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CHAPITRE 1 - INTRODUCTION

Par leur fréquence et leurs répercussions, les crimes commis par les jeunes troublent de nombreux Canadiens, les rendent craintifs et les amènent à prendre des précautions pour éviter de devenir des victimes de ces crimes. Les efforts que font des observateurs avertis et ceux qui travaillent dans le système de justice pour les jeunes et pour convaincre les Canadiens que leurs collectivités sont parmi les plus sûres du monde restant souvent sans effet.

Le système de justice pour les jeunes, comme bien d'autres composantes du secteur public, est affligé de deux maux : une baisse de crédibilité auprès du public et des ressources qui diminuent. Ces deux phénomènes se produisent à un moment où les Canadiens remettent en question la légitimité de nombreuses institutions politiques et sociales dans un climat teinté de cynisme et d'un sentiment personnel et général d'insécurité. C'est dans ce contexte que le Comité a entrepris son examen du système de justice pour les jeunes.

Le Canada possède un système de justice distinct pour les jeunes depuis 1908, depuis l'adoption par le Parlement de la Loi sur les jeunes délinquants1. À partir du début des années 1960, le système a été revu en profondeur, ce qui a donné lieu, en 1982, à l'adoption par le Parlement de la Loi sur les jeunes contrevenants2 qui a pris effet intégralement en 1985. Bien que la Loi ait été modifiée trois fois depuis pour céder aux pressions populaires, l'efficacité du système de justice pour les jeunes est toujours un sujet de controverse, même si les plus récents changements (projet de loi C-37) ont rendu plus sévères certaines peines ainsi que les dispositions touchant le renvoi dans le cas des crimes les plus graves.

Quand il a entrepris son étude, le Comité savait que de nombreux Canadiens critiquaient le système de justice pour les jeunes et que l'on réclamait de plus en plus partout au pays une réduction du nombre d'infractions, de récidives et de victimes. Tôt au cours de ses délibérations, le Comité s'est rendu compte, toutefois, que pour assurer la sécurité des collectivités et créer un sentiment général de justice, l'établissement d'un programme comportant uniquement des peines plus sévères prévoyant plus souvent la détention n'est pas la stratégie à adopter.

Le Comité a appris, comme il le montre dans son rapport, que la plupart des comportements déviants des jeunes sont mineurs et temporaires et qu'une minorité seulement de jeunes contrevenants se livrent à des actes criminels graves et persistants. Pourtant, dans ce pays, les jeunes en conflit avec la loi qui doivent passer par les tribunaux et qui écopent de peines de détention sont plus nombreux que dans bien d'autres pays industrialisés et, malgré des peines sévères, les taux de récidive sont élevés.

Le Comité s'est laissé dire que les jeunes récidivistes qui commettent des crimes graves et qui sont responsables de la majorité des délits commis par des jeunes, présentent pour la plupart des problèmes multiples et viennent de familles également aux prises avec de multiples problèmes et qui vivent dans un milieu caractérisé par le chômage, les difficultés financières, les logements inadéquats, les quartiers défavorisés, la pauvreté, la violence, l'abus d'intoxicants, des rôles parentaux assumés de façon incohérente ou incompétente. Les jeunes dont la «socialisation» s'effectue dans ces conditions ont tendance à connaître des échecs scolaires, à abuser de l'alcool et d'autres drogues et à fréquenter d'autres jeunes délinquants. Beaucoup sont «diplômés» des services de santé mentale et de bien-être provinciaux, et, si le système de justice pour les jeunes ne réussit pas à les réformer, ils seront «promus» dans le système de justice pénale des adultes.

Le Comité a été mis au courant de recherches confirmant qu'au moment où les adolescents s'engagent dans des comportements délinquants graves, ils ont déjà un lourd passé de comportements antisociaux, perturbateurs et agressifs qui prend sa source dans l'enfance. Les recherches montrent également qu'il est possible de détecter dès l'âge de trois ou quatre ans les enfants qui risquent de connaître des problèmes de comportement, émotifs ou sociaux à long terme. Il est prouvé que de punir des jeunes à risques élevés qui sont mal intégrés à leur milieu scolaire ou à leur collectivité ne décourage pas la récidive. Une intervention sociale auprès des jeunes antisociaux défavorisés peut les remettre sur le droit chemin et les éloigner de la délinquance et de la criminalité adulte.

Parce que les facteurs sociaux en jeu dans la criminalité juvénile sont nombreux, bien des témoins qui ont comparu devant le Comité ont conclu que la plupart des solutions ne se trouvent pas dans le système de justice pénale. Les comportements déviants mineurs et temporaires sont chose courante chez les adolescents; mais peu d'entre eux passent à une criminalité plus grave et plus persistante. Par contre, les mesures de détention prises à leur égard les exposent quotidiennement à d'autres jeunes aux comportements antisociaux. Par conséquent, tous les témoins s'entendaient pour dire qu'il fallait réserver la procédure judiciaire officielle aux contrevenants qui posent une menace réelle à la sécurité publique.

Enfin, le Comité a entendu réclamer partout au pays le financement et le soutien d'interventions sociales communautaires et de solutions de rechange à la filière judiciaire officielle pour les jeunes. Il est prouvé, lui a-t-on dit, qu'une telle approche est beaucoup moins coûteuse, du point de vue tant humain que financier, que le statu quo, et permet d'assurer la protection sociale et le développement de jeunes gens sains et socialement bien adaptés.

Convaincu de la nécessité d'une réforme du système de justice pour les jeunes, le Comité a accepté l'invitation que le ministre de la Justice, l'honorable Allan Rock, lui a faite en juin 1994 de procéder à un examen complet de la Loi et de la façon dont elle est administrée par les provinces et les territoires, ce qu'il a appelé la Phase II. (Une copie de sa lettre à l'honorable Warren Allmand, alors président du Comité, se trouve à l'annexe A du rapport.) En juin 1995, le Comité a publié un mandat présentant le cadre de référence de l'examen et les questions qui le préoccupaient; ce document a connu une large diffusion et, sur l'invitation du Comité, de nombreux groupes et personnes intéressés ont soumis des mémoires et fait des présentations. (Le mandat du Comité est reproduit à l'annexe B du rapport.) Le Comité a entendu plus de 300 témoins et 166 groupes (annexes C et D). (La liste des mémoires et des présentations écrites se trouve à l'annexe G du rapport.)

Outre ces séances de travail à Ottawa, le Comité s'est rendu à plusieurs endroits du pays non seulement pour y tenir des audiences, mais pour visiter 23 diverses installations et constater le fonctionnement de divers programmes (annexe E). Lors de ses déplacements, le Comité a également tenu un certain nombre de tables rondes au cours desquelles il a entendu les points de vue d'intervenants divers tant du système de justice pour les jeunes que d'autres secteurs. En novembre 1996, le Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la justice des jeunes a publié son rapport; le Comité s'en est servi comme document de référence aux dernières étapes de ses délibérations. Pour clore son examen, le Comité a organisé, le 22 novembre 1996, un forum national sur la criminalité chez les jeunes et le système de justice, qui lui a donné l'occasion d'entendre le point de vue de nombreux intervenants du système de justice pour les jeunes. (La liste des participants se trouve à l'annexe F du rapport.)

Le rapport ne s'attarde pas à la situation des jeunes autochtones, des jeunes femmes ou des jeunes des minorités visibles. Le Comité n'en est pas moins conscient de l'importance que peuvent avoir les origines ancestrales, le sexe et la race sur les rapports avec le système de justice pour les jeunes. Son mandat visait toutefois un examen général de la criminalité chez les adolescents, du système de justice pour les jeunes et de la Loi sur les jeunes contrevenants. Toutefois, bon nombre des constatations et des recommandations qui figurent dans le présent rapport s'appliquent aux groupes de jeunes susmentionnés.


1 L.R.C. 1970, c. J-3, maintenant abrogée.

2 L.R.C. 1985, c. Y-1, modifiée.


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