. C'est une observation intéressante, mais nous n'avons peut-être pas besoin d'une réponse. Qu'en pensez-vous, madame Torsney?

Mme Torsney: Non. Mais c'est intéressant.

M. Markwart: En tout cas, je peux certainement répondre à la première partie de la question.

Je comprends votre position, mais si vous pensez que ces provinces ont trop imposé de garde pour des délits pas suffisamment graves, vous pourriez conclure qu'une injection d'argent à court terme pour corriger cette situation se justifie. Cela ne tient pas compte du fait que jusqu'à présent, ces mêmes provinces ont été récompensées par la formule de financement basée sur le niveau de services. Ces provinces-là ont d'autant plus besoin de fonds supplémentaires pour faciliter la transition vers des nouveaux programmes, des programmes qui permettraient de réduire la fréquence des mises sous garde.

.1115

Moi qui suis d'une province où la fréquence des mises sous garde est la moitié de la moyenne nationale, je peux vous assurer que le maximum imposé, les réductions, les possibilités de réorganisation, tout cela constitue un obstacle majeur. Par exemple, nous aimerions beaucoup lancer une initiative de déjudiciarisation policière et étendre considérablement les programmes de type Sparwood, mais des considérations financières nous en empêchent, d'autant plus que l'accroissement rapide de la population se traduit par des coûts supplémentaires à cause des sentences de 7 ans et de 10 ans, entre autres. Nous aimerions pouvoir travailler en coopération avec le gouvernement fédéral, je pense que nous y avons tous intérêt, mais nous ne pouvons pas agir entièrement seuls.

Mme Torsney: Je reconnais que l'investissement en vaut la peine, qu'il y va de l'intérêt des enfants. Ce qui m'exaspère, c'est que ces provinces-là semblent avoir des fonds inépuisables pour acheter des briques et du mortier et construire des prisons de plus en plus solides, pour augmenter la sévérité des sentences prononcées contre ces enfants qui sont sous garde, et pour créer des prisons de type militaire qui n'ont jamais fait leurs preuves nulle part. C'est un commentaire politique.

Est-ce que je peux poser une dernière question?

La présidente: Non.

Mme Torsney: Je leur ai donné dix minutes quand je présidais.

La présidente: Je sais, mais maintenant c'est moi qui préside. C'est le tour de M. St-Laurent. Vous vous souviendrez qu'il a été très fidèle pendant que nous voyagions; je suis certain qu'il a beaucoup de questions à poser.

Mme Torsney: D'accord, mais j'ai une question technique à poser et j'aimerais être inscrite au tour suivant.

La présidente: Très bien.

Excusez-moi, mais M. Rivard voulait répondre lui aussi.

M. Rivard: Je ne voudrais pas prolonger ce débat, mais je me sens obligé d'ajouter une observation au sujet du partage des coûts. En tout cas, je ne veux pas reproduire les discussions qui sont en cours.

Je n'ai pas d'observation en ce qui concerne la totalité des fonds fédéraux disponibles, mais en ce qui concerne le ministère de la Justice, ce n'est pas parce que les fonds fédéraux sont limités que nous devons continuer à les utiliser sans tenter d'optimiser leur efficacité. C'est exactement le contraire que nous devons faire. C'est la raison pour laquelle il nous semble que la seule solution est d'affecter ces fonds d'une façon plus utile.

Nous faisons des efforts pour collaborer avec les provinces et réduire au minimum les conséquences négatives, et nous nous sommes déjà mis d'accord pour reconnaître la nécessité de conserver une certaine souplesse et d'apporter des changements progressivement.

La présidente: C'est le propre d'une fédération, n'est-ce pas?

Monsieur St-Laurent.

[Français]

M. St-Laurent (Manicouagan): Merci, madame la présidente.

[Traduction]

Merci.

[Français]

Je vais commencer par une question fort simple qui a trait à l'âge. Concernant l'âge, vous mentionnez entre autres que pour poursuivre les enfants de 12 ans pour une infraction pénale, on n'a pas besoin d'abaisser l'âge de façon générale. Je suis entièrement d'accord sur cela, de façon générale.

Cependant, tout au long de notre tournée, nous avons été à même de vérifier certaines choses. Presque par plaisir, on demandait si l'incarcération des jeunes de 12 ans et plus, ou même l'incarcération de quiconque, jouait un rôle positif et dissuasif vis-à-vis des gens qui sont à l'intérieur.

Dans votre énoncé, vous préconisez de ne pas abaisser l'âge en bas de 12 ans, mais d'une façon générale. À quel moment, alors, faudrait-il aller à moins de 12 ans? Et même à 12 ans, dans les cas de crimes vraiment graves, étant donné que l'incarcération comme telle... Quand vous dites «de façon générale», que voulez-vous dire précisément? Voulez-vous laisser entendre qu'il y a des fois où on peut descendre à 10 ans? Dans quels cas pourrait-on le faire?

.1120

M. Rivard: La recommandation était de ne pas abaisser l'âge minimal de la Loi sur les jeunes contrevenants, mais nous avons considéré la possibilité qu'un gouvernement puisse un jour vouloir le faire. Nous avons donc examiné la possibilité d'une juridiction exceptionnelle pour certains enfants de moins de 12 ans. Le rapport souligne ce qui doit être pris en considération lorsqu'un tribunal décide d'étendre sa juridiction aux enfants de moins de 12 ans. Mais selon nous, ce devrait être dans des situations très exceptionnelles.

M. St-Laurent: Autrement dit, vous ouvrez la porte à la possibilité qu'un juge puisse intervenir, dans le cas d'un enfant de 10 ans, par exemple, dans le cas d'un crime vraiment grave. Je me trompe peut-être, car je vois le monsieur qui est vraiment...

M. Rivard: Ce n'est pas la recommandation du Groupe de travail. Nous avons simplement dit que si un gouvernement voulait le faire, certains aspects devaient être pris en considération.

M. St-Laurent: D'accord. Je vais changer de thème. Vous parlez de programmes de traitements spécialisés, entre autres, pour les 16 à 20 ans. Vous suggérez une sorte d'approche pour les crimes graves, pour les «auteurs d'infractions graves», comme il est dit dans le rapport.

Ce pourrait être une approche spécialisée, mise en application à l'intérieur des prisons existantes, mais il ne faudrait pas construire de nouvelles prisons. J'aimerais avoir votre opinion sur ce point et vous entendre le développer. Il y a déjà des programmes en place et des endroits, qui ne sont pas nécessairement des prisons, où se trouvent des auteurs d'infractions graves. Comment pourrions-nous les placer en prison sans bâtir de nouvelles prisons? J'aimerais que vous me répondiez.

[Traduction]

M. Markwart: En réalité, dans beaucoup de provinces, il n'y a pas de programmes de traitement réservés aux adolescents les plus âgés qui sont des contrevenants très violents. Cela se fait peut-être dans les grandes provinces où il y a suffisamment de contrevenants pour justifier des programmes spéciaux. Mais dans les petites provinces, il s'agit d'un nombre de gens très limité, ce qui pose un problème. En fait, c'est la même population répartie en trois groupes. Il y a les 16 à 19 ans qui sont mis sous garde au titre de la Loi sur les jeunes contrevenants lorsqu'ils commettent un délit grave avec violence. Il y a les 18 et 19 ans qui sont jugés comme de jeunes adultes en vertu du Code criminel et qu'on envoie dans les centres provinciaux pour adultes, et enfin, les jeunes de ce même groupe d'âge qui sont transférés dans les pénitenciers.

Un des problèmes du système de garde, du système provincial pour les adultes et du système fédéral de pénitenciers - qui, dans tous les cas, s'occupent de jeunes qui appartiennent à un même groupe d'âge, des jeunes qui purgent une peine pour un délit grave accompagné de violence - c'est que très souvent on ne prévoit pas de programme de traitement parce qu'il n'y a pas suffisamment de délinquants pour justifier un programme spécialisé. C'est ce qu'on entend dire dans les trois systèmes.

Une des solutions possibles serait de déterminer combien il y a de gens dans les trois systèmes et de voir si on ne pourrait pas les regrouper en une unité de traitement, par exemple. Nous ne recommandons pas de nouvelles prisons, mais on pourrait très bien transformer une petite unité qui accueille des délinquants violents, ou encore réserver une unité ou une aile dans un centre de garde pour les jeunes et en faire un centre psychiatrique régional, ou quelque chose de ce genre.

.1125

[Français]

M. St-Laurent: Vous suggérez de commencer par faire une expérience dans deux provinces. J'imagine que vous êtes allés, au cours de votre tournée, dans des endroits ou dans des provinces - je pense entre autres au Manitoba - où les vues s'opposaient diamétralement à celles qui sont contenues dans votre rapport.

Par contre, nous avons en Colombie-Britannique - et je reprends en quelque sorte la question qu'a posée mon collègue tout à l'heure - un gouvernement qui vient à peine de mettre sur pied, il y a six ou sept semaines, je crois, un nouveau ministère de l'Enfance et de la Famille qui, de l'aveu même du juge Gove, est à peu près le programme du Québec, mais cette fois made in B.C.. Donc, vous avez vu les deux facettes, les deux positions opposées de ces deux systèmes-là.

Dans quelles provinces suggérez-vous de faire ces deux expériences? Est-ce qu'on doit uniquement tenir compte des populations de ces provinces ou doit-on se dire qu'en faisant l'expérience dans une province comme le Manitoba, étant donné son opposition aux recommandations contenues dans votre rapport... Je ne sais pas si je me fais bien comprendre.

[Traduction]

M. Markwart: Chaque province pourrait envisager la possibilité de participer à une étude de faisabilité, et je ne sais pas lesquelles choisiraient de donner suite à un tel projet. Il est probable que certaines d'entre elles s'intéresseraient aux avantages que cela représenterait, mais je ne sais pas lesquelles.

La présidente: Nous vous redonnerons la parole plus tard. Si on décide de faire une étude de faisabilité, je pense qu'il faudrait dépenser de l'argent à Windsor.

Monsieur Discepola.

M. Discepola (Vaudreuil): Merci, madame la présidente.

Toute cette question d'âge va être difficile à résoudre. Une de vos recommandations n'a pas été mentionnée jusqu'à présent dans la discussion. Vous avez dit, et cela me rend très perplexe: une majorité importante des jeunes de plus de 14 ans qui sont condamnés pour meurtre, et de plus en plus on a recours à des transferts pour d'autres délits graves avec violence, devraient être transférés aux tribunaux pour adultes.

Si je suis perplexe, c'est que vous avez dit qu'on pouvait être tout aussi raisonnable à 12 ans qu'à 17 ans. Nous avons changé la loi récemment, et aujourd'hui, on renvoie les enfants de 16 au 17 ans devant le tribunal pour adultes, sauf lorsqu'on a de bonnes raisons de penser qu'il vaut mieux garder ces enfants-là dans le système des jeunes, qu'il y va des intérêts de la société.

J'aimerais savoir pourquoi vous recommandez de transférer des enfants de 14 ans au tribunal pour adultes, et j'aimerais savoir en particulier pourquoi vous parlez d'une «majorité importante». De deux choses l'une, soit vous avez 14 ans et on vous traduit devant ce tribunal, soit ce n'est pas le cas. Est-ce que vous voulez dire qu'on devrait choisir quels enfants doivent être transférés sur la base de certains critères? Dans ce cas, avez-vous envisagé d'autres possibilités que le critère de l'âge?

Dans ma communauté, par exemple, à cause d'une particularité technique - et comme plusieurs personnes l'ont mentionné, il y aura toujours des exceptions - nous avons eu le cas d'un jeune de plus de 17 ans, mais comme il a été impossible de déterminer si son certificat de naissance était un original, le juge a décidé qu'il devait être jugé par un tribunal pour enfants. Il aurait été très facile de prouver, grâce à l'ADN, qu'il avait plus de 17 ans.

Avez-vous envisagé d'autres critères que l'âge? Le fait de passer le cap des 18 ans n'a rien de tragique. Si ce jeune avait commis son crime une semaine ou une journée plus tôt, il aurait été traduit devant un autre système. À mon avis, c'est illogique, mais si nous choisissons l'âge, c'est parce que nous devons prendre une décision arbitraire.

Avez-vous envisagé d'autres possibilités? Techniquement parlant, comme il s'agit seulement de 60 ou 70 cas majeurs qui passent devant les tribunaux pour enfants, est-ce qu'on ne pourrait pas demander à des professionnels de déterminer si l'intéressé est suffisamment conscient de ses actes, et également de déterminer ses intentions? Sur cette base, on pourrait décider s'il se rendait compte de ce qu'il faisait, et s'il convient de l'envoyer devant un tribunal pour adultes. À côté de cela, vous avez le jeune de 19 ans qui n'a pas les mêmes capacités mentales, et qui se contentait de suivre les autres.

.1130

M. Markwart: Si on s'est arrêté sur l'âge de 14 ans, c'est simplement à cause de la loi actuelle, qui prévoit que seules les personnes qui commettent certains types de délits peuvent être transférées après l'âge de 14 ans. C'est la prolongation de cette disposition. Nous n'avons pas étudié la possibilité de changer l'âge limite, de l'abaisser ou de le relever. D'ailleurs, le raisonnement n'est pas fondé uniquement sur l'âge. Dans la recommandation, il n'est pas question de considérer uniquement l'âge. On considérerait à la fois l'âge et le type de délit, et le juge du tribunal pour adolescents continuerait à avoir une certaine latitude pour déterminer s'il convient de transférer l'affaire ou pas.

Il est simplement question de changer les dispositions pour qu'une majorité importante des jeunes de plus de 14 ans, ceux qui ont 14, 15, 16 ou 17 ans, soit transférée en cas de meurtre, mais on conserverait la possibilité de ne pas le faire dans les cas et dans des circonstances exceptionnels. C'est, je crois, ce que vous voulez, quand vous réclamez une évaluation de chaque cas.

Je pourrais vous donner les raisons de cette recommandation, mais je crois avoir répondu à votre question.

M. Discepola: Est-ce que je peux dire quelque chose à ce sujet?

Pourquoi dites-vous que la décision de transférer au tribunal pour adultes doit être prise seulement après le jugement? Cela signifie que l'intéressé serait d'abord jugé par le tribunal pour adolescents. Je comprends le raisonnement, tout d'un coup les faits seraient disponibles, et il serait plus facile de prendre une décision informée, j'imagine que c'est la raison. Mais d'un autre côté, cela revient à mettre la charrue avant les boeufs. Pourquoi ne pas commencer par décider de l'instance où la personne sera jugée et laisser ensuite les choses suivre leur cours? Pourquoi attendre que la personne ait été jugée?

M. Markwart: Il y a deux raisons à cela. À l'heure actuelle, le processus de transfert est extraordinairement complexe et prend un temps infini. On commence par faire une demande de transfert, après quoi une décision est prise, et que la décision soit prise de transférer ou pas... C'est un juge du tribunal pour adolescents qui prend la décision. Presque invariablement, cela est suivi d'une demande de révision ou d'un appel, ce qui provoque de nouveaux délais. Lors de l'audience sur le transfert, plusieurs témoins sont convoqués, on entend des rapports médicaux et psychologiques, des rapports de prédisposition, et également des témoignages sur les faits et les circonstances du prétendu délit.

Ensuite, si on a décidé de transférer l'affaire, on passe à une audience préliminaire puis au procès. Si l'adolescent est jugé coupable, cela est suivi d'un processus de rapport présentenciel qui comporte de nouveaux rapports psychologiques, après quoi il y a une audience de placement, et là encore, on convoque des témoins, on entend des rapports pour déterminer où l'accusé doit être placé, et cela, en dépit du fait qu'il doit être transféré et condamné comme adulte. C'est un processus extraordinairement long et coûteux.

Les choses pourraient aller beaucoup plus vite si la Couronne déposait dès le départ un préavis pour déterminer... Si vous considérez le transfert comme une décision de détermination de la peine, et si la Couronne dépose dès le départ un préavis de son intention de demander un transfert, on peut ensuite déterminer si la personne est coupable, en quoi consistait le délit, quelles étaient les circonstances particulières, quel rôle l'accusé a joué.

À l'étape de la détermination de la peine, il suffirait de rassembler tous ces processus d'établissement de la preuve, rapports médicaux et psychologiques, rapports de prédisposition, placements, témoignages des agents des services correctionnels et des services sociaux quant aux ressources disponibles, et tout cela pourrait être regroupé en un seul processus.

.1135

En second lieu, il y a une question d'équité. À l'heure actuelle, la décision de transfert est fondée sur des faits qui n'ont pas été établis, sur une accusation qui n'a pas encore abouti à une condamnation. Par exemple, supposons qu'une personne soit accusée d'agression avec circonstances aggravantes, et qu'il y ait certaines présomptions en ce qui concerne les faits. En fin de compte, on peut s'apercevoir que cette agression avec circonstances aggravantes était en réalité une agression causant des dommages corporels, et en même temps, on peut s'apercevoir que le jeune accusé n'a pas joué un rôle aussi actif qu'on le pensait au départ dans l'exécution de ce crime. Si la décision de transférer est prise après qu'on a établi la culpabilité, c'est une décision qui est étayée par de meilleures informations, qui est fondée sur des faits établis et non pas sur des présomptions.

La présidente: Merci, monsieur Discepola.

M. Ramsay, puis Mme Torsney.

M. Ramsay: Merci, madame la présidente.

J'ai une observation au sujet des capacités d'un enfant de 12 ans en ce qui concerne les instructions à l'avocat. J'ai l'impression que cela devrait se faire en collaboration, avec la participation du parent ou du tuteur. En tout cas, sur le plan légal, il serait peut-être bon de laisser la décision finale à l'enfant, s'il le souhaite, si un gouvernement futur décidait de réduire l'âge à 10 ans ou de l'abaisser en-dessous de 12 ans, cela n'aurait pas d'importance.

On peut concevoir que des enfants se trouvent dans ce genre de situation, qu'ils aient besoin de se faire représenter, et cela, qu'ils soient accusés en vertu d'un statut comme la Child Welfare Act ou d'un autre statut. Dans un tel cas, je suis certain que les parents participent très activement aux instructions à l'avocat.

J'ai une question à vous poser qui nous ramène aux observations de M. Kirkby. Certaines personnes ici pensent que le gouvernement fédéral devrait utiliser les fonds de transfert pour s'ingérer dans la façon dont les autorités provinciales administrent la LJC. Vous avez parlé des fonds qui pourraient être consacrés à des programmes comme le programme Sparwood.

Lorsque les responsables du programme Sparwood ont comparu devant le comité, ils nous ont expliqué très clairement, entre autres, qu'ils ne voulaient pas être financés par les gouvernements, qu'ils préféraient puiser dans les ressources de la communauté. Si je me souviens bien, ils nous ont dit que tout financement provincial ou fédéral serait forcément accompagné de conditions.

En fait, d'innombrables témoins sont venus nous dire que nous devions donner aux communautés mêmes les moyens de détecter les problèmes le plus tôt possible, les moyens d'élaborer des programmes de prévention destinés aux jeunes qui commettent un premier et un second délit, et c'est apparemment ce que font les programmes Sparwood et Maple Ridge. Ces témoins nous ont dit que si nous pouvions nous attaquer au problème de la criminalité chez les adolescents à ces niveaux-là, cela exigerait des ressources très limitées, et en même temps, cela diminuerait les cas de garde ouverte et de garde fermée qui sont beaucoup plus coûteux.

Avez-vous des commentaires ou des réflexions à ce sujet que vous voulez partager avec le comité?

M. Markwart: Oui. Je connais le programme Sparwood et je sais qu'il fonctionne avec peu de ressources. Mais dans une certaine mesure, ce n'est pas tout à fait vrai puisque les services policiers consacrent beaucoup de temps à organiser des conférences du groupe familial, ce qui représente une ressource considérable. Mais l'une des questions cruciales entourant la création de programmes est... Le programme Sparwood a découlé d'une initiative communautaire réalisée à peu de frais. Cela dit, on ne peut supposer que ce genre de programme va tout à coup apparaître par magie dans toutes les collectivités de la Colombie-Britannique et ailleurs. Chose certaine, il faut assurer le développement communautaire, la formation et, de façon générale, déployer beaucoup d'efforts pour mettre sur pied et promouvoir ce genre de programmes, et cela coûte de l'argent.

.1140

M. Ramsay: On nous a dit que ce programme était maintenant appliqué dans dix détachements de la GRC en Colombie-Britannique et qu'il commence à se répandre en Ontario. Devant l'échec de l'approche officielle, de l'approche légaliste, les collectivités se mobilisent de façon informelle pour lutter contre la criminalité chez les jeunes.

M. Markwart: Le programme Sparwood n'a pas essaimé dans plusieurs collectivités, mais dans une poignée d'entre elles. Il y a des plans en ce sens, mais aussi des demandes de financement pour appuyer cette initiative.

La présidente: Madame Torsney.

Mme Torsney: Merci.

Comme vous le savez tous, le Canada est signataire de la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, convention qui précise qu'il faut qu'il y ait un système de justice distinct applicable aux jeunes, devant lequel les jeunes devraient répondre de leurs crimes. Après avoir lu les pages 13 et 14 de votre mémoire, je ne suis pas certaine que cela serait conforme à nos obligations en vertu de la Charte. Je voudrais savoir si vous avez tenu compte de cela et si vous êtes convaincus que votre proposition résisterait à cet examen.

M. Markwart: Oui, il faut qu'il y ait une distinction entre les jeunes et les adultes, mais je pense qu'il est sous-entendu qu'il doit y avoir à cet égard une certaine souplesse. On ne devrait pas faire preuve d'une rigidité absolue. Prenons l'exemple d'un jeune contrevenant qui aurait commis une infraction à l'âge de 17 ans. Il est placé sous garde pendant deux ou trois ans et il atteint pendant cette période l'âge de 18 ou 19 ans. Son coaccusé, lui, a commis la même infraction à l'âge de 18 ans et un mois et s'est vu imposer sa peine par un tribunal pour adultes. Lui aussi a maintenant 18 ou 19 ans. Cela n'aurait aucun sens. Même si, d'un point de vue légal, ils sont différents, l'un étant un adolescent et l'autre un adulte, sur le plan pratique, le simple bon sens voudrait qu'ils ne soient pas nécessairement traités de façon distincte dans les circonstances.

En outre, le Canada, à l'instar de plusieurs pays occidentaux industrialisés du monde, a déjà soumis une réserve relativement à cette disposition de la Convention relative aux droits de l'enfant. À la lumière de cette réserve, il est indéniable que cela serait autorisé.

M. Rivard: Comme Alan a eu raison de le faire remarquer, il existe des cas où des jeunes plus âgés restent dans des établissements pour jeunes pour y terminer leur peine. C'est un exemple courant. Nous avons émis une réserve face à l'idée qu'il devrait y avoir une ligne de démarcation absolue qui ferait qu'un contrevenant qui vient d'avoir 18 ans et auquel il ne reste qu'une semaine à purger serait automatiquement envoyé dans un établissement provincial. Nous voulions éviter ce genre de scénario.

Tout ce que je peux vous dire, c'est que dans ce genre de situation, on examine les cas à la lumière de deux grandes considérations. La première, qui est conforme, je crois, aux principes de la Convention relative aux droits de l'enfant, c'est qu'il faut agir dans le meilleur intérêt du jeune en question. La deuxième concerne une nécessité incontournable, soit la nécessité d'assurer la sécurité du public ou la sécurité des autres pensionnaires de l'établissement correctionnel.

M. Markwart: J'ajouterai qu'il y a d'autres pays dans le monde qui font ce genre de choses. En effet, il y a des établissements pour jeune adultes en Europe, et plus particulièrement en Angleterre. Il existe là-bas des installations de trois niveaux, dont des installations pour les enfants de moins de 16 ans... La fourchette d'âges des jeunes contrevenants dans ce pays est la même que la nôtre, mais on retrouve là-bas des établissements pour jeunes contrevenants, c'est-à-dire pour ceux qui ont entre 16 et 21 ans. Les jeunes qui ont affaire à un tribunal pour adolescents ou les jeunes adultes sont placés ensemble dans ces établissements car on considère qu'ils ont un niveau de maturité et des besoins similaires.

.1145

Je sais aussi... Je ne peux vous en dresser la liste spontanément, mais certains pays d'Europe ont des établissements pour adolescents plus âgés. L'Allemagne, entre autres.

Mme Torsney: Je suppose qu'il arrive parfois que nous soumettions des réserves parce que notre système n'est pas conforme, de sorte que je ne sais pas trop ce qui vient en premier, l'oeuf ou la poule. Nous avons exprimé cette réserve parce que cela contreviendrait à la Charte compte tenu de notre système actuel. Quant à savoir si c'est un motif suffisant pour justifier notre façon de faire les choses, certains ne seraient pas d'accord.

J'ai trouvé votre exemple très intéressant, monsieur Markwart. En effet, l'adulte, c'est-à-dire le contrevenant de 18 ans et un mois, serait admissible à la libération conditionnelle dans le système pour adultes et, par conséquent, sortirait de prison beaucoup plus rapidement que le contrevenant de 17 ans et trois quarts qui est resté dans le système pour les jeunes et ce, indépendamment du fait qu'on leur ait imposé des peines similaires.

M. Markwart: Pas nécessairement. Tout dépend de la durée de la peine.

En fait, c'est l'un des problèmes suscités par cette proposition. Il est admis qu'il existe des différences considérables dans le régime en ce qui a trait à l'administration des peines dans le cas des jeunes et des adultes. Et ce n'est pas tout. Il existe aussi des distinctions entre les peines imposées à un contrevenant adulte dans le régime fédéral par rapport aux régimes provinciaux. Ce serait pour le moins un cauchemar administratif que d'essayer de tenir compte des différents régimes. Je pense qu'il nous faut accepter le bon et le moins bon. Quoi que l'on choisisse de faire, il y a toujours des inconvénients.

Mme Sharon Moyer (expert-conseil, Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la justice applicable aux jeunes): En outre, si l'on songe à certains résidents de cet établissement, soit les 16 à 19 ans, la différence entre une réduction de peine et la libération conditionnelle et l'absence de réduction de peine et la libération conditionnelle risque de créer des problèmes internes.

La présidente: J'aimerais poser quelques questions relatives à la procédure. Je pense que nous avons eu une excellente session car il m'apparaît évident que par hasard ou à cause de nos grandes qualités, nous avons mis à jour les mêmes informations que le groupe de travail. À mon avis, notre travail est complémentaire, que nous arrivions ou non aux mêmes conclusions. D'ailleurs, je ne suis pas du tout en mesure de faire des suppositions à cet égard maintenant.

Votre rapport sera certainement une mine d'or pour nous. À la lecture de l'annexe du document qui nous a été remis aujourd'hui, je constate que vous avez fait un travail incroyable. La preuve, c'est que Paddy n'a pas pu s'en arracher depuis qu'elle l'a reçu. Elle est extrêmement intéressée. Je l'entends s'exclamer à côté de moi toutes les cinq minutes.

Je n'ai pas discuté de cela avec qui que ce soit - et certainement pas avec le personnel du comité, mais si nous voulions organiser une autre séance avec vous, serait-ce possible? Monsieur Markwart, je sais que vous venez de l'autre bout du monde, mais si nous avions des questions précises à vous poser, y aurait-il une façon de communiquer avec vous et d'obtenir des réponses au cours du mois de décembre?

M. Rivard: Nous sommes à la disposition du comité.

La présidente: On pourrait toujours organiser une téléconférence. Je suis nulle pour ce qui est de la technologie. Cela m'agace encore de recevoir du courrier électronique, mais...

Madame Torsney, je vais faire un aparté et vous demander de poser votre question et ensuite d'assumer la présidence à ma place car je dois partir.

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Mme Torsney: Monsieur Markwart, ou je suppose que c'est la partie qu'a abordée surtoutM. Rivard... Nous en avons parlé lorsque nous étions en Colombie-Britannique. C'était vraiment intéressant. Nous parlions des agressions de type un et vous m'avez mentionné qu'en Colombie-Britannique les bousculades dans les cours d'école n'étaient pas considérées comme telles. Dans ma province, elles le sont.

L'autre jour, un avocat m'a relaté une histoire incroyable survenue dans une école de district avoisinante. Trois enfants sortent du cours d'éducation physique et deux d'entre eux prennent celui du milieu sous le bras et le mettent sous la douche pendant 15 secondes. L'enfant en question n'a même pas été complètement trempé. Tout le monde a ri. C'était une farce d'étudiants. Vous avez sans doute participé à ce genre de plaisanterie dans votre école secondaire à un moment donné. Le lendemain, ces deux enfants ont été accusés d'agression.

Cela me paraît bizarre. Peut-être que l'enfant qui était au centre et que l'on a mis sous la douche était terrorisé. Peut-être faudrait-il en parler. Peut-être qu'il faudrait que les parents des deux enfants qui lui ont joué ce tour les sermonnent un peu. Mais qu'allons-nous faire? Ce genre de cas est-il prévu dans la partie sur la déjudiciarisation? À mon avis, ce sera extrêmement coûteux d'intégrer ces enfants dans le système. Sans compter que cela leur transmet un message bizarre. La plupart des hommes assis autour de la table se sont sans doute livrés à ce genre de gaminerie à la fin d'un cours de gym...

Jamais? C'est étrange, car l'avocat qui m'en a parlé m'a dit qu'il avait fréquenté une école pour garçons et que toute sa classe aurait été accusée d'agression à un moment ou l'autre du cours secondaire.

Ce n'est quand même pas un incident extraordinaire, et pourtant c'est ainsi que le conseil scolaire a décidé de le régler. Comment allons-nous...? Je ne pense pas que ce soit une solution satisfaisante que de traduire ces jeunes en justice. La seule leçon qu'ils en tireront c'est que le système est une véritable farce. Qu'il est bizarre. Il serait de loin préférable que des adultes expliquent que ce n'était pas une expérience agréable pour l'enfant qui en a été victime et qu'il était inapproprié de faire cela. Il vaut mieux faire intervenir les parents et promouvoir un meilleur comportement.

Je ne sanctionne pas ce genre de conduite. Ce que je dis c'était qu'il doit y avoir un meilleur moyen de régler ce genre de problème. Mais les jeunes en question seront accusés d'agression avec violence et les gens diront que la violence est à la hausse chez les jeunes.

Avez-vous abordé ce sujet? Êtes-vous convaincus que le processus de déjudiciarisation permettra de donner aux conseils scolaires et aux corps policiers des instructions strictes, de leur dire que ce n'est pas ce que nous souhaitons en l'occurrence? Ou pensez-vous que c'est la bonne façon de réagir à ce genre d'incident? Je ne sais pas.

M. Markwart: D'après la description de l'incident, je suis tout à fait d'accord avec ce que vous venez de dire. C'est un abus du système de justice pénale.

Quant à savoir ce qu'il convient de faire dans une telle situation, le rapport renferme une recommandation. On préconise en particulier que les écoles formulent des politiques de coopération avec le système de justice applicable aux jeunes qui mettent l'accent sur d'autres formes de mesures de règlement des différends. Sans tolérer ce genre de comportement, on devrait avoir recours au système de justice pénale en dernier recours seulement.

Dans un cas comme celui-là, on aurait pu appliquer un grand nombre des recommandations du rapport, notamment le recours informel à la discrétion policière, qui peut prendre la forme d'un avertissement formel, ou à un mécanisme de règlement des différends établi en collaboration avec les écoles. Voilà précisément le genre de situations que nous devons mieux désamorcer.

La présidente: Il sera très intéressant d'obtenir la réaction du groupe là-dessus demain, car nous avons réuni des professionnels de tous ordres, des professionnels qui sont aux prises avec ces problèmes.

Monsieur Ramsay.

M. Ramsay: J'aimerais revenir à ce qu'a dit Mme Torsney et signaler qu'on aurait pu faire appel à des personnes en situation d'autorité, à divers niveaux. Il me semble que nous avons créé un système qui mine la capacité des personnes en situation d'autorité au premier palier, qu'il s'agisse du directeur de l'école ou de l'agent de la paix, de régler le problème de façon informelle. Pour quelle raison ce cas a-t-il atteint ce niveau? Comme Mme Torsney l'a dit, nous avons plus ou moins participé à des farces de ce genre dans notre jeunesse, que nous ayons été agresseur ou victime. L'exemple qu'elle vient de nous donner illustre la formalisation frappante du système.

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Nous ne savons pas ce qui va arriver. Si l'enfant avait l'âge voulu, il aurait le droit de retenir les services d'un avocat et de lui donner des instructions.

Et c'est parti! Nous réagissons de façon formelle à un incident qui aurait dû être réglé par le professeur ou le directeur de l'école. On n'aurait jamais dû appeler la police. De mon temps, c'était ainsi que les choses se passaient.

Je crains énormément que nous continuions à formaliser le système à un niveau de plus en plus bas. Nous minons l'autorité des parents, des enseignants, des directeurs d'école, etc. Nous minons même l'autorité des agents de police. D'ailleurs, à ce sujet, je pense qu'on devrait accorder plus de latitude aux agents de police pour ce qui est de donner des avertissements.

J'ai moi-même été agent de police pendant un certain nombre d'années et s'il y avait possibilité de contre-poursuite à la suite d'un avertissement donné à un enfant, le policier ne donnait pas l'avertissement. À ce moment-là, il amorçait le processus juridique officiel de mise en accusation. J'ai vu des cas où un agent de police est intervenu - il avait fallu avoir recours à la force physique - et a donné un avertissement. Ultérieurement, cet agent a été accusé d'agression. Devant cet état de fait, il lui fallait présenter une contre-accusation d'obstruction au travail d'un agent de la paix. Voilà les problèmes qui se posent lorsqu'on commence à tout formaliser abusivement.

Mon temps de parole est pratiquement écoulé et je voudrais parler de la question de la divulgation. À la page 19 de votre mémoire, vous dites:

J'ai du mal à vous suivre. Pouvez-vous nous donner un exemple de ce que vous voulez dire?

M. Markwart: Je pourrais vous donner un ou deux exemples dont j'ai eu connaissance en Colombie-Britannique. Je suis sûr qu'il y a eu des cas analogues ailleurs.

Comme vous le savez, les dispositions d'avis public du projet de loi C-37 exigent qu'un avis soit envoyé à diverses parties. Il faut prévoir la tenue d'une audience et peut-être même ordonner un rapport psychologique. Tout cela peut prendre pas mal de temps.

La recommandation en question concerne des circonstances urgentes. Prenons l'exemple d'un jeune pédophile qui doit participer à une sortie d'une troupe scout au cours du week-end et qui n'a pas de condition de probation ou dont l'ordonnance lui interdisant de fréquenter des enfants de moins de 14 ou 12 ans, peu importe l'âge, est déjà arrivée à échéance. Il est impératif d'avertir les chefs de cette troupe scout manifestement. Si l'on apprend cela le mercredi, et que la sortie est prévue pour le samedi, il faut agir rapidement.

J'ai aussi eu connaissance du cas d'un jeune pédophile qui avait passé une longue période dans un centre de traitement pour agresseurs sexuels, sur le modèle de la garde ouverte, et qui avait été relâché, son ordonnance ayant expiré. Je pense qu'il avait 19 ou 20 ans à l'époque. On a appris qu'il vivait dans une union de fait avec une jeune femme qui avait un jeune enfant. Je ne pense pas qu'il soit approprié dans des circonstances comme celle-là d'attendre deux semaines, trois semaines ou un mois pour que le processus d'avis suive son cours. Il est évident qu'il fallait avertir la mère du risque que courait son enfant et, pour ce faire, il fallait prendre des mesures plutôt urgentes.

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M. Ramsay: Alors, dans le cas que vous avez mentionné, celui du jeune pédophile dans le groupe scout, il ne s'agit pas de publication.

M. Markwart: Non, il s'agit d'un avis.

M. Ramsay: D'accord, mais que se passerait-il si ce jeune pédophile était engagé pour garder des enfants? Comment les parents seraient-ils protégés contre ce danger si nous adoptions votre recommandation? Autrement dit, serait-il possible d'assurer une protection raisonnable du public grâce à l'élimination des exigences en matière de divulgation?

M. Markwart: D'après les dispositions actuelles en matière d'avis public, il est possible d'informer les parents lorsqu'ils engagent un gardien d'enfants, mais cette recommandation-là s'applique aux cas urgents et exceptionnels. Si je comprends bien la dernière partie de votre question, vous dites que si l'identité de cette jeune personne avait pu être publiée au départ, le problème aurait pu être évité. Il n'aurait pas été nécessaire d'avoir recours aux dispositions sur les avis.

M. Ramsay: Ce n'est pas ce que je voulais dire. Comment les autorités pourraient-elles être au courant de ce que j'embauche un jeune pédophile comme gardien d'enfants, sans savoir le péril que je fais courir à mes enfants?

La vice-présidente (Mme Torsney): Monsieur Ramsay, les représentants du gouvernement fédéral pourraient peut-être nous expliquer ce qu'il en est dans ce contexte. Grâce à de nouvelles initiatives, il vous est possible, si vous embauchez un gardien d'enfants ou un chef de groupe scout, par exemple, de demander au candidat de montrer patte blanche. Notre intention, même si ce n'est pas encore tout à fait en place, serait de pouvoir demander à Glenn, par exemple, s'il veut être mon gardien d'enfants, de produire un compte rendu indiquant que son casier judiciaire est vierge ou qu'il n'a commis aucun délit lié à la pédophilie. Glenn ne se présenterait jamais pour obtenir cet emploi s'il savait qu'il ne peut fournir un tel document, alors qu'Alan, nanti de son document, pourrait présenter sa candidature.

Est-ce clair?

M. Ramsay: Je ne comprends pas très bien ce que vous dites. Voulez-vous dire que toutes les personnes non pédophiles doivent avoir une autorisation de sécurité pour garder des enfants? C'est bien ce que vous dites?

La vice-présidente (Mme Torsney): Il y a un processus qui s'applique, entre autres, aux gens qui travaillent dans des organismes bénévoles. Je ne sais pas si cela s'applique également à tous les parents qui engagent des gardiens d'enfants - ce devrait peut-être être le cas. Mais si vous voulez engager Glenn Rivard comme gardien d'enfants ou comme chef d'un groupe scout, vous pourriez lui demander de produire une autorisation de sécurité montrant qu'il n'a pas de casier judiciaire.

Toutefois, je ne sais pas très bien comment cela s'applique aux adolescents. Glenn semble être au courant et Alan n'en sait rien.

M. Rivard: Récemment, on a étendu l'utilisation du Centre d'information de la police canadienne. Cela remonte maintenant à deux ans, ou au moins à un an et demi. Le CIPC conserve des dossiers plus complets sur les personnes accusées d'actes criminels, surtout lorsque des enfants en sont victimes. De cette façon, les services policiers et les organismes bénévoles peuvent établir si quelqu'un a été reconnu coupable d'un délit par le passé; de toute évidence, ce qui nous intéresserait plus particulièrement, ce sont les délits contre la sécurité des enfants. Pour reprendre votre exemple, le groupe scout pourrait exiger que tous ses leaders produisent un document montrant que leur casier judiciaire est vierge.

La vice-présidente (Mme Torsney): Les parents pourraient-ils également en faire la demande?

M. Rivard: J'avoue ne pas pouvoir répondre à cette question, mais Alan le peut.

M. Markwart: Il s'agit d'une question de divulgation des dossiers et non d'une question de publication. D'après les dispositions de la loi, il n'est pas permis de divulguer la teneur du casier judiciaire de l'adolescent à des parents qui souhaiteraient s'en enquérir, et cela fait partie du problème.

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Ce problème est expliqué de façon assez détaillée dans le chapitre de la loi qui porte sur la publication et sur les dossiers. En fait, le chapitre est aussi complexe que le problème est épineux. Dans un tel cas, un parent pourrait demander à l'adolescent d'obtenir auprès des services policiers une vérification de son casier judiciaire. En vertu des lois sur la liberté d'information, la GRC est tenue de fournir la totalité de ce qui se trouve au dossier. L'adolescent pourrait ensuite présenter ce dossier au parent ou au gardien d'enfants.

Il y a toutefois un problème. Combien de parents seraient au courant de ce processus et combien l'appliqueraient? On pourrait également dire que cela va à l'encontre de l'esprit des dispositions de la loi en matière de divulgation. C'est une question dont nous tenons compte et dont nous discutons dans le rapport. À vrai dire, le problème n'est pas encore tout à fait résolu.

La vice-présidente (Mme Torsney): Monsieur Ramsay, vous dites dans votre exemple que les parents auraient été informés si les renseignements avaient été publiés dans les journaux. Mais il faudrait savoir comment traiter toute cette information. Supposez que vous soyez en vacances en Floride le jour où la nouvelle est publiée; six mois ou un an plus tard, Johnny se présente pour garder vos enfants et, mon Dieu, comme vous n'étiez pas là... Cette autorisation de sécurité pourrait...

M. Ramsay: Je comprends. Je comprends très bien les raisons qui sous-tendent la divulgation ou l'interdiction de divulguer. Nous devons toutefois trouver le juste milieu entre les possibilités de réadaptation que permettent ces dispositions et la sécurité du public.

Si je suis en Californie lorsque les médias publient le nom d'un adolescent dangereux pour mes enfants, j'en serai informé à mon retour, car les gens seront au courant. Les parents en seront informés. Mes voisins le seront. Les parents - la plupart, du moins - possèdent des antennes très sensibles lorsqu'il s'agit de trouver des renseignements pour protéger leurs enfants, surtout en ce qui a trait à leur sécurité.

Si votre groupe de travail peut produire une recommandation qui protégera la société tout en conservant les possibilités de réadaptation qui sont l'objectif de cette mesure législative, je serais certes prêt à l'entendre et à l'appuyer. Mais d'ici là, je ne trouve pas que l'on ait ce juste milieu entre le droit à la réadaptation des contrevenants et la sécurité de la société. C'est cet équilibre que je cherche, dans votre recommandation, mais je dois avouer que je ne l'y trouve pas.

M. Rivard: Deux choses. Premièrement, il y a eu - et je le dis sans hésiter - un long débat sur cette question au sein du groupe de travail; nous avons examiné toutes les options et toutes les conséquences. Le groupe de travail estimait qu'une levée générale de l'interdiction de publier pourrait avoir des résultats assez extravagants.

On ne peut pas compter sur les médias pour publier tous les cas pertinents - quels qu'ils soient - pour informer la population. On ne peut pas compter sur le fait que les gens vont lire le journal, qu'ils écouteront les informations télévisées, ni même que la nouvelle se répandra de bouche à oreille. En outre, si l'article est publié dans une ville et que l'adolescent déménage dans une autre, l'avantage que pouvait avoir la publication se trouve perdu. En fait, on s'inquiète de ce qu'une telle publication pousserait peut-être les gens à déménager dans d'autres localités où ils ne sont pas connus. C'est pourquoi une majorité des membres du groupe de travail ont conclu que la levée de l'interdiction de publier n'augmenterait pas la sécurité publique car il n'y a pas de lien fiable entre ces deux éléments.

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Toutefois, le groupe de travail a étudié des cas à risque élevé, si l'on peut les appeler ainsi, et a produit des recommandations à cet égard. Alan a parlé du processus ex parte, qui se fonde sur le processus actuel prévu dans la loi et permet un traitement plus rapide de l'information en cas de danger.

Dans les cas où il y a un risque important de préjudice, la loi actuelle recommande aux autorités d'informer certaines personnes - ou même un groupe de personnes - susceptibles d'être victimes de ce préjudice. Par exemple, si quelqu'un garde des enfants pour cinq ou six familles et est reconnu coupable d'une infraction à l'endroit d'un de ces enfants, il est possible d'en informer les autres parents.

Dans le rapport, on recommande également que soit levée l'interdiction générale de publier s'il peut être démontré qu'une telle mesure peut réduire le risque de préjudice dans de tels cas. Mais il s'agit là d'une mesure tout à fait exceptionnelle qui ne saurait être comparée à une simple levée générale de l'interdiction de publier.

La vice-présidente (Mme Torsney): Monsieur Rivard, pourrais-je avoir une précision? Vous dites que ces deux dispositions se trouvent dans la loi actuelle?

M. Rivard: Sous le régime de la loi actuelle, il est possible de demander aux tribunaux...

La vice-présidente (Mme Torsney): D'accord.

M. Rivard: ...une ordonnance permettant d'informer une personne ou un petit groupe de personnes des préjudices qu'un contrevenant pourrait leur faire subir.

D'après la recommandation, il serait possible, dans les mêmes circonstances, de permettre une levée de l'interdiction générale de publier, mais ce sont des cas d'exception. Pour appliquer cette mesure, il faudrait que le contrevenant ait été reconnu coupable d'une infraction grave avec violence, que l'on établisse les probabilités d'autres préjudices et que l'on puisse démontrer qu'informer les personnes concernées ou le public permettrait de réduire les risques de préjudice.

La vice-présidente (Mme Torsney): Merci.

Monsieur Ramsay, nous nous sommes partagé une période de 18 minutes dont vous avez utilisé la plus grande part.

Monsieur Rideout ou monsieur Maloney, avez-vous d'autres questions à poser? Non?

Eh bien, permettez-moi de remercier nos témoins d'avoir comparu devant nous et de nous avoir permis de discuter de ces questions.

Le rapport semble contenir beaucoup plus de recommandations aussi intéressantes que ne le laissaient prévoir les articles publiés dans les journaux. En fait, le rapport y a été décrit comme très simple et ne portant que sur un sujet; mais nous savons tous comment sont les médias.

Merci beaucoup. Comme l'a dit la présidente, nous aurons peut-être d'autres questions à vous poser ou nous devrons peut-être communiquer de nouveau avec vous. Nous comptons donc sur votre aide.

Merci à tous.

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