[Enregistrement électronique]
Le mercredi 5 juin 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Conformément à l'article 108.(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude sur les ressources naturelles et le développement rural.
Nous accueillons plusieurs témoins aujourd'hui, et j'aimerais leur souhaiter à tous la bienvenue. Tout d'abord, de «Les mines, une industrie à appuyer», Eileen Wykes et Colin Seeley, qui est de Placer Dome. Eileen a déjà témoigné devant notre comité à plusieurs reprises. Nous sommes heureux de vous accueillir de nouveau. De l'Association canadienne des pâtes et papiers, Lise Lachapelle, et de la Fédération canadienne des propriétaires de boisés, Peter de Marsh. Bienvenue.
Nous allons procéder de la façon suivante: Nous demanderons à chacun d'entre vous de faire un bref exposé, d'au maximum 10 minutes, puis nous passerons aux questions que les membres de notre comité pourront poser aux témoins. Qui voudrait commencer?
Eileen.
Mme Eileen Wykes (directrice de projet, Les mines, une industrie à appuyer): Monsieur le président, membres du comité, mesdames et messieurs, au nom de l'Association minière du Canada et de la campagne «Les mines, une industrie à appuyer», je désire vous remercier de m'avoir invitée à participer à votre enquête sur l'apport du secteur des ressources naturelles au développement rural.
Comme M. Mitchell l'a dit, je suis aujourd'hui en compagnie de Colin Seeley, de Placer Dome Canada. M. Seeley partagera avec le comité sa vaste expérience de travail dans les collectivités minières rurales. Il prend actuellement part au projet Musselwhite, dans le nord-ouest de l'Ontario, où il travaille en relation étroite avec les collectivités environnantes sur des questions relatives à l'emploi et aux affaires autochtones, de même que sur des questions relatives aux possibilités de développement commercial et économique. Auparavant, il était gestionnaire de la mine Endako, de Placer Dome, près de Fraser Lake, en Colombie-Britannique.
Comme vous le savez, l'activité minière joue un rôle déterminant dans les régions rurales du Canada. Et c'est particulièrement le cas dans les provinces de l'Ontario, du Québec et de la Colombie-Britannique, où se déroulent les deux tiers de toutes les activités minières au Canada, de même qu'en Saskatchewan et au Manitoba, où l'industrie minière se place au second rang parmi les plus grandes industries provinciales.
Parmi les 150 collectivités minières du Canada, 100 se classent dans la catégorie des collectivités rurales. On peut donc affirmer que, par définition, l'industrie minière est en grande partie une industrie rurale. De fait, beaucoup de collectivités minières se trouvent dans des régions septentrionales éloignées, où le développement économique et industriel serait peut-être inexistant si ce n'était de la présence de l'industrie minière. C'est pourquoi l'apport de l'activité minière est souvent imperceptible pour les Canadiens qui vivent en milieu urbain et pour les chefs décideurs.
Nous louons le travail de ce comité, car il fait converger les projecteurs sur les collectivités rurales du Canada. Nous continuerons de défendre la position selon laquelle le maintien de la vigueur et de la prospérité de l'industrie minière doit faire partie intégrante de toute initiative du gouvernement fédéral visant à favoriser les intérêts des régions rurales du Canada.
En considérant les 23 milliards de dollars qu'apporte l'industrie minière à l'économie canadienne, il importe de garder à l'esprit que cette activité économique se déroule principalement dans les régions rurales du Canada - loin des yeux et du coeur de la plupart des Canadiens. Cependant, sur les 341 000 emplois dans le secteur des métaux et des minéraux du Canada, plus de 150 000 se trouvent dans les régions rurales du pays. Il s'agit d'emplois de grande qualité et bien rémunérées dans tous les domaines de l'exploitation minière, allant de l'exploration à la fabrication des métaux, en passant par l'extraction du minerai.
Contrairement à beaucoup d'emplois en régions éloignées, ceux du secteur minier font appel à des travailleurs des domaines de pointe de la révolution technologique actuelle. De fait, 85 p. 100 des employés de l'industrie minière utilisent maintenant des technologies de pointe pour effectuer leur travail. Les activités minières sont également à l'origine de milliers d'emplois dérivés dans les secteurs des transports, des services et de l'approvisionnement en matériel.
Aussi impressionnants que ces chiffres puissent paraître, ils camouflent la qualité des emplois miniers dans les régions rurales du Canada. L'industrie minière paie un salaire moyen plus élevé que tout autre secteur industriel du pays - et ces emplois ne sont pas saisonniers, mais bien annuels. L'industrie amène les technologies de pointe dans les régions rurales du Canada. Elle entraîne une croissance durable sur le plan environnemental. Et elle procure une qualité de vie fort enviable. J'aborderai brièvement ces trois points.
Premièrement, je voudrais signaler que bon nombre de collectivités rurales ne sont pas exclues de la révolution technologique qui s'opère actuellement. Grâce à l'innovation constante sur le plan de l'utilisation de technologies spécialisées, l'industrie minière continuera, au siècle prochain, d'être un chef de file canadien des industries fondées sur les connaissances. Le programme des «Nouveaux visages» de la campagne «Les mines, une industrie à appuyer» illustre d'ailleurs abondamment la valeur ajoutée de l'investissement minier sur le plan technologique.
Permettez-moi de vous donner quelques exemples de notre programme «Nouveaux visages». Aux installations Greenhills de Fording Coal, à Elkford, en Colombie-Britannique, Robin Sheremeta jumelle la technologie satellitaire avancée - dont l'utilisation était autrefois limitée exclusivement aux fins militaires des États-Unis - aux activités minières, comme l'affectation des camions, les levés miniers et le positionnement des excavatrices. Au même moment, à l'autre bout du pays, à Bathurst, au Nouveau-Brunswick, Brad Simser a réussi à installer et à mettre en oeuvre le premier système intégré de détection sismique au Canada, une technologie informatique qui permet de suivre et de surveiller la réaction des formations rocheuses aux activités minières, ce qui accroît la sécurité du chantier et permet d'extraire le minerai enfoui encore plus profondément.
Le travail de Robin et Brad témoigne de la façon dont l'industrie minière intervient pour faire en sorte que les collectivités rurales et éloignées demeurent au premier plan de la révolution technologique.
Deuxièmement, l'industrie minière amène l'exploitation respectueuse de l'environnement dans les collectivités rurales. Par exemple, à Fort McMurray, en Alberta, l'ingénieure hydrologique Marie Keys et son équipe de spécialistes veillent à ce que les exploitations de sables bitumineux de Syncrude se fassent d'une manière qui respecte l'environnement dès le début des activités, soit des étapes de la planification jusqu'à la fermeture prévue du chantier, en 2030. De même, des scientifiques comme Barry Given, de Homestake Canada, et Liang Xue Liu, de Lakefield Research, explorent des techniques novatrices pour assurer le traitement des résidus miniers d'une façon respectueuse de l'environnement.
De fait, notre industrie est un chef de file international en ce qui a trait aux pratiques et technologies liées au développement durable, ce qui est de bon augure pour les collectivités minières.
Troisièmement, enfin, nous savons que le développement ne doit pas seulement être synonyme de croissance économique, mais qu'il doit aussi favoriser l'épanouissement social et communautaire.
Les gens qui vivent et travaillent dans les collectivités minières ne manquent jamais de souligner que l'industrie minière est un pilier important de la vie socio-culturelle de leur village ou de leur ville. Les sociétés minières sont bien reconnues, à juste titre, pour leur contribution à tous les aspects de la vie communautaire, allant des écoles aux théâtres, des patinoires aux centres communautaires, et des chemins aux hôpitaux. De toute évidence, les emplois bien rémunérés et les nombreuses installations et activités financées par les sociétés minières permettent à beaucoup de collectivités minières de bénéficier d'un niveau de vie économique et social élevé.
À cet égard, j'espère que le comité prête une attention particulière au rôle important que jouent les collectivités autochtones dans la mise en valeur des ressources naturelles en régions rurales. En concertant ses efforts afin d'assurer la participation des collectivités des Premières nations à tous les aspects de l'activité minière, notre industrie montre qu'elle reconnaît la valeur de la contribution que les Autochtones du Canada peuvent apporter au développement rural.
Maintenant, si on envisage l'avenir, il nous faut tenir compte de la vaste richesse minérale du Canada, encore inexploitée. J'aimerais mettre en évidence deux exemples importants: le potentiel du projet diamantifère de BHP, dans les Territoires du Nord-Ouest, et le projet de Voisey Bay, au Labrador.
Jusqu'à maintenant, BHP a investi 50 millions de dollars dans le Nord. De cette somme,20 millions de dollars ont été dirigés vers des sociétés appartenant en tout ou en partie à des Autochtones. Sur ce territoire où le taux de chômage est le plus élevé du pays, on s'attend à ce que le projet diamantifère de BHP génère 1 000 emplois dans sa phase de construction, et environ830 emplois durant l'exploitation du site, ce qui réduira le taux de chômage général des Territoires du Nord-Ouest de trois points. Dans les collectivités autochtones, où le taux de chômage peut atteindre jusqu'à 40 p. 100, ce projet pourrait, à lui seul, entraîner une baisse du taux de chômage allant jusqu'à 10 p. 100.
On s'attend aussi à ce que ce projet soit l'un des plus grands acheteurs de biens et de services dans le Nord et apporte 2,5 milliards de dollars au PIB des Territoires du Nord-Ouest, et 6,2 milliards de dollars à l'économie canadienne en général. Et l'apport à l'économie se poursuivra pendant toute la durée du projet, qui devrait s'échelonner sur 25 ans.
Voisey Bay, sur la côte est, un des gisements de nickel les plus vastes et les plus facilement accessibles jamais découverts, permettra à Terre-Neuve, selon toute vraisemblance, de devenir une province bien nantie. En 1995, l'ancien premier ministre, Clyde Wells, estimait que si la mine du Labrador était exploitée selon son plein potentiel, les transferts fiscaux du gouvernement fédéral à Terre-Neuve seraient réduits d'environ 700 millions de dollars. Les données préliminaires d'Inco évaluent les dépenses en capital pour la construction du chantier à près de 1,1 milliard de dollars d'ici à l'an 2000.
Voilà des exemples de projets de mise en valeur des ressources que nous devons promouvoir pour assurer l'avenir de l'industrie minière au Canada.
Passons maintenant à nos recommandations. Étant donné que le gouvernement fédéral s'est engagé, dans son discours du Trône, à favoriser le développement rural, et puisque la mise en valeur des ressources minérales doit occuper une place importante dans toute stratégie de développement rural, que peut faire Ottawa pour assurer la vigueur des collectivités minières? Nous avons quatre recommandations.
Première recommandation. Pour ce qui est des mines existantes, le gouvernement fédéral devrait envisager des mesures pour aider à prolonger la durée utile des mines en favorisant l'exploration à des profondeurs plus grandes ou ailleurs dans les environs.
Deuxième recommandation. Pour ce qui est des mines qui seront fermées dans un avenir prochain, les sociétés minières voudront travailler en collaboration étroite avec les gouvernements pour réduire le plus possible les conséquences de la fermeture des activités sur les travailleurs et les collectivités, en intégrant entièrement des plans relatifs à la durée utile des mines aux plans de développement économique des collectivités minières. À cet égard, je crois que l'industrie minière et le gouvernement ont accumulé une excellente fiche de réalisations au cours des dernières années.
Troisième recommandation. Il importe que les revendications territoriales autochtones soient réglées de façon prompte, efficace et juste; que des systèmes réglementaires simples et efficaces, visant l'utilisation des terres, soient mis en place dans le cadre du règlement des revendications; et que des ententes provisoires de commerce et(ou) de participation soient élaborées d'ici à ce que les revendications territoriales soient réglées. Comme vous le savez, ce sont là des principes fondamentaux de l'Accord du Conseil de direction de l'Initiative minière de Whitehorse.
Quatrième recommandation. Le geste le plus important que ce comité peut poser, toutefois, consiste à éliminer les formalités administratives du gouvernement, qui découragent les investisseurs d'entreprendre des activités d'exploration incertaines. Aucun investisseur ne désire se retrouver aux prises avec deux régimes de réglementation environnementale souvent contradictoires. Aucun investisseur ne dispose d'un temps illimité pour attendre que le gouvernement rende ses décisions.
Parce qu'il existe probablement d'autres dépôts diamantifères et d'autres gisements semblables à celui de Voisey Bay, il importe qu'Ottawa rationalise les règlements fédéraux-provinciaux en matière d'environnement, afin que le Canada puisse livrer une concurrence plus efficace aux autres pays pour obtenir les investissements qui lui permettront de découvrir ces gisements.
Nous reconnaissons que la question de la réforme de la réglementation n'a rien de nouveau pour les membres de votre comité. De fait, elle a été au coeur de vos deux derniers rapports. Nous savons que la question a été soulevée dans le Livre rouge des Libéraux, en 1993, dans l'Accord du Conseil de direction de l'Initiative minière de Whitehorse, et dans le document intitulé l'Innovation: La clé de l'économie moderne. Nous savons que la question reçoit l'appui de la ministre, mais la lenteur de la réforme demeure une source de frustration pour l'industrie.
Pour faire avancer le dossier, le travail de ce comité et de la ministre ne doit pas être livré à lui-même. D'autres ministres et ministères clés, comme ceux de l'Environnement, des Pêches et de l'Industrie, doivent aussi s'engager à l'égard des réformes nécessaires.
Je crois comprendre que pendant la fin de semaine, le Conseil canadien des ministres de l'Environnement a annoncé qu'il allait appuyer la réforme de la réglementation. Cet engagement est pour nous des plus encourageants, et nous nous attendrons à ce que des mesures soient prises dans un délai spécifique. Et c'est extrêmement encourageant.
En ce qui nous concerne, la campagne Les mines, une industrie à appuyer, poursuivra son travail afin de sensibiliser davantage les députés et les ministres à la nécessité de s'attaquer au problème sans tarder. Plus particulièrement, nous nous adresserons à beaucoup de vos collègues des milieux urbains, qui ignorent peut-être le rôle important que joue l'industrie minière. Pour ouvrir un dialogue constructif, les collectivités minières «adopteront» un bon nombre de députés, à qui elles communiqueront les dernières nouvelles se rapportant aux questions minières d'importance nationale et locale. De plus, nous organiserons des visites dans des mines, auxquelles certains députés des milieux urbains seront invités à participer.
J'espère vivement que ces initiatives, combinées à votre travail, donneront lieu à des progrès importants en ce qui a trait aux engagements qui seront pris pour favoriser l'investissement minier au Canada dans un avenir prochain. Que l'on parle de collectivités minières existantes ou futures, leur avenir dépend des gestes qui seront posés dès maintenant afin d'améliorer les conditions de l'exploration et de l'exploitation minières de demain.
Lorsque mes collègues auront fait leur exposé, Colin et moi-même nous serons prêts à répondre à vos questions.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup. Madame Lachapelle.
Mme Lise Lachapelle (présidente, Association canadienne des pâtes et papiers): Merci, monsieur le président.
J'aimerais tout d'abord remercier le comité de nous donner l'occasion de venir présenter ici aujourd'hui notre point de vue. Nous avons contribué et je pense que nous continuerons à contribuer de façon considérable au développement économique rural au Canada.
J'aimerais dire quelques mots au sujet de l'industrie et de son importance pour le développement rural. Ensuite je vous ferai part de nos recommandations.
Une chose que j'aimerais dire dès le départ, c'est que l'harmonisation, dont Eileen vient tout juste de parler, est une de nos recommandations. Cependant, nous ne savons plus trop si nous devons l'inclure ou non dans nos recommandations, parce que, soit tout le monde en a déjà trop parlé, soit tout le monde a trop peu fait pour y donner suite. L'harmonisation figure toujours sur notre liste, mais nous accordons la priorité à d'autres recommandations, car nous pensons que les gens devraient maintenant savoir qu'il faut faire quelque chose à ce sujet. S'ils ne le savent pas, peut-être alors est-il trop tard pour leur faire comprendre que c'est toujours encore très nécessaire.
Cela étant dit, l'industrie des produits forestiers au Canada est de loin le secteur qui contribue le plus à la balance commerciale au Canada. Pour mettre les choses dans leur contexte, la balance commerciale du Canada l'an dernier s'élevait à 28 milliards de dollars, tandis que celle du secteur forestier s'élevait à 34 milliards de dollars. En d'autres termes, si nous n'avions pas été là, le Canada aurait eu un déficit commercial de six milliards de dollars.
L'industrie emploie directement un quart de million de travailleurs, et indirectement trois quarts de million de travailleurs dans tout le Canada. Un Canadien sur 10 ou 11 travaille dans notre secteur, selon la région.
Pour ce qui est de l'impact réel de notre secteur sur les régions rurales, 337 collectivités rurales dépendent des forêts pour plus de 50 p. 100 de leur base économique, et 1 200 ou 1 300 autres collectivités comptent en partie sur le secteur. Cela représente donc 1 500 collectivités dans tout le Canada.
Nous devons également nous rendre compte que par le secteur des pâtes et papiers nous sommes aussi très présents dans les régions urbaines, ou encore que nous faisons souvent le lien entre les régions rurales et urbaines, car bon nombre de nos entreprises comprennent non seulement la coupe du bois, mais le transport, les affaires, la commercialisation et les exportations. Nous exportons dans plus de 100 pays dans le monde.
La bonne nouvelle, c'est que la demande mondiale de papier et d'autres produits forestiers est à la hausse. C'est toujours une industrie cyclique, mais il y a des cycles qui sont à la hausse, et non pas à la baisse. Nous prévoyons une croissance sur tous nos principaux marchés, qui sont les États-Unis, l'Europe et l'Asie, qui, l'an dernier, est devenue pour la première fois notre deuxième marché d'exportation en importance.
Notre industrie fait une application très intensive de technologies qui n'existaient même pas il y a cinq ou dix ans au Canada. Nous parlons également de télédétection par satellite, de technologies de traitement informatique. Nous utilisons toutes ces nouvelles technologies.
Dans certaines de nos usines, les clients peuvent en fait vérifier la qualité du papier ou de la pâte qu'ils achètent directement à partir du Japon ou de la Colombie. Ils sont liés directement au contrôle de la qualité et peuvent décider quel type de pâte ou de papier ou de papier enduit ou de carton ils veulent en fait acheter.
D'un autre côté, et malgré toutes ces perspectives de croissance très positives, je ne pense pas que nous devions tenir l'avenir de ce secteur pour acquis. Une petite mise en garde. Au cours des dernières années, l'industrie des pâtes et papiers s'est développée davantage dans un certain nombre de pays - notamment aux États-Unis, qui, en passant, sont le principal fabricant de pâtes et papiers dans le monde, le Japon étant le second - qu'elle ne s'est développée au Canada. Je pense qu'il faut y accorder une certaine attention. Certains problèmes sont directement reliés à la situation canadienne. J'aimerais donc aborder certains de ces problèmes et faire tout de suite des recommandations.
[Français]
Ma première recommandation a trait à l'aspect cyclique de notre industrie auquel plusieurs prétendent que nous ne pouvons rien faire. Il est vrai que les prix montent et descendent, mais il n'est pas vrai que d'autres mesures ne pourraient pas être prises.
Je citerai en exemple une série de taxes qui sont présentement appliquées par les différents niveaux de gouvernement et que nous qualifions de taxes qui ne réagissent pas aux revenus comme tels, c'est-à-dire toute la série de taxes qu'on appelle en anglais des non-income-sensitive taxes.
Beaucoup de problèmes sont créés par ces taxes qui n'évoluent pas de pair avec le cycle lui-même, mais qui souvent aident à formuler ce cycle par le bas et par le haut. Une des premières recommandations que nous souhaiterions faire au comité serait de remplacer ces taxes qui nuisent et qui accentuent l'aspect cyclique par des taxes basées sur les profits ou sur le revenu plutôt que sur des coûts fixes comme les salaires. Lorsque l'on se base sur les coûts fixes, les coûts restent les mêmes, que des profits soient réalisés ou non, ce qui accentue ce problème cyclique.
Notre deuxième recommandation porte sur un secteur qui a trait aux coûts de capital. Là encore, l'industrie canadienne est généralement désavantagée, par exemple par rapport à l'industrie américaine qui, jusqu'à tout dernièrement, jouissait de jusqu'à deux points de pourcentage dans les taux d'intérêt en sa faveur. Ce n'est pas une condition qui favorise nos investissements.
[Traduction]
À ce sujet, les efforts déployés récemment pour réduire le déficit fédéral et pour le ramener à des proportions plus acceptables ont vraiment porté fruits dans la mesure où le contrôle que nous commençons à exercer sur le déficit ainsi que la lutte incessante que la Banque du Canada a livrée pour juguler l'inflation... La situation s'est grandement améliorée sous l'effet combiné de ces deux facteurs et, ce qui revêt encore plus d'importance pour nous, de la diminution du coût des capitaux, notamment du coût différentiel.
Nous vous recommandons donc instamment de ne pas abandonner la partie et de persévérer dans la lutte au déficit, qui revêt une importance cruciale.
De toute évidence, les coûts des immobilisations importent beaucoup à notre industrie. Pour ce qui est de tous les autres intrants, il nous faut nous assurer que leurs coûts sont compétitifs, ce qui n'est pas nécessairement le cas à l'heure actuelle. Permettez-moi de mentionner, à titre d'exemple, les coûts de transport, les coûts de l'énergie et le coût des approvisionnements en fibres.
Notre industrie est le plus grand utilisateur de services de transport au Canada. Nous devons cependant assumer une plus grande part de nos coûts de transport que nos concurrents américains, ce qui nous défavorise grandement.
La même chose vaut pour l'énergie, dont le coût est trop élevé, ce qui nuit à notre rentabilité. Il faut bien dire les choses comme elles sont.
[Français]
Je voudrais revenir sur cette notion parce qu'elle est très importante. Il ne s'agit pas uniquement de réduire les coûts de capital, mais de réduire aussi tous les coûts sur les autres intrants. Il faut se rappeler qu'au Canada, on a eu des situations de quasi-monopole ou de duopole dans plusieurs secteurs de transport, dont le transport aérien et le camionnage, qui est encore très coûteux ici au Canada par rapport à celui aux États-Unis.
Notre quatrième recommandation est de continuer à réduire tous les obstacles au commerce international. Qu'on se penche sur l'industrie urbaine ou rurale, le problème est le même. On ne réussira à survivre et à développer cette industrie que dans la mesure où les marchés nous seront ouverts.
Or, en ce moment, l'industrie essaie de plus en plus d'aller vers des produits à valeur ajoutée. C'est précisément dans ces secteurs de valeur ajoutée que nos concurrents à travers le monde continuent d'ériger des barrières tarifaires et non tarifaires. Je vous donne l'exemple d'un produit de base comme la pâte ou le papier journal. Il n'y a pas de tarif sur la pâte pour ceux qui veulent fabriquer leur propre papier en utilisant la pâte du Canada. Par contre, quand ces mêmes gens fabriquent, souvent avec notre pâte, des papiers fins ou des papiers enduits, des boîtes, des cartons, puisqu'ils ne veulent pas que nos produits soient en concurrences avec les leurs, ils imposent sur ces produits des tarifs assez exorbitants. Il n'est pas rare de voir sur certains papiers fins ou papiers de spécialité des tarifs de l'ordre de 40, 50 et 60 p. 100.
Cela se produit dans des pays tels l'Indonésie et le Brésil, auxquels nous donnons une entrée au Canada selon le tarif de la nation la plus favorisée et où, malheureusement, nous ne jouissons même pas de conditions d'entrée considérées normales ou de base.
[Traduction]
L'objet de cette recommandation est de réduire les obstacles au commerce. Nous collaborons naturellement très étroitement à cet égard avec les ministères de l'Industrie, du Commerce international ainsi que des Finances.
Si je soulève la question devant le comité, c'est pour souligner son importance. Il n'est pas simplement question... Pour certains, il ne s'agit que d'éliminer totalement les tarifs d'ici à l'an 2004 ou 2008. Mais pourquoi pas d'ici à 1998, ou même maintenant? Pourquoi pas d'ici à l'an prochain? Chaque fois que nous en avons l'occasion, nous recommandons une réduction plus rapide des tarifs ainsi que l'élimination des obstacles non tarifaires, qui nous empêchent de vendre nos produits à l'étranger.
Ma dernière recommandation a trait au principe de l'équité. Permettez-moi de vous expliquer ce que j'entends par cela. Bien que nous comprenions très bien que le gouvernement fédéral doive recouvrer le coût de bon nombre de services que nous fournissons, il nous est très difficile de comprendre certaines des décisions d'affaires qui sont prises.
Permettez-moi de vous donner un exemple qui illustrera mon propos. Il s'agit des services de déglaçage fournis par la Garde côtière. Dans certains cas, des usines ont été construites dans des régions éloignées parce que ce service existait... Revenons plus précisément aux services de déglaçage. Il va sans dire que les décisions d'investissement sont prises en fonction des coûts. Et, la donne est en train de changer. Le gouvernement a adopté la formule du recouvrement des coûts, et nous savons évidemment que c'est ce qu'il convient de faire pour réduire le déficit. Par ailleurs, nous ne pouvons que trouver à redire au fait qu'on demande à une seule localité ou à une seule usine - et il pourrait aussi s'agir d'une seule ville minière - de payer toute la facture. Cela pourrait même compromettre la rentabilité et même la survie de cette usine.
Je n'en dirai pas davantage. Il faut aussi tenir compte du fait que certains de ces services constituent des monopoles. L'industrie n'a donc d'autre choix que d'y recourir. Or, ce ne sont pas toujours les monopoles qui permettent d'offrir les meilleurs services, et, qui plus est, ces services sont parfois offerts à un prix beaucoup trop élevé. Nous voudrions que le gouvernement non seulement recouvre les coûts de ces services, mais ramène aussi ces coûts à des proportions plus acceptables. Il faudrait songer à un régime. Cette réduction des coûts s'impose d'autant plus qu'on privatisera peut-être ces services et que se seront ensuite les seuls services auxquels pourra recourir notre industrie dans certaines régions.
Voilà donc les quatre ou cinq recommandations que nous voulions vous présenter. J'espère que nous vous avons convaincus de notre vif intérêt pour le développement rural et urbain. Le gros de nos opérations ont d'ailleurs lieu en milieu rural; de là l'importance qu'il revêt pour nous.
Je vous remercie encore une fois de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. Je répondrai volontiers à vos questions.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
Monsieur de Marsh.
M. Peter de Marsh (président, Fédération canadienne des propriétaires de boisés): Je vous remercie, monsieur le président. Je vous transmets d'abord les excuses de mon collègue,M. Donald Brunette, qui n'a pas pu m'accompagner ici aujourd'hui.
Je poursuis deux objectifs en m'adressant aujourd'hui au comité. Premièrement, j'aimerais vous faire mieux comprendre le rôle du secteur canadien des boisés dans l'économie rurale ainsi que dans l'économie nationale. En deuxième lieu, j'aimerais vous signaler certains des éléments de politique qui constituent un obstacle à la pleine contribution des boisés au développement économique au Canada.
Le mémoire qui vous a été distribué renferme plusieurs statistiques de base se rapportant à notre secteur. Je ne vais certainement pas vous les lire, mais je me permettrai d'attirer votre attention sur certaines des plus importantes.
Au Canada, 450 000 familles possèdent des boisés. Ces boisés se trouvent surtout en Ontario, au Québec et dans les Maritimes, mais aussi en nombre croissant dans les Prairies et en Colombie-Britannique, bien qu'en Colombie-Britannique les boisés doivent être très étendus pour qu'on en tienne compte dans les statistiques. Dans certaines régions de la Colombie-Britannique, le bois provenant des boisés revêt une importance économique de plus en plus grande.
Je vais très clairement faire allusion au fait que c'est notre secteur qui fournit aux industries le bois dont elles ont besoin, mais j'insiste sur le fait que notre secteur ne joue pas seulement un rôle économique dans notre société. Dans bon nombre de localités rurales, les boisés n'ont pas seulement un rôle économique, mais aussi un rôle social. En outre, ils sont à la base même d'un environnement sain.
Je vous ai parlé des approvisionnements en bois. Je vous ai donné pour certaines provinces la proportion du bois industriel provenant des boisés. Cette proportion est la plus élevée en Nouvelle-Écosse et à l'Île-du-Prince-Édouard, mais elle est aussi très importante au Nouveau-Brunswick et au Québec, où la proportion est respectivement de 25 et de 20 p. 100. Comme je l'ai déjà dit, le rôle des boisés est de plus en plus important dans chaque province.
L'an dernier, le secteur industriel a acheté aux propriétaires de boisés pour environ1,25 milliard de dollars de bois. Ces ventes représentent l'équivalent de 25 000 emplois à plein temps dans les boisés, bien qu'une bonne part de ces emplois soient à temps partiel. Nous estimons que les boisés jouent peut-être un rôle encore plus important dans l'économie rurale parce que ces emplois constituent une source supplémentaire de revenus pour de nombreuses familles. Ainsi, si la campagne agricole a été mauvaise, une famille agricole peut parfois survivre parce qu'elle tire aussi un revenu de son boisé. Voilà pourquoi nous pensons donc que les boisés jouent un rôle encore plus important que ce chiffre de 25 000 équivalents temps plein peut nous le laisser entrevoir.
Comme Mme Lachapelle l'a fait remarquer, la production dans notre secteur entraîne la création d'emplois dans le secteur de la transformation. En effet, environ 10 p. 100 des emplois dans ce secteur ont à voir avec la transformation de bois provenant des boisés. Il faut aussi tenir compte des retombées au plan de l'emploi dans le secteur des services.
Lorsque j'ai préparé ces chiffres, je voulais vous surprendre, et même vous étonner. C'est moi que j'ai étonné. J'ai presque succombé à la tentation de comprimer ces chiffres pour les faire paraître plus crédibles. Je me suis cependant assuré de leur exactitude. Comme vous peut-être, je suis cependant surpris de voir combien d'emplois dépendent directement ou indirectement des 6 p. 100 de forêts canadiennes qui nous appartiennent collectivement.
J'attire aussi votre attention sur d'autres types d'activités économiques liées à l'exploitation des boisés: arbres de Noël, loisirs, etc. Compte tenu de la popularité et de l'importance croissante de secteurs comme celui de l'agroforesterie, il importe vraiment de comprendre le potentiel des boisés et l'impact positif que peuvent avoir sur ce secteur de bonnes politiques gouvernementales.
Notre mémoire comporte une longue partie sur l'historique des neuf associations provinciales du pays ainsi que sur le rôle qu'a joué le groupe national dans certaines initiatives comme la stratégie nationale dans le domaine sylvicole, l'accord forestier canadien, etc.
Je vous signale aussi que nous participons avec l'industrie et les autres groupes intéressés aux travaux de l'Association canadienne de normalisation visant à l'établissement d'une norme d'accréditation relative à la gestion d'une forêt viable au Canada. Nous craignions beaucoup à l'origine qu'on ne tienne pas compte des boisés; nous craignions notamment que cette norme ne convienne aux activités sylvicoles de grande et de petite envergures menées sur les terres de la Couronne, mais non pas à notre secteur. Je dois admettre que nous avons été agréablement surpris. Nous avons beaucoup apprécié le soutien que nous avons obtenu auprès de nos collègues de l'industrie. La norme que propose actuellement l'ACN, et à laquelle on mettra la dernière main au cours des mois qui viennent, a été mise à l'essai avec succès dans les boisés du sud du Nouveau-Brunswick. Nous sommes sûrs maintenant que la norme de l'ACN nous conviendra.
Je parle maintenant à titre de Néo-Brunswickois. C'est sans doute dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, au Québec, qu'on se rapproche le plus d'une véritable approche régionale de gestion des ressources sylvicoles. Dans le reste du pays, nous nous inspirons des efforts déployés par nos collègues du Québec pour se doter de cette approche régionale.
Pour ce qui est du potentiel de notre secteur, je veux vous informer des chiffres touchant les emplois, la production, les ventes, etc. On pourrait se fixer comme objectif prudent pour les cinq à dix prochaines années de doubler ces chiffres. Les ingénieurs forestiers s'entendent habituellement pour dire qu'un plus grand nombre de bonnes forêts se trouvent dans des boisés que sur les terres de la Couronne... Nous n'y sommes vraiment pour rien; c'est simplement que les boisés ont tendances à se trouver dans des régions propices au développement agricole. Voilà donc pourquoi les sols sont en moyenne un peu plus fertiles dans les boisés que dans les régions plus éloignées, où s'étendent généralement les terres de la Couronne.
Quoi qu'il en soit, les ingénieurs forestiers estiment qu'en moyenne la production peut aisément tripler dans les meilleures forêts. Voilà pourquoi je dis qu'on pourrait se fixer comme objectif raisonnable et prudent de doubler la production, l'emploi et les ventes.
J'attire votre attention sur trois éléments de politique que nous estimons être des obstacles importants au plein développement du potentiel de notre secteur.
Il y a d'abord les dispositions fiscales qui s'appliquent aux exploitants à temps partiel de boisés. À l'heure actuelle, il leur est interdit de déduire de leur revenu général les investissements consentis dans leur boisé. Le régime fiscal traite ces exploitants comme des agriculteurs amateurs ou comme des contribuables qui cherchent un abri fiscal.
Après avoir longuement discuté de la question avec des fonctionnaires des ministères des Finances et du Revenu, nous pensons comprendre leurs préoccupations. À titre de contribuables, nous nous réjouissons du fait qu'ils fassent bien leur travail. Or, dans notre secteur, ces dispositions constituent un obstacle qu'il nous faut surmonter.
Un autre aspect du régime fiscal qui nous préoccupe de plus en plus, c'est qu'on semble favoriser la vente des boisés. Ainsi, un entrepreneur peut acheter le bois sur pied, et, grâce à l'équipement moderne, il peut abattre tout le bois qui se trouve dans le boisé dans aussi peu de temps que six semaines à deux mois. Je songe ici à un boisé de 100 acres, de 40 hectares.
Voilà quelque chose qui ne se serait jamais produit il y a à peine deux ou trois ans. C'est cependant de plus en plus fréquent dans certaines régions des Maritimes, du Québec ainsi que des Prairies, et en particulier en Alberta, en raison du boum qui caractérise depuis un certain temps le marché du bois d'oeuvre en Colombie-Britannique.
Cette situation, et notamment la coupe excessive et les coupes à blanc, a suscité un grand tollé parmi le public. J'ajouterai que cette situation préoccupe grandement nos propres membres, qui craignent que si la situation persiste nous en pâtirons tous, non seulement en raison de l'accroissement de la réglementation, qui se traduira par une réduction ou une élimination de nos droits de propriétaires, mais aussi en raison du déclin de la viabilité à long terme des scieries locales, de la faune locale et de tout un mode de vie.
Les pressions qui s'exercent ne proviennent donc pas seulement de l'extérieur, mais aussi de nos propres membres. Il faut rapidement faire diminuer ou éliminer ces pratiques de récoltes forestières qui signifient la mort des boisés, pratiques que le régime fiscal favorise actuellement. Vous trouverez plus de détails à ce sujet dans notre mémoire.
Ces pratiques sont d'ailleurs insensées. J'allais dire que le régime fiscal devrait être à tout le moins neutre et n'avantager ni celui qui veut récolter tout le bois du boisé ni le propriétaire qui gère son boisé de façon viable à long terme. Permettez-moi de me contredire. Non, le régime ne devrait pas être neutre. Il devrait favoriser la gestion viable des boisés.
Deux comités permanents ont d'ailleurs proposé des changements au régime fiscal qui vont dans le sens de ceux que nous proposons: l'ancien Comité des pêches et des forêts en 1990, et le Comité des ressources naturelles en 1994. Il convient donc de se pencher sur la question.
Jusqu'à récemment, aucune suite n'a été donnée aux recommandations de ces comités en partie pour les raisons que j'ai déjà mentionnées. Les fonctionnaires de Revenu Canada ont cependant ces derniers mois étudié sérieusement nos préoccupations, et je suis heureux de pouvoir vous dire que je pense que la situation va peut-être finalement débloquer.
Nous vous pressons d'appuyer cette démarche et de recommander des changements importants et rapides au régime fiscal. À mon avis, le développement du plein potentiel de notre secteur serait vraiment favorisé par l'adoption de dispositions fiscales traitant de façon raisonnable les propriétaires de boisés.
Permettez-moi d'aborder deux autres éléments de politique.
Vous le savez tous, j'en suis sûr, les propriétaires de boisés du pays, et en particulier les propriétaires de l'est du Québec, ont, au cours des 20 dernières années, participé à la mise en oeuvre d'accords sylvicoles fédéraux-provinciaux et ont eu grandement recours aux deniers publics pour investir dans le domaine sylvicole. Cette époque a pris fin il y a environ deux ans. Tout en étant conscients des raisons pour lesquelles le gouvernement fédéral a cessé de financer les activités sylvicoles, nous nous sommes sérieusement opposés et continuons de nous opposer à la façon abrupte dont il l'a fait. Bon nombre de propriétaires de boisés du pays acceptent, et continuent d'accepter, qu'il est nécessaire de planifier de façon rationnelle le retrait du gouvernement fédéral de ce domaine, mais la méthode abrupte qu'on a choisie a causé un grand tort à notre secteur.
Un certain nombre de provinces sont parvenues avec peine à trouver d'autres méthodes de financement. Cette approche ne tient cependant pas compte du système très viable qui existe au Québec, selon lequel l'industrie, le gouvernement provincial et les propriétaires de boisés financent conjointement les activités sylvicoles à hauteur des avantages qu'ils tirent de la production accrue des boisés. L'Île-du-Prince-Édouard ainsi que le Nouveau-Brunswick se sont aussi donné d'assez bons programmes, mais même dans ces provinces, nous continuons de ressentir vivement l'absence du gouvernement fédéral, qui est le plus grand bénéficiaire de ces programmes, compte tenu des recettes fiscales et autres qu'il tire du secteur. Dans les provinces comme la Nouvelle-Écosse, où les intéressés ne sont pas parvenus à proposer d'autres méthodes de financement, l'absence du gouvernement fédéral se fait encore plus grandement sentir.
Selon des rumeurs, M. Doug Young envisagerait la possibilité de diriger vers notre secteur des crédits provenant du fonds de création d'emplois pour suppléer aux programmes financés par les provinces ainsi qu'aux programmes à frais partagés. Je vous incite à l'encourager vivement à le faire.
Enfin, pour ce qui est des transferts de formation et de technologie, les accords fédéraux-provinciaux atteignaient des objectifs qui allaient bien au-delà du partage des coûts des activités sylvicoles. Une bonne partie de ces accords portaient sur des activités liées à la scolarisation et à la formation des propriétaires de boisés et des travailleurs forestiers, de sorte que le retrait du gouvernement fédéral du financement de ces programmes a créé un vide qui, à certains égards, est encore plus grave que dans le domaine sylvicole à proprement parler. Peu de provinces, sinon aucune, pourront remplir ce vide.
Là où il faut vraiment intensifier les efforts de formation, c'est dans le domaine de l'accréditation des produits forestiers, à laquelle j'ai déjà fait allusion. Au cours des deux à trois prochaines années, il nous faudra produire un très grand nombre de plans de gestion individuelle des boisés, ce chiffre étant peut-être de l'ordre de 40 000 à 50 000. Il n'existe pas tant de plans de ce genre à l'heure actuelle. Et il faudra le faire très rapidement. Avec l'aide des organismes qui nous représentent, il nous faudra apprendre le maniement des nouvelles technologies de cartographie. Pour les amener à abandonner la coupe à blanc, il nous faudra fournir une formation spécialisée aux propriétaires de boisés ainsi qu'aux entrepreneurs forestiers. Dans tous ces domaines, nous aimerions beaucoup pouvoir compter sur la participation active du gouvernement fédéral.
Voilà mes trois recommandations.
Le président: On m'informe que Mme Lachapelle doit retourner à Montréal en voiture. Est-ce juste?
Mme Lachapelle: Oui, je dois rentrer.
Le président: Vous devez retourner à Montréal.
Dans ce cas, je vous demande votre collaboration. Que ceux qui ont des questions pourMme Lachapelle veuillent bien les lui poser d'abord. Monsieur Canuel.
[Français]
M. Canuel (Matapédia - Matane): À Matane, nous connaissons de très très grandes fluctuations dans le domaine des pâtes et papiers. Une usine de pâte y a été bâtie il y a tout au plus trois ou quatre ans et, six mois plus tard, elle fermait. J'apprenais aujourd'hui qu'elle restera fermée pour un autre mois. Une usine ultramoderne ne peut-elle pas faire ses frais uniquement en raison des prix de la pâte? Y a-t-il d'autres facteurs qui entrent en jeu outre le prix du marché international?
Mme Lachapelle: Faites-vous allusion à l'usine de la Donohue à Matane?
M. Canuel: Oui.
Mme Lachapelle: Deux facteurs influencent la fermeture des usines. Les stocks de pâte chez tous nos clients des États-Unis n'ont jamais été aussi élevés qu'en ce moment. Donc, quand on continue de produire, on ne fait qu'alimenter nos propres stocks parce que nos clients n'en achètent pas. Le prix de la pâte est passé du simple au double l'année dernière, puis du double au simple cette année. Cela tient souvent de la prouesse acrobatique. Que feriez-vous si votre propre budget dépendait d'un revenu qui passe de 50 000$ à 100 000$, qui revient à 50 000$ et qui passe à 25 000$ au fil des ans?
M. Canuel: Il en dépend souvent.
Mme Lachapelle: Voilà. Vous avez alors une partie de la réponse. Les usines arrêtent de tourner, qu'elles soient de très bons et efficaces producteurs ou non, parce qu'il n'y a plus d'endroit où vendre la production. Ça ne vaut pas la peine de continuer de tourner à ce moment-là. On arrête momentanément pour essayer de baisser les stocks.
M. Canuel: Merci.
[Traduction]
Le président: Monsieur Bélair.
[Français]
M. Bélair (Cochrane - Supérieur): Ma question s'adresse aussi à Mme Lachapelle et a trait aux ententes de développement forestier auxquelles M. DeMarsh faisait allusion. Je ne me souviens pas que l'Association canadienne de pâtes et papiers se soit objectée, du moins auprès des députés - elle l'a peut-être fait auprès des ministres des Finances et des Ressources naturelles - , aux compressions budgétaires plutôt draconiennes de ces ententes. Doit-on alors tenir pour acquis que les papeteries assumeront toute la gérance de leurs concessions forestières, que ce soit pour la sylviculture, la construction de routes ou la protection de la faune, sans la participation du fédéral et probablement aussi avec une très grande réduction de fonds provinciaux?
Mme Lachapelle: La réponse courte serait non. Une réponse plus détaillée préciserait qu'au moment où on a été mis au courant de ces grandes réductions, on a mis notre chapeau de citoyens corporatifs canadiens, donnant la priorité à la réduction du déficit. Il faut se rendre compte qu'il existe des subventions, mais que nous ne pouvons pas toujours demander au gouvernement de réduire les subventions des autres et non pas les nôtres. C'est ce chapeau corporatif que nous portions alors.
Dans plusieurs des cas, notre industrie s'occupe déjà de sylviculture. L'industrie canadienne des pâtes et papiers possède entre 65 à 70 p. 100 du territoire exploitable commercialement des forêts; de façon générale, sur ces territoires, les sommes investies sont en moyenne de l'ordre de 5$ pour un, si l'on considère par exemple une exploitation industrielle vis-à-vis d'une exploitation privée. Des efforts de sylviculture sont déjà faits. Certaines compagnies assument des prises en charge, bien qu'elles ne soient pas complètes. Nous ne sommes pas des bâtisseurs de routes; ce n'est pas notre métier. Notre métier, c'est de faire du papier. Quand la route est là, nous en profitons; quand elle n'y était pas, nous nous sommes souvent fait aider dans le passé. Nous devrons décider de ce que nous ferons à l'avenir.
M. Bélair: Ma question porte sur la dernière entente de l'ordre de 60 millions de dollars conclue entre le Canada et l'Ontario. Je prends l'Ontario comme exemple parce que je la connais le mieux.
Madame Lachapelle, vous dites que l'industrie est prête à absorber presque la totalité de ces coûts.
Mme Lachapelle: Non, ce n'est pas ce que je vous ai dit. Je vous ai dit «non» la première fois, et je continue de vous dire «non».
M. Bélair: On parle de gestion forestière, de sylviculture, de protection de la faune et de récréation. Il ne s'agit pas tout simplement de récolter et de faire du papier.
Mme Lachapelle: Il faut dire d'abord que nous ne représentons pas l'industrie forestière comme telle, mais l'Association des pâtes et papiers qui est énorme, comme vous le dites. Je reviens aux chiffres que je vous donnais plus tôt: nous sommes propriétaires d'à peu près 70 p. 100 du territoire exploitable. Les secteurs récréatif et touristique ne relèvent pas de nous. Nous assumons beaucoup de coûts, mais je ne peux pas me prononcer au nom des autres intervenants qui exploitent ces secteurs.
Je m'excuse. Je vois que vous n'êtes pas satisfait. Il n'y a pas vraiment autre chose...
M. Bélair: Soixante millions de dollars avaient été affectés à cela au cours des cinq dernières années, à raison de 6 millions de dollars par année. Ces 6 millions de dollars n'existent plus. Qui va prendre la relève?
Mme Lachapelle: Il faut regarder cela de deux façons. Il faut dire que l'industrie participait déjà beaucoup, et que nous continuons à participer et à faire beaucoup de recherche. Il y a aussi des méthodes de sylviculture et non pas simplement ce qui est mis sur le plancher. Il y a aussi le programme de certification auquel M. DeMarsh faisait allusion. Toutes ces initiatives se traduisent par la mise en place de méthodes plus avancées de sylviculture et de développement durable de la forêt.
C'est de cette façon que nous pourrons compenser. Si vous me demandez si on est prêts à prendre en charge tout ce qui était fait auparavant, la réponse est «non». Nous en prendrons une grande partie en charge, mais pas le tout. Nous en sommes incapables.
[Traduction]
Le président: M. Reed posera une dernière question portant sur la foresterie.
M. Reed (Halton - Peel): Il y a 40 ans, j'ai travaillé dans l'industrie du papier fin. Qu'est-il advenu de cette industrie?
Mme Lachapelle: De toute évidence, vous avez contribué soit à son essor, soit à son déclin.
M. Reed: Avons-nous abandonné ce secteur simplement parce qu'il représentait un faible pourcentage du chiffre d'affaires total de l'industrie?
Mme Lachapelle: Pas du tout.
J'ai apporté notre rapport annuel. J'ignore si on l'a distribué aux membres du comité. Vous constaterez à la lecture du rapport annuel de l'ACPP que, outre la pâte et le papier journal, les papiers spéciaux, qui représentaient moins de 10 p. 100 de la production il y a à peine 10 ans, représentent maintenant plus de 18 p. 100 de celle-ci. Voilà donc ce qui est survenu dans ce secteur depuis que vous l'avez quitté. Il a doublé en importance.
M. Reed: Vous voulez dire que les papiers fins ont pris plus d'importance, et non pas moins.
Mme Lachapelle: En effet.
M. Reed: Vous avez cependant dit qu'on importait du papier fin, ou du moins qu'il était maintenant possible de le faire.
Mme Lachapelle: Il ne s'agit pas nécessairement de papier fin.
M. Reed: Très bien. Il s'agit donc d'un secteur de l'industrie en pleine croissance.
Mme Lachapelle: Oui, et voilà pourquoi j'ai insisté sur la libéralisation du commerce, car pour être en mesure de vendre nos produits dans le monde entier, il faut supprimer les obstacles au commerce et réduire les tarifs.
M. Reed: J'en déduis que nos produits sont compétitifs sur les marchés mondiaux.
Mme Lachapelle: En effet. Nous sommes le plus grand exportateur de produits de pâtes et papiers dans le monde. Mais dans ces 100 pays, à mesure qu'on vise le marché des produites à valeur ajoutée...
M. Reed: C'est ce à quoi je faisais allusion...
Mme Lachapelle: ...il faut que les tarifs diminuent et qu'on supprime les obstacles au commerce pour ce qui est non seulement de la pâte à papier ou du papier journal, mais aussi des produits à valeur ajoutée. Voilà ce que nous réclamons.
Le président: Monsieur Canuel.
[Français]
M. Canuel: Je regrette que le président de la Fédération des producteurs de bois du Québec ne puisse être présent. Vous avez toutefois amplement compensé. Vous avez parlé du Québec et je m'en réjouis énormément.
Je reviens sur une question que je vous réservais.
Quand on a mis fin aux subventions au Québec et ailleurs - vous parliez également du Nouveau-Brunswick - , je crois que les provinces, du moins le Québec, n'étaient pas prêtes à prendre la relève. Des milliers de propriétaires en ont alors souffert. Vous connaissez le Plan de l'Est qui était magnifique et qui fonctionnait de façon très rentable pour le gouvernement fédéral, en raison, comme vous le soulignez, du retour de taxes et des impôts générés.
Je sais que vous avez fait des pressions; j'en ai aussi fait. Qu'aurions-nous pu faire de plus? Que pourrions-nous faire concrètement ensemble? J'espère que mes collègues de l'autre côté entendent bien et que notre comité reviendra à la charge. Je pense encore au Plan de l'Est. On aurait dû prévoir une transition d'au moins quatre à cinq ans, plutôt qu'une transition de peine et de misère d'un an. J'ai souvent posé cette question à la ministre, qui disait que le Québec prendrait la relève. C'est beau, mais quand on commence un tel plan, il devrait y avoir une continuité, des sous et de l'expertise. Il ne devrait pas y avoir uniquement des sous, mais aussi de la technique; cette dernière était déjà en place. Que pouvons-nous faire?
J'aurai d'autres questions pour les propriétaires relativement à une entente de cinq ans entre le Canada et les États-Unis qui est sur le point d'être signée, si elle ne l'est pas déjà. Vous direz peut-être que cela ne vous regarde pas, mais cela vous regarde puisque vous faites le commerce du bois. De nombreux industriels du Québec que j'ai rencontrés - et c'est probablement la même chose dans les autres provinces - s'inquiètent de savoir quelle industrie sera obligée de quémander un surplus, même si elle doit payer 50$ ou 100$ si elle dépasse le quota. Comment cela fonctionnera-t-il? Je ne sais pas si vous pourriez me donner des précisions.
J'aimerais aussi vous demander conseil car vous êtes plus près des populations que moi. Je suis issu d'un milieu rural et je m'aperçois que depuis 15 ou 20 ans, ce monde est presque en voie de disparition en dépit d'une bonne volonté et d'énormes énergies. Croyez-vous qu'il y aurait un avenir prometteur pour les fermes forestières si nous y mettions des conditions comme celle de devoir habiter le village ou tout près du village pour avoir la permission de vivre de la forêt? On pourrait aussi songer à vendre ou louer les terres; ce sont d'autres considérations. Y a-t-il un avenir pour le monde rural et cet avenir pourrait-il se bâtir indirectement par des fermes forestières?
M. de Marsh: Je demeure dans un petit village et je m'inquiète énormément de l'avenir de nos jeunes. J'ai un fils de 14 ans. Demeurera-t-il chez nous ou tout près? Déménagera-t-il à Toronto ou Vancouver? Je ne le sais pas. Cette préoccupation n'est pas nouvelle, mais les conditions actuelles changent tellement vite que ça devient de plus en plus pénible. La forêt ne peut exister sans une population qui la soigne. Et ce sont les propriétaires qui peuvent le mieux la soigner. En principe, il y a un grand avenir pour les fermes forestières, que ce soit à plein temps ou à temps partiel. Je possède 300 acres, 125 hectares de bonnes terres. Elles suffisent à générer 40 p. 100 d'un revenu raisonnable; c'est idéal pour une personne qui a d'autres sources de revenu.
M. Canuel: Elle ne pourrait pas en vivre uniquement.
M. de Marsh: Je ne pourrais pas avoir en même temps un travail en ville à plein temps. Oui, il y a un grand avenir si, pour en revenir aux recommandations que je formulais à votre comité, nous réussissons à débloquer certaines politiques fédérales qui nous nuisent à l'heure actuelle.
Quant aux subventions, je ne puis que répéter ce que j'ai déjà dit: c'est très regrettable d'avoir subi des réductions budgétaires de 100 p. 100 d'un seul coup. Par contre, il n'est pas trop tard pour trouver des moyens de faire une transition.
La majorité d'entre nous n'aiment pas les subventions, étant férocement indépendants d'esprit et préférant autant que possible vivre de leur propres moyens avec les revenus qui proviennent du marché. Nous n'en sommes toutefois pas encore là. Quant à nous, une transition progressive, bien planifiée et bien ordonnée serait très souhaitable. Et ce n'est pas trop tard.
Il est regrettable que Mme Lachapelle soit partie; elle aurait pu mieux répondre à votre question sur l'exportation du bois de construction aux États-Unis. Je ne suis pas un expert dans ce domaine. Je sais seulement que certains analystes de l'industrie croient que les effets ne seront pas tellement importants parce que, semble-t-il, les conditions de l'entente permettraient une grande souplesse dans l'application selon le niveau de demande aux États-Unis. Il serait préférable que vous adressiez votre question aux experts.
[Traduction]
M. Thalheimer (Timmins - Chapleau): Quel rôle envisagez-vous pour le gouvernement dans le domaine du développement économique rural et des ressources naturelles, soit essentiellement dans les domaines de l'exploitation minière, de la sylviculture, de l'agriculture et des pêches? Je suppose que lorsque vous avez... Nous exploitons nos mines ainsi que nos forêts, et nous nous adonnons à l'agriculture. De toute évidence, des services sont nécessaires dans ces domaines. On peut fournir certains des services nécessaires, pourvu qu'on en récupère le coût.
Dans les secteurs des mines, des forêts, des pêches et de l'agriculture, de quelle façon, à votre avis, le gouvernement peut-il aider les industries à exploiter ces ressources naturelles dans les régions rurales, sans oublier évidemment l'importance des ressources humaines?
La tendance aujourd'hui est de s'installer dans les régions urbaines, où se trouvent les écoles et les hôpitaux, afin d'éviter les déplacements. On a fait la même chose au lac Détour. La solution est-elle de se débarrasser de ces petites localités?
Autrefois, une ville se constituait autour d'une mine. Le problème, c'est évidemment que lorsque le gisement est épuisé, la ville disparaît.
À votre avis, comment le gouvernement peut-il aider l'industrie à attirer les travailleurs et les services dans certaines régions éloignées?
M. Colin Seeley (Placer Dome Canada Limited): Le gouvernement pourrait sans doute s'y prendre de diverses façons.
L'infrastructure revêt certainement une grande importance. Prenons le cas de Musselwhite. Notre compagnie assume le coût total de la construction d'une ligne électrique de 200 kilomètres à destination de ce site. Ce projet avait été rejeté il y a plusieurs années en raison du coût de l'infrastructure, et ce n'est que parce que sa situation économique le lui permet à l'heure actuelle que Placer peut construire une route de 43 kilomètres au coût de 7 millions de dollars. La ligne électrique coûte, quant à elle, 15 millions de dollars. C'est ce qu'il en coûte pour construire ces deux infrastructures. À cela il faut ajouter le coût de la construction du site lui-même ainsi que des activités minières. Le gouvernement pourrait donc participer au financement de l'infrastructure.
Prenons le cas d'une collectivité non autochtone, celle de Pickle Lake. L'une des raisons pour lesquelles nous n'avons pas jugé bon d'installer nos gens dans cette localité, c'est que l'enseignement ne dépasse pas le niveau de la neuvième année. Pour poursuivre des études plus poussées, les enfants doivent aller à l'extérieur de la localité. Cela ne rend pas notre tâche plus facile quand nous cherchons à attirer des travailleurs dans cette région.
On pourrait aussi sans doute améliorer les installations médicales dans cette région. Pickle Lake est très bien situé, en ce sens qu'à partir de cette localité on pourrait desservir toutes les collectivités autochtones du nord-ouest de l'Ontario. À l'heure actuelle, c'est Sioux Lookout qui est plus ou moins le centre de services.
Notre société joue un rôle plus important dans les localités autochtones que dans les localités non autochtones. Nous comptons recruter une bonne partie de notre main-d'oeuvre dans les localités autochtones. Nous sommes bien conscients du fait que le taux de chômage dans ces localités est très élevé et qu'il atteint même 90 p. 100 dans certains cas.
Un projet comme celui de Musselwhite pourrait avoir un impact très positif sur le bien-être de ces collectivités, mais il faudra améliorer les services éducatifs dans cette région si l'on veut que les travailleurs aient la formation nécessaire pour utiliser la technologie très moderne qui sera en usage dans une mine comme celle de Musselwhite.
M. Thalheimer: Ce qui se produit dans les régions rurales au Canada... Vous parlez là d'une région très éloignée, mais il y en a d'autres qui le sont moins. Prenons le cas de Timmins. Les enfants des localités avoisinantes, comme Gogama, viennent poursuivre leurs études secondaires à Timmins, et c'est aussi dans cette ville que les gens trouvent les services médicaux qui leur sont nécessaires. Certains enfants doivent se lever à 4 heures le matin pour aller à l'école et retournent chez eux à 20 heures.
Quel rôle le gouvernement peut-il jouer? J'ai l'impression que si le gouvernement offrait des incitatifs financiers aux gens, comme des salaires plus élevés ou une réduction d'impôt, ils accepteraient de se passer de certains services. On ne peut pas construire un hôpital, une école secondaire ou une université dans chaque petite localité. Je suppose que si on accordait aux personnes qui vivent dans ces localités des avantages fiscaux ou un salaire horaire plus élevé, elles ne refuseraient pas d'envoyer leurs enfants à l'école secondaire à Toronto, Barrie ou Sudbury.
J'essaie de vous faire comprendre que les gens sont surtaxés dans les régions rurales, ce qui constitue un grave désavantage. Il faut des gens dans les régions rurales si l'on veut développer l'économie de ces régions et si l'on veut pouvoir exploiter les ressources naturelles comme les ressources minières. Le plus grand problème, à mon avis, c'est de trouver une façon d'attirer les gens dans ces régions.
M. Seeley: Je suis d'accord avec vous pour dire qu'au lieu de fournir l'infrastructure ou les services scolaires qu'on aimerait avoir idéalement, on pourrait offrir un crédit d'impôt ou un allégement fiscal quelconque qui tiendrait compte du coût élevé de la vie dans les régions rurales et du fait qu'elles sont moins accessibles.
M. Thalheimer: Certaines personnes quittent la campagne pour s'installer en ville parce que les impôts fonciers à la campagne sont aussi élevés, alors qu'on ne leur offre aucun service. Supposons que ces gens vivent à 50 ou à 100 milles d'un centre urbain. Comme leurs taxes municipales sont aussi élevées que s'ils vivaient au centre-ville d'Ottawa, ils décident de finalement s'y installer. Leurs fermes se trouvent à 60 ou à 100 milles de la ville, et, pour poursuivre leurs études, leurs enfants doivent aller en ville.
Voilà, à mon avis, le principal obstacle au développement économique des régions rurales. Les exploitations agricoles sont normalement situées plus près des centres urbains dans le Sud, mais les gisements miniers et les forêts se trouvent dans des régions plus éloignées. Il nous faut attirer des gens dans ces régions et les amener à accepter moins de services en retour de quelque chose. Mais quoi? Comment aborder ce problème? Quel devrait être le rôle du gouvernement? Le problème est bien réel à mon sens.
M. Seeley: C'est vrai. Il faut comprendre que, d'une part, nous voulons toutes les choses que peut nous procurer le dollar d'impôt et que, d'autre part, nous sommes réticents à investir ce même argent. Nous sommes donc un peu coincés.
Je pense qu'il vous faut examiner la situation dans son ensemble et décider s'il est préférable de créer ces emplois, d'avoir des travailleurs qui paient des impôts au lieu d'avoir des chômeurs qui ne paient pas d'impôt et qui en fait drainent le système en recourant à des mécanismes comme l'assurance-chômage ou le bien-être social.
Il y a énormément d'occasions de créer des emplois dans ces régions reculées. Vous avez tout à fait raison de dire que pour stimuler efficacement l'emploi il faut reconnaître les problèmes et les difficultés que pose aux sociétés l'accès à ces endroits reculés et leur offrir un allégement fiscal quelconque, si tant est que vous n'êtes pas disposé à fournir l'infrastructure elle-même.
Nous sommes disposés à construire une ligne électrique, mais il pourrait certainement y avoir une formule qui nous permettrait de récupérer notre investissement. On pourrait nous garantir un certain rendement sur cet investissement en contrepartie des emplois que nous créons. Or, ce n'est pas ce qui se passe à l'heure actuelle.
Prenons l'exemple du projet Musselwhite. Je peux vous dire que Placer a fait un acte de foi en s'engageant dans ce projet, car le côté économique est extrêmement serré. Nous sommes confiants que tout tournera pour le mieux, mais il s'agit d'un investissement très risqué. Cependant, le projet créera quelque 300 emplois directs, et vous pouvez multiplier ce chiffre par deux et demi pour obtenir le nombre d'emplois indirects. Sans compter que le projet servira de catalyseur au développement futur de toute la région. Les retombées seront donc très importantes.
Vous voulez encourager des sociétés à s'intéresser à ces gisements éloignés et les convaincre qu'elles peuvent aller de l'avant et les mettre en valeur. Que l'on décide de fournir l'infrastructure ou d'envisager sérieusement la viabilité d'un crédit d'impôt, le calcul n'est pas trop difficile à faire.
Je vais vous donner un exemple. La mine Endako, en Colombie-Britannique, a fermé en 1983 en raison du déclin du prix du molybdène. Nous l'avons rouvert en 1986, dans un marché qui était pire que celui qui en avait provoqué la fermeture. Nous avons fait du lobbying auprès du gouvernement pour qu'il nous accorde un rabais sur l'électricité. On laissait l'eau passer par-dessus le barrage parce qu'on ne pouvait pas vendre l'électricité produite par les génératrices. Nous avons demandé au gouvernement de nous vendre cette électricité à rabais - non pas à un prix inférieur au coût de production, mais à un prix égal au prix de production en y ajoutant une marge de profit. Nous avons donc demandé qu'on nous vende cette électricité à un prix inférieur à celui prévu dans le barème tarifaire en application. En contrepartie, nous avons promis de créer 200 emplois, d'employer directement 200 personnes.
Il n'est pas compliqué de calculer combien coûtent 200 personnes qui vivent de l'aide sociale par rapport à 200 personnes qui produisent du molybdène et qui paient des impôts. La comparaison est simple.
M. Thalheimer: J'ai une autre question, si vous me le permettez.
Le président: Dans ce cas, je vous demanderais de prendre le fauteuil et de poser votre question à titre de président. Je dois me rendre à la Chambre pour y prononcer un discours. Veuillez m'excuser.
Le vice-président (M. Thalheimer): Certains témoins nous ont parlé de valeur ajoutée à nos produits forestiers, miniers, etc. Mais, encore une fois, le problème se pose en termes de personnel. Si nous voulons donner une valeur ajoutée aux produits miniers ou forestiers, il faudra attirer davantage d'habitants dans les régions rurales. On en revient toujours au problème de base: comment traite-t-on les travailleurs de ces régions? Nous pouvons y créer de nombreux emplois, et je pense que les gens suivront. Ils sont prêts à faire énormément de sacrifices, mais pas à accepter tout ce qu'on leur demande à l'heure actuelle. Devoir conduire 60 milles pour envoyer son enfant à l'école, ou l'y envoyer par autobus, c'est un prix très élevé à payer.
Mme Wykes: Puis-je me servir de certains renseignements que m'a communiqués Colin tout à l'heure pour étayer ses propos?
Vous avez mentionné que les travailleurs de la mine n'y habitent pas toujours. En fait, Colin vient tout juste d'expliquer pourquoi. J'ajouterai ceci. Même si les travailleurs de Musselwhite n'y vivent pas, les habitants de Pickle Lake tirent des avantages énormes de la mine. Ils tirent parti d'un achalandage accru, de toutes les industries connexes, des entreprises qui naissent dans les communautés environnantes. Des groupes autochtones sont propriétaires et gestionnaires, par le biais d'accords conjoints, d'un grand nombre d'entre elles, ou à tout le moins de certaines d'entre elles. Par conséquent, même si tous les travailleurs de la mine ne vivent pas dans son voisinage immédiat, bien des avantages locaux découlent de sa présence.
Le vice-président (M. Thalheimer): À une époque, les sociétés minières construisaient la mine, construisaient des logements et fournissaient tous les services connexes. Maintenant, dans des régions comme Pickle Lake, Kapuskasing, Timmins et dans toutes sortes de centres urbains plus gros, les habitants se plaignent que le service téléphonique est lamentable et qu'ils n'ont pas accès à l'Internet. Le gouvernement devrait-il offrir ce service à ces collectivités pour que leurs habitants puissent être des entrepreneurs concurrentiels dans le monde d'aujourd'hui? Aujourd'hui, il est impossible de faire des affaires sans ligne téléphonique.
M. Seeley: C'est exact. Si vous voulez que ces régions soient attrayantes, c'est certainement le genre de choses qu'il faut fournir. Le gouvernement peut jouer un rôle en installant une partie de l'infrastructure.
Le vice-président (M. Thalheimer): L'industrie minière ne peut pas faire tout cela. Si vous deviez fournir l'infrastructure et en absorber le coût intégral, la mine ne serait pas viable. C'est donc le rôle que doit assumer le gouvernement pour générer une économie prospère dans les régions rurales du Canada.
M. Seeley: Je pense que nous sommes d'accord là-dessus. Le gouvernement peut prendre certaines initiatives fondées sur le barème d'imposition de l'industrie ou accorder un crédit d'impôt aux sociétés minières. Ainsi, si une entreprise construit un centre médical communautaire à Round Lake, cet investissement pourrait être compensé sur le plan fiscal sous la forme d'un crédit d'impôt.
Le vice-président (M. Thalheimer): J'espère que je n'ai pas abusé de ma fonction de président. Je vais donc vous laisser...
M. Reed: Merci, monsieur le président. Vous en avez abusé à bon escient, puisque nous avons été en mesure d'entendre certains propos que je voudrais relever.
Madame Wykes, vous avez fait une observation qui m'a frappé et qui m'apparaît très importante. Vous avez dit que l'industrie minière voulait «adopter» certains députés des milieux urbains. Je pense qu'une telle initiative, plus qu'aucune autre, réussirait à sensibiliser le corps politique très rapidement à cette réalité.
À ce sujet, une constatation s'impose. En tant que nation, nous sommes passés d'une société agricole et d'une société de chasseurs et de cueilleurs dans le Nord à une société où plus de 90 p. 100 d'entre nous vivent dans des milieux hautement urbanisés. Nous avons quitté la campagne depuis maintenant trois générations et, dans certains endroits, depuis plus longtemps. Ce qui se passe, c'est que même si les centres urbains, parce qu'ils sont densément peuplés, conservent le pouvoir électoral, les habitants de ces agglomérations urbaines formulent souvent des opinions et des politiques fondées sur des mythes passés ou, parfois, sur des mythes issus de divers groupes d'intérêts.
Jusqu'à très récemment, ma femme enseignait au niveau primaire dans un centre urbain situé à une concession et demie d'une ferme laitière, et pourtant ses élèves croyaient tous que le lait venait de contenants en carton.
C'est un phénomène qui touche aussi les adultes. Dans le contexte de l'exploitation forestière, on considère Temagami comme une région sauvage. Lorsque j'essaie d'expliquer que l'une des raisons pour lesquelles la forêt de Temagami est tellement importante, c'est qu'elle a été coupée deux fois et que la troisième fois se fait attendre, cela évoque soudain des images terribles. C'est un peu la même chose dans le domaine minier. Cela évoque la vision d'une montagne de déchets, d'un gros trou et de déversements d'acide dans les ruisseaux, à la suite de la lixiviation.
Pourtant, le fait est que si l'on rassemblait la superficie de toutes les mines du Canada, on pourrait toutes les mettre dans la région métropolitaine de Toronto. Il subsiste beaucoup d'idées fausses à ce sujet.
Je vous félicite de votre travail. Je vous conseille fortement de continuer, parce que, selon moi, vos activités vont jouer un rôle très important dans l'élaboration de la politique. Je suis certain que personne dans le nord de l'Ontario, par exemple, ne veut avoir l'impression que leur gouvernement se compose uniquement de gens qui habitent au sud de la route 401. C'est cependant ce qui semble arriver.
Je voudrais dire un mot au sujet des boisés, monsieur de Marsh. Vous dites qu'on pourrait facilement doubler les recettes produites par les boisés. Je suis tout à fait d'accord avec vous, mais je pense que ce pourrait être davantage encore.
J'habite le sud de l'Ontario, où il y a beaucoup d'exploitations agricoles. Pendant bien des années, on n'a rien fait pour exploiter les boisés des régions agricoles. Je ne sais pas exactement pourquoi; on pensait peut-être que ce n'était pas rentable. Je sais pourtant que, grâce à une bonne gestion, on peut augmenter considérablement la productivité d'un boisé agricole au cours des années. Il n'y a cependant pas beaucoup de boisés agricoles qui sont bien exploités ou bien gérés selon les principes du développement durable. En général, ils ne sont pas gérés du tout. On les laisse à l'abandon. Je pourrais vous amener dans bon nombre de boisés à quelques milles de ma ferme, et vous verriez tout de suite qu'on aurait dû couper le bois dans tel boisé ou dans tel autre. Vous demanderiez sans doute pourquoi telle espèce pousse là, etc.
Je sais que l'un des problèmes des propriétaires de boisés, c'est qu'ils les ont négligés pendant des années et ne savent pas très bien comment trouver des marchés, notamment pour des bois durs qui, dans bien des cas, pourraient être très rentables.
Votre organisme aide-t-il les propriétaires à se trouver des débouchés? Comment peut-on établir le lien entre vos activités et l'agriculture? Comment pouvons-nous dire aux agriculteurs propriétaires de boisés, et il y en a beaucoup: voici comment vous pourriez exploiter votre boisé et augmenter vos recettes?
M. de Marsh: Il existe des services de ce genre un peu partout dans le pays. En Ontario, l'association affiliée au groupe national est l'Ontario Woodlot and Sawmill Operators Association. C'est un organisme qui a été créé il y a quelques années à peine, mais il fait beaucoup pour fournir ce service et d'autres. Je vous donnerai volontiers une liste de personnes avec qui vous pourriez communiquer si cela vous intéresse.
M. Reed: Monsieur le président, c'est l'un des domaines où il existe des liens entre une autre activité et l'agriculture et où l'on pourrait faire beaucoup pour favoriser le développement rural. Malheureusement, c'est un secteur que l'on a bien négligé dans le sud de l'Ontario ces dernières années. Je vous remercie du renseignement et je serai ravi d'obtenir cette liste.
Le vice-président (M. Thalheimer): J'imagine que si vous quittez la politique, Julian, la politique disparaîtra aussi.
M. Reed: Voulez-vous dire que j'ai abusé de mon poste à Ottawa, monsieur le président?
Le vice-président (M. Thalheimer): Je tiens à remercier tous nos témoins d'être venus aujourd'hui. Cela a été très instructif.
Mme Wykes: Merci.
Le vice-président (M. Thalheimer): Comme il est 17 heures, nous allons lever la séance.