[Enregistrement électronique]
Le mardi 7 mai 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Bienvenue, messieurs et membres du comité. Nous entreprenons aujourd'hui quelque chose de nouveau. Nous allons en effet commencer notre étude sur le développement rural et le secteur des ressources naturelles du Canada rural.
À titre d'information, comme nos membres le savent peut-être, le comité attend le projet de loi C-23. Le comité pensait le recevoir ces jours-ci, mais le calendrier de la Chambre est tel qu'il nous faudra l'attendre encore quelque temps.
Il nous reste une séance pour compléter notre étude du secteur minier. Elle aura lieu mardi prochain, lorsque nous recevrons le sous-ministre de l'Environnement. Nous entendrons également l'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs. Nous devions l'entendre plus tôt, mais cette rencontre a été retardée parce que l'Association a éprouvé des difficultés à se préparer, et elle fait aussi...
Le greffier du Comité: Au 9 mai.
Le président: Merci.
Ce qui nous donne donc un peu plus de temps. Comme nous l'avons dit au comité directeur il y a quelques semaines, et nous le lui avons répété encore hier, nous allons entreprendre notre étude du développement économique en milieu rural.
Avant de commencer, j'aimerais prendre quelques instants pour vous rappeler ce qu'a dit le gouverneur général dans son discours du Trône. Je vais en citer quelques lignes:
- Le gouvernement tient à assurer le renouveau économique du Canada rural. Il s'attaquera aux
problèmes des Canadiens qui y vivent et tiendra compte de leurs besoins particuliers. Le milieu
rural est riche en ressources naturelles et humaines, et ses problèmes ne sont pas ceux du milieu
urbain. Le gouvernement ira de l'avant, au cours de la nouvelle session, pour que tous les
Canadiens bénéficient de la prospérité économique.
Tout d'abord - je pense qu'il est important d'enquêter et de faire savoir au reste du Canada ce qu'il en est, particulièrement le Canada urbain - , nous voulons savoir quelle est la valeur de la contribution du Canada rural, quelle est la valeur de notre secteur des ressources naturelles. Deuxièmement, nous voulons nous pencher sur la politique et les autres moyens qui permettront au Canada rural de hausser sa contribution.
Nous allons commencer aujourd'hui en entendant Ray Bollman, de Statistique Canada, etKen Donnelly, de Développement des ressources humaines Canada. Ces messieurs sont ici aujourd'hui pour brosser un portrait global du Canada rural. Si nous devons parler du Canada rural, je pense que ce serait une bonne idée d'avoir une idée exacte de l'objet de notre étude.
Je vais vous demander, monsieur Bollman et monsieur Donnelly, de nous faire votre exposé. Je vous prie de ne pas prendre trop de temps. Je sais que mes collègues voudront amorcer un dialogue avec vous en vous posant des questions, ce qu'ils feront après votre exposé.
Monsieur Donnelly.
M. Ken Donnelly (secrétaire, Comité interministériel sur les collectivités rurales et éloignées du Canada, ministère du Développement des ressources humaines): Merci, monsieur le président. Nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui. Mes meilleurs voeux de réussite vous accompagnent dans le projet que vous allez entreprendre.
Je vais vous donner un petit aperçu des travaux qui ont été réalisés par le comité interministériel sur les collectivités rurales et éloignées du Canada. Mon collègue, Ray Bollman, de Statistique Canada, vous expliquera une partie du contenu de cet ouvrage, Profil du Canada rural, que bon nombre d'entre vous devraient déjà avoir, je pense.
Je suis fonctionnaire à Développement des ressources humaines Canada où je travaille au groupe des partenariats sectoriels. Je suis responsable des secteurs primaires au sein de ce groupe. Je travaille avec des organisations nationales du secteur minier, de l'acier, de la transformation alimentaire, de l'environnement, des pêches et du secteur horticole, et nous nous intéressons à des problèmes en matière de ressources humaines sur une base nationale.
Je vous ai apporté un texte sur ce que notre ministère fait en matière de ressources humaines au niveau sectoriel. Je peux en obtenir d'autres copies pour le comité.
Étant donné que je travaille depuis une dizaine d'années avec les industries du secteur primaire, que je m'intéresse aux problèmes en matière de ressources humaines partout au pays, je me suis intéressé à ce qui se passe dans le Canada rural. Notre travail tire son origine d'une étude qui a été faite par Emploi et Immigration Canada au milieu des années 1980, qui portait sur le destin des villes mono-industrielles. Après la récession de 1981-1982, plusieurs localités mono-industrielles du Canada étaient en crise. Il y en a quelques-unes qui ont même cessé d'exister.
Notre ministre avait à cette époque un comité consultatif qui a décidé de faire des recherches sur ce qu'il advient des localités mono-industrielles. Il en est résulté que le sous-ministre associé de l'époque, Nick Mulder, a voulu voir comment les ministères fédéraux pouvaient collaborer pour porter remède aux problèmes qui touchent les Canadiens des milieux ruraux.
Le comité qui a été formé à ce moment-là n'avait pas la bénédiction des ministres, des sous-ministres ni de qui que ce soit; il a été lancé par un certain nombre de fonctionnaires de niveau intermédiaire qui s'intéressaient au Canada rural et qui voulaient voir comment nous pouvions collaborer afin d'aider les Canadiens des milieux ruraux.
Il nous a fallu pas mal de temps pour obtenir un mandat qui n'empiétait pas sur les responsabilités des divers ministères, et nous avons porté essentiellement notre attention sur trois choses.
La première, c'était la consultation et le réseautage entre les ministères fédéraux, les ministères provinciaux, les organisations rurales et les personnes vivant en milieu rural.
La deuxième, c'était le partage de l'information. Au cours des quatre ou cinq dernières années, nous avons publié un certain nombre de textes qui portent sur les problèmes en milieu rural, par exemple le secteur manufacturier, les secteurs primaires et l'agriculture, et leurs effets sur des activités comme le commerce. Nous avons fait cela en collaboration avec des universitaires et des groupes qui font des recherches sur le milieu rural.
Nous avons également participé à un certain nombre d'échanges publics ou de partage d'informations. Ray et moi avons, tout comme certains de nos collègues, parcouru tout le pays pour participer à des conférences et à des ateliers et discuter des problèmes ruraux avec des Canadiens du milieu. Nous avons porté notre attention sur des endroits comme Corner Brook, Coaticook, au Québec, Gimli - où nous irons à l'automne, Goderich, en Ontario, et Grande Prairie, en Alberta. Je pense qu'il y a un atelier qui commence cette semaine à Quesnel, en Colombie-Britannique.
Nous pensons qu'il est important de parler aux Canadiens ruraux, et nous nous rendons en ces endroits pour discuter avec les gens des problèmes et des préoccupations que nous, les fonctionnaires des ministères fédéraux, avons relevés.
Il y a quatre ou cinq ans, notre groupe de recherche a constaté que plusieurs ministères fédéraux, indépendamment les uns des autres, se servaient d'indicateurs pour voir ce qui se passait au Canada rural. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord faisait des travaux sur la façon de mesurer le développement économique dans les localités indiennes du Nord. Santé et Bien-Être Canada développait une base de données pour savoir ce qui constitue une localité en santé. Notre ministère à l'époque, Emploi et Immigration, s'intéressait à l'avenir des localités rurales, ce qui correspondait à notre objectif principal, à savoir la programmation du développement rural. D'autres ministères s'y intéressaient aussi.
Le comité interministériel s'est donc dit que, plutôt que d'engager des consultants chacun de son côté, les ministères devraient travailler ensemble à la réalisation de leur objectif commun. C'est ainsi que le projet des indicateurs ruraux est devenu un projet conjoint.
Nous nous sommes alors posé la question suivante: si on nous donnait une heure pour parler du Canada rural au premier ministre, que lui dirions-nous? Notre perspective a changé depuis que nous avons commencé.
Nous avons donc tâché de voir quels messages constitueraient un portrait global des grands problèmes critiques qui se posent dans le Canada rural.
Heureusement, au même moment, l'OCDE à Paris s'est également rendu compte que les problèmes ruraux allaient constituer un aspect essentiel de son programme dans nombre de pays de l'OCDE. D'ailleurs, au début des années 1990, l'OCDE a créé un secrétariat du développement rural et a commencé à s'intéresser à certains problèmes ruraux. Son premier objectif consistait à développer des indicateurs ruraux: comment mesure-t-on ce qui se passe dans les régions rurales des pays de l'OCDE?
Donc, nos deux projets ont évolué en parallèle et en tandem, et nous nous sommes entraidés. Nous avions compris que les indicateurs ruraux étaient importants parce qu'il nous fallait une série de données impartiales qui nous aideraient à expliquer aux gens ce qui se passe. Profil du Canada rural est une tentative en ce sens.
Nous nous étions également rendu compte que lorsqu'on parle du Canada rural, il est très difficile de savoir au juste à quoi cela correspond. Je laisserai à Ray le soin de vous expliquer la dimension géographique du problème lorsqu'il fera son exposé.
Ce que nous avons essayé de faire, en nous servant du modèle de l'OCDE, c'était d'établir quatre grands ensembles d'enjeux. Il y avait la population et la migration, la structure et le rendement économiques, les facteurs sociaux et les facteurs environnementaux. Le projet de l'OCDE se prêtait fort bien au premier: population et migration, et la structure économique. Le travail n'a pas été aussi facile du côté social, et il a été extrêmement difficile du côté environnemental.
Notre projet visait alors à mettre au point un ensemble d'indicateurs. Nous avons abouti à14 indicateurs qui vous donneront un aperçu des enjeux critiques auxquels le Canada rural fait face. Nous avons trois indicateurs que nous avons baptisés «travail en cours». C'était le mieux qu'on pouvait faire pour la question environnementale. Ce qu'on vous donne essentiellement ici, c'est un cliché de la situation.
Avant de céder la parole à Ray qui vous expliquera la teneur essentielle des indicateurs, je signale que ce document a rejoint un grand public et qu'il a été utilisé par divers groupes; par exemple, des organismes confessionnels s'en servent comme d'un manuel. Chose intéressante, notre plus gros client, même si nous n'y avions pas pensé au départ, est formé des étudiants universitaires. Ce texte fait partie des lectures obligatoires des étudiants de première année. Je pense qu'il a été utile en ce sens.
Je vais m'arrêter ici et céder la parole à Ray. Il vous expliquera la teneur de notre document, après quoi nous pourrons passer aux questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Donnelly.
M. Ray Bollman (économiste, Statistique Canada): Comme Ken vous l'a dit, nous avons assez d'information pour vous donner une séance d'une heure, je pense donc que le président va me faire signe quand il voudra que je m'arrête.
Quelques précisions figurent dans votre trousse. Je m'en tiendrai à trois thèmes dans l'explication de certaines données.
À mon avis, chaque indicateur démontre que le Canada rural est défavorisé sur le plan socio-économique. Il y a 17 ou 20 autres indicateurs dans l'ouvrage, et ils parviennent tous à la même conclusion: le Canada rural est désavantagé sur le plan socio-économique.
Pour ce qui est du programme de votre comité, en ce qui concerne le secteur primaire, les ressources, on constate que l'emploi dans le secteur primaire est relativement faible et en déclin de manière générale. Pour ce qui est des expéditions, de la valeur ajoutée, de la contribution aux échanges avec l'étranger, la contribution du Canada rural est importante. Les moyennes que vous voyez ici témoignent d'une diversité considérable. L'un des indicateurs de diversité démontre que parmi les régions rurales, il y en a dont la croissance est aussi rapide sinon plus que les régions non rurales ou régions urbaines.
Je cesse d'en parler pour le moment. J'y reviendrai à la fin de mon exposé.
J'aimerais d'abord vous expliquer comment je vois les deux éléments économiques qui permettent de comprendre la société rurale. Le premier, c'est la valeur sans cesse croissante du temps humain. On a décerné le prix Nobel à T.W. Schultz il y a quelques années pour son article capital sur la valeur croissante du temps humain. Il dit que la seule constante dans la longue histoire du monde, c'est la valeur croissante du temps humain, avec pour conséquence que l'on est toujours tenté de substituer le capital au travail. La plupart des secteurs primaires ou à ressources naturelles exigent des investissements massifs, tendance qui ne fait que s'accentuer.
À titre d'anecdote, observons qu'il y a 10 ou 15 ans, il y avait 2 000 personnes travaillant sous terre à Thompson. Il ne reste plus aujourd'hui que 400 mineurs, mais la production a doublé. Voilà pour l'emploi futur.
On observe également la baisse du prix réel des matières premières, mais peu importe ce qu'il y a ici, c'est la valeur croissante du temps humain qui cause la substitution du capital au travail et la baisse de l'emploi dans le secteur primaire.
Ken, quelques autres et moi-même avons mis au point quelques indicateurs ruraux au comité interministériel. Pourquoi des indicateurs ruraux? Pour fonder la discussion sur le territoire rural - il ne s'agit pas ici nécessairement de personnes ou de secteurs. Il s'agit de faire reposer les discussions sur la politique territoriale.
Pour définir les régions rurales, l'OCDE propose d'examiner toutes les localités au sein d'une région et de définir une localité rurale comme une région où l'on trouve moins de 150 personnes par kilomètre carré. Ce sont là les localités rurales. On définit ensuite une région rurale comme une région où plus de 50 p. 100 des gens vivent dans des localités rurales.
Nous avons donc des régions rurales lorsque plus de 50 p. 100 des gens vivent dans des localités rurales. Dans les régions intermédiaires, il y en a moins de 50 p. 100, et il s'agit essentiellement de petites villes définies par les divisions de recensement. Les régions agglomérées, ce sont les régions du recensement où il y a de grandes villes.
La première question est celle-ci: combien de personnes vivent dans le Canada rural? En 1991, 33 p. 100 des Canadiens vivaient dans les divisions de recensement rurales, à savoir les régions rurales où plus de 50 p. 100 de la population habite dans des localités rurales. On a donc vu une légère baisse de 1981 à 1991, mais le Canada rural demeure substantiellement peuplé.
Les divisions de recensement en marge des villes ont des divisions rurales dans une proportion de 14 ou 15 p. 100, alors que celles qui sont éloignées des villes comptent la même proportion. Environ 3 p. 100 des Canadiens vivent dans le Nord rural.
Nous nous situons à peu près au milieu des pays de l'OCDE. Dans des pays comme la Belgique, l'Allemagne et l'Italie, de plus petites proportions de la population totale habitent des régions rurales, alors qu'en Autriche, en Grèce, en Finlande, en Suède et en Norvège, il y a plus de monde dans les régions rurales.
Où y a-t-il croissance démographique? De 1981 à 1991, le plus fort pourcentage de croissance a été enregistré dans les divisions du recensement où il y avait de petites villes. Il y a eu une croissance importante dans les divisions de recensement où l'on trouve de grandes villes. En règle générale, la croissance a été faible dans les régions rurales, soit 5,7 p. 100 sur dix ans. Les régions rurales en marge des villes ont connu une plus grande croissance. Les régions rurales qui ne sont pas en marge des villes ont connu une croissance moindre. Le Nord rural a connu une toute petite croissance en pourcentage. Cela comprend les naissances, dont on soustrait les décès, et tout le phénomène de la mobilité.
Si l'on examine seulement le phénomène de la mobilité, le tableau prend une allure différente.Il y a eu une migration substantielle vers les grandes villes des divisions de recensement, une migration moindre vers les petites villes de ces divisions, mais de manière générale, il y a eu migration.
Pour ce qui est des régions rurales en marge des villes où les gens sont allés s'installer, on observe que le déclin rural s'est opéré dans le Nord rural ou dans les régions rurales qui ne sont pas en marge de villes. Il y a eu augmentation de la population ici, mais il y a eu bel et bien migration. On constate une grande diversité partout au Canada.
Avant de cesser de parler de la démographie du Canada rural, je vais vous montrer ce tableau-ci qui indique la croissance des populations autochtones dans certaines provinces.
Voici la Saskatchewan, en 1991, avec ses régions rurales et urbaines prises ensemble. On observe ici que si l'on prend les plus de 65 ans en Saskatchewan, 2 à 3 p. 100, soit une personne sur 50, sont autochtones. Chez les 15 à 24 ans, 14 p. 100 sont autochtones, c'est-à-dire une personne sur sept. Chez les moins de 15 ans en Saskatchewan, cette proportion équivaut à près de 20 p. 100, soit presque une personne sur cinq, plus d'une personne sur six.
Donc pour ce qui est des Autochtones en Saskatchewan - et l'on voit le même tableau pour le Manitoba, ainsi qu'une tendance semblable dans les autres provinces, mais plus faible - leur nombre va en augmentant chez les jeunes. Il y a donc un pourcentage d'Autochtones croissant pour l'ensemble de la population.
C'est important, parce que si vous considérez le changement sur dix ans de tous ces indicateurs socio-économiques concernant les Autochtones, vous constatez qu'il n'y a pas de changement.Il n'y a pas de croissance en termes absolus. Il n'y a pas de croissance absolue relativement aux autres Canadiens.
Le taux de chômage est l'un des indicateurs socio-économiques qui montre que le Canada rural est défavorisé. La partie en rose représente 1991. Si vous passez des grandes villes aux villes de taille moyenne puis aux régions rurales, vous voyez la croissance du chômage. Dans les régions rurales en marge des villes et dans celles qui ne sont pas en marge des villes dans le Nord, les taux de chômage sont plus élevés à mesure qu'on s'éloigne des villes.
Ce tableau-ci montre qu'historiquement - voyez les lignes vertes - les taux de chômage ont toujours été plus élevés dans les régions rurales que dans les parties en rouge, qui montrent les taux de chômage dans les régions urbaines. On voit aussi que lorsqu'il n'y a pas de récession, les taux de chômage sont beaucoup plus bas dans les régions urbaines. S'il y a récession, les taux de chômage dans les régions urbaines sont aussi élevés que dans les régions non métropolitaines ou rurales.
Lors de cette récession-ci, c'est la même chose. En fait, l'une des lignes rouges se situe au-dessus de la ligne verte. Tant aux États-Unis qu'au Canada, les taux de chômage urbains ont été plus élevés que les taux de chômage ruraux pour la première fois d'après les statistiques récentes.
Il y a plusieurs tableaux ici sur le rôle du secteur primaire et des ressources au niveau de l'emploi. Ce tableau-ci compare le Canada à l'OCDE. Ici, on voit la part de l'agriculture, du secteur forestier, des pêches, de la chasse et du piégeage. Pour se comparer à l'OCDE, on ne se sert pas des mines ni du pétrole.
Dans le secteur primaire, le Canada a un taux d'emploi de 11 p. 100 dans les régions rurales. Donc, si vous êtes dans une région rurale au Canada, 11 p. 100 des travailleurs se trouvent dans des exploitations agricoles, travaillent dans la forêt ou sont pêcheurs. Le pourcentage est un peu plus élevé, et on y reviendra, dans le secteur minier. Mais vous pouvez voir que nous sommes au milieu des pays de l'OCDE. Il y en a qui sont plus bas. L'Irlande, l'Espagne, le Portugal et l'Islande ont une part plus élevée dans le secteur primaire.
Donc, pour bien comprendre où se situe le secteur primaire, voyez les secteurs du Canada rural où il y a de l'emploi. Le plus gros secteur est celui des services. Suivent le commerce de gros et la vente au détail. Ensuite, c'est le secteur manufacturier: le secteur manufacturier est le troisième grand secteur d'emploi au Canada rural. Vient ensuite l'agriculture, le travail dans des fermes. On descend plus bas, le prochain est le transport et les communications. Ensuite vient le bâtiment. Après, l'administration gouvernementale. Après quoi suivent la pêche, le secteur forestier, le secteur minier et le secteur pétrolier. Au Canada rural, environ 150 000 personnes sont employées dans ces trois secteurs. J'appellerais cela «Autres secteurs primaires», outre l'agriculture. Au bas, il y a les services financiers, les assurances et l'immobilier.
Ce tableau-ci vous montre ce que vous savez tous probablement, que le secteur des services est celui qui connaît la croissance la plus rapide. En fait, si vous êtes dans une grande ville, dans une petite ville, dans une région rurale en marge d'une ville, dans une région rurale qui n'est pas en marge d'une ville, peu importe, tous ces points verts vous disent que quelle que soit la région où vous vous trouvez, c'est le secteur des services qui connaît le taux de croissance le plus rapide. Viennent ensuite les services de santé. Après, les services aux consommateurs. Auparavant, je mettais tous ces services ensemble, et ce groupe dépassait tous les autres.
Au sein du groupe des services, les trois principaux sont les services aux entreprises - à savoir les personnes qui vendent des services aux entreprises - , les services de santé et les services aux consommateurs, par exemple, les coiffeurs.
Donc, le secteur rural participe à la croissance des services aux entreprises. Le problème, c'est que la base dans ce secteur n'est pas très étendue. Si vous passez des grandes villes aux petites villes, du secteur rural en marge des villes au secteur rural qui n'est pas en marge des villes dans le Nord, il n'y a pas grand changement dans la part de l'emploi au niveau du détail et du commerce de gros ainsi que des services de distribution.
Si on regarde ici, il n'y a pas grand changement dans la part des services personnels. Il n'y a pas grand changement non plus dans la part des services sociaux, sauf dans le Nord.
Mais ici vous passez des divisions du recensement des grandes villes aux divisions de recensement des petites villes et aux régions rurales. On constate un changement dans la part de l'emploi et dans le secteur en croissance des services aux entreprises, qu'on appelle ici les services aux producteurs ou la vente de services aux producteurs.
Le secteur rural essaie de grandir à partir d'une base très étroite. Passez des secteurs ruraux en marge des villes aux secteurs ruraux qui ne sont pas en marge des villes dans le Nord, et la base se rétrécit ici également. C'est donc à partir d'une très petite base que l'on peut bâtir le secteur en expansion des services aux entreprises.
Dans le secteur primaire, comme on peut s'y attendre, l'agriculture est importante: 9 p. 100 de l'emploi en général est dans le secteur rural; 9 p. 100 dans le secteur rural en marge des villes; et 9 ou 10 p. 100 dans le secteur rural qui n'est pas en marge des villes. Et si vous allez dans le Nord, vous obtenez 9 p. 100 de l'emploi dans le secteur des mines et de l'extraction pétrolière.
Si l'on considère le secteur minier seulement, dans l'ensemble au Canada, il représente environ 9 p. 100. Au nord de l'Atlantique - dans notre classification, c'est le Labrador - 14 p. 100 des gens travaillent dans les mines. Dans les divisions nordiques de recensement au Québec, 6 ou 7 p. 100 des gens sont employés dans les mines. En Ontario, la proportion est de 7 ou 8 p. 100, et dans le Nord des Prairies, 21 p. 100 des gens travaillent dans les mines.
Dans l'Atlantique nord ou au Labrador, 8 p. 100 des gens travaillent dans le secteur des pêches. Dans les divisions de recensement des provinces de l'Atlantique, dans les régions qui ne sont pas en marge des villes, la proportion est de 4 p. 100. De manière générale, dans l'Atlantique, 3 p. 100 des gens sont dans les pêches.
Dans le secteur forestier, c'est la Colombie-Britannique qui remporte la palme. Dans les divisions nordiques de recensement en Colombie-Britannique, 7 p. 100 des gens oeuvrent dans le secteur forestier. Le deuxième secteur en importance en Colombie-Britannique est la division de recensement qui n'est pas en marge des grandes villes, avec 5 p. 100. En Colombie-Britannique, dans l'ensemble, 4 p. 100 des emplois se trouvent dans le secteur forestier.
Pour ce qui est de l'agriculture, ce sont les Prairies qui viennent au premier rang. Dans les divisions de recensement qui ne sont pas en marge des villes, 25 p. 100 travaillent dans l'agriculture, dans des exploitations agricoles.
Il n'existe donc pas de divisions de recensement au Canada où plus de 50 p. 100 des gens travaillent dans le secteur agricole. On en trouve à peine quelques-unes à 40 p. 100. Si l'on regroupe les divisions de recensement des Prairies qui sont éloignées des villes, vous obtenez 25 p. 100 de l'emploi en agriculture, et 19 p. 100 dans les divisions de recensement en marge des villes.
Votre documentation contient un autre tableau. Ici, certaines divisions de recensement montrent qu'en moyenne, 20 p. 100 des emplois dépendent du secteur minier et pétrolier. Un autre tableau pour les Prairies... environ 25 p. 100 des emplois sont issus de l'agriculture. Il y a très peu de régions où 10 p. 100 des emplois découlent de l'agriculture. Ensuite, vous avez moins de 10 p. 100 de dépendance pour les divers secteurs des ressources. Désolé, vous ne pouvez pas voir cette feuille.
La valeur ajoutée est en baisse dans le secteur primaire. On range ici toutes les industries selon la part rurale de l'emploi. Donc, pour la pêche et le piégeage, près de 75 p. 100 des travailleurs se retrouvent dans le secteur rural. Pour l'agriculture, c'est 70 p. 100 dans le secteur rural et ainsi de suite. En tête de liste du secteur manufacturier rural, il y a le bois, par exemple les scieries. Environ la moitié du secteur manufacturier pour le bois se trouve dans les régions rurales. Pour la transformation alimentaire, dont les usines de mise en conserve du poisson... c'est de 38 à 40 p. 100 et ainsi de suite. Donc, on constate ici un déclin. Ce tableau-ci vous montre l'intensité de l'activité.
On voit le même ordre dans le tableau qui suit. Vous voyez ici leur importance. Ce secteur-ci occupe un rang assez élevé, il s'agit des carrières et des sablières, mais ce secteur emploie très peu de gens.
Pour comparer la transformation dans le secteur des ressources primaires au secteur manufacturier, nous avons mis à jour ici une publication de Statistique Canada où l'on a groupé le marché américain et le marché canadien, on en a retiré toutes les importations et les exportations au Canada et aux États-Unis, et on s'est demandé quelle était la part du Canada dans le marché canado-américain total. Entre 1983 et 1985, cette part était de 7 p. 100; on voit une petite augmentation entre 1986 et 1988; pour la période de 1989 à 1991, elle est peut-être de 7,5 p. 100; et pour le secteur manufacturier dans son ensemble pour la période de 1992 à 1994, la part canadienne du marché canado-américain est moindre que ce qu'elle était dans les années 1980.
Le plus gros secteur ici, comme nous l'avons déjà dit, est celui des industries du bois. Le secteur de transformation qui emploie le plus dans les régions rurales est celui des industries du bois, avec la même courbe de croissance pour la part de marché nord-américain pendant les années 1980 et une forte diminution de cette même part au début des années 1990.
Les produits alimentaires suivent la même courbe - les pâtes et papier, le papier et les produits dérivés: croissance au début des années 1980, chute à la fin des années 1980 et forte chute de la part de marché au début des années 1990. Pour les métaux primaires, il y a eu croissance et, encore une fois, déclin au début des années 1990.
Cela vous donne, si vous voulez, la compétitivité de la valeur ajoutée pour les emplois dans les secteurs forestier, agricole, minier et piscicole... Vous avez là le poisson, le bois, le papier et les métaux, les activités de transformation.
Au niveau de la diversité, permettez-moi de vous montrer deux ou trois observations. Celle-ci poursuit le même thème, à savoir que le Canada rural est désavantagé sur le plan social, la moyenne des revenus dans les petites villes rurales étant inférieure à celle des grandes villes; c'est dans les divisions de recensement rurales, non adjacentes à des régions métropolitaines, que ces revenus sont les plus faibles.
La diversité est encore plus évidente si on la reproduit sur une carte. Nous avons donc scindé les divisions de recensement en deux groupes: revenu supérieur à la moyenne ou inférieur à la moyenne et croissance supérieure à la moyenne ou inférieure à la moyenne. Si vous commencez à un niveau supérieur à la moyenne et que votre croissance soit supérieure à la moyenne, vous avez de l'avance au départ et vous la conservez. Si votre niveau est inférieur à la moyenne et que votre croissance soit inférieure à la moyenne, vous avez du retard au départ et cela ne s'améliorera pas.
Nous avons donc ici, pour la période allant de 1981 à 1991, 104 divisions de recensement qui avaient de l'avance au départ et qui l'ont conservée et 122 qui avaient du retard et dont la situation s'est aggravée. J'ai une belle carte en couleur que je ne peux pas vous montrer, je vais donc me contenter de la version en noir et blanc.
Les divisions de recensement qui étaient en avance semblent toutes dans la région du grand Toronto, toute la région au sud du parc Algonquin. C'est tout ce qui est indiqué en blanc. J'ai l'impression que pour les divisions de recensement en retard, cela commence à partir de Montréal pour aller jusqu'en Gaspésie, le Nord du Nouveau-Brunswick, les deux extrémités de la Nouvelle-Écosse et toute la périphérie de Terre-Neuve. Ce sont toutes les taches noires. Dans l'Ouest, ces taches noires se retrouvent en Saskatchewan, à l'extérieur de la division de recensement de Regina et dans tout le Manitoba, à l'exception de la grande région de Winnipeg.
Une autre mesure de la diversité est l'observation qu'en moyenne, le Canada rural souffre d'un désavantage socio-économique. Dans ce que j'appelle le Canada rural, les revenus sont inférieurs à la moyenne et perdent du terrain, mais si on prend la période de 1981 à 1991, et si on classe les divisions de recensement par leur ruralité, on s'aperçoit qu'il y a d'énormes variations au niveau du taux de croissance. Ici, c'est 0 p. 100 rural, ce sont donc des villes d'une croissance oscillant entre 0 et 50 p. 100 ou 60 p. 100, et la croissance rurale est de moins 10 p. 100 à 40 p. 100. Il y a une diversité considérable de croissance des divisions de recensement, quel que soit leur degré de ruralité.
C'est donc relativement plat. Nous savons qu'en moyenne, c'est un peu comme cela car nous avons vu les moyennes. Mais la diversité fantastique qu'on constate signifie que ruralité n'égale pas forcément faible croissance. C'est sur ce point que j'aimerais terminer.
L'autre observation par laquelle j'aimerais terminer concerne la carte que j'ai posée sur la table. Si je vous montre ce tableau en couleur comme ça, vous pouvez le voir. C'est une autre façon de considérer la diversité du Canada rural. Les zones en jaune représentent les grandes villes. Le vert clair correspond au Nord autochtone. La frontière urbaine correspond généralement aux divisions de recensement contenant des villes assez importantes, en fait, les plus grandes villes - population croissante, revenus croissants, population de travailleurs professionnels y habitant et y travaillant.
Le nirvana rural, c'est la région au sud du parc Algonquin. Beaucoup de gens viennent s'y installer - une population active à revenus élevés et diplômée. Ils connaissent des problèmes de développement rural que la Saskatchewan rurale leur envie.
La région agro-rurale se situe à l'extérieur des divisions de recensement des grandes villes, dans les Prairies et pour l'essentiel, dans l'Est du Québec. L'enclave rurale commence à l'extrémité de la Gaspésie et s'étend dans le Nord du Nouveau-Brunswick pour finir en Nouvelle-Écosse. L'enclave rurale de Terre-Neuve compte beaucoup de jeunes. Ils ne partent pas. Les taux de chômage sont élevés, les revenus, faibles et les niveaux d'éducation, faibles aussi.
Les régions de ressources comptent des mines et des exploitations forestières, ou dans les grandes villes du Nord, il y a beaucoup de professionnels qui exploitent les ressources naturelles.
Je conclus. Je reviens en fait à mon point de départ. Je crois qu'en moyenne, chaque indicateur montre que le Canada rural est désavantagé. L'emploi dans les secteurs primaires semble être relativement minime et sur le déclin. Ces moyennes globales masquent la diversité. Il y a d'énormes variations au niveau des taux de croissance et cette carte montre qu'il y a d'énormes variations dans les divisions de recensement de ce type de milieu rural canadien. Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup. C'était très intéressant. Vous m'avez appris un certain nombre de choses que je ne connaissais pas vraiment bien.
Je crois que les députés aimeraient vous poser quelques questions. Nous commencerons parM. Deshaies.
[Français]
M. Deshaies (Abitibi): Ma question s'adresse à M. Donnelly. Après la suite ininterrompue de dessins où des quantités énormes de statistiques ont été montrées, il me vient en tête que le comité interministériel a sûrement pour objectif d'étudier la situation réelle du monde rural et d'apporter des solutions.
Je suis sûr qu'un milieu rural comme le mien, l'Abitibi, est zoné gris ou vert. Est-ce que des ministères ont déjà apporté ou tenté d'apporter des solutions grâce à ces statistiques-là?
[Traduction]
M. Donnelly: Excellente question. Nous sommes surtout un groupe. Notre comité interministériel joue avant tout un rôle d'informateur. Jusqu'à présent, nous n'avons pas agi à titre de conseillers auprès de nos sous-ministres ou de nos ministres sur les questions rurales, principalement parce qu'elles n'ont pas été abordées sous cet angle particulier.
Certains d'entre nous essaient d'imaginer ce que nous appelons la nouvelle économie rurale, économie fondée sur ce que le passé nous offre de meilleur, sur les forces économiques des industries de ressources naturelles et sur les perspectives d'avenir en matière de création d'emplois, d'activités durables sur lesquelles les Canadiens ruraux pourront compter grâce à la technologie, à la petite entreprise, à l'esprit d'entreprise - grâce à toutes les ressources accessibles et utilisables.
Nous sommes donc, disons, un groupe d'étude sur la nouvelle économie rurale qui essaie, comme vous l'avez dit, de trouver des solutions à une économie en mutation permanente. Mais jusqu'à présent, nous avons surtout joué un rôle de service d'information.
[Français]
M. Deshaies: Merci.
Il y a toutes sortes de statistiques qui ne font que confirmer ce que l'on sait déjà lorsque l'on vit dans une région rurale. Chez nous, les ressources naturelles ont beaucoup augmenté. Il y a autant, sinon plus de mines que dans le passé. La valeur des minerais a augmenté, comme celle du bois. Cependant, la réalité est qu'il y a moins d'emplois qui se créent.
Les industries, tant celle des mines que celle de la forêt, sont en bonne santé, mais il n'y a pas d'emplois pour nos jeunes qui voudraient rester chez nous.
Je sais que vous êtes un organisme qui donne de l'information. Ce n'est pas vous qui faites les politiques. Il peut cependant être tentant d'utiliser vos statistiques pour faire de la politique et dire que le gouvernement devrait faire ceci ou cela.
Il ne s'est encore rien fait de concret avec ces statistiques, mais les ministères cherchent-ils à utiliser vos données pour établir des politiques mieux adaptées aux régions rurales?
[Traduction]
M. Donnelly: Lorsque nous nous sommes lancés dans ce projet particulier, le sentiment prévalant était que la majorité des Canadiens ne savaient pas vraiment ce qu'était le Canada rural. Cette expression évoquait des images différentes d'une personne à l'autre. Pour certains, c'était un lieu pastoral de pique-nique pour citadins. Pour d'autres, c'était la forêt, l'exploitation des forêts et toutes sortes d'autres activités de ce genre. Dans ce document, nous avons essayé d'informer les Canadiens en leur donnant un maximum de chiffres, de renseignements et de données sur les diverses régions du Canada.
Nous nous sommes efforcés de le rédiger dans une langue, de le présenter dans un format à la portée de tous les Canadiens. Comme vous pouvez le voir vous-mêmes, il y a du texte, des tableaux, des graphiques et des cartes.
Vous nous demandez ce que nous allons faire de tous ces renseignements. Nous sommes vraiment heureux d'avoir été invités par votre comité car nous cherchons justement comment partager avec d'autres ces renseignements. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous les avons partagés avec les Canadiens des milieux ruraux à différents endroits et dans différents lieux. Nous les avons partagés par l'intermédiaire de l'OCDE avec un certain nombre de pays et le Canada a été complimenté par divers pays qui nous ont dit que c'était une excellente initiative qu'ils devraient transposer à leur propre pays.
Pour ce qui est de politiques précises découlant de ce travail de recherche, je ne peux pas vraiment vous répondre.
Permettez-moi de changer de chapeau et de reprendre celui de mon travail de jour. Je travaille avec un certain nombre de conseils du secteur des ressources humaines dans le domaine de la pêche, de la récolte à la transformation des produits de la mer, de l'alimentation, des mines, de l'acier, des industries environnementales et de l'horticulture. Nous essayons activement depuis un certain temps de concevoir des programmes pour les jeunes Canadiens en utilisant le secteur privé par le biais de notre projet d'apprentissage sectoriel. Nous travaillons avec des groupes autochtones et des groupes de handicapés dans ces secteurs, tout particulièrement dans celui de l'horticulture, dans le cadre de ce projet.
Nous tenons compte de deux réalités: les secteurs où je travaille sont surtout des secteurs de ressources et nous essayons de créer des emplois dans ces secteurs pour Canadiens, jeunes et moins jeunes, des milieux ruraux. Il y a donc un certain rapport, mais il n'est pas formel.
[Français]
M. Deshaies: Merci. Ces statistiques-là nous seront sûrement très utiles pour trouver des solutions à moyen et à long termes. Je n'ai aucune autre question pour l'instant; j'ai l'impression d'avoir un stock d'information statistique à gober. J'aurai d'autres questions à poser au cours des prochaines rencontres.
[Traduction]
Le président: Merci. Monsieur Thalheimer.
M. Thalheimer (Timmins - Chapleau): Quand on fait la distinction entre le Canada rural et le Canada urbain, en fait, c'est pratiquement tout le Canada à l'exception de quelques grandes villes, et tout le reste est rural, n'est-ce pas? Nous avons environ cinq ou six ... mais la grande majorité de la population se trouve...
M. Donnelly: Vous avez tout à fait raison. Je ne connais pas exactement le pourcentage, mais je crois que géographiquement, le Canada rural représente 97 p. 100 ou 98 p. 100 de notre superficie.
M. Thalheimer: Quand nous parlons de renouvellement économique du Canada rural, quelle est la solution? Il est évident que la population diminue. L'économie des régions rurales, bien entendu, se mécanise de plus en plus et les nouvelles technologies ont de moins en moins besoin de main-d'oeuvre. Quel devrait être notre objectif - utiliser au maximum ces technologies pour exploiter du mieux possible les ressources économiques du Canada rural? Ou devrions-nous essayer d'y ramener la population en créant des emplois? Que devrions-nous faire?
Je vais vous donner un exemple. Je suis né dans l'Ouest et je connais très bien les prairies, mais depuis 30 ans, j'habite à Timmins, en Ontario. C'est avant tout une région d'exploitation minière et forestière. Mais le Canada rural n'y est pas aussi important que dans l'Ouest, en Saskatchewan, en Alberta et au Manitoba. Quand on voit de petites industries... je pense à Fraserdale. Il y avait à cet endroit une usine hydroélectrique. Environ 80 familles ont dû partir parce que toute cette électricité peut être maintenant produite à Timmins ou à Toronto. On aurait pu continuer comme avant, mais la technologie est arrivée. On n'a plus besoin de ces 87 personnes à Fraserdale. Cette communauté a été rayée de la carte, elle a disparu.
Nous nous servons de la technologie pour prendre la place des communautés. Donc, quand on parle de renouvellement économique, ce n'est pas dans le but de faire revenir la population, n'est-ce pas? L'objectif, c'est d'utiliser la technologie au maximum.
M. Donnelly: C'est mon opinion personnelle. Je ne parle pas au nom du ministère mais à mon avis, il y a trois choses.
Premièrement, il n'est pas forcément nécessaire de déplacer ces gens. Il y a un retour de la population dans certaines régions du Canada rural, comme la carte vous le montre, mais c'est généralement pour l'une ou l'autre de deux séries de circonstances: il y a ceux qui s'éloignent de leur lieu de travail mais pas trop - ceux qui habitent à Almonte, à Wakefield, à Richmond - ou ceux qui de plus en plus vont finir leurs vieux jours dans des communautés comme Muskoka, Comox ou Saint-Jovite. Ils ont un style de vie, des revenus qui leur permettent de vivre en milieu rural pratiquement à la retraite ou en quasi-retraite.
Le côté renouvellement concerne les industries d'extraction de ressources du Canada qui sont d'excellente qualité, qu'il s'agisse de l'agriculture, des mines, du gaz ou du pétrole, qui donnent de très bons résultats. Malheureusement, avec l'arrivée de la technologie, elles ont de moins en moins besoin de main-d'oeuvre pour produire à des niveaux croissants de productivité. La technologie est une arme à double tranchant.
Industrie Canada a un projet d'accès communautaire et il serait peut-être bon que vous entendiez un des responsables de ce projet. Nous avons dépensé six ou sept millions de dollars pour que les communautés rurales aient accès au réseau Internet. Notre objectif est de brancher électroniquement 1 000 communautés rurales et il y en a au moins 300 qui le sont déjà.
Il faut nous interroger sur l'utilisation qu'elles feront de cette technologie quand elles l'auront. Je crois que c'est un phénomène vraiment intéressant. Dans les travaux pour l'OCDE, la question de l'éloignement rural fait l'objet d'un débat. L'éloignement est-il encore un facteur? Pour certains oui, c'est encore un facteur, pour d'autres non, à partir du moment où on est branché sur le réseau électronique mondial, ce n'est plus vraiment un facteur, cela dépend de ce que l'on fait.
Les graphiques que Ray vous a présentés et les choses que nous vous avons indiquées montrent que la véritable croissance économique au Canada se fait et continue de se faire dans le secteur des services qui offre, pensons au tourisme, par exemple, des perspectives intéressantes, mais certainement pas partout.
Je sais que cette réponse manque un peu de clarté, mais il s'agit à la fois de bien faire ce que nous faisons dans le domaine des industries primaires axées sur les richesses naturelles et d'ajouter à ces industries de nouvelles industries qui peuvent être exploitées avec succès dans des milieux ruraux. En fait - et je vous parle là comme représentant de DRHC - , le renouvellement rural passe d'abord et avant tout par les gens. Il s'agit en fin de compte que les gens choisissent où ils vont vivre et qu'ils aient les outils et tout ce dont ils ont besoin pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants. C'est à cela qu'il faut finalement en revenir.
M. Thalheimer: Quand vous parlez de renouvellement, il ne faut pas oublier que les industries de services ont besoin de gens. Ce sont des industries qui sont là pour servir les gens. Combien de coupes de cheveux le coiffeur peut-il faire dans une localité de 200 habitants? Si vous parlez des industries de services en milieu rural, je trouve que les perspectives ne sont guère intéressantes. Il n'y a rien à faire, à mon avis, à moins de pouvoir ramener la population dans les régions rurales.
Les progrès technologiques et autres nous permettent d'améliorer l'exploitation minière, l'exploitation agricole, etc. Toutefois, de moins en moins de gens se servent des technologies disponibles.
Je suis moi-même né en Saskatchewan; à l'époque, quatre quart de section, c'était beaucoup. De nos jours, les exploitations agricoles de quatre quarts de section n'existent tout simplement plus. Il faut maintenant cinq sections de terre en raison des progrès technologiques. Nous avons donc un agriculteur aujourd'hui là où nous en avions huit autrefois. Les technologies existent et il faut s'en servir.
Je conçois mal que les industries de services aillent s'installer là, mais je trouve qu'avec l'équipement technologique dont nous disposons aujourd'hui, il y aurait moyen de faire redémarrer l'économie du Canada rural.
M. Donnelly: Trois choses nous viennent à l'esprit à la suite de ce que vous venez de dire. La fabrication manufacturière rurale n'est pas morte. Elle évolue, mais elle n'est pas morte. Les industries de services ont besoin de services de soutien, et il n'est pas nécessaire que le personnel qui s'en occupe soit dans un bureau à Toronto; le travail peut se faire par voie électronique à partir de n'importe quel endroit. Ainsi, dans bien des cas, ce personnel spécialisé pourrait être installé dans un bureau en milieu rural. Nous espérons qu'en reliant toutes ces localités rurales, de plus en plus d'entreprises privées envisageront de s'installer en milieu rural.
Il n'est pas surprenant que les grandes usines de fabrication d'automobiles japonaises se retrouvent dans des localités rurales de l'Ontario. Ces localités offrent une multitude d'avantages.
Encore là, il s'agit d'une analyse personnelle, mais j'ai remarqué que l'infrastructure rurale... Les routes sont importantes, surtout pour les industries du secteur manufacturier. Il semble que la plupart des localités rurales qui se trouvent sur les grands axes de camionnage se portent assez bien. Plus on s'éloigne de ces axes, plus il est difficile d'attirer ou de garder les industries de fabrication manufacturière ou de services.
Je le répète, la combinaison d'activités industrielles et d'activités touristiques offre d'excellentes possibilités, sinon pour toutes les régions du Canada rural, pour certaines tout au moins.
Le président: Merci, monsieur Thalheimer. Monsieur Wood.
M. Wood (Nipissing): Monsieur Donnelly et Monsieur Bollman, si nous devions attendre que le gouvernement fédéral fasse quelque chose, nous attendrions diablement longtemps. Ce qu'il faut faire, à mon avis, et c'est ce que nous avons fait dans ma région, c'est prendre le taureau par les cornes et faire nous-mêmes quelque chose, peu importe que l'initiative vienne de gens comme moi, d'autres députés ou qui sais-je encore.
Je vous donne un bon exemple de ce que nous avons fait dans notre région. Il s'agit simplement d'une observation, et j'ignore si elle conduira ensuite à une question. A North Bay, à Mattawa et dans l'ensemble de la région, nous avons réussi à obtenir de Développement des ressources humaines, entre 50 000 $ et 75 000 $ - je me trompe peut-être - par l'entremise d'un comité du SAAI. Les localités y sont allées, elles aussi, de leurs contributions en nature.
Nous avons réuni les écologistes, les chefs d'entreprise et divers conseils, et nous avons discuté ensemble de la façon d'assurer la viabilité des petites localités de ma circonscription. C'est ainsi que Tembec, M. Dottori et toutes les autres parties ont apporté une contribution de 10 millions de dollars à une petite localité comme Mattawa pour la fabrication de produits à valeur ajoutée. Vous rendez-vous compte de ce que cela signifie pour une petite localité de 2 500 habitants?
Ressources humaines nous a bien sûr accordé des fonds, mais il faut que les principaux acteurs de la collectivité prennent ensemble l'initiative. C'est ainsi que nous avons produit une vidéo et nous avons tenu des journées d'appréciation du secteur forestier, car c'est de cela qu'il s'agit. Un établissement d'enseignement pour les jeunes sera mis sur pied au parc Samuel-de-Champlain. Je le répète, des initiatives de ce genre peuvent être réalisées avec un petit peu d'aide de Ressources humaines, mais aussi par un effort concerté des dirigeants et des entreprises des localités concernées.
Voilà comment il faut faire. Comme vous le savez, il n'est pas toujours évident dans de petites localités... D'abord, les initiatives doivent bien souvent être élaborées de toutes pièces. Il n'est pas facile d'avoir accès à des capitaux. Les gouvernements ne s'engagent pas comme ils avaient l'habitude de le faire.
Tenez-vous compte de tout cela dans vos activités? Vous avez dit que le renouvellement rural passe d'abord par les gens, mais comment faut-il s'y prendre? Comment pouvons-nous participer à des activités de ce genre? Sommes-nous dans la bonne voie, ou devrions-nous changer notre façon de faire les choses? Qu'en pensez-vous? Que diriez-vous au premier ministre du Canada au sujet du Canada rural si vous disposiez d'une demi-heure?
M. Donnelly: Je voudrais bien pouvoir relever ce défi un jour, même si vous posez la question de façon hypothétique.
M. Wood: Oui, je sais, c'est tout un défi. Je me demande ce que vous diriez.
M. Donnelly: Comme vous l'avez dit, il s'agit finalement que les localités et les gens se servent des ressources et des moyens dont ils disposent déjà. Je crois, par ailleurs, que la participation fédérale optimum pourrait prendre trois formes.
Il y a d'abord l'information. Je suis constamment ébahi par la multitude de trousses d'information sur une gamme incroyable de sujets que les ministères fédéraux peuvent produire. Il y a ensuite la facilitation - vous avez parlé du comité du SAAI - activité qui n'a pas de secret pour moi. Malheureusement, je crois que nous perdons de notre capacité de jouer ce rôle de facilitateur en raison des compressions budgétaires.
Réunir les intervenants locaux et planifier... j'ai participé récemment à une conférence sur le développement économique communautaire, à Brockville, où il a beaucoup été question de cela. Nous étions tous là, maires, fonctionnaires fédéraux et provinciaux, conseillers municipaux, pour discuter de ce que nous devrions faire pour assurer la survie de l'Est de l'Ontario, à l'extérieur d'Ottawa.
Il est bien sûr utile d'avoir un peu d'argent, mais c'est ce que je mettrais au troisième rang - l'aide financière du gouvernement fédéral aux collectivités. Le plus important, c'est d'avoir un projet communautaire qui puisse mobiliser la population.
Je suis en train de faire des travaux de recherche sur le développement économique communautaire, et ce, sur trois fronts. Une fois la recherche terminée, je serai heureux d'en communiquer les résultats au comité. Dans un cas, il s'agit d'une étude interne à DRH sur les meilleures pratiques à suivre pour l'établissement de partenariats au niveau communautaire, qui vise à déterminer la façon dont le gouvernement fédéral, ou notre ministère dans ce cas-ci, peut collaborer avec les organisations communautaires locales afin de s'attaquer aux questions de ressources humaines dans une perspective qui englobe l'ensemble de la collectivité.
Je collabore également avec le Conference Board du Canada à la réalisation d'un sondage auprès d'entreprises du secteur privé afin de déterminer quelles sont leurs vues et leurs préoccupations relativement au développement économique communautaire et les approches qu'elles sont prêtes à adopter en ce qui concerne l'investissement dans les collectivités où elles sont installées.
La troisième étude se fait en collaboration avec la Commission canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre; il s'agit de demander aux organisations communautaires ce qu'elles estiment pouvoir apporter au développement économique des collectivités où elles sont installées.
J'essaierai de réunir tout cela et de voir ce qu'il en ressort.
En résumé, il s'agit pour chaque collectivité de travailler avec les ressources qu'elle a et il s'agit d'amener les gens à établir leurs priorités et à participer.
M. Wood: Établir leurs priorités...
M. Bollman: Je ne peux pas, moi non plus, parler au nom de mon organisme. Naturellement, Statistique Canada doit maintenir son indépendance à bien des égards, mais pour ce qui est de savoir ce que je dirais au premier ministre du Canada, je reprendrais sans doute ce que j'ai lu dans un article publié en 1992 dans la Revue canadienne d'économie rurale. L'auteur de cet article disait en somme que les méga-projets sont choses du passé; si je me permets de compléter sa pensée, je dirais que les micro-projets sont donc la voie de l'avenir.
Qui s'occuperait alors de ces micro-projets? Il semblerait que ce devrait être aux gens de la localité de s'en occuper parce que ce sont eux qui connaissent le mieux leur collectivité, mais que devons-nous dire en tant que représentants d'un organisme central du gouvernement fédéral: devons-nous dire aux responsables de chaque collectivité que c'est leur problème, que nous savons qu'ils détiennent eux-mêmes la solution puisque les micro-projets sont la voie de l'avenir? Devons-nous leur dire de régler eux-mêmes leurs problèmes? Et s'ils sont dans un camp et que nous soyons dans l'autre, il est assez facile de répondre à cette question: c'est effectivement à eux qu'il appartiendrait de résoudre leurs problèmes. Si, toutefois, nous sommes tous membres de la même communauté, nous devrions résoudre nos problèmes en aidant les micro-régions à assurer leur développement ou en leur accordant des fonds de démarrage. Il y a toutes sortes de stratégies peu coûteuses qui permettraient d'aider les micro-régions, les micro-comités, les micro-acteurs à se lancer dans des micro-projets.
Dans ce contexte, il y a deux ou trois points qui peuvent être soulevés en réponse à ce qui a été dit. Diverses personnes s'interrogent sur la solution qui convient. Ken et moi avons assisté à certaines des réunions de ce nouveau groupe d'étude sur l'économie rurale, et je conclus des propos tenus par les universitaires qu'avec le temps - peut-être la tendance est-elle déjà bien amorcée - il y aura un changement de cap assez important, qui nous amènera de la mondialisation... il y a deux phénomènes qui se produisent simultanément: la mondialisation et la concentration à l'échelle locale.
Deux phénomènes différents sont en voie de se dessiner. Le monde devient à la fois plus global et plus local. Nous savons ce qui se passe de l'autre côté du monde. Nous vendons aux pays de l'autre côté du monde et nous achetons leurs produits, mais nos collectivités locales jouent aussi un rôle de plus en plus important dans nos vies, en partie parce qu'il y a moins de transferts qui nous viennent d'ailleurs et en partie à cause de l'importance grandissante de l'environnement. La qualité de notre environnement est souvent déterminée à une échelle très locale. La qualité de notre environnement, c'est aussi de nos jours la qualité de notre école secondaire, de notre équipe de hockey, etc. Tout cela est déterminé à l'échelle locale au fur et à mesure que les subventions de l'extérieur disparaissent.
Pour ce qui est des solutions, je crois qu'elles doivent sans doute se situer à un niveau assez local - s'il faut en croire ces gens qui parlaient de ces phénomènes simultanés que sont la mondialisation et la concentration à l'échelle locale.
Vous avez aussi parlé de la technologie. Les nouvelles technologies sont arrivées. Les chevaux sont devenus chose du passé, et les nouvelles technologies nous ont aidé à inventer autre chose. Ainsi, les localités rurales ne sont peut-être plus ce qu'elles étaient - il n'y a plus de caissières dans les banques, il n'y a que des guichets automatiques - mais les nouvelles technologies devraient nous aider à trouver autre chose.
Je ne prétends pas avoir le monopole des idées à ce sujet, et vous avez raison de dire qu'on a besoin de coiffeurs dans ces localités pour couper les cheveux, de sorte que les services qu'il faudrait installer dans les localités rurales sont des services exportables. Rita MacNeil a déménagé toute son entreprise de production au Cap-Breton. Il s'agit là d'un service exportable de l'industrie du spectacle.
Il y a aussi cette dame de Foxwarren, au Manitoba, qui a pris sa retraite et qui s'est lancée dans l'éditique. Elle travaillait auparavant dans le domaine de l'édition à Winnipeg, mais elle est maintenant à Foxwarren au Manitoba, où elle assure la mise en page et l'impression de documents, de journaux et d'encarts publicitaires. Elle exporte donc ces services d'édition et de rédaction depuis Foxwarren, au Manitoba.
Le camionnage est important. Vous et moi, nous nous sommes rendus à une usine quelque part entre Saint-Clément et Trois-Pistoles. J'oublie le nom de l'usine. Le camion y arrivait tous les matins à 8 h 30 pour y prendre les pièces coulées d'aluminium et les amener directement aux États-Unis. Il est donc possible d'exporter des produits ou des services à partir de très petites localités, mais il faut que les camions puissent s'y rendre, j'en conviens avec vous. Il y avait sans doute une route asphaltée qui menait à cette usine.
Pour ce qui est maintenant de solutions possibles dans le cadre de la concentration à l'échelle locale, le tourisme est justement un de ces services exportables. Le tourisme amène de l'argent de l'extérieur. Il amène aussi des gens, mais...
Le président: Madame Cowling.
Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Je vous remercie.
J'ai deux ou trois questions à vous poser. Vous avez parlé plus tôt, pendant votre exposé, de l'OCDE qui a mis sur pied un secrétariat au développement rural à Paris. Je me demande si vous pourriez nous en dire un peu plus long sur les objectifs et le fonctionnement de ce secrétariat.
Mon autre question concerne les mythes qui semblent avoir cours au sujet du Canada rural, mythes qui m'alarment et qui mettent en cause les Canadiens des régions rurales dans une optique environnementale. Comment pouvons-nous abattre ces mythes?
Je suis moi-même originaire du Canada rural. Je connais l'importance du Canada rural. Enfin, ma question est la suivante: comment pouvons-nous faire la promotion des secteurs de ressources du Canada rural et en faire comprendre l'importance pour les Canadiens de milieu urbain? Car, s'il ne pouvait pas compter sur ces régions rurales, le Canada se retrouverait, de manière générale, bien mal en point. Comment notre comité peut-il encourager le premier ministre du Canada à dire que les régions rurales sont importantes et que nous devons assurer leur développement?
M. Bollman: Si je réponds à la première, vous voudrez bien répondre à l'autre?
M. Donnelly: Je voulais répondre à la première. C'est la plus facile.
M. Bollman: L'OCDE a un programme de développement rural qui ne représente qu'une part minime de ses activités. L'effectif total de l'OCDE est de 700 ou 800 personnes, et je crois que deux années-personnes seulement sont consacrées au développement rural...cinq personnes en tout y travaillent.
Dans bien des endroits du monde, il est difficile de parler de développement rural dans une optique intersectorielle, dans une optique globale. Il est aussi difficile, à l'OCDE, de ne pas simplement l'inclure dans la direction générale de l'agriculture. Ainsi, on n'est pas peu fier de ce secrétariat qui peut exercer son activité dans une optique intersectorielle, dans l'optique de l'aménagement du territoire. Le secrétariat n'est pas incorporé à la direction générale de l'agriculture. Les recherches qu'il fait servent à étayer les travaux sur l'emploi et la politique permanente de l'OCDE sur l'emploi - et plus particulièrement la politique qui touche précisément l'emploi en milieu rural. C'est le travail de l'OCDE qui sert en quelque sorte de balise à ce que nous faisons ici en matière de collecte de données sur les indicateurs ruraux.
Le projet de l'OCDE sur les indicateurs ruraux a été le premier pour lequel des données ont été recueillies à un niveau infranational. En ce qui concerne les données de l'OCDE sur le Canada, si l'on veut savoir quel est le pourcentage de ceux qui ont plus qu'une neuvième année ou moins qu'une neuvième année, on veut un seul chiffre pour l'ensemble du pays. Il en est de même pour la quantité d'engrais par acre: on veut un seul chiffre pour l'ensemble du Canada.
Cependant, dans notre projet sur les indicateurs ruraux, nous faisons davantage état des différences entre les régions du pays. L'OCDE a un projet sur les commodités. De son point de vue, les commodités représentent la valeur non commerciale, la valeur pour l'intérêt public tant de l'environnement naturel que de l'environnement construit par l'homme. Dans beaucoup de pays à l'extérieur de l'Europe, on n'accorde guère d'importance à cela.
C'est toutefois un élément qui, à long terme, a sans doute plus d'importance dans beaucoup de pays - peut-être aussi au Canada, quand il s'agit de préserver le Canada rural. Les gens veulent le voir, ils veulent s'y rendre, ils veulent y vivre, etc. Ainsi, la valeur des commodités est peut-être à la hausse.
Voilà donc un court aperçu de ce qui se passe à l'OCDE, à Paris. L'OCDE essaie de promouvoir l'adoption d'approches intersectorielles, interadministratives et intégrées tant à la verticale qu'à l'horizontale pour stimuler les économies rurales.
Mme Cowling: Merci.
M. Donnelly: Pour ce qui est de votre deuxième question, je crois qu'il y a sans doute trois ou quatre messages qui semblent... À mon avis, en tout cas, l'avenir du Canada rural est étroitement lié à l'avenir du Canada urbain. Les deux sont indissociables.
Il y a donc trois ou quatre grands messages à mon avis. D'abord, les moteurs de la croissance et de la production dans le secteur primaire soutiennent très bien la comparaison à l'échelle mondiale. On a tendance à perdre de vue ce message. Le citadin moyen ne comprend sans doute pas vraiment à quel point les expéditions de céréales, de meubles de bois, de bâtonnets de poisson et tout le reste sont importants à la balance commerciale du Canada. On est tellement polarisé sur diverses autres questions qu'on a tendance à perdre cela de vue.
L'autre chose, c'est le mode de vie qu'on connaît dans beaucoup de localités rurales du Canada et qui attire bien des gens dans les collectivités de retraités et de vacanciers. Je crois que le fait qu'il y a de petites localités et que les gens choisissent d'y vivre... c'est qu'ils aiment le mode de vie, ils aiment le fait que les églises soient des lieux dynamiques et bien fréquentés. L'équipe de hockey est là et joue contre l'équipe du quartier voisin. Il y a un aspect culturel à la vie rurale qu'on ne connaît peut-être pas aussi bien qu'on devrait le connaître.
Essentiellement, c'est une préoccupation fondamentale et quotidienne pour tous les Canadiens, qu'ils soient de la ville ou de la campagne, que de maintenir la qualité de leur environnement - les lacs, les rivières, l'eau, la possibilité d'aller se promener dans le parc, de faire des promenades sur l'eau, de faire plein de choses. La plupart d'entre nous semblent tenir cela pour acquis. Voilà les messages qu'il faut transmettre aux Canadiens des milieux urbains, où qu'ils vivent au Canada.
Le président: Merci. Je veux poser deux questions rapides avant que d'autres membres reviennent avec leurs questions.
Je veux simplement obtenir un éclaircissement sur ce qu'a dit M. Thalheimer tout à l'heure. Si j'ai bien compris, le nombre de Canadiens vivant en milieu rural a augmenté en chiffres réels, mais en pourcentage de la population canadienne, il a diminué. Il y a aujourd'hui plus de Canadiens qui vivent en milieu rural qu'il y en avait il y a dix ans, mais leur nombre, en pourcentage total de la population, a diminué.
M. Bollman: Dans la mesure où ceux qui quittent les localités rurales de la Saskatchewan sont remplacés par tous ceux qui s'installent dans les comtés qui se trouvent bien au nord de Toronto, le nombre moyen augmente effectivement - mais c'est un peu comme ceci.
Le président: Autrement dit, la population est en baisse en chiffres absolus dans les régions les plus isolées, mais cette baisse est compensée par l'accroissement de la population dans les régions à proximité des centres urbains.
M. Bollman: Oui, exactement.
Le président: Je voulais explorer brièvement autre chose avec vous. Vous avez parlé de services. Je regardais le graphique. En règle générale, vous dites que le pourcentage des industries de services dans le Canada rural est plus ou moins le même que dans le Canada urbain, exception faite des services aux producteurs. Je voudrais que vous m'expliquiez ce que vous entendiez exactement par là. Je n'ai peut-être pas écouté assez attentivement, mais je n'ai pas saisi le sens de cette expression. Je voudrais également que vous nous disiez ce qui explique cet écart.
M. Donnelly: Je tenterai de répondre à votre question et mon collègue pourra compléter.
Prenons un exemple très révélateur, celui du propriétaire d'une usine de pâtes et papier ou d'une petite scierie ou de je ne sais quoi encore qui veut acheter de la publicité; le plus souvent, les entreprises de publicité se trouvent dans les centres urbains. La publicité serait donc un service aux producteurs.
Si vous êtes propriétaire d'une assez grosse entreprise, où faites-vous faire votre comptabilité? Est-ce dans un bureau central à Toronto, qui s'occupe de la comptabilité de toutes les usines et qui, par conséquent, fait appel à un grand cabinet d'experts comptables, ou le travail est-il confié à un cabinet local? Il en va de même pour les services juridiques. Les services très spécialisés de ce genre ne se trouvent généralement pas en milieu rural.
Ray a une belle petite liste de services aux entreprises.
M. Bollman: Oui. Comme le disait Ken, les services aux entreprises sont les suivants: publicité, services juridiques, comptabilité, agences de placement, tout ce qui a trait à l'informatique - programmation, élaboration de logiciels, etc. - , comptabilité, tenue de livres, publicité et toutes les fonctions connexes, rédaction de rapports annuels, travaux scientifiques et techniques, services d'experts-conseils, avocats et notaires qui vendent leurs services à l'entreprise - il pourrait s'agir d'avocats au service de l'entreprise, mais ceux dont je parle sont ceux qui ont leur propre cabinet et qui vendent leurs services à l'entreprise - services de conseil en gestion et divers autres services qu'on vend à des entreprises.
Pourquoi ces services se trouvent-ils dans les centres urbains? Parce qu'on les vend à l'administration centrale. Dans une de ses dernières études, le Conseil économique a fait remarquer qu'en chiffres ronds, 50 p. 100 des services aux entreprises se trouvent à Toronto, tandis que les50 p. 100 qui restent semblent répartis entre Calgary et Montréal. Il y avait donc dans cette étude deux ou trois paragraphes où l'on s'inquiétait de l'impact sur les régions, de la façon dont les régions peuvent soutenir la concurrence.
J'aurais deux ou trois petites suggestions à faire. Il faudrait d'abord garder l'administration centrale dans la région. Il faudrait aussi trouver la plus grande ville dans la région et prendre ses décisions en conséquence, car les services aux entreprises ont tendance à se concentrer dans les centres où se trouvent les administrations centrales des entreprises.
Le président: On pourrait par exemple faire de Sudbury un centre de services pour le Nord de l'Ontario.
Mais, pour faire suite à ce que disait Peter, n'est-ce pas que la technologie ne nous permettrait-elle pas, à nous qui vivons dans le Canada rural, de pallier l'absence des services aux producteurs? Je crois qu'il y a bien des services aux producteurs qui, il y a dix ans, auraient nécessairement été fournis à Toronto, mais qui, grâce à la technologie, pourraient maintenant être fournis directement dans le Canada rural.
M. Bollman: En effet, et je ne sais pas trop pourquoi cela ne se produit pas.
Il y a cette observation de la dame de Foxwarren qui traite avec des gens à Winnipeg. Il faut pas mal de temps pour se rendre à Winnipeg en voiture. Je suppose que cela pourrait se faire en une journée. Elle soutient donc la concurrence, mais il n'y en a pas beaucoup qui le font parce que les clients veulent vous rencontrer personnellement. Aimez-vous cette annonce? Pendant deux ou trois jours, vous pouvez travailler à la maison. Il est toutefois utile de pouvoir soumettre ensuite l'annonce directement au client. Aimez-vous cette annonce? Il est difficile de voir la réaction au téléphone, quand on travaille à distance comme cela. Oui, je suppose que cela peut se faire.
Il existe bien des articles sur les sujets, et je n'arrive pas à trouver la réponse, alors je vais peut-être me taire.
Le président: C'est bien sûr quelque chose dont nous devrons tenir compte.
Il est 12 h 20. Nous devons lever la séance à 12 h 30. Je sais qu'il y a deux courtes questions. Monsieur Reed, vous avez une question.
M. Reed (Halton - Peel): Monsieur le président, je veux m'excuser de mon retard. Je devais prendre la parole à la Chambre ce matin. J'en arrive tout juste.
Mme Cowling a abordé toute la question des mythes qui ont cours chez le citadin au sujet du Canada rural. C'est une question qui me préoccupe et j'estime qu'il nous faut nous attaquer à ces mythes. Trois générations nous séparent maintenant de notre société agraire. Les enfants de la ville, même ceux qui vivent à un mille d'une ferme, s'imaginent encore que le lait vient de boîtes de carton rectangulaires.
C'est un sérieux problème. Le problème, c'est que, quand les gouvernements provinciaux décident de leurs grandes orientations, ils le font en tenant compte du lieu de résidence de la majorité des électeurs. La majorité d'entre eux vivent dans le Canada urbain. Ainsi, quand on décide d'une politique quelconque sur la gestion des forêts par exemple, en Ontario, cette politique est bien souvent dictée par ceux qui vivent au sud de l'autoroute 401 et elle est imposée à ceux qui vivent dans le Nord de l'Ontario. Il s'agit d'un problème réel auquel nous devons nous attaquer.
L'autre chose que je dois absolument soulever a été à peine mentionnée. C'est que les services aux entreprises ne sont pas aussi disponibles qu'ils devraient l'être dans le Canada rural. Il me semble que le problème tient en partie aux lacunes de notre système de communication. Nous n'avons même pas de ligne téléphonique en Ontario qui permettrait aux agriculteurs de se brancher sur l'Internet.Il y a des régions de l'Ontario où les technologies de pointe ne sont même pas accessibles.
M. Donnelly: La technologie est vraiment un point d'interrogation. C'est un couteau à double tranchant. Elle peut offrir une multitude de possibilités aux collectivités rurales; elles n'auraient qu'à se créer un créneau en élaborant tous les logiciels relatifs à un produit agricole quelconque.
Nous parlons ici de certains des problèmes qui se posent. Il y aurait des possibilités vraiment intéressantes si la technologie pouvait être mise au service des industries déjà solides fondées sur l'exploitation des ressources, qu'il s'agisse d'exploitations minières, d'exploitations forestières ou de tourisme. Il est toutefois difficile de concevoir que les localités rurales puissent attirer des services de l'extérieur.
Je dois féliciter Industrie Canada pour le travail qu'il fait afin d'assurer la liaison avec ces localités rurales. Industrie Canada a su relever le défi. Il est particulièrement intéressant de noter que ces localités rurales dont nous parlions tout à l'heure relèvent le défi en décidant elles-mêmes de la façon d'optimiser l'utilisation de la technologie.
Il ne nous faut pas oublier, par ailleurs, que les communications facilitent certaines choses. Ainsi, au lieu d'acheter un bien ou un service d'un petit commerce local, on peut se servir de la technologie pour passer une commande directement au fabricant, et de nos jours, ce fabricant pourrait être situé n'importe où, et le faire expédier.
La technologie ne résoudra pas tous les problèmes, mais il nous faudra nous débattre avec cette question.
Le président: Monsieur Thalheimer, c'est votre dernière question. Il nous reste quatre minutes.
M. Thalheimer: J'ai toujours considéré que le Canada rural savait faire la meilleure utilisation possible de ses ressources.
Il me semble qu'en raison des nouvelles technologies... Vous avez donné l'exemple de Rita MacNeil, ainsi que l'exemple de Foxwarren... Nous avons maintenant la technologie. La technologie de Loto-Ontario, qui a commencé à Bay Street, en est un autre exemple. C'est la technologie qui rend ce genre de choses possibles. On peut le faire à Sault Ste. Marie. On pourrait le faire ici. On pourrait le faire à Moosonee. Grâce à la technologie d'aujourd'hui, on pourrait y exploiter Loto Ontario avec autant d'efficacité.
Au lieu de nous concentrer sur les ressources qui se trouvent dans cette région, nous devrions nous concentrer sur le renouveau des collectivités rurales et persuader les compagnies de services de s'y installer, car nous avons les technologies pour y placer les gens et les ressources. Grâce à la technologie, on peut faire des affaires dans le Canada rural. Il n'est plus nécessaire d'avoir son siège social à Bay Street.
M. Bollman: Je voudrais relier tous ces éléments. Selon Mme Cowling, il faut tenir compte des ressources. J'estime pour ma part que les gens constituent la principale ressource.
M. Thalheimer: Exactement.
M. Bollman: Alors, pour faire le lien avec mes remarques sur la concentration à l'échelle locale et les commodités, je dirais que si vous avez une collectivité agréable, vous pouvez y faire n'importe quoi où qu'elle soit située.
M. Thalheimer: C'est exact.
M. Bollman: Mais est-ce que Loto-Ontario s'installera dans ma ville natale? Non. Personne de Loto-Ontario ne voudra y déménager. Mais si c'était une ville agréable, peut-être le ferait-on. Alors, si votre ville est agréable, si vous y faites de bons efforts de concentration et si votre région offre beaucoup de commodités, de choses que désirent les gens, il est possible qu'une compagnie décide de s'y installer.
M. Thalheimer: Alors, c'est à nous d'assurer ce genre de choses. Si j'arrive à le faire, ma collectivité va en tirer profit. Si j'arrive à persuader des compagnies comme Loto-Ontario, par exemple, de s'installer chez nous, je peux améliorer la collectivité. Voilà ce que nous devrions viser. Êtes-vous d'accord?
M. Bollman: Je dirais que oui.
Le président: Monsieur Donnelly, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Donnelly: Pour résumer rapidement, comme je l'ai dit au président juste avant la réunion, le Comité interministériel sur les collectivités rurales et éloignées du Canada, qui compte de nombreux membres, est tout à fait prêt à vous aider davantage ou à faire des recherches.
Je veux m'assurer d'avoir transmis certains des messages clés... Au Canada rural, neuf personnes sur dix ne pratiquent pas l'agriculture. Ils n'ont rien à voir avec l'agriculture. On ne peut pas faire abstraction de ce constat, ni de ces statistiques que j'ai ici.
Deuxièmement, comme Ray l'a dit dans ses remarques au sujet de l'OCDE, les choses vont très bien dans certaines parties du Canada rural. Mais on n'entend pas parler de ces réussites. À mon sens, ce n'est pas juste d'être si pessimiste au sujet du Canada rural.
Je vous souhaite beaucoup de chance dans vos travaux, et j'espère que nous avons pu vous aider. Nous collaborerons avec vous dans la mesure de nos moyens.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Bollman et monsieur Donnelly. Vous avez présenté des renseignements très importants à notre comité au moment où nous entreprenons notre étude de cette question. Je pense que vous nous avez aidés à cerner certains domaines sur lesquels nous devons faire porter notre travail. Nous sommes reconnaissants de votre exposé, et nous vous remercions d'avoir offert de nous aider à l'avenir.
Merci beaucoup, membres du comité. Nous reprendrons nos travaux jeudi à 11 heures.La séance est levée.