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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 28 novembre 1996

.0939

[Traduction]

La présidente: Bonjour. Nous étudions le projet de loi C-27, Loi modifiant les dispositions du Code criminel portant sur la prostitution chez les enfants, le tourisme sexuel impliquant des enfants, le harcèlement criminel et la mutilation d'organes génitaux féminins.

Nous sommes heureux de revoir des témoins qui tentent pour une deuxième fois de comparaître devant nous, soit l'organisme Goa Action Watch, représenté par Tim de Mello, président; Terry da Silva, membre du comité; et Larissa Remedios, agente de communications.

Nous accueillons aussi, de l'Association canadienne des travailleurs sociaux, Eugenia Moreno, directrice générale; et Gail MacDougall, membre.

Nous sommes ravis d'accueillir ces deux groupes.

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Je commencerai par Goa Action Watch. Nous avons dû interrompre notre séance la semaine dernière pour aller voter. On nous dit qu'il y aura d'autres mises aux voix ce matin, mais vous allez parler et nous allons vous écouter. Alors, vous serez les premiers. Je pense que personne ne s'objectera à ce que nous vous entendions en premier.

M. Tim de Mello (président, Goa Action Watch): Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, nous sommes profondément honorés et très privilégiés de comparaître devant vous à titre de représentants de Goa Action Watch.

Nous nous sommes créés lorsque nous avons appris que la pédophilie était en train de devenir un grave problème dans notre pays d'origine, Goa, en Inde. Notre objectif consiste à influencer les législateurs du monde entier, pour qu'ils enraient ce fléau grandissant qu'est la pédophilie.

Je m'appelle Tim de Mello. Je suis le président de Goa Action Watch et je serai le porte-parole du groupe. Nous avons trois grandes préoccupations, que nous vous décrirons brièvement. Les principaux aspects sont exposés dans le mémoire que vous avez devant vous.

Notre première préoccupation touche à l'expression «moyennant rétribution» qui se trouve actuellement dans le paragraphe 212(4) du Code criminel. Ce paragraphe serait modifié par le projet de loi C-27 mais cette expression demeurerait. Nous nous inquiétons parce que ces termes limitent la portée de la loi. «Moyennant rétribution» signifie qu'il y a un échange évident, par exemple de services sexuels contre de l'argent.

Les enfants des pays en développement sont soi-disant employés par des étrangers comme domestiques logés contre un petit salaire et une éducation. Les parents démunis, désireux que leurs enfants reçoivent une éducation, se font souvent berner. Ils tombent dans le piège des étrangers pédophiles qui profitent d'eux au maximum. Il n'y a pas toujours de rétribution et ceux qui exploitent sexuellement les enfants ne signent pas toujours d'ententes avec les enfants ou leurs parents. Par conséquent, les termes «moyennant rétribution» semblent ouvrir la porte à des abus que de nombreux pédophiles ne manqueront pas d'exploiter.

Mme Larissa Remedios (agente de communications, Goa Action Watch): Notre deuxième préoccupation porte sur la mise en oeuvre des dispositions extraterritoriales du projet de loi. Ces dispositions doivent être très claires. Pour que la loi soit efficace, l'extraterritorialité doit être clairement définie. C'est l'aspect le plus important du projet de loi. Nous devons nous assurer que les dispositions sont efficaces et ne sont pas simplement de beaux mots creux dans notre Code criminel.

Afin d'appliquer l'extraterritorialité, nous proposons de substituer le paragraphe qui suit au paragraphe 212(5) ou de l'ajouter à ce paragraphe.

Ce libellé s'inspire du paragraphe 212(3).

De plus, il faudrait faire connaître les dispositions du projet de loi C-27 à tous les Canadiens qui voyagent à l'étranger. Des dépliants et des affiches devraient prévenir les Canadiens que les actes illicites à l'étranger ne sont pas à l'abri de la loi et feront l'objet de poursuites au Canada.

Nous devons donner à nos ambassades et à nos consulats le pouvoir de faire enquête sur les pédophiles qui leur sont signalés. Nous devons encourager ouvertement ces enquêtes et faire reposer les enquêtes officielles sur ces rapports.

Nous aimerions aussi être assurés que des crédits suffisants seront affectés à des poursuites judiciaires efficaces. Ainsi, il faudrait peut-être faire venir témoigner au Canada des enfants et des avocats étrangers. Nous pensons que ces témoignages décourageront fortement ceux qui croient pouvoir agir à leur guise à l'étranger sans craindre que leur comportement malfaisant ne soit puni. Rappelons-nous que ces pédophiles continueront de s'attaquer à nos enfants lorsqu'ils rentreront au Canada. Le projet de loi C-27 doit non seulement être une bonne loi, mais aussi être perçu comme tel.

M. de Mello: Notre troisième préoccupation touche aux peines proposées. La peine proposée actuellement est un emprisonnement maximal de cinq ans. Nous pensons qu'elle n'est pas assez sévère, compte tenu de la gravité du crime.

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Nous connaissons l'argument selon lequel les pédophiles invétérés sont convaincus qu'ils seront appréhendés et que la peine, sévère ou non, ne fera pas beaucoup de différence. Mais nous ne sommes pas d'accord. Cet argument pourrait aussi être invoqué dans le cas du projet de loi. En effet, pourquoi se donner tant de mal? Les criminels invétérés doivent être punis, mais nous devons aussi freiner ceux qui songent à perpétrer de tels actes pour la première fois ou ceux qui ne s'en prennent qu'occasionnellement aux enfants. Il faut les empêcher et donc envoyer un message très clair à cet effet.

Nous suggérons que l'expression «emprisonnement maximal de cinq ans» soit remplacée par «emprisonnement maximal de dix ans». Cette durée se rapproche de celle qui est prévue en cas d'homicide. Nous trouvons cette peine justifiée parce que ce crime tue l'avenir d'un enfant.

Mesdames et messieurs les membres du comité, nous sommes très fiers que le Canada franchisse cette étape importante en déposant ce projet de loi. Nous voulons qu'il constitue un exemple brillant à imiter dans le monde entier. Ce n'est que par ce genre de mesures que nous pouvons débarrasser le monde de ce terrible fléau.

Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs.

La présidente: Merci beaucoup.

Qui prendra la parole, Mme Moreno ou Mme MacDougall?

Mme Gail MacDougall (membre, Association canadienne des travailleurs sociaux): Je serai la principale porte-parole de l'Association.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, nous vous remercions du privilège que vous nous accordez en nous faisant comparaître devant vous ce matin pour échanger quelques idées sur les modifications proposées à la loi.

L'Association canadienne des travailleurs sociaux est une organisation nationale qui, par l'entremise de ses organisations provinciales, représente plus de 14 500 travailleurs sociaux d'un océan à l'autre. J'en ai été la présidente et j'apporte à la discussion de ce matin onze ans d'expérience récente dans le domaine de l'aide à l'enfance.

Nous nous exprimons ce matin dans la perspective du travail social, pas dans une perspective juridique. Nous n'avons demandé l'avis d'aucun conseiller juridique. Nous voulions vous donner nos réactions en général face aux propositions.

Nous voulons féliciter le gouvernement du Canada de s'être attaqué aux problèmes visés par les modifications proposées dans les domaines de la prostitution chez les enfants, du tourisme sexuel impliquant des enfants, du harcèlement criminel, de la mutilation d'organes génitaux féminins et du fardeau pour les enfants et les jeunes qui témoignent dans des procès portant sur des infractions sexuelles.

Nous voulons d'abord faire quelques observations générales sur notre profession et notre rôle dans la société. Tous les jours, nous travaillons, dans la collectivité et dans les établissements, avec des enfants et des jeunes qui ont été négligés et agressés. Nous travaillons avec des femmes victimes de violence familiale. Nous travaillons avec les victimes de la violence et avec les familles qui ont immigré dans notre pays. Nous travaillons aussi avec les auteurs de ces actes criminels.

Les travailleurs sociaux sont d'ardents défenseurs de la justice sociale. Bien souvent, nous travaillons au nom des clients pour obtenir des services nécessaires et pour les appuyer durant un procès qui peuvent intimider et faire peur. Les longs délais qui surviennent lors d'enquêtes conjointes sur des agressions sexuelles, par exemple, peuvent être très frustrants et provoquent souvent des services décousus et une anxiété prolongée chez les victimes et leurs familles. Les travailleurs sociaux offrent des services de soutien, de défense, de traitement et d'éducation aux clients visés par les procès.

L'aide à l'enfance est presque l'apanage des travailleurs sociaux. Dans ce rôle, les travailleurs sociaux doivent trouver un équilibre entre le mandat légal de protéger les enfants et leur responsabilité à l'égard de la prestation de services sociaux complets de nature thérapeutique et humanitaire. Équilibrer le pouvoir inhérent au mandat légal et le rôle de service humanitaire n'est pas une sinécure.

Nous collaborons avec des collègues de nombreuses professions - thérapeutes, travailleurs communautaires, fournisseurs de soins de santé, personnel des refuges pour femmes battues et policiers - et nous travaillons directement avec les enfants et leurs parents.

De nombreuses familles de notre société se battent pour satisfaire les besoins fondamentaux de leurs enfants, pour leur donner un toit et de quoi manger. Les femmes qui ont très peu de choix sont souvent agressées et vivent dans la crainte parce qu'elles sentent que leur vie et celle de leurs enfants sont menacées.

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La politique sociale actuelle du Canada est en train de subir des changements profonds. Nous avons constaté une baisse des ressources et devons relever le défi de créer une politique sociale qui protège les enfants et les adultes vulnérables. Nous devons nous assurer que tous les citoyens ont accès à une vie communautaire dans laquelle ils se sentent protégés et respectés et peuvent participer pleinement à leur épanouissement personnel.

Nous sommes reconnus comme étant une société bienveillante qui protège les victimes d'abus, d'exploitation sexuelle, d'agressions physiques et qui vivent dans la crainte et l'incertitude. Les mesures prises pour accroître la capacité d'exécuter la loi et d'intervenir dans les situations visées par les modifications proposées sont les bienvenues. Nous commenterons brièvement chacune des modifications proposées.

Nous appuyons la décision de traiter de façon analogue les personnes qui ont obtenu les services d'enfants et de jeunes impliqués dans la prostitution au Canada et à l'étranger. La modification proposée signalera clairement que ces activités ne seront pas tolérées. En ce qui concerne les infractions perpétrées à l'étranger, ce projet de loi nous placera sur un pied d'égalité avec des pays comme la France, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, les États-Unis, la Norvège, l'Allemagne et d'autres qui ont déjà pris de telles mesures.

Nous tenons à préciser qu'il faudra du temps, de la coopération et des ressources supplémentaires pour pouvoir intenter des poursuites lorsque des infractions auront été perpétrées à l'étranger. Il sera important d'y parvenir afin de ne pas décourager ceux qui seront chargés d'intenter ces poursuites.

À elles seules, les lois ne peuvent pas renverser la vapeur. Nous encourageons les autres ministères qui s'intéressent à la santé, aux ressources humaines et à l'immigration à concevoir, en collaboration avec les ONG, des programmes éducatifs qui renseignent sur la prostitution chez les enfants, sur le droit, sur la nature des infractions et sur les peines, et qui donnent de l'information sur le contexte social dans lequel se situe la prostitution chez les enfants. Nous devons personnaliser et humaniser le problème. Il ne faut plus que les enfants soient traités comme des objets.

Les agents de voyage et les transporteurs aériens ont la responsabilité de communiquer cette information avec les voyageurs qui vont à l'étranger. Au Canada, il faudrait offrir un programme éducatif semblable. La collaboration et le leadership du gouvernement fédéral et des provinces sont essentiels.

Nous savons aussi que certains voudraient enfermer les délinquants sexuels et oublier le problème. Les délinquants sexuels ont besoin de traitements, et nous devons effectuer des recherches plus approfondies dans ce domaine. Les programmes de traitement, d'éducation et de prévention sont notre principal espoir, pour rendre la société plus sûre.

En ce qui concerne le proxénétisme, nous sommes d'accord avec les modifications proposées. Dans mon propre travail, dans le secteur de l'aide à l'enfance, j'ai vu les tactiques atterrantes employées par les proxénètes pour pousser de jeunes garçons et de jeunes filles à se prostituer. Les menaces et l'intimidation, ainsi que des agressions physiques, émotives et sexuelles, pour forcer des mineurs au commerce du sexe, sont déraisonnables et intolérables.

Au cours de mes onze années de travail dans le domaine de l'aide à l'enfance, au moins six jeunes femmes ont été tuées dans ma ville à cause de leur participation à un réseau de prostitution. Les réseaux de prostitution où les jeunes sont traités comme des objets sexuels sont un problème depuis des années. Ce n'est que lorsque l'existence de tels réseaux a eu une couverture nationale dans les médias que des ressources supplémentaires ont été accordées à la police, afin qu'elle intervienne en collaboration et en concertation avec les services communautaires.

Le harcèlement criminel est un phénomène troublant et assez insaisissable. Bien des femmes ont souffert à cause du harcèlement d'un ancien partenaire. Elles vivent dans la terreur et, parfois, il en résulte malheureusement des meurtres. Nous encourageons une intervention juridique plus efficace et soulignons une fois de plus la nécessité d'appuyer et d'aider les victimes.

Il doit exister des traitements pour les agresseurs afin d'empêcher ceux qui harcèlent d'aller jusqu'à blesser physiquement et même tuer leur victime. Il y a un rôle de prévention et d'éducation à jouer à cet égard afin de compléter la loi. Il faut plus de recherches sur le traitement des délinquants sexuels, parce que je ne crois pas que nous ayons un bon taux de succès dans ce domaine.

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En ce qui concerne les améliorations apportées au Code criminel et les dispositions spéciales visant à alléger le fardeau des jeunes qui portent plainte ou témoignent au sujet de certaines infractions, de nature sexuelle je crois, nous appuyons les changements proposés. Il est important que les témoins et ceux qui portent plainte se sentent libres de raconter ce qu'ils savent et ce qu'ils ont compris du crime. Il peut arriver que le frère ou la soeur d'un enfant victime d'inceste soit appelé à témoigner des actes d'un parent. Ce sont des situations très stressantes et très délicates.

Le tribunal cherche à comprendre tous les faits. Nous sommes donc en faveur des mesures qui permettent aux jeunes témoins de sentir qu'ils peuvent raconter en toute sécurité ce qu'ils savent et ce qu'ils ont vécu. Les droits des accusés doivent évidemment être pris en considération, mais nous voulons demander que les enfants soient protégés et se sentent libres de raconter ce dont ils ont été témoins.

Quant aux dispositions concernant la mutilation des organes génitaux féminins, nous sommes d'avis qu'il faut mettre fin à cette pratique au Canada. Nous sommes en faveur des mesures qui vont dans ce sens.

Nous nous inquiétons parce que nous ne savons pas si une femme âgée de plus de 18 ans pourrait donner son consentement. Des pressions culturelles peuvent s'exercer. Je me demande ce qui arriverait dans le cas d'une jeune de 16 ans. Je suis peut-être ignorante, mais je me demande si c'est l'âge de la majorité au niveau fédéral. Je sais que dans ma province l'âge de la majorité est 19 ans. Je n'ai pas compris, alors je soulève la question.

Ce changement législatif exigera lui aussi des programmes d'éducation à tous les niveaux. L'Immigration, la Justice et la Santé peuvent collaborer pour éduquer les immigrants provenant de pays où la mutilation des organes génitaux féminins est pratiquée et acceptée. De plus, les professionnels de la santé peuvent être sensibilisés à la loi proposée et aux interdictions qu'elle prévoit.

Voilà nos principales observations au comité. Nous vous remercions de votre attention et avons hâte de discuter avec vous. Merci.

La présidente: Merci beaucoup.

M. Langlois aimerait que l'autre parti prenne d'abord la parole.

Madame Torsney, avez-vous des questions à poser aux témoins?

Mme Torsney (Burlington): D'abord une précision. La majorité à 18 ans est la norme à l'ONU et pour presque tout au Canada. On peut voter au fédéral à partir de 18 ans.

Certains estiment que le consentement est interdit même après 18 ans. Autrement dit, vous ne pourriez pas aller chez le médecin et lui demander de vous couper le bras, parce que vous n'en voulez qu'un. C'est impossible. Mais d'autres nous ont demandé une précision à ce sujet. Nous sommes entre les deux. Je ne sais pas trop ce qu'en pensent les représentants de la Justice.

Mme MacDougall: Le consentement est un sujet très délicat, nous en sommes conscients.

Mme Torsney: Cela soulève d'autres problèmes en ce qui concerne le perçage des organes génitaux, les tatouages et d'autres formes de mutilation de tissus sains. Tout dépend du point de vue. Nous avons entendu toutes sortes de témoignages.

Mme MacDougall: Je n'en doute pas.

Mme Torsney: J'ai une question à l'intention de Goa Action Watch. Je ne suis pas certaine que tout le monde sache où se trouve Goa. Vous pourriez peut-être nous décrire pourquoi la situation est tellement à Goa, ou pourquoi elle est particulièrement grave à Goa.

Il y a aussi un problème d'exécution. De toute évidence, d'après l'information que vous nous avez communiquée, vous avez de nombreux réseaux. Je me demande si vous pouvez nous décrire quelles autres mesures vous pouvez prendre. Votre groupe pourra-t-il aider le gouvernement si des Canadiens sont impliqués dans des incidents à Goa? Pourrions-nous faire appel à vos ressources, aux réseaux que vous avez établis, pour essayer de retracer les gens? On dirait que des sources autres que la police réussissent souvent mieux à retrouver ces étrangers.

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M. de Mello: C'est exact.

Pour situer le comité, Goa est le plus petit État de l'Inde. Il se trouve sur la côte sud-ouest de l'Inde, juste au-dessous de Bombay. Sa population d'environ 1,4 million d'habitants double durant la saison touristique, qui dure depuis cette période-ci environ jusqu'à la mi-janvier. C'est une destination touristique très populaire, surtout pour les Européens. D'ailleurs, la plupart des touristes viennent de l'Europe.

Goa a acquis une triste notoriété depuis une dizaine d'années. C'est devenu un endroit où il est très facile de recruter de jeunes garçons dans les orphelinats et même d'en trouver sur les plages ou dans les terrains de jeu. On en fait même la publicité dans certaines revues pour homosexuels. Spartacus est une revue de ce genre qui a écrit qu'il suffit d'aller à tel terrain de jeu de Panguin, la principale ville de Goa, pour y trouver des garçons.

Le problème a été exposé au grand jour lorsque quelqu'un de l'extérieur de Goa a intenté des poursuites judiciaires contre la volonté de l'État. L'État a mis toutes sortes de bâtons dans les roues et a nié l'existence de ce genre de problème à Goa. La dame qui a intenté les poursuites a réussi à obtenir un procès. Il lui a fallu six ans. L'accusé, d'origine anglo-allemande, a exploité un orphelinat durant onze ans. Environ 250 enfants avaient été confiés à ses soins durant cette période. Il a finalement été reconnu coupable et condamné à la prison à vie.

Le Bureau central des enquêtes, l'organisme d'enquête de l'Inde - pas l'État, parce que cette dame a poursuivi l'État et obtenu que le Bureau des enquêtes fasse enquête à Goa - a découvert qu'un réseau international de pédophiles exerce ses activités à Goa. Depuis, des accusations ont été portées contre six étrangers, de l'Allemagne, la Suède, la France, la Thaïlande et l'Australie.

C'est donc un problème de plus en plus grave et nous sommes persuadés que des Canadiens sont impliqués, mais nous ne pouvons pas le prouver.

Mme Torsney: En ce qui concerne vos réseaux internationaux...

M. de Mello: Nous sommes reliés par Internet. Nous essayons de lutter contre ce fléau par Internet. Ces gens se servent d'Internet pour trouver de jeunes enfants en Inde. Nous prenons le même moyen, Internet, pour lutter contre eux. Nous avons une pétition en direct. Nous avons toute une section sur Internet consacrée à ce problème, afin que les gens puissent se renseigner et savoir ce qui se passe vraiment. Les gens agiront en connaissance de cause au lieu d'être ignorants des faits.

Mme Torsney: Les enfants qui sont la cible de ces activités ou qui sont exploités sont-ils de Goa? Ou proviennent-ils d'autres régions du pays? Il y aurait alors un problème de statut et il serait plus facile d'abuser d'eux parce qu'ils seraient considérés comme des citoyens de seconde zone?

M. de Mello: C'est effectivement le cas. Le principal argument que nous donnent les gens de Goa est que ces enfants ne sont pas les leurs. Ce sont des enfants qui ont immigré d'autres États. Goa est l'un des États les plus riches de l'Inde et nous accueillons de nombreux immigrants. Parce qu'un grand nombre de ces travailleurs ne peuvent pas se trouver un logement convenable et vivent dans de petites bicoques, leurs enfants ne vont pas à l'école publique. Ils errent sur les plages et dans les rues. Ce sont des proies très faciles pour les pédophiles.

Mme Torsney: Il faut donc tenter d'enrayer les problèmes de développement sur le terrain et de développement social. Lorsque des Canadiens sont tentés, ce genre de loi pourrait peut-être les décourager.

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M. de Mello: Oui, et nous appuyons pleinement ce que nos collègues de ce côté-ci ont déclaré au sujet de la publicité pour faire connaître la loi le plus possible. Il y a des affiches dans les aéroports pour mettre les voyageurs en garde contre les dangers de la drogue et les prévenir des conséquences pour les trafiquants. Pourquoi pas des affiches du même genre au sujet des pédophiles? Et pourquoi ne pas distribuer également de petits dépliants aux touristes qui se rendent à ces endroits, en particulier les Caraïbes?

Nous sommes venus la semaine dernière et nous n'avons pas pu présenter notre témoignage, mais quelqu'un qui était venu nous entendre nous a déclaré à l'extérieur de la salle qu'il était allé dans les Caraïbes et avait eu honte des nombreux Canadiens qui étaient allés là-bas simplement pour avoir des relations sexuelles avec des enfants.

Mme Torsney: En République dominicaine?

M. de Mello: Oui, en République dominicaine.

Mme Torsney: Ils semblent avoir un problème qu'il faut régler.

Madame MacDougall, nous avons entendu hier des témoignages intéressants à propos du proxénétisme. Il s'agissait d'anciennes prostituées ou de femmes qui se prostituent encore, à vrai dire.

Certaines soutiennent que nous nous ingérons dans une relation employeur-employé et qu'il y a certains avantages à être protégées et à faire partie d'un groupe de personnes qui... C'est une structure organisée, essentiellement. Les proxénètes font la publicité, prennent les rendez-vous, fournissent une certaine protection en notant les numéros de plaque d'immatriculation, donnent de beaux vêtements, etc. Pour certains jeunes issus de familles à haut risque, le proxénète est parfois la première personne qui prend vraiment soin d'eux et qui leur donne à manger et une sécurité.

On a soutenu qu'en adoptant cette loi, nous allons mettre les enfants encore plus en danger parce qu'ils se retrouveront dans les quartiers encore plus mal famés de la ville, sans l'appui du réseau dont ils jouissent parfois en faisant partie de ce groupe collectif ou de ce réseau de prostitution. Comment régler le problème?

Mme MacDougall: C'est un grand problème. Parlaient-elles des mineurs?

Mme Torsney: Mineurs et majeurs. Il s'agit parfois de deux prostituées qui travaillent ensemble. Techniquement, aux yeux de la loi, l'une pourrait être accusée de proxénétisme si elle prend les rendez-vous de l'autre.

Mme MacDougall: D'après mon expérience, j'ai entendu parler de situations - et j'en ai été moi-même témoin - où des enfants ont été entraînés dans la prostitution, des enfants ont été arrachés de leur famille, parce qu'ils ne pouvaient pas fonctionner dans le système d'éducation, etc. Il s'agit dans une certaine mesure de jeunes marginaux. Il s'agit de jeunes qui ont décroché, qui pour une raison ou une autre se sont éloignés de leur famille et des réseaux de soutien communautaires existants.

La solution doit être de nature communautaire. Elle doit vraiment tenir compte des besoins des jeunes, de tous les jeunes, et trouver comment mieux les insérer dans la société et maintenir leur insertion dans la société. Si vous êtes aliéné, seul, sans abri, si vous avez faim, si vous avez peur et qu'une personne est aimable avec vous, alors vous irez avec elle et vous vous sentirez bien.

Je connais des jeunes filles qui ont été surveillées dans des centres commerciaux. Les gens savent quand les enfants sont vulnérables. Ils les prennent sous leur aile et les amènent dans des appartements où vivent d'autres jeunes filles. Elles sont nourries. Elles ont un endroit où dormir. On est gentil avec elles. On leur donne des vêtements et de la nourriture.

J'ai entendu parler d'enfants qui ont été invités dans un bon restaurant, qui se sentaient très bien et appuyés. Ils croient avoir affaire à des gens très gentils, qui vont s'occuper d'eux. Puis, à la fin du repas, lorsque l'enfant dit que c'était très bien, on lui répond qu'il faut maintenant payer; qu'il faut payer 400 $ pour l'hébergement et les vêtements, 75 $ pour le repas. Comment faire? Puis, on lui explique qu'il y a moyen de s'arranger.

Il y a un déséquilibre des forces. Peu importe comment on analyse la situation, un enfant est un enfant. Les enfants ne sont pas des marchandises, des êtres sans intelligence qu'on peut attirer dans ce genre d'activité. C'est toutefois symptomatique de notre contexte social. Les jeunes sont marginalisés et nous ne sommes pas parvenus à les intégrer.

C'est une situation très complexe. Je ne prétends pas vous donner une solution simple.

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Mme Torsney: Je ne suis pas certaine que vous avez indiqué de quelle province vous venez.

Mme MacDougall: De la Nouvelle-Écosse.

Mme Torsney: Comme vous le savez, les dispositions du projet de loi relatives au proxénétisme impliquant des enfants sont surtout le fruit des efforts de notre collègue de la Nouvelle- Écosse, Ron MacDonald, qui a exercé beaucoup de pressions à cause de la gravité du problème dans la région de Halifax.

Mme MacDougall: Oui. Je connais depuis des années l'existence de réseaux de prostitution chez les enfants. Nous sommes une plaque tournante pour les provinces de l'Atlantique. Les enfants arrivent chez nous, sont recrutés par les proxénètes et sont envoyés ailleurs très rapidement.

Il y a quelques années, nous avons discuté avec des policiers de Trois-Rivières, qui arrêtaient les voitures lorsque des hommes transportaient des jeunes filles. Nous avions une entente avec la protection de la jeunesse, qui amenait les enfants jusqu'à Québec, puis nous les renvoyait. Cela existe depuis très longtemps. Les enfants se retrouvent à Montréal, Toronto, Calgary, Vancouver et aux États-Unis, je crois. Il n'y a eu d'entente officielle qu'il y a quelques années. L'histoire a fait les manchettes des journaux et a retenu l'attention.

À Halifax, on a réussi jusqu'à un certain point à réduire la population visible d'enfants prostitués, grâce au groupe de travail qui a été mis sur pied. Il y a donc des mesures qu'on peut prendre.

C'est très troublant. En ce qui me concerne, cela me trouble depuis des années et je suis heureuse de pouvoir m'épancher un peu.

Mme Torsney: Une jeune femme qui se prostitue depuis l'âge de 14 ans environ a qualifié les foyers d'accueil de tas de conneries et nous a affirmé qu'elle a été conditionnée aux abus par sa situation familiale et par les foyers d'accueil.

Ce qui m'a perturbé en parlant avec certaines personnes qui travaillent avec les jeunes dans les rues de Toronto, c'est qu'on reproche aux travailleurs de la Société d'aide à l'enfance de ne pas se soucier vraiment des jeunes de 13, 14 et 15 ans, parce qu'ils ont fait des choix et sont des cas difficiles. Les ressources sont si limitées qu'ils ne peuvent tout simplement pas... Ils s'inquiètent des enfants dont ils ont la responsabilité, des filles qui deviennent enceintes, mais ils se concentrent surtout sur les jeunes enfants et ne suffisent pas à la tâche. Je ne sais pas si vous avez des remarques à ce sujet.

Mme MacDougall: Évidemment. La question ne se pose pas.

Des voix: Oh, oh!

Mme Torsney: Allez-y, ne vous gênez pas.

La présidente: Puis-je intervenir avant que vous ne commenciez? Afin que mes collègues soient au courant et que les gens qui sont sensibles à cette sonnerie et à ces lumières sachent de quoi il s'agit, il y aura une mise aux voix à 10 h 35. La sonnerie nous avertit d'une mise aux voix dans 30 minutes, et nous sommes en contact téléphonique. Nous nous quitterons probablement vers 10 h 25, pour aller voter à la Chambre. Je crois savoir qu'il n'y aura qu'une seule mise aux voix, mais je ne sais pas quelles manigances nous attendent.

Mme Torsney: Tim peut probablement nous informer.

La présidente: Tim est devenu un expert en la matière.

Je suis désolée; allez-y.

Mme MacDougall: Merci de nous avoir informés.

Il y a eu récemment, ici même à Ottawa, une conférence importante sur l'avenir des enfants dans notre pays. C'était une consultation d'envergure. Nous avons ainsi pu entendre des jeunes qui sont passés par des familles d'accueil. Ils ont décrit éloquemment et clairement leur situation. Ils veulent être traités comme nous traiterions nos propres enfants. Ils nous ont déclaré qu'ils veulent être inclus dans tous les aspects de la vie en société et je pense qu'ils font cette déclaration parce qu'ils ne l'ont pas été.

Je sais très bien ce qui arrive aux adolescents qui relèvent des agences d'aide à l'enfance. Mais je dirai que, d'après mon expérience, on accorde beaucoup de soin et d'attention aux jeunes, dans la mesure où ils l'acceptent. Je peux parler de mon expérience personnelle comme travailleuse sociale. J'ai déjà passé toute une journée à faire une soixantaine d'appels, un jour de fin de semaine, pour trouver une place pour un jeune. À 11 heures du soir, nous n'avions rien trouvé et je me suis jurée que cela ne m'arriverait plus.

Mme Torsney: Un jeune qui...?

Mme MacDougall: Un jeune de 14 ou 15 ans qui ne pouvait plus rester à la maison.

Dans nos services, comme je l'ai déjà indiqué, nous ne semblons pas capables de communiquer avec certains jeunes. Certains d'entre eux, parfois à cause de leur passé, rejettent les modèles des services traditionnels.

Au cours de la conférence de cette semaine, la discussion a porté notamment sur les moyens de régler ce problème. Comment allons-nous adapter notre système? Que pouvons-nous offrir aux jeunes afin de les aider à atteindre leurs buts et de les traiter avec respect et humanité? Quand nous n'y parvenons pas, les jeunes sont marginalisés et ils décrochent. Nous ne réussissons pas très bien à insérer certains jeunes dans la société et nous provoquons cette réaction.

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Je m'attends donc à des commentaires de ce genre: ils ne se sentent pas touchés par ce qui est offert; les travailleurs sociaux se moquent d'eux; ils ne leur offrent rien. J'ai vu des enfants quémander dans les rues de Halifax et je savais très bien qu'ils étaient venus nous voir et avaient refusé le coupon que nous leur offrions pour qu'ils puissent aller manger gratuitement dans une cafétéria. Ils ont dit essentiellement à leurs travailleurs sociaux qu'ils pouvaient se mettre le coupon là où vous pensez. Je suis sortie à l'heure du lunch et je les ai vus quémander. Nous n'arrivons pas à leur faire accepter notre aide. En vertu de la loi, nous ne pouvons pas les forcer. Ils font certains choix.

Je travaille depuis trop longtemps pour accepter qu'on me dise que les travailleurs sociaux s'en moquent. On ne le voit peut-être pas, mais il m'est arrivé tellement souvent de voir des parents morts d'inquiétude parce que leur enfant avait fugué remercier le ciel lorsqu'ils reçoivent un appel de leur enfant qui les informe qu'il va bien et qu'il maintiendra un contact téléphonique. Mais je vois aussi des enfants qui viennent me voir au bureau et me racontent qu'ils ont téléphoné pour nous demander de cesser de les suivre à la trace parce que leur proxénète les a obligés à le faire et que ce dernier écoutait la conversation pour s'assurer que le jeune ne disait pas qu'il voulait partir.

Il y a un déséquilibre des forces dans ces situations. Vous entendrez, et vous avez déjà certainement entendu, toutes sortes d'arguments que vous pourrez trouver raisonnables dans les circonstances. Mais si vous tenez compte du contexte général caractérisé par ce déséquilibre des forces, la façon dont nous traitons nos jeunes au Canada et de leurs droits, vous verrez que le contexte général prouve le contraire.

C'est ainsi que les gens justifient la situation. Je simplifie un peu à l'extrême pour prouver que j'ai raison, mais c'est très troublant.

Mme Torsney: Je pense que, dans mon exemple, c'était en réalité un autre travailleur social s'occupant des jeunes qui a déclaré que, dans la région de Toronto, tout au moins, ils sont si coincés que l'Aide à l'enfance ne peut pas s'occuper des enfants de 13 ou 14 ans qui ont pris une décision, selon eux.

Il me semble que nous classons parfois les jeunes en bons ou mauvais enfants. Nous passons beaucoup de temps avec les bons enfants, mais les mauvais le sont parce qu'ils le veulent bien et on s'occupe moins d'eux parce qu'ils sont difficiles, parce qu'ils nous en font baver. C'est un vrai défi et souvent ces enfants estiment que c'était pire à la maison ou en foyer d'accueil. Au moins, ils choisissent les clients et se font payer pour leurs services.

Mme MacDougall: Vu sous cet angle, oui, c'est ce qu'ils font pour survivre. Ce qui nous trouble c'est qu'ils doivent prendre ces décisions. La vie les a placés dans cette situation, alors ils doivent faire des choix pour survivre.

Qu'est-il arrivé? Nous ne devons pas oublier la prévention ni comment renforcer la famille, comment amener les enfants à garder le contact avec leur famille, avec la société - une société qui les accepte. C'est un élément d'un grand ensemble.

La présidente: Merci, madame Torsney.

[Français]

Madame Gagnon.

Mme Gagnon (Québec): J'aimerais tout d'abord m'excuser de mon retard. J'assistais à une autre réunion tôt ce matin. Je n'ai pu entendre vos exposés, mais j'aimerais vous poser une question.

Je suis très intéressée par le projet de loi qu'a déposé le ministre parce que j'ai moi aussi déposé un projet de loi sur le tourisme sexuel et la mutilation des organes génitaux.

J'aimerais en premier lieu aborder un aspect de la loi qui traite de la prostitution chez les enfants. On semble dire que les enfants sont finalement davantage des victimes et que cette loi ne les protégerait pas nécessairement.

Un des témoins nous disait hier qu'elle ne semblait pas croire que cette loi aiderait les jeunes enfants, mais qu'elle les victimiserait davantage et que les clients, ceux qui se permettent de tels services, s'en sortent souvent mieux que les enfants. Partagez-vous ce point de vue? Cette loi-là est-elle nécessaire?

[Traduction]

Mme MacDougall: Je me demande en quoi elle victimiserait davantage les jeunes.

[Français]

Mme Gagnon: On semblait dire que le système judiciaire et la police faisaient finalement presque une chasse aux sorcières. On culpabilise beaucoup plus l'enfant qui s'adonne à ces activités sexuelles.

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Ce serait une façon de les culpabiliser davantage plutôt que de les aider et de leur apporter un appui. Comme vous le disiez tout à l'heure, il est certain que des mesures éducatives et de réinsertion sont nécessaires. Cette dame qui connaissait très bien le milieu ne semblait pas dire que cette loi serait efficace.

[Traduction]

Mme MacDougall: Merci de la précision. Je pense qu'il est très important de voir le problème dans une perspective globale. La loi peut permettre une intervention dans le domaine pénal, mais c'est tout. Nous sommes aux prises avec un problème social et le projet de loi tente d'apporter quelques solutions plus pointues dans certains domaines.

L'éducation, des services convenables et la prévention pour empêcher les enfants de devenir si marginalisés qu'ils se retrouvent dans cette situation doivent constituer des priorités. Ce sont des victimes. Elles deviennent des victimes, mais c'est un aspect seulement. Il y a de nombreux autres facteurs: l'éducation, le soutien, les enfants qui grandissent en sentant qu'ils valent quelque chose et qu'on les aime, que quelqu'un s'occupe d'eux, pas un proxénète qui en profite. Nous avons de nombreuses difficultés à surmonter, mais il faut agir en tenant compte du contexte.

Alors, quand vous parlez d'éducation, c'est très important. Je suis d'accord avec vous sur ce point. Nous avons aussi besoin de services communautaires pertinents. Les services traditionnels laissent passer des enfants entre les mailles du filet, et nous avons besoin d'autres moyens de communiquer avec les jeunes pour les empêcher de se retrouver dans la rue et de devenir vulnérables.

[Français]

Mme Gagnon: Je sais que vous avez abordé d'autres aspects du projet de loi C-27, dont le tourisme sexuel et la mutilation des organes génitaux. Je crois comprendre que votre intervention a aussi porté sur le libellé du consentement qui y figure. À votre avis, le libellé de cet article du projet de loi semble-t-il suggérer qu'on pourrait autoriser la mutilation des organes génitaux d'une personne âgée de plus de 18 ans?

[Traduction]

Mme MacDougall: Pour moi, ce n'est pas tout à fait clair. Le libellé du consentement est un peu vague. Votre collègue a soulevé des questions au sujet de la complexité du consentement accordé. Je ne pense pas qu'il y ait eu d'observations précises. Nous nous sommes interrogés sur le consentement.

[Français]

Mme Gagnon: Monsieur de Mello, croyez-vous que le projet de loi criminalisera vraiment les personnes qui s'adonnent, moyennant rétribution, au tourisme sexuel et qui seront poursuivies aux termes de la loi? Le projet de loi ne devrait-il pas aussi englober tout abus sexuel et pas seulement les actes rétribués? Plusieurs témoins sont venus nous dire que cette loi était trop limitative. Partagez-vous le point de vue de ces gens qui ont souligné cette faiblesse du projet du loi?

[Traduction]

M. de Mello: En ce qui nous concerne, nous ne connaissons que certains types d'abus sexuels - fournir de jeunes enfants, garçons ou filles, à des pédophiles. Il peut en exister d'autres, mais je ne suis pas au courant.

Je ne suis pas convaincu de répondre à votre question correctement. Si je ne réponds pas bien, pardonnez-moi et posez-moi la question de nouveau, mais c'est le seul type d'abus que nous connaissons. Parlez-vous de la mutilation des organes génitaux ou d'autres types d'abus sexuels?

[Français]

Mme Gagnon: Non, je parle plutôt des abus sexuels commis sans que le client ne paie pour ces faveurs. Le projet de loi vise les personnes qui, moyennant rétribution, obtiennent ou tentent d'obtenir les services sexuels d'une personne âgée de moins de 18 ans. Ses dispositions n'englobent pas les actes qui auraient été faits sans rétribution. On ne pourra donc intenter de poursuites que si on est capable de prouver qu'il y a eu rétribution.

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Le projet de loi ne traite pas de ce type de délit. Plusieurs témoins nous ont dit que le projet de loi était trop restrictif. On sait très bien qu'on peut aller à l'étranger et obtenir certaines faveurs d'un jeune garçon sans nécessairement lui donner de l'argent pour ses faveurs. Le projet de loi sur le tourisme sexuel ne régit pas ce type de rapports.

[Traduction]

M. de Mello: Oui, nous sommes tout à fait d'accord avec vous. Dans la première partie de mon exposé, c'était l'une de nos principales préoccupations à propos du projet de loi. Le projet de loi C-27 reprend une ancienne disposition du Code criminel qui stipule «moyennant rétribution». Nous demandons que soit supprimée l'expression «moyennant rétribution», qui implique que les services sexuels sont payés, parce que dans les cas que nous voyons à Goa, en Inde, il n'y a pas de rétribution.

La présidente: Merci, madame Gagnon.

Une minute, monsieur Telegdi, parce que nous devons aller voter.

M. Telegdi (Waterloo): Madame MacDougall, je pense qu'une grande partie du problème est liée au fait que nous ne faisons pas autant de prévention que nous le pourrions. Quand nous réduisons les prestations d'assistance sociale de 22 p. 100 en Ontario, nous savons que nous créons toutes sortes de problèmes. Après avoir créé tous ces problèmes, nous examinons les symptômes.

Mme MacDougall: C'est vrai. Je pense que nous ne cherchons pas les causes profondes. Le danger que présente l'examen de la politique sociale en cours est celui d'examiner des fragments avant d'avoir une vision globale, avant d'avoir défini les valeurs nationales qui devraient orienter notre politique sociale. Si vous n'ajoutez qu'un élément... et vous avez donné l'exemple de l'Ontario. Il y en a d'autres d'un océan à l'autre.

Les gens souffrent. Une chose qui est ressortie à la conférence... les gens veulent de l'emploi. Ils veulent des emplois parce que cela peut les aider à enrayer la pauvreté considérable qui sévit au pays. Si les gens ont de bons emplois stables, alors ils n'auront pas besoin d'un réseau d'assistance sociale aussi considérable que celui qui s'impose actuellement.

La présidente: Merci, madame MacDougall.

Nous lèverons maintenant la séance pour aller voter. Je remercie beaucoup les témoins de leur présence et de leur persistance. Merci.

La séance est levée.

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